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Mission d’information relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Mercredi 7 septembre 2011

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Armand Jung, Président

Table ronde, ouverte à la presse, sur le risque routier professionnel

– M. Thierry Fassenot, ingénieur conseil du CNAMTS et Mme Aude Genot, chargée d'études en prévention 

– M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilités de la FFSA, M. Jean-Claude Robert, président de l'association Prévention et suivi de la sécurité routière en entreprise, et M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires de la FFSA 

– M. Francis Davoust, vice-président du CNPA, et Mme Pauline Johanet, coordinatrice média et lobbying 

– M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, et Mme Patricia Maladry, médecin-chef de l'inspection du travail 

– M. Robert Piccoli, conseiller technique travail auprès du délégué interministériel (DSCR) 

– M. Jacques Deletang, président national de la Fédération nationale des agents commerciaux, et M. Luc-Alain Leplat, président de la délégation Alsace 

– M. Bernard Laumon, directeur de recherche à l’IFSTTAR, et M. Reinhard Gressel, chargé de recherche

Table ronde, ouverte à la presse, sur le risque routier professionnel réunissant :

- M. Thierry Fassenot, ingénieur conseil du CNAMTS et Mme Aude Genot, chargée d'études en prévention ;

- M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilités de la FFSA, M. Jean-Claude Robert, président de l'association Prévention et suivi de la sécurité routière en entreprise, et M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires de la FFSA ;

- M. Francis Davoust, vice-président du CNPA, et Mme Pauline Johanet, coordinatrice média et lobbying ;

- M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, et Mme Patricia Maladry, médecin-chef de l'inspection du travail ;

- M. Robert Piccoli, conseiller technique travail auprès du délégué interministériel (DSCR) ;

- M. Jacques Deletang, président national de la Fédération nationale des agents commerciaux, et M. Luc-Alain Leplat, président de la délégation Alsace ;

- M. Bernard Laumon, directeur de recherche à l’IFSTTAR, et M. Reinhard Gressel, chargé de recherche.

La table ronde débute à dix-sept heures quinze.

Présidence de M. Armand Jung, président.

M. le président Armand Jung. Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus

Je vous remercie par avance de bien vouloir nous remettre des fiches techniques précises de manière que nous puissions les utiliser de la manière la plus opportune.

M. Reinhard Gressel, chargé de recherche à l’Institut des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Stricto sensu, il n’y a quasiment pas de « conducteurs professionnels » sur la route au sens que prennent ces mots dans l’aviation civile ou les chemins de fer. En effet, les conducteurs routiers ne se limitent pas à la conduite : les conducteurs de poids lourds, par exemple, doivent tenir compte des problèmes liés aux chargements et aux déchargements, à l’attente devant les quais ou les entrepôts, toutes opérations qui prennent beaucoup de temps sans être réellement encadrées par la réglementation, laquelle concerne donc principalement la durée de conduite et non la durée de travail. Or, c’est cette dernière, considérable pour cette catégorie de professionnels, qui explique principalement les accidents. Plus précisément si, sur le plan européen, la durée de conduite est limitée à 45 heures – ce qui est déjà beaucoup –, toutes les enquêtes montrent qu’il faut y ajouter 30 % d’heures de travail effectives. C’est pourquoi le sociologue Patrick Hamelin, hélas récemment décédé, a proposé de réglementer la conduite de manière à éviter les durées de travail excessives qui, au-delà de onze heures cumulées, multiplient considérablement les risques, surtout lorsque les variations horaires ont été importantes dans la semaine ou les jours précédents.

M. Bernard Laumon, directeur de recherche à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Le rapport qui a été demandé à l’IFSTTAR et que vous ne tarderez pas à recevoir, monsieur le président, comportera précisément un certain nombre de considérations techniques.

Le risque routier se situe à l’intersection de deux mondes qui ne se parlent pas toujours beaucoup – ceux de la route et du travail – alors même que les accidents de la route constituent la première cause de mortalité au travail. À cela s’ajoute que ce risque est extrêmement divers et ne concerne pas les seuls routiers conducteurs de poids lourds : les types de véhicules concernés sont nombreux, de même que leurs usages. Il convient donc de considérer à la fois le risque routier professionnel et celui qui est lié au travail, le monde du travail et celui de la sécurité routière ayant intérêt à échanger davantage – par exemple dans le cadre du groupe d’échanges et de recherches Patrick-Hamelin créé par l’IFSTTAR.

M. Robert Piccoli, conseiller technique travail auprès du délégué interministériel à la sécurité et à la circulation routières (DSCR). Il convient en effet de tenir compte des statistiques concernant le monde du travail en la matière : 10 % de l’accidentalité routière, 5 millions de journées de travail perdues, 398 décès. Il s’agit donc d’une priorité comme l’atteste le « plan santé au travail 2010-2014 », qui sera décliné dans des plans régionaux.

De plus, les questions liées au risque routier sont transversales, qu’il s’agisse par exemple de l’aptitude à la conduite ou des addictions, et chacun ici peut sans doute apporter des réponses sous l’angle spécifique du monde du travail, celles relevant de la réglementation du travail et, en particulier, des horaires concernant la direction générale des transports dont vous avez d’ailleurs entendu des représentants.

