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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 8 juillet 2010

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, ouverte à la presse, sur la lutte contre la fraude sociale

– M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude au ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, accompagné de Mme Armelle Beunardeau et M. Geoffroy Fougeray, chargés de mission

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 8 juillet 2010

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude au ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, accompagné de Mme Armelle Beunardeau et de M. Geoffroy Fougeray, chargés de mission.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui, dans le cadre de nos travaux relatifs à la lutte contre la fraude sociale, M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude au ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, accompagné de Mme Armelle Beunardeau et de M. Geoffroy Fougeray, chargés de mission.

Après nous avoir présenté la délégation nationale à la lutte contre la fraude en précisant sa mission, son organisation, ses moyens et son activité, pourriez-vous, monsieur Benoît Parlos, nous indiquer comment se répartissent les fraudes entre celles aux prélèvements et celles aux prestations sociales ? À cet égard, la définition de la fraude est-elle suffisamment précise ? La délimitation entre fraude, abus, erreur et irrégularité est, en effet, parfois difficile à établir.

M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude. La délégation nationale à la lutte contre la fraude, dont l’action se situe depuis sa création en avril 2008 dans le périmètre des finances publiques, est parvenue avec l’ensemble des personnes et des organismes confrontés à la question de la définition de la fraude elle-même – car la frontière entre la fraude, l’abus, la faute, l’erreur et l’omission n’est en effet pas facile à établir – à dégager trois grandes caractéristiques : c’est un acte intentionnel, commis au détriment des finances publiques et entraînant un préjudice. C’est d’ailleurs une même définition que la circulaire interministérielle du ministre de la justice et du ministre du budget du 6 mai 2009 a reprise : est considérée comme fraude « toute irrégularité, acte ou abstention ayant pour effet de causer un préjudice aux finances publiques, commis de manière intentionnelle ».

La délégation nationale à la lutte contre la fraude a pour objet de coordonner toutes les actions anti-fraude. Elle n’est pas une administration supplémentaire. Elle ne se substitue pas au travail effectué par les organismes anti-fraude dont certains, comme l’administration fiscale, ont jusqu’à quatre-vingt-trois années de contrôle derrière eux. Mais ce travail présentant la particularité d’être à la fois émietté et très cloisonné, elle a un rôle de coordination et de pilotage : elle incite les agents contrôleurs à se parler et à agir en commun, afin de mieux dépister la fraude.

Nous sommes une toute petite équipe, composée de douze cadres aux profils très variés. Quand on veut faire de la transversalité, il est indispensable d’avoir des personnes capables d’établir des ponts entre différentes structures, par exemple entre la Caisse nationale d’allocations familiales et la direction générale des finances publiques. Notre mission consiste à aider les organismes anti-fraude à identifier des chantiers sur lesquels ils peuvent conduire des actions communes.

Notre équipe comprend des informaticiens, un magistrat, deux agents des impôts, un agent de la direction générale du travail – le travail dissimulé, ou illégal, est, en effet, une source importante de fraude –, un auditeur, une juriste, Mme Armelle Beunardeau, et un commissaire divisionnaire de la police nationale, M. Geoffroy Fougeray, qui m’ont accompagné aujourd’hui.

Comme nous n’avons aucun rapport hiérarchique avec les administrations, cet ensemble très complémentaire de compétences est à même d’animer et de piloter leurs efforts et de faciliter leurs actions afin de faire avancer les dossiers de manière consensuelle.

La délégation nationale à la lutte contre la fraude a de nombreuses missions dont je n’énumérerai que les principales.

Nous sommes chargés d’évaluer quantitativement et qualitativement la réalité de la fraude. Comme il s’agit d’une économie souterraine, nous nous heurtons à des difficultés importantes pour la chiffrer mais nous progressons. Par ailleurs, nous essayons d’améliorer en permanence un outil, que nous avons mis au point, de typologie des fraudes consistant à partir de cas concrets afin de suggérer des aménagements juridiques et organisationnels destinés à améliorer le système et, le cas échéant, à « boucher les trous dans la raquette ».

La formation des agents est une autre de nos priorités. Dans une démarche transverse comme la nôtre, le croisement des savoir-faire des différents spécialistes du contrôle est très important. Nous avons, d’entrée de jeu, lancé un ambitieux programme de formation inter-administrations, venant s’ajouter à celle dispensée dans chaque maison, portant notamment sur la fraude à l’identité et la fraude à la résidence, connues jusque-là uniquement de certains services, comme la police aux frontières.

Dans le cadre de notre rôle de coordination entre les services de l’État et entre les organismes de protection sociale, nous sommes chargés de stimuler les échanges d’informations. Cela passe par l’orientation et l’accompagnement des démarches de rapprochement de fichiers à l’intérieur d’un même organisme ou entre plusieurs structures. Un bon exemple est la suppression des déclarations de ressources pour les allocations familiales : non seulement cela a simplifié les démarches pour les assurés, mais encore cela a permis, grâce aux recoupements avec les fichiers de la direction générale des finances publiques, de mettre en évidence des fraudes aux allocations familiales.

