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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 4 décembre 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prestation d’accueil du jeune enfant

– M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), M. Hervé Drouet, directeur général, Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches, Mme Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité, et M. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale

– Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, et M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris

– M. François Fondard, président du conseil d'administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF)

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 4 décembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la Mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), M. Hervé Drouet, directeur général, Mmes Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches, et Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité, et de MM. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous souhaite la bienvenue et je donne sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quatre ans après la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE –, nous évaluons la réalisation des objectifs fixés par le Gouvernement lors de son lancement : simplification du dispositif d’aide à la garde, diversification des modes de garde et meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Jugez-vous le système actuel de garde d’enfant équitable ? Les aides sont-elles efficaces, notamment pour les familles les plus modestes ? Une étude de l’évolution de leur taux d’effort a-t-elle été réalisée ?

Quel est l’impact de la PAJE sur les droits des femmes et sur l’égalité ?

Comment voyez-vous l’évolution de cette prestation ? Quelles orientations pourraient être apportées ?

Ayant été, pendant plusieurs années, rapporteure du budget de la famille, je suis curieuse de savoir comment vous établissez vos statistiques par rapport aux différents plans mis en place ? Connaissez-vous le nombre de places de crèche réellement ouvertes ? Entre le lancement des plans, les projets et leur réalisation, il se passe un temps pendant lequel certaines crèches ferment et d’autres font l’objet de restructurations. Connaissez-vous l’évolution du nombre réel de places ?

Quelle est l’évolution du taux de couverture, c’est-à-dire le nombre de places disponibles rapporté au nombre d’enfants de moins de trois ans ? Ces indications sont importantes pour évaluer les capacités d’accueil offertes aux familles.

Avez-vous mené une réflexion sur la diminution de la scolarisation des enfants de moins de trois ans alors que la France connaît une augmentation démographique ? Comment travaillez-vous avec le ministère de l’Éducation ? Y a-t-il une coordination cohérente entre celui-ci et la CNAF ?

Comment peut-on améliorer la connaissance de l’offre de garde disponible en équivalent horaire et celle des places vacantes dans les établissements d’accueil des jeunes enfants ?

Arrive-t-il que des places existantes ne soient pas ouvertes par manque de personnel dans les crèches collectives publiques comme dans les crèches d’entreprise ?

Pouvez-vous nous éclairer sur la situation des assistantes maternelles ? Combien d’agréments sont-ils accordés ? Nous avons découvert qu’un nombre assez important d’assistantes maternelles n’ont pas d’enfants à garder. Avez-vous mené une réflexion sur ce phénomène ?

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la CNAF. Je laisserai largement la parole aux techniciens pour vous répondre et vous fournirai des éléments chiffrés complémentaires à la suite de cette audition.

L’efficacité du dispositif de la prestation d’accueil du jeune enfant se mesure en premier lieu par le taux de satisfaction des familles. Dans une enquête de satisfaction, elles ont répondu à plus de 96 % que la PAJE leur convenait. Cela signifie donc qu’on a visé juste. Cela étant, le système n’est pas figé et peut toujours être amélioré et adapté.

Les attentes d’ordre financier étaient importantes et le restent pour les familles les plus défavorisées. Les attentes concernant les offres d’accueil étaient tout aussi fortes pour l’ensemble des ménages confrontés à la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Si l’on se félicite du taux de fécondité de la France et de l’augmentation du taux d’activité féminine, c’est en partie grâce à la PAJE.

Le dispositif doit-il évoluer ? Oui, comme tout dispositif. Nous devons être à l’écoute des attentes des allocataires tout en restant réalistes. L’offre en matière de modes de garde est encore insuffisante. Il existe un peu plus de 320 000 places en établissements d’accueil collectif pour un nombre de naissances estimé à 800 000. Il y a donc actuellement environ 2,4 millions d’enfants de moins de trois ans. Nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de proposer la réponse adaptée, d’autant qu’il existe des disparités selon les territoires. On ne peut pas envisager de construire des crèches dans tous les coins de France. Les réponses sont adaptées aux zones rurales et aux zones sensibles. L’objectif est de pouvoir répondre le plus possible au choix des parents, qu’il s’agisse d’un mode de garde individuel ou collectif.

Le taux de réponse suit une courbe ascendante. Nous avons conscience des limites du dispositif. Le projet qu’avait autrefois le Gouvernement de créer un droit au mode de garde opposable a permis d’améliorer le nombre de structures d’accueil. Nous avons besoin aujourd’hui d’y voir plus clair dans les intentions du Gouvernement. Il est important de pouvoir travailler de façon pluriannuelle car, vous l’avez évoqué, entre le moment où une idée germe dans un conseil municipal, une structure intercommunale ou une ou plusieurs entreprises d’organiser un mode de garde et la réalisation du projet, il s’écoule au minimum deux ans. Ces dernières années, il a été créé à peu près 10 000 places par an mais nous n’avons aucune visibilité pour les quatre ou cinq prochaines années.

M. le coprésident Jean Mallot. La CNAF dispose-t-elle d’un outil statistique permettant de connaître de manière précise le nombre de places existantes et disponibles sur le territoire ou a-t-elle d’autres sources ?

Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches de la CNAF. Le versement de la prestation de service pour le fonctionnement des établissements d’accueil du jeune enfant permet une remontée d’informations assez précises sur le nombre de places agréées par la Protection maternelle et infantile – PMI – pour toutes les places qui font l’objet d’un financement via cette prestation de service. Cela figure dans les données relatives à la branche famille dans le programme de qualité et d’efficience. Il indique 332 000 places en 2007. C’est un chiffre plus récent que celui fourni par l’enquête PMI.

Mme la rapporteure. Cela vous permet-il de savoir, année par année, l’évolution du nombre de place depuis dix ans ?

Mme Hélène Paris. Nous sommes en mesure de bâtir ces statistiques depuis l’année 2005. Elles peuvent être confrontées avec les données collectées via l’enquête PMI réalisée par la DREES – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – mais elles ont l’avantage d’être plus rapides à établir et plus fiables, les données PMI étant extrapolées pour partie. La remontée des données nous permet également de calculer les taux d’occupation des établissements d’accueil du jeune enfant.

M. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale. Au fur et à mesure que les programmes sont établis en coopération avec les municipalités, les plans crèches sont entrés dans une base spécifique qui permet non seulement de connaître les places de crèche qui ouvrent mais également d’avoir une vision anticipée des créations à venir. Cette base est mise à jour en temps réel par les caisses d’allocations familiales – CAF.

Mme la rapporteure. La base plans crèches prend-elle en compte les crèches qui sont supprimées et celles qui font l’objet d’une restructuration ?

M. Olivier Maniette. Oui, elle prend tous ces éléments en compte.

Mme Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité de la CNAF. Pour ce qui est de la diminution du nombre d’enfants de moins de trois ans scolarisés, nous devons avouer que, actuellement, nous n’y voyons pas très clair. Nous connaissons le nombre d’enfants de deux à trois ans scolarisés mais nous n’avons pas de données sur leur présence si bien que le chiffre oscille entre 100 000 et 140 000 enfants. Même s’il existe un partenariat entre la branche famille et l’Éducation nationale, l’analyse des données est compliquée du fait de la répartition des compétences entre les communes et l’Éducation nationale et de l’arrêt des démarches administratives lors de la grève de cette dernière. Lorsque nous avons travaillé avec la mission IGAS – Inspection générale des affaires sociales –sur la possibilité d’avoir des jardins d’éveil, le manque d’éléments fiables nous a gênés. Par ailleurs, nous avons du mal à anticiper les conséquences de la déscolarisation des deux-trois ans sur le « parc des crèches ».

