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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 26 novembre 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Auditions, ouvertes à la presse et au public, sur le fonctionnement de l’hôpital

– M. Pierre Vollot, directeur du Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan

– Mme Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville

– M. Philippe Roussel, directeur général du Centre hospitalier du Mans, M. Lucien Vicenzutti, directeur du Centre hospitalier de Lens, et Mme Véronique Vosgien, vice-présidente de la commission médicale d’établissement, et M. Philippe Vrouvakis, directeur général de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 26 novembre 2009

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition de M. Pierre Vollot, directeur du Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur Vollot, votre expérience du terrain et vos réflexions nous permettront, je l’espère, de formuler des préconisations générales dont pourraient bénéficier tous les établissements de soins. Je vous propose donc de présenter d’abord succinctement les activités de votre établissement.

M. Pierre Vollot, directeur du Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan. Le Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan a été créé en 1999 par le rapprochement de deux petits établissements – Machecoul, en Loire-Atlantique, et Challans, en Vendée – qui étaient alors en concurrence sur les mêmes créneaux d’activité et sont désormais complémentaires. Cet établissement de proximité répond aux besoins d’une population de 100 000 à 125 000 habitants, qui atteint 400 000 personnes en été du fait de la fréquentation saisonnière du littoral. Il couvre l’ensemble des secteurs de la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), ainsi que la psychiatrie ; il a une grande activité en soins de suite et il possède aussi un centre d’hébergement de personnes âgées.

M. le coprésident Pierre Morange. Les questions de fusion, de restructuration et d’optimisation sont au cœur de la réflexion de la MECSS, qui a déjà examiné l’exemple d’autres établissements pour lesquels la fusion a été laborieuse et a fait apparaître diverses insuffisances. Dans votre cas, il semble que la fusion se soit bien opérée et produise des résultats satisfaisants, notamment sur le plan budgétaire. Ces résultats s’accompagnent-ils d’une offre de soins accessibles à tous, permettant de répondre aux besoins des populations ?

M. Pierre Vollot. L’offre de soins n’est pas encore accessible à tous. Bien que, depuis la création de l’établissement voici neuf ans, l’activité ait augmenté d’environ 30 % et que nous ayons repris des parts de marché, l’offre ne répond pas encore à l’ensemble des besoins. De fait, la Vendée se caractérise par des taux de fuite importants vers l’agglomération nantaise : une hospitalisation sur trois et une chimiothérapie sur deux ont lieu hors du département. C’est l’un des enjeux que de réduire l’inégalité d’accès aux soins sur le territoire de recours sur lequel sont situés notre établissement et ceux, plus importants, de La Roche-sur-Yon, des Sables-d’Olonne et de Fontenay-le-Comte.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors des auditions précédentes, les services de l’État ont évoqué des insuffisances en matière de comptabilité analytique et de contrôle de gestion, ainsi qu’en matière de facturation, car le recouvrement laisse souvent à désirer et l’absence de facturation n’est pas rare. Ces insuffisances, je le précise, ne concernent pas votre établissement, qui connaît des excédents. Pensez-vous cependant avoir en la matière une marge de progression ?

M. Pierre Vollot. Nous avons pris le parti de responsabiliser les médecins, qui saisissent eux-mêmes les codes des actes qu’ils produisent. De fait, le département de l’information médicale ne doit pas se substituer aux médecins. Quant à notre facturation, elle n’accuse pas de retards, sinon pour les urgences de cet été – mais nous nous employons à revoir ce processus.

Le suivi de la gestion s’appuie sur des tableaux de bord mensuels, qui permettent de suivre la valorisation des recettes par service et les durées de séjour – qui sont un facteur déterminant pour les recettes –, ainsi que les dépenses et l’absentéisme. Nous ne disposons pas encore d’une comptabilité analytique pleinement opérationnelle, mais nous avons une bonne appréhension des coûts. Pour les services administratifs, logistiques et médico-techniques, nous adhérons à la base de données d’Angers, qui permet de comparer les coûts de ces services avec ceux d’une centaine d’établissements. Pour les services cliniques, nous ne disposons pas d’une comptabilité analytique permettant de déterminer les coûts par séjour, mais nous y parviendrons certainement.

Nous avons commencé par mettre en place divers autres outils, comme des tableaux de bord généraux et par pôle, afin que chaque responsable de pôle puisse suivre la réalisation de ses objectifs d’activité et de qualité. De nombreux indicateurs permettent des comparaisons à l’échelle nationale et nous connaissons exactement le niveau de productivité de nos services cliniques, en termes de durée moyenne de séjour (DMS) ou de productivité par médecin ou soignant. Nous avons identifié les quelques services qui présentent des durées de séjour élevées. Ces indicateurs permettent de suivre les écarts en termes de durée de séjour et de valorisation de recettes, et de rectifier le tir avec les médecins.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pouvez-vous nous donner quelques exemples récents de mesures que vous avez été amenés à prendre à la suite de ces comparaisons ?

M. Pierre Vollot. Comme d’autres établissements, nous avons participé à des études de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH), dont l’une, consacrée aux blocs opératoires et aujourd’hui largement diffusée, a permis d’impliquer les acteurs concernés. Malgré une bonne productivité du personnel du bloc opératoire, les plages d’utilisation des salles devaient encore être optimisées. C’est ce que nous avons fait en étendant les horaires jusqu’à 18 heures au lieu de 16 heures. Nous travaillons actuellement à la possibilité de les étendre encore.

M. le coprésident Pierre Morange. Comment réagissent les personnels ?

M. Pierre Vollot. Leur attitude est très constructive. Il importe d’instituer une culture du dialogue et de l’échange. Les processus de soins hospitaliers sont complexes et les problèmes d’interfaces entre les services sont complexes : il faut donc mettre autour de la table les acteurs des différents services pour examiner les implications des changements souhaités. Ce processus est laborieux et ne se fait pas en un jour. Pour ce qui concerne les blocs opératoires, par exemple, il faut parfois reprendre la discussion au début parce qu’un anesthésiste qui n’a pas participé aux échanges précédents vient contredire ce qui a été décidé. Cependant, avec de la patience, on peut résoudre ces problèmes.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Qui a décidé la fusion des deux établissements concurrents, et pour quelles raisons ? Comment cette décision a-t-elle été mise en œuvre ?

M. Pierre Vollot. Cette opération, qui a été engagée dans les années 1990 par mon prédécesseur, est le résultat d’une implication très forte de la tutelle. L’impulsion donnée par M. Bernard Marrot, directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) des Pays de la Loire, puis par M. Benoît Péricard, directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH), a en effet été décisive. Le succès tient aussi aux élus, qui étaient notamment convaincus que, faute d’une taille critique suffisante, le déclin de l’activité du plus petit des deux établissements était inévitable et qu’il importait de trouver d’autres créneaux d’activité porteurs. De fait, le service de rééducation cardiovasculaire de Machecoul a désormais une portée interdépartementale et est une vitrine de cet établissement.

Les deux établissements ont donc été gagnants : le plus petit a gagné de nouveaux services – rééducation cardiovasculaire et soins de suite polyvalents – et un plus grand nombre de lits, et a bénéficié d’un accompagnement financier qui a permis la modernisation des locaux. Les acteurs hospitaliers, qu’il s’agisse de la direction ou du corps médical, ont bien joué le jeu, car notre établissement a une culture de dialogue et un esprit constructif. Ainsi, malgré les craintes suscitées par les évolutions, aucune opposition majeure ne s’est manifestée. Le temps a eu son rôle dans ce processus, qui a débuté en 1993 avec l’instauration d’une direction commune et s’est poursuivi dans les années 1995 à 1997, avant la fusion opérée en 1999. Arrivé un an après cette date, je n’ai fait qu’approfondir ce mouvement, notamment sur les plans logistique et médico-technique, par exemple en supprimant l’une des deux pharmacies et l’une des deux cuisines. Face aux craintes de transfert d’emplois d’un site vers l’autre, il a fallu rassurer et montrer que les transferts pouvaient aussi se faire dans l’autre sens.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il s’agit donc d’une situation où deux établissements en bonne santé financière et que leurs responsables souhaitaient rapprocher sont partis à la conquête de nouvelles parts de marché en rationalisant leur organisation, puis ont fusionné.

M. Pierre Vollot. Avant la fusion, les deux établissements avaient déjà une direction commune. Quant à la santé financière, elle était probablement moins bonne qu’aujourd’hui. Une chose est sûre : si les deux établissements étaient restés séparés, ils n’auraient pas survécu à la tarification à l’activité (T2A), car ils n’avaient pas la taille critique suffisante. La fusion a permis de mutualiser une grande partie des services et d’acquérir un environnement nécessaire à la politique de qualité, notamment pour le système d’information, qui est un enjeu majeur pour les établissements.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors de précédentes auditions a été évoquée l’insuffisance de l’informatique, tant administrative que médicale. Il est notamment apparu que l’interconnexion avec d’autres systèmes informatiques était difficile, ce qui compromet la gestion prévisionnelle. Par ailleurs, alors que le rôle du département de l’information médicale était conçu pour se limiter à la coordination et à la stratégie, laissant aux professionnels de santé la responsabilité de la collecte de l’information, il semble que ces derniers soient parfois réticents à s’acquitter de ce rôle et à adopter cette nouvelle culture. Quelles analyses vous suggère votre expérience en la matière ?

M. Pierre Vollot. Nous avons voulu que l’information soit saisie au plus près du terrain par celui qui réalise l’acte.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien de temps vous a-t-il fallu pour y parvenir ?

M. Pierre Vollot. Trois ou quatre ans. Les actes de radiologie, par exemple, sont maintenant saisis par le manipulateur ou par le radiologue. Cela suppose bien évidemment de disposer d’un logiciel assez ergonomique pour que le médecin n’ait pas besoin d’y consacrer plus de trente secondes. À défaut, nous risquerions de grosses difficultés. De fait, dans une communauté de soixante-dix médecins, on en trouve toujours un ou deux qui sont réfractaires à l’informatique. Si le médecin concerné est proche de la retraite, il est inutile de s’acharner, mais s’il a encore quelques années d’activité devant lui, il faut l’accompagner. Dans certains cas, le directeur des systèmes d’information a dû investir beaucoup de son temps pour permettre à des médecins d’apprivoiser la souris et l’ordinateur.

M. le coprésident Pierre Morange. Le codage des actes est plus ou moins aisé selon les disciplines. S’il est, par exemple, relativement maîtrisé pour la chirurgie, il est complexe en médecine. Le sujet peut sembler aride, mais il touche aux recettes et aux équilibres budgétaires qui en dépendent, et n’a donc rien d’anecdotique.

