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Commission des affaires sociales

Mercredi 6 octobre 2010

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 02

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour 2009 et sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

– Présences en réunion 2

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 6 octobre 2010

La séance est ouverte à dix heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour 2009 et sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous accueillons aujourd’hui M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, pour évoquer deux rapports rendus publics par la Cour : le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, publié en juin, et le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, publié le mois dernier. Ces deux documents font habituellement l’objet d’auditions distinctes mais cela n’a pas été possible cette année, en raison de l’examen, en commission puis en séance publique, du projet de loi sur les retraites.

Dans toute l’Europe, c’est en France que l’État providence est le plus développé. Mais les résultats sont-ils à la mesure des dépenses ? Notre commission doit contribuer à répondre à cette question, en s’appuyant sur l’expertise de la Cour des comptes.

Dans son denier ouvrage, M. Jacques Delors explique que l’essentiel de l’effort de productivité du pays, au cours des quinze dernières années, a été absorbé par la croissance des dépenses sociales – et aussi de celles des collectivités locales. Cela nous oblige à mener une réflexion globale, en tenant compte de ce que font nos voisins européens dans le contexte de la mondialisation. Durant toute l’année 2011, nous serons donc conduits à travailler avec la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. C’est un plaisir de vous présenter les travaux de la Cour des comptes relatifs à la sécurité sociale pour 2010 : le rapport sur la certification des comptes du régime général, qui vous a été remis en juin dernier, comme le prévoit la loi organique du 2 août 2005 ; le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS), qui, comme chaque année, vous a été remis début septembre. J’ai à mes côtés Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, les deux rapporteurs généraux de ces rapports, MM. Laurent Rabaté et Guy Piolé, ainsi que le rapporteur général adjoint, M. Simon Fetet.

La Cour a certifié, avec des réserves, les comptes de la branche maladie et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ceux de l’activité de recouvrement, ainsi que ceux de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Pour la première fois, elle a également accepté de certifier, avec des réserves, les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF).

Elle a en revanche refusé, comme l’année précédente, de certifier les comptes de la branche retraite et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Elle a, en effet, estimé que les efforts de la branche, réels, n’avaient pas encore permis de maîtriser suffisamment les risques. Des anomalies dans les données, salaires et périodes assimilées risquent en particulier de provoquer des erreurs lors de la liquidation des pensions. Par ailleurs, les assurances manquent sur la manière dont sont effectuées les révisions des droits et services.

Les réserves formulées par la Cour pour les autres branches montrent que celles-ci ont encore également des progrès à réaliser, notamment pour mieux assurer le paiement à bon droit, sans indus, des prestations. Mais l’implication très réelle des équipes de direction, dans les caisses nationales comme dans les organismes locaux, a déjà permis de notables progrès, en particulier pour le contrôle interne. La Cour suit chaque année la réalisation des engagements de progrès pris par les caisses nationales.

J’en viens au rapport annuel sur la sécurité sociale, qui porte sur l’ensemble des régimes obligatoires de base, et non plus seulement sur le régime général. Ce rapport comporte trois parties : la situation des comptes, la gestion des régimes et la gestion des risques.

La situation financière de la sécurité sociale doit constituer le fil conducteur de toutes les réflexions sur les réformes à réaliser, afin que soient apportées rapidement des réponses pour réduire les déficits et assurer la soutenabilité de notre système, au profit des générations futures.

Le rapport commence par l’avis de la Cour sur les « tableaux d’équilibre », qui portent décidément de plus en plus mal leur nom. Ils font en effet apparaître, pour 2009, un déficit de 20,3 milliards d’euros pour le régime général, auquel s’ajoutent 1,4 milliard de déficit pour l’ensemble des autres régimes et 3,2 milliards de déficit propre au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit près du quart de ses produits. Au total, le déficit cumulé atteint donc 25 milliards d’euros ; pour mémoire, celui de 2008 s’établissait à 11,9 milliards.

Sans entrer dans les détails des différents régimes, équilibrés le plus souvent par des contributions du régime général ou de l’État, il faut rappeler la persistance du déficit de la branche retraite des exploitants agricoles, à hauteur de 1,2 milliard en 2009.

S’agissant du régime général, il convient évidemment de souligner l’effet de ciseaux entre une progression des charges de 4,3 % en 2009 et, en raison de la crise, une quasi-stabilité des produits, qui s’accroissent de 1,1 %.

Toutes les branches du régime général sont déficitaires, mais les deux plus touchées sont les branches maladie et retraite. Le déficit de la branche maladie est de 10,5 milliards : il a plus que doublé en 2009. Les dépenses continuent de progresser rapidement – plus 3,9 % –, alors que les recettes se contractent, notamment la contribution sociale généralisée (CSG), en baisse de 2,6 %. En 2008, avec la mise en place du prélèvement à la source sur les dividendes, l’équivalent de deux années de CSG avait été enregistré sur ces revenus, ce qui a en 2009 une conséquence défavorable d’un milliard d’euros.

Le déficit de la branche retraite a augmenté de près de 30 %, à 7 milliards d’euros, malgré des recettes en légère progression. En effet, les dépenses continuent de progresser rapidement – plus 4,8 % –, en dépit d’un léger recul par rapport à la progression constatée en 2008, en raison des limitations apportées au dispositif relatif aux carrières longues.

Désormais, les deux autres branches – famille, proche de l’équilibre en 2008, et accidents du travail et maladies professionnelles, en léger excédent en 2008 – sont également en déficit, d’environ 350 millions d’euros pour la première et de 1,8 milliard d’euros pour la seconde, qui connaît une dégradation marquée de son résultat.

La dégradation des comptes de la sécurité sociale se poursuit en 2010 : le rapport présenté le 28 septembre dernier à la commission des comptes de la sécurité sociale estime le déficit prévisionnel à près de 25 milliards pour le régime général et à 4,3 milliards pour le FSV. Au total, le déficit annuel de l’ensemble des régimes obligatoires de base est passé d’environ 10 milliards pour les années 2003-2008 à 25 milliards en 2009 et devrait approcher 30 milliards en 2010 – 29,2 milliards exactement. Comme la Cour l’avait souligné en juin, lors de la présentation du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, le retour de la croissance ne suffira pas à corriger le déséquilibre entre les recettes et des dépenses, toujours en forte progression.

