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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 22 octobre 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean Mallot, coprésident

– Audition, à huis clos, sur le fonctionnement de l’hôpital

– M. Emmanuel Lamy, président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, maire de Saint- Germain-en-Laye

– Table ronde avec des responsables de pôles médicaux et le président de la commission médicale d’établissement du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint- Germain-en-Laye :

● M. Jean-Pierre Gayno, chef du pôle « médecine interne et cardiovasculaire »

● M. Hervé Outin, chef du service de réanimation, président de la commission médicale d’établissement

● M. Nicolas Simon, chef du pôle « urgences- réanimation- pédiatrie »

● M. Nicolas Tabary, chef du pôle « chirurgie- anesthésie-bloc opératoire »

– M. Jacques Masdeu-Arus, ancien président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 22 octobre 2009

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition de M. Emmanuel Lamy, président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et maire de Saint-Germain-en-Laye.

M. le coprésident Jean Mallot. Bonjour et merci, monsieur Lamy, d’être venu jusqu’à nous. Je vous prie d’excuser l’absence du coprésident de notre mission, Pierre Morange, qui participe à un colloque. L’objet de nos travaux, aujourd’hui, est le fonctionnement de l’hôpital : vaste programme, qui nous a poussés à partir de cas concrets pour en tirer des enseignements généralisables. Nous avons déjà pris connaissance de différents documents concernant le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, produit d’une fusion encore inachevée et qui souffre de difficultés importantes, à commencer par des déficits persistants, et commencé les auditions pour mieux comprendre ce qui a pu se passer. Nous souhaitons savoir comment vous analysez la procédure de fusion, le fonctionnement de l’établissement et les raisons de ses difficultés, et comment vous pensez possible d’y porter remède.

M. Emmanuel Lamy, président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et maire de Saint-Germain-en-Laye. Sachez d’abord que j’aurai été la plupart du temps dans l’opposition du conseil d’administration, et cela que j’en soie le président ou le premier vice-président – je crois que c’est le terme – puisque le maire de Poissy et moi devions alterner à ces postes. Dix années durant, j’ai été un opposant résolu à la politique de la direction générale de l’établissement, soutenue par le député-maire de Poissy. La fusion entre les établissements de Poissy et de Saint-Germain-en-Laye s’est cristallisée sur un regroupement de l’ensemble des forces vives à Poissy, ce qui a, de mon point de vue, occulté largement les problèmes de gestion qui sont survenus.

Ensuite, il faut garder à l’esprit que le président du conseil d’administration, pas plus ici qu’ailleurs, n’a de pouvoirs de gestion. Si le directeur l’associe à son action, il est bien informé. Sinon, il n’est qu’une potiche qui peut néanmoins essayer d’user de son influence politique pour peser sur certaines orientations.

Je pense que la fusion entre les deux établissements était vouée à l’échec pour deux raisons.

La première est qu’il n’y a pas de communauté de bassin de vie entre Saint-Germain – 43 000 habitants – et Poissy – 36 000 habitants. Saint-Germain est une ville bourgeoise, qui perçoit Poissy comme très différente. Dès que les patients se sont rendu compte qu’ils avaient le choix, pour ce qui est des interventions lourdes, entre Poissy et ailleurs, ils ont massivement voté pour l’« ailleurs ». Les statistiques montrent que la part de marché du centre hospitaliser s’est largement amenuisée. Les Saint-Germanois – je parle ici de l’ensemble du bassin de vie de Saint-Germain – se sont dirigés vers le secteur privé, se rendant notamment à la clinique de l’Europe, à Port-Marly, et vers les grands hôpitaux parisiens. Dans une économie de santé concurrentielle, et avec la très forte attraction de Paris, c’était une erreur de ne pas voir que les Saint-Germanois fuiraient Poissy.

La deuxième raison est que, lorsqu’on fusionne deux hôpitaux de taille similaire, on évite de mettre à la tête du nouvel établissement le directeur de l’un ou de l’autre. À cette époque, j’étais adjoint au maire : j’ai voté la fusion par loyauté, parce que mon prédécesseur Michel Péricard me l’avait demandé, sans y être hostile mais sans en comprendre l’utilité malgré les discours sur les synergies. Mais du jour où il a été clair que le nouveau directeur serait celui de Poissy, je suis entré dans l’opposition. Cette querelle entre les deux pôles, l’ancien directeur a dû vous le dire aussi, a tout biaisé par la suite. La volonté que j’ai montrée, avec les autres administrateurs représentant Saint-Germain, de ne pas laisser tout filer à Poissy l’a certainement poussé à se focaliser sur cette question et à négliger le reste.

Un conseil d’administration est très largement une chambre d’enregistrement. Le pouvoir est en quasi-totalité dans les mains du directeur. Les médecins constituent le seul contre-pouvoir, mais assez fragile dans la mesure où ils dépendent du directeur pour leur fonctionnement. Le conseil d’administration n’a pas les moyens de contester les propositions du directeur, qui restent de toute façon peu détaillées. Voter un budget, par exemple, est un leurre. On vous présente des dépenses agglomérées par catégorie en vous faisant comprendre que le projet a l’accord de l’agence régionale de l’hospitalisation, et il est difficile d’argumenter contre. Si en outre on est dans l’opposition, qu’on a contre soi à la fois le pouvoir politique du député-maire et des élus de Poissy et le corps médical, on n’a plus le choix qu’entre se soumettre et se démettre.

En ce qui me concerne, les dernières années, j’ai quitté à plusieurs reprises le conseil d’administration en claquant la porte. J’ai même dû dénoncer des procès-verbaux établis à charge contre mes interventions – c’est facile à vérifier. Bref, nous ne pouvions pratiquement rien exprimer à part des votes d’approbation et, bien sûr, l’opposition entre Poissy et Saint-Germain.

M. le coprésident Jean Mallot. Sur quel genre de point votre désaccord pouvait-il porter ?

M. Emmanuel Lamy. Sur un des projets médicaux, par exemple – clash, suspension de séance dramatique, rédaction d’un compromis parce que l’agence régionale de l’hospitalisation ne souhaitait pas que le projet soit adopté par les Pisciacais contre les Saint-Germanois… J’ai aussi refusé de voter un budget – je me suis abstenu, un réflexe de haut fonctionnaire m’empêchant de voter contre. Et j’ai quitté des réunions absolument furieux à plusieurs reprises. Les circonstances locales empêchaient le conseil d’administration de jouer son rôle critique, de prendre du recul, bref de jouer son rôle d’organe délibérant. Du temps de M. Buisson, que je sois président ou premier vice-président, on ne m’adressait même pas les comptes rendus de la commission médicale d’établissement. Les décisions se prenaient entre le président, le patron de la commission médicale d’établissement et lui – c’est-à-dire dans un consensus certain. Il restait juste à voter, sachant que les Saint-Germanois étaient minoritaires. Il n’y avait aucune alternative aux propositions du directeur. Les documents étaient disponibles au dernier moment, et de toute façon d’une généralité et d’une complexité telles qu’ils n’étaient pas exploitables.

Dans ces conditions, j’aimais porter l’attaque sur certains points bien précis, comme le non-recouvrement des créances de l’hôpital. En fait, il s’agissait d’un phénomène global, qui commençait par la non-facturation. Les deux sites étant en effet d’architecture assez ancienne, il était très facile d’aller se faire soigner et de repartir sans payer.

M. le coprésident Jean Mallot. Mais cela peut-il être mis en évidence ?

M. Emmanuel Lamy. Seulement si l’on peut comparer la facturation à l’activité médicale. Mais un autre de nos problèmes spécifiques était justement, jusqu’à une période récente, une informatique complètement défaillante et en tout cas utilisée uniquement pour la gestion et non pour l’activité médicale. Cette situation, ajoutée à l’organisation des services qui permettait donc aux gens de se rendre à un rendez-vous et de repartir sans payer, sans aucun circuit organisé qui les enregistre pour tel ou tel acte, nous a valu pendant des années d’approuver des listes impressionnantes de créances abandonnées faute de pouvoir les recouvrer. Je ne saurais vous en dire le montant global, mais cela peut se retrouver.

À ce problème de gouvernance s’est ajouté un autre facteur : au moment de la fusion, les deux hôpitaux étaient sensiblement de la même taille. Celui de Poissy était un peu plus dynamique, avec des chefs de service un peu plus jeunes, ceux de Saint-Germain étant plutôt des notables – de qualité. Le budget était équilibré à Saint-Germain et déficitaire à Poissy. Les chefs de service et le personnel hospitalier de Saint-Germain étaient largement employés à temps partiel, ceux de Poissy à temps plein. Or, les emplois à temps partiel n’étaient pas pris en considération dans le vote pour la constitution de la commission médicale d’établissement initiale. Dès le départ donc, le pouvoir médical s’est trouvé totalement pisciacais, avec seulement un président de la commission médicale d’établissement saint-germanois les deux ou trois premières années. Pour résumer la situation, il y avait un pouvoir politique plus fort à Poissy qu’à Saint-Germain, un directeur complètement acquis à l’idée de tout regrouper à Poissy – certainement, de son point de vue, pour des raisons de bonne gestion et d’efficacité médicale – et une commission médicale d’établissement totalement acquise à cette thèse. Les problèmes généraux de gouvernance, d’informatique ou d’organisation physique des locaux ont été occultés, dans les faits, par la bataille qui a pendant dix ans opposé les deux sites qui, décidément, ne se trouvaient rien en commun.