M. Pierre Vollot. Le département d'information médical (DIM) doit s’efforcer de former et d’accompagner personnellement tous les nouveaux médecins. Dans la région des Pays de la Loire, avec l’aide de l’agence régionale de l’hospitalisation, une mission d’accompagnement dont se charge à mi-temps le département d'information médical de mon établissement a été mise en œuvre pour assurer, avec le concours du Conservatoire des arts et métiers (CNAM) des Pays de Loire, la formation des médecins, des responsables de pôles et des directeurs financiers à la tarification à l’activité et la formation des techniciens de l’information médicale au codage. Cette mutualisation régionale porte ses fruits.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour ce qui concerne les insuffisances de la facturation, on nous a signalé que, dans certaines structures, le fait que les caisses ferment en milieu d’après-midi empêche les patients de régler les consultations externes ou les urgences, et que l’inertie administrative se traduit parfois par l’absence de recouvrement, voire d’identification du patient. Avez-vous été confronté à de telles situations et, si c’est le cas, quelles mesures avez-vous prises ?

M. Pierre Vollot. Des secrétaires médicales sont présentes le week-end et jusqu’à 21 heures. Nous avons également créé un secrétariat médico-administratif, qui évite que certaines secrétaires soient exclusivement employées à la dactylographie des comptes rendus et à la gestion des rendez-vous, et d’autres à la facturation. Les secrétariats polyvalents sont chargés à la fois de la partie médicale et de la facturation, ce qui simplifie le parcours du patient et, grâce à une approche plus globale de la prise en charge, permet de disposer de données administratives plus correctes.

Il nous reste à résoudre les difficultés que nous avons rencontrées cet été avec l’informatisation des urgences, certains urgentistes n’acceptant pas de saisir les actes. Les équipes des urgences – douze personnes dans notre établissement – sont difficiles à gérer, car ces personnels sont plus individualistes que dans d’autres services et ont moins l’esprit d’équipe. Nous travaillons actuellement avec les médecins afin que chacun fasse son travail et que, les actes étant saisis, les secrétaires puissent relancer la facturation dans de bonnes conditions.

M. le coprésident Pierre Morange. J’avais initié en 2005 une démarche visant à simplifier le parcours du patient, notamment aux urgences. Sur ce point, on peut citer l’exemple de l’accès aux urgences de l’hôpital Beaujon, où le délai moyen d’attente était de l’ordre de cinq heures à cinq heures et demie, avec des délais extrêmes de deux à dix-huit heures. L’intervention du cabinet McKinsey, mandaté par la directrice générale de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) de l’époque, a permis en quatre mois de réduire de 40 % ce délai d’attente, qui est la première image concrète de l’hôpital que perçoit le patient et qui illustre pour lui l’offre de soins. Avez-vous une réflexion sur ce paramètre relativement facile à mesurer ? Si c’est le cas, avez-vous observé des améliorations à apporter et avez-vous pris des mesures à cet égard ?

M. Pierre Vollot. Comme d’autres établissements, nous nous sommes engagés sur ce terrain avec la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier. Les temps d’attente, qui étaient en moyenne de trois heures et pouvaient atteindre sept à huit heures l’été du fait de l’afflux saisonnier, n’ont pas diminué, mais l’activité a augmenté – de 4 % cette année. Les locaux, conçus pour 15 000 passages, en reçoivent 25 000, ce qui pose d’énormes problèmes. Nous ne manquons pas de médecins ni d’infirmières, mais de boxes pour recevoir correctement les patients.

Nous avons pris des mesures en aval pour que les urgentistes puissent joindre plus facilement les spécialistes et savoir en temps réel quels sont les lits disponibles dans les différents services. J’espère par ailleurs que nous sommes parvenus à convaincre toute l’équipe du bien-fondé de la création d’une filière rapide et que celle-ci pourra être mise en place dès l’année prochaine, permettant de distinguer les flux de patients en fonction de leurs problèmes et de gagner du temps.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pouvez-vous présenter le groupement de coopération sanitaire (GCS) auquel vous appartenez et le dossier de soins commun mis en place dans ce cadre ?

M. Pierre Vollot. Le groupement de coopération sanitaire rassemble onze ou douze établissements de santé et médico-sociaux du territoire de santé de proximité de Challans, soit un bassin de 100 000 habitants. Sur ce territoire, l’explosion démographique des personnes âgées est bien plus importante que sur l’ensemble du territoire national, car de nombreuses personnes viennent prendre leur retraite sur le littoral. Le problème est double : les besoins d’hospitalisation d’une population vieillissante rapidement vont croissant et le nombre de places médicalisées en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dont l’augmentation est pourtant prévue en Vendée, est loin de suivre la courbe démographique des plus de quatre-vingt-cinq ans. Ainsi, le taux d’équipements rapporté à la population de quatre-vingt-cinq ans et plus sera presque divisé par deux d’ici 2013. Je crains donc que nous ne rencontrions des problèmes en aval de l’hôpital et que nos services ne soient ainsi victimes d’embolie.

Il s’agit donc de bien définir une filière gériatrique : c’est là l’une des missions du groupement de coopération sanitaire, qui peut d’ailleurs avoir une politique coordonnée avec les autres établissements du territoire. Il s’agit aussi de créer un réseau de santé gérontologique avec le centre local d'information et de coordination (CLIC) et les médecins libéraux.

Le groupement de coordination sanitaire succède à une communauté d’établissements créée en 1998 et comporte des services mutualisés – assistantes sociales, médecine du travail, hygiène, soins palliatifs et, depuis peu, filière gériatrique. Cette dernière répond au souci de réfléchir à un projet médical gérontologique de territoire définissant notamment le rôle et les missions de chacun des établissements, ce qui a donné lieu à des restructurations. Nous avons identifié trois hôpitaux locaux qui auront une importante activité de soins de suite – à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, à Noirmoutier et sur l’île d’Yeu. Nous nous apprêtons à reprendre le 1er janvier 2010, dans la commune de La Guérinière, sur l’île de Noirmoutier, un établissement privé dont les 43 lits seront redéployés d’ici deux ans dans les trois hôpitaux que je viens d’évoquer.

Pour le dossier de soins, nous avons choisi, grâce à des crédits hôpital 2007 relativement limités, un logiciel commun à sept établissements permettant l’accès au dossier patient et au dossier de soins et l’informatisation du circuit du médicament. Les serveurs sont situés sur le site de Challans et la maintenance du logiciel est assurée, pour toute la communauté, par l’équipe informatique de ce centre hospitalier. Nous souhaitons en outre que chaque établissement possède une base de données autonome, car, lorsqu’un patient se rend d’un établissement dans un autre, l’accès à ses données n’est pas automatique. L’enjeu des deux prochaines années est donc d’assurer une gestion multi-établissements.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Est-ce une question purement technique ?

M. Pierre Vollot. Sur le plan administratif, tout le monde est convaincu de l’utilité de cette démarche.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Les médecins de ville ont-ils également accès au dossier du patient ?

M. Pierre Vollot. Les médecins généralistes et spécialistes du territoire auront accès aux dossiers d’ici au début de l’année prochaine, car le logiciel le permet et la création du site internet nécessaire est en cours. Cet accès sera néanmoins partiel.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Cette action est-elle liée au plan ministériel consacré au dossier médical personnel (DMP) ?

M. Pierre Vollot. Pour être franc, nous ne nous sommes guère préoccupés du DMP – et peut-être avons-nous bien fait ! Nous nous sommes principalement attachés à ce que les médecins libéraux puissent avoir facilement accès aux dossiers de leurs patients. Nous souhaitons aussi que les comptes rendus médicaux puissent également être acheminés par voie électronique, et non plus par courrier, ce qui fera gagner beaucoup de temps.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur Vollot, je suis heureux de vous accueillir ici, d’autant que je connais un peu le Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan… J’aimerais savoir quelles sont, selon vous, les conditions de réussite d’une fusion d’établissements. Vous avez vous-même fusionné deux établissements implantés dans deux départements différents – difficulté supplémentaire, que la forte volonté de la tutelle, notamment de l’agence régionale de l’hospitalisation et la mobilisation des élus ont permis de surmonter.

Vous avez mis en place un fonctionnement en réseau avec des établissements de proximité, avec le Centre hospitalier départemental de Vendée et le Centre hospitalier universitaire de Nantes. Je précise que vous dirigez par ailleurs l’hôpital de l’île d’Yeu. En tant que responsable départemental des établissements publics, pourriez-vous nous donner votre avis sur la fusion du Centre hospitalier départemental de Vendée avec les hôpitaux de Luçon et de Montaigu, qui ont des activités MCO ? Répond-elle aux besoins de la population ? A-t-elle permis, comme je le crois, un retour à l’équilibre financier ?

Enfin, je tiens à faire savoir qu’il existe en Vendée un système d’hospitalisation à domicile, dont le Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan est un des membres fondateurs.

M. Pierre Vollot. Je confirme qu’il faut une forte implication de l’agence régionale de l’hospitalisation et des élus ; qu’il faut du temps ; qu’il faut, sinon créer, du moins entretenir une culture d’établissement ; la fusion étant faite, il faut enfin que l’établissement ait un projet. Les agences régionales de l’hospitalisation ne raisonnent qu’à partir de contrats d’objectifs et de moyens, qui sont devenus des contrats d’adhésion avec des orientations nationales traduites en orientations régionales, l’établissement n’ayant plus qu’à signer un contrat qui lui est imposé. C’est une erreur de s’en tenir là. Il faut donner de la lisibilité et des orientations à l’établissement pour que la communauté se mobilise autour d’un projet faisant consensus, lequel pourra alors être suivi d’effets. Une de nos forces est d’avoir réalisé, depuis 2000, deux projets d’établissements avec des orientations qui, n’étant pas des vœux pieux, ont pu se mettre en place. Le but de nos contrats internes de pôles était que chacun s’approprie le projet médical et que ses objectifs soient bien perçus et mis en œuvre ; des tableaux de bord permettent de vérifier que ces objectifs sont atteints.

S’agissant du Centre hospitalier départemental, avec qui nous aurons peut-être un jour à faire une communauté hospitalière de territoire, les établissements s’y retrouvent mieux sur le plan budgétaire. Nous avons gagné en efficience.

L’hospitalisation à domicile est également un acteur très pertinent. En Vendée, elle repose essentiellement sur les médecins libéraux. Ce service fonctionne très bien et il complète l’action des établissements.