Les modalités de financement de ces déficits pour 2009 ou 2010 sont décrites en détail dans le rapport, d’autant que le contexte devrait être modifié à partir de 2011. Je n’insiste pas car vous avez déjà beaucoup travaillé sur le projet de loi organique destiné à organiser la reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) des déficits accumulés pour ces deux exercices, ainsi que des déficits anticipés pour les années ultérieures.

Pour contribuer à résorber les déficits accumulés, Philippe Séguin, mon prédécesseur, avait indiqué l’an passé qu’il faudrait sans doute relever la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Le Gouvernement préfère affecter d’autres ressources nouvelles : celles liées à la prolongation de la durée de vie de la CADES ; celles issues de l’effort de réduction des niches fiscales, dont le produit est garanti par un mécanisme de comparaison avec la progression de la CRDS ; les ressources et actifs du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Mais, la question principale reste celle du retour à l’équilibre. Transférer ailleurs les déficits et les amortir au moyen de ressources dédiées ne suffit pas à résoudre les problèmes, notamment ceux afférents au déficit structurel. Je rappelle la position constante de la Cour : la sécurité sociale a un impératif d’équilibre. L’objectif prioritaire doit donc être, aussi rapidement que possible, le retour à l’équilibre des comptes, ce qui suppose des efforts considérables.

L’ambition gouvernementale d’un retour à l’équilibre dès 2011 pour les branches maladie, famille et accidents du travail et maladies professionnelles du régime général et 2018 pour les régimes de retraite, implique nécessairement des mesures très fortes pour modérer l’évolution des dépenses. L’ampleur de l’effort à accomplir rendra également indispensable une majoration des recettes, sous une forme ou sous une autre.

Dans son rapport, la Cour suggère des pistes pour un retour progressif à l’équilibre des comptes.

Des économies doivent d’abord être recherchées dans les dépenses de gestion, même si leur montant peut sembler modeste par rapport aux dépenses de prestations.

La qualité des systèmes d’information est essentielle à la performance de ces organismes. La Cour a tout particulièrement examiné le système d’information de la CNAMTS. Il en ressort notamment que l’organisation informatique de la branche maladie n’est pas efficiente, en raison notamment de la grande dispersion des services de maîtrise d’œuvre – 1 750 informaticiens répartis sur plus de cinquante sites – et du maintien coûteux, dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), de 1 600 autres informaticiens, aux tâches redondantes, pour l’essentiel, avec les développements effectués au niveau national.

Deuxième piste explorée cette année par la Cour, l’analyse de l’absentéisme dans les caisses locales du régime général montre que le phénomène est insuffisamment suivi et contrôlé et que les actions pour le réduire sont modestes. Une politique de prévention s’impose, en particulier pour l’absentéisme de longue durée, sensiblement plus élevé que dans des secteurs analogues, avec un poids particulièrement important des pathologies dépressives. Un alignement sur les taux d’absentéisme moyens constatés dans le secteur tertiaire représenterait un gain potentiel de plusieurs centaines d’emplois.

La Cour pointe par ailleurs la croissance particulièrement forte de certaines dépenses de soins de ville. Dans l’insertion relative à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), elle montre que, dans le cadre d’une progression globale de 3 %, certaines dépenses croissent beaucoup plus fortement. C’est le cas des dépenses de soins infirmiers, en hausse de près de 9 % entre 2008 et 2009, ou de transports sanitaires, en hausse de près de 8 %, augmentations qui confirment l’insuffisance des efforts de maîtrise.

Le rapport analyse également cette année, à partir de travaux communs à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, la situation financière de 85 hôpitaux publics. Malgré la réforme comptable et budgétaire intervenue en 2006, avec l’adoption des états prévisionnels de recettes et de dépenses, les travers relevés en 2007 perdurent, quoique dans une moindre mesure. On note encore trop de reports de charges sur les exercices suivants, ou encore des dotations aux provisions pour amortissements parfois utilisées comme variables d’ajustement, en fonction des disponibilités budgétaires. Ces constats comptables conduisent d’ailleurs à retraiter à la hausse d’environ 25 % l’estimation des déficits présentés dans les comptes.

L’importance des déficits affichés par les comptes des hôpitaux depuis au moins trois ans, de l’ordre de 700 millions d’euros, s’explique par les difficultés qu’ils éprouvent à s’adapter à la réforme de leur financement, avec la tarification à l’activité (T2A). Désormais, en effet, l’assurance maladie ne prend plus en charge automatiquement les besoins de financement des hôpitaux. Or, malgré le niveau assez élevé des ONDAM hospitaliers et leurs dépassements récurrents, on constate le maintien à un niveau significatif des déficits dans les comptes hospitaliers, particulièrement ceux des CHU-CHR. Dans un contexte d’investissement élevé, parfois de surinvestissement, il en résulte un endettement croissant, qui sert aussi parfois à rembourser des emprunts précédents et même, dans certains établissements, à faire face à des dépenses courantes.

Autre constat, les résultats globaux cachent des disparités fortes entre des structures excédentaires et des établissements connaissant une situation financière très dégradée. Les outils créés pour redresser ces situations, comme les contrats ou plans de redressement, censés apporter des ressources supplémentaires de l’assurance maladie, demeurent vagues, peu contraignants et, finalement, très souvent inefficaces. Les économies indispensables dans le fonctionnement des hôpitaux exigent des mesures beaucoup plus fermes à tous les niveaux. Les écarts de productivité montrent que des marges de manœuvre importantes existent : certains établissements offrent, par exemple, des conditions de travail particulièrement aménagées, avec des temps de travail réduits au point de nécessiter des recrutements supplémentaires.

En ce qui concerne les recettes, la Cour a procédé à une enquête de suivi des recommandations qu’elle avait formulées en 2007 à propos de ce que l’on n’appelait pas encore à l’époque les « niches sociales ». Elle avait, la première, tenté de lister les exonérations et abattements d’assiette affectant les ressources de la sécurité sociale et d’évaluer la perte qui en résultait. La Cour a recensé 178 dispositifs différents. Depuis lors, plusieurs lois de financement de la sécurité sociale ont comporté des mesures de taxations de certains des revenus exonérés. Il était important, dans le contexte actuel, de faire le point des progrès réalisés ; la conclusion de notre enquête est qu’ils sont insuffisants.

