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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Le financement des politiques culturelles de l’État par des ressources affectées

Jeudi 26 mai 2011

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Olivier Carré, Président

– Table ronde sur le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), avec la participation de : MM. Guy Verrecchia et Marc Lacan, coprésidents de l’Association des producteurs indépendants (API), accompagnés de Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale ; M. Jean Labbé, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) ; M. Victor Hadida, président de la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF) ; M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) ; M. Stéphane Le Bars, délégué général de l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), sur le financement des politiques culturelles de l’État par des ressources affectées

M. Olivier Carré, Président. Dans le cadre de son programme consacré aux organismes alimentés par des taxes affectées, la Mission d’évaluation et de contrôle s’est entretenue avec les responsables du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et, après cette audition, il lui a paru nécessaire d’entendre aussi ceux qui sont à la fois les contributeurs et les bénéficiaires du compte de soutien : une partie notable des aides revenant de manière automatique à ceux qui les financent, on peut en effet s’interroger sur l’intérêt de maintenir ce qui peut apparaître comme une « boîte aux lettres ».

D’autre part, l’irruption du numérique a induit bien des bouleversements. Dans la mesure où les flux financiers se déportent vers ces nouveaux supports, il peut être tentant de courir après l’innovation, mais l’économie de ce secteur n’est pas du tout la même que celle des modes de diffusion traditionnels. Qu’attendez-vous d’une institution qui se pose de plus en plus comme un régulateur, fût-il bienveillant ?

Le rôle du législateur étant d’évaluer la pertinence des outils existants, nous souhaitons un dialogue ouvert et sans tabous.

M. Guy Verrecchia, coprésident de l’Association des producteurs indépendants (API). Un autre l’a dit avant moi : si le cinéma est un art, il est aussi une industrie. Le talent ne se décrétant pas, la politique française a toujours été d’offrir les meilleures conditions économiques pour encourager la création. Le principal pilier de cette intervention, poursuivie sous tous les gouvernements, est le fonds de soutien, et nous avons aujourd’hui le recul suffisant pour affirmer qu’il a fait la preuve de son efficacité : le cinéma français connaît un succès exceptionnel, en termes d’entrées comme de parts de marché ; de surcroît, beaucoup de films étrangers sont coproduits par des producteurs français.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, nous sommes contributeurs du compte de soutien, et ce à hauteur de 11 % de nos recettes. Nous percevons le dispositif à la fois comme une épargne forcée et comme une incitation aux investissements, dans les salles comme dans les films, puisque, sans investissements de notre part, nous serions privés d’une part de financement.

Selon nous, non seulement le système garde toute sa pertinence, mais il doit être renforcé : la numérisation, qui bouleverse la donne de la concurrence par la multiplication des contenus, rendra nécessaires de nouveaux investissements dans les cinq prochaines années.

J’ajoute que, si nous représentons des organisations distinctes, nous avons l’habitude de débattre entre nous au sein du Bureau de liaison de l’industrie cinématographique, avec le souci de dépasser l’intérêt particulier de chaque branche pour servir l’intérêt général du secteur.

M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Le système de financement, qui reposait il y a cinquante ans sur les seules recettes des salles de cinéma, a vu depuis son assiette s’étendre : aux chaînes de télévision, à la vidéo, à la vidéo à la demande – ou VàD – et, plus récemment, aux fournisseurs d’accès à Internet – FAI. Il est certes légitime de se demander si, dans ces conditions, il a conservé toute sa pertinence mais il faut bien voir aussi que l’année 2010, au cours de laquelle les recettes du CNC ont augmenté de 30 %, restera probablement une exception. Tous les voyants étaient alors au vert : forte fréquentation des salles ; reprise économique pour les chaînes de télévision ; développement de la vidéo à la demande et du Blu-ray ; enfin et surtout, hausse des recettes issues de la taxe sur les FAI. Mais ces derniers ont depuis perdu le bénéfice du taux réduit de TVA, ce qui a d’ores et déjà eu deux effets qui nous laissent craindre une forte diminution des encaissements du CNC.