Étant directeur de l’hôpital de l’île d’Yeu, j’ai été confronté au problème de la médecine ambulatoire. L’année dernière, trois des cinq médecins qui travaillaient dans l’île sont partis. On s’est adressé à l’hôpital, l’île attirant peu les médecins libéraux. Il a donc fallu construire un autre modèle. Dès cette année, j’ai été amené à salarier un médecin et on nous a demandé de créer un centre de santé au 1er janvier 2010. Je pense que la direction régionale des affaires sanitaires et sociales agréera sans difficulté ce centre de santé, mais je n’ai pas encore de réponse de l’Assurance maladie concernant son conventionnement, au motif que c’est la première fois qu’est créé un centre de santé géré par un hôpital. La caisse primaire d’assurance maladie attend la réponse de la caisse nationale et j’espère que nous l’aurons dans les tout prochains jours, pour être opérationnels le 1er janvier prochain. Cela prouve en tout cas qu’on doit sortir de son hôpital et avoir une vision plus globale de la santé.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué la constitution de ce groupement de coopération sanitaire qui regroupe onze établissements. Vous avez fait référence au cadre législatif des communautés hospitalières de territoires. Dans le cadre d’une vision globale et d’une mutualisation de l’offre de soins, avez-vous réfléchi aux procédures d’appel d’offres mutualisées, pour trouver des réponses pertinentes sur le plan budgétaire, soit au sein de ce groupement de coopération sanitaire, voire dans un bassin d’établissements plus large ?

M. Pierre Vollot. Sous l’impulsion de l’agence régionale de l’hospitalisation, un groupement de commandes régionales s’est mis en place, qui englobe quatre ou cinq domaines, mais pas le domaine pharmaceutique, ce qui est un peu dommage.

M. le coprésident Pierre Morange. De mémoire, dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, ce thème avait déjà été évoqué. Une centrale d’achat, au minimum régionale, voire nationale, serait une formule particulièrement adaptée pour dégager des marges de manœuvre financière. Pouvez-vous définir précisément les domaines exploités au niveau régional ? On pourrait raisonnablement penser aux transports sanitaires ou aux fournitures informatiques.

M. Pierre Vollot. S’agissant des fournitures informatiques, une mutualisation régionale porterait sûrement ses fruits. S’agissant des transports sanitaires, je suis moins convaincu. Les transports en ambulance s’organisent à un niveau plus local, voire départemental – sauf les transports héliportés qui s’organisent dans un cadre beaucoup plus global, via le CHU.

Pour assurer les transports sanitaires, nous devons faire face à des coûts de plus en plus importants. Dans le cadre de nos services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR), nous faisons appel à des ambulanciers privés. On nous a demandé de réviser nos tarifs pour que la mission puisse se poursuivre. En termes de coûts, nous sommes plutôt sur une pente ascendante, ce qui constitue une de nos préoccupations.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Dans le document que vous nous avez fait parvenir, on lit que la fusion entre l’hôpital local de l’île d’Yeu et le centre hospitalier est fortement envisagée, mais qu’elle se heurte à des problèmes financiers liés à la T2A. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Que pensez-vous, plus généralement, de la T2A ? Quelles difficultés celle-ci a-t-elle pu poser dans votre établissement ? Dans quelle mesure son application oriente-t-elle les activités de celui-ci ?

M. Pierre Vollot. Aujourd’hui, l’hôpital local de l’île d’Yeu n’est pas soumis à la tarification à l’activité. Nous envisageons très sérieusement une fusion avec cet établissement pour simplifier la gestion administrative, pour faire des économies de coût logistique et pour ne pas avoir à réunir trente-six fois les mêmes instances. Mais cela impliquerait que nous appliquions la T2A aux séjours à l’île d’Yeu, qui sont financés aujourd’hui par dotation globale. Étant un peu plus légers, ils seront moins côtés que des séjours sur le continent. On hospitalise à l’île d’Yeu des patients pour de la surveillance et afin d’éviter de les transférer. Les mêmes patients n’auraient peut-être pas été hospitalisés sur le continent, en raison de la proximité d’un service d’urgence ; du moins, leur durée de séjour aurait été plus courte. Il y a là un problème à prendre en compte, en prévoyant, pour le moins, un coefficient correcteur. Si on applique purement et simplement les systèmes de financement, nous risquons de perdre environ 200 000 euros dans l’affaire. Vous comprendrez que le corps médical du Centre Loire-Vendée-Océan ne soit pas très enthousiaste vis-à-vis du processus de rapprochement…

Nous payons par ailleurs un peu le fait que le centre hospitalier sert de support logistique à l’île d’Yeu. Nous avons de nombreuses consultations avancées sur l’île d’Yeu, ce qui entraîne du temps de transport, des frais d’hélicoptère pour que le médecin puisse s’y rendre, mais n’est pas absolument pris en compte – ni au titre d’une mission d’intérêt général, ni par une quelconque contractualisation. J’ose espérer que l’agence régionale de santé sera davantage à l’écoute que ce n’est le cas avec l’organisation actuelle des organismes de tutelle.

On voit bien, à travers cet exemple, que la T2A peut avoir des effets négatifs. Mais, globalement, elle a eu des effets bénéfiques. Le Centre Loire-Vendée-Océan n’aurait pas pu poursuivre et développer ses activités sans un tel financement.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous voulez dire que, dans l’ancien système, la dotation était trop faible ?

M. Pierre Vollot. La dotation reposait sur des bases historiques. Il y avait deux petits établissements, dont l’activité était moins élevée. Le territoire était en pleine croissance démographique, avec des besoins de santé de plus en plus importants. Il fallait présenter à la tutelle de nombreux rapports pour lui expliquer pourquoi il fallait augmenter les capacités, développer les activités, créer un poste de praticien hospitalier, ce qui prenait des mois, voire des années. Avec la T2A, la situation est beaucoup plus simple : le juge de paix, c’est l’activité.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Ce système est donc plus simple et plus conforme à la réalité ?

M. Pierre Vollot. Il est aussi plus équitable. Il permet aux hôpitaux qui travaillent d’avoir des moyens.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pour que vous puissiez mesurer la réalité, il vous faut, notamment, un système de comptabilité analytique et de suivi de gestion permettant de rapprocher les coûts réels de ce que vous rapporte la T2A. Vous nous avez dit que, par rapport à d’autres établissements, vous n’étiez pas en retard en termes d’outils de gestion, mais que vous étiez loin d’avoir obtenu l’optimum. Qu’allez-vous faire maintenant pour progresser ?

M. Pierre Vollot. Lorsque je crée des activités – par exemple, l’année prochaine, je vais ouvrir des lits de médecine supplémentaires pour répondre aux besoins – nous faisons des simulations relativement précises sur les recettes et les dépenses et je rappelle aux cadres de santé et aux personnels que les moyens dépendront des recettes qui seront dégagées. Cela permet de réduire un peu les prétentions, qui sont parfois excessives. Nous travaillons toujours dans ce sens.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous utilisez la T2A et les outils de gestion interne de votre établissement de façon à optimiser cette gestion et à faire en sorte que le service produit le soit dans les meilleures conditions possible. D’autres logiques existent. On nous parle, entre autres, de la convergence avec les établissements privés : il s’agit de rapprocher, par le biais de la gestion et de la tarification, des établissements qui ont des raisons d’être et des modes de fonctionnement très différents. Que pensez-vous de cette convergence ?

M. Pierre Vollot. La T2A est un système plus équitable. Cependant, il doit être relativement stable dans le temps. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. La nouvelle classification V11 des actes médicaux n’a pas été très satisfaisante. Savoir avec quel montant de recettes on allait terminer l’année a relevé de l’art divinatoire.

Ensuite, les règles ont été fortement perturbées cette année et, paradoxalement, on a plutôt pénalisé les établissements qui avaient des durées de séjour courtes ; on a modifié les règles de financement des unités de surveillance continue, ce qui a été très défavorable aux hôpitaux qui avaient des unités de surveillance continue non adossées à des unités de réanimation. Sans doute la société savante des réanimateurs a-t-elle été beaucoup plus pertinente dans la définition des critères. Quoi qu’il en soit, on a oublié de consulter certains autres interlocuteurs. Le système de financement n’étant pas du tout adapté, des établissements ont subi de lourdes pertes.

Enfin, pour que le système soit satisfaisant, il faut qu’il soit lisible. Il l’est, bien qu’étant compliqué, pour la T2A des actes de médecine, chirurgie et obstétrique. En revanche, on ne voit pas très bien comment va fonctionner le programme de médicalisation des systèmes d’information en soins de suite ou de réadaptation (PMSI SSR) et le PMSI psychiatrie, dont les règles sont d’une complexité rare. Pour que les acteurs s’emparent du sujet, il faudra bâtir des systèmes à peu près compréhensibles pour tout le monde.

S’agissant de la convergence des tarifs applicables aux établissements publics avec ceux concernant les établissements privés, je ne pense pas que je vous répondrai mieux qu’ont pu le faire d’autres représentants plus éminents. D’accord pour la convergence, mais il faut comparer ce qui est comparable. Ce n’est pas le cas des honoraires ; on doit inclure ceux des médecins libéraux dans les cliniques privés. Ce n’est pas non plus le cas des activités, qui ne sont pas tout à fait convergentes. Une bonne part de l’activité publique est une activité de médecine clinique, qu’on ne retrouve pas dans le secteur libéral. Tout cela soulève des questions.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci pour vos réponses si précises.

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La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition de Mme Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons maintenant le plaisir d’accueillir Mme Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville, accompagnée de M. Dominique Peljak, directeur général adjoint, et Mme Diane Petter, directrice des finances.

Mme Véronique Anatole-Touzet. Nous nous félicitons que la MECSS ait choisi d’auditionner des acteurs de terrain dans le cadre de ce rapport sur le fonctionnement de l’hôpital.

Le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville est classé dans la catégorie des CHR-CHU. Il s’agit d’un centre hospitalier régional qui, en termes d’activité médicale, se situe environ au dixième rang, et dont le budget tourne autour de 400 millions d’euros. C’est donc un établissement de taille importante, avec 2 000 lits et places. Il a deux caractéristiques : c’est un établissement bi-sites puisqu’il regroupe les établissements hospitaliers préexistants de Metz et de Thionville qui ont été fusionnés en 1977 ; il a un programme d’investissement important et son déficit, bien qu’en réduction notamment depuis deux ans et demi, reste un problème épineux. Tout cela ressort de la note de synthèse que j’ai transmis à la mission.

Le fait que le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville soit un établissement bi-sites est source de complexité, mais est aussi très important au regard de l’offre de soins pour le territoire nord et le bassin de santé nord-lorrain.

La chambre régionale des comptes a analysé son déficit structurel à l’aune d’une sous-dotation historique et d’une maîtrise des dépenses jugée à l’époque insuffisante.