Depuis 2007, de nombreuses mesures de réduction des niches sociales ont certes été votées en loi de financement, souvent à l’initiative de votre commission, comme l’instauration d’un forfait social, fixé à 2 puis 4 %, sur nombre d’assiettes jusque-là exonérées. De même, les stock-options ou certaines indemnités de départ en retraite ont été taxées. Malgré tout, le solde net entre, d’une part, créations ou extensions de nouvelles niches et, d’autre part, réductions ou suppressions de niches existantes, conduit à une perte de ressources accrue d’environ 1 milliard d’euros entre 2007 et 2010. Avec des précautions liées aux difficultés méthodologiques, la comparaison entre 2005 et 2009 des pertes de recettes pour le seul régime général confirme cette légère progression du coût des niches sociales : évaluée en 2005 à 57,6 milliards d’euros, soit environ 22 % des recettes totales, la perte de recettes est estimée pour 2009 à 66,7 milliards d’euros, soit 23 % des recettes de l’année.

Ces chiffres sont supérieurs à ceux figurant dans les précédentes lois de financement, encore partiels – en 2009, il était question de près de 42 milliards d’euros. Mais la raison de la sous-estimation par le Gouvernement nous paraît plus profonde. Ces mesures sont souvent décidées sans véritable étude d’impact et sans que soient définis les indicateurs de résultats, ni même parfois les objectifs précis recherchés. La Cour redemande donc des évaluations approfondies, demande que la démarche d’évaluation engagée depuis fin 2009 soit poursuivie et que les suppressions ou réductions de niches annoncées ou encore à l’étude soient menées à bien.

La compensation par des impôts et taxes affectés ou par le budget de l’État d’une partie importante des pertes de recettes de cotisations constitue un manque à gagner pour les finances publiques dans leur ensemble. La Cour a donc tenu à inclure dans ses calculs les exonérations compensées : les propositions faites par le rapport correspondent ainsi à plus de 15 milliards d’euros d’économies possibles sur les niches sociales. C’est une somme significative, mais qui n’épuise pas le sujet.

La règle, en matière de sécurité sociale, est ou devrait être la généralité du prélèvement sur tous les revenus acquis en contrepartie ou à l’occasion du travail. Priver la sécurité sociale de certaines recettes, au nom de politiques sectorielles qui lui sont étrangères, conduit à fragiliser l’ensemble de l’édifice, tout en créant des iniquités supplémentaires.

La Cour a également examiné les relations financières du régime spécial de sécurité sociale des industries électriques et gazières (IEG) avec le régime général. Ces relations financières sont déséquilibrées au détriment du régime général.

D’abord, les employeurs des IEG, c’est-à-dire principalement EDF, GDF Suez et leurs filiales, versent au régime général des cotisations sociales inférieures à la normale. En application des textes, ces cotisations d’assurance maladie sont assises sur une assiette dérogatoire et un taux trop faible. En l’absence de texte, les employeurs des IEG appliquent cette même assiette dérogatoire aux cotisations famille, de plus affectées par un taux dérogatoire. Ces avantages, injustifiés, représentent pour le régime général une perte annuelle de recettes supérieure à 200 millions d’euros par an. La Cour recommande donc qu’il y soit mis fin à court terme.

Ensuite, l’adossement au régime général du financement des pensions de retraite des IEG occasionne chaque année pour le régime général un surcoût supérieur à 300 millions d’euros et qui pourrait encore augmenter à l’avenir. La loi du 9 août 2004, qui a instauré l’adossement, prévoyait pourtant que celui-ci devait être neutre financièrement pour le régime général. Mais, les transferts financiers destinés à assurer cette neutralité ont été évalués, souvent à dessein, en fonction de définitions et de paramètres défavorables au régime général. La Cour estime que le surcoût subi par le régime général du fait de l’adossement doit être compensé, si nécessaire par l’affectation de ressources supplémentaires des IEG au régime général.

Le rapport annuel contient aussi l’analyse détaillée de différentes politiques sanitaires et sociales, dont l’efficacité ou l’efficience sont examinées. Cette année, les travaux de la Cour montrent qu’il paraît possible, dans nombre de cas, de mieux ajuster les interventions aux objectifs poursuivis, en particulier l’égal accès aux soins et l’égalité de traitement des assurés au regard de la protection sociale.

Un premier exemple est donné avec les dépenses d’imagerie médicale. La Cour démontre que l’accès aux soins reste insuffisant. La densité des équipements est très variable, leur répartition insuffisamment liée aux priorités définies par les plans de santé publique, par exemple pour le cancer ou les accidents vasculaires cérébraux : pour ceux-ci, la possibilité de recourir en urgence à une IRM n’est offerte que dans 2 % des cas, alors que seule une IRM permet d’administrer le traitement en toute sécurité pour le patient.

Ces insuffisances sont aggravées par des taux d’utilisation des équipements très hétérogènes et des coûts élevés pour des examens n’apparaissant pas justifiés. Nous y voyons plusieurs raisons. D’abord, l’absence de révision suffisante des tarifs, fixés à un niveau encore très généreux, occasionne des rentes indues pour les radiologues libéraux en ville et en clinique. Ensuite, l’absence de révision à la baisse des tarifs des examens traditionnels explique sans doute la permanence de nombreux examens inutiles, mais toujours intéressants financièrement pour les praticiens, comme le million de radiographies du crâne encore effectuées chaque année ; ces dépenses devraient être redéployées pour mieux faire profiter nos concitoyens des progrès considérables de l’imagerie médicale.

Deuxième exemple des difficultés d’accès aux soins, les soins dentaires, qui représentent un total d’environ 10 milliards d’euros en 2009. La Cour rappelle qu’ils sont de moins en moins remboursés par l’assurance maladie obligatoire : celle-ci ne prend plus à sa charge que le tiers des dépenses, contre un peu plus de la moitié en 1980. La part des assurances complémentaires s’est accrue – elles remboursent 37 % des dépenses –, les ménages gardant à leur charge plus d’un quart de la dépense, en raison notamment du coût très élevé des prothèses par rapport aux tarifs de remboursement, soit un surcoût, pour eux, de près de 4 milliards d’euros. Le suivi des soins dentaires s’en trouve mal assuré par l’assurance maladie, qui ne s’intéresse guère non plus au contrôle du coût et de la qualité des soins. Les tarifs continuent d’être fondés sur une nomenclature désormais obsolète et le suivi des actes hors nomenclature, notamment des implants – dont le montant, près d’un milliard d’euros, fait l’objet d’estimations très approximatives –, n’est plus assuré, de même que le paiement des cotisations sociales dues par les dentistes sur cette part de leur activité.