M. le coprésident Jean Mallot. La tâche est d’autant plus ardue que cela ne concerne que les enfants entre deux et trois ans. Il faut avoir un outil statistique très précis pour prendre en compte le passage d’un âge à l’autre.

Mme Sylvie Chevillier. La tâche est d’autant plus difficile que les pratiques par rapport à la scolarisation des enfants varient d’une commune à une autre. Dans certaines, les enfants sont pris à deux ans, dans d’autres, à deux ans et demi, dans d’autres encore, à deux ans et demi s’ils ont cet âge au début de l’année, Il est dès lors difficile de chiffrer à l’instant « t ». On ne peut le faire qu’après coup.

Mme la rapporteure. Si les enfants de moins de trois ans restent plus longtemps dans les crèches ou auprès d’assistantes maternelles, ne risque-t-on pas d’avoir un solde négatif des places créées par rapport aux demandes des familles ?

Mme Sylvie Chevillier. La question se pose dans certains territoires. Dans la Manche et la Vendée, par exemple, le taux de déscolarisation des deux-trois ans est très élevé depuis plusieurs années alors que l’école est gratuite et que l’accueil dans un établissement pour le jeune enfant ne l’est pas.

M. le coprésident Jean Mallot. Comment se fait-il qu’il y ait des décalages importants des taux de scolarisation d’une commune à l’autre ?

Mme Sylvie Chevillier. Cela dépend des politiques des inspecteurs d’académie et du nombre d’enseignants sur les territoires.

M. Jean-Louis Deroussen. La politique suivie par les inspections académiques varie largement d’un département à l’autre. Dans certains endroits, elles interdisent toute scolarisation avant l’âge de trois ans. Or il nous semble que c’est d’abord aux parents qu’il revient de juger de l’âge auquel leur enfant peut être scolarisé : dès deux ans, à deux ans et demi ou à trois ans. L’évolution mois par mois des enfants est très rapide entre vingt-quatre et trente-six mois.

Il ne faut pas que le choix se limite au cadre financier, entre une école gratuite et des modes de garde qui ont forcément un coût. Il y a également une question d’organisation car un enfant scolarisé est à l’école entre neuf heures et douze heures et quatorze heures et dix-sept heures. Un mode de garde en crèche ou en individuel peut avoir une plus grande amplitude horaire. On peut trouver des compléments : mettre l’enfant à l’école le matin et, soit le garder à la maison, soit le confier à une assistante maternelle, l’après-midi. Le comportement des parents est à leur libre initiative.

Mme la rapporteure. Cette libre initiative n’est pas la même partout. Il est regrettable que les parents ne puissent pas avoir, en tout point du territoire, les mêmes possibilités d’accueil du jeune enfant.

La réglementation est compliquée dans les établissements d’accueil de la petite enfance. Ne pensez-vous pas qu’il devrait y avoir un assouplissement de ces règles ?

Ne pensez-vous pas, par ailleurs, qu’il faudrait, pour pouvoir rétablir le taux d’effort des familles, préférer des crédits d’impôt à la prestation actuelle ?

M. Jean-Louis Deroussen. Le versement de la prestation est plus ciblé.

Quant aux normes imposées aux établissements d’accueil du jeune enfant, elles suscitent un grand débat. Il faut, là aussi, rester pragmatique. Si l’on ne peut transiger sur les questions de sécurité, on peut limiter les normes imposées pour les structures comme pour les assistantes maternelles. Ces dernières font valoir que le fait d’avoir des fours à portes froides n’apprend pas aux enfants à se méfier et à intégrer que tout endroit avec du feu brûle. L’enfant a du mal à comprendre qu’il y a des fours sur lesquels on peut mettre la main et d’autres, comme chez lui, où les portes sont chaudes. Toute éducation commence par la responsabilisation.

M. le coprésident Jean Mallot. Le problème est délicat : les normes ne doivent pas être bloquantes mais, s’il arrive un accident à un enfant, on regrette qu’elles ne l’aient pas plus protégé.

M. Jean-Louis Deroussen. C’est le problème auquel sont confrontées les collectivités territoriales : on veut que les enfants s’amusent mais, s’il y en a un qui tombe d’un toboggan d’un mètre, on critique le fait d’en avoir installé un.

Mme Sylvie Chevillier. Des assouplissements ont déjà été introduits, notamment en 2007, lors de la modification du décret du 1er août 2000, mais ils ne sont pas tous appliqués. On n’est donc pas allé jusqu’au bout de ce que permet la réglementation. La raison en est que les services de PMI n’ont pas la même façon d’appréhender ces possibilités de dérogation aux normes d’encadrement dont la mise en œuvre est soumise à la décision ou à l’avis du président du conseil général. Les situations sont différentes d’un département à l’autre. On cherche à avoir un référentiel national servant de base aux services d’agrément afin de diminuer l’hétérogénéité actuelle des situations et d’éviter que les présidents de conseil général aient l’impression d’engager leur responsabilité en faisant une dérogation.

Quant aux impératifs de sécurité, ils sont liés au professionnalisme des assistantes maternelles ou des personnes qui travaillent dans des établissements d’accueil de jeunes enfants. Mais il y a également une approche éducative du jeune enfant, en plus des considérations sécuritaire et sanitaire.

Mme Hélène Paris. L’effet de la PAJE sur le taux d’effort des familles a été important, en raison de la construction même du dispositif. Son objet était d’harmoniser les taux d’effort, en particulier de les baisser pour les familles les plus modestes. Concomitamment à la mise en place de la PAJE, des changements législatifs sont intervenus
– des déductions fiscales ont été accordées, qui se sont ensuite transformées en crédits d’impôts – qui ont un peu brouillé la lecture générale. Pour mesurer les effets propres à la PAJE, nous avons comparé les situations théoriques de deux familles en 2005, la première ne bénéficiant pas de la PAJE, son enfant étant né juste avant le 1er janvier 2004, la seconde en bénéficiant, son enfant étant né juste après. Il s’avère que la PAJE a permis de réduire le taux d’effort par deux pour les familles au SMIC et de trois ou quatre points pour les familles à deux ou trois SMIC. La PAJE a donc joué son rôle de solvabilisation des familles et de réduction du taux d’effort. Pour des gardes à temps plein par une assistante maternelle agréée ou par un établissement d’accueil du jeune enfant, les restes à charge sont devenus très proches pour toutes les catégories de revenus.

M. le coprésident Jean Mallot. L’égalité n’est pas encore atteinte. Pensez-vous que l’on puisse aller plus loin et, si oui, avec quels outils ?

Mme Hélène Paris. Même si les taux d’effort se sont sensiblement rapprochés grâce à la mise en place de la PAJE, il n’en reste pas moins que la garde par une assistante agréée, qui représente les deux tiers de l’offre existante, demeure plus onéreuse pour les familles les plus modestes que la garde dans un établissement d’accueil du jeune enfant, ce qui crée des difficultés pour les personnes qui cherchent à reprendre un emploi. Le dispositif de la PAJE imposant un reste à charge minimum de 15 % pour les familles, on butte un peu sur cette contrainte.

Mme Sylvie Chevillier. Dans le cadre des établissements d’accueil du jeune enfant, la PSU – prestation de service unique – court jusqu’aux quatre ans de l’enfant tandis que le versement de la PAJE s’arrête avant, ce qui peut poser une autre difficulté. Mais chaque amélioration a sa traduction financière et, quand une est possible en théorie, on doit toujours se poser la question de son financement.

Mme Hélène Paris. La PAJE a permis un recours accru aux modes de garde individuels par les familles qui n’y avaient pas accès avant. Entre la fin de 2003 et la fin de 2007, 70 000 familles supplémentaires ont bénéficié du complément de mode de garde assistante maternelle. Parallèlement, il y a eu une solvabilisation générale de l’ensemble de cette population avec des enfants de moins de trois ans du fait du relèvement du plafond de ressources pour l’octroi de l’allocation de base.