Dans la note qui vous a été transmise, nous avons souligné l’importance du projet de construction d’un nouvel hôpital à Metz, qui devrait ouvrir début 2012, et des besoins d’investissements majeurs sur le site de Thionville – qui représente 40 % de l’activité du centre hospitalier régional – compte tenu du taux de vétusté des installations et des équipements.

Nous avons également résumé dans cette note les actions que nous avons engagées : une dynamique d’amélioration de la performance, à la fois dans la gestion des recettes, la maîtrise des dépenses et l’organisation médicale, qui constitue, depuis ces dernières années, un axe prioritaire de travail.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous rappeler les préconisations générales de la chambre régionale des comptes ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Au-delà de l’analyse générale des comptes de l’établissement, la chambre régionale des comptes avait axé son dernier rapport sur deux sujets particuliers : les urgences et les systèmes d’information, et sur un certain nombre de recommandations relatives à la gestion des marchés et à la situation financière compte tenu du déficit notamment constitué par un report de charges de l’ordre de 19 millions d’euros en 2006. Je suis arrivée dans l’établissement en juillet 2007, ainsi que mes collaborateurs, et nous avons engagé très rapidement une politique de retour à l’équilibre financier.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur l’informatique médicale et sur les marchés, quelles avaient été les remarques de la chambre régionale des comptes ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Sur l’informatique médicale, la carence du pilotage du système d’information avait été pointée par la chambre régionale des comptes. À l’époque, le système d’information était relativement éclaté, le pilotage global n’étant pas vraiment mis en œuvre. L’ensemble des recommandations sur l’informatisation, notamment médicale, ont été mises en œuvre. J’ai remplacé le directeur informatique, dès mon arrivée. Nous avons mis en place un comité de pilotage des systèmes d’information, élaboré un schéma directeur des systèmes d’information qui donne à ceux-ci une cohérence globale, ce qui manquait fortement dans la période antérieure. Nous avons également engagé l’informatisation du dossier médical, qui doit se mettre en place dans l’ensemble des services de l’établissement dès l’année prochaine. Nous sommes simplement en attente d’une aide du plan Hôpital 2012, car l’enjeu financier est important : l’ensemble du schéma directeur coûtera environ 15 millions d’euros, si l’on veut véritablement informatiser et rattraper le retard.

S’agissant des urgences, la chambre régionale des comptes n’a pas fait de recommandations majeures. Il s’agissait plutôt d’un constat. Leur fonctionnement, tout en méritant d’être amélioré, avait montré un certain nombre de points forts, comme la gestion des circuits de prise en charge des patients. À Metz comme à Thionville, à travers les circuits (courts ou longs) et les filières (maladies graves, chirurgie ou médecine), nous avons déjà engagé une démarche d’amélioration de la prise en charge et de la qualité, qui a été reconnue.

L’ensemble des recommandations de la chambre régionale ont également été prises en compte pour les marchés et la gestion financière. Tant pour la maîtrise des dépenses que pour l’amélioration des recettes, nous avons obtenu des résultats tangibles. Le déficit financier, qui était de 12,7 millions d’euros en 2007, est passé à 6 millions d’euros en 2008. Un effort de mobilisation très important de la communauté hospitalière et des praticiens a été engagé, à la fois dans la gestion des recettes (le codage des activités médicales accusait un retard considérable), la facturation (les délais ont pu être divisés par deux) et la maîtrise des dépenses. Nous avons mené de nombreuses réorganisations médicales : regroupements de services, fermeture d’hôpitaux de semaine sous-occupés, développement de la chirurgie ambulatoire, regroupement des activités d’hôpital de jour de médecine, réorganisation du fonctionnement du plateau technique.

Travailler à l’organisation médicale, en partenariat bien sûr avec la communauté médicale, l’encadrement soignant, et en associant les organisations syndicales en amont est vraiment la clé pour aller vers l’efficience. C’est de cette manière que l’on peut dégager des marges de manœuvres tout en préservant la qualité et la sécurité des soins.

M. le coprésident Pierre Morange. La maîtrise de l’information suppose de disposer d’outils de mesure, dans le cadre d’une stratégie de gestion prévisionnelle. Je suppose que vous avez maintenant une comptabilité analytique et un contrôle de gestion opérationnels.

Mme Véronique Anatole-Touzet. Tout à fait, depuis une période relativement récente. Lorsque je suis arrivée, mon prédécesseur venait d’engager, en 2006, la mise en œuvre d’une comptabilité analytique, avec la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier. Nous avons institué des tableaux de bord systématiques en matière de gestion, à la fois globale pour l’ensemble des suivis des différents types de dépenses et de recettes, et par pôle. Tous les pôles disposent de comptes de résultats analytiques et de comptes de résultats par objectif des secteurs médicotechniques, ce qui assez novateur. C’est Mme Petter qui s’occupe de ce dossier. Ces tableaux de bord existent, il faut maintenant les faire vivre dans le temps et les utiliser dans le cadre des contrats de pôle et des outils de pilotage internes.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est un long chemin que celui de la cohérence budgétaire et de la rationalisation des moyens mis à disposition. Y a-t-il encore des marges de progression pour le recouvrement, voire pour l’identification des cas de non-facturation lorsque certaines consultations ou certains passages aux urgences ne sont pas comptabilisés ? Toujours dans le cadre de la maîtrise de l’information, deux écoles s’opposent : soit la cotation doit être effectuée et mise en œuvre en direct par le département d’information médicale, soit elle doit l’être sur le terrain, au chevet du patient, par les professionnels de santé, qui ont une connaissance intime de l’activité médicale. Quel est votre point de vue ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Je répondrai à votre seconde question et Mme Petter à la première.

S’agissant du codage, il existe en effet deux écoles : le codage centralisé et le codage décentralisé. Lorsque je suis arrivée au centre hospitalier régional, le codage était centralisé. Nous avons constaté qu’il n’était pas performant, dans la mesure où il conduisait à un retard considérable de transmission, à de nouvelles saisies, donc à des coûts supplémentaires, notamment en personnel. J’ai ainsi décidé de passer à un codage décentralisé, comme je l’avais fait dans d’autres établissements. Nous avons fait le pari de responsabiliser les praticiens.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien de temps vous a-t-il fallu ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Six mois. Pour soixante-quinze services, c’est une performance ! Nous avons mené une politique très volontariste pour y parvenir. Ce fut même la priorité, dans le cadre de notre démarche de retour à l’équilibre financier. Avant même de faire des économies, encore faut-il que les recettes entrent dans les caisses par rapport à l’activité réellement réalisée. Nous avons mobilisé la communauté médicale. Le président de la commission médicale d’établissement s’est également investi. Nous avons mis sur intranet un palmarès mensuel systématique du retard du codage. Nous avons mobilisé le département d’information médicale pour le recentrer sur son métier, qui est plutôt l’analyse qualitative, le conseil et l’aide aux services, que la saisie des actes.

Nous avons mis à disposition des praticiens des outils pour que ce codage prenne le moins de temps possible, même si cela reste pour eux une charge de travail. Au début, il y a eu une certaine résistance de leur part mais au fur et à mesure, l’enjeu a été compris par l’ensemble de la communauté médicale. Aujourd’hui, la qualité et le délai du codage se sont nettement améliorés.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Le fait que ce changement ait été opéré en seulement six mois met d’autant plus en évidence la différence existant entre les deux systèmes. Vous devez mesurer de manière assez précise les pertes de ressources pour l’établissement qu’entraînait l’ancien système.

Mme Véronique Anatole-Touzet. En effet. Nous avions environ, en trésorerie, un million d’euros de retard de codage par mois. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce genre de problèmes nous a été rapporté par une chambre régionale des comptes, concernant d’autres structures. Nous avons entendu parler de 5 % à 10 % voire 12 % de facturations non recouvrées, ce qui n’a rien de négligeable en termes de recettes. Vous êtes-vous retrouvée dans des situations similaires ? Grâce à la correction que vous avez opérée, vous avez dû observer une différence. À combien l’estimez-vous ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Je vous répondrai, sous le contrôle de la directrice des finances, que cette différence est de l’ordre de 5 %. Nous étions en effet à 94 % d’exhaustivité et nous en sommes à 99 %. Cela porte sur les recettes liées aux tarifs des groupes homogènes de séjours, donc sur des sommes importantes.

Mme Diane Petter. 200 millions d’euros pour les séjours financés en T2A.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce qui correspond à 10 millions d’euros. Dans le cadre d’une enveloppe hospitalière qui approche les 60 milliards d’euros par an, ce n’est pas anodin.

Mme Véronique Anatole-Touzet. Si nous avons fait de l’amélioration du codage une priorité, c’est qu’il y a là une marge de manœuvre importante. Je pense que de nombreux établissements ont engagé une telle politique.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. L’établissement que vous dirigez est la résultante de la fusion de deux établissements dont la santé financière n’était pas excellente. Quelle a été, selon vous, la raison de cette fusion à l’époque : a-t-elle été motivée par un souci de bonne gestion financière ou de rationalisation des soins ? Quelles ont été ses modalités, mais aussi ses incidences sur le plan financier à court et à plus long terme ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Élevé au rang de centre hospitalier régional par Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, en 1977, l'établissement issu de la fusion du centre hospitalier de Metz avec le centre hospitalier de Thionville traduit la volonté politique d’assurer une offre de soins à la mesure de l’importance de la population et du territoire desservis.

Les fusions d’établissements ont le double objectif d’améliorer l’offre de soins et de contribuer à une certaine efficience médico-économique.

Il est assez difficile d’évaluer leur résultat en termes financiers, et je ne pense pas que cela ait été souvent fait en France, même si cela mériterait de l’être. S’agissant de la fusion en question, la réforme des règles budgétaires et comptables intervenue ces dernières années, notamment l’instauration de la tarification à l’activité (T2A), rend encore plus difficile son bilan précis d’autant que son objectif n’était pas financier. Une première recommandation serait peut-être de donner justement un tel objectif à ces regroupements d’établissements.

L’objectif d’optimisation de l’offre de soins, en revanche, est fondamental. Une telle fusion permet en effet d’assurer la cohérence de l’offre de soins sur un territoire donné, notamment par la mise en place de pôles d’activité médicale intersites, garantissant un dialogue sur le plan médical concernant à la fois les priorités de développement de l’activité médicale et la répartition cohérente de l’activité entre les deux sites.