Nous nous efforçons quant à nous de tenir compte de deux sujets différents : l’évaluation du risque professionnel par les entreprises ; la responsabilité du conducteur au titre du code de la route. Nous avons également créé en 2001 un comité de pilotage sur les risques routiers professionnels, lequel a pris un certain nombre d’initiatives importantes en matière de recherche ou de véhicules. Enfin, nous veillons à rendre visibles ces actions en signant avec les professionnels des grandes entreprises et les fédérations patronales un certain nombre de chartes déclinant des points concrets pour démystifier un peu le problème de l’évaluation des risques.

M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail (DGT). Le risque routier constitue en effet l’un des principaux risques professionnels comme en témoignent le nombre de décès et celui des journées de travail perdues. Ainsi que l’atteste notamment le plan « santé au travail » auquel il vient d’être fait allusion, il s’agit là d’une préoccupation prioritaire pour le ministère du travail et la direction générale du travail.

Le principal enjeu consiste à ce que les entreprises considèrent le risque routier à l’instar des risques cancérigènes ou des troubles musculo-squelettiques de manière à ce qu’il soit intégré dans le document unique d’évaluation des risques pesant sur les salariés qu’elles sont obligées de produire, lequel comprend un diagnostic et des actions de prévention. Avec les partenaires sociaux, l’entreprise doit donc évaluer la nécessité et l’organisation des déplacements, veiller au contrôle technique et à l’entretien des véhicules, mais également se soucier de l’utilisation du téléphone pendant les déplacements.

Enfin, le ministère du travail a réalisé des études sur l’utilisation des véhicules utilitaires légers, qui soulèvent un certain nombre de problèmes pour la sécurité des salariés ainsi que pour l’ensemble des usagers de la route, tandis que, du 1er avril au 30 juin 2011, l’inspection du travail a, quant à elle, mené 2 700 contrôles témoignant de ce que le chemin à parcourir est encore long, puisque seule une entreprise sur deux a intégré le risque routier au sein du document unique d’évaluation, et qu’une minorité d’entreprises seulement a engagé des démarches de prévention. Il importe donc de renouveler une telle opération, tant pour les entreprises que pour les partenaires sociaux.

M. Thierry Fassenot, ingénieur conseil du CNAMTS. Le législateur nous a confié la mission de réduire la sinistralité selon les principes d’une responsabilité sans faute et d’une réparation forfaitaire.

Comme cela a été dit, le risque routier constitue la première cause de mortalité parmi les cotisants au régime général de la sécurité sociale. Celui-ci comprend les déplacements en mission, qui sont définis par le chef d’entreprise dans le cadre du travail – 25 % du taux de mortalité – et les trajets domicile-travail effectués par les salariés – 75 % de ce même taux.

Cela fait environ une dizaine d’années que les partenaires sociaux s’impliquent dans le domaine de la prévention, dans le cadre de la politique générale de prévention définie par le Gouvernement. À ce propos, il importe de faire comprendre combien le déplacement constitue un acte de travail dont l’entreprise détermine les conditions – certes, de façon explicite lorsqu’il s’agit d’un déplacement en mission, mais également lors des trajets entre le domicile et le travail puisque c’est d’elle que dépendent les horaires d’activité, de même que les services proposés ou non pour le déjeuner. Cela est, de surcroît, d’autant plus délicat à intégrer que le risque routier se situe dans le domaine public.

Il convient aussi de prendre en considération que, outre les professionnels de la route décrits par M. Gressel, nombre de salariés se déplacent quotidiennement pour procéder à des dépannages ou commercer. Ils sont alors confrontés à une double injonction puisqu’ils doivent obtenir des résultats liés à leurs activités tout en tenant compte des paramètres routiers. Or, ils sont contraints, à un moment ou à un autre, d’opérer un choix entre les règles de l’entreprise et le code de la route, le déplacement professionnel étant en l’occurrence le plus souvent considéré comme une variable d’ajustement. Le professionnel devra au surplus téléphoner à son client, son fournisseur ou son entreprise, ce qui ne manquera pas d’influer sur les risques.

En 2003 et 2004, les partenaires sociaux ont conclu deux accords sur la définition de bonnes pratiques, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la CNAM. Les deux textes se réfèrent à la logique du principe de prévention, défini dans le code du travail, tout en engageant l’entreprise à prévenir les risques routiers à travers quatre axes : meilleure définition du déplacement en mission, choix du véhicule, maîtrise de la gestion des communications pendant le déplacement et, enfin, présence au sein de l’entreprise de toutes les compétences, depuis le conducteur et le chef de parc jusqu’au manager définissant la mission. Nous veillons, avec l’ensemble des caisses régionales, à ce que de telles actions soient engagées afin que la prévention du risque routier soit efficace.