Pour mesurer le taux de couverture, nous avons construit deux catégories d’indicateurs qui, quoique présentant quelques différences, aboutissent au même résultat. Le taux de couverture en France des modes de garde du jeune enfant est de l’ordre de 44 %, soit 44 places pour 100 enfants de moins de trois ans. Ce taux est supérieur à celui fixé dans la stratégie de Barcelone. Comme, au niveau européen, on considère que les assistantes maternelles agréées ne doivent pas être comptabilisées parce qu’elles ne font pas intervenir un employeur public, le calcul européen du taux de couverture des modes de garde français est très sous-évalué mais nous sommes en train d’obtenir gain de cause en faisant valoir que les assistantes maternelles ont un agrément encadré par la puissance publique.

M. le coprésident Jean Mallot. Avez-vous d’autres éléments de comparaison avec les autres pays ?

Mme Hélène Paris. Oui, mais pas ici ; je pourrai vous les faire parvenir.

M. Jean-Louis Deroussen. Un gros travail est réalisé actuellement sur la base d’une expérimentation menée par la caisse d’allocations familiales du Bas-Rhin sur un site Internet pour à la fois donner de l’information chiffrée sur les possibilités offertes aux familles en matière de garde et mettre en ligne les places disponibles dans l’immédiat ou dans le mois à venir. Nous comptons généraliser ce dispositif à la France entière au cours du premier semestre 2009. Cela permettrait à l’ensemble des familles d’avoir, via ce mode dématérialisé, une information en temps réel sur ce qui peut leur être proposé. Cela répond vraiment à une attente.

Mme la rapporteure. La possibilité de travailler le dimanche est en débat à l’Assemblée nationale. Y aura-t-il lieu d’adapter le dispositif pour permettre la conciliation du travail des parents et la garde des enfants ?

M. Jean-Louis Deroussen. Le jour où l’on demandera aux Français de travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre sept jours sur sept, on devra se poser la question sociologique et philosophique du but poursuivi et améliorer considérablement l’offre de garde.

Dans un premier temps, nous devons tenter de répondre à des horaires atypiques, notamment dans les hôpitaux, où les crèches doivent ouvrir tôt le matin et fermer tard le soir. Demander que les crèches soient ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre ne serait plus atypique mais irréaliste.

M. le coprésident Jean Mallot. Quels seraient les effets induits par l’étalement sur sept jours au lieu de six les activités ? À services supplémentaires, prestations supplémentaires, et donc ressources supplémentaires.

M. Jean-Louis Deroussen. On se heurterait très vite à des taux de remplissage insuffisants. Une crèche ouverte de sept heures à dix-neuf heures n’est totalement remplie qu’à partir de sept heures trente-huit heures trente et se vide à partir de dix-sept heures trente-dix-huit heures. Si l’on veut que l’argent public soit utilisé au mieux, il faut que le taux de remplissage soit le meilleur possible. On imagine facilement les difficultés des familles si leur choix est de travailler le dimanche.

M. le coprésident Jean Mallot. Les horaires atypiques sont prévisibles d’une semaine ou d’un mois sur l’autre tandis que le travail le dimanche sera variable et imposera des horaires d’ouverture largement excédentaires pour être sûr de pouvoir répondre à la demande.

Mme Sylvie Chevillier. Au-delà des questions de financement et d’horaires, je ne suis pas sûre que les personnels de la petite enfance soient très motivés pour travailler le dimanche.

Mme la rapporteure. Combien d’agréments sont distribués ? Combien d’assistantes maternelles sont en activité ? Comment expliquez-vous la différence entre les deux nombres ?

Mme Sylvie Chevillier. Entre les assistantes maternelles qui partent à la retraite et celles qui les remplacent, le solde ne semble pas positif, alors que la demande croît. Plusieurs éléments expliquent ce phénomène.

D’abord, la loi du 27 juin 2005 a encadré la formation des assistantes maternelles. Entre le moment où une personne formule sa demande d’agrément et celui où elle peut garder son premier enfant, il s’écoule en moyenne une période de neuf mois. Pressées de travailler, certaines personnes cherchent un emploi ailleurs.

Ensuite, la profession d’assistante maternelle n’est pas très attractive à la fois d’un point de vue financier, puisque le salaire moyen d’une assistante maternelle qui travaille à temps plein est de l’ordre de 900 euros nets, et d’un point de vue organisationnel : comme il existe un turn over des enfants beaucoup plus important qu’auparavant, il n’y a plus le même suivi des enfants et les formalités administratives sont plus lourdes puisqu’il faut plus souvent chercher de nouveaux parents, signer de nouveaux contrats de travail, renouer des liens avec parents et enfants.

Enfin, sur certains territoires, la taille des domiciles peut être un handicap.

Il existe aussi un turn over des assistantes maternelles. Celles-ci ne cherchent pas forcément à avoir un complément de salaire par rapport à leur époux comme cela pouvait être le cas pour les générations précédentes. Un nombre de plus en plus grand de femmes fait le choix de s’arrêter de travailler pour avoir leurs enfants et garde des enfants pour avoir un complément financier. Le niveau de diplômes des assistantes maternelles croît mais celles-ci restent en moyenne trois ou quatre ans dans la profession puis reprennent leur travail.

Tous ces éléments expliquent la difficulté que nous observons à remplacer les assistantes maternelles, sans parler de l’effet du baby-boom.

Mme Hélène Paris. On recense, selon des données d’enquête PMI que la DREES vous a sans doute déjà communiquées, 400 000 assistantes maternelles agréées dont 270 000 sont repérées comme actives. Par rapport à une capacité d’accueil théorique de l’ordre du million de places, 710 000 seulement sont effectivement offertes aux enfants de moins de six ans. Il y a une déperdition assez importante.

Un problème de mise à jour des données disponibles peut également expliquer le décalage entre le nombre d’agréments et celui des assistantes maternelles actives.

On observe aussi que le nombre d’enfants gardés par les assistantes est inférieur à celui permis par l’agrément. Cela correspond-il à un sous-emploi des assistantes maternelles, ces dernières ne trouvent-elles pas suffisamment d’enfants ou est-ce un choix personnel ? Nous ne savons pas le dire comme nous ne savons pas quelle est l’ampleur du chômage supposé des assistantes maternelles. Les informations dont nous disposons actuellement sont peu fiables. Nous avons prévu de réaliser, l’année prochaine, un travail en commun avec la DREES pour mieux identifier ces questions. Plusieurs logiques s’entremêlent dont il importe de mesurer les effets.

Pour parfaire notre connaissance de la profession, la branche famille noue une convention avec la branche recouvrement pour pouvoir disposer d’informations beaucoup plus complètes sur les assistantes maternelles en activité via le centre PAJE Emploi.

Mme Sylvie Chevillier. Trois autres éléments expliquent l’apparente non-attractivité du métier d’assistante maternelle pour celles qui rentrent dans la profession.

Le coût de l’installation est important et croît avec le nombre d’enfants. Cela nous ramène à la question des normes. Il faut avoir suffisamment de place, de lits, de sièges auto, etc.

On s’aperçoit que les services de PMI accordent de moins en moins la dérogation permettant d’accueillir un quatrième enfant sur la période périscolaire. La mesure d’extension de l’agrément prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 viendra peut-être compenser cette diminution du recours à la dérogation.