Sur le plan médico-économique, la fusion contribue à l’optimisation des dépenses. Concrètement, certaines activités hyperspécialisées ont été concentrées sur le site de Metz, telles l’hématologie, la chirurgie cardiaque, le plateau technique lourd. Nous veillons cependant à ce que la répartition entre les deux sites reste équilibrée, le territoire de Thionville nécessitant une grosse offre de soins compte tenu de l’importance de sa population.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. La construction du nouvel hôpital de Metz s’inscrit-elle dans le prolongement du processus de fusion et de rationalisation, ou s’agit-il simplement de remplacer un équipement par un autre ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Les deux. En tout état de cause, la vétusté des installations rendait nécessaire la construction d’un nouvel hôpital à Metz, étant donné l’implantation du site en centre ville, les problèmes d’accès et de parking, le manque de fonctionnalité et de surface. Le site de Thionville a également besoin d’être rénové, et le projet de Metz tient compte de la nécessité de l’équilibre de l’offre de soins entre les deux sites.

À ma connaissance cependant, un projet unique commun aux deux sites n’a jamais été envisagé. Cela n’aurait pas été opportun, étant donné l’existence de deux bassins de population importants, distincts et éloignés. Il fallait d’abord construire là où la population était la plus importante, sans négliger les besoins de rénovation du site de Thionville.

M. le coprésident Pierre Morange. L’appartenance de votre groupe hospitalier au groupement de coopération sanitaire (GCS) du Grand-Est répond à la nécessité de s’inscrire dans une vision globale des problèmes sanitaires d’un vaste bassin démographique. La création d’une telle structure traduit-elle une volonté de mutualisation et de rationalisation financière, notamment en matière d’appels d’offres ? L’existence d’un groupement de coopération sanitaire tend-elle, en particulier, à constituer une centrale d’achat, comme vous y autorise la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Ce n’est pas l’objectif du groupement de coopération sanitaire Grand-Est, mais il est vrai que tous les établissements appartenant au groupement adhèrent par ailleurs au groupement de coopération sanitaire UniHA, afin de mutualiser leur politique d’achat et de réaliser des économies d’échelle. Après une montée en charge progressive, cette politique a permis des économies sensibles, en tout cas dans mon établissement.

L’objectif initial du groupement de coopération sanitaire Grand-Est, qui regroupe les CHU et le centre hospitalier régional de ce territoire, est principalement de favoriser le développement de la recherche clinique. L’enjeu est essentiel, à l’heure où les grands établissements hospitaliers français souhaitent promouvoir la recherche clinique en leur sein. Dans cette perspective, le groupement de coopération sanitaire nous permet de répondre de manière coordonnée aux appels d’offre nationaux d’un certain nombre d’organismes de recherche, et de conduire au niveau interrégional une politique de recherche commune. Une direction interrégionale de la recherche clinique est spécialement chargée de cette coordination. Elle a également permis la mise en œuvre de moyens dédiés à la recherche dans les CHU et le centre hospitalier régional du Grand-Est.

Le deuxième objectif de ce groupement de coopération sanitaire est de coordonner l’offre médicale au niveau interrégional, conformément aux schémas interrégionaux d’organisation sanitaire. Ceux-ci sont arrêtés par les directeurs d’agences régionales de l’hospitalisation et organisent l’offre de soins dans des activités hautement spécialisées. Les agences régionales de l’hospitalisation du Grand-Est sont d’ailleurs représentées au sein du groupement de coopération sanitaire Grand-Est.

Le groupement de coopération sanitaire a pour troisième objectif d’aller plus loin, notamment en termes de formation universitaire. Cette structure nous permet d’échanger avec les doyens des facultés de médecine et de réfléchir ensemble aux moyens de mieux répondre aux enjeux de démographie médicale – on sait que c’est un problème plus difficile dans le Grand-Est que dans le Sud de la France, par exemple. Tous ces aspects ont vocation à se développer dans le cadre du groupement de coopération sanitaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous entamé un travail de préfiguration des dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires élargissant le champ de compétence des schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), notamment au secteur ambulatoire, qui doivent s’appliquer à partir du deuxième trimestre 2010 ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Le centre hospitalier régional se montre exemplaire en la matière. Nous nous sommes en effet efforcés d’anticiper le nouveau cadre législatif en étant très actifs en matière de politique de territoire. Depuis plus de dix ans, le centre hospitalier régional a noué des liens de coopération très étroits avec la médecine de ville, dans le cadre notamment du service d’urgences et de la maison médicale de Metz, et nous luttons ensemble contre l’épidémie de grippe actuelle.

L’agence régionale de l’hospitalisation nous a en outre sollicités pour venir en soutien d’établissements, publics ou privés, en difficulté. Nous appuyons notamment l’hôpital de Briey, en Meurthe-et-Moselle. Grâce au soutien du centre hospitalier régional, cet établissement de plus de 400 lits, qui connaissait de grandes difficultés, à la fois financières, institutionnelles et médicales, est en voie de redressement sur le plan tant de l’activité médicale que de la situation financière. Nous avons également, avec le soutien de l’agence régionale de l’hospitalisation, sauvé une maternité de Metz, un établissement privé à but non lucratif assurant plus de 2 000 accouchements, qui était dans une situation financière difficile.

S’agissant du volet médico-social, le centre hospitalier régional compte une filière gériatrique importante, et coopère, par le biais de conventions, avec l’ensemble des acteurs des réseaux gérontologiques. Il assure lui-même la gestion d’établissements d’hébergement pour personnes âgées. La coopération avec le secteur médico-social est donc ancienne et déjà ancrée dans les pratiques locales.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment assurez-vous l’adéquation entre le personnel disponible et les besoins ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. La gestion des ressources humaines est un enjeu majeur pour nos établissements. La réponse n’est pas la même selon qu’il s’agit des praticiens ou des personnels non médicaux.

En matière de gestion du personnel médical, nous sommes confrontés à une démographie médicale défavorable, environ la moitié des praticiens formés par le CHU quittant la Lorraine. L’objectif essentiel est d’attirer et de conserver au sein de l’hôpital public – qui reste, en dépit des nouveaux outils législatifs, moins attractif en termes de rémunérations que le secteur privé – un nombre suffisant de praticiens pour répondre aux besoins sanitaires d’un territoire très peuplé.

Le centre hospitalier régional pratique une politique très offensive de recrutement pour maintenir son offre de soins. S’agissant de certaines spécialités particulièrement déficitaires, et cela dans tous les établissements publics compte tenu des écarts de rémunération, telles l’anesthésie, la néphrologie ou la radiologie, les solutions sont multiples. Nous sommes pour notre part engagés dans une politique de coopération très forte avec le CHU, dont le doyen fait désormais partie de notre conseil d’administration. Une telle politique est essentielle pour fidéliser les praticiens par le biais de la gestion des internes, de la formation ou de l’investissement dans la coopération universitaire.

S’agissant des personnels paramédicaux, nous n’avons pas de difficultés majeures pour recruter du personnel infirmier. Nous manquons en revanche de manipulateurs d’électroradiologie médicale ou de kinésithérapeutes. Là encore, nous nous efforçons d’agir en amont, au niveau de la formation.

Nous nous efforçons de fidéliser les personnels par des titularisations assez courtes, plus opportunes dans un environnement concurrentiel. C’est pourquoi, même dans le cadre d’une politique de maîtrise de la masse salariale, nous sommes obligés de maintenir un volant contractuel, même si nous nous efforçons de le réduire, en pleine concertation avec les organisations syndicales.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Des crédits sont donc pré-affectés aux contrats de courte durée ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. En effet. C’est une pratique inhérente au fonctionnement hospitalier, puisque, avant même leur titularisation, certains personnels, telles les infirmières, doivent être recrutés par la voie du contrat. Nous essayons cependant de réduire au minimum la part de celui-ci dans la masse salariale.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. L’objectif est de faire en sorte que les contrats à durée déterminée soient le sas d’entrée vers une pérennisation ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Tout à fait.

M. le coprésident Pierre Morange. Quelle est la part du personnel d’intérim par rapport à la masse salariale ? On sait en effet à quel point une proportion trop importante de ce type de personnels peut affecter un budget hospitalier, dont la masse salariale constitue les trois quarts. Je vous renvoie à ce sujet aux observations de la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers. De nombreux établissements hospitaliers n’ayant pas, comme nos auditions nous l’ont appris, de comptabilité analytique et étant de ce fait incapables de faire de la gestion prévisionnelle, ils recourent par facilité à des personnels intérimaires. Ils initient ainsi un cercle vicieux sur le plan budgétaire, qui participe à la dégradation des comptes.

Mme Véronique Anatole-Touzet. Il faut distinguer entre personnels contractuels et intérimaires, entre lesquels il faut encore distinguer selon qu’il s’agit d’intérim médical ou non médical.

Nos dépenses d’intérim médical sont faibles, puisqu’on ne recourt à des praticiens intérimaires que dans des disciplines très déficitaires, telles que l’anesthésie. Nous n’en employons que dans le centre hospitalier de Briey, actuellement géré par le centre hospitalier régional dans le cadre d’une convention de direction commune.

Il en va de même dans le domaine paramédical, puisque nous avons pu recruter du personnel soignant en nombre suffisant pour satisfaire nos besoins. Il s’agit essentiellement de titulaires – et de contractuels pour les personnels en voie de recrutement.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Ce qui est désormais la règle de gestion de base des établissements hospitaliers, à savoir la T2A, a-t-elle posé ou résolu des problèmes ? Est-elle susceptible d’orienter l’activité médicale ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Sur le principe, les hospitaliers sont favorables à la mise en œuvre d’une tarification à l’activité pour des raisons d’équité, de justice et de bonne gestion, cette règle favorisant l’ajustement des moyens à la réalité de l’activité médicale.

Quant aux modalités de la T2A, elles sont critiquables, du fait notamment des délais trop courts de mise en œuvre et des règles du jeu fluctuantes, notamment ces dernières années. Pour mener à bien cette réforme, j’estime nécessaire, au même titre d’ailleurs que votre Assemblée, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ou la Cour des comptes, de stabiliser les règles du jeu afin de donner de la visibilité aux établissements. Il convient également de mieux déterminer les coûts, notamment quand on compare les établissements publics et les établissements privés. Il faut aussi mieux évaluer la permanence des soins : même si l’on a beaucoup progressé dans ce domaine cette année, les résultats doivent être pérennisés.

La prise en compte de la précarité est l’autre élément positif. Mais il faut, avant d’entreprendre la convergence tarifaire, établir la réalité des coûts en tenant compte des spécificités de la prise en charge par l’hôpital public.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment peut-on juger mauvaise l’évaluation de certains coûts quand aussi peu d’établissements disposent d’une comptabilité analytique digne de ce nom ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Il reste en effet beaucoup de progrès à faire en la matière, et c’est pourquoi nous avons fait du développement de la comptabilité analytique une de nos priorités.