Depuis 2002, outre que nous avons bénéficié d’une décision présidentielle concernant la sécurité routière qui a beaucoup impliqué les services de l’État et l’ensemble du monde social, les entreprises ont intégré de nombreux aspects du problème au point que la sinistralité, dans le domaine qui vous préoccupe, évolue d’une façon plus favorable que la sécurité routière dans son ensemble. S’il reste encore beaucoup de travail à accomplir, les entreprises qui ont fait des efforts s’y retrouvent et comprennent que ces enjeux humains, sociaux et juridiques sont aussi économiques.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Connaît-on le nombre de personnes qui se déplacent quotidiennement pour des raisons professionnelles en incluant, ou non, les trajets domicile-travail ?

M. Thierry Fassenot. Nous ne disposons pas de chiffre global mais, dans le cadre de la préparation du document général d’orientation, la caisse régionale d’assurance maladie d’Alsace-Moselle avait naguère analysé l’ensemble des accidents corporels sur plusieurs années et avait mis en évidence qu’entre 40 % et 44 % d’entre eux impliquaient une personne en déplacement pour une mission ou en trajet domicile-travail. L’enjeu est donc d’importance, tant pour les entreprises que pour l’ensemble de la société.

M. Reinhard Gressel. Selon l’enquête transports, un quart de la population active est amené à se déplacer hebdomadairement pour des raisons professionnelles.

M. Francis Davoust, vice-président du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA). Pendant plus de huit ans, le CNPA a contrôlé gratuitement un million de véhicules et, pour toutes les raisons qui viennent d’être exposées, il vient de mettre en place une opération spécifique de sensibilisation des chefs d’entreprise à la mise à disposition et à l’utilisation de véhicules en bon état de fonctionnement. Celle-ci permet de les responsabiliser et de les inciter à incorporer le risque routier dans le document unique. Nous avons ainsi mis à leur disposition plus de 5 000 professionnels de l’automobile sur l’ensemble du territoire, lesquels peuvent accueillir les véhicules des entreprises, mais aussi ceux des salariés afin de procéder à un contrôle gratuit des éléments qui nous semblent les plus importants : les pneumatiques – dont 70 % sont mal gonflés et 30 % en mauvais état –, l’éclairage – défaillants sur 30 % des véhicules –, sans parler des nombreux défauts présents en particulier sur les véhicules utilitaires légers. À ce jour, plus de 750 entreprises se sont inscrites afin de bénéficier de ces conseils, depuis la TPE artisanale jusqu’à la SNCF, dont le parc est constitué de 20 000 véhicules. De plus, nous avons créé un site internet spécifique afin que les professionnels de l’automobile, désireux de participer à cette opération, puissent s’y inscrire, les entreprises les trouvant, par ce biais, au plus près de chez elles.

Nous avons également une obligation de résultats et de conseils. Lors du contrôle, nous demandons au conducteur quels sont les usages de son véhicule, s’il effectue de nombreuses manœuvres ou s’il transporte des charges, de façon à proposer une modernisation des équipements améliorant la sécurité : limiteur ou régulateur de vitesse, caméra de recul, kit mains libres, aménagements intérieurs, éthylotest antidémarrage… L’ensemble des contrôles est consigné sur une fiche et nous remettons au conducteur un carnet de suivi du véhicule.

Qui mieux que les professionnels de l’automobile peuvent apporter leur concours à la détermination des causes et à la prévention des risques routiers ?

M. le président Armand Jung. Mesdames, messieurs, je vous prie de bien vouloir m’excuser mais, requis par d’autres obligations, je suis contraint de vous quitter. Je cède la présidence de la table ronde à M. le rapporteur, non sans vous avoir remerciés de votre présence.

(M. Philippe Houillon, rapporteur, remplace M. Armand Jung à la présidence de la table ronde.)

Mme Pauline Johanet coordinatrice média et lobbying au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). J’ajoute que l’opération dont vient de parler M. Davoust a été développée à partir d’une charte que nous avons signée avec l’Association pour le développement de la sécurité routière (ADSR) et la CNAM.

M. le rapporteur, président. Tel est l’objet du dossier que vous m’avez remis.

Mme Pauline Johanet. En effet. Celui-ci concerne précisément l’opération « Prévenir le risque routier en entreprise » lancée voilà un an.

M. le rapporteur, président. Les contrôles sont-ils gratuits ?

Mme Pauline Johanet. Oui, pour l’ensemble des entreprises françaises, quel que soit leur secteur.

M. le rapporteur, président. Le succès est-il au rendez-vous ?

Mme Pauline Johanet. Ce sont 5 000 professionnels de l’automobile qui se sont investis…

M. Francis Davoust. …750 entreprises étant donc inscrites dans ce dispositif, les clients habituels des garages pouvant quant à eux profiter de ce contrôle gratuit. En l’état, nous ne pouvons pas savoir précisément combien de véhicules auront été contrôlés mais nous ferons bientôt le point, de même d’ailleurs que sur les résultats des contrôles effectués.

Mme Pauline Johanet. En outre, nous devons pouvoir prévenir les entreprises de cette opportunité mais c’est précisément là que le bât blesse. Aux pouvoirs publics, maintenant, de nous aider à développer cette initiative en la faisant connaître !

M. le rapporteur, président. Je ne suis pas certain que cela soit aussi simple, le CNPA étant un syndicat professionnel dont les adhérents ne seront peut-être pas tous volontaires pour y participer.