Il est vrai que, même agréées pour trois enfants, les assistantes maternelles n’en gardent pas nécessairement trois. Cela étant, quand elles demandent l’agrément, non seulement il leur faut attendre neuf mois pour entrer dans la profession, mais encore elles ne sont agréées que pour un enfant pendant un an et ce n’est qu’après avoir vu comment cela se passait qu’elles ont le droit d’en garder deux ou trois. Or, avec un enfant, elles n’ont pas le minimum d’heures permettant de cotiser pour la retraite. Le démarrage dans la profession est vraiment un parcours du combattant.

M. Deroussen a cité le site Internet « mon enfant.fr ». Quand nous mettrons en ligne les disponibilités, ce sera à la fois un outil de valorisation de la profession, un moyen d’assurer un meilleur croisement de l’offre et de la demande et une source d’informations sur les assistantes maternelles.

Mme la rapporteure. Avez-vous commencé à travailler sur la mise en œuvre d’un droit de garde opposable ?

Mme Sylvie Chevillier. On parle plus aujourd’hui de développement de la garde d’enfant que de droit opposable.

Comme nous l’avions fait remarquer, la question du droit opposable est compliquée à trois égards.

D’abord d’un point de vue juridique. Qu’est-ce que l’opposabilité ? Contre qui doit-elle être exercée ? Se pose, ensuite, le problème des contentieux. Devant quelle juridiction s’adresser ? Quels moyens pour la justice ? On voit bien les problèmes posés par l’application de la loi DALO – loi sur le droit au logement opposable.

La question est également difficile à traiter au regard des personnels et du bâtiment. Pour être dans le cadre d’un droit opposable, il faut avoir un nombre de places suffisant et, par là même, un nombre de personnels suffisant. Or la formation de ces derniers demande au minimum trois ans et nécessite des structures adaptées avec des formateurs.

La troisième difficulté est financière, surtout dans ce contexte de crise. Mais cela pourrait être aussi un moyen de relancer le bâtiment. En tout cas, les effets ne se feraient pas sentir tout de suite.

Nous avons réfléchi à la question. Nous pensons qu’il existe des moyens plus pragmatiques pour y arriver. De toute façon, cela ne pourra se faire que par étapes. Il faut d’abord améliorer l’information des familles, mieux structurer les différents acteurs qui participent à la politique de la petite enfance, voir comment assurer une meilleure articulation entre les différents partenaires sur le territoire et mettre en place des mesures pour pallier le manque de personnel et continuer à créer des places d’accueil, etc.

Mme la rapporteure. C’est-à-dire rendre les schémas départementaux obligatoires ?

M. Hervé Drouet, directeur général de la CNAF. Ils sont déjà obligatoires mais ils ne sont pas mis en œuvre partout. Il faudrait appliquer la loi sur ce point.

Sur toutes ces questions, la CNAF a réalisé des expertises techniques mais elle travaille dans le cadre des orientations qui lui sont fixées ou qui sont en cours de définition. Il y a une contribution à la réflexion de la part de la CNAF mais les choix ne semblent pas encore arrêtés définitivement sur l’ensemble de ces sujets.

M. le coprésident Jean Mallot. Les études auxquelles vous vous livrez peuvent aider à faire les choix.

M. Jean-Louis Deroussen. Il faut une bonne connaissance du coût d’une place de crèche, des délais de formation des puéricultrices, de la démographie actuelle des assistantes maternelles et des difficultés de cette profession. La CNAF peut mettre toutes ces questions sur la table mais elle doit aussi connaître les orientations qui lui seront assignées pour mettre en place cette multiplication des structures d’accueil que les familles attendent.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous n’êtes pas plus décideurs que nous mais je pense que les expertises que vous faites sont utiles aussi bien à ceux qui décident qu’à ceux qui, comme nous, sont chargés de contrôler ceux qui décident et de leur faire des propositions.

Mme la rapporteure. L’un des objectifs de la PAJE était une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le CLCA – complément de libre choix d’activité – est versé aux parents qui ont arrêté ou réduit leur activité professionnelle pour élever leur enfant de moins de trois ans. Mais il reste difficile de se réinsérer sur le marché du travail après s’être arrêté quelque temps. Jugez-vous utile de modifier la durée du CLCA ? Ne faudrait-il pas obliger les pères à prendre quelques mois de congés ?

M. Jean-Louis Deroussen. On a tenté, avec le complément optionnel de libre choix d’activité – COLCA – de conserver pour le parent qui s’arrête de travailler une rémunération plus importante pour une durée plus réduite. Force est de reconnaître que cette disposition n’a pas aujourd’hui le succès escompté. Peut-être y a-t-il un défaut d’information. Peut-être le fait de réserver ce complément aux familles de trois enfants a-t-il joué. Peut-être serait-il plus pertinent pour le premier enfant. Nous devons analyser les raisons de l’absence de souscription au COLCA et continuer à proposer d’autres types de dispositifs.

Il faut néanmoins reconnaître que l’APE – allocation parentale d’éducation –, l’AGED – allocation de garde d’enfant à domicile – et maintenant la PAJE ont eu des effets positifs malgré les limites que vous soulignez. Une interruption de travail trop longue peut pénaliser les salariés dont la formation était déjà insuffisante. Il faut analyser en profondeur ces dispositifs afin de tenter d’apporter la meilleure réponse aux familles et de les maintenir le plus possible en activité.

M. Hervé Drouet. Lutter contre un éloignement durable des femmes du marché du travail lorsqu’elles ont un enfant représente un enjeu fort d’autant que ce sont surtout les familles modestes qui ont recours aux différentes formes de congés parentaux. Les éloigner durablement du marché de l’emploi alors qu’elles connaissent des difficultés d’insertion professionnelle n’est certainement pas leur rendre service. Il faut réfléchir au moyen de raccourcir la durée des congés tout en assurant une meilleure rémunération. On peut également envisager un partage des congés entre les parents. Ces pistes font l’objet d’expertises dans différents cénacles. Le faible succès du COLCA tient sans doute au fait qu’il était ciblé sur les familles de trois enfants. On parle à son égard de « succès d’estime ».

Mme Hélène Paris. Avec la mise en place de la PAJE, le CLCA à temps partiel a été considérablement revalorisé, si bien qu’un nombre plus important de personnes ont opté pour une réduction de leur activité professionnelle plutôt que pour une cessation totale. On observe, entre 2003 et 2007, une réduction du nombre de bénéficiaires du CLCA à temps plein, pour les familles de moins de deux enfants – un peu moins de 40 000 – et une augmentation du nombre des bénéficiaires du CLCA à temps partiel : 66 000.

Quand on creuse un peu la question, on s’aperçoit que les personnes qui n’ont plus eu recours à l’interruption totale d’activité ne se sont pas forcément reportées sur la réduction d’activité. Elles ont pu davantage bénéficier du complément mode de garde et reprendre une activité complète. La possibilité de toucher une prestation revalorisée en contrepartie d’une réduction du temps d’activité a séduit une population qui était auparavant hors de l’interruption totale d’activité.

Comme l’a souligné M. Drouet, l’éloignement trop durable du marché de l’emploi est dommageable au retour à l’emploi des bénéficiaires de ces dispositifs, qui sont à 98 % des femmes. Les conséquences ne sont pas tant un chômage de longue durée qu’une pénalisation en termes de trajectoire de carrière et d’évolution salariale.

La réduction de la durée du congé parental et sa division en deux parties, l’une pour la mère, l’autre pour le père, ces derniers étant libres d’y recourir ou non, sont des voies qui méritent d’être explorées. De tels dispositifs existent dans des pays européens.

Le COLCA a connu un succès extrêmement modeste puisque 2 300 personnes seulement en ont bénéficié en 2007. Il peut y avoir eu un problème de communication mais le très faible recours à ce dispositif nous semble résulter de son ciblage seulement sur les familles de trois enfants.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède ensuite à l’audition de Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, et M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique ainsi que M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris assisté de son adjointe, Mme Véronique David et de Mme Françoise Bauvi, chargée de la politique d’accueil du jeune enfant.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le président Pierre Morange qui, retenu par une autre réunion, devrait néanmoins nous rejoindre très vite.