Cela passe aussi par la transmission des informations – de ce que nous appelons, dans notre jargon, des signalements. L’exemple type est les procès-verbaux de travail illégal : ils doivent impérativement être transmis à l’URSSAF, remplis en bonne et due forme, par les forces de contrôle qui ont agi.

Un effort important est réalisé depuis deux ans – Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a dû évoquer ce point devant vous – pour introduire une dimension anti-fraude dans les conventions d’objectifs et de gestion : elles comportent non seulement des orientations sur les moyens à mettre en œuvre par les caisses ou les branches, mais également des indicateurs pour évaluer la lutte contre la fraude dans ces organismes.

Les conventions d’objectifs et de gestion concernent tous les secteurs qui vous intéressent : branche Famille, branche Vieillesse, branche Maladie et Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Trois conventions, qui venaient à échéance, ont été réactualisées et nous sommes en discussion avec la direction de la sécurité sociale et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés pour la révision de la convention d’objectifs et de gestion de cette caisse.

Nous exerçons une veille juridique permanente. Nous suivons au plus près la mise en place et le développement des dispositions législatives réglementant la lutte contre la fraude. Cela nous oblige à des remises à jour constantes parce que la fraude évolue, ce qui nous conduit, chaque année, à demander l’adoption d’une ou deux dispositions lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances rectificative.

Les comités locaux, qui ne s’appellent plus comités locaux de lutte contre la fraude (CLU) mais comités départementaux opérationnels anti-fraude (CODAF), et qui ont été pérennisés par un décret du mois de mars dernier, sont un élément clé du dispositif. Le réseau se met en place : soixante-deux comités sont déjà constitués ou en voie de l’être, trente-quatre sont en cours de lancement. Sous la double présidence du préfet et du procureur de la République, ils sont composés de représentants de différents services de l’État et organismes de protection sociale – dont Pôle emploi – et de membres des forces de police, de gendarmerie et de l’administration fiscale.

Leur rôle est très important. Constitués en réseau, ils sont chargés de détecter les problèmes, d’échanger sur les faits de fraude qui se présentent et de créer des groupes opérationnels pour les traiter. En d’autres termes, leur mission est de s’attaquer à la fraude directement à la racine.

Les résultats dont nous disposons sont ceux de la phase expérimentale. Le reporting sera mieux assuré à l’avenir. On a chiffré le montant du préjudice redressé ou évité grâce aux comités locaux à 150 millions d’euros à peu près sur l’ensemble de l’année 2009.

Se pose, à cet égard, la question du secret professionnel. Il faut s’assurer qu’il soit levé entre les personnes entre lesquelles il doit l’être, mais ni plus ni moins. Un article a été intégré à ce sujet dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPSI 2, à la fin de l’année dernière. Nous attendons que la procédure législative suive son cours. Une stabilisation en la matière est essentielle, de façon à fluidifier les échanges d’informations.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le bilan des comités locaux de septembre 2009 que vous nous avez remis, vous identifiez trois freins à leur action : le secret professionnel ; l’appropriation culturelle de la lutte contre la fraude par certains organismes prestataires ; l’arsenal pénal et son application, un seuil minimal de 11 000 euros étant, par exemple, fixé pour les dépôts de plainte. Pouvez-vous nous donner des informations complémentaires sur ces trois sujets ?

M. Benoît Parlos. Faute de levée du secret professionnel entre les membres d’un comité local, l’information ne peut pas circuler. L’exemple le plus topique est celui des services de la préfecture.

M. Geoffroy Fougeray, chargé de mission. Alors que le comité est coprésidé par le préfet et que les services de la préfecture peuvent répondre à une demande d’une caisse d’allocations familiales, par exemple, ces services ne sont pas habilités à communiquer de leur propre chef les informations qu’ils peuvent avoir aux membres du comité.

La première chose que nous demandent les agents qui se réunissent au sein d’un comité local est de leur permettre de travailler ensemble.

M. Benoît Parlos. L’article du projet de loi dont je parlais a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Nous attendons que la procédure parlementaire se poursuive.

L’ « appropriation culturelle » est difficile à mesurer, mais les mentalités ont évolué : la lutte contre la fraude est maintenant affichée comme une priorité et est devenue une préoccupation quotidienne, notamment des agents de guichet. Tous les organismes se sont dotés d’une organisation en ce sens. Une prise de conscience a eu lieu également sur le plan de l’équité et de la justice sociale.

Toutefois, la politique pénale doit être rationalisée. On a recensé 24 incriminations différentes, ce qui ne permet pas une bonne appréhension par le système judiciaire des différentes fraudes. Il faudrait peut-être les ramener à huit ou dix. C’est un de nos axes de travail important.

Comme vous l’avez souligné, il y a obligation de porter plainte lorsque le préjudice dépasse 11 000 euros. La fixation d’un plancher a certainement été conçue au départ comme une incitation à porter plainte. Bien que cela ait tendance à multiplier le nombre d’affaires, je reste, pour ma part, prudent : je ne souhaite pas l’abandon de ce plancher car il crée une obligation qui peut être dissuasive.