Cependant, au-delà de la nécessité d’outils de comptabilité analytique au niveau des établissements, le problème est aussi celui de la fixation des tarifs au niveau national et de la répartition entre les différents secteurs d’activité au sein de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM).

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. En tout état de cause, en cas d’écart important entre ce que rapporte une prestation et ce qu’elle coûte, le gestionnaire n’aura-t-il pas tendance à privilégier celle qui rapporte plus qu’elle ne lui coûte ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Pas à l’hôpital public en tout cas, si j’en crois mon expérience à Paris, en Normandie ou en Lorraine aujourd’hui. L’hôpital public ne sélectionne pas ses patients en fonction de la rentabilité de leur prise en charge dans le cadre de la tarification à l’activité. Si tel était le cas, il n’y aurait pas autant d’établissements déficitaires !

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il faut en effet craindre, non seulement la comparaison entre le coût et le bénéfice d’une prestation, mais également entre le secteur public et un secteur privé qui obéit à une logique différente : peut-on raisonnablement pousser la convergence tarifaire entre les deux secteurs jusqu’à l’identique ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Le débat a été provisoirement tranché par le Parlement…

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Disons plutôt qu’il a été reporté.

Mme Véronique Anatole-Touzet. En tout état de cause, je ne pense pas qu’on puisse aller beaucoup plus loin.

Vous avez raison de souligner que la question est double : celle de la fixation des tarifs par rapport au coût des prestations, d’une part, et celle de la comparaison des coûts entre le public et le privé, d’autre part.

S’agissant du premier aspect de la question, il est aujourd’hui démontré, notamment par les études de la Fédération hospitalière de France, que certaines activités de l’hôpital public sont structurellement déficitaires. Dans les unités neuro-vasculaires, dans les services de réanimation, d’endocrinologie ou de pédiatrie générale, il est difficile d’ajuster les tarifs des prestations à leur coût afin d’équilibrer les comptes de ces secteurs d’activité. Il en va de même dans les services de médecine qui sont surreprésentés dans l’hôpital public.

En ce qui concerne la convergence tarifaire, les tarifs doivent être appréciés en tenant compte des spécificités de l’hôpital public. Or, aucune étude n’a encore été consacrée à ce sujet. On sait en revanche que certaines activités constituent pour les hôpitaux privés de véritables rentes de situation. Ainsi le tarif d’une chirurgie de la cataracte est-il nettement supérieur à son coût.

M. le coprésident Pierre Morange. Selon certaines autorités de tutelle que nous avons auditionnées, un délai de trois à quatre ans est raisonnable pour doter d’une comptabilité analytique l’ensemble des établissements de santé d’une certaine taille. Partagez-vous cet avis, et quel est, selon le vous, le délai minimal nécessaire ?

Mme Véronique Anatole-Touzet. Toutes choses égales par ailleurs, ce délai me paraît raisonnable pour des établissements d’une taille significative. Encore faut-il s’entendre sur le degré de comptabilité analytique que l’on souhaite : on pourrait certainement établir plus rapidement une comptabilité analytique générale. En revanche, l’établissement d’outils de gestion validés par les partenaires en interne et mis à disposition des pôles demande plus de temps. Un délai moyen de trois ans me paraît raisonnable, quoique confortable, étant donné l’extrême variabilité des situations d’un établissement à l’autre.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, madame.

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La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède enfin à l’audition de M. Philippe Roussel, directeur général du Centre hospitalier du Mans, et Mme Céline Lagrais, directrice chargée des affaires financières et du contrôle de gestion, M. Lucien Vicenzutti, directeur du Centre hospitalier de Lens, et Mme Véronique Vosgien, vice-présidente de la commission médicale d’établissement, et M. Philip Vrouvakis, directeur général de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle.

M. le coprésident Pierre Morange. Si nous avons souhaité, mesdames, messieurs, vous entendre dans le cadre de notre réflexion sur le fonctionnement de l’hôpital, c’est que nous attendons des acteurs de terrain qu’ils nous offrent une approche pragmatique de la problématique hospitalière, afin d’en tirer des préconisations profitables à tous.

M. Philippe Roussel, directeur général du Centre hospitalier du Mans. Le centre hospitalier du Mans est un établissement important, tant en nombre de lits que par le bassin qu’il dessert. Il s’inscrit en effet dans un territoire sarthois de 500 000 habitants. Dans certaines disciplines telles que la pédiatrie, son activité s’étend même à la Mayenne, l’Eure-et-Loir et l’Indre-et-Loire, et concerne jusqu’à un million d’habitants.

C’est un établissement « jeune », son développement ne datant que d’une vingtaine d’années. Il compte 1 700 lits, dont 1 200 lits actifs, les lits restant étant des lits de long séjour en cours de reclassement entre les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes et les unités de soins de longue durée.

Cet établissement, qui n’est pas un centre hospitalier universitaire, se trouve à proximité de deux CHU, ce qui lui pose un incontestable problème de positionnement stratégique. Il y a cinquante ans, au moment de la création des CHU, c’était un hôpital-hospice. Ces vingt dernières années, les élus locaux et le ministère ont eu la volonté d’y faire venir des médecins de qualité et de varier ses activités. Depuis, le centre hospitalier compte des disciplines qui ne sont d’ordinaire pratiquées que dans les CHU, telle la chirurgie pédiatrique de pointe.

Cet établissement s’est très vite engagé dans la nouvelle gouvernance hospitalière, au point d’être expérimentateur en ce domaine. Voilà quelques années, à partir d’une culture financière inexistante, il a fait le pari d’une plus grande implication de la communauté médicale dans la gestion, mais aussi dans la prise de décision stratégique. Cela a demandé un travail très important : la création à titre expérimental d’un conseil exécutif dès 2003, la mise en place de contrats de pôle, une implication forte dans la comptabilité analytique en référence à l’échelle nationale des coûts ; enfin, au fur et à mesure que nous disposions des éléments nécessaires, du benchmarking interétablissement à partir d’une base de données augmentée chaque année.

Enfin, l’hôpital réalise depuis des années d’importants investissements, qui n’ont pas toujours été approuvés par l’agence régionale de l’hospitalisation – je pense notamment à la construction d’un bâtiment à une époque que je n’ai pas connue. Cela explique la dette relativement importante de l’établissement.

Dans le cadre du plan Hôpital 2007, la poursuite de la modernisation du centre hospitalier bénéficiera d’un financement à hauteur de 50 %.

Le centre a manifesté assez tôt une attention à la maîtrise des coûts, qui n’a fait que se renforcer au fur et à mesure de la montée en puissance de la T2A. En 2008, l’hôpital a conclu avec l’agence régionale de l’hospitalisation un contrat de retour à l’équilibre. Il respecte depuis, dans toute la mesure du possible, les conditions de ce plan exigeant, grâce à l’implication forte de tous les partenaires, personnels y compris. C’est que l’établissement connaît depuis quelques années une véritable mutation culturelle, grâce à la nouvelle gouvernance, au contrat de retour à l’équilibre, et à un plan de développement stratégique qui a été largement expliqué et négocié. Aujourd’hui, la performance hospitalière fait l’objet, chez tous les acteurs, d’une véritable réflexion.

M. Lucien Vicenzutti, directeur du Centre hospitalier de Lens. Le centre hospitalier de Lens – sachant que le CHU n’est distant que de quarante kilomètres – est un grand établissement de 1 200 lits, dont 800 sont actifs. Son rayon d’action de dix kilomètres couvre le cœur très urbanisé de l’ancien pays minier, soit 400 000 habitants. Cette population est pour partie en difficulté sociale, ce qui se traduit par un accès problématique aux soins, par des indicateurs de santé parmi les plus bas de France et par des efforts de prévention qui se heurtent à une attitude de méfiance.

Avec Béthune, Douai et Arras, la zone sanitaire de l’Artois comprend plus d’un million d’habitants. Le centre hospitalier dispense l’ensemble des prestations de proximité – médecine, chirurgie – et dispose de pôles d’excellence en cardiologie, neurologie, en soins de réanimation, en néonatologie, et, en partenariat avec le privé, en cancérologie, radiothérapie, chimiothérapie et chirurgie cardiaque.

L’établissement a connu une crise financière grave à partir de 2006. Elle reflétait l’impréparation du centre à la tarification à l’activité. Le secteur privé, à but lucratif ou non, a su attirer les compétences qui travaillaient autrefois au centre hospitalier dont la perte d’attractivité s’est traduite par un manque à gagner, au point que les recettes ne couvraient plus les coûts. Pour un budget de 180 millions d’euros, nous encourions au début de l’année 2007 un déficit de 19 millions d’euros. Grâce à l’agence régionale de l’hospitalisation et aux conseillers généraux siégeant au sein des établissements de santé, une prise de conscience est intervenue qui a permis de mettre en place un plan de retour à l’équilibre pour stopper l’hémorragie. Le déficit a été ramené à 13 millions d’euros en 2007 pour un déficit structurel se situant autour de 9 millions. Avec les aides de l’agence régionale de l’hospitalisation, il a été de 8 millions en 2007 et de 2,5 millions l’an dernier.

La prise de conscience a eu aussi des effets pervers. Les restructurations que nous avons engagées en regroupant des unités, en supprimant des postes – 130 en deux ans – n’ont pas permis de procéder à une réorganisation fine des services. Malgré la réduction de certains avantages sociaux – en matière de gestion des réductions du temps de travail notamment –, l’absentéisme a eu tendance à augmenter de même que les heures supplémentaires. La réforme a été mal vécue sur le plan social puisque l’établissement n’avait pas de visibilité à long terme.

Nous sommes passés l’année dernière d’une logique de plan de retour à l’équilibre à une logique de plan de développement stratégique qui place les coopérations au cœur du projet. L’hôpital de Lens fait partie d’une communauté hospitalière de territoire dont la constitution est souhaitée par les hôpitaux de Béthune et d’Arras. La reconstruction du centre s’impose à cause de l’inadaptation des bâtiments actuels, pavillonnaires, qui sont vétustes et probablement à l’origine d’une partie de nos surcoûts. Nous l’engagerons en partenariat avec le privé à but non lucratif et en coopération avec d’autres sites à Hénin-Beaumont et Liévin.

Nous allons donc réorganiser une offre de soins fédérée au niveau de l’Artois, autour d’un site compact en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie. Nous espérons aussi pouvoir développer avec le CHU tout proche des missions de formation ou encore de recherche dans un cadre régional. La coopération donnera un sens au projet de reconstruction qui nécessitera certainement des investissements importants, supérieurs à 200 millions d’euros. Mais ce projet, qui recueille l’adhésion des personnels et des médecins, ne se concrétisera que si nous revenons à l’équilibre.