Il s’agit, en premier lieu, du comportement d’optimisation fiscale à laquelle se livre Free : lorsque les FAI bénéficiaient d’une TVA à 5,5 %, cette entreprise avait en effet obtenu un rescrit fiscal aux termes duquel l’offre de télévision était supposée représenter 56 % de la valeur de l’abonnement, ce qui portait à un niveau élevé sa contribution au compte de soutien ; mais, depuis l’an dernier, Free considère son offre de télévision comme une option de l’abonnement, proposée à 1,99 euro par mois : l’assiette de sa contribution – qui est aussi celle de la rémunération des auteurs – s’en trouve considérablement réduite.

En deuxième lieu, alors qu’un certain nombre de FAI avaient une lecture pour le moins extensive de la réglementation relative aux offres « triple play », dans lesquelles ils intégraient toutes les offres de télévision, y compris celles destinées aux téléphones mobiles, celles-ci sont désormais exclues de l’assiette de contribution au compte de soutien. Si rien ne vient contrer ces deux évolutions, on peut prévoir un retour aux niveaux antérieurs du compte de soutien, voire une diminution de celui-ci. Il nous paraît donc indispensable de réfléchir aux moyens de sécuriser juridiquement l’assiette de contribution.

Les bouleversements dus à l’arrivée du numérique doivent effectivement nous amener à nous interroger sur la politique du CNC. Le numérique entraîne d’abord la multiplication des canaux de diffusion ; d’où la nécessité de maintenir les aides existantes, qu’elles soient automatiques – pour soutenir l’industrie cinématographique et audiovisuelle dans son ensemble – ou sélectives – pour garantir la diversité de la création artistique dans ce secteur. Mais, au-delà de ce rôle traditionnel, il est essentiel que le CNC mène une politique ambitieuse en faveur de la création et de la diffusion numériques, comme il a commencé de le faire avec les aides aux nouveaux médias, qu’on les appelle transmedia ou cross-media – et le décret « web COSIP » pris au début de cette année a ouvert le bénéfice du compte de soutien aux productions sur Internet – et avec le plan de numérisation des salles et des œuvres. Pour ces dernières, l’action du CNC porte plutôt sur les films a priori peu rentables – les crédits du Grand emprunt étant plutôt destinés aux longs métrages.

D’une façon plus générale, toute contribution doit donner lieu à retour et l’aide à la numérisation en est un. Nous avons tout intérêt à l’amplifier, l’enjeu étant culturel aussi bien qu’industriel : c’est la condition d’une présence massive de la création française sur l’ensemble des réseaux et de la préservation de notre industrie cinématographique et audiovisuelle. Mais il en va aussi du développement d’offres légales, attractives et variées, sans lesquelles la démarche pédagogique de la loi HADOPI ne suffira jamais à combattre efficacement la piraterie.

M. Jean Labé, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF). Le compte de soutien est vital pour le maintien de notre parc de salles de cinéma. Cette épargne forcée, selon l’expression de Guy Verrecchia, a obligé les exploitants à investir pour améliorer la qualité de ces salles – au reste, aucune entreprise digne de ce nom ne peut laisser dormir un compte sans dommages.

Le plan numérique entraîne des besoins de financement d’autant plus considérables que la transition doit être aussi brève que possible : la coexistence du 35 millimètres et du numérique se traduit en effet par des surcoûts pour les producteurs, pour les distributeurs et pour les exploitants et on estime que, d’ici à la mi-2013, ces derniers devront investir environ 400 millions d’euros. Or le plan triennal du CNC en faveur des salles économiquement fragiles ne représente que 80 millions…

Ces besoins ne se tariront pas une fois le basculement achevé : d’une part, même si on ignore quelle sera la durée de vie des matériels, il est sûr qu’elle sera inférieure à vingt ans ; d’autre part, les salles de cinéma, où les films prennent vie et acquièrent leur notoriété, doivent se moderniser en permanence. Or, selon le Livre blanc que nous avons publié, les coûts d’investissements ont progressé beaucoup plus vite que le prix des places.