Mme Pauline Johanet. Nous pouvons nous contenter du maillage territorial des chefs d’entreprise qui ont décidé de s’investir.

M. le rapporteur, président. Certes.

M. Francis Davoust. Je précise que cette opération a été lancée en partenariat avec la CNAMTS, qui s’efforce de favoriser le renouvellement des véhicules utilitaires légers et qui assure le suivi des aides ponctuelles correspondantes – aides qui sont mises à la disposition de l’ensemble des entreprises –, de même qu’avec les caisses régionales d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), qui peuvent financer tout ou partie des équipements de modernisation, ces équipements que j’ai évoqués tout à l’heure.

M. Jacques Deletang, président national de la Fédération nationale des agents commerciaux. Notre association représente 35 000 agents commerciaux, travailleurs indépendants qui parcourent plus de 50 000 kilomètres par an, dont plus de 50 % sur des autoroutes.

Limiter le risque routier, c’est tout d’abord bénéficier de bonnes infrastructures : plus les autoroutes sont nombreuses et moins l’on compte de virages dangereux, mieux c’est. La qualité des voitures constitue également un élément important, de même que les différentes mesures qui sont prises en termes de limitations de vitesse ou de taux autorisé d’alcoolémie.

On sait que de 70 % à 80 % des agents commerciaux circulent à titre professionnel sans être des professionnels de la route, leurs véhicules étant des outils de travail. Compte tenu de leur expérience, ils ont d’ailleurs proportionnellement moins d’accidents que le voyageur du dimanche ou le conducteur qui effectue des trajets quotidiens de son domicile à son travail.

S’agissant des infrastructures routières, il convient de distinguer plusieurs niveaux : les autoroutes – où l’on dénombre moins d’accidents que sur les routes départementales alors que la vitesse autorisée y est évidement supérieure –, les routes départementales – y compris les portions se trouvant à la sortie des autoroutes où il faut veiller à décélérer – et, enfin, la circulation urbaine. Selon moi, la pénalité doit être proportionnée au risque, étant entendu que la dangerosité est plus grande sur les routes départementales et en ville. Les sanctions, de plus, devraient être appliquées en faisant preuve d’une tolérance « professionnelle » à l’endroit des conducteurs accoutumés et, principalement, lorsqu’ils circulent sur les autoroutes. En ce qui me concerne, depuis dix ans, j’ai commis plusieurs infractions sanctionnées par la perte d’un point et une seule m’a coûté deux points.

M. le rapporteur, président. Seriez-vous favorable à un relèvement de la vitesse autorisée sur les autoroutes ?

M. Jacques Deletang. Je considère qu’il faudrait faire preuve de plus de tolérance dans la sanction et ne pas systématiquement enlever un point lorsque l’on roule à 140 km/h sur autoroute.

M. le rapporteur, président. Vous visez donc les petits excès de vitesse sur ces voies-là.

M. Jacques Deletang. En effet, l’autorité publique devant en revanche se montrer beaucoup plus sévère en ville en n’acceptant aucun dépassement de la vitesse autorisée ou en le limitant à 5 km/h.

Les bonnes pratiques dont il a été question me semblent justes mais sans doute serait-il utile d’accroître la sensibilisation des conducteurs par ce que j’appellerais une « signalisation préventive » plus pédagogique, dont je laisserai M. Leplat donner quelques exemples.

M. le rapporteur, président. Ce sont en effet les propositions concrètes qui nous intéressent le plus, comme vous l’avez fait s’agissant de la tolérance aux infractions.

M. Luc-Alain Leplat, président de la délégation Alsace de la Fédération nationale des agents commerciaux. À l’instar d’autres professions utilisant la route comme outil de travail, nous sommes souvent pénalisés par les petits délits, dont l’accumulation empêche certains collègues d’utiliser leur véhicule.

M. le rapporteur, président. Je relativise votre propos en précisant que, parmi les personnes qui n’ont plus de permis, seules 0,70 % le doivent à des retraits successifs d’un point.

M. Jacques Myard. Ce qui représente tout de même 300 000 personnes !

M. le rapporteur, président. Vous proposez, monsieur Leplat, une amende pour un excès de 10 km/h et au-delà une amende et un retrait de points ?

M. Luc-Alain Leplat. Sur autoroute, une amende pourrait s’appliquer pour un excès de 20 km/h, à laquelle on ajouterait un retrait de points pour une infraction qui irait au-delà. En ville, la tolérance ne devrait pas dépasser 5 km/h.

M. le rapporteur, président. En tout cas, il faut que la réglementation soit simple et lisible.

M. Luc-Alain Leplat. Parce que nous soutenons toutes les mesures pédagogiques qui sont ou pourraient être prises, nous considérons que le retrait de la signalisation des radars fixes est un peu dommageable, ces derniers étant aussi pédagogiques que les radars annonçant la vitesse à laquelle un automobiliste circule : dans les deux cas, les radars rappellent en effet combien il importe de surveiller cette dernière, en particulier pour les usagers occasionnels de tel ou tel axe.