Par ailleurs, comme il n’existait pas d’instruction au parquet en matière de fraude sociale, contrairement à ce qui existe en matière d’impôt et de douane, une circulaire de mai 2009 est venue combler ce vide. Nous allons en tirer un premier bilan dans les prochaines semaines.

M. le coprésident Jean Mallot. Une circulaire ne fait pas le droit !

M. Benoît Parlos. Elle n’introduit ni ne modifie aucun texte. Émanant à la fois du garde des sceaux et du ministre du budget, elle donne simplement instruction aux procureurs de procéder à un certain nombre d’opérations en leur rappelant les incriminations possibles et prévoit des réunions locales d’information à destination des procureurs, afin de renforcer l’implication des uns et des autres.

Les comités locaux transmettent régulièrement à la délégation nationale à la lutte contre la fraude un bilan de leurs actions. En échange, nous avons décidé, malgré notre petite taille, de nous comporter un peu comme un SVP 11-11 pour répondre à toutes leurs questions portant sur leur organisation et leur fonctionnement. Nous avons commencé à le faire à Paris et nous envoyons régulièrement aux secrétaires des comités locaux une lettre d’information.

L’ouverture de bases de données croisées a été un chantier très important de l’année 2009. Par exemple, la banque de données des déclarations préalables à l’embauche (DPAE), tenue par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), a été ouverte aux partenaires. Les problèmes informatiques et juridiques ont été réglés, notamment en lien avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il y a déjà eu cent milles consultations de la base URSSAF par les partenaires.

Quel gain en a-t-on tiré ? Il est un peu trop tôt pour le dire.

M. le coprésident Pierre Morange. À partir de quel moment peut-on espérer avoir une vision un peu plus affinée de la réalité ?

M. Benoît Parlos. Cela dépend de la réalité dont vous parlez : de la fraude détectée ou de la fraude estimée ?

M. le coprésident Pierre Morange. Des deux.

M. Benoît Parlos. Sur la fraude détectée, nous disposons, depuis 2006, de chiffres, chaque année, qui montrent une forte croissance de la fraude. En 2008, elle atteignait à peu près 360 millions d’euros pour les quatre branches.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien a-t-il été récupéré sur ces 360 millions de fraude détectée ?

M. Benoît Parlos. Je ne suis pas capable de répondre à cette question aujourd’hui.

M. le coprésident Pierre Morange. Par quels moyens peut-on connaître le montant des sommes recouvrées ?

M. Benoît Parlos. Le travail est en cours sur ce sujet. Il a été indiqué, la semaine dernière, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qu’un ou plusieurs indicateurs seront mis au point afin de pouvoir faire le partage de façon fiable entre la fraude détectée et la fraude recouvrée.

Cela étant, les sommes recouvrées par les différentes branches sur une année N ne correspondent pas aux fraudes détectées sur cette même année parce que tout se conjugue dans le temps. Par ailleurs le recouvrement des fraudes, qui reste notre objectif permanent, dépend de la détection de celles-ci.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Elle est plus facile.

M. Benoît Parlos. Elle nécessite quand même un combat de tous les jours de la part des agents de contrôle des différents organismes. Tout commence par la détection d’anomalies, qui sont ensuite traitées et contrôlées.

Aujourd’hui, pour avoir une bonne estimation de la fraude, et donc une bonne connaissance du phénomène souterrain qui la suscite, il faut pouvoir l’approcher avec des techniques statistiques solides, mais j’ai dans mon équipe une administratrice civile hors classe de l’INSEE qui travaille étroitement avec les services concernés. Cela a été fait pour la branche Famille. Un mécanisme de même type est en cours de mise en place pour la branche Vieillesse, la branche Maladie et l’ACOSS. La Caisse nationale d’assurance maladie travaille notamment sur les indemnités journalières et devrait se pencher sur la couverture maladie universelle. À partir d’échantillons, dans les règles statistiques, il faut pouvoir tirer des estimations. Cela nécessite la mise au point de protocoles permettant aux agents de contrôle de dire s’il y a eu fraude ou non à partir des anomalies décelées. Il s’agit là d’un changement de culture.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes conscients du temps que tout cela nécessite. Mais à partir de quel trimestre pouvons-nous espérer avoir un rapport d’étape ?

M. Benoît Parlos. J’espère fournir plus qu’un rapport d’étape au premier trimestre 2011.

M. Dominique Tian, rapporteur. La méthode dite INSEE est déjà ancienne puisque le conseil des prélèvements obligatoires la préconisait déjà en 2007.

M. Benoît Parlos. En ce qui concerne les prélèvements !

M. le rapporteur. C’est exact.

La méthode est progressivement appliquée dans les différentes caisses. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a annoncé deux milliards d’économies possibles. L’estimation de la fraude par la Caisse nationale d’allocations familiales est passée de quelques millions d’euros à 675 millions, voire 900 millions. On observe donc des avancées mais la méthode ne semble pas progresser de la même manière partout.

Vous avez indiqué dans le document d’avril 2009 que vous nous avez remis que, si on appliquait la méthode dite britannique, qui estime les fraudes à 1 % des dépenses, on arriverait à un chiffre de 5,5 milliards d’euros. La MECSS aimerait en savoir plus.