En tenant compte de la nécessité de ne pas aggraver les dépenses de l’assurance maladie, la Cour formule des recommandations afin d’éviter que l’accès aux soins dentaires ne devienne un grave problème de santé publique. Des prix plus transparents, en améliorant la concurrence, feraient baisser les tarifs pratiqués – selon une étude ancienne, une prothèse complète coûte en France 2,5 fois plus cher qu’en Allemagne et 3,5 fois plus cher qu’aux Pays-Bas. La Cour souhaite également que les dépassements tarifaires, notamment sur les prothèses, puissent être mieux contenus. À cet effet, il convient de lever les difficultés juridiques soulevées récemment par la Cour de cassation : une modification des dispositions actuelles du code de la mutualité permettrait aux mutuelles de discriminer leur taux de remboursement, selon que les praticiens ont ou n’ont pas accepté des règles conventionnelles.

La Cour s’est attachée à comparer les dispositifs de sécurité sociale s’adressant à des personnes en situation de handicap. Les prestations d’invalidité et de retraite pour inaptitude au travail représentent un ensemble de dépenses de plus de 10 milliards d’euros. Ces réglementations, fort anciennes, ont mal vieilli. Leur comparaison avec les dispositifs prévus en faveur des handicapés, qui ont connu d’importantes réformes incluant un réel effort de revalorisation des prestations, fait apparaître que les invalides ne bénéficient pas des mêmes mesures d’aide et d’accompagnement au retour à l’emploi, ni du même niveau de prestations.

Pour atteindre ce niveau, les invalides doivent demander des prestations différentielles, ce qui les entraîne dans un parcours administratif si incroyablement complexe que leur accès au droit ne peut être garanti. La Cour préconise un rapprochement des politiques en faveur des invalides, des inaptes et des handicapés, consistant notamment à évaluer l’incapacité de travail à partir d’un référentiel commun. Les barèmes actuels, très hétérogènes, posent en effet problème. Pour ne prendre qu’un exemple, comment expliquer que la perte d’un œil entraîne une incapacité de 30 % dans le barème indicatif des accidents de travail, de 42 % dans celui prévu pour l’attribution de l’allocation adultes handicapés (AAH) et de 65 % dans celui régissant l’octroi des pensions militaires d’invalidité ? La Cour recommande de simplifier ces divers dispositifs. Dans le cadre des débats en cours sur les retraites et la prise en compte de la pénibilité du travail, la possibilité de partir en retraite pour inaptitude pourrait être mieux exploitée pour traiter de la pénibilité des carrières antérieures.

La Cour a également poursuivi son analyse de la réforme des retraites, engagée l’an dernier, en traitant cette année des dispositifs de décotes et de surcotes créés ou modifiés par la loi du 21 juillet 2003. L’objectif, qui était de garantir le libre choix des assurés, a été atteint : les taux fixés pour ces dispositifs sont proches de la neutralité actuarielle. Certes, il ne faut pas attendre de ces mesures d’importants reports de l’âge de départ en retraite, car les effets incitatifs demeurent très modestes. Un certain nombre d’effets d’aubaines pesant inutilement sur la situation financière des régimes de retraites auraient toutefois pu être évités.

La Cour montre également que l’unité des règles applicables aux différentes catégories d’assurés n’est encore qu’apparente, en raison notamment de diverses dispositions favorables aux assurés des régimes spéciaux, particulièrement les fonctionnaires, à commencer par une trop lente mise en œuvre de la décote, alors que la surcote a été d’application immédiate.

Au final, cet aspect de la réforme des retraites reflète certaines limites des actions entreprises jusqu’ici : rythme très élevé de modification des textes applicables, suivi trop distant des réformes initiées, caractère parfois incertain de certaines mesures, comme la simultanéité de la libéralisation du cumul emploi-retraite et l’augmentation du taux de surcote, sans que des études indispensables aient été réalisées au préalable.

Fruit d’une sédimentation historique, d’une défense efficace des particularismes catégoriels ou encore victime des cloisonnements administratifs, le système de protection sociale dépense beaucoup d’énergie pour gérer la complexité. Finalement, les assurés sont les victimes des incohérences qui peuvent en résulter, dans la définition comme dans la gestion de leurs droits.

La lutte contre la fraude en matière de prestations fait l’objet d’une insertion, synthèse actualisée du rapport que j’ai remis en avril dernier, à sa demande, à la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Les risques de fraude sont aggravés par la complexité des réglementations, ainsi que par la multiplicité et le cloisonnement des services et institutions. La création en cours du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), que connaît bien M. Morange, me paraît emblématique de cet effort indispensable pour mieux garantir la cohérence des diverses prestations et prévenir les versements indus – qui ne résultent d’ailleurs pas nécessairement d’une intention frauduleuse. S’il serait illusoire de prétendre régler la question des déficits avec cette seule visée, les enjeux potentiels sont significatifs. La CNAF les a évalués, avec une méthodologie sérieuse, à environ 1 % des prestations distribuées, avec évidemment des variations fortes selon les prestations, les estimations dépassant 3 %, par exemple, pour le revenu de solidarité active (RSA). À défaut de données suffisantes pour les autres branches, en l’état et en extrapolant ce chiffre, l’enjeu potentiel atteindrait 3 milliards d’euros, soit 10 % du déficit total prévu en 2010. Cela justifie que les actions de lutte contre les fraudes soient plus énergiques, dans l’ensemble des branches et surtout des organismes de base.

La Cour s’est penchée sur les aides sociales et fiscales aux familles monoparentales. Elle relève tout d’abord la persistance, malgré les aides diverses, d’une concentration élevée de la pauvreté parmi ces familles, lorsque le parent n’a pas d’emploi. Cela semble logique, une part notable de ces mesures prenant la voie d’aides fiscales, concentrées, par construction, sur les seules familles soumises à l’impôt sur le revenu, qui ne sont pas les plus vulnérables. Ainsi, le quart de la dépense fiscale liée à la demi-part supplémentaire accordée aux parents isolés – 415 millions d’euros en 2009 – est distribué aux 10 % de ses bénéficiaires les plus aisés, dont le revenu fiscal annuel de référence approche 50 000 euros. Cette dépense fiscale pourrait être en partie redéployée vers les familles les plus en difficulté, sous forme d’aides au retour à l’emploi ou d’aides destinées à lever les obstacles pratiques comme la garde des enfants, encore insuffisamment développées.