De surcroît, nous souhaitons que le nombre de radars augmente, non pas tant sur les autoroutes, où le risque d’accidents est plus faible, mais sur le réseau secondaire ou en ville, à condition toutefois que le réseau de fibre optique nécessaire à leur usage soit bien évidemment installé. À cet égard, les pouvoirs publics doivent faire un effort.

M. le rapporteur, président. Vos collègues empruntent surtout les autoroutes, si je ne m’abuse.

M. Luc-Alain Leplat. En effet, mais s’il m’est arrivé de faire 100 000 kilomètres par an principalement sur autoroutes, j’ai été aussi nécessairement un usager des réseaux secondaires et urbains, ma vigilance ayant été en l’occurrence identique.

Si nous sommes favorables aux installations de radars sur les feux tricolores, nous souhaiterions que ces derniers deviennent également pédagogiques afin qu’à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays un compteur indique le temps restant avant le passage au feu orange ou bien, comme en Allemagne ou en Autriche, que le feu vert commence à clignoter avant un tel passage. Cela serait d’autant plus nécessaire que le franchissement d’un feu à l’orange est susceptible d’être sanctionné.

Plus globalement, nous souhaiterions que la signalisation routière soit encore meilleure, par exemple par la mise en place de panneaux lumineux rappelant, en particulier de nuit ou au crépuscule, la limitation précise de la vitesse.

Afin d’éviter des ralentissements brutaux et, donc, des accidents, nous souhaiterions également que les camions ne soient pas autorisés à doubler sur certaines zones du réseau à quatre voies, comme c’est le cas en Alsace, quitte à ce que des zones de dépassements soient aménagées par ailleurs.

M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilités de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). La FFSA est évidemment concernée par la sécurité routière au plus haut niveau.

Les assureurs se sont engagés auprès de l’État à consacrer chaque année 0,5 % des cotisations obligatoires pour les retraites complémentaires en actions de sensibilisation et de diminution du risque routier. Nous travaillons à cette fin avec notre propre association Assureurs Prévention ainsi qu’avec des associations partenaires, notamment l’association Prévention routière et l’association Prévention et suivi de la sécurité routière en entreprise (PSRE), dont le président, M. Jean-Claude Robert, est ici présent.

Nous pensons, comme nos amis de la Prévention routière, que, si la France a fait des progrès exceptionnels en matière de sécurité, c’est avant tout parce que les pouvoirs publics font reposer leur politique sur une logique de sanctions. Du reste, l’abandon, parfois justifié sur le plan technique, de telle ou telle mesure ou de telle ou telle sanction jugée excessive, est le plus souvent interprété par les conducteurs comme un relâchement des pouvoirs publics en matière de sécurité routière, ce qui se traduit immédiatement par une augmentation de la vitesse. Il faut en prendre conscience : les comportements de fond n’ont pas changé et c’est toujours la sanction qui donne des résultats.

Les actions menées par les assureurs visent quatre cibles prioritaires : les jeunes, dont l’accidentologie, matérielle et corporelle, reste six fois supérieure à celle des conducteurs plus expérimentés ; les deux-roues, dont le taux d’accidentologie n’a pas connu ces dernières années une baisse équivalente à celle des quatre roues ; l’alcool, qui est devenu aujourd'hui la première cause d’accidents ; le risque professionnel.

S’agissant de cette dernière cible, nous avons créé, il y a douze ans, l’association PSRE. Il est en effet primordial que les chefs d’entreprise prennent conscience des responsabilités qui sont les leurs, notamment ceux des TPE et PME, le risque routier étant relativement bien intégré par les très grandes entreprises. Il est très difficile d’aller toucher chaque petite entreprise. Je laisse, sur le sujet, la parole à M. Jean-Claude Robert.

M. Jean-Claude Robert, président de l’association Prévention et suivi de la sécurité routière en entreprise (PSRE). Ces dix dernières années, assurément, le risque « mission » a mieux évolué que le risque civil qui concerne l’ensemble des Français. Mais nous ne saurions affirmer que cette amélioration se poursuivra durablement car les statistiques sont biaisées. Comme le révèle en effet le rapport que nous adressons aux professionnels de la route, si nous confrontons cette amélioration à l’état des parcs automobiles, à la consommation de carburant et aux heures passées à la conduite, nous sommes actuellement en sous-activité. Une reprise de l’activité ne confirmerait donc peut-être pas l’amélioration, surtout si elle impliquait la réembauche de nombreux intérimaires, qui sont les plus vulnérables au risque routier – n’est-ce pas, messieurs les représentants du ministère du travail ?

M. le rapporteur, président. Confirmez-vous, monsieur Combrexelle, la donnée relative aux intérimaires, que nous ignorions jusqu’à présent ?

M. Jean-Denis Combrexelle. Oui et non.

Il faut prendre en considération non seulement les mesures de sécurité routière, mais également l’organisation du travail. Que le conducteur soit intérimaire ou pas, si son employeur exige de lui qu’il se rende en une heure à un rendez-vous situé à 100 kilomètres sans pouvoir emprunter d’autoroute, il prendra nécessairement des risques. Quelle que soit la qualité du réseau routier ou celle du véhicule, si l’organisation du travail n’est pas pensée en fonction de la prévention, le salarié finira immanquablement par violer les règles de sécurité.

