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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Olivier Carré, Président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Patrick Hetzel, directeur général pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et Alain Neveü, responsable du service « Grands projets immobiliers » du même ministère, sur les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur

M. Olivier Carré, Président. Nous abordons à présent d’autres sujets devant des interlocuteurs en partie renouvelés, M. Patrick Hetzel nous ayant rejoint.

M. Alain Claeys, Rapporteur. La définition des appels à projet par le ministère dans l’opération Campus est-elle conciliable avec l’autonomie des universités ?

M. Patrick Hetzel, directeur général pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle. L’autonomie est sans conteste un levier d’action des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Elle ne se confond pas néanmoins avec l’indépendance, puisqu’ils sont aussi des opérateurs publics concourant à la mise en œuvre de politiques définies par le ministère. Ce dernier demeure donc garant de l’articulation de leurs actions avec le niveau national.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Je comprends que les diplômes resteront nationaux et je m’en félicite !

M. Pierre Lasbordes. Quels critères de gouvernance les universités doivent-elles réunir pour que leurs projets soient retenus ? Comment Saclay a-t-elle ainsi pu manquer la première marche ?

M. Patrick Hetzel. S’agissant des initiatives d’excellence, le cahier des charges prévoit que les établissements rendent compte de la manière dont ils prennent leurs décisions. C’est donc moins la gouvernance en tant que telle que le processus décisionnel qui entre en considération. Le président de jury s’est ainsi employé à vérifier la cohérence entre les objectifs à atteindre et la démarche proposée pour y parvenir. Je rappelle au demeurant que, dans le cadre des initiatives d’excellence, les attributions de crédits ne sont définitives qu’au terme d’une période probatoire de quatre ans souhaitée par le Parlement.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. La Cour des comptes s’inquiète dans son référé du 21 mai 2010 de l’« empilement des labels et structures » induit par le plan Campus qui venait à peine d’être lancé. Sans remettre en cause les regroupements d’établissements en tant que tels, il a privilégié dix regroupements en particulier, laissant se défaire certains regroupements qui s’étaient amorcés.

La Cour des comptes exprimait ainsi une demande de stabilisation des structures, constatant que de nouvelles initiatives de regroupements commencent tous les deux ans, sans que les précédentes n’aient eu le temps d’aboutir, ni même seulement d’arriver à maturité. Que répondez-vous ?

M. Patrick Hetzel. La loi sur la recherche de 2006 a prévu quatre formules juridiques différentes pour établir les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) : association à but non lucratif de la loi de 1901, groupement d’intérêt public, fondation de coopération scientifique ou établissements publics de coopération scientifique. Cette dernière formule est la plus utilisée.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Dans le référé de mai 2010, le premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, souligne que ces pôles ne peuvent réussir qu’à la condition que les établissements leur transfèrent des compétences.

M. Patrick Hetzel. Nous avons continué de mettre à profit l’expérience des PRES, qui permettent de coordonner l’action entre établissements, tant à l’échelle régionale que métropolitaine ou inter-régionale. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a annoncé devant la représentation nationale que, dès lors que les établissements prévoiraient quelles compétences ils entendent transférer aux PRES, et avec quels moyens pour les mettre en œuvre, une négociation contractuelle devenait possible avec les PRES.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Vous privilégiez donc une forme juridique précise et le transfert de compétences vers les PRES ainsi constitués. Cela vous conduit-il à une réévaluation des opérations du plan Campus ? Combien sont-elles gérées par des PRES, hors Paris ?

M. Alain Neveü, responsable du service « grands projets immobiliers » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Hors Paris, six opérations campus sont gérées par des PRES EPCS. Les exceptions sont : Strasbourg où le porteur de projet est l’université fusionnée, Condorcet et Saclay où le porteur de projet est une fondation de coopération scientifique (à Saclay, deux PRES sont en présence). Au 1er janvier 2012, le nombre de PRES sera identique mais deux modifications seront intervenues : à Condorcet un PRES EPCS aura été substitué à la FCS comme porteur de projet, à Aix-Marseille l’université fusionnée se substituera au PRES. Des conventions d’ingénierie de projet signées début 2010 sur chaque site par l’ensemble des établissements impliqués confient au PRES la responsabilité du projet.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Si la gouvernance est assurée, quels sont les problèmes qui restent en suspens ?