Nous sommes bien entendu désireux de vous entendre, Mesdames, Messieurs, sur la situation spécifique de chacun de vos départements s’agissant de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE.

Mme la rapporteure. En effet, qu’en est-il précisément des modes de garde dans chacun de vos départements ? Quid de la mise en place des schémas départementaux d’accueil du jeune enfant ? Comment réagissez-vous aux propos qui viennent d’être tenus par les représentants de la Caisse nationale d’allocations familiales – CNAF ?

Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte d’Or. Cinq cent mille personnes vivent en Côte-d’Or et la Caisse d’allocations familiales – CAF – compte 90 000 allocataires dont 60 % habitent à Dijon et dans les zones urbaines environnantes. Selon les préconisations du Centre d’analyse stratégique – CAS, la CAF expérimente plus particulièrement l’information personnalisée aux familles dans le nord du département qui, lui, est très rural. J’ajoute que nous entretenons un partenariat très constructif avec le conseil général et l’ensemble des collectivités locales.

S’agissant de la prestation, tout d’abord, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de base a augmenté de 40 % entre 2003 et 2008 en raison notamment de la revalorisation du plafond de ressources. Le nombre des bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde – anciennes aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle (AFEAMA) et allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) – a quant à lui augmenté de 5 % au cours de la même période, de même d’ailleurs que celui des bénéficiaires du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) – ancienne allocation parentale d’éducation (APE). Quels que soient les changements de sigles, un problème demeure : la complexification des procédures – que la loi était pourtant censée simplifier – alors que chaque famille mériterait de bénéficier d’un entretien individuel que nous ne sommes pas à même d’organiser.

S’agissant, ensuite, des modes de garde, la carte des déficits que nous avons élaborée, tant en ce qui concerne les structures collectives que les assistantes maternelles, montre qu’avec 14 823 places potentielles pour 16 000 enfants de zéro à trois ans nous bénéficions d’un taux de couverture très satisfaisant. Certes des disparités existent selon les zones géographiques, qu’elles soient urbaines ou rurales, et le taux de remplissage ne peut pas être le même tout au long de la journée. De ce point de vue, il importe de ne pas remettre en cause les prestations de service – qui, pour 2008, s’élèvent à 28 millions sur un budget global de 38 millions – afin que l’ensemble de nos structures ne soit pas pénalisé. J’ai à ce propos quelques craintes s’agissant du financement du Fonds national d’action sanitaire et sociale (FNASS).

L’école maternelle, quant à elle, constitue un mode de garde gratuit pour les enfants de deux à trois ans mais les possibilités d’accueil varient en fonction des établissements et il faut veiller à ce que les jardins d’enfants qui doivent leur succéder soient mis en place en temps et en heure. Par ailleurs, faute de moyens financiers, nous ne pouvons pas à ce jour régler le problème posé par les horaires atypiques. J’ajoute que nous travaillons à l’implantation de micro-crèches en milieu urbain car nous sommes confrontés à de graves difficultés liées au manque de terrains. En milieu rural, c’est surtout le problème des transports, donc du regroupement des enfants au chef-lieu de canton qui se pose. De surcroît, les contrats enfance et jeunesse étant signés pour quatre ans, nombre de municipalités hésitent à se lancer dans des projets – le temps qui s’écoule entre la prise de décision et la réalisation est d’ailleurs très long – faute de savoir ce qu’il adviendra des financements passé cette période. Enfin, si les normes à respecter sont sans doute trop nombreuses, il n’est pas moins vrai que les parents veulent légitimement que leurs enfants soient gardés dans d’excellentes conditions, ce qui implique une bonne formation des assistantes maternelles ainsi qu’une bonne information.

M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique. Un million deux cent mille personnes vivent en Loire-Atlantique, département très dynamique sur les plans économique et démographique avec 1 600 naissances par an. Les actions de la CAF ont été fortement développées dans le cadre des moyens de financement mis en place par l’État ou des contrats enfance et jeunesse : 20 millions ont ainsi contribué à la création de 1 600 places d’accueil ce qui représente, en dix ans, une augmentation de 41 %. L’accueil dans des structures collectives demeure néanmoins minoritaire avec 13 % seulement des enfants, la garde des enfants étant effectuée par les parents – grâce au complément de libre choix d’activité (CLCA) – à hauteur de 30 % environ et par les assistantes maternelles à hauteur de 57 %, la différence relevant quant à elle d’arrangements familiaux. Il faut également savoir que si les parents demandent à bénéficier de structures collectives, ils sont aussi très satisfaits lorsque, à défaut, ils bénéficient des services d’une assistante maternelle.

Le problème majeur, en ce qui nous concerne, réside dans une organisation de l’offre et de la demande trop rigide. Autour de la métropole nantaise le déséquilibre est par exemple flagrant entre les deux offres : logements inadaptés ne permettant pas à une assistante maternelle d’accueillir autant d’enfants qu’elle le souhaiterait, distance parfois importante entre le lieu d’habitation et le lieu de garde, réputation des quartiers, éloignement des familles des centres-villes. Nous devons donc travailler à mieux satisfaire cette demande, sans doute en étudiant la possibilité de créer des mini-crèches, structures potentiellement plus souples.

J’ajoute que même si les différents acteurs de la politique de garde doivent bénéficier de marges de manœuvre, le pilotage global doit demeurer national. En ce qui concerne les départements, non seulement la moitié d’entre eux ne disposent pas de commission départementale de l’accueil des jeunes enfants (CODAJE) mais lorsque ces dernières sont présentes, ce ne sont ni plus ni moins que des coquilles vides : si l’on veut donc vraiment parler de schémas départementaux, nous avons tout intérêt à réévaluer cette politique. Sur le plan local, les relais assistantes maternelles (RAM) devraient être renforcés et, peut-être, regroupés. Enfin, la mise en place du site « monenfant.fr » permettra sans doute de mieux répondre à la demande des usagers.

M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris. Paris est à la fois une ville et un département. Si elle ne dispose pas d’une CODAJE, sa commission municipale de concertation fait en revanche du bon travail dans un cadre très souple. Le contrat enfance et jeunesse couvre quant à lui l’ensemble du département.

Depuis plusieurs dizaines d’années et compte tenu des spécificités parisiennes, l’accueil du jeune enfant est une priorité, notamment à travers le développement des crèches vers lesquelles se tournent d’ailleurs toutes les catégories socioprofessionnelles, les parents concevant la PAJE comme une aide lorsque leurs enfants n’ont pu bénéficier d’une place dans ces établissements. Sur deux millions de Parisiens, 850 000 vivent en famille, cette dernière étant définie comme une cellule avec un parent et un enfant de moins de 25 ans ayant un lien de filiation et vivant dans le même logement. La population familiale représente donc 41 % du total – dont 26 % de foyers monoparentaux – taux beaucoup plus faible que celui des autres départements mais sa stabilisation récente justifie plus que jamais la politique familiale de la ville. Parmi les parents vivant en couple, 77 % travaillent tous les deux ; il est par ailleurs notable que la solidarité naturelle avec les grands-parents ne peut pas s’appliquer puisque ces derniers vivent en général en province.

Sur un plan quantitatif, Paris compte 52 300 enfants âgés de zéro à trois ans dont l’un des deux parents au moins travaille. Nous disposons de 27 900 places de crèche, 10 500 gardes à domicile, 3 700 places chez les assistantes maternelles, 1 200 enfants étant par ailleurs préscolarisés. Le total des enfants gardés s’élève donc à 43 300, le différentiel de 9 000 s’expliquant par des besoins insatisfaits et par la garde « au noir » – dont il est difficile d’évaluer l’ampleur, faute d’avoir demandé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) l’autorisation d’utiliser notre fichier à cette fin. Le taux de couverture par une réponse officielle dépasse 82 %.