Le système actuel est globalement satisfaisant. Pour la taxe spéciale additionnelle (TSA), le taux de retour est légèrement inférieur à 50 %. Compte tenu des besoins de financement que je mentionnais à l’instant, nous aimerions atteindre ce seuil et l’avons dit au CNC qui nous a donné des assurances en ce sens. Cela étant, les aides automatiques reversées aux exploitants le sont selon une logique partiellement sélective, redistributive, puisqu’elles diminuent à mesure qu’augmente le nombre d’entrées : elles équivalent à 30 % de la TSA versée quand ce nombre dépasse un million, et à 80 % au minimum du barème. Quant aux aides sélectives, elles vont aux salles d’art et d’essai et, au titre d’un soutien à l’investissement, aux salles ayant peu de moyens financiers – beaucoup d’exploitants ne pourraient moderniser leurs équipements sans cet apport.

Il faut par exemple vingt ans pour récupérer, via le compte de soutien, un investissement de 6 ou 7 millions d’euros – soit le prix d’un petit multiplex – ; mais, en vingt ans, on doit renouveler les équipements plusieurs fois. Non seulement les aides du compte de soutien sont utiles, mais il faudrait donc les augmenter dans les prochaines années, ce qui permettrait d’ailleurs d’alléger celles que donnent les collectivités territoriales, dont les budgets sont de plus en plus serrés.

M. Stéphane Le Bars, délégué général de l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA). Guy Verrecchia invitait à ne pas baisser la garde ; je rappellerai, pour ma part, que la puissance d’un pays se mesurera de plus en plus à sa capacité de production et de diffusion des images sur les réseaux : la présence dans ce secteur sera tout aussi essentielle que dans l’aéronautique ou le nucléaire. Le compte de soutien aura donc à venir en appui à une production audiovisuelle nécessairement croissante.

Une étude canadienne a récemment montré qu’aux États-Unis, la consommation de contenus de divertissements représentait aujourd’hui 50 % du trafic sur Internet et devrait approcher les 60 % à la fin de l’année. En Europe, la proportion est déjà de 33 %.

En France, depuis une dizaine d’années, le volume de production audiovisuelle est relativement stable – entre 4 000 et 4 500 heures en moyenne – ; mais il devrait atteindre les 5 000 heures dès cette année, et de 6 000 à 7 000 heures dans un avenir proche. La première cause, mécanique, est la multiplication du nombre de chaînes sur la TNT. Certaines d’entre elles arrivent aujourd’hui à maturité et peuvent investir dans la fiction ; ainsi, NRJ12 est en train de conclure son appel d’offres pour une série comportant cent épisodes de 26 minutes. Cet investissement dans la fiction, notamment dans les séries, s’explique aussi par le besoin d’affirmer une identité dans un contexte fortement concurrentiel. Mais la production française est également amenée à augmenter parce que nos chaînes de télévision devront réduire leur dépendance à l’égard des séries américaines, dépendance devenue malheureusement très forte depuis quatre ou cinq ans : en effet, ces séries font l’objet d’une diffusion de plus en plus « délinéarisée », de sorte que les consommateurs peuvent y avoir accès par d’autres médias.

M. Victor Hadida, président de la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF). Pour les raisons exposées par les précédents intervenants, les recettes auront plutôt tendance à diminuer et nous devons donc nous préoccuper des moyens de maintenir une institution qui est à peu près unique en Europe, non pour ce qui est de sa fonction de régulation, mais pour son rôle de soutien à la politique culturelle. Grâce à son action en faveur de la production et de la distribution nationales comme en faveur de la diversité des œuvres distribuées, le CNC a permis à la France d’enregistrer 200 millions des 900 millions d’entrées en salle comptabilisées en 2010 en Europe !

Les interventions du CNC ont aussi un rôle correcteur puisque le système des aides automatiques, Jean Labé l’a rappelé, est lui-même très redistributeur. Vous avez parlé à son sujet de « boîte aux lettres », monsieur le président, mais, dans le domaine de la distribution, la redistribution peut aller jusqu’à 140 % pour les films réalisant peu d’entrées, contre 15 % pour ceux qui en réalisent entre 500 000 et un million.

Par ailleurs, l’aide automatique est structurante pour l’industrie car elle suppose un réinvestissement. L’aide sélective, elle, va à des œuvres peu diffusées et corrige les effets de la concurrence. Si elle ne représente que 7 millions d’euros, contre 20 millions pour l’aide automatique, elle contribue à la diversité culturelle.