M. Patrick Hetzel. Tous les PRES n’ont pas atteint le même niveau de maturité ou le même degré de coopération, certains devant progresser dans la gouvernance de leurs projets.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Fin 2011, sur les cinq milliards consacrés au plan Campus, combien de crédits de paiement sont-ils déjà dépensés ?

M. Alain Neveü. La dotation de capital reste dans les caisses de l’ANR. En 2011, les porteurs de projet bénéficieront de subventions de l’ANR grâce aux revenus produits par les intérêts (270 millions d’euros au titre des années 2010 et 2011).

M. Alain Claeys, Rapporteur. À combien cela se chiffre-t-il pour un PRES ?

M. Alain Neveü. Il faut tabler sur deux cents millions d’euros par an pendant vingt-cinq ans, ce qui représente une capacité d’investissement de deux milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les crédits alloués par les collectivités territoriales (plus de 800 millions d’euros). Saclay bénéficie en outre d’un milliard consomptible.

M. Patrick Hetzel. Cette démarche est coordonnée avec l’initiative en faveur des investissements d’avenir dans les universités, grâce aux contrats signés avec les établissements publics de coopération scientifique et avec les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Le ministère veille à assurer la cohérence entre les projets d’excellence et les contrats signés avec l’État.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Le Parlement, et particulièrement la commission des finances, a besoin d’informations consolidées. La question, qui d’ailleurs est à l’origine de la création de cette mission d’évaluation, est de savoir si vous disposez, aujourd’hui, des outils qui permettent d’avoir une vision consolidée de l’ensemble des financements extrabudgétaires et budgétaires alloués au plan Campus. Il s’agit là d’une question essentielle.

M. Olivier Carré, Président. Par mon expérience personnelle et même si sur le fond, c’est très différent, je voudrais faire le parallèle avec le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU. Dans ce cadre, on trouve également une large part de financements extrabudgétaires, avec des plans, des engagements, des logiques d’investissements à long terme, des opérations complexes mais qui font l’objet d’un suivi, parfaitement réalisé, de toute l’évolution de la dépense.

Donc, la puissance publique sait faire et même de façon multipartenariale, avec des financements très complexes et le résultat est clair. Pour le plan Campus, avons-nous ces outils ?

M. Patrick Hetzel. Hors les investissements d’avenir pour lesquelles le processus est encore en cours, aujourd’hui, sur l’opération Campus, on identifie clairement les sommes affectées aux bénéficiaires, puisque les porteurs sont les PRES.

Pour les investissements d’avenir, nous élaborons une base de données partagée entre le Commissariat général à l’investissement – CGI -, l’Agence nationale de la recherche
– ANR - et le ministère pour pouvoir consolider à l’échelle des opérateurs les différents financements.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quand ces outils seront-ils opérationnels ?

M. Patrick Hetzel. J’espère d’ici la fin de l’année.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Pourrons-nous en disposer d’ici le prochain débat budgétaire ?

M. Patrick Hetzel. Je n’en suis pas sûr. Mais nous y travaillons déjà. Ensemble (le ministère, l’ANR et le CGI), nous avons considéré qu’il s’agissait d’un élément essentiel et que nous ne devions pas attendre la fin du processus pour élaborer notre base de données.

M. Olivier Carré, Président. Le commissaire général à l’investissement nous a expliqué, au cours d’une réunion récente du conseil de surveillance, que les dévolutions de crédits ont bien été faites à l’ANR. Au niveau global, pour vérifier l’usage des 35 milliards d’euros qu’allait faire chacun des opérateurs, il demande des conventionnements particuliers à chacun d’eux, sur lequel il a sa propre opinion sur l’évaluation d’un juste retour des bénéfices par rapport aux investissements réalisés. Pour ce faire, il s’appuie sur des techniques de commissariat aux comptes, c’est-à-dire des procédures originales par rapport au mode de fonctionnement habituel du contrôle public. Nous disposons donc de ces éléments qui peuvent être intéressants. Mais qu’est-ce qu’ils apportent ? Est-ce que cela ajoute de la complexité ? Quelle est votre participation à l’élaboration de ces outils de contrôle ?

