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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 18 heures 15

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Olivier Carré, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Guin, directeur des affaires financières du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, accompagné de Mme Chantal Chambellan-Le Levier, sous-directrice du budget pour la mission Recherche et enseignement supérieur ; et de M. Patrick Hetzel, directeur général pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, sur les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur

M. Olivier Carré, Président. Nous sommes maintenant rejoints par M. Frédéric Guin, directeur des Affaires financières du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, accompagné de Mme Chantal Chambellan - Le Levier, sous-directrice du budget pour la mission Recherche et enseignement supérieur. Je remercie M. Hetzel de sa proposition de rester parmi nous. Cela ne pourra que nourrir encore davantage les échanges. L’un de nos rapporteurs a d’emblée une question à vous poser, monsieur le directeur des Affaires financières.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Qu’est-ce que les nouveaux financements extrabudgétaires ont changé pour vous ? Avez-vous élaboré de nouveaux outils d’évaluation ?

M. Frédéric Guin, directeur des Affaires financières du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Permettez-moi tout d’abord de préciser le périmètre de compétences de la direction dont j’ai la charge. Étant rappelé que nous intervenons exclusivement dans les domaines budgétaire, financier et comptable, nous avons un rôle classique de coordination et de synthèse budgétaire lors de l’élaboration du projet de loi de finances, de sa discussion avec Bercy, de son examen au Parlement puis, au fil de l’exercice, de pilotage et de suivi de son exécution, en lien constant et étroit avec la direction générale de l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle et la direction de la Recherche et de l’innovation. Nous pouvons également faire bénéficier, à leur demande, le cabinet ou les autres directions de notre expertise. Au-delà de ces rôles traditionnels, la direction des Affaires financières a hérité de la responsabilité des programmes Projets thématiques et d’excellence et Pôles d’excellence, représentant à eux deux 18,5 des 21,9 milliards d’euros alloués à l’enseignement supérieur et à la recherche par la loi de finances rectificative pour 2010 au titre du plan « Investissements d’avenir ».

En tant que directeur des Affaires financières et directeur de programme, cette dernière fonction exigeant plus que toute autre d’être exercée de manière collégiale, j’assure le suivi des investissements d’avenir au sein du comité de pilotage ministériel et des comités existant pour chacune des actions.

Enfin, étant depuis quelques mois membre du conseil d’administration de l’ANR, je peux suivre la façon dont l’Agence retenue pour mener à bien les investissements d’avenir, s’acquitte de cette tâche et rend compte de son action.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Nous avons bien compris votre mission.

Le sujet est complexe. Des annonces ont été faites, desquelles on espère beaucoup, qu’il s’agisse de l’opération Campus ou du plan « Investissements d’avenir ». Mais il est aujourd’hui difficile de s’y retrouver et de communiquer à ce sujet, notamment d’un point de vue politique. Or, des échéances électorales approchent qui exigeront que nous le fassions…. Notre commission des Finances pourrait-elle disposer d’un tableau de bord régulièrement actualisé qui nous permettrait de suivre en temps réel les crédits engagés et les crédits décaissés ? Si nous parvenions simplement à avoir un tel document, notre mission serait quasiment terminée sur le sujet !

Il est clair qu’on a eu recours aux financements extrabudgétaires car l’État n’avait plus les moyens d’investir avec des crédits budgétaires. C’est, de même, la limitation des moyens qui a conduit à développer les partenariats public-privé. Les dotations de l’opération Campus sont non consomptibles, c’est-à-dire que les universités ne peuvent utiliser que les intérêts produits par leur placement sur un compte du Trésor. Les partenariats public-privé aboutissent à « transformer » des dépenses d’investissement en dépenses de fonctionnement. Comment le citoyen, qui n’a pas les compétences des conseillers maîtres de la Cour des comptes, dont les travaux nous éclairent, peut-il s’y reconnaître ? Pourriez-vous nous fournir un document nous permettant de savoir où on en sont les dépenses ? Ce qui nous importe au final, à nous comme à nos concitoyens, est de savoir où en sont les projets, s’ils ont été menés à bien et, s’ils ne l’ont pas encore été, à quelle échéance ils le seront.