En auditant, dans ce rapport comme dans les précédents, le champ de la protection sanitaire et sociale, la Cour aborde à la fois des sujets d’actualité et d’autres, moins médiatiques ou presque oubliés, comme, cette année, la protection des invalides ou la sécurité sociale à l’international. Les analyses et les recommandations sont destinées à vous aider, ainsi que le Gouvernement, à faire évoluer un système qui, en dépit des nombreux travaux dont il fait l’objet chaque année, garde toujours des parts d’ombre.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous sommes toujours très attentifs aux analyses de la Cour des comptes et nous essayons d’exploiter vos remarques pour améliorer les comptes sociaux et la solidarité.

Depuis trois ans, des dispositions entaillent les niches sociales. La Cour semble recommander l’alignement sur le droit commun. Cette mesure doit-elle s’appliquer à toutes les niches sociales, y compris aux différences de taux de charges sociales et d’assiettes dont bénéficient encore certains secteurs d’activité ? Ne craignez-vous pas qu’une remise à plat générale ait des effets négatifs, par exemple sur l’épargne retraite ou sur la compétitivité de nos entreprises, confrontées à la concurrence mondiale et européenne ? Les Allemands, au cours des dix dernières années, ont justement procédé à un allégement des charges pesant sur les entreprises, avec un résultat visible : leur pays a été frappé plus durement par la crise mais la sortie de crise y est beaucoup plus dynamique qu’en France.

La dette sociale constitue une véritable drogue pour notre système de financement. Pourquoi les branches équilibreraient-elles leurs soldes, alors qu’elles peuvent commodément recycler leurs déficits dans la CADES ? Sera-t-il possible de continuer à amortir cette dette en mobilisant des recettes diverses en lieu et place de la CRDS et de la CSG ? Par ailleurs, l’affectation à la CADES d’une partie des recettes de CSG, qui semble être envisagée, priverait la branche maladie, ou plus vraisemblablement la branche famille, toutes deux en déficit, de recettes pérennes.

Les nouveaux contrats de retour à l’équilibre financier des hôpitaux sont-ils réellement contraignants et permettront-ils d’aboutir à des résultats meilleurs que ceux de la première vague ? La politique immobilière portant sur le patrimoine sanitaire et surtout hospitalier est-elle suffisamment dynamique ? Ce patrimoine est-il suffisamment valorisé ? Comment pourrait-on améliorer la situation en la matière ? Des ressources non négligeables pourraient être mobilisées au profit d’investissements.

Je remercie la Cour d’avoir profité de la disposition législative que nous avions adoptée en 2004, puis reprise en 2005, pour s’intéresser à la gestion hospitalière, avec le concours des chambres régionales.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ces rapports de la Cour sont tout à fait utiles et dressent un constat sans ambiguïté en confirmant les difficultés financières de tous les régimes.

La date du 1er janvier 2013, retenue dans le projet de loi de financement pour 2011 pour la généralisation de la facturation directe dans les hôpitaux, vous paraît-elle réaliste, alors que les systèmes d’information des établissements de santé sont dans un état un peu délicat ?

Où en est le chantier de certification des comptes des établissements de santé ?

En 2009 et 2010, l’ONDAM est respecté, ce qui ne s’était jamais vu depuis 1997. Les leviers de la maîtrise médicalisée ont donc fonctionné. Les propositions de la commission Briet relatives à la construction de l’ONDAM vous semblent-elles apporter une réponse convaincante à vos questions ? Le taux de l’ONDAM, fixé à 2,9 % en 2011 et à 2,8 % en 2012, vous paraît-il réaliste et raisonnable ? Sera-t-il possible de s’y conformer ?

La MECSS, il y a environ quatre ans, avait rendu un rapport relatif à la gestion des caisses d’assurance maladie. Les idées qu’elles contenaient ont avancé un peu trop lentement et ont été appliquées à dose homéopathique. Ne convient-il pas d’aller plus vite et plus loin ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Le projet de loi de financement pour 2011 prévoit le financement d’une partie du minimum contributif par le FSV, ce qui marque une nouvelle étape dans la distinction avec le volet non contributif et le volet contributif de notre système de retraite. Approuvez-vous cette évolution ? Si oui, ne serait-il pas plus simple de faire financer l’intégralité du minimum contributif par le FSV ?

Estimez-vous que d’autres dispositifs, aujourd’hui financés par les régimes de retraite, devraient être du ressort de la solidarité nationale ?

L’accroissement des charges du FSV suppose-t-il une modification du niveau et de la structure de ressources de celui-ci ?

Mme Martine Pinville, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. La branche famille connaît une profonde dégradation de sa situation financière : son déficit est passé de 300 millions d’euros en 2008 à 1,8 milliard en 2009 et 2,7 milliards en 2010. Selon les prévisions, il devrait atteindre 3,3 milliards en 2011. Cette situation est d’autant plus préoccupante que cette branche était la seule qui était structurellement excédentaire. Même dans l’hypothèse optimiste d’un retour à l’équilibre en 2017, sa situation financière resterait négative, en raison de la dette cumulée. Le Haut conseil de la famille préconise l’affectation de tous les excédents futurs au remboursement des déficits cumulés. Qu’en pensez-vous ? Quelles pourraient être les autres sources d’économies pour la branche ?

La Cour, cette année, a évalué l’accompagnement des familles monoparentales, qui concerne 2,7 millions d’enfants.

Quel bilan peut être tiré de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA majoré, ancienne allocation parent isolé (API) ? Avez-vous notamment dressé le bilan de la loi créant le RSA, qui accordait aux allocataires de minima sociaux un accès préférentiel aux établissements de garde d’enfants ?

Que pensez-vous des deux propositions du Haut conseil de la famille, tendant à majorer l’allocation de rentrée scolaire pour les familles monoparentales et à refondre l’allocation de soutien familial (ASF) pour les petites pensions alimentaires, sachant que ce dispositif ne remplit absolument pas ses objectifs ?

Que pensez-vous de la solution apparemment privilégiée par le Gouvernement, qui consisterait à « déshabiller » la branche famille pour financer la CADES ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour le secteur médicosocial. Que pensez-vous de la possibilité de faire certifier les comptes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) par la Cour des comptes, comme le préconisent plusieurs rapports, dont celui que j’ai dernièrement rédigé avec Laurence Dumont ?

Le Gouvernement s’est engagé dans un processus de distinction entre crédits de paiement et autorisations d’engagement dans le secteur médicosocial, ce qui va dans le sens de la transparence. Ne vous semblerait-il pas logique, en tant que père de la loi organique relative aux lois de finances, que le Parlement puisse se prononcer sur les autorisations d’engagement, comme il le fait dans le cadre de la loi de finances ?