M. Jean-Claude Robert. Sans me focaliser sur les intérimaires, je tenais à insister sur un facteur qui aujourd'hui biaise la lecture des résultats.

Le deuxième facteur concerne les victimes. Se focaliser sur le nombre de tués est assurément médiatique mais peu pédagogique pour l’ensemble de la population, qui ignore que, chaque année, il y a entre 8 500 et 9 000 nouvelles invalidités permanentes, dont 8 000 à la charge du régime général, accompagnées de 6 millions de journées d’arrêt de travail – dont 5 millions à la charge du régime général. On évoque souvent le poids des cotisations sociales sur les entreprises en oubliant que les cotisations d’assurance professionnelle représentent également pour elles une charge. Les barèmes des assureurs professionnels et ceux des assureurs complémentaires ont du reste été révisés en tenant compte du fait qu’aujourd'hui un accidenté de la route qui ne meurt pas coûte plus cher qu’un tué.

Quant au risque trajet, il continue d’augmenter chaque année, le nombre de tués entre le domicile et le travail étant devenu trois fois supérieur au nombre de morts en mission, ce qui annule, malheureusement, les effets de l’amélioration du risque « mission ».

Par ailleurs, non seulement le risque routier est considéré aujourd'hui par les services financiers des entreprises comme une variable d’ajustement, mais nous assistons également à une dérive qui aboutit à faire du salarié, lorsqu’il roule, un « homme à tout faire » : il appartient donc aux pouvoirs publics de prendre clairement position sur le sujet. Je fais allusion à l’utilisation du téléphone portable au volant, notamment à l’envoi de SMS. Un sondage révèle que 31 % des moins de vingt-cinq ans et jusqu’à 41 % de cette catégorie – alors qu’ils sont « apprentis conducteurs » – envoient des SMS depuis leurs voitures. Le phénomène est du reste international puisque les États-Unis et le Royaume-Uni réfléchissent à des mesures législatives en la matière. Il faut agir sur ce que la DSCR appelle les « distractions technologiques ».

Les conditions de travail poussent de plus en plus le salarié à tout faire ou presque à partir de son véhicule : le préposé à la réparation des ascenseurs ou le mainteneur informatique commenceront, tout en conduisant, à réaliser leur diagnostic au téléphone pour vérifier s’ils ont à l’arrière de leur véhicule les pièces nécessaires à leur intervention. Le salarié sur la route devient factotum, ce qui présente un risque considérable.

S’agissant de l’effectif, je serai moins optimiste que M. Reinhard Gressel. Si l’on ajoute les poids lourds et les véhicules utilitaires légers, dont on sait qu’ils sont utilisés par une personne et demie ou deux personnes (ce qui fait quelque 7 millions d’utilisateurs), aux véhicules légers gérés par les grands noms du leasing, nous atteignons plus de 10 millions, voire 12 millions de conducteurs, à temps complet ou partiel – parcourant entre 5 000 et 10 000 kilomètres. Les organismes publics doivent aider les associations, qui n’en ont pas toujours les moyens, à dresser des bilans.

Toutefois, pour mieux connaître le risque routier, il faudrait commencer par l’accepter. Trop longtemps il a été l’objet d’un déni. Il existe encore des chefs d’entreprise pour distinguer le risque professionnel du risque routier alors que le risque routier est un risque professionnel. Aujourd’hui, 35 % des entreprises décrivent le risque routier en rapportant le nombre de conducteurs au nombre de kilomètres parcourus. Cette démarche est insuffisante : il faut prendre également en considération et les conditions dans lesquelles ces kilomètres sont parcourus et les heures auxquelles ils le sont, afin de mettre en place les principes de prévention qu’a évoqués M. Thierry Fassenot.

Il s’agit aussi de rapporter le risque routier à tout un ensemble de facteurs insuffisamment pris en considération, comme le risque lié à l’alcool ou aux stupéfiants. Le ministère du travail a consacré deux excellents forums à la question, au CHU d’Angers et à la Maison de la promotion sociale d’Artigues-près-Bordeaux, qui ont mis notamment en valeur le contexte professionnel dans lequel se développe aujourd'hui la consommation de stupéfiants. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard car les consommateurs occasionnels sont aujourd’hui 5 millions.

Quant à la question des horaires atypiques, elle doit d’autant plus être prise en compte qu’elle concerne 37 % des salariés.

Il faut, en matière de risque routier, de l’accompagnement et de l’investissement, sur le modèle des efforts que les entreprises, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, ont réalisés, en matière de prévention des accidents du travail, sur les chantiers, au moyen des échafaudages, des harnais ou des casques. Les entreprises doivent recouvrer les moyens d’avoir des spécialistes en préventologie, lesquels, au début de la crise, ont été chargés d’autres missions alors jugées plus urgentes. Les entreprises qui réalisent des progrès en matière de sécurité routière sont celles qui organisent des quarts d’heure « sécurité » hebdomadaires ou qui renouvellent leurs plans de prévention.

M. le rapporteur, président. Il s’agit d’une politique globale de sécurité sur le plan de l’entreprise, notamment en matière d’exigences raisonnables, comme l’a rappelé M. Combrexelle.