M. Patrick Hetzel. C’est effectivement un élément supplémentaire de complexité car ce sont des outils qu’il faut construire. Nous gérons les conventions de financement signées par les bénéficiaires finaux avec l’ANR dans lesquelles sont prévus ces outils de suivi. Ainsi, l’ANR dispose d’un outil de reporting –– de données consolidées –– qui remontent au comité de pilotage pour chacune des actions. Cette procédure de reporting est donc bien en place, du bénéficiaire vers l’ANR et de l’ANR vers le comité de pilotage, lui-même constitué du CGI, du ministère et de l’ANR en tant qu’opérateur.

M. Jean-Pierre Gorges. J’aimerais souligner une double question. La première porte sur la conjugaison des priorités : seule une vision consolidée des financements apportés dans le cadre du plan Campus et des dépenses d’avenir permettra de voir s’il y a résonance des priorités ou bien si leur mise en œuvre ne s’apparente pas plutôt à une politique de saupoudrage ou de distribution sous la forme d’un guichet classique.

La seconde interrogation porte sur la consolidation globale entre les financements budgétaires et les financements extrabudgétaires. Jusqu’à présent, l’enseignement supérieur et la recherche étaient l’objet de financements d’origine principalement budgétaires. À ce stade, il faut se demander si le niveau de ces financements budgétaires est maintenu – compte tenu bien sûr des évolutions globales du budget de l’État – ou bien si la mise en œuvre de ces opérations exceptionnelles (plan Campus et dépenses d’avenir) n’est pas l’occasion de diminuer la part des financements d’origine budgétaires, soit pour réduire de manière générale le budget global de l’État, soit pour les attribuer à d’autres. La question se pose également de savoir si, les financements extrabudgétaires allant prioritairement aux grands établissements d’excellence sélectionnés, est-ce que la masse de crédits budgétaires dès lors récupérés est allouée à des établissements n’étant pas désignés comme prioritaires et ainsi au final, tout le monde est financé ? Pour résumer, est-ce qu’en consolidant annuellement les sommes budgétaires et extrabudgétaires, les financements de l’enseignement supérieur et de la recherche sont en croissance ou observe-t-on des effets de transfert ou d’éviction, qui viendraient en atténuation de la politique de concentration des financements sur des sites prioritaires ?

M. Alain Claeys, Rapporteur. À défaut de pouvoir bénéficier de tous les indicateurs dès cette année, je pense qu’il est tout à fait nécessaire que nous ayons une photographie de l’ensemble de ces financements.

M. Olivier Carré, Président. À propos de ces financements, nous raisonnons ici sur une partie de flux, constitués par les intérêts des dotations non consomptibles, qui, dans le cas présent, ont l’avantage d’être sanctuarisés, à l’inverse des dotations budgétaires, soumises aux aléas de l’évaluation annuelle du vote du budget. La partie sanctuarisée permet donc de contractualiser des investissements pluriannuels de façon assez robuste, ce qui est un élément intéressant pour les pôles qui bâtissent leur projet.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quel est le taux de réalisation des contrats de projets État-régions ?

M. Alain Neveü. Au 31 décembre 2010, le taux de réalisation est de plus de 50 %, pour l’actuelle programmation qui couvre la période 2007-2013.

M. Patrick Hetzel. Et c’est un meilleur taux que celui obtenu sur la période précédente.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Avec ces opérations Campus, comment appréhendez-vous la question de la dévolution du patrimoine ?

M. Patrick Hetzel. Aujourd’hui, deux universités sont concernées par cette dévolution : l’université d’Auvergne et le 13 mai prochain, l’université de Toulouse 1.

Nous avons constitué un groupe de travail qui fonctionne depuis presque deux ans avec une dizaine d’universités (y compris les deux citées à l’instant). La question de la dévolution est très étroitement liée à l’existence, à l’intérieur de l’établissement, d’une compétence de gestion immobilière. Celle-ci doit se construire car nous avons demandé un certain nombre de schémas prévisionnels aux universités intéressées par l’obtention de cette dévolution immobilière. C’est là un travail important qui est réalisé avec ces établissements d’enseignement supérieur et de recherche, pour lesquels il faut le souligner, la gestion immobilière n’est pas le cœur de métier. Pour les deux établissements cités précédemment, la stratégie immobilière vient en appui et renforce une stratégie d’ensemble déjà fixée.

M. Olivier Carré, Président. Messieurs, nous vous remercions.