Dix années pendant lesquelles les pouvoirs publics ont d’ailleurs changé quatre fois de position, hésitant sans cesse entre le site unique et les deux sites. Lorsqu’ils s’étaient décidés pour le site unique, M. Masdeu-Arus, M. Buisson et le président de la commission médicale d’établissement pesaient pour qu’il soit installé à Poissy, mais les Saint-Germanois se précipitaient chez le ministre et il était finalement décidé d’en revenir à deux sites. Et, dans cette autre optique, le pouvoir dominant pisciacais décidait de consolider une toute petite partie de Saint-Germain et de transférer le reste à Poissy – ce qu’ils appelaient d’ailleurs « restructuration du site de Poissy » en public, mais « centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain à Poissy » dans leurs dossiers.

Jusqu’à ce que s’impose finalement l’idée que j’avais défendue avec Dominique Coudreau, premier patron de l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France : si site unique il doit y avoir, qu’il se fasse ailleurs, sans quoi on n’y arrivera jamais. Mais il a fallu notamment convaincre Pierre Morange d’accepter l’idée de l’implanter à Chambourcy, seul endroit où des terrains étaient disponibles, alors que la commune avait bien d’autres idées que d’accueillir un centre hospitalier qui ne paye pas de taxe professionnelle.

M. le coprésident Jean Mallot. Ces difficultés n’expliquent pas vraiment comment la fusion de deux centres hospitaliers à peu près similaires, l’un au budget équilibré et l’autre presque, a pu aboutir à un établissement lourdement déficitaire.

M. Emmanuel Lamy. Je pense que la dérive n’a pas été claire tout de suite. Il y a eu deux ou trois plans successifs de l’agence régionale de l’hospitalisation, jamais respectés mais sans que cela ait de réelles conséquences. J’ai très peu d’éléments concernant cette période mais, à chaque fois que je « râlais », on me répondait que l’agence régionale de l’hospitalisation n’y trouvait rien à redire. Les budgets que nous votions étaient plus de l’ordre du souhaitable que du crédible, et le décalage de plus en plus grand, mais ils étaient à chaque fois approuvés par l’agence régionale de l’hospitalisation. On a continué comme cela sans véritable alerte, parce que les déficits n’apparaissaient pas formellement dans les budgets. De vive voix, M. Buisson nous disait benoîtement ce qu’il ne pouvait pas payer – il n’a pas acquitté la taxe sur les salaires pendant des années ! –, mais le représentant de l’agence régionale de l’hospitalisation ne réagissait pas. C’était assez irréaliste. C’est dans ce contexte que j’ai refusé de voter un budget. Tout le monde a fini par savoir, les administrateurs y compris, que le budget ne voulait rien dire, mais on votait, et devant l’agence régionale de l’hospitalisation !

M. le coprésident Jean Mallot. Qui bouchait le trou à la fin de l’année.

M. Emmanuel Lamy. Plus ou moins.

Il faut aussi comprendre que nous n’avions aucun élément d’analyse. Lorsque des missions ou des audits ont eu lieu, j’ai dit aux enquêteurs de s’adresser à la directrice financière de l’hôpital de Saint-Germain, Mlle Romano, en qui j’ai toute confiance et qui disposait des chiffres. Elle m’avait alerté sur la situation, mais M. Buisson lui a toujours interdit de parler.

M. Dominique Tian. Vous en êtes-vous entretenu avec Dominique Coudreau ?

M. Emmanuel Lamy. Non. Je le connaissais bien, nous avons été chef de bureau ensemble à la direction du budget mais, à l’époque, le dérapage n’était pas encore tellement perceptible.

M. Dominique Tian. Et avec son successeur ?

M. Emmanuel Lamy. Nos rapports ont très vite été très tendus.

M. Dominique Tian. Pourquoi la direction de l’hôpital a-t-elle été couverte pendant si longtemps ?

M. Emmanuel Lamy. Je n’en sais rien. Mon sentiment est qu’il existe une très forte consanguinité entre les personnes sorties de la même école de la santé et que, face aux politiques, ils se serrent les coudes. Mon combat premier a été de défendre l’intérêt du bassin de vie de Saint-Germain, plus grand arrondissement de France. Je me suis heurté avec les successeurs de Dominique Coudreau à des solidarités extrêmement fortes. J’ai très vite eu l’impression qu’ils laissaient toute latitude à M. Buisson en espérant qu’il arriverait à liquider Saint-Germain. J’ai eu de très mauvais rapports avec M. Ritter. J’étais en fait l’empêcheur de tourner en rond – de tout mettre à Poissy et de fermer Saint-Germain. Il a fallu aller plusieurs fois voir le ministre, souvent avec Pierre Morange, juste pour rétablir le principe de départ : une fusion sur deux sites équilibrés. J’ai accepté assez vite, contrairement à mon prédécesseur, l’organisation à laquelle nous finissons enfin par aboutir : le lourd à Poissy, le programmé et l’ambulatoire à Saint-Germain. Mais ce que M. Buisson voulait, sans jamais l’exprimer, c’est tout déplacer à Poissy.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous êtes aujourd’hui le président de l’établissement. Il y a un nouveau directeur général. Un contrat d’objectifs et de moyens a été signé, même s’il prévoit un déficit récurrent. Comment pensez-vous améliorer les choses ?

M. Emmanuel Lamy. Je refuse de mélanger les responsabilités : je ne m’engage donc pas dans la gestion, qui demeure de la responsabilité exclusive de M. Chodorge. En revanche, je suis mieux informé et je ne vis plus un rapport d’agression permanent. Les conseils d’administration sont pacifiés. Cela n’aurait pas été possible sans le départ du précédent directeur, que j’ai demandé pendant des années. Pour l’anecdote, je préciserai qu’il a fallu qu’il soit promu et décoré de la Légion d’honneur pour partir, mais c’était un préalable absolu. Ensuite, je vous rappelle que l’hôpital était en retard sur l’informatique, la connaissance de l’activité, la gestion des recouvrements. Il fallait remettre tout cela à jour. C’est la première tâche que Gilbert Chodorge s’est donnée, et je le soutiens.

Je pense que le conseil d’administration s’était rendu compte que cette opposition entre les deux sites, cette agression permanente contre le maire de Saint-Germain ne pouvaient mener nulle part. Au départ, les deux maires devaient présider par alternance. Puis la loi a changé et il a fallu élire le président – M. Buisson n’a d’ailleurs pas appliqué tout de suite la nouvelle loi pour laisser M. Masdeu-Arus terminer son mandat, mais il me l’a opposée lorsque j’ai proposé de prolonger l’alternance d’un an pour régler la situation transitoire ! Quoi qu’il en soit, nous avons voté. J’avais contre moi la direction générale, le pouvoir médical, le pouvoir administratif et les représentants des médecins libéraux et des patients, puisque j’ « enquiquinais » toujours tout le monde mais, à la surprise générale, j’ai battu M. Masdeu-Arus, d’une voix. Cela prouve sans doute que le conseil d’administration voulait sortir de l’impasse.

M. le coprésident Jean Mallot. Peut-être aussi le vote à bulletin secret a-t-il pris tout son sens…

M. Emmanuel Lamy. Je ne sais pas. J’ai sans doute bénéficié des voix des représentants des usagers. Je n’exclus pas que le préfet ait fait exprès d’en désigner deux de Saint-Germain et un de Poissy…

Je ne vous ai pas parlé des innombrables rumeurs qui ont circulé concernant les marchés publics parce que je n’ai aucun élément à vous communiquer. Lorsque j’ai été élu président, des gens sont venus me voir en me racontant des choses sinistres et j’en ai fait part à l’agence régionale de l’hospitalisation. Cela s’arrête là.

M. le coprésident Jean Mallot. Le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) est édifiant !

M. Georges Colombier. Pour en revenir au départ de l’ancien directeur de l’établissement, je rappellerai qu’il n’y a malheureusement pas que chez vous que les gens sont promus et décorés pour laisser leur place.

M. Emmanuel Lamy. Je ne voudrais pas donner une fausse impression de M. Buisson. J’ai condamné ses méthodes, sa politique et, lâchons le mot, une collusion avec le pouvoir politique de Poissy, mais c’était un homme compétent. Il savait tenir son monde. Il était craint des médecins. C’était un vrai directeur, qui assumait ses fonctions avec autorité et compétence.

M. le coprésident Jean Mallot. Aujourd’hui, la fusion – au sens d’élimination des doublons – se poursuit et vous avez des perspectives d’installation sur un site unique, à Chambourcy. Cela ne serait-il pas le remède à un certain nombre de dysfonctionnements ?

M. Emmanuel Lamy. Premièrement, l’installation à Chambourcy est loin d’être acquise. Le centre hospitalier doit d’abord remplir certaines conditions, à commencer par le redressement de ses comptes. Il doit aussi dégager une marge d’autofinancement puisque l’aide de l’État dans le cadre du plan Hôpital 2012 ne consiste qu’à compenser le surcoût de frais financiers liés aux emprunts, pas à subventionner la construction. Pour financer cette construction, le centre hospitalier doit vendre ses actifs fonciers à Saint-Germain, en cœur de ville, qui valent extrêmement cher, et des actifs à Poissy, moins bien placés, qui valent cher. Encore faut-il que les deux maires ne dévalorisent pas ces terrains dans une autre optique, et que l’établissement de Poissy ne soit pas reconverti en site d’enseignement médical, ce qui nous priverait du produit de sa vente. Mais cela ne suffira pas. Or, et quels que soient les efforts de Gilbert Chodorge, je ne pense pas que l’hôpital puisse faire mieux que parvenir à l’équilibre – ce qui serait déjà formidable. Il n’aura pas de marges pour financer une implantation à Chambourcy. Cela ne peut donc venir que d’une décision politique, dans laquelle Pierre Morange aura un poids déterminant. Nous souhaitons tous que cette décision soit prise : le bassin de vie de Saint-Germain recouvre 350 000 habitants, celui de Poissy 300 000, soit plus que certains départements de province. Nous avons tous intérêt à éviter le report des patients vers Paris et vers le secteur privé. Mais je demeure sceptique sur la réalisation de cette implantation.