M. le coprésident Pierre Morange. De quel fichier parlez-vous ?

M. Bernard Lerat. De celui des allocataires de la CAF que nous pourrions être tentés d’utiliser afin de mener des investigations sur les familles dont les deux parents travaillent et dont les enfants n’ont pas de garde officielle.

M. le coprésident Pierre Morange. Au deuxième semestre 2009, le croisement des fichiers de tous les organismes délivrant des prestations sociales permettra de répondre à cette situation. J’ajoute que la CNIL a validé ce dispositif.

M. Bernard Lerat. Paris est atypique par rapport aux autres départements puisque les équipements collectifs de garde représentent 67 % de l’offre et que les gardes individuelles solvabilisées par la PAJE n’en représentent que 33 %. Le nombre d’allocataires s’élevait à 20 600 en 2004, 39 200 en 2005, 53 800 en 2006 ; à la fin de 2007, il était de 54 600, dont 1 200 pour la prime à la naissance, 38 800 pour l’allocation de base, 9 800 pour le CLCA, 3 700 pour le complément de mode de garde assistante maternelle, 10 500 pour le complément de mode de garde à domicile et 164 pour le complément de libre choix du mode de garde dit « CMG structure ».

La Collectivité, par ailleurs, aide les parents à travers sept modalités : la CAF subventionne la création de crèches, participe à leur fonctionnement par la prestation de service, aide au paiement des assistantes maternelles et de la garde à domicile ; les collectivités territoriales et les entreprises jouent également un rôle ; l’État, enfin, propose un crédit d’impôt et finance les allègements de charges sociales pour certains modes de garde. À Paris, la création d’une place de crèche coûte 24 000 euros – la CAF, avec 7 500 euros par place créée, participe à l’investissement à hauteur de 33 % – et le coût annuel du fonctionnement d’une structure de ce type s’élève à 17 000 euros. Il est en l’occurrence couvert par les parents – à hauteur de 17 % – par la CAF – 57 % – et par la commune – 26 %. Les crèches collectives sont facturées aux parents onze mois par an : pour la tranche basse du barème – revenu plancher – et pour un enfant, le coût s’élève à 66 euros mensuels, pour la tranche médiane – 2 400 euros de revenu mensuel –, à 288 euros et pour la tranche élevée
– revenu plafond – à 858 euros. S’agissant des crèches familiales, les coûts sont respectivement de 56, 240 et 714 euros.

Concernant les assistantes maternelles, la participation minimale mensuelle demandée pour un enfant est de 425 euros, les prix réels se situant la plupart du temps bien au-delà. Les parents doivent en outre ajouter à cette somme la fourniture des couches et de la nourriture ou bien une indemnité d’entretien. Une personne effectuant une garde à domicile gagne le SMIC avec un reste à charge de 800 ou 900 euros pour la famille compte tenu du cumul d’un certain nombre d’avantages. La crèche est donc le mode de garde le plus économique pour la plupart des parents mais le plus cher pour la collectivité. Ces chiffres relativisent, me semble-t-il, les critiques adressées à la PAJE puisque cette dernière complète utilement l’offre par des modes de garde individuels.

J’insiste, enfin, sur trois problèmes : outre que nous avons beaucoup de mal à trouver des auxiliaires de puériculture pour les crèches ainsi que des assistantes maternelles, les horaires sont de surcroît de plus en plus difficiles à concilier entre ces dernières et les familles. À ce propos, nous avons signé le 7 octobre 2008 une convention avec les hôpitaux de Paris afin de bénéficier de la plus grande amplitude horaire des crèches hospitalières.

Mme la rapporteure. Qu’en est-il des crèches d’entreprise ? Avez-vous anticipé les conséquences du moindre accueil des enfants âgés de deux à trois ans à l’école maternelle ?

M. Bernard Lerat. Le nombre d’enfants préscolarisés – 1 200, donc, à Paris – n’est pas très élevé.

Mme la rapporteure. Des évolutions sensibles auront lieu.

M. Bernard Lerat. Il faudra examiner la situation établissement par établissement en fonction des évolutions démographiques des quartiers.

Mme la rapporteure. Le Gouvernement tendant à favoriser l’accueil des enfants à partir de trois ans, les différents acteurs locaux, dont les chefs d’établissements, ne seront pas les seuls décisionnaires.

M. Bernard Lerat. Assurément, mais outre que la part de ce mode de garde demeure marginale, les jardins d’éveil peuvent jouer un rôle important. Un partage des charges entre communes et CAF peut du reste être envisagé.

Mme Françoise Bourcier. Faute de pouvoir mettre en place des jardins d’éveil, les maires de Côte-d’Or sont quant à eux inquiets, notamment s’agissant des financements.

M. Clément Charlot. La question commence également à se poser en Loire-Atlantique, en particulier dans les campagnes. Un développement des jardins d’éveil est certes envisageable mais, comme l’a demandé ma collègue, qui paiera ? Les crèches d’entreprise peuvent certes constituer une solution, mais très limitée puisque sur 6 000 places d’accueil collectif, 250 seulement en relèvent. Une expérimentation de regroupement d’entreprises a toutefois été organisée dans la région nantaise avec des résultats satisfaisants. Pour favoriser un tel développement, les collectivités doivent s’impliquer aux côtés des CAF. Je note, enfin, qu’une crèche d’entreprise coûte autant qu’une autre.

M. le coprésident Pierre Morange. En effet, mais la mixité des financements et la fiscalité sont très intéressantes pour les entreprises.

Par ailleurs, les parents se plaignent d’avoir à effectuer un véritable parcours du combattant pour trouver une place, l’obtention d’informations étant quelque peu laborieuse faute de bénéficier d’un système centralisé fonctionnant en temps réel. Envisagez-vous des solutions ?

Pensez-vous, enfin, que le recrutement des auxiliaires de puériculture pourrait être facilité par la révision des très lourdes contraintes réglementaires ?

Mme Françoise Bourcier. Vous évoquez un parcours du combattant ; je parle quant à moi de jongleries mais cela revient au même. Les CAF ont un rôle à jouer en la matière, en particulier à travers les RAM qui sont autant de relais décisifs pour informer les familles ; le site « monenfant.fr » constituera également un levier important ; enfin, nous travaillons avec le Conseil général à la mise à jour du fichier des assistantes maternelles et nous essayons d’ores et déjà de diffuser une information personnalisée auprès des familles dès que nous avons connaissance d’une grossesse.

S’agissant des normes de recrutement des auxiliaires de puériculture, je suis d’un avis très partagé : outre qu’il conviendrait d’abord de mieux former les assistantes maternelles, la « judiciarisation » de la société est telle qu’il faut de plus en plus prendre garde aux incidents éventuels et à leurs conséquences judiciaires.

J’ajoute, enfin, qu’il me semble très difficile de repérer les gardes au noir puisque l’assistante maternelle reçoit de l’argent qu’elle ne déclare pas et que les parents ne bénéficient pas de prestations faute d’avoir, précisément, une assistante maternelle agréée. De plus, la complexité de l’établissement du contrat incite sans doute quelques assistantes maternelles au travail clandestin.

M. Clément Charlot. Absolument.

M. Bernard Lerat. À Paris, le parcours du combattant est somme toute facilité puisque l’attribution de places de crèche dans les établissements municipaux est gérée par arrondissement. Nous avons en outre relié les sites Internet de la CAF et de la ville. Enfin, le site « monenfant.fr » contribuera en effet à améliorer sensiblement la situation en diffusant des informations en temps réel.