Les œuvres du patrimoine et les nouveautés seront numérisées, mais toutes les autres, que l’on peut appeler les œuvres de catalogue, ne pourront plus être projetées au sein du nouveau parc numérique. Il convient de leur étendre l’effort consenti.

On sait par ailleurs que le cinéma est le dernier maillon du secteur audiovisuel à être atteint par la numérisation : il doit rattraper son retard sur la télévision et la vidéo à domicile ; d’où d’importants besoins de financement, notamment au cours de la période transitoire pendant laquelle les distributeurs devront financer à la fois la diffusion de films en 35 millimètres et celle des films numérisés.

M. Nicolas Perruchot, Rapporteur. Quelles pistes suggérez-vous pour améliorer le système des taxes affectées au CNC ?

M. Guy Verrecchia. Comme vous l’avez compris, nous espérons plutôt, au moins dans les prochaines années, une intensification globale des aides sans bouleversement de la répartition actuelle, vu l’importance des investissements à effectuer. L’équilibre actuel du compte de soutien, constitué au fil des ans, nous semble pertinent.

M. Jean Labé. Au cours des dernières années, les aides sélectives ont augmenté beaucoup plus que les aides automatiques ; on peut s’en féliciter, mais il ne faut pas que cette évolution se poursuive à l’infini : le soutien à la diversité serait vain si nous laissions péricliter le socle industriel.

M. Stéphane Le Bars. L’année 2010 a été particulière puisque, comme l’a rappelé Guillaume Prieur, tous les voyants étaient au vert alors qu’en 2008 et 2009, la chute des recettes publicitaires de TF1 et de M6 avait réduit d’autant les ressources du compte de soutien. Par ailleurs, même si le marché de la vidéo représente une faible part des recettes du CNC, il connaît une décroissance qui ne s’arrêtera peut-être que lorsque le Blu-Ray et la vidéo à la demande auront pris le relais. Une multiplicité de taxes nous semble donc nécessaire pour compenser le déphasage des marchés : 2010 reste de ce point de vue une année à part.

M. Olivier Carré, Président. Multiplicité d’assiettes, plutôt que multiplicité de taxes !

M. Marc Lacan, coprésident de l’Association des producteurs indépendants (API). Même si ce n’est pas forcément très visible, le système a beaucoup évolué au cours des dernières années. L’aide automatique porte d’ailleurs mal son nom, puisqu’elle est subordonnée à l’existence d’investissements ; elle n’est pas une pompe aspirante-refoulante qui prend et rend aux mêmes ; elle prend à tout le monde et rend à ceux qui investissent. C’est grâce à ce système que la production française détient 37 % de parts de marché et que, tous les ans, cent nouveaux écrans voient le jour et deux cents films sont produits.

Au demeurant, ce système automatique peut également être dit objectif, puisque c’est le public qui est juge, moyennant le correctif de la redistribution, et ce dans les domaines de l’exploitation, de la distribution comme de la production. À la fin de 2010, le CNC a ainsi fortement corrigé le barème du compte de soutien producteur, puisque le taux de retour a été réduit de 40 % à seulement 10 % pour les films réalisant plus de cinq millions d’entrées.

L’aide automatique, qui absorbait 75 % des dépenses du compte de soutien il y a trente ans, n’en consommera plus que 52 % en 2011. La question, dès lors, est de préserver l’aide sélective des critiques formulées pour distorsion de concurrence, et aussi, dans la logique qui est la vôtre, de l’évaluer en fonction d’objectifs dont on peut se demander s’ils prennent suffisamment en compte, aujourd’hui, l’évolution du secteur. L’année 2010, par exemple, a été celle de la 3D : faut-il abandonner ce secteur à l’industrie américaine, ou faire en sorte que le cinéma français y soit également performant ?

M. Nicolas Perruchot, Rapporteur. Y a-t-il, dans des pays comparables à la France, des opérateurs analogues au CNC ?

M. Guy Verrecchia. Il y en a dans d’autres pays européens, mais qui ont plutôt un caractère administratif, pour ne pas dire bureaucratique : ils ont une fonction de contrôle, souvent sous la tutelle du pouvoir politique, sans avoir les moyens d’intervention dont le CNC dispose grâce au compte de soutien.