Deuxièmement, les affrontements n’ont pas disparu. Aujourd’hui, le directeur essaie de les apaiser, même si la balance penche toujours du côté de Poissy, surtout parmi le personnel médical. Aussitôt qu’il faut nommer un chef de service commun, c’est toujours Poissy qui l’emporte puisqu’ils ont la majorité. Supprimer les urgences et la réanimation à Saint-Germain, comme l’envisage le projet en cours, signerait la mort de notre hôpital. J’ai déjà fait voter à l’unanimité du conseil municipal une motion contre, mais le directeur de l’hôpital essaie d’avoir un point de vue médical. Je pense qu’on devrait tout de même éviter le clash.

Troisièmement, il n’y a pas de culture de l’hôpital unique, ni à Poissy, ni à Saint-Germain. Dès qu’il y a eu une menace sur les urgences et la réanimation à Saint-Germain, les chefs de service du site ont signé une pétition, même après dix ans et malgré mes efforts à la tête du conseil d’administration, où j’ai été réélu. Je soutiens Gilbert Chodorge et j’ai avec M. Métais des rapports beaucoup plus courtois. On peut imaginer aujourd’hui une répartition des rôles conforme aux souhaits de l’agence régionale de l’hospitalisation, avec les urgences et la réanimation à Poissy, et l’ambulatoire et le programmé à Saint-Germain.

Je ne défends pas mon clocher à tout prix et j’ai accepté le départ de nombreux services, notamment de la maternité – on ne naît plus dans le public à Saint-Germain – et de la cardiologie, mais je veux garder un hôpital de proximité, au moins jusqu’à Chambourcy.

Gilbert Chodorge a des qualités humaines, et il a lancé une indispensable modernisation de l’informatique pour mettre à jour l’information, connaître véritablement l’activité et pouvoir la facturer. L’agence régionale de l’hospitalisation paraît satisfaite. Mais il y aura encore des jours difficiles – je le dis même si je suis plus optimiste que par le passé.

Il n’est pas bon qu’un maire soit président du conseil d’administration d’un hôpital. C’est une évidence car il est pris en otage. Si, demain, on découvre un scandale sur les marchés, par exemple, le maire sera éclaboussé. Il est responsable, il prend des coups, mais sans rien contrôler du tout.

Une dernière anecdote : quand je présidais le conseil d’administration, les pouvoirs publics ont décidé de revenir au site unique. M. Buisson sait qu’il n’y a pas de terrain constructible à Saint-Germain mais il paye une étude très chère pour le faire dire. Il n’y en a pas non plus à Poissy, mais le député-maire de la ville suggère de faire un programme d’intérêt général, condamné d’avance, pour s’affranchir des règles locales d’urbanisme. Il me demande de convoquer un conseil d’administration pour entériner. Voyant le piège, j’use de mon seul pouvoir en refusant de signer les convocations. Jacques Masdeu-Arus vérifie que, dans pareil cas, c’est une majorité d’administrateurs qui doit demander la convocation du conseil. La veille, je reçois sur un fax de la mairie de Saint-Germain-en-Laye des convocations, mal rédigées et non signées. Je renonce à lancer une procédure mais, malgré la demande d’une majorité d’administrateurs, je refuse de les signer. M. Buisson est passé outre et le conseil d’administration, présidé par M. Masdeu-Arus, a sans surprise choisi Poissy. En cas de refus du président du conseil d’administration, c’est au patron de l’agence régionale de l’hospitalisation, de convoquer le conseil d’administration sur l’ordre du jour qu’il arrête. J’ai donc envoyé du papier bleu à Buisson, puis à l’agence régionale de l’hospitalisation pour faire invalider une délibération manifestement illégale. L’agence régionale de l’hospitalisation ne réagissant pas, j’en parle à Pierre Morange et nous allons voir le ministre qui, en présence de Jacques Masdeu-Arus, consent du bout des lèvres à dire que la convocation était illégale. Son attitude a d’ailleurs été le prélude à un nouveau changement de pied du Gouvernement. La seule excuse, ou plutôt la seule explication, que je trouve au comportement de M. Buisson est que l’acharnement qu’il mettait dans sa guerre contre moi et contre Saint-Germain ne lui permettait pas de faire de la gestion.

M. le coprésident Jean Mallot. Monsieur le maire, nous vous remercions.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, sous forme de table ronde, de responsables de pôles médicaux et du président de la commission médicale d’établissement du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous accueillons maintenant M. Jean-Pierre Gayno, chef du pôle « médecine interne et cardiovasculaire », M. Hervé Outin, chef du service de réanimation et président de la commission médicale d’établissement, M. Nicolas Simon, chef du pôle « urgences-réanimation-pédiatrie », et M. Nicolas Tabary, chef du pôle « chirurgie-anesthésie-bloc opératoire ».

Messieurs, je vous remercie d’être venus jusqu’à nous et vous demande d’excuser l’absence de Pierre Morange, coprésident de la MECSS : il préside aujourd’hui un colloque.

Avant de vous laisser la parole, je dirai quelques mots sur la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

La MECSS travaille sur différents sujets selon les années, et elle a entrepris d’examiner le fonctionnement de l’hôpital en commençant par se pencher sur des cas concrets, parmi lesquels le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain, compte tenu de ses particularités que vous connaissez. Nous souhaitons aller au-delà des rapports et mieux saisir les raisons des dysfonctionnements qui l’ont conduit là où il est, afin d’en tirer des enseignements pour la politique à venir.

M. Hervé Outin, chef du service de réanimation, président de la commission médicale d’établissement. Le projet de fusion remonte à plus de douze ans. C’est vraiment très long, quand on compare à ce qui se fait dans l’industrie, et toute la communauté hospitalière trouve la situation très pénible. Cinq ministres de la santé successifs sont intervenus : Bernard Kouchner en 1998 ; Jean-François Mattei en septembre 2003 ; Philippe Douste-Blazy en octobre 2004 ; Xavier Bertrand en septembre 2005 ; et Roselyne Bachelot à plusieurs reprises, en particulier en 2008 pour officialiser le choix du site unique des Vergers de la Plaine prévu pour 2015. Dix-huit ans se seront écoulés depuis la décision de fusionner Poissy et Saint-Germain. Les rebondissements politiques successifs ont été très mal vécus par l’ensemble des personnels. La fusion a été décidée, puis annulée ; des travaux ont été suspendus à la suite de la mission Delanoë en 2003, concernant notamment la rénovation du bâtiment des urgences et de la réanimation, ce qui a considérablement gêné le fonctionnement de l’établissement et perturbé les regroupements ultérieurs.

On nous a toujours prêché la complémentarité. Nous nous y sommes essayés mais nous nous sommes heurtés à des oppositions nettes – opposition structurée de la part de la communauté médicale de Saint-Germain, qui défendait « son » hôpital avec des appuis extérieurs. Vous n’êtes pas sans savoir que les hommes politiques ont pesé dans cette affaire, à côté desquels nous nous sommes sentis comme des fétus de paille. Nous respectons les élus mais le problème est de savoir qui dirige : le directeur ou le politique ? La perspective de 2015 reste conditionnelle puisque nous avons un déficit considérable : quand Gilbert Chodorge est arrivé en 2007, le déficit annuel était de 44 millions d’euros. Nous espérons cette année le ramener à 24 millions ; nous avons du mal. Mon collègue s’acharne à restructurer les blocs opératoires, mais c’est extraordinairement compliqué dans un établissement bi-site. On rencontre des résistances, notamment de la part de chirurgiens, qu’il est très difficile d’éviter. L’objectif d’un déficit de 12 millions en 2010 sera très difficile à tenir.

Il faut nous aider à restructurer. Cela ne veut pas dire que rien n’a été fait, loin de là. La première grande opération a été le regroupement de la maternité et de la néonatologie en 2003. Elle s’est heurtée à de très fortes résistances de la part d’Emmanuel Lamy, qui estimait qu’il fallait une maternité publique à Saint-Germain. Le professeur Ville, qui est un homme énergique, a fini par réussir en 2004, malgré les prétendus risques pour la population qui ont été avancés. Je suis devenu président de la commission médicale d’établissement en 2005 et, immédiatement, j’ai fait procéder à l’unification des laboratoires. Ensuite, est venu le tour de la pédiatrie et de la cardiologie sous la direction de Marc Buisson, qui a été fort courageux. Tous les médecins spécialisés en pédiatrie et en cardiologie ont dû signer une lettre pour demander à exercer sur un même site en vue de concentrer les compétences et de diminuer le poids des gardes. La moindre ligne de garde coûte 170 000 euros. Or notre établissement en compte vingt. Les écueils ont été très nombreux, mais nous avons réussi. D’autres services ont été regroupés, tels que l’ORL et l’ophtalmologie, qui ont un chef de service unique. Sous la houlette de Nicolas Tabary, les blocs opératoires ont été unifiés récemment. Grâce à l’énergique M. Coudreau, de l’agence régionale d’hospitalisation, on a fermé les urgences la nuit à Saint-Germain, en dépit de manifestations hostiles. Des améliorations ont été apportées et les urgences fonctionnent, y compris à Saint-Germain, dont le rapport Delanoë avait pourtant préconisé la fermeture.