La Cour des comptes a travaillé à de nombreuses reprises sur la question de la dépendance et de son financement. Quelles conclusions principales tirez-vous de ces travaux, dans la perspective de la réforme annoncée par le Président de la République ?

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis au nom de la Commission des finances. Il y a tout juste un an, devant nos deux commissions réunies, la Cour des comptes présentait, en vertu de l’article 47-2 de la Constitution, un rapport consacré à la dette et aux déficits sociaux. Ce rapport pointait une sorte de « risque dans le risque », lié au caractère évolutif des besoins de financement de la sécurité sociale.

La Cour, cette année, préconise encore de limiter le recours à l’emprunt par l’ACOSS au seul financement des besoins infra-annuels de trésorerie. Quel jugement porte-t-elle sur le schéma financier retenu pour le transfert de dette à la CADES, qui interviendrait à partir de 2012 ? Ce schéma vous semble-t-il à même de résoudre durablement le problème de gestion de trésorerie de l’ACOSS, en particulier en tenant compte des déficits à venir de la branche maladie ?

Les dispositions prévues dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, en matière de réduction des niches sociales, vous paraissent-elles à l’échelle, de nature à contribuer significativement à la réduction des déficits sociaux ? Faut-il aller plus loin, à moins que nous ne soyons déjà en bout de piste ?

M. le premier président de la Cour des comptes. Monsieur Bur, certaines dépenses fiscales et niches sociales peuvent apparaître utiles et correspondre à des objectifs pertinents. Néanmoins, ces dernières années, elles ont explosé et certaines dépenses budgétaires se sont transformées en dépenses fiscales. Malgré les progrès auxquels vous avez contribué, le solde continue d’être négatif, tant l’imagination, dans ce domaine, est débordante. La Cour ne suggère pas la suppression de toutes les niches mais une approche sélective, au terme d’une meilleure évaluation de leur pertinence et de leur efficacité. Le sujet n’est pas nouveau mais nous sommes obligés de nous répéter, car il est encore insuffisamment traité. Certaines niches peuvent être remises en cause. Tous les revenus liés au travail, par exemple, doivent contribuer au financement de la sécurité sociale ; des taux différents peuvent être appliqués, mais l’exonération est difficilement envisageable car ses conséquences sont lourdes. Aux pages 106 et 107 de notre rapport annuel, nous formulons des propositions, comme l’application d’un taux de 19 % pour l’épargne salariale, prouvant qu’il existe de vraies marges de manœuvre. Cet après-midi, au titre du Conseil des prélèvements obligatoires, nous remettrons un travail qui nous avait été demandé par la Commission des finances à propos de toutes les dépenses fiscales et niches sociales applicables aux entreprises. Les préconisations de la Cour sont une carte à la disposition du Gouvernement et du Parlement. Il ne s’agit pas de toutes les appliquer, car cela aurait des effets importants sur certaines entreprises et certains ménages, mais de sélectionner celles jugées les plus pertinentes.

Si nous proposons souvent la CRDS comme possible source de recettes nouvelles, c’est parce qu’il s’agit du prélèvement qui possède l’assiette la plus large. C’est donc la meilleure formule pour apurer la dette, en appliquant des taux d’autant plus réduits.

Le patrimoine immobilier de certains hôpitaux est considérable, mais la valeur globale du patrimoine de tous les établissements n’est pas connue. Les chambres régionales des comptes examinent périodiquement leur usage dans le cadre du contrôle de la gestion hospitalière. Ce point n’apparaît pas comme une zone de risque particulière, même si des surinvestissements ont pu être constatés ici ou là.

Monsieur Door, la Cour, à ce jour, ne s’est pas saisie de la question très technique de la généralisation de la facturation directe dans les hôpitaux. L’enjeu est important, car il s’agit du partage de l’information entre l’État et l’assurance maladie, et par conséquent de contrôle et de maîtrise du risque hospitalier, les hésitations des pouvoirs publics en témoignent. Alors que les parlementaires ont retenu la facturation individuelle comme un objectif connexe à la T2A, la loi de financement de la sécurité sociale a reporté l’échéance à 2009, puis à 2011 et le projet a pratiquement été stoppé. Après un rapport très critique de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, publié en décembre 2008, la mise en place d’une équipe projet par le ministère de la santé, au printemps 2010, a permis de le relancer, sur des bases moins ambitieuses, mais plus consensuelles. Le calendrier prévoit la fin des expérimentations en décembre 2012, pour une généralisation éventuelle début 2013. La Cour n’est pas encore en mesure d’apprécier la faisabilité de ce calendrier, mais il nous paraît beaucoup moins irréaliste que les échéances fixées précédemment.

C’est vous qui avez souhaité, à travers la loi dite « HPST », que les comptes des établissements de santé soient certifiés. Les conditions dans lesquelles la Cour entend contribuer à cet exercice de certification ont été introduites par un amendement au projet de loi portant réforme des juridictions financières, en attente d’examen à l’Assemblée nationale : la Cour et, par délégation, les chambres régionales des comptes se verraient accorder un droit exclusif à certifier les comptes de six ou sept grands CHR ou CHU, ceux dont les recettes d’exploitation du compte principal excèdent 700 millions d’euros. Elles effectueraient la synthèse des rapports de certification des comptes des autres établissements publics de santé. Sur cette base, la Cour émettrait un avis relatif à la qualité des comptes de l’ensemble des établissements publics de santé soumis à l’obligation de certification, et cet avis serait publié dans son rapport. Tout cela avance, mais nous avons besoin d’un nouvel effort législatif. Si vous pouviez contribuer à faire inscrire ce texte à l’ordre du jour, monsieur le président, nous en serions très heureux, car nous pourrions alors répondre plus efficacement à vos demandes.

M. Laurent Rabaté, rapporteur général du rapport sur la sécurité sociale. Les conclusions du rapport Briet sont évidemment les bienvenues. La Cour, qui a travaillé parallèlement sur la question de l’ONDAM, arrive à des recommandations assez voisines, même si elle insiste davantage sur les aspects comptables, tandis que le rapport Briet était surtout consacré à la procédure. Le taux de l’ONDAM inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques est volontariste, puisqu’il est inférieur au taux de progression du PIB, mais il nous paraît atteignable compte tenu des marges de manœuvre existantes. Certaines enveloppes, notamment celles des soins infirmiers et des transports sanitaires, continuent de progresser à un rythme très rapide, ce qui montre qu’il est possible d’accomplir un effort de maîtrise réel.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Ces dernières années, l’ONDAM a été tenu et les petits dérapages observés n’ont pas nécessité le déclenchement de la procédure d’alerte. Le rapport Briet recommande de ramener progressivement le seuil d’alerte de 0,75 à 0,50 % de l’ONDAM. Les mesures d’économie devant contribuer au respect de l’ONDAM consistent soit en des réductions de tarifs, soit en des mesures de maîtrise médicalisée. On le sait, les premières peuvent être exécutées sans difficulté, tandis que les secondes, qui nécessitent d’agir sur les comportements, sont plus délicates à mettre en œuvre, ce qui explique les dérapages de l’ONDAM. Quoi qu’il en soit, ces dernières années, nous avons réussi à limiter la progression de l’ONDAM autour de 3 %.