M. Jean-Claude Robert. Les exigences abusives sont le fait d’entreprises dont la direction ne s’est pas engagée en matière de sécurité routière, dans lesquelles les cadres ne se sentent pas concernés par la question et les salariés n’osent pas dire non de peur d’être mal vus. Actuellement, à Tours, nous menons une campagne de formation, pour toute la région Centre, d’une journée par an auprès de 700 personnes de l’industrie gazière. Malheureusement, comme cette formation entre dans le plan de formation du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), elle n’est pas fiscalement déductible.

Il faut également accélérer la mise en place des législations européennes, s’agissant notamment de la création dans les pays de l’Union n’en disposant pas encore du permis C1 pour conduire des poids lourds légers, ce qui permettrait de soulager le recours aux véhicules utilitaires légers. Des professionnels, notamment les paysagistes, nous le demandent parce qu’ils ne peuvent travailler qu’en recourant à un véhicule dont la charge est supérieure à 3,5 tonnes.

La conjoncture est favorable car, après la CNAM et la Mutualité sociale agricole, les collectivités territoriales mettent en place leur dispositif dans le cadre du Fonds national de prévention. Le public est réceptif, l’État agit. Nous aidons à titre expérimental un département de la région Rhône-Alpes à monter son premier plan de prévention au risque routier avec la direction départementale du territoire. Les chartes professionnelles permettent de toucher les cibles que M. Stéphane Pénet a évoquées. Toutefois, ces mesures ont à la fois besoin d’être mieux connues et mieux accompagnées pour développer leurs effets vertueux.

C’est ainsi que, s’agissant des accidents liés à l’alcool, les statistiques en milieu professionnel sont de 2,5 à 4 fois inférieures à la moyenne nationale. Il est important de réaliser un effort sur le risque routier professionnel car il aura des effets bénéfiques sur la sphère publique, notamment au travers du risque-trajet (20 millions de salariés empruntent leur véhicule pour se rendre à leur travail). Un tel effort sera plus efficace qu’une campagne publicitaire à la télévision, coûtant entre 30 et 40 millions d’euros, pour convaincre globalement, et de façon non ciblée, en gros 40 millions de personnes (tous ceux qui utilisent une automobile). Grâce à l’effet d’entraînement, il serait plus efficace de prendre appui sur les milieux professionnels, qui ont déjà réalisé des progrès et qui pourraient en réaliser davantage encore si on leur en donnait les moyens.

M. le rapporteur, président. Certaines catégories professionnelles ont des horaires supérieurs au temps de conduite. Conviendrait-il, s’agissant notamment des chauffeurs de poids lourds, d’envisager une modification de la réglementation ?

Si la réponse était positive, il conviendrait évidemment de prendre en considération le risque que de telles mesures feraient courir aux entreprises de transports, qui connaissent déjà des problèmes de concurrence internationale.

M. Jean-Denis Combrexelle. Le temps de travail des chauffeurs routiers est soumis à deux catégories de réglementation. Pour le droit commun, les chauffeurs sont soumis à la loi du 20 août 2008, qui laisse une très large part à la négociation collective. En revanche, la réglementation propre aux transports pose le problème de l’intégration de la livraison dans le temps de travail. Cette question est très sensible sur le plan communautaire et il sera très difficile, à l’heure actuelle, d’aboutir à un consensus sur le sujet.

Du reste, il n’est pas nécessaire de modifier les textes communautaires régissant, sur le plan technique, le temps de travail des chauffeurs routiers, d’autant qu’une telle modification demanderait beaucoup de temps, comme je viens de le dire. Rien n’interdit dès à présent à une entreprise de faire une démarche de prévention épargnant à ses conducteurs des journées de quinze ou seize heures. Mais cela pose évidemment de gros problèmes de concurrence avec les transporteurs des autres pays, et certains, dans dette situation de concurrence, ont parfois des comportements complètement erratiques, ainsi que l’inspection du travail peut en témoigner. Ces transporteurs posent un grave problème de sécurité à la fois à l’encontre de leurs propres chauffeurs et des autres usagers de la route.

M. Robert Piccoli. Je ne serai pas aussi négatif que M. Robert : que 50 % des entreprises aient mis en place un document unique de prévention et d’évaluation des risques professionnels représente déjà un progrès.

Nous partageons tous le constat que ce sont les TPE et PME qui posent le plus de problèmes en termes de sécurité, qu’il s’agisse du transport scolaire ou du transport routier. La raison tient, non pas à la qualité des chefs d’entreprise, mais à la taille même des sociétés qui rend nécessaire la mutualisation des efforts. Des opérations visibles doivent être menées au niveau de leur direction, comme les chartes professionnelles que M. Davoust a évoquées. Ces chartes, loin d’ignorer les textes en vigueur ou les recommandations de la Caisse nationale d’assurance maladie, permettent de faire remonter les pratiques et d’identifier les risques. Il faut progresser en termes de respect de la réglementation – d’où l’importance de la première campagne de l’inspection du travail sur le risque routier professionnel –, tout en ciblant les PME, comme le font nos partenaires du plan « santé au travail », grâce à une problématique spécifique qui identifie tous les risques, notamment les risques liés aux véhicules utilitaires légers, et qui mette en place des plans d’action cohérents.