M. Olivier Carré, Président. Quand il s’agit de construire plusieurs centaines de mètres carrés de locaux, on comprend que cela ne puisse pas se faire en dix-huit mois !

M. Alain Claeys, Rapporteur. Lorsqu’ont été imaginés tous ces montages financiers extrabudgétaires, a-t-on parallèlement mis au point des indicateurs de suivi ?

M. Olivier Carré, Président. Une autre de nos craintes est que sous la pression budgétaire, ces 35 milliards d’euros de financements innovants ne soient utilisés pour des opérations de droit commun. Certains domaines seront-ils sanctuarisés ? Si oui, lesquels et pourquoi ? D’autres au contraire verront-ils leurs crédits, y compris d’intervention, diminuer ? Pouvez-vous nous aider à y voir clair, à la fois dans la volonté politique et sa traduction sur le terrain ?

M. Alain Claeys, Rapporteur. Rapporteur spécial des crédits de la recherche dans les domaines du développement durable, je sais par exemple que pour l’ADEME, on est passé de crédits budgétaires à des financements extrabudgétaires pour un montant de quelque 400 millions d’euros. Il est beaucoup plus difficile d’y voir clair dans les financements extrabudgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur pour lesquels on ne semble pas disposer d’outils d’évaluation. À quel rythme les crédits sont-ils consommés et existe-t-il des mouvements entre crédits extrabudgétaires et crédits budgétaires ?

M. Patrick Hetzel, directeur général pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle. Nous travaillons en étroite concertation avec la direction des Affaires financières. Ronan Stephan, que vous avez auditionné tout à l’heure, et moi-même sommes responsables de deux programmes budgétaires classiques, pour lesquels sont donc établis projets annuels de performances et rapports annuels de performances. Conscients de la nécessité d’assurer une cohérence d’ensemble des indicateurs, nous avons mené, en amont des projets financés par des crédits extrabudgétaires, un travail très important de façon à assurer cette cohérence. Il faut sans doute aller plus loin et nous nous y attachons.

M. Frédéric Guin. Notre souci à tous, particulièrement à la direction des Affaires financières, a été d’élaborer un tableau de bord permettant de savoir exactement où en est la consommation des crédits réservés aux investissements d’avenir, quand ceux-ci ont été versés à l’ANR, et quand celle-ci les a, à son tour, versés aux bénéficiaires funaux, le calendrier étant différent selon les actions. Ce tableau de bord existe.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Pourriez-vous nous le transmettre ?

M. Frédéric Guin. Sans problème. Cet outil est indispensable au pilotage des crédits et à l’optimisation de la ressource, laquelle n’a pas été fixée une fois pour toutes dans la loi de finances rectificative pour 2010 mais dépend, d’une part, de la répartition entre dotations en capital non consomptibles et crédits directement consommables, d’autre part de la capitalisation des intérêts sur les premières en fonction des dates de versement à l’ANR ou au bénéficiaire ultime. Le montant de la ressource disponible doit être en permanence actualisé, de façon que les versements soient ajustés en conséquence. C’est là le premier niveau de suivi, élémentaire mais indispensable s’agissant de dispositifs conjoncturels mais appelés à s’étaler sur un grand nombre d’années.

Le deuxième niveau de suivi est celui que l’ANR réalise, comme le lui prescrit la loi et comme en disposent les conventions qu’elle a pu passer avec l’État, lesquelles prévoient qu’elle rende compte trimestriellement de son action et établisse un bilan annuel pour chacune des actions. Ce sont ces comptes-rendus qui nous permettront de fournir au Parlement l’information annuelle dont il a besoin. Une annexe « jaune » sera élaborée qui sera très riche d’informations, avec une double analyse, par action et par structure bénéficiaire.