Les partenariats public-privé nous ont posé beaucoup de problèmes à cause de la très mauvaise volonté de nos interlocuteurs. Au cours des séances consacrées à l’élaboration des coopérations, on nous disait oui pour la permanence de soins au scanner, avant d’ajouter que le privé avait autre chose à faire que des gardes. À la rigueur, on voulait bien assurer une ou deux permanences par an. Dans ces conditions, il n’y a pas de convention qui tienne. Si les partenariats public-privé sont vides, ce n’est pas de notre fait. J’ignore les raisons de l’attitude des cliniques privées, mais j’ai vraiment eu l’impression que les partenaires privés voulaient le moins de lien possible avec nous pour s’affranchir de toute obligation envers le service public et, ainsi, mieux valoriser leur bien. Pourtant, des partenariats auraient été possibles, dans l’anesthésie notamment. On a essayé beaucoup de choses.

L’apogée de mon mandat a été la constitution des pôles. Vous n’imaginez pas les obstacles que j’ai rencontrés. Je me suis heurté à un groupement de médecins qui pensaient qu’il fallait absolument maintenir une organisation complète dans chaque hôpital. Je me suis battu pour introduire de la transversalité dans le dispositif. Celle-ci a des inconvénients, mais aussi des avantages. Sans elle, Nicolas Tabary ne pourrait pas optimiser l’activité chirurgicale, qui passe par une spécialisation des sites : les urgences et les interventions lourdes à Poissy, et la chirurgie ambulatoire et programmée à Saint-Germain. Mais l’application est difficile car il se trouve toujours des acteurs pour ne pas jouer le jeu. Il existe désormais sept pôles d’activité clinique. Ils sont tous transversaux, à l’exception de l’oncologie médicale et l’infectiologie, dont presque tous les services sont à Saint-Germain, sauf la gastro-entérologie. La périnatalité est aussi uni-site. On compte également deux pôles médico-techniques et trois pôles administratifs – projets, activités, ressources.

M. Nicolas Tabary, chef du pôle « chirurgie-anesthésie-bloc opératoire ». Le diagnostic est simple : deux hôpitaux, deux blocs trop petits l’un comme l’autre pour réunir l’activité chirurgicale ; donc des coûts de structure plus lourds à cause des doublons. Le projet du pôle consistait à différencier les deux blocs, l’un dédié à la chirurgie lourde et aux urgences, l’autre à la chirurgie ambulatoire et programmée. C’était faire abstraction de certaines personnes qui ne veulent pas changer de site. Quand il n’y a plus qu’un chef de service, c’est plus facile, mais il reste encore deux services de chirurgie viscérale qui ne veulent pas travailler ensemble, et même un Chef de pôle, avec un grand C, n’y peut pas grand-chose.

Le bicéphalisme n’est pas, malheureusement, la seule difficulté puisque, en orthopédie, nous n’avons pas de chef de service, aucun des deux responsables ne voulant assumer la responsabilité de l’autre site.

En outre, depuis douze ans que dure cette fusion, tout le monde sait qu’une décision signée, et même votée à l’unanimité en commission médicale d’établissement, peut être invalidée, et chacun continue à agir à sa guise. On avance malgré tout. Avec les départs à la retraite et l’arrivée de nouveaux venus, les mentalités évoluent et on espère petit à petit faire disparaître les doublons.

En dehors de ces blocages, nous nous sommes efforcés de rendre les blocs les plus efficients possible. La Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH) nous a énormément aidés. De chaque côté, il y a de l’activité et les gens travaillent, mais nous n’avons pratiquement pas d’éléments de comparaison quand on nous annonce que nous faisons 32 millions d’euros d’activité chirurgicale par an, mais 10 millions d’euros de déficit. Nous ne savons pas comment nous améliorer. Chaque hôpital mesure les choses à sa façon. Les chiffres proposés par la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers nous ont permis d’identifier l’organisation et l’occupation des salles sur lesquels nous avons travaillé. Tous les doublons ne sont pas éliminés, mais nous faisons 12 000 actes par an, 600 de plus que prévu au 1er octobre, avec en moyenne 150 salles de moins. L’amélioration est sensible.

La démographie du corps des anesthésistes est fragile. Il est difficile de recruter, les médecins sont de plus en plus âgés, et l’anesthésie est vraiment le goulet d’étranglement de l’activité chirurgicale, d’autant qu’il faut aussi des anesthésistes en maternité et périnatalité, où l’activité a tendance à augmenter.

Les avancées sont tangibles, mais elles sont trop lentes et nos structures sont trop petites. Un site unique et un bloc un peu plus grand – inutile qu’il soit deux fois plus grand que chacun des deux que nous avons – permettraient de regrouper la totalité des activités sur un seul site. Ce serait à mon avis le seul moyen d’accroître sensiblement l’efficience, par rapport aux petites améliorations que nous pouvons faire au quotidien.

M. Jean-Pierre Gayno, chef du pôle « médecine interne et cardiovasculaire ». Je suis le seul médecin saint-germanois ici, mais, de toute façon, je suis un peu à part. J’exerce la médecine à l’hôpital depuis près de trente ans. Nous avons subi trois ou quatre audits, et je trouve que c’est beaucoup. Nous y avons consacré beaucoup de temps et ce qui a été décidé n’a pas été appliqué.

M. le coprésident Jean Mallot. Par exemple ?

M. Jean-Pierre Gayno. Au départ, un audit avait recommandé de faire les urgences d’un côté et le programmé de l’autre. Cela ne s’est pas fait notamment à cause de réticences médicales. Il a été décidé ensuite de faire un hôpital unique. Après un énorme travail et beaucoup de dévouement de l’ancienne direction, on a pris sept ans de retard dans la fusion. Si la fusion avait eu lieu et n’avait pas rencontré toutes ces obstructions, notre établissement serait dans une situation meilleure, qu’il s’agisse des soins prodigués ou de ses finances.

M. le coprésident Jean Mallot. D’où ces obstructions venaient-elles ?

M. Jean-Pierre Gayno. Je ne sais pas. J’ai un gros problème pour comprendre qui décide dans les hôpitaux. La communauté médicale ? Les municipalités ? L’agence régionale de l’hospitalisation ? Le ministère ? En tout cas, c’est très long. Nous avons eu beaucoup de réunions très tendues, notamment avec ceux qui opposaient leur force d’inertie à la fusion. Mais il est très difficile de faire marcher un hôpital en sécurité – c’est l’essentiel pour nous, médecins – sur deux sites. Cela engendre inévitablement des surcoûts, si bien que la seule solution, qui me paraît évidente depuis bien longtemps, consiste en une fusion sur un seul site.

Nous avons du mal à recruter. Les gens sont fatigués d’être mobilisés en permanence autour de projets qui n’aboutissent pas. Et pas seulement les médecins ! Nous n’arrivons plus à recruter d’infirmières. J’y vois une conséquence de tout notre parcours.

Pour ce qui est de mon pôle, le projet est quasiment appliqué, ou sur le point de l’être, mais il n’est que transitoire, en attendant le futur hôpital de Chambourcy, si jamais il existe un jour.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous en doutez ?

M. Jean-Pierre Gayno. J’espère profondément que Chambourcy verra le jour. Si la décision était prise et affichée une bonne fois pour toutes, ce serait bon pour le moral de l’établissement.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous avez été échaudé…

M. Jean-Pierre Gayno. Comme je ne sais pas très bien comment cela fonctionne, je crains d’être à la merci d’un changement de ministre ou de maire…

M. Dominique Tian. À quoi attribuez-vous les retards ? À la commission médicale d’établissement ? Au pouvoir politique ?

M. Jean-Pierre Gayno. Ma réponse est oui. C’est vrai, les discussions sont vives en commission médicale d’établissement pour faire marcher un hôpital en sécurité sur deux sites. Il faut aussi comprendre les Saint-Germanois qui ont perdu plus que Poissy. Cela a créé un ressenti négatif, ce qui est compréhensible. Les médecins de Saint-Germain ont pesé, mais la décision politique n’a pas été prise. Quand on discute depuis vingt ans, il faut prendre la décision et ceux qui ne sont pas contents n’ont qu’à partir !

M. Dominique Tian. Mais l’idée du regroupement est-elle bonne ? Que chacun des deux sites soit entouré d’un bassin de population de 300 000 habitants au moins ne justifie-t-il pas l’existence de deux hôpitaux ?

M. Jean-Pierre Gayno. Ce n’est plus possible, pour des raisons financières.

M. Dominique Tian. À ce moment-là, ne sont-ce pas les cliniques privées qui vont en profiter, puisque vous ne pourrez pas prendre toutes les urgences ni la maternité, ainsi que les hôpitaux parisiens ?

M. Jean-Pierre Gayno. Je ne pense pas, vu de chez moi, dans ma spécialité.

M. le coprésident Jean Mallot. À l’origine, il y avait deux établissements qui avaient des budgets à peu près équilibrés. Puis on les a fusionnés, et un déficit très important est apparu. Comment l’expliquez-vous ?

Vous avez dit que la fusion impliquait, si l’on voulait garantir un fonctionnement sécurisé, des surcoûts.

M. Jean-Pierre Gayno. Non : les surcoûts auraient été les mêmes sans la fusion.

M. Hervé Outin. Le budget global fonctionnait différemment : on n’évaluait pas les déficits de la même manière. Avec l’arrivée de la tarification à l’activité, ils ont été dévoilés et objectivés. Désormais, il faut prouver que l’on a fait quelque chose avant d’être rémunéré. Résultat : le déficit est devenu flagrant. De nombreux établissements publics de santé se trouvent probablement dans la même situation.

Nos deux établissements disposaient d’une certaine cohérence. Pourquoi a-t-on décidé, en 1997, de les fusionner ? C’est Michel Péricard qui l’a souhaité, et qui a demandé un audit.