Mme la rapporteure. Comme Mme Bourcier, je suis inquiète d’une éventuelle diminution des financements du FNASS.

Je note, de plus, que la PAJE n’a pas vraiment changé la donne s’agissant d’une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Pensez-vous qu’une réforme du COLCA serait la bienvenue ?

M. Bernard Lerat. La question ne se pose guère à Paris où les deux parents ont besoin de travailler.

M. Clément Charlot. Comme l’a dit la Cour des comptes, le CLCA a tout de même permis de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même s’il a surtout été utile à des personnes travaillant à temps partiel.

Il me semble par ailleurs nécessaire d’insister sur l’accompagnement des familles monoparentales, notamment en facilitant leur recherche d’emploi, donc, l’obtention de moyens de garde.

Mme Françoise Bourcier. Je suis d’accord avec MM. Lerat et Charlot : outre que les femmes, globalement, préfèrent garder leur emploi, nous devons veiller à améliorer l’insertion professionnelle de celles qui élèvent seules leurs enfants, sachant que nos fichiers comptent 2 % d’enfants de moins de six ans considérés comme pauvres.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous remercie. Nous restons bien entendu en contact afin de préciser certains éléments si cela se révèle nécessaire.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS œuvrant à la rationalisation de l’utilisation de l’argent public, n’hésitez pas à nous faire part de toute proposition concrète et pragmatique allant en ce sens.

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La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. François Fondard, président du conseil d'administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

M. le coprésident Jean Mallot. Nous accueillons maintenant M. François Fondard, président du conseil d’administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Je lui donne tout de suite la parole afin qu’il nous présente la position de l’UNAF sur la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

M. François Fondard, président du conseil d'administration de l’UNAF. L’UNAF estime que la mise en place de cette prestation a été une grande réussite : elle a répondu aux attentes des familles, en permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, et a amélioré l’efficacité de la politique familiale.

Résultat : la France est, par son indice de fécondité, le premier pays européen, avec 2,01 enfants par femme en 2006. Notre courbe démographique prouve que les mesures prises depuis quinze ans ont été bénéfiques. En 1994, l’indice de fécondité était extrêmement bas, avec 1,65 enfant par femme, et l’on ne comptait que 740 000 naissances par an. Devant ce désastre démographique, le gouvernement de l’époque avait convié les partenaires familiaux et sociaux à mener une réflexion dans le cadre de la conférence annuelle de la famille. Au fil des années, la situation s’est rétablie : en 2006, on a atteint 836 000 naissances. Tous les spécialistes reconnaissent que ces bons résultats, bénéfiques pour nos familles comme pour l’économie de notre pays, sont à mettre au crédit des politiques familiales ambitieuses qui ont été menées sans interruption malgré les alternances politiques. Aujourd’hui, les jeunes couples souhaitent avoir, en moyenne, 2,7 enfants ; dans les faits, ils en ont 2 : la réalité comble presque leurs désirs.

Cette situation favorable résulte principalement de quatre dispositifs : l’aide pour l’emploi d’une assistante maternelle, le congé parental d’éducation, l’allocation de garde d’enfant à domicile et le développement des structures d’accueil. La création de la PAJE, à la suite de la conférence de la famille de 2003, leur a permis de produire leurs effets au-delà de toute espérance ; les familles ont enfin obtenu les solutions qu’elles attendaient pour la garde de leurs enfants. Les prévisions de dépenses ont été dépassées, ce dont l’UNAF se félicite, dans la mesure où c’est un investissement pour l’avenir : en 2003, les dépenses de la branche famille, pour les enfants de moins de 3 ans, étaient de 8 milliards ; elles dépasseront les 11 milliards en 2008. Nous considérons que ce ne sont pas des dépenses abusives, puisqu’il s’agit de répondre aux besoins des familles.

Premier dispositif : le complément versé pour l’embauche d’une assistante maternelle. En 1993, 273 000 enfants de moins de 3 ans étaient gardés par une assistante maternelle ; en 2008, ce chiffre est passé à 475 000. Cette progression impressionnante est due à une revalorisation financière significative de la prestation, à la mise en place de crédits ou de réductions d’impôts, ainsi qu’au renforcement de la formation des assistantes maternelles. Cela a permis de faire reculer le travail au noir.

Le congé parental d’éducation, aujourd’hui financé par le complément de libre choix d’activité (CLCA), a lui aussi progressé : le nombre de bénéficiaires est passé de 174 000 en 1994 à 582 000 en 2008, dont 213 000 à temps partiel (36 %). En remettre la durée en cause serait une erreur, puisque le délai de trois années correspond à l’entrée à l’école maternelle. Je précise, à ce sujet, que l’UNAF est opposée à l’école à 2 ans, qui, selon les spécialistes, peut être une catastrophe pour de nombreux enfants – même si certains n’en subissent aucun dommage. D’ailleurs, les familles l’utilisent souvent pour des raisons financières : il s’agit d’un mode de garde gratuit.

Les détracteurs du congé parental d’éducation considèrent que l’éloignement de l’activité professionnelle est dommageable pour le parent concerné – la mère, dans 99 % des cas. Nous pensons, au contraire, qu’il s’agit d’un mode de garde important pour l’équilibre familial. Bien sûr, il faut être réaliste : cette solution est retenue majoritairement par des familles modestes, pour qui un autre mode de garde coûterait trop cher, ou par des personnes qui ne trouvent pas d’autre solution à proximité de leur domicile. Si l’on réduisait la durée du congé parental, rien ne garantirait aux mères de famille qu’elles accéderaient à un travail dont la rémunération leur permettrait de faire face aux frais de garde. Nous estimons en effet qu’à l’issue du congé, la moitié d’entre elles réintègrent leur ancien emploi, tandis que les autres retournent à la situation antérieure – soit, en général, le chômage. Il faudrait que ces personnes, qui sont bien souvent sans aucune qualification, puissent accéder à une formation qualifiante susceptible de faciliter leur retour à l’emploi.

Quant au complément optionnel de libre choix d’activité, qui prévoit une prestation de 750 euros, il est réservé aux familles de 3 enfants et plus. Seules 2 600 personnes en bénéficient. D’une part, la prestation est insuffisante ; d’autre part, il faudrait l’étendre aux familles de deux, voire un enfant.

La troisième prestation, l’allocation de garde à domicile, ne concerne que 33 800 enfants. Elle n’est en rien comparable avec les précédentes, car elle bénéficie essentiellement aux familles à hauts revenus, du fait de la réduction d’impôts.

D’une façon générale, l’UNAF est attachée au principe du libre choix du mode de garde. Hélas, peu de familles en bénéficient réellement, dans la mesure où l’offre varie beaucoup suivant les lieux. Cependant, les enquêtes qualitatives montrent que 8 familles sur 10 se déclarent satisfaites du mode de garde de leur enfant. Le plus demandé est la crèche, mais, en raison du faible nombre de places disponibles (un peu plus 300 000), il demeure inaccessible à une majorité de familles. Par défaut, elles s’orientent donc vers l’assistante maternelle. Au départ, elles s’inquiètent souvent de la qualité et du professionnalisme de ce mode de garde, mais, dans un deuxième temps, elles se déclarent satisfaites. Certaines disent même avoir trouvé la perle rare !

Toutefois, nous considérons qu’il faut continuer à créer des places de crèche, ainsi qu’à intensifier la formation des assistantes maternelles, sous la responsabilité des services de protection maternelle infantile.

Il nous semble également souhaitable de proposer un congé parental d’un an rémunéré à 67 % – suivant les conclusions du rapport Tabarot –, sans pour autant remettre en cause le dispositif actuel sur trois ans : le coût pour la collectivité serait identique.