M. le premier président de la cour des comptes. La Cour partage les observations de la MECSS sur les nécessaires progrès de gestion à accomplir. Ceux-ci se poursuivent cependant, notamment pour la productivité de la branche maladie. Année après année, nous continuons à les surveiller et à aiguillonner les organismes, en attirant si nécessaire l’attention de la représentation nationale.

Monsieur Jacquat, la nouvelle étape que vous évoquez en matière de distinction entre contributif et non contributif fait référence, plutôt qu’au rapport de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, notamment à son article 56. Il ne m’appartient pas de formuler d’appréciations sur un texte qui sera bientôt discuté par le Parlement.

Le FSV a pour mission de financer la partie des avantages non contributifs ne devrait pas reposer sur la solidarité professionnelle, autrement dit celle qui est liée aux avantages familiaux et au chômage. Cela dit, bien des avantages non contributifs restent financés par la solidarité professionnelle, le plus souvent de manière implicite. Nous l’avons montré dans le passé, en présentant les règles relatives à la durée d’assurance. Pour ne citer qu’elle, la règle dite des « 200 SMIC horaire », qui permet de constituer un trimestre de retraite même avec une faible activité, est favorable au temps partiel. Le minimum contributif est un autre élément fort de cette solidarité implicite. Son coût avait été évalué dans le rapport sur la sécurité sociale de 2008 à 4,7 milliards d’euros pour le régime général et la Mutualité sociale agricole. Sans actualiser ce chiffrage, le projet de loi de financement fixe un montant forfaitaire correspondant aux recettes supplémentaires apportées par le dispositif nouveau. En réalité, plus que de la décision de principe, ce dispositif relève quelque peu du « système D ». La majoration des charges et produits du FSV, pour environ 3,5 milliards d’euros, confirme cette analyse. Il n’est pas remédié au caractère structurel du déficit du FSV, qui atteindra plus de dix milliards d’euros pour les trois prochaines années. Qu’il doive être repris par la CADES n’empêche pas la Cour de s’en préoccuper. Nous devrons aussi vérifier ultérieurement la réalité de l’accroissement des produits.

Madame Pinville, la branche famille a été longtemps équilibrée, voire excédentaire. La dégradation qu’elle connaît ces dernières années n’est pas comparable à celles qu’ont connues les branches maladie et retraite. La Cour évalue le déficit à 1,83 milliard d’euros pour 2009, 2,6 milliards pour 2010 et 3,2 milliards – en tendance – pour 2011. Selon le Haut Conseil de la famille, l’évolution tendancielle de la branche conduirait à un équilibre en 2017, les recettes évoluant plus rapidement que les prestations. Après cette date, l’affectation des excédents aux déficits cumulés antérieurement permettrait d’assurer en 2024 un équilibre global du régime sur la période 2008-2024, l’excédent annuel à partir de 2024 étant de 6,7 milliards d’euros.

Plusieurs pistes théoriques sont envisageables pour assurer un meilleur équilibre de la branche. La non revalorisation des prestations générerait 500 millions d’euros d’économies par an. Eu égard aux difficultés qu’elle poserait en termes de justice sociale, nous ne la recommandons pas.

L’une des causes essentielles de cette dégradation est le nombre croissant des transferts de la CNAF vers le FSV, afin de compenser les avantages de retraite non contributifs accordés aux parents. Nous ne recommandons pas non plus une évolution qui dégraderait encore la situation de la branche vieillesse.

Dans le rapport sur la sécurité sociale de 2007, la Cour avait proposé comme nouvelles recettes possibles l’assujettissement des prestations familiales à l’impôt sur le revenu, assorti d’un transfert des sommes perçues de l’État vers la branche famille. Pour une assiette de 40,7 milliards d’euros, le produit de cette mesure peut être estimé, en première approche, à 2,8 milliards d’euros, soit l’équivalent du déficit actuel de la branche. La fiscalisation de la majoration de pension pour les assurés ayant eu trois enfants ou plus pourrait apporter un gain supplémentaire de 500 millions d’euros. Enfin, la Cour proposait de réexaminer les demies parts fiscales dérogatoires attribuées dans le cadre du mécanisme du quotient familial. Nous considérons que certaines de ces prestations – notamment le complément pour libre choix du mode de garde, inclus dans la prestation d’accueil du jeune enfant – doivent être davantage mises sous condition de ressources. Certaines prestations facultatives d’action sociale pourraient aussi être recentrées sur les aides essentielles. Ces opérations de fiscalisation et de mise sous condition de ressources permettraient de dégager les sommes nécessaires pour mettre fin au déficit de la branche famille.

Lors de la création du RSA, il a été prévu d’adjoindre à son volet financier un accompagnement de ses bénéficiaires. Le dispositif, complexe, repose en premier lieu sur une nouvelle allocation, l’allocation personnalisée de retour à l’emploi. Cette aide est attribuée au cas par cas pour répondre à des besoins précisément identifiés et lever les obstacles à la reprise d’emploi. Elle peut ainsi prendre en charge une partie des coûts qui lui sont associés : mobilité, garde d’enfant, examen du permis de conduire par exemple. En particulier, elle peut être proposée aux membres d’un foyer dont les ressources sont inférieures au montant forfaitaire du RSA et qui perçoivent des revenus d’activité inférieurs à 500 euros par mois ; en contrepartie des prestations reçues, ces personnes sont tenues de rechercher un emploi ou d’entreprendre des démarches et actions favorisant une meilleure insertion professionnelle.