M. le coprésident Jean Mallot. Pourquoi ?

M. Hervé Outin. À l’époque, l’hôpital de Saint-Germain voyait son activité décliner ; c’était un établissement de moindre taille. L’hôpital de Poissy avait d’autres ambitions, avec six ou sept conventions hospitalo-universitaires. Depuis, les choses ont changé : Saint-Germain s’est étoffé grâce l’arrivée de nouvelles compétences.

Structurellement, les deux établissements sont très différents : Saint-Germain est un hôpital « dans les murs », dont le personnel habite dans le voisinage, tandis que Poissy est un hôpital « hors les murs ».

Michel Péricard est décédé peu de temps après la fusion. Quel était son véritable dessein ? Seul Emmanuel Lamy pourrait vous le dire.

M. Jean-Pierre Gayno. C’est très simple : il pensait que l’hôpital de Saint-Germain était déclinant et qu’il fallait le protéger !

M. Nicolas Simon, chef du pôle « urgences-réanimation-pédiatrie ». La fusion résulte de sa réaction à chaud aux conclusions d’un audit d’Arthur Andersen qui prédisait la transformation de l’hôpital de Saint-Germain en hôpital de long séjour. Il faut savoir que Michel Péricard était très impliqué dans la vie de l’hôpital, dont il assurait de facto la direction : tout se décidait dans son bureau. Pour le sauver, il a annoncé sa fusion avec celui de Poissy. Personne n’était au courant, aucune étude de faisabilité n’avait été faite : il a fallu faire avec.

Était-ce justifié ? Avec le recul, je pense que non. On compte 600 000 habitants sur le bassin de vie de Poissy-Saint-Germain : il y avait largement la place pour deux hôpitaux. Moi qui suis « bi-site » – et le revendique –, je suis confronté au quotidien à deux structures, deux cultures, deux conceptions de l’existence. Saint-Germain, ce n’est pas la même chose que Poissy. Saint-Germain est un hôpital familial, où les liens interpersonnels sont très forts ; Poissy est une structure technocratique : on est là pour produire.

M. le coprésident Jean Mallot. Ils sont pourtant de taille similaire. À quoi tient cette différence ?

M. Nicolas Simon. Elle est en partie liée au recrutement.

En outre, les Saint-Germanois se sont sentis agressés par les Pisciacais et se sont repliés sur eux-mêmes. Quant aux Pisciacais, sûrs d’eux-mêmes, ils ne se sont pas sentis concernés et n’ont pas organisé de réunions de concertation.

À cela, sont venues s’ajouter d’autres difficultés : des injonctions de réussite provenant de la hiérarchie administrative, ainsi que des pressions politiques – au demeurant fort compréhensibles – visant à défendre l’hôpital de Saint-Germain.

M. le coprésident Jean Mallot. Bref, la situation était bloquée.

M. Nicolas Simon. Oui.

Malgré tout, les personnels ont relevé le défi de la fusion. Aujourd’hui, on ne peut plus faire marche arrière : les hôpitaux ont réellement fusionné. Toutefois, pour les personnes qui ont connu l’ancienne configuration, la fusion reste difficile à intérioriser et à vivre au quotidien. On est toujours de l’un ou de l’autre ; on continue à parler de « l’hôpital », et non du « site », de Poissy ou de Saint-Germain – et encore moins du « CHIPS » !

Il reste que nous avons un service à rendre à la population. Le regroupement sur un site tiers est la seule solution possible. Il s’agira d’une grosse structure, bénéficiant d’une bonne situation et d’une bonne accessibilité depuis les deux villes. Il n’existe plus d’opposition véritable à ce projet : les médecins qui auraient encore pu nourrir des arrière-pensées savent que, d’ici là, ils seront partis à la retraite.

M. Nicolas Tabary. En effet : comme, du fait de notre situation catastrophique, nous ne recrutons pas, le corps médical est vieillissant !

M. Nicolas Simon. La création du nouveau site provoquera un appel d’air.

Certes, il existe tout autour d’autres structures médicales relativement importantes. La clinique de Saint-Germain, dont on a fait des montagnes, est toutefois un petit établissement, actuellement en difficulté financière. Ce n’est pas un danger.

M. Hervé Outin. Elle détient 10 % des parts de marché, contre 47 % pour notre hôpital et 17 % pour la clinique de l’Europe.

M. le coprésident Jean Mallot. Le changement d’implantation géographique aura-t-il des conséquences sur la fréquentation de l’hôpital ?

M. Nicolas Simon. Pour l’instant, nous déplorons un taux de fuite d’environ 40 % : des patients qui devraient venir chez nous préfèrent aller se faire soigner à Paris. Il s’agit surtout de Saint-Germanois : le site de Poissy joue davantage le rôle d’un hôpital de proximité. Il faudrait que notre hôpital soit plus attractif.

M. Dominique Tian. Vous avez évoqué avec regret l’ancienne splendeur des hôpitaux, mais vous étiez à l’époque protégés par le budget global. On a tenté, sans grand succès, de mettre en place le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et la tarification à l’activité (T2A). Pourquoi la commission médicale d’établissement et la direction de l’hôpital ne se sont-elles pas attelées à la tâche plus vaillamment ?

M. Hervé Outin. La mise en œuvre de la T2A nécessite un système d’information parfaitement huilé. À l’époque de Marc Buisson, le système informatique n’était pas opérationnel. Durant la période d’intérim, Maurice Toullalan a essayé de mettre en cohérence le recueil des données et les dossiers médicaux en utilisant un même éditeur, mais ce fut au prix de dysfonctionnements. La nouvelle direction a jugé ce système inopportun et l’a modifié. Ces atermoiements ont désorganisé les choses.

M. Dominique Tian. Des personnes que nous avons auditionnées ont en outre évoqué une gestion administrative peu rigoureuse, avec des patients qui partent sans payer.

M. Hervé Outin. Il est habituel que les directeurs incriminent les médecins, en leur reprochant de ne pas coder correctement les actes médicaux !

Le système de la T2A exige un codage extrêmement rigoureux. Contrairement aux établissements à but lucratif, dans notre hôpital, le case-mix est très diversifié : nous enregistrons 350 groupes homogènes de malades (GHM) quand ils en comptent à peine 150. Le codage des actes est donc particulièrement complexe, d’autant que les règles changent d’une année sur l’autre. De surcroît, l’information doit ensuite être mise en cohérence avec le logiciel administratif – ce qui n’a pas été le cas. En conséquence, un grand nombre de dossiers n’ont pu être facturés. Quant aux consultations, il existe un service dédié à leur facturation, mais il rencontre lui aussi des difficultés informatiques.

Toujours est-il que la bonne volonté des médecins n’est pas en cause : nous ne faisons pas le codage plus mal qu’ailleurs. Il s’agit d’une opération particulièrement complexe, pour laquelle il existe même des logiciels d’apprentissage. On vous y apprend à « optimiser » les résultats. Ainsi, certains établissements à but lucratif multiplient les unités de surveillance continue, dont les moyens ne sont pas fixés par décret : ils peuvent prévoir une infirmière pour dix personnes, et ils font passer systématiquement les patients en surveillance post-interventionnelle, de manière à pouvoir les coder ensuite en unité de surveillance continue et toucher à chaque fois un supplément de 300 ou 400 euros. Nous refusons de verser dans ces pratiques malhonnêtes qui, un jour ou l’autre, viendront à la connaissance de la sécurité sociale.

Je suis pour ma part persuadé que la plupart des difficultés proviennent de la médiocrité du système d’information.

M. Nicolas Simon. Du temps de la dotation globale, moins il y avait de patients qui payaient, plus c’était intéressant pour l’hôpital, puisque l’on déduisait de la dotation tout ce qui était facturé, que ce soit encaissé ou non. Il était donc préférable de facturer le moins possible. Désormais, il faut remplacer ce « libre-service » par un « passage à la caisse » : cela ne peut se faire du jour au lendemain !

J’ai regardé comment procédaient les établissements privés. La clinique de Trappes, dont les activités d’urgence sont à peu près équivalentes aux nôtres, a affecté huit personnes au seul encaissement des passages aux urgences ; les contentieux sont traités directement, et rapidement, par une société spécialisée. La clinique rentre dans ses frais. À Poissy-Saint-Germain, nous n’avons que trois personnes pour accomplir cette tâche. Cela ne peut pas marcher ! Les moyens dont dispose l’hôpital public sont inadaptés à ce mode de fonctionnement.

Il y a quelques années, le responsable de la clientèle m’avait suggéré de demander leur carte d’identité aux personnes reçues aux urgences. J’avais refusé : je ne suis pas « flic ». Mais si l’on veut facturer une consultation, il faut bien connaître l’identité et l’adresse du patient ! Désormais, quand on reçoit un patient, la première chose à faire est de chercher à savoir ce qui l’amène, la seconde de lui demander sa carte d’identité et sa carte Vitale. Avant, on ne demandait rien aux gens, on les soignait. C’est un sacré changement !

Tout cela implique de nouveaux modes de gestion. Cela suppose aussi que les personnels médicaux modifient leurs pratiques dans un sens qui ne correspond pas forcément à leur conception du métier. Ils n’auront jamais la même rigueur qu’un agent administratif. Ce qu’il faudrait, c’est un investissement de départ afin d’embaucher du personnel dédié, nuit et jour, dimanche compris. Avec un déficit de 25 millions d’euros, nous en sommes bien incapables ! Du coup, nécessairement, cela prend du temps.

Ce n’est pas la faute de tel ou tel. On a changé de paradigme : avant, la santé était gratuite ; désormais, on tient compte de son coût. Il faut trouver des solutions.

M. le coprésident Jean Mallot. Cela suppose une mutation culturelle, la formation de tous les personnels, médicaux et non médicaux, aux modes de fonctionnement en vigueur, le recrutement de personnels dédiés à de nouvelles tâches et des systèmes d’information performants : bref, il y a tout à refaire !