M. Benoît Parlos. Il s’agit d’une extrapolation introduite par un conditionnel.

L’expérience de la branche Famille est instructive. Nous essayons d’accélérer sa mise en place dans les autres caisses. Nous sommes présents en permanence sur le sujet. Mais il faut voir qu’elle mobilise des personnes normalement affectées à l’activité de contrôle.

M. le coprésident Pierre Morange. Il ressort d’auditions précédentes que l’harmonisation des systèmes informatiques pèche quelque peu et freine la réalisation des objectifs ambitieux affichés dans les conventions d’objectifs et de gestion. En particulier, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés nous a indiqué que l’urbanisation de son système informatique était reportée à 2013. Ce problème technique constitue-t-il un frein à la mise en œuvre des missions qui vous sont assignées ?

M. Benoît Parlos. L’urbanisation des systèmes informatiques dépasse de beaucoup mon sujet.

M. le coprésident Pierre Morange. Mais elle interfère avec vos missions.

M. Benoît Parlos. Cela peut retarder les actions informatiques de rapprochement de fichiers. Nous devons donc rappeler aux organismes de « prioriser » ces actions. Mais c’est notre lot quotidien, si j’ose dire.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Si j’ai bien compris, certains textes législatifs ne seraient pas appliqués comme ils le devraient. L’une des tâches essentielles de la MECSS va donc être de les répertorier, de comprendre pourquoi certains ne sont pas appliqués et d’étudier les avancées possibles et nécessaires.

Nous devrons également faire attention à distinguer les vrais fraudeurs des faux fraudeurs. Les « indus » dans la branche Famille ne sont pas forcément le fait de fraudeurs.

Par ailleurs les familles sont amenées à déménager et, parfois, à changer de département. La consultation des listes électorales pourrait être un moyen d’éviter des fraudes.

Enfin, vous indiquez, dans votre bilan de septembre 2009, que les interventions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité vous posent parfois des problèmes dans votre travail. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

M. Benoît Parlos. Comme vous en parlera sans doute le directeur général de la Caisse nationale d’allocations familiales si vous l’auditionnez, un répertoire national des bénéficiaires est en voie d’achèvement. Embrassant l’ensemble des allocataires, il constitue un élément de simplification pour l’usager, de fluidité des services rendus à ce dernier et, en même temps, de contrôle. Même si les familles se déplacent, elles sont maintenant répertoriées.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Avez-vous déjà une évaluation des fraudes découvertes ?

M. Geoffroy Fougeray. L’impact financier du répertoire national des bénéficiaires est de 46 millions d’euros.

M. Benoît Parlos. Quand à la consultation des listes électorales, j’avoue que je n’y avais pas pensé. Nous nous focalisions sur les actes d’état civil, notamment sur les extraits de certification de naissance, qui ne sont pas très fiables. Je ne sais pas si certains contrôleurs ont pensé à consulter les listes électorales.

M. Geoffroy Fougeray. Je n’en ai jamais entendu parler, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne le font pas. En tout cas, c’est une piste à explorer.

M. Benoît Parlos. Assurément !

M.  le rapporteur. Votre rapport d’avril 2009 indique que, s’agissant du revenu minimum d’insertion, le croisement des fichiers a permis de détecter plus de 100 000 situations anormales, soit 10 % des dossiers.

M. Benoît Parlos. Anormal ne signifiant pas frauduleux.

M. le rapporteur. Certes, mais on traque non seulement la fraude intentionnelle, mais aussi les dépenses publiques inadaptées.

M. Benoît Parlos. Vaste débat !

M. le rapporteur. La fraude à l’identité est un véritable souci. Dans le cadre de vos prochains travaux, allez-vous y travailler, sachant que les faux permis de conduire – plusieurs centaines de milliers – et les pièces d’identité falsifiées sont de véritables portes d’entrée en France ? Quels moyens efficaces, biométriques ou autres, peuvent faire l’objet de préconisations ? Vous intéressez-vous à la certification des NIR – numéro d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques –, dans la mesure où des pièces d’identité falsifiées suffisent pour obtenir immédiatement un numéro NIR dont découlent tous les droits dans notre système social ?

M. Benoît Parlos. La lutte contre la fraude à l’identité est devenue pour nous une priorité.

C’est un des domaines dans lesquels la formation est très importante, car un agent ne peut identifier un faux passeport s’il n’en a jamais vu.

En outre, il faut absolument que les données entrantes pour la certification des NIR soient bonnes. La Caisse nationale d’assurance vieillesse est l’opérateur de l’ensemble du système, qui comprend entre autres le sous-ensemble des fichiers NIR des personnes nées à l’étranger. Nous devons, en liaison avec le groupement interministériel de lutte contre la fraude à l’identité (GILFI) auquel nous participons, étudier les moyens d’améliorer les données entrantes pour la délivrance des NIR. La Caisse nationale d’assurance vieillesse surveille déjà ce point sensible, mais il mérite une attention particulière pour éviter que des NIR certifiés sur des bases fausses soient obtenus par des gens que l’on ne reverra plus.