M. le rapporteur, président. Il importera, dans l’idéal, que ces plans intègrent la question du trajet, ce qui ne sera pas aisé pour les TPE.

M. Robert Piccoli. Nous pouvons mener des actions très concrètes. Les plans déplacements entreprise (PDE) ne visent pas que les grandes entreprises. Rien n’interdit de raisonner en termes de PDIE (plans déplacements inter-entreprises) au sein d’une zone d’activités, en vue de mutualiser les efforts. De telles actions, les CARSAT ou la PSRE les mènent tous les jours. Les petites entreprises, avec l’aide des élus locaux, peuvent recourir au co-voiturage ou utiliser les transports en commun. De telles actions, je le répète, peuvent être menées par zones d’emplois.

M. le rapporteur, président. Elles supposent toutefois un gros travail de pédagogie et de prise en charge économique.

M. Robert Piccoli. Nous sommes face à un problème d’évaluation et de prise en compte global des risques, c’est indéniable. Le risque routier professionnel ne peut pas être traité à travers un seul aspect, comme l’amélioration du réseau routier, ou en donnant à chaque catégorie professionnelle un droit spécifique de conduire à telle ou telle vitesse.

M. le rapporteur, président. D’aucuns préconisent un permis particulier, plus « tolérant » – le mot a été utilisé – pour les professionnels, partant du raisonnement simple selon lequel plus on conduit, plus on est statistiquement exposé aux sanctions.

M. Robert Piccoli. Le permis est aujourd'hui, pour toutes les catégories de conducteurs, un permis personnel.

M. le rapporteur, président. Le nombre de points pourrait également être différencié en fonction de la catégorie, professionnelle ou non, du conducteur.

M. Robert Piccoli. Je n’y crois pas : si l’on accordait des points supplémentaires aux professionnels, on se retrouverait bientôt devant la même situation. En effet, une plus grande latitude donnée par les pouvoirs publics aux professionnels de la route augmenterait la pression des entreprises sur leurs salariés. Ce serait une fausse bonne solution, si même elle était possible sur le plan juridique.

M. le rapporteur, président. Le permis blanc ne soulevait pas de problème d’ordre juridique. C’est une question d’opportunité.

M. Robert Piccoli. En cas de permis différencié, comment résoudre les problèmes liés à l’alcool au volant ? Supprimera-t-on le permis personnel d’un conducteur contrôlé en état d’ébriété tout en lui laissant son permis professionnel ? Les professionnels doivent donner l’exemple !

M. le rapporteur, président. L’éthylotest antidémarrage pour les professionnels apporte une réponse.

M. Francis Davoust. Notre organisation professionnelle a la chance d’avoir une branche auto-école et une association de formation des conducteurs. Les enquêtes qu’elles réalisent révèlent qu’il est dangereux de pouvoir conduire sans permis spécial des utilitaires légers de 6 tonnes pouvant rouler à 150 km/h. Il y en a plus de 5 millions et ils sont du reste impliqués dans un grand nombre d’accidents. C’est pourquoi il conviendrait d’en modifier l’équipement et de former, notamment, leurs jeunes conducteurs sans expérience.

M. Jean-Claude Robert. Ne conviendrait-il pas d’étendre à la conduite en situation professionnelle le taux d’alcoolémie à 0,2 % existant pour les chauffeurs de transport en commun ? Cette mesure a fait l’objet d’un long débat au sein du Comité national des transports, mais beaucoup d’entreprises ont généralisé la mesure à leurs personnels qui ne transportent pas de voyageurs mais font du démarchage. Plus le risque est important, plus les exigences de maîtrise de la conduite professionnelle doivent être élevées. Une telle généralisation permettrait de clarifier la responsabilité des employeurs qui doivent gérer des situations cauchemardesques liées à des dépassements de taux d’alcoolémie au volant par des salariés qui ont absorbé de l’alcool à la cantine ou lors de repas d’affaires.

S’agissant plus spécifiquement des transporteurs de marchandises, le premier facteur de risque professionnel est l’usure au travail. Sur les quarante chauffeurs routiers morts en 2009, vingt sont décédés à l’arrêt de crises cardiaques – ils partagent à cet égard le triste fardeau des agriculteurs professionnels. Le deuxième facteur est le stress, qui pousse des quadragénaires à consommer des stupéfiants et des EPO. Quant au troisième, ce sont les intrusions technologiques dans la cabine, sources de distraction.

M. Jacques Deletang. S’agissant des agents commerciaux, qui sont à 80 % des indépendants, en matière de petites infractions, de tolérance professionnelle et de prévention…

M. le rapporteur, président. Nous avons bien compris quels étaient vos souhaits à leur égard.

M. Jacques Deletang. Il ne s’agit pas de souhaits mais de la nécessité de conserver, dans le circuit économique, une population importante.

M. le rapporteur, président. Mesdames, messieurs, nous vous remercions.

La table ronde s’achève à dix-huit heures quarante.

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