M. Nicolas Simon. Et il faut de l’argent ! Normalement, un système d’information représente de 10 à 12 % du budget pour l’investissement de départ, puis de 4 à 6 % pour l’entretien. À Poissy-Saint-Germain, on atteint au mieux 1 % : cela ne peut pas fonctionner !

M. Jean-Pierre Gayno. En tant que chefs de pôles, nous avons besoin d’éléments financiers. Actuellement, il n’existe qu’un embryon d’analyse médico-économique. Les médecins progressent en ce domaine : si nous n’avons pas de formation économique, nous sommes capables de raisonner en termes de rapport à l’activité. Mais nous ne pouvons pas tout faire en même temps. La priorité, pour l’instant, est la diminution du déficit. En ce qui concerne l’organisation des pôles, il reste beaucoup à faire : par exemple, il n’y a pas de délégation de gestion, ni de véritable analyse économique du fonctionnement. Les frais de structure sont effrayants !

M. Dominique Tian. À quoi est-ce dû ?

M. Jean-Pierre Gayno. Nous aimerions bien le savoir…

M. Nicolas Tabary. Personne ne peut nous répondre !

M. Jean-Pierre Gayno. Nous avons des missions d’intérêt général. Par exemple, pour ce qui concerne la prison de Poissy, nous sommes déficitaires de 150 000 euros ; mais il m’a fallu un an pour savoir combien nous recevions au titre de cette activité.

M. Dominique Tian. La Cour des comptes a réalisé un audit sur l’hôpital. N’en avez-vous pas discuté en commission médicale d’établissement ou en conseil d’administration ? Ne disposez-vous pas d’outils de gestion permettant d’analyser la situation économique de l’établissement ?

M. Hervé Outin. En 2008 a été mis en place un compte de résultat analytique (CREA), mais il n’a pas été diffusé à l’ensemble de l’établissement, car la direction des affaires financières peine à analyser la totalité des éléments. En conséquence, nous n’aurons pas de véritable outil de pilotage ni de données économiques précises pour 2009. C’est très embarrassant. Résultat : dans les réunions, j’en suis réduit à donner des chiffres globaux : 32 millions d’euros d’activité et 10 millions d’euros de déficit.

M. Nicolas Tabary. Sans que l’on sache exactement à quoi ces chiffres correspondent : les déficits sont répartis partout, mais nous ignorons où le bât blesse. Un chirurgien m’a dit qu’avec notre clé de répartition, chaque fois qu’il réalisait un acte, il générait du déficit. Il ne lui reste plus qu’à arrêter de travailler !

M. Jean-Pierre Gayno. C’est démoralisant !

M. Hervé Outin. Un exemple a été popularisé par une émission de télévision : dans une matinée, le même chirurgien faisait huit opérations de la cataracte dans une clinique, mais seulement deux dans une autre, tellement l’organisation y était mauvaise ! Chez nous, le service d’ophtalmologie tourne bien : on opère six cataractes dans une matinée, la chef de service est très active, elle assure des consultations – bien qu’à l’hôpital celles-ci, comme tous les actes intellectuels en général, soient honteusement sous-payées –, le recrutement est bon, le matériel aussi, et pour un coût raisonnable. Les frais induits par la répartition sur deux sites ne sont pas trop élevés. Pourtant, cette spécialité, qui est rentable dans tous les établissements privés, ne l’est pas à l’hôpital de Poissy-Saint-Germain ! Nous ne comprenons pas pourquoi. Et c’est la même chose pour le service de maladies infectieuses. C’est décourageant !

M. Jean-Pierre Gayno. Quand vous avez l’impression de bien faire votre travail et que l’on ne cesse de vous dire, depuis dix ans, que vous êtes financièrement mauvais, c’est pénible. Il existe une réelle souffrance des personnels médicaux et paramédicaux, parce que la fusion n’a pas abouti. Si nous travaillons dans la fonction publique, ce n’est pas pour l’argent, c’est un choix de vie ! Et quand on vous dit que vous coûtez 40 millions d’euros au contribuable, c’est démoralisant !

M. le coprésident Jean Mallot. En quoi est-ce lié à la fusion ?

M. Jean-Pierre Gayno. Je n’ai pas dit cela.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous avez dit que les personnels étaient impatients de voir la fusion aboutir.

M. Jean-Pierre Gayno. Je pense que le fait d’être sur un seul site changera beaucoup de choses – mais peut-être n’est-ce qu’un leurre.

M. Dominique Tian. N’est-ce pas précisément le problème ? Vous attendez tout de la fusion, alors qu’elle ne résoudra pas l’ensemble des difficultés. Le renouvellement du personnel, par exemple, relève plutôt de la démographie médicale.

M. Nicolas Simon. Pour le coup, la fusion rendra l’hôpital plus attractif.

M. le coprésident Jean Mallot. Certes, mais la qualité des systèmes d’information ou la formation médico-économique des personnels n’ont rien à voir avec elle.

M. Jean-Pierre Gayno. Ce n’est pas de notre responsabilité.

M. le coprésident Jean Mallot. Mais vous êtes les utilisateurs !

M. Nicolas Tabary. Quand on établit le CREA, on voit que l’hôpital produit de l’activité, mais que les coûts de structure sont tellement importants qu’il est toujours déficitaire. On a essayé d’analyser le phénomène. Serait-ce dû à l’utilisation d’un matériel très coûteux ? Pourtant, deux chirurgiens travaillant de façons totalement différentes généreront le même déficit. Faute de CREA suffisamment finalisé, la seule explication possible, à l’heure actuelle, est que l’activité est répartie entre deux structures. La fusion sur un même site permettra de résorber les surcoûts liés aux doublons – du moins, c’est ce que nous espérons.

M. Hervé Outin. Certaines activités sont sous-financées, comme les missions d’intérêt général et l’aide à la contractualisation (MIGAC). Tout dépend de la négociation initiale, puis de la renégociation de ces activités. Par exemple, les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) sont valorisés : on nous reverse les sommes correspondantes.

L’autre poste extrêmement important, ce sont les gardes et astreintes en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) – dont le budget s’élève à quelque 250 millions d’euros –, qui représentent pour notre établissement quelque 6,6 millions d’euros. Avec Jean-Yves Grall, qui était à l’époque conseiller auprès du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, nous avions essayé de limiter les gardes. Nous étions arrivés à la conclusion que l’on ne pouvait pas faire mieux. Les gardes ayant été débasées, on nous a alloué une somme d’environ 2,4 millions d’euros. Pour un établissement sur un seul site, ce serait acceptable, mais comme nous avons deux structures, cela constitue pour nous une perte sèche de 4 millions d’euros. Cela nous paraît une injustice criante !

M. le coprésident Jean Mallot. Que répond l’autorité de tutelle à ces arguments ?

M. Hervé Outin. Qu’elle les connaît déjà. C’est ainsi, elle se contente de nous renvoyer à nos résultats. D’ailleurs, notre autorité de tutelle dépend elle-même d’autres personnes placées encore plus haut…

Reste que nous sommes coincés par notre organisation structurelle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons été autorisés à être « hors des clous ». Dans le cas contraire, il aurait fallu fermer un établissement.

M. le coprésident Jean Mallot. Les repères ne sont pas adaptés, mais on vous autorise à être hors des clous.

M. Hervé Outin. Des progrès importants ont tout de même été accomplis. Mais il est difficile de faire plus, et ce pour de multiples raisons. Nous pourrions en parler des heures durant tant la situation est compliquée.

Tous les acteurs de l’établissement sont très impliqués, mais il est extrêmement démotivant de se faire traiter de cancres alors que l’on essaie de se donner entièrement au service public. Certes, comme certains nous le disent parfois de façon inélégante, nous pourrions aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Mais nous croyons en ce que nous faisons. Nous pensons que notre établissement est de qualité et qu’il dispose de capacités importantes. Notre espoir est que les choses changeront quand le regroupement sur un site unique à Chambourcy sera définitivement engagé – mais certaines personnes mettent cela en doute, ce qui entretient la démotivation. Nous ne demandons qu’à y croire, pourtant.

M. le coprésident Jean Mallot. Merci pour votre participation très éclairante.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède enfin à l’audition de M. Jacques Masdeu-Arus, ancien président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

M. le coprésident Jean Mallot. Merci, monsieur Masdeu-Arus, d’avoir répondu à notre invitation.

Vous connaissez le rôle de notre mission. La MECSS a décidé cette année de consacrer ses travaux au fonctionnement de l’hôpital, l’objectif étant d’étudier des cas précis et éventuellement d’en tirer des enseignements généralisables. Le premier cas que nous avons choisi d’observer est celui du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Après avoir commencé à travailler à partir des documents fournis par l’agence régionale de l’hospitalisation, nous procédons à des auditions afin de mieux comprendre la situation économique et financière de cet établissement. Celle-ci trouve-t-elle son origine dans la fusion entre deux établissements décidée en 1997, ou au contraire dans l’absence de fusion – car sa réalité est l’objet d’un débat ?

Nous venons de parler à plusieurs chefs de pôle, et nous avons déjà auditionné l’ancien directeur général du Centre hospitalier, ainsi que le nouveau président du conseil d’administration. Notre but est de comprendre ce qui s’est passé et, le cas échéant, de faire des propositions pour améliorer la gestion des hôpitaux dans notre pays.