Pour autant, le NIR certifié n’est pas en lui-même synonyme d’ouverture automatique de droits, même s’il reste très important.

Mme Armelle Beunardeau, chargée de mission. Les trois processus d’immatriculation, d’affiliation et d’ouverture des droits sont déconnectés de l’acquisition d’une identité sociale traduite par le NIR, dans la mesure où une personne qui remplit les conditions n’a pas besoin d’un NIR pour commencer à percevoir les prestations et que, a contrario, le détenteur d’un NIR n’a pas encore de droits ouverts. Il faut bien distinguer ces différentes étapes qui donnent lieu à des contrôles réitérés et réguliers. Une personne ayant acquis un NIR à la naissance car née en France, par exemple, mais n’ayant jamais résidé sur le territoire français n’aura aucun droit ouvert. Il est possible d’améliorer les contrôles à chacune des étapes.

En outre, plus la qualité du NIR certifié sera bonne, plus le contrôle sera facilité.

M. Geoffroy Fougeray. La demande de prestation et l’immatriculation sont deux phases distinctes, mais une immatriculation ouvre des droits, même si cela n’est pas systématique.

Pour les personnes nées en France, le problème est assez bien réglé : la mairie du lieu de naissance envoie l’extrait d’acte de naissance à l’INSEE. Ainsi, elles bénéficient d’une immatriculation, et donc d’un numéro de sécurité social, un NIR.

En revanche, une difficulté se pose pour les personnes, françaises ou étrangères, nées à l’étranger, car l’INSEE travaille pour la France et non pour les pays étrangers et l’on n’est pas sûr du document fourni par la personne. En l’occurrence, le service national d’identification des assurés (SANDIA) travaille depuis Tours sur l’un des documents les moins sécurisés, l’extrait d’acte de naissance : il peut immatriculer quelqu’un sur la base d’un acte de naissance sans savoir si la traduction effectuée dans un pays tiers est de bonne qualité, si l’extrait de naissance appartient bien à la personne en question ou s’il n’a pas été acheté, volé, voire si la personne n’en a pas plusieurs…

Théoriquement, c’est aux caisses de vérifier, pour l’ouverture des droits, l’identité des personnes, mais la très grande majorité de leurs agents ne sont pas formés, sachant en outre que le décret de 2000 relatif à la simplification des actes administratifs prévoit la fourniture de photocopies, ce qui crée une autre difficulté.

M. le coprésident Pierre Morange. Dois-je comprendre que la traduction des documents n’est pas effectuée par nos représentations à l’étranger ?

M. Geoffroy Fougeray. Pas forcément.

M. Benoît Parlos. Vous pensez à une intervention des consulats ?

M. le coprésident Pierre Morange. Oui, par exemple. Une telle formule, relativement simple à mettre en œuvre, permettrait au minimum d’authentifier les informations portées sur les documents.

M. Benoît Parlos. Je ne sais pas quel rôle peuvent jouer les consulats. Nous étudierons la question avec beaucoup d’attention car ce que nous nous voulons, c’est une amélioration de la qualité des pièces fournies, que ce soit par une certification de traduction ou d’autres moyens sur lesquels nous travaillons avec le GILFI.

M. le coprésident Pierre Morange. Si le rapporteur le suggère, la MECSS aura à cœur de faire un contrôle sur pièces et sur place auprès des services en question. Ce serait particulièrement pertinent.

M. Benoît Parlos. Tout à fait.

M. le rapporteur. Les caisses appliquent-elles la loi et font-elles des vérifications minimales ?

La Caisse nationale d’assurance vieillesse vient d’être victime d’une escroquerie gigantesque sur les carrières longues. La façon dont les dossiers ont été instruits pose problème car ils auraient porté sur des personnes ayant commencé à travailler à l’âge de quatre ans ou qui n’étaient pas nées au moment des faits. La justice a rattrapé les fraudeurs et un certain nombre d’agents sont mis en examen. Cette fraude est consternante car elle coûte beaucoup d’argent. Les messages sont-ils bien passés auprès des organismes ?

La semaine dernière, la Cour des comptes nous a indiqué que l’une des difficultés tient à la transmission entre la Caisse nationale d’assurance maladie et les caisses locales et au fait que les procédures n’étaient pas toujours respectées. L’un des rôles de la délégation nationale à la lutte contre la fraude n’est-il pas de rappeler aux différents organismes qu’une loi doit s’appliquer ?

Enfin, quand le statut de parent isolé est octroyé à une mère de famille qui a eu trois ou quatre enfants de pères différents, ne pourrait-on pas appliquer la loi qui impose d’abord de savoir pourquoi la mère n’a jamais demandé aux pères le versement de l’obligation alimentaire ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Humainement, le problème est complexe.