M. Olivier Carré, Président. Avez-vous les moyens d’avoir une vision consolidée des montants des plans pluriannuels envisagés par les différents maîtres d’ouvrage (PRES, universités, instituts…), qui seule permet de s’assurer de la soutenabilité financière des projets à long terme ? Les moyens prévus seront-ils suffisants, sachant qu’à côté des crédits budgétaires, il y a des crédits extrabudgétaires d’origine publique, quelques fonds privés et d’autres encore, provenant notamment de transferts de propriété immobilière ?

M. Alain Claeys, Rapporteur. Le ministère est l’ordonnateur et l’ANR le comptable.

Mme Chantal Chambellan-Le Levier, sous-directrice du budget pour la mission Recherche et enseignement supérieur. Nous sommes l’ordonnateur de premier rang. L’ANR l’est de second rang lorsqu’elle reverse les sommes aux bénéficiaires.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Vous avez raison sur le plan juridique. En un mot, l’ANR dispose-t-elle des moyens suffisants pour mener à bien ces opérations ?

M. Frédéric Guin. Nous avons eu un débat approfondi avec l’Agence pour évaluer les moyens supplémentaires qui lui étaient nécessaires à cette fin. Une décision a été prise, qui bien entendu ne correspond pas totalement à ce qu’elle avait demandé. Mais nous n’avons à ce jour aucune raison de penser que ses moyens ne soient pas suffisants. Nous aurons sans nul doute des discussions récurrentes avec elle à ce sujet.

M. Olivier Carré, Président. Sentez-vous qu’on est passé, dans les PRES et les universités ayant dès à présent fait le choix de l’autonomie, à une logique nouvelle de projet ?

M. Patrick Hetzel. Clairement oui, mais ce n’est que l’illustration d’un changement culturel plus important intervenu depuis l’entrée en vigueur de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), avec laquelle les universités ont pris conscience qu’elles étaient des acteurs de plein exercice. Lorsque nous négocions avec elles leur contrat pluriannuel, je suis aujourd’hui frappé du degré de maturité de leur réflexion stratégique. Cela a des incidences sur la manière même dont elles font évoluer leur structure. La logique de projet est de mieux en mieux intégrée : les universités s’interrogent de plus en plus souvent sur la fonction soutien ou la fonction support, sur ce qu’il est possible de mutualiser et sur ce qui relève ou non de leur cœur de métier. Avec la loi LRU, elles découvrent les marges de manœuvre dont elles disposent. En matière de gestion des personnels par exemple, elles n’ont plus besoin d’en référer au ministère lorsqu’elles souhaitent transformer un poste. Elles peuvent ainsi être plus réactives et leur démarche a gagné en souplesse. Une véritable évolution culturelle a eu lieu.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Revenons-en aux financements extrabudgétaires. Pensez-vous que l’opération Campus puisse à terme remettre en cause la nature des contrats de projet ? En régime de croisière, quelle part les crédits de cette opération pourraient-ils représenter de l’ensemble des crédits que l’État consacre aux universités ?

M. Patrick Hetzel. 200 millions d’euros par an pour dix sites, cela représente en moyenne quelque vingt millions d’euros par an et par site. Pour un important site, qui reçoit 800 millions à un milliard, le ratio sera de 2 à 2,5 %.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les contrats de projet vous paraissent-ils adaptés à la nouvelle donne ?

M. Patrick Hetzel. Pour les universités qui vont devenir propriétaires de leurs locaux, le problème ne se posera plus dans les mêmes termes. Ce sera au minimum nécessairement un contrat de projet université-État-région. L’université sera dans le tour de table et y jouera un rôle effectif, avec un pouvoir de négociation directe. On peut s’interroger sur l’après-2013, terme des actuels contrats de projet. Mais, comme vous le pressentez bien, ce n’est pas là un sujet seulement technique.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Comment, selon vous, va évoluer le nombre des universités allant devenir propriétaires de leur patrimoine ? Neuf se sont actuellement portées candidates.