Je vous suggère donc de nous présenter votre propre vision des choses, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Jacques Masdeu-Arus, ancien président du conseil d’administration du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Nous devons en revenir au début, c’est-à-dire à l’époque de Michel Péricard, lorsque nous avons pris conscience de la nécessité de fusionner ces deux hôpitaux distants de seulement 7 kilomètres. Le premier objectif, à terme, était d’organiser des pôles d’excellence avant de regrouper les services sur un même site, de façon à supprimer les doublons et à faire des économies d’échelle. Les conclusions des multiples études menées par l’agence régionale de l’hospitalisation ou par le ministère allaient toutes dans ce sens. Mais au fil des ans, des difficultés sont apparues, tenant notamment à un conflit entre le personnel médical de Poissy et celui de Saint-Germain. Il ne s’agissait pas véritablement d’une concurrence, mais plutôt d’une hostilité au regroupement dans un site unique.

Les torts sont probablement partagés. Les deux hôpitaux sont différents : celui de Poissy est plus moderne, et son bâtiment de construction plus récente, tandis que la configuration du site de Saint-Germain et son ancienneté rendent son fonctionnement difficile.

M. le coprésident Jean Mallot. Lorsque la fusion a été envisagée, le choix entre les deux options – un site unique ou deux sites articulés entre eux – avait-il été clairement déterminé ?

M. Jacques Masdeu-Arus. On s’est très vite rendu compte qu’il fallait supprimer des doublons, sans quoi l’opération n’aurait pas eu de sens. Pour Michel Péricard et moi-même, il était clair qu’une fusion était nécessaire, mais peut-être en conservant deux sites.

M. le coprésident Jean Mallot. Tout le monde n’avait peut-être pas la même vision des choses.

M. Jacques Masdeu-Arus. Il y avait une ambiguïté. L’intention des équipes médicales, mais aussi des maires de Poissy et de Saint-Germain, était de trouver une organisation équilibrée entre les deux sites. Cependant, ce principe s’est vite heurté à des obstacles techniques. Ainsi, la maternité de Poissy était d’un niveau supérieur à celle de Saint-Germain, et il est vite apparu qu’il serait impossible, en raison de la résistance des équipes, de transférer la seconde sur le site de la première. Peu à peu, la situation s’est également détériorée dans d’autres services. Par exemple, avec l’autorité de tutelle, nous avons voulu faire comprendre aux médecins qu’il n’y avait aucun sens à conserver dans chaque site un service d’urgences ouvert en permanence. Il me semblait aller de soi que les urgences de nuit devaient être supprimées à Saint-Germain, mais cette vision, que Michel Péricard aurait certainement su imposer s’il avait vécu plus longtemps, s’est heurtée à une volonté farouche des équipes médicales de conserver les mêmes fonctions sur les deux sites. Dans le cas des urgences, cela posait un problème, dans la mesure où, faute de structures adaptées, certains patients déposés à Saint-Germain devaient parfois être transférés aux urgences de Poissy. Finalement, nous ne sommes pas parvenus à regrouper les deux services pendant la nuit. La même chose s’est passée pour les maternités. Nous avons fini par vendre une partie des installations de Saint-Germain à des cliniques privées pour conserver ce service.

L’ancien président de la commission médicale d’établissement, que j’ai croisé à l’instant, ou son prédécesseur, le docteur Renou, étaient pleinement conscients – comme d’ailleurs l’était l’agence régionale de l’hospitalisation – de la nécessité, pour supprimer les doublons, de fusionner les services, quitte à les répartir entre les deux sites. Mais ils ne sont pas parvenus à imposer cette idée. Les guerres intestines ont duré des années, et le conflit s’est transformé en un conflit entre les maires des deux communes. Les médecins maintenaient une forte pression sur le maire de Saint-Germain, lequel n’a pas eu la volonté d’imposer la fusion. Et le fait que chaque maire occupait en alternance la présidence du conseil d’administration n’a pas arrangé les choses.

M. le coprésident Jean Mallot. Tout cela peut expliquer le blocage, pendant de longues années, du processus de regroupement des deux hôpitaux. Mais qu’en est-il du déficit structurel que connaît le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye ? Au départ, chacun des deux établissements qui le constituent n’était pas en mauvaise santé financière. Pourquoi sont-ils devenus déficitaires ?

M. Jacques Masdeu-Arus. Une raison est que des investissements ont été effectués sur les deux sites, ce que le regroupement en un seul lieu aurait permis d’éviter. Il fallait effectuer des travaux à Poissy et à Saint-Germain, acquérir le même matériel en double, etc.

M. le coprésident Jean Mallot. Ainsi, non seulement on n’a pas su réduire le nombre de doublons, mais on a eu tendance à l’augmenter !

M. Jacques Masdeu-Arus. C’est certain. Dans le domaine de l’imagerie médicale, par exemple, il fallait acheter deux fois le même matériel : IRM, scanners…

M. Dominique Tian. D’après les audits qui ont été réalisés et les propos des personnes que nous avons auditionnées, la gestion de l’hôpital n’était pas très efficiente. Les gens avaient, semble-t-il, l’habitude de partir sans payer, sans que l’on s’en préoccupe véritablement, le système informatique était apparemment déficient, la mise en place de la T2A était sans cesse retardée, l’information manquait. Les médecins que nous avons reçus nous ont dit avoir ignoré l’ampleur du déficit ; selon eux, il n’y avait pas véritablement de volonté d’y remédier.

M. Jacques Masdeu-Arus. Il était impossible d’ignorer l’ampleur du déficit, car les chiffres nous étaient communiqués à chaque conseil d’administration, mais je ne pourrais dire s’ils étaient corrects. Et si la fusion n’était pas accomplie sur le plan physique, elle l’était du point de vue de la gestion. Les comptes portaient donc sur l’activité des deux sites – ils n’étaient pas différenciés.

M. le coprésident Jean Mallot. On peut comprendre qu’en tant que président du conseil d’administration, vous n’ayez pas disposé de tous les éléments – même si l’on peut aussi trouver cela regrettable. Mais les chiffres qui auraient permis d’y voir plus clair, existaient-ils quelque part ?

M. Jacques Masdeu-Arus. Bien sûr : la tutelle en disposait. Nous travaillions en permanence avec l’agence régionale de l’hospitalisation. L’agence ayant fortement abondé le budget de l’hôpital, je suppose que les comptes étaient vérifiés. Régulièrement, les directeurs y allaient pour réclamer de l’argent afin de payer le personnel et les fournisseurs.

M. Dominique Tian. Ce qui est étonnant, c’est que la réunion de deux hôpitaux en relatif équilibre – l’un était excédentaire, l’autre en léger déficit – ait finalement donné naissance à un établissement dont le déficit atteint 40 millions. Alors que la fusion était destinée à faire des économies, on s’aperçoit qu’au contraire la situation financière tend à déraper. En outre, selon les médecins que nous venons de rencontrer, le personnel est démotivé, parce que même lorsqu’une activité leur semble financièrement optimisée et correspondre à un besoin réel, la direction estime qu’elle coûte trop cher. Il en est ainsi du service d’ophtalmologie : les médecins estiment qu’il est de très haut niveau, alors que la direction rétorque qu’il est gravement déficitaire. Il semble que la gestion de l’hôpital souffre d’un manque d’explications.

M. Jacques Masdeu-Arus. Dans ce domaine, je n’étais pas compétent. Je n’avais accès qu’aux documents présentés au conseil d’administration, où tout le monde était présent – représentants de l’agence régionale de l’hospitalisation, des deux sites, entre autres. Mais je ne saurais dire si l’informatique était déficiente ou si l’on ne facturait pas suffisamment. Je sais seulement que l’application de la T2A a posé des problèmes.

M. le coprésident Jean Mallot. Le fait que certaines prestations n’étaient pas facturées était-il évoqué au sein du conseil d’administration ? Cela pourrait expliquer le déficit.

M. Jacques Masdeu-Arus. Mon analyse est que des coûts trop importants sur le site par rapport à l’exploitation expliquent mieux le déficit que les factures impayées.

M. le coprésident Jean Mallot. Certes, les coûts de fonctionnement sont supérieurs aux recettes. Mais deux autres phénomènes peuvent expliquer le déficit : d’abord, une part importante des prestations – jusqu’à 15 %, nous a-t-on dit – n’étaient pas facturées ; ensuite, quand elles l’étaient, les créances n’étaient pas toujours recouvrées. Je suppose que la question a été abordée au conseil d’administration.

M. Jacques Masdeu-Arus. En effet. Mais si nous connaissions l’ampleur du déficit, nous ne dispositions pas des détails. Nous ne savions pas quelle part pouvait être attribuée aux défauts de paiement, au fonctionnement ou même à l’investissement.

M. le coprésident Jean Mallot. L’établissement a été soumis à des audits et a dû suivre à plusieurs reprises des plans de retour à l’équilibre financier imposé par l’agence régionale de l’hospitalisation – même si celle-ci finissait toujours par combler le déficit à la fin de l’année. Dans ces conditions, le moment ne vient-il pas où le conseil d’administration doit s’interroger sur les causes du problème et les moyens d’y remédier ?

M. Jacques Masdeu-Arus. Il faudrait consulter les procès-verbaux des réunions, qui ont été conservés aux archives. Mais nous avions conscience des dysfonctionnements provoqués par l’existence de deux sites. De mon point de vue, conserver Saint-Germain n’avait pas de sens, car tout y est plus compliqué : il faut plus de personnel pour transporter les malades, et les frais d’entretien, notamment de chauffage, y sont plus élevés. Par ailleurs, l’activité privée sur le site de Saint-Germain était loin d’être négligeable – un médecin a d’ailleurs dû quitter l’hôpital pour cette raison. Je ne connais pas la part respective des activités publiques et des activités privées – la tutelle a les chiffres –, mais cet aspect a toujours posé problème à Saint-Germain. D’une manière générale, il était difficile de gérer le personnel médical de ce site – surtout les médecins.