M. Benoît Parlos. La question de savoir si la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés s’assure que ses instructions sont appliquées par les caisses primaires devrait être posée à son directeur général pour savoir quels mécanismes il utilise. Néanmoins, lorsque nous avons connaissance de situations de fraudes, de cas précis qui risquent d’entraîner de graves préjudices et auxquels les caisses doivent impérativement mettre un terme, j’écris au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie pour l’en informer, s’il ne l’est pas, et lui demander de trouver des solutions. Même si je ne suis pas en permanence en situation de contrôle de gestion, rien de ce qui concerne la fraude ne m’est étranger. Cela nous conduit à mettre les choses en ordre de façon constructive et non stigmatisante pour les organismes concernés : si une consigne a été perdue de vue, elle doit être remise en avant.

S’agissant des carrières longues, je ne dirai pas que rien n’a été fait. D’abord, deux textes, en janvier et août 2008, ont mis fin aux abus et, surtout, un traitement de l’ensemble des dossiers à enjeux, identifiés à la suite d’une mission commune de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, a été entrepris par les organismes concernés. À partir de 12 000 cas à enjeux, des méthodes de contrôle et de sondages perfectionnés ont abouti à un noyau de 1 200 dossiers difficiles qui ont donné lieu à un travail de vérification par les organismes concernés au niveau local. Ce travail important s’est enclenché il y a plusieurs mois et se poursuit par le biais de convocations, de lettres envoyées, de demandes de confirmation de témoignages, etc.

Vous le voyez : un très gros effort est mené pour trouver les personnes qui ont déclaré des trimestres frauduleusement. Vous l’avez dit, à Marseille, il y a eu des poursuites judiciaires.

Mme Armelle Beunardeau. De façon générale, l’aide sociale est subordonnée à l’obligation d’avoir fait jouer tout ce que le code civil prévoit et qui va bien au-delà de l’obligation alimentaire des parents, à savoir la sollicitation en premier lieu des ascendants et des descendants, ce qui est normal puisque notre loi ne doit pas aller à l’encontre des solidarités familiales. L’ensemble des prestations, y compris le revenu de solidarité active très récemment, a bien été subordonné au respect de ces obligations de créance alimentaire.

En revanche, le code de l’action sociale et des familles prévoit également pour le revenu de solidarité active, y compris dans sa dimension supplément au parent isolé, que les allocataires peuvent être dispensés, mais par une démarche explicite, de faire jouer ces obligations alimentaires : ils peuvent être déchargés par le président du conseil général. Ainsi, une exception est prévue, mais elle doit résulter, dans tous les cas, d’une démarche volontaire de l’allocataire.

Ensuite, il revient à chacun d’exercer son rôle : aux caisses d’allocations familiales de vérifier que les démarches ont été faites, au président du conseil général de prendre les responsabilités qui lui incombent s’il souhaite décharger l’allocataire de cette obligation.

Cela dit, la philosophe générale est bien que la solidarité familiale est la première des solidarités.

M. le rapporteur. Je ne pensais pas au revenu de solidarité active, mais aux situations de polygamie.

Mme Armelle Beunardeau. La polygamie n’existant pas en France, c’est la loi générale qui s’applique.

M. le rapporteur. En l’occurrence, elle ne s’applique pas. L’appliquer éviterait des situations scandaleuses et fortement médiatisées. Peut-être est-ce également votre rôle de rappeler la loi aux caisses d’allocations familiales et à d’autres organismes sociaux ?

M. Benoît Parlos. Nous le faisons régulièrement. Tous les deux mois, M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, et ses collaborateurs, les directions générales des branches, l’ensemble des caisses, mon équipe et moi-même nous nous réunissons pour évoquer la fraude sociale. Il y a un suivi et, à l’ordre du jour, viennent des sujets comme celui-là que nous ferons avancer.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il ne faut pas faire d’amalgame : le nombre de femmes seules dont le mari n’a pas plusieurs femmes et qui touchent l’allocation parent isolé est largement supérieur à celui des familles polygames !

Si j’ai bien compris vos explications, les ascendants et les descendants doivent être consultés avant que l’allocation parent isolé soit versée.

Mme Armelle Beunardeau. L’allocation parent isolé a été absorbée par le revenu de solidarité active et, comme pour le revenu minimum d’insertion auparavant, les obligations alimentaires des ascendants et des descendants, prévues par le code civil, doivent s’appliquer avant la demande d’aide sociale.

M. le coprésident Pierre Morange. La Cour des comptes, que nous avons auditionnée la semaine dernière, nous a fait parvenir une note de synthèse dans laquelle sont abordés deux sujets.

Le premier porte sur la notion de fichier de fraudeurs. Il ne serait pas absurde, en effet, que des fraudes considérées comme marginales soient enregistrées, dans la mesure où la récidive est souvent un élément de gravité qui déclenche des sanctions.

Le second sujet est la non-accessibilité des informations, sous le contrôle du ministère de l’intérieur, relatives à des personnes séjournant sur le territoire en situation irrégulière.

Quel est votre sentiment sur ces deux sujets qui rejoignent celui de l’interconnexion des fichiers ?

M. Benoît Parlos. Je suis favorable au fichier de fraudeurs, que je considère comme une avancée, mais à deux conditions. D’abord, ce fichier ne doit pas être un casier judiciaire bis – il faudra y travailler avec la chancellerie. Ensuite, un suivi devra être assuré, de sorte que l’on ne se retrouve pas avec un système vieillissant vite.