Les conseils généraux devaient conclure une convention d’orientation et d’accompagnement définissant les modalités de prises en charge des bénéficiaires du RSA, ainsi qu’un pacte territorial d’insertion réunissant l’ensemble des acteurs dont la coopération est indispensable pour la mise en œuvre des programmes départementaux d’insertion. En mars 2010 – lors de l’achèvement des investigations de la Cour sur les familles monoparentales –, dans un grand nombre de départements, les conventions d’orientation et d’accompagnement étaient toujours en cours d’élaboration. Autrement dit, leur élaboration est en retard. De ce fait, nous n’avons pas été en mesure d’évaluer les dispositifs d’accompagnement développés dans le cadre du RSA. Nous le regrettons : leur déploiement mériterait d’être étudié avec attention. Nous regrettons aussi que le dispositif prévu par la loi du 23 mars 2006, qui instaure pour les bénéficiaires du RSA une priorité d’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants, même s’il a été repris dans la convention d’objectif et de moyens de la CNAF, n’ait pas fait l’objet d’un suivi. La Cour est prête à y travailler, pour peu qu’elle dispose des éléments nécessaires.

La Cour a également recommandé d’engager une réforme de l’allocation de soutien familial (ASF), afin notamment de mieux définir la notion de « hors d’état » et d’expérimenter une ASF différentielle pour les petites pensions. La majoration du plafond de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) irait selon nous dans le bon sens : elle contribuerait à cibler les aides sur les familles qui en ont le plus besoin, notamment les familles monoparentales. La Cour n’a cependant pas recommandé formellement cette mesure. Nous demandons, en effet, un effort parallèle de mise en ordre des divers dispositifs de majoration des plafonds de ressources déjà prévus pour d’autres prestations. Le nombre de familles monoparentales bénéficiant d’un plafond majoré n’est pas connu. Les majorations varient de 20 à 30 % selon les prestations et les configurations familiales. Cette complexité réclame donc un examen attentif.

Madame Poletti, c’est le directeur de la CNSA qui a exprimé le souhait que les comptes de cette caisse puissent être certifiés par la Cour des comptes. Cette dernière ne devant pas faire concurrence aux commissaires aux comptes privés, une disposition législative serait nécessaire pour cela. Cette nouvelle mission aurait aussi l’inconvénient d’amener la Cour à réexaminer des crédits qui sont en réalité gérés par les Caisses primaires d’assurance maladie. Un recours aux commissaires aux comptes du secteur privé serait donc préférable, quitte à ce que nous exercions ensuite notre contrôle à partir de leurs travaux.

La Cour a publié en novembre 2005 un rapport public thématique sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Le suivi particulier qu’elle y a consacré a ensuite été retracé dans le rapport annuel de février 2009. La réforme annoncée n’étant pas connue dans ses détails, je me bornerai à espérer qu’elle s’inspirera des recommandations que la Cour a faites en 2005 et reprises en 2009.

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Madame Montchamp, la Cour des comptes a toujours considéré que les moyens ouverts à l’ACOSS – billets de trésorerie, recours à la Caisse des dépôts – n’étaient pas suffisants pour porter une dette d’une telle importance. Avoir attendu conduit le Parlement à autoriser des avances non permanentes de 65 milliards d’euros.

Il n’appartient pas à la Cour de procéder d’ores et déjà à la critique du schéma proposé, que le Parlement n’a du reste pas encore adopté. Dans le rapport annuel, elle a déjà admis le report des échéances de la CADES. Les 130 milliards d’euros qui vont lui être transférés rendent, en effet, très difficile le maintien de l’échéance de 2021, puisqu’il nécessiterait une augmentation très importante des prélèvements qui lui sont affectés.

La définition des recettes supplémentaires nécessaires à la CADES nous rendent aussi un peu perplexes, car elles ne sont pas garanties dans le temps. Leur produit, nous le savons, va fondre très rapidement. Une garantie fondée sur un pourcentage du CRDS est néanmoins prévue. Il reste que le projet n’est pas encore voté. Pour nous, la CRDS aurait cependant été le meilleur moyen de financer l’amortissement de la dette sociale.

La position de la Cour sur le transfert des ressources du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) est, elle aussi, constante. Loin de constituer une réaction à un projet de loi que le Parlement n’a pas encore adopté, elle procède d’une analyse ancienne. Selon la Cour, ce rare effort d’épargne de la France devait être sauvegardé dans l’esprit qui avait présidé à sa création. Au contraire, il va être consommé. L’idée est qu’en 2018 les régimes de retraites seront revenus à l’équilibre et que le « débouclage » du FRR, prévu à partir de 2020, ne sera plus nécessaire. Malheureusement, nous ne disposons d’aucune certitude sur la capacité à équilibrer les régimes de retraite en 2018. D’ores et déjà, la CNAV annonce 4 à 5 milliards d’euros de déficit à cette date.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le Premier président, en présentant le rapport de la Cour, vous avez exposé que, compte tenu de l’ampleur du déficit, le retour à la croissance ne suffirait pas à le résorber. Nous devons réfléchir à des mesures structurelles.

Monsieur le président Méhaignerie, nous sommes collectivement prêts à évaluer l’efficacité des dépenses sociales dans notre pays. Aujourd’hui, ne serait-ce qu’au regard de la persistance des inégalités d’accès aux soins, personne ne peut considérer qu’elles sont optimales.

Depuis plusieurs années, la Cour des comptes s’intéresse aux niches sociales, constituées par les exonérations de cotisations pour les rémunérations allant jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Pour s’opposer à leur remise en cause, certains, en s’appuyant sur un rapport de l’Inspection générale des finances, invoquent un risque pour l’emploi. La Cour des comptes a-t-elle réfléchi à des modalités de suppression d’une partie de ces niches qui ne remettraient pas en cause l’emploi ?

Face à l’augmentation des dépenses de médecine de ville, la Cour s’est-elle interrogée sur l’efficacité des instruments conventionnels prévus pour les réguler ? Ceux-ci sont-ils toujours adaptés ? Doivent-ils être optimisés ? Faudrait-il rechercher des outils autres que les conventions actuelles ?

Enfin, au vu de la contestation de la T2A et des difficultés causées par ce mécanisme pour la prise en compte de facteurs externes – la précarité, par exemple – la Cour a-t-elle réfléchi à d’autres dispositifs d’affectation des financements aux hôpitaux ? J’exclus bien sûr le retour à la dotation globale telle qu’elle existait dans le passé.

M. Dominique Dord. L’appréciation que porte la Cour sur l’opportunité du maintien ou non du FRR me paraît injustifiable. Comment, d’un point de vue comptable et financier – il ne s’agit pas là de politique – peut-elle à la fois conclure au nécessaire maintien de ce fonds, au nom d’un effort d’épargne, aussi modeste soit