L’autre axe du plan est donc la performance – c'est-à-dire la qualité, sans laquelle l’offre ne peut rencontrer la demande – et l’efficience. Il s’agit de faire la meilleure prestation au moindre coût. C’est sur cet objectif que nous pouvons mobiliser et accélérer le basculement culturel qui s’opère doucement depuis deux ans. Après la prise de conscience, il faut faire naître l’espoir autour d’un projet et prouver la capacité des unités de soins en mobilisant les équipes soignantes et en optimisant l’organisation. Il nous reste encore des étapes à franchir puisque nous devons trouver 10 millions d’euros, soit en augmentant l’activité – par le dépistage des cancers ou des maladies vasculaires dont a, hélas, besoin la population –, soit en réformant encore nos structures de coût, cette fois-ci non plus par une impulsion verticale, mais en partant du terrain.

Nous nous appuyons sur les pôles que nous avons créés dans le cadre du plan de retour à l’équilibre. Cette année, un comité de pilotage réunissant les trois pôles a beaucoup travaillé sur les données médico-administratives.

M. le coprésident Pierre Morange. Disposez-vous d’une comptabilité analytique voire d’un contrôle de gestion ? Comment est organisée la facturation, qui, si elle est déficiente, peut constituer un manque à gagner pouvant atteindre entre 5 % et 10 % des recettes ?

M. Lucien Vicenzutti. Nous disposons à la fois d’une comptabilité analytique et d’un contrôle de gestion. Quant à la facturation, le plan de retour à l’équilibre a été l’occasion de se pencher sur la question.

Le recouvrement des factures d’actes techniques et des consultations aux urgences était insuffisant. La perte peut être évaluée à 2,5 millions d’euros sur des recettes d’activité de 100 millions. Le reste des ressources provient des enveloppes globalisées : psychiatrie, missions d’intérêt général ou gériatrie.

La sous-facturation était ciblée sur certains secteurs. Les consultations étaient plutôt bien couvertes, mais le codage des actes insuffisant. Nous avons récupéré 500 000 euros en 2007 sur les consultations, 600 000 euros l’an dernier et de l’ordre de 400 000 euros cette année. S’agissant des séjours, il y avait également une sous-codification. Faute de taper les lettres de sortie rapidement, on perdait en précision et en exhaustivité. En travaillant activement avec le département d’information médicale (DIM), nous avons récupéré 2,5 millions sur les séjours.

M. le coprésident Pierre Morange. Entre l’option centralisée – codification par le département de l’information médicale – et l’option décentralisée – codage effectué par les praticiens – apparemment plus réactive et plus précise, laquelle avez-vous choisie ?

M. Lucien Vicenzutti. La taille de l’établissement est telle que le directeur de l’information médicale ne peut être partout. L’enjeu est donc de responsabiliser les pôles et le personnel médical. Nous y parvenons dans certains pôles, beaucoup moins dans d’autres.

Le pivot du système est le secrétariat médical puisque la facturation suit une chaîne qui va du dossier médical à la lettre de sortie adressée au médecin traitant, pour le fidéliser. C’est à partir de cette lettre que le codage est effectué. Nous avons opté pour une solution de compromis puisque nous avons créé la fonction de technicien d’information médicale qui, sur la base de la description de l’acte et de la pathologie du patient, propose un codage qui est entré dans la V10 ou la V11 de la T2A. Le logiciel dont nous sommes équipés permet une simulation en direct. Les postes sont occupés par des secrétaires médicales qui sont ensuite formées par le département de l’information médicale. Elles travaillent en étroite collaboration avec le médecin qui est chargé de contrôler. C’est une façon pour nous de les impliquer dans le système.

M. le coprésident Pierre Morange. Le délai de six mois nécessaire, selon les expériences passées, pour l’appropriation du codage par les médecins est-il raisonnable ?

M. Lucien Vicenzutti. Les délais sont longs à l’hôpital, surtout pendant les phases de restructuration où les réformes et changements de tous ordres s’accumulent. La comptabilité analytique et les tableaux de bord facilitent cependant la prise de conscience.

Ensuite, il faut sur le terrain mobiliser des médecins, trouver des alliés dans les pôles ou une responsable du secrétariat médical pour servir de relais. Réorganiser prend du temps, mais avec une volonté forte et la mobilisation des acteurs c’est possible, même si les délais sont très variables d’un pôle à l’autre.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pourquoi les délais de mise en place du codage à la source sont-ils très variables – de quelques mois à plusieurs années – d’un établissement à l’autre ?

M. Vouvrakis, vous avez maintenant la parole pour nous présenter l’établissement que vous dirigez.

M. Philip Vouvrakis, directeur général de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle. La Fondation Bagatelle comprend plusieurs établissements. Celui que je dirige participe au service public hospitalier. Il appartient donc au secteur privé à but non lucratif. Le chiffre d’affaires total de la Fondation est de 65 millions d’euros environ, dont 45 millions environ pour l’hôpital. Nous comptons 200 lits à l’hôpital Bagatelle, 200 lits d’hospitalisation à domicile et une soixantaine de lits en soins de suite et de réadaptation.

Les caractéristiques de la Fondation sont celles du secteur privé sans but lucratif participant au service public hospitalier (PSPH), qui a su faire preuve d’un dynamisme certain, et a été parfois un vecteur de l’innovation. Ainsi, nous avons été parmi les premiers à lancer l’hospitalisation à domicile en France. La Fondation a développé, en périphérie de son projet hospitalier, des capacités d’accueil temporaire pour les personnes âgées qui font encore l’effet de projets pilotes. En même temps, l’institution s’est reposée sur son prestige, si bien que ses résultats sont négatifs depuis 2000 et que, à la fin de l’année 2007, elle s’est retrouvée en cessation de paiement. Si elle a pu s’en sortir, c’est grâce aux aides financières extérieures.

Dès mon arrivée le 2 janvier 2008, un conseiller de Capgemini est venu m’épauler, ce qui m’a fait gagner beaucoup de temps pendant les six mois de son mandat. Ensemble, nous avons remis à plat tout le fonctionnement de la fondation. Le conseil d’administration a été renouvelé pour moitié – parfois dans des conditions difficiles – et son fonctionnement reconsidéré. La direction a été remaniée aux trois quarts.

Nous n’avons pas gardé grand-chose de l’organisation initiale même si la Fondation avait, par exemple, profité d’une zone grise de la réglementation pour faire appel à des médecins libéraux, mais la frontière entre les activités libérales et non lucratives restait floue – les médecins étaient rémunérés d’après leur relevé d’activité, l’établissement étant sous le régime de la dotation globale. Les deux mondes ignoraient délibérément leurs différences, notamment au niveau du codage que les médecins libéraux, traditionnellement payés à l’acte, maîtrisent rapidement. Depuis quelque temps, nous avons conditionné le règlement au codage des dossiers et les médecins ont vite compris.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pouvez-vous quantifier les résultats ?

M. Philip Vrouvakis. Nous avons surtout gagné du temps. Comme beaucoup d’établissements publics, la Fondation avait mal anticipé l’impact de la T2A sur son chiffre d’affaires, qui bouleverse l’importance relative de certains métiers au sein de l’hôpital. Avec la T2A, la facturation est devenue un métier phare et il a fallu faire en six mois ce que les autres ont eu six ans pour préparer. Les choses se sont plutôt bien passées. L’atmosphère était anxiogène, mais chacun a compris qu’il n’était pas visé en particulier et qu’il avait sa pierre à apporter à l’édifice. Parallèlement, nous avons entrepris un important travail de communication interne. L’amélioration qualitative et quantitative du codage a permis de récupérer plus de 10 % du chiffre d’affaires T2A, soit 450 000 euros. La culture du service public hospitalier faisait que certains services n’étaient jamais facturés. Le circuit du patient n’était pas organisé autour de la facturation.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. La concomitance entre le foisonnement des plans de retour à l’équilibre financier et la mise en œuvre de la T2A a-t-elle révélé des déséquilibres ou en a-t-elle créé ? Quel est son impact dans la gestion des établissements ?

M. Philippe Roussel. La T2A a certainement été un révélateur car elle incite à réfléchir sur les pratiques professionnelles. Elle est indissociable de la mise en œuvre d’une comptabilité analytique et d’outils de comparaison. L’aspect positif est qu’elle a été pour nous un élément moteur important.

L’aspect négatif, c’est l’absence de stabilisation des tarifs et, partant, de visibilité. Après la montée en charge, il y a eu les changements de tarifs, de périmètre avec la V11, ce qui complique non seulement l’exercice de prévision mais aussi nos efforts de pédagogie auprès des médecins. Nous les avions entraînés dans une sorte de démarche de gestionnaire, et ils ont vécu ces événements comme une perte de repère. Nous demandons donc une stabilisation des tarifs pour pouvoir continuer à avancer.

La T2A a rapidement introduit la culture économique dans l’hôpital à tous les niveaux, y compris auprès des partenaires sociaux. Ils ont bien compris que la logique sur le terrain a changé, même s’ils la contestent sur le plan politique. Nous en sommes à intégrer la nécessaire réflexion organisationnelle à l’intérieur des pôles, puisque nous diffusons un compte de résultat analytique par pôle et, depuis cette année, le tableau coûts/case mix (TCCM) qui permet de comparer les données de coûts et d’activité d’un établissement avec les données de la base de l’étude nationale de coûts (ENC). Cette démarche suscite des réflexions sur les moyens de remédier aux écarts de coût de revient.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pourriez-vous nous donner des exemples précis ?

M. Philippe Roussel. L’exemple le plus frappant, c’est la chirurgie. Pour des raisons géographiques et historiques, nous avons choisi d’avoir un important pôle de chirurgie, et non pas plusieurs pôles organisés autour de différentes pathologies d’organes. Ses premiers résultats analytiques étant fortement déficitaires, nous avons engagé une réflexion avec un consultant extérieur et élaboré un plan de retour à l’équilibre propre au pôle, se traduisant par des fermetures ou des transformations de lit. Le tableau coûts/case mix met en évidence que l’hospitalisation en chirurgie est 3 % moins chère que la moyenne des coûts des autres établissements de la base de l’étude nationale de coûts. Mais, si l’on intègre les consultations de chirurgie, elle devient plus chère que la moyenne. Nous essayons de comprendre pourquoi en analysant la formation des coûts.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment les personnels réagissent-ils ?