En faisant apparaître des fraudes, les interconnexions de fichiers permettent de les faire recouvrer. C’est cela qui nous guide dans le choix des interconnexions de fichiers prioritaires, comme nous l’avons fait à la fin de l’année dernière et le ferons l’année prochaine.

Les organismes payeurs pourraient obtenir des informations grâce à l’application de gestion des données des ressortissants étrangers en France (AGDREF). La connexion des organismes de sécurité sociale à AGDREF 1 est en cours depuis assez longtemps.

M. le rapporteur. Lors d’une réunion qui a eu lieu le 5 mai 2009, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie s’était plaint de l’impossibilité de consulter le dossier de gestion des étrangers dans les préfectures. Il a expliqué que toute reconduite à la frontière n’était pas signalée et que les droits restaient ouverts même quand les personnes n’étaient plus sur le territoire. Il a jugé la situation intenable, d’autant que le dossier n’était pas tenu à jour par les préfectures, et fait une demande pour que les choses évoluent.

M. Benoît Parlos. L’accès au fichier AGDREF par les organismes sociaux vise à résoudre ce problème.

M. le rapporteur. Il n’est pas résolu.

M. Benoît Parlos. C’est en cours.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel en est l’agenda ?

M. Benoît Parlos. Cela nous dépasse, car c’est un chantier de la révision générale des politiques publiques.

M. Geoffroy Fougeray. D’après les réunions auxquelles a participé la délégation nationale à la lutte contre la fraude avec la direction de la sécurité sociale, la connexion à AGDREF 1 serait prévue pour le premier trimestre 2011.

M. Benoît Parlos. Ce point est à vérifier.

Mme Armelle Beunardeau. Aujourd’hui, il n’est pas impossible aux caisses, en cas de doute, de procéder à des vérifications, car la loi prévoit qu’elles peuvent en faire la demande, mais au cas pas cas. La difficulté tient au manque de moyens techniques, c’est-à-dire d’outils informatiques qui permettraient de le faire de façon plus automatique.

M. le rapporteur. Pourtant, une transmission automatique à la Caisse nationale d’assurance maladie et aux différentes caisses ne pose pas de difficulté particulière.

M. Benoît Parlos. Aujourd’hui, les caisses peuvent saisir la préfecture, mais de façon ponctuelle. Il faut donc trouver les moyens techniques de raccorder les systèmes d’information de la Caisse nationale d’assurance maladie ou des caisses primaires d’assurance maladie avec le fichier AGDREF 2 – anciennement GREGOIRE –, ce qui n’est pas encore le cas. Des problèmes informatiques se posent, et les réunions de travail avec la direction de la sécurité sociale, dont une a eu lieu la semaine dernière, font avancer ce projet.

M. le rapporteur. D’après un document récent, à peu près 200 000 fausses cartes Vitale seraient en circulation. Avez-vous le sentiment que la Sécurité sociale pousse à la fabrication des cartes Vitale nouvelle génération ? Sont-elles la solution ? Doivent-elles être biométriques, par exemple, pour permettre une meilleure identification ?

M. Benoît Parlos. Il y a le sujet des cartes perdues ou volées, et celui de la carte Vitale 2, dans lequel je n’entrerai pas puisque l’exécution d’un marché public de mise en place de la carte Sesam-Vitale 2 avec photo est en cours. Des problèmes de gestion, qui ne me regardent pas, se posent, l’enjeu étant de savoir dans quel délai cette carte sera disponible.

M. le coprésident Jean Mallot. Certes, mais vous pouvez nous donner votre avis sur l’efficacité éventuelle de cette future carte. Permettra-t-elle de réduire la fraude ?

M. Benoît Parlos. En attendant Vitale 2, nous devons être le plus efficace possible sur les oppositions sur les cartes perdues ou volées. Un travail existe, que vous connaissez.

S’agissant de Sesam-Vitale 2 versus biométrie, nous n’avons pas d’élément à vous donner. Elle sera un progrès du point de vue de la lutte contre la fraude, et nous l’attendons avec impatience, mais je n’ai pas d’opinion sur l’efficacité d’une telle carte.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans la mesure où nous venons d’aborder la problématique de l’authentification des pièces administratives, il est légitime que la délégation nationale à la lutte contre la fraude formule un avis.

M. Benoît Parlos. Tout à fait, mais il ne serait pas professionnel de vous donner une opinion sur une base non actualisée, car ce dossier avait donné lieu, il y a quelques années, à des rapports qui n’ont pas été réactualisés.

Donner un avis nécessite un travail d’expertise de qualité. La MECSS peut très bien le susciter.

M. le coprésident Jean Mallot. Il ne paraît pas absurde que la délégation nationale à la lutte contre la fraude anime des travaux pour émettre un avis sur l’efficacité potentielle de tel ou tel dispositif.

M. Benoît Parlos. Je suis tout à fait d’accord et suis prêt, à la demande de la MECSS, à reprendre ce sujet, mais dans un cadre bien délimité.