M. Patrick Hetzel. On peut imaginer que ces neuf transferts-là soient effectués dans les deux années qui viennent. Pour le reste, cela ira plus ou moins vite selon les moyens mobilisés pour les mises à niveau, mais aussi pour le gros entretien et les réparations. Avec beaucoup d’allant, cela prendrait de toute façon au moins cinq ans. Mais c’est vraisemblablement plutôt une décennie qui sera nécessaire pour y parvenir.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Disposez-vous d’indicateurs de performance sur la politique menée ?

M. Frédéric Guin. S’il est difficile d’évaluer ce qu’apportent les financements extrabudgétaires en régime de croisière – j’aurais bien du mal à définir celui-ci –, il est tout à fait possible, au vu des mesures décidées dans le cadre de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 et de l’opération Campus, de savoir à combien s’élèvent les ressources supplémentaires destinées à être effectivement dépensées sur la période 2010-2020. Le total des crédits consommables des deux programmes dont j’ai la responsabilité représente un peu plus de quatre milliards d’euros. Si on ajoute les intérêts capitalisés sur la part non consomptible des dotations, cela fait un peu plus de quatre milliards supplémentaires. Avec les crédits de l’opération Campus, ce sont encore deux milliards de plus. Au total, une dizaine de milliards de crédits supplémentaires effectifs pourra être versée aux bénéficiaires ultimes sur les dix prochaines années.

Votre question renvoie en fait au troisième niveau d’évaluation, celle réalisée ex post de l’ensemble des projets. Des objectifs et des indicateurs sont en train d’être élaborés qui seront présentés au Parlement dans le « jaune » budgétaire prévu par la loi de finances rectificative. Cela étant, l’évaluation définitive, s’agissant des indicateurs ultimes, ne pourra être effectuée qu’au terme de la période de mise en œuvre des différents projets.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Des outils existent-ils permettant d’évaluer le bénéfice retiré des efforts de mutualisation dans les PRES ?

M. Patrick Hetzel. Pour la première fois cette année, nous disposons de l’évaluation, désormais systématique, effectuée sur chaque site par l’AERES, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Un travail est d’ailleurs en cours avec l’Agence pour définir des critères supplémentaires après qu’un premier bilan a été tiré. Il faut étudier de manière plus approfondie la mutualisation pour voir comment cela concourt à créer une dynamique d’ensemble.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Vous l’aurez compris, l’un de nos soucis est la traçabilité des fonds publics alloués notamment dans le cadre de l’opération Campus. C’est difficile à assurer.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Surtout lorsque s’ajoutent d’autres financements extrabudgétaires !

M. Olivier Carré, Président. La garantie de financements longs ne doit pas être le prétexte à consommer les crédits même en l’absence de besoins. J’entends bien qu’une part des dotations est non consomptible, mais les dotations normalement consommables représentent aussi des montants substantiels.

M. Pierre Lasbordes, Rapporteur. Dans le cadre des opérations « Initiatives d’excellence », les fonds ne seront acquis aux universités qu’après une période probatoire, pouvant même éventuellement leur être retirés. Quelles sont les modalités prévues pour le retrait éventuel et figurent-elles dans chaque convention ?

M. Patrick Hetzel. Tout à fait. Le retrait peut être total ou partiel. Il y aura chaque fois une discussion avec le porteur de projet sur l’atteinte ou non des objectifs pluriannuels fixés dans la convention.

M. Olivier Carré, Président. Messieurs, madame, nous vous remercions. Nous avons pris le sujet des financements extrabudgétaires de l’enseignement supérieur et de la recherche très en amont : c’est pourquoi beaucoup de questions demeurent encore aujourd’hui sans réponse. Mais il nous était utile, ainsi qu’à la Cour des comptes, de connaître dès à présent les types de suivi et de contrôle envisagés.