Quant aux gens qui partaient sans payer, je ne sais pas si le phénomène avait plus d’ampleur au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye que dans d’autres établissements. Il est vrai que le département compte de nombreux gens du voyage. J’ignore par ailleurs si le paiement des prestations finissait par être recouvré, et au bout de quel délai.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous pouvez peut-être nous éclairer sur le processus de décision. Pendant une période allant au moins de 1997 à 2007, l’établissement a connu une situation dans laquelle la fusion, bien que décidée, n’était pas réalisée dans les faits. Un jour on parlait de supprimer les doublons, le lendemain on jugeait préférable de regrouper tout sur le même site, et ainsi de suite. Pendant ce temps, le déficit structurel perdurait et le personnel était malheureux. Comment expliquer qu’à aucun moment la question n’ait été définitivement tranchée ?

M. Jacques Masdeu-Arus. À mon avis, la décision ne pouvait pas être prise par le conseil d’administration de l’hôpital ; seule la tutelle aurait pu la prendre. Et c’est ce qui s’est produit, d’une certaine façon, puisqu’une étude sur la réalisation d’un nouveau site a été lancée et que l’on a commencé à rechercher un terrain disponible. On a parlé de Fourqueux, de Saint-Germain, de Poissy, de Chambourcy. Mais nous avons joué de malchance : à Poissy, un terrain était disponible, mais situé dans la « coulée verte », ce qui rendait nécessaire l’adoption d’un projet d’intérêt général. Un préfet a lancé la procédure, mais son successeur n’a pas persévéré. Même lorsque le ministère a pris la décision de tout regrouper sur un site unique, les choses ont continué de traîner. Selon moi, il a manqué une volonté politique forte, car ce genre de décision doit être pris rapidement et fermement. Le secteur industriel en donne un bon exemple : quand Peugeot a décidé de conserver le site de Poissy, il a « mis le paquet » et fait en sorte que l’usine soit l’une des plus modernes du groupe. Et c’est dans la même ville, au sein de son nouveau siège opérationnel, que PSA a décidé de regrouper plusieurs directions. Une entreprise qui ne se restructure pas finit par mourir. Bien sûr, un tel regroupement entraîne une réduction du personnel, mais on réalise ainsi des économies d’échelle.

S’agissant du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, un des projets de regroupement a été abandonné au prétexte que le terrain était situé entre l’A 14 et la RN 13, et qu’il aurait fallu une importante isolation phonique ; un autre s’est heurté à d’importantes manifestations ; le troisième dépendait de l’adoption d’un projet d’intérêt général (PIG). On a aussi envisagé le site de la Plaine de la Jonction, mais il est classé. Tous ces événements ont entraîné des pertes de temps considérable. Aujourd’hui, la décision a été enfin prise de construire l’hôpital à Chambourcy, entre l’A 14 et la RN 13 ! C’est étonnant : ce qui n’était pas envisageable, il y a dix ans, à cause du bruit et de la pollution, est désormais possible, tandis que les médecins de Saint-Germain acceptent aujourd’hui de quitter leur bâtiment, ce qu’ils refusaient hier. Si l’on avait adopté notre proposition dès le départ, l’hôpital existerait aujourd’hui et nous aurions réduit depuis longtemps les frais de son fonctionnement.

Il faut admettre, à la décharge des personnels, que tous ces retards finissent par être décourageants, au point que d’éminents médecins, comme le professeur Ville, en sont venus à quitter le Centre hospitalier. Pourtant, la maternité de Poissy est de grande qualité : de niveau 3, elle accueille des malades venant de partout, certains par hélicoptère. Est-ce qu’une maternité d’un tel niveau coûte plus cher ? Est-ce qu’elle participe au déficit ? Je ne me suis pas posé la question : ce service est le fleuron de notre département !

Nous avons donc accumulé les problèmes : équipements à renouveler, personnels refusant de travailler sur un autre site, manifestations, par exemple

M. le coprésident Jean Mallot. Si je résume, la fusion a été décidée sans que ses modalités soient clairement définies ; pendant dix ans, elle n’a pas fonctionné ; on n’est pas parvenu à éliminer les doublons ; le regroupement en un site était décidé un jour, abandonné le lendemain. En conséquence, le personnel est malheureux, et une partie des patients va voir ailleurs…

M. Jacques Masdeu-Arus. La clinique de l’Europe a fait fortune !

M. le coprésident Jean Mallot. …l’équipe médicale n’est pas renouvelée et sa moyenne d’âge tend à augmenter. Bref, on a tout faux du début à la fin, mais rien ne se passe !

M. Jacques Masdeu-Arus. De nombreux ministres de la santé se sont succédé pendant la période. Ils subissaient des pressions de la part des élus locaux – tel mon voisin Pierre Morange –, et certains désavouaient leur prédécesseur. En outre, la mésentente régnait entre le maire de Saint-Germain et le député de la circonscription. Tous ces conflits contribuaient à bloquer la situation. Dans ces conditions, une entreprise privée aurait fermé depuis longtemps.

M. le coprésident Jean Mallot. Une entreprise privée ne pourrait pas compter sur l’agence régionale de l’hospitalisation pour combler chaque année son déficit.

M. Jacques Masdeu-Arus. En effet. Il s’agit d’un cas d’école. Mais si la situation est grave, elle ne l’est pas que sur le plan financier : le personnel souffre également.

M. le coprésident Jean Mallot. Tout cela nuit en effet à l’ambiance de l’établissement, d’autant qu’il faut y ajouter des rumeurs concernant la régularité des marchés publics. Nous avons d’ailleurs reçu un rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) à ce sujet.

M. Jacques Masdeu-Arus. Je suis surpris. Je n’ai jamais rien entendu de tel lorsque j’étais au conseil d’administration. Mais je ne siégeais pas à la commission des appels d’offres.

M. le coprésident Jean Mallot. Cela ne relève pas de notre compétence, de toute façon. En outre, cela ne peut pas expliquer le déficit, mais on peut l’interpréter comme un signe que la gestion de l’hôpital était plus souple qu’il n’aurait été souhaitable.

M. Dominique Tian. Tout le monde reconnaît en effet qu’un certain laxisme régnait dans la gestion de l’établissement.

M. Jacques Masdeu-Arus. Il faut dire qu’en attendant la construction d’un nouvel hôpital, il est nécessaire de maintenir l’équipement existant, fut-il obsolète, en parfait état, ce qui représente un coût de fonctionnement important. C’est la santé d’hommes et de femmes qui est en jeu. Or le site de Saint-Germain est un bâtiment historique, peu adapté. Les patients sont transportés sur des brancards et, en cas d’incendie, ils devraient être évacués par les toits. En raison de son architecture, le bâtiment n’est plus fonctionnel. Michel Péricard, qui voyait loin, l’avait d’ailleurs parfaitement compris. J’ai connu la même situation avec un centre de moyen et long séjour de Poissy, situé dans un bâtiment classé, et dont l’ascenseur ne pouvait accueillir une personne en position allongée. En cas d’incendie, il aurait fallu évacuer les malades par les escaliers.

M. le coprésident Jean Mallot. C’est troublant : pourquoi Michel Péricard a-t-il milité pour la fusion en sachant pertinemment que, du simple point de vue architectural, elle ne pourrait pas se faire à Saint-Germain ? Il ne devait certainement pas avoir envie de transporter l’hôpital à Poissy. Avait-il un site nouveau en perspective ? Si oui, où ?

M. Jacques Masdeu-Arus. C’était aussi une autre époque : les choses ont énormément évolué, et pas seulement au niveau technique. Il y a dix ou quinze ans, il n’y avait ni salles de bains ni toilettes dans la plupart des chambres, que le bâtiment soit classé ou non. Depuis, on a quasiment doublé les surfaces. Et peut-être Michel Péricard avait-il en tête que les praticiens vieillissants de Saint-Germain allaient être remplacés par de nouveaux, plus enclins aux changements.

M. le coprésident Jean Mallot. Au final, quelles leçons tirez-vous de cette expérience ?

M. Jacques Masdeu-Arus. Surtout qu’il est absolument impossible de fusionner sur deux sites. Il est possible de répartir les activités entre les deux, mais en veillant à les séparer strictement et à conserver toute la chaîne de matériel nécessaire en un seul endroit. Les appareils médicaux sont devenus tellement sophistiqués et onéreux qu’il n’est pas question d’avoir les mêmes sur les deux sites, pas plus que des professeurs faisant doublon. Mais le personnel d’un site ne doit pas être obligé de mettre les patients dans une ambulance à chaque fois qu’il a besoin d’un examen ! À ce propos, le va-et-vient actuel des ambulances représente sans doute quelques centaines de milliers d’euros par an. Le laboratoire étant installé à Poissy, on passe son temps à transporter de petites boîtes de sang.

Bref, on ne compte plus les inconvénients financiers de la fusion ! Songez aux deux services d’urgences de nuit : tous les directeurs ont voulu fermer celui de Saint-Germain, où personne n’allait et dont le coût pesait sur le budget, mais les médecins de Saint-Germain ont refusé. Je ne suis pas sûr qu’il n’existe pas encore. Ou alors l’arrivée de nouveaux médecins a-t-elle permis de changer les choses ?

Il a été décidé que Saint-Germain devienne un centre cancérologique de haut niveau. Il y a eu des investissements lourds et le matériel a commencé à arriver. Il pourra être transporté dans le futur hôpital. Mais, au final, la gestion sur deux sites se révèle vraiment très compliquée.

M. le coprésident Jean Mallot. Merci d’être venu nous donner toutes ces explications.

M. Jacques Masdeu-Arus. Tout se retrouve in extenso dans les comptes rendus des conseils d’administration.

La séance est levée à douze heures quarante.