M. le rapporteur. Avez-vous avancé en matière de référenciation, sur lequel le ministre avait beaucoup insisté lors des réunions constitutives de la délégation ?

M. Benoît Parlos. Nous avons beaucoup progressé dans l’étude des bonnes pratiques, mais sans nous lancer dans un exercice de cotation. En effet, sur quelle base étalonner la pratique française par rapport à celle d’un autre pays ? Ce qui nous a paru important, c’est d’avoir un relevé des bonnes pratiques d’un certain nombre de pays de l’OCDE. Nous disposons à cet égard d’éléments intéressants.

M. le coprésident Jean Mallot. Pourrez-vous nous fournir un document qui retrace vos constats ?

M. Benoît Parlos. Oui, car ce point sera probablement évoqué lors du prochain comité national de lutte contre la fraude qui devrait se tenir en septembre 2010, ainsi que cela a été indiqué la semaine dernière dans le cadre du conseil de modernisation des politiques publiques.

M. le coprésident Pierre Morange. Compte tenu de son calendrier particulièrement serré, la MECSS sera très attentive à vos préconisations qui trouveront, dans les grands textes que sont le projet loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des supports pertinents.

M. le coprésident Jean Mallot. Disposez-vous d’outils permettant de mesurer l’évolution de la fraude dans le temps et donc de savoir si les dispositifs mis en place sont efficaces ? La fraude, globalement ou par secteur, diminue-t-elle ou augmente-t-elle dans notre pays ?

M. Benoît Parlos. Vous mettez le doigt sur un point majeur. Lorsque nous disposerons, une fois les travaux statistiques totalement calés, d’un tableau de bord de la fraude, y compris sur son évolution dans le temps, nous saurons – c’est notre ambition – ce qu’il y a lieu de faire.

Nous devons être prudents, car les grandeurs sont très importantes, et elles sont et resteront estimées. Néanmoins, l’idée est d’avoir un élément d’aide au pilotage fondé sur l’évolution de tel ou tel taux de fraude estimé, pour en tirer des conclusions.

M. le coprésident Jean Mallot. Dans quel délai pensez-vous disposer d’outils solides ?

M. Benoît Parlos. Nous enrichissons notre tableau de bord en permanence. Ces indicateurs seront disponibles progressivement, au premier trimestre 2011 pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, par exemple.

M. le coprésident Pierre Morange. Le décret d’application relatif aux dispositions législatives sur l’interconnexion des fichiers a mis en place un dispositif permettant des échanges d’informations afin de contrôler l’ouverture des droits, mais pas les montants. Il est totalement anormal que ces échanges ne concernent pas les montants. C’est une déformation de l’esprit du législateur – dois-je rappeler que mes amendements en décembre 2006 avaient justement trait aux montants ?

Quel est votre sentiment sur le sujet, sachant que je déposerai des amendements au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour avoir une vision des moyens mis à disposition et donc utiliser au mieux les efforts des Français ?

Mme Armelle Beunardeau. Aujourd’hui, le Répertoire national commun de la protection sociale – RNCPS – ne comprend pas les montants des prestations servies. En revanche, il n’exclut pas les rapprochements. En effet, dans la mesure où la caisse d’allocations familiales peut savoir à quelle caisse primaire d’assurance maladie est rattachée une personne, par exemple, l’échange est possible. En identifiant essentiellement les prestations et les organismes qui les servent, le RNCPS permettra, a posteriori, une comparaison pour savoir si les montants servis sont compatibles. Ainsi, il permettra d’identifier éventuellement des prestations qui ne devraient pas être servies simultanément ou, si elles le sont, de vérifier que sont bien servis les montants respectifs.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour que les assurés bénéficient d’une addition de prestations, il est important que les organismes connaissent exactement la réalité de leur situation financière et ne se limite pas à la vérification de la justification de l’ouverture aux droits. Cela est très important, ne serait-ce qu’au titre de l’action sociale menée par les collectivités locales. Il serait inenvisageable que les structures concernées s’opposent à la vérification des montants.

M. le rapporteur. Il faudrait une recommandation très forte de la délégation nationale à la lutte contre la fraude sur ce point.

M. Benoît Parlos. À titre personnel, je ne peux qu’y être favorable. Mais je voudrais être sûr que le frein ne vient pas d’un problème bêtement informatique : il est en effet très fréquent que des croisements de fichiers ne puissent se faire pour des raisons informatiques !

M. le coprésident Pierre Morange. D’après la direction de la sécurité sociale, cet échange d’informations sur les montants ne pose aucun problème sur un plan technique. Dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, il serait légitime que nous portions tous cette recommandation par la voie d’un amendement de bon sens.

M. Benoît Parlos. Nous suivons avec attention le chargement des lots et espérons pour la fin de 2010 le chargement du lot C2 qui permettra de détecter très rapidement les premières anomalies.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci, monsieur le délégué national, de terminer sur cette note d’optimisme ! Et merci également, madame, monsieur, d’avoir répondu de façon aussi précise sur un sujet aussi mouvant. Nous serons très attentifs aux préconisations que vous porterez à notre connaissance.

La séance est levée à dix heures trente-cinq.