M. Philippe Roussel. Nous sommes partis de l’idée que le contrat de retour à l’équilibre – expression que je n’aime pas parce qu’elle renvoie à un éden passé qui n’a jamais existé – ne serait que le prélude du plan de développement stratégique. En présentant ce changement de culture, nous avons souligné que les règles nouvelles résultaient d’une volonté nationale de comparer les établissements publics entre eux, mais aussi avec les établissements privés. Les personnels ont fini, plus ou moins, par s’engager dans la démarche. La diffusion des tableaux de bord prouve que des progrès ont été enregistrés, notamment dans l’organisation à certains endroits. La réduction du temps de travail a été renégociée globalement, avec un objectif financier, mais aussi dans certains pôles, ce qui a permis de montrer que les pratiques médicales pouvaient être modifiées pour faciliter les récupérations de réductions de temps de travail.

En définitive, notre principale mission a consisté à expliquer le pourquoi de la démarche, en particulier qu’elle n’avait pas forcément pour objectif de faire des économies. J’ai été agréablement surpris de voir que la notion de reconstitution de la capacité d’autofinancement, qui est tout de même très abstraite, pouvait devenir un élément moteur auprès des médecins.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Le privé n’obéit pas à la même logique.

M. Philippe Roussel. Pour répondre aux arguments que vous avez entendus maintes fois, nous avons privilégié, avec le conseil exécutif et la commission médicale d’établissement, une approche en termes de qualité et de service médical rendu. Le jour où on arrivera à cerner la notion coût/qualité en englobant le critère de l’opportunité de l’acte, aussi bien dans le public que dans le privé, on aura beaucoup progressé. Pourquoi y a-t-il beaucoup de chirurgie ambulatoire dans le privé ? Parce que, objectivement, les pathologies associées sont souvent moins lourdes que ce soit pour une cataracte, un canal carpien ou autre. Les patients qui sont récusés par les cliniques du Mans viennent chez nous.

Le jour où l’assurance maladie le voudra, elle pourra aller plus loin dans l’analyse et comparer effectivement les coûts. L’hôpital public a son histoire, mais il faudra qu’il évolue dans le temps, notamment en ce qui concerne les statuts du personnel.

M. Lucien Vicenzutti. La T2A révèle des fragilités stratégiques et des problèmes de facturation et de coût. De toute façon, elle est devenue une réalité et, que l’on soit d’accord ou non, on va vers la convergence tarifaire. Le problème vient de ce que les obligations ne sont pas les mêmes, de part et d’autre. L’hôpital n’a plus l’exclusivité de la mission de service public, qui peut désormais être partagée, mais il continue d’accueillir des patients qui n’iront pas ailleurs. Pour autant, le management médical et administratif répète que, sans adaptation, des pans entiers d’activité vont disparaître. C’est une remarque dont nous tenons compte dans la prospective stratégique. Ainsi, nous savons très bien que nous ne pourrons pas garder la chirurgie viscérale. Aussi allons-nous nous organiser avec notre partenaire privé. En revanche, si nous mettons l’accent sur le dépistage et la prévention, nous pourrons reconquérir des activités et redevenir leader, par exemple en cancérologie et en médecine vasculaire.

Il faut veiller constamment à l’équilibre économique en s’assurant que les besoins sont couverts, sans céder à la tentation de prendre des activités rentables. Le tableau médico-économique de chaque pôle met en évidence des activités structurellement déficitaires : la réanimation, l’hématologie, les urgences. Pourtant, on ne peut pas ne pas en faire. Mais la cardiologie est excédentaire, et la maternité se porte bien aussi. Il faut chercher à développer des activités tout en travaillant sur les coûts et l’organisation. La chirurgie est encore largement déficitaire parce que chacun a gardé l’habitude de tout faire dans son service.

Changer prend du temps car on ne peut pas agir sans l’adhésion des acteurs. Nous le faisons dans la transparence et, à cet égard, les tableaux de bord y contribuent. Le benchmarking est intéressant et nous n’hésitons pas à nous comparer à nos voisins. Il n’y a pas de fatalité au déficit, même si la précarité des patients n’est pas suffisamment prise en compte. Il faut sortir du défaitisme pour s’inscrire dans un axe de développement. La population autour de Lens a encore besoin de soins. Il faut travailler avec les partenaires à l’organisation des soins.

Mme Véronique Vosgien, vice-présidente de la commission médicale d’établissement du Centre hospitalier de Lens. Les gens sont prêts à travailler sur les coûts, mais la rapidité de réaction tient surtout à l’autonomie qui est laissée aux pôles, en termes d’organisation ou de gestion de personnel. L’autonomie contribue à une meilleure visibilité et à une responsabilisation accrue des acteurs de terrain pour viser un objectif commun qui ne peut en aucun cas être exclusivement économique. Pour que cela marche, il faut aussi mettre l’accent sur la qualité. Une fois cette étape franchie, l’hôpital pourra retrouver un deuxième souffle et travailler différemment.

N’oublions pas que le passif est lourd. On ne parlait jamais d’argent à l’hôpital. Quand il a fallu expliquer à nos équipes soignantes qu’elles devaient se préoccuper des coûts, ce fut une révolution. Il a fallu du temps, mais, à Lens, au bout de deux ans, la prise de conscience a eu lieu. Le challenge, maintenant, c’est d’être au plus près du terrain, c'est-à-dire du lit du patient. C’est de cette façon qu’on pourra encore améliorer les coûts.

Il faut porter un regard précis et aigu sur les flux de patients, précaires notamment, pour voir comment ils vont évoluer dans le temps sous l’effet de la tarification. Étant psychiatre, je suis peu concernée, mais mes collègues se demandent aussi comment établir un budget prévisionnel si les tarifs changent tous les ans.

M. Jean-Luc Préel. Les difficultés des blocs opératoires tiendraient en partie, dit-on, à l’indépendance traditionnelle des chirurgiens qui s’organisent à leur guise. En sont-ils conscients et sont-ils prêts à coopérer ?

M. Lucien Vicenzutti. Le bloc opératoire fait partie des six priorités de notre plan stratégique de développement. C’est un élément clef pour attirer sur notre plateau technique les praticiens de demain. La tendance historique était d’avoir un bloc par praticien ou chirurgien. Il faut travailler à la fois sur la planification des plages en amont, en fonction des besoins, et sur les délais. Il est important de commencer à l’heure, de ne pas perdre de temps entre deux interventions – ce qui touche aux comportements et aux habitudes – et de se coordonner avec l’amont, comme l’instrumentation, et l’aval, avec l’évacuation des déchets contaminés. Il faut revoir toute la chaîne. Un bloc opératoire, c’est aussi compliqué à gérer qu’un aéroport.

M. Jean-Luc Préel. Le statut du praticien hospitalier peut-il être un moyen de l’intéresser au bon fonctionnement ?

M. Lucien Vicenzutti. Je vois deux moyens de l’intéresser. Le premier tient à la transparence et au regard porté collectivement sur les habitudes de travail. Le fait d’afficher en direct le temps pris pour ouvrir le bloc ou passer d’une intervention à l’autre, et de l’évaluer régulièrement dans le cadre du conseil de bloc, permet de valider collectivement les comportements individuels.

Le second moyen est relatif à l’introduction d’un élément de variabilité dans la rémunération. Si, par exemple, un chirurgien était en partie rémunéré à l’activité, il aurait intérêt à une organisation plus efficiente. Mais ce n’est pas la seule réponse à apporter. Il faut d’abord un travail de groupe pour définir une organisation efficace. On peut très bien accueillir demain des praticiens salariés. Mais il faut, en tout état de cause, un bloc efficient.

M. Philip Vrouvakis. Au départ, les établissements privés associatifs croyaient que, au fur et à mesure de la montée en puissance de la T2A dans le budget, leur activité se développerait et que leur effort serait reconnu.

Nous souffrons nous aussi du manque de lisibilité. Établir des budgets sur la base des tarifs de l’année antérieure ne facilite pas la gestion. Et c’est très démobilisant pour les médecins.

En outre, certaines erreurs majeures ne devraient plus être commises aujourd'hui. La V11 fait apparaître une difficulté en ce qui concerne les durées de séjour inférieures à la borne basse, laquelle est corrélée à la lourdeur de la pathologie. Sur ce point, le passage de la V10 à la V11 a coûté à l’hôpital de Bagatelle la somme de 800 000 euros. L’étude de l’agence régionale de l’hospitalisation montre que nous sommes l’un des établissements les plus touchés en Aquitaine. Cela tient peut-être à un case mix spécifique.

La T2A est destinée également à induire des pratiques. À cet égard, il faut maintenant convaincre les chirurgiens d’allonger les séjours d’une journée après tout le discours qui leur a été tenu depuis dix ans sur l’intérêt qu’il y avait à les raccourcir !

Avec l’agence régionale et l’assurance maladie, nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi nous étions si touchés. Il semble qu’il y ait deux causes. La première est que nous faisons appel à des médecins libéraux qui, sans jugement de valeur de ma part, sont ipso facto incités à vider plus rapidement les lits. La seconde serait que les durées de séjour type dans la nouvelle version du programme de médicalisation des systèmes d’information résultent de moyennes qui intègrent les services d’urgence. Or un patient admis aux urgences est souvent opéré le lendemain car les vraies urgences sont rares. Le périmètre rallongerait de façon un peu artificielle la durée de séjour, les établissements qui n’ont pas de services d’urgence ayant une durée de séjour plus courte. C’est une piste que nous allons creuser avec l’Assurance maladie. Toujours est-il que nous faisons passer le message aux chirurgiens de garder leurs patients une nuit de plus.

M. Philippe Roussel. Le succès des réformes, de la T2A et de la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, repose sur une double démarche : une dynamique collective forte impulsée par une équipe directeur-médecins et un pilotage au plus près du terrain. À cet égard, l’exemple du bloc opératoire est typique des difficultés que nous avons tous rencontrées au long de notre carrière. Quand on a laissé les acteurs de terrain réfléchir avec l’aide de la Mission nationale d’audit et d’expertise hospitaliers, ils ont trouvé de nouveaux outils qu’on utilise désormais couramment, comme le TROS, c'est-à-dire le temps réel d’occupation des salles, qui est un indicateur terriblement efficace. J’espère que demain ce sera le directoire qui donnera l’impulsion et qu’un organe, du type de l’assemblée des responsables de pôle que nous avons créée, pilotera la démarche sur le terrain.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions pour la qualité des informations que vous nous avez données. Vous pouvez, si vous le souhaitez, les compléter par écrit et nous faire des propositions, y compris d’ordre réglementaire, voire législatif.

La séance est levée à douze heures quarante.