L’absence d’organisme comparable suggère d’ailleurs, en creux, la pertinence du modèle français : le cinéma italien, qui était naguère aussi florissant que le nôtre, a connu un net déclin, ce que nous ne pouvons que déplorer. En effet, à cette époque, les coproductions avec la France étaient nombreuses et les goûts des deux publics s’étaient rapprochés.

M. Olivier Carré, Président. La gestion de l’« épargne forcée », selon votre expression, n’aurait-elle pu assumée par les professionnels organisés en filière ? En France, il est rare que les branches s’organisent ainsi, mais c’est, à mon avis, ce qui explique les difficultés de certains secteurs. Est-il indispensable que l’État joue un rôle dans ce dispositif ? Le voyez-vous en garant de votre bonne entente à tous ?

M. Guy Verrecchia. Depuis ses débuts, le CNC ressemble à Janus : il représente les professionnels auprès de l’administration, et incarne celle-ci pour ces mêmes professionnels. Cela étant, si les professionnels doivent contribuer à définir la politique du CNC, notamment au sein du futur conseil d’administration, je ne crois pas souhaitable qu’ils gèrent seuls l’épargne forcée dont je parlais. Que l’administration soit chargée de cette tâche est au demeurant rassurant, même si l’on peut poser le problème du coût, et le secteur, à mon avis, pourrait difficilement envisager une autre organisation.

Sans remettre en cause l’aide sélective, nous estimerions utile que chaque commission définisse une doctrine et des objectifs clairs, et établisse des bilans réguliers de ses décisions : celles-ci y gagneraient sans doute en cohérence et cela éviterait les soupçons de « copinage ».

M. Marc Lacan. Vous avez posé la question du rôle de l’État dans ce dispositif, monsieur le président…

M. Olivier Carré, Président. Le système américain, qui ne dépend pas de l’État fédéral, a lui aussi fait ses preuves.

M. Marc Lacan. La tradition française est sans doute plus étatiste. Quoi qu’il en soit, le cinéma américain n’a pas besoin du relais de la puissance publique.

Le fonds de soutien contribue au rayonnement du cinéma français dans le monde ; les accords multilatéraux permettent à des cinéastes iraniens ou africains, par exemple, de s’exprimer.

M. Stéphane Le Bars. Le coût de gestion du CNC est tout à fait raisonnable, puisqu’il ne représente que 5 à 6 % de son budget.

M. Olivier Carré, Président. Soit environ 30 millions d’euros.

M. Stéphane Le Bars. Je veux revenir sur l’effet redistributif des aides qui, dans l’audiovisuel, joue beaucoup entre les genres : si la fiction de prime-time et l’animation sont respectivement financées par les chaînes de télévision à hauteur de 70 % et de 30 % au plus, le compte de soutien assure un certain rééquilibrage puisque sa contribution est dans le premier cas de 10 % et dans le second de 20 %. C’est ce qui a permis à l’industrie française de l’animation d’être la troisième dans le monde et de loin la première en Europe.

M. Jean Labé. Le CNC est le lieu de la concertation entre les professionnels et, tels que ceux-ci les ont arrêtés, les taux différenciés des soutiens à la distribution ont un caractère objectif : aucun exploitant ne songerait à diminuer le nombre de ses entrées pour percevoir davantage d’aides ! À ma connaissance, il n’existe pas, aux États-Unis, de système comparable pour les salles.

M. Guillaume Prieur. Il est essentiel que ce soient les pouvoirs publics qui gèrent le compte de soutien. Le CNC, d’ailleurs, s’apparente un peu à une direction d’administration centrale que l’on aurait extraite du ministère de tutelle, et la gestion des aides relève aussi de logiques politiques.

Les critiques portant sur l’attribution des aides sont beaucoup plus nombreuses dans le domaine du spectacle vivant que dans celui du cinéma. Néanmoins, il peut être utile en effet que les commissions établissent chacune sa doctrine en la matière et publient des bilans.

M. Olivier Carré, Président. Je vous remercie pour ces contributions.