Par ailleurs, nous demandons l’assouplissement des normes dans les crèches, notamment pour les 2-3 ans. Aujourd’hui, les structures de petite enfance sont onéreuses, du fait de réglementations très complexes. La création de jardins d’éveil permettrait d’assouplir l’encadrement et de diminuer le coût pour la collectivité.

Il faudrait par ailleurs poursuivre l’effort de réduction des inégalités territoriales en matière d’offre de garde, en confiant son pilotage aux caisses d’allocations familiales, qui possèdent la capacité d’expertise nécessaire et assurent déjà le financement des dispositifs actuels.

Nous souhaiterions en outre que le congé maternité soit allongé, conformément au projet de directive européenne présenté récemment par la Commission : sa rupture au bout de dix semaines nous semble brutale et prématurée.

Enfin, nous regrettons certaines mesures prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment le transfert vers la branche famille du financement des majorations de pensions pour enfants à charge, qui va réduire les marges de manœuvre de la branche au détriment de la politique en faveur de la petite enfance et de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme la rapporteure. Merci, monsieur Fondard, pour cet exposé très complet.

L’UNAF n’est pas favorable à une réduction de la durée du complément de libre choix d’activité, c’est entendu. Toutefois, n’y aurait-il pas moyen de favoriser le retour à l’emploi après un congé parental ? Ne pourrait-on envisager de partager le CLCA entre les deux parents, afin que la mère reste moins longtemps éloignée du travail ?

Par ailleurs, les prestations actuelles vous semblent-elles adaptées aux familles monoparentales ?

Vous avez déclaré être favorable à un développement prioritaire des crèches. Mais que faut-il améliorer en priorité aujourd’hui : l’offre de garde ou la solvabilité des familles ?

Certes, tous les enfants ne peuvent pas entrer à l’école maternelle à 2 ans. Néanmoins, vu l’évolution démographique, les parents risquent de se reporter sur les lieux d’accueil de la petite enfance. Les jardins d’éveil n’étant pas encore au goût du jour – on ne sait pas qui pourra en assurer le financement –, avez-vous d’autres suggestions ?

M. François Fondard. Nous avons réalisé des études sur la situation des mères de famille à la sortie du congé parental d’éducation : celles qui rencontrent le plus de problèmes sont celles qui sont sans qualification. Pour les autres, le retour à l’emploi se fait naturellement.

Mme la rapporteure. Quand même ! Après une interruption, l’évolution professionnelle n’est pas la même !

M. François Fondard. Je le répète : à l’UNAF, nous considérons que le retour à l’emploi après un congé parental d’éducation n’est pas un problème. Le problème, c’est l’absence de qualification des personnes concernées – les hommes comme les femmes. Ce qui est dramatique, c’est que, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification : cela représente 20 % d’une classe d’âge ! Les travaux de notre secteur éducatif montrent bien que le chômage résulte avant tout de notre incapacité à donner une qualification à ces personnes.

Cela tient d’abord à l’analphabétisme : on compte 9 % d’illettrés par classe d’âge, qui auront toujours besoin d’une prise en charge spécifique. Pour les autres, les difficultés proviennent surtout de l’environnement familial : malheureusement, le niveau de qualification des enfants est fonction du niveau d’éducation et de l’origine sociale des parents. Ces populations doivent pouvoir bénéficier de mesures spécifiques, de manière à acquérir une formation qualifiante. Dire que l’on manque d’ouvriers qualifiés ! Vous affirmez que la rationalisation des dépenses publiques est votre principale préoccupation ; quand on sait les sommes englouties dans le secteur de la formation professionnelle, il conviendrait d’aller y voir de plus près !

M. le coprésident Pierre Morange. Cette question a fait l’objet de nombreux rapports parlementaires. Le plus récent, qui porte sur la formation tout au long de la vie, prend en compte à la fois la formation initiale et la formation continue. Un important texte de loi sera prochainement consacré à ces sujets.

M. François Fondard. On souhaiterait en effet davantage d’efficacité.

Cette question rejoint celle des familles monoparentales, dans la mesure où beaucoup de jeunes mères isolées, issues de milieux modestes, sont concernées par la sous-qualification. Elles devraient pouvoir bénéficier de prises en charge spécifiques. Aujourd’hui, les formations sont trop généralistes et n’aboutissent pas à une professionnalisation. Par exemple, des mères de famille sortant de congé parental après deux, trois ou quatre enfants, ont été orientées vers l’aide à domicile aux personnes âgées – secteur où les offres d’emploi sont nombreuses –, mais aucune n’était formée pour ce travail. Il aurait fallu le faire en parallèle !

En ce qui concerne l’offre de garde, l’UNAF considère que le plus important, c’est que les familles aient la liberté de choix. Or elles préfèrent très majoritairement la crèche. Pourquoi ? Les enquêtes que nous avons réalisées montrent qu’elles ont davantage confiance dans les structures collectives en raison du haut niveau de professionnalisation de leur personnel et de l’encadrement. Cela étant, beaucoup d’enfants sont confiés, par défaut, à des assistantes maternelles, qui, heureusement, sont qualifiées et quasi unanimement appréciées par les familles. Il est important de continuer à intensifier leur formation. De nombreux départs en retraite étant prévus, c’est un véritable gisement d’emploi ! Il faut également veiller à ce que les services de protection maternelle infantile aient les moyens de faire leur travail d’évaluation et d’agrément des assistantes maternelles, de manière à éviter tout problème.

S’agissant de la solvabilité des familles, nous considérons que le reste à charge est tout à fait supportable par les familles. À la fin des années 1990, on avait considéré que leur taux d’effort devait correspondre à environ 10 % de leurs revenus – ce qui est actuellement le cas. Un taux de 20 ou 30 % remettrait en cause l’efficacité des politiques familiales ; c’est ce qui s’est passé à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : l’enfant étant devenu un coût pour les familles, le nombre de naissances a diminué.

Enfin, pour les enfants de 2 ans, il faudra rapidement mettre en place des jardins d’éveil : il n’y a pas d’autre solution. En deux ans, le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans est passé de 25 à 17 % ; à terme, il tendra vers 0. Il faut donc trouver une structure de substitution. À notre avis, le financement de ces jardins d’éveil devrait être piloté par la CAF.

Mme la rapporteure. Dans de précédentes auditions, des déficiences en matière d’information aux familles ont été évoquées. Quelles sont vos idées en la matière ?

M. François Fondard. L’information aux familles a toujours été un souci pour l’UNAF et les UDAF. Une grande majorité des communes réalisent un travail important de sensibilisation et d’information, mais certaines souffrent d’un déficit en ce domaine. Nous sommes, quant à nous, favorables aux « Points infos familles » mis en place à la suite des dernières conférences de la famille. Beaucoup ont déjà été créés ; il faut poursuivre cet effort. Les informations données par les « Points infos familles » ne concernent pas que les modes de garde et la petite enfance, elles sont bien plus vastes, ce qui permet d’éviter nombre de difficultés à certaines familles. Notre système de protection sociale est particulièrement développé : si tous les leviers sont activés à temps, on évitera la dégradation des situations familiales.

Les différents partenaires doivent coordonner leurs informations. Le site Internet mis en place par les CAF donnera les renseignements utiles aux familles pour leur permettre de choisir le bon mode de garde ; les relais assistantes maternelles se développent : elles ne sont pas loin de couvrir la totalité du territoire ; quant aux communes, ce sont les interlocuteurs les plus proches des habitants. Grâce à la bonne coordination de tous ces acteurs, l’information circulera.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions. N’hésitez pas à nous communiquer tout élément utile à nos travaux.

La séance est levée à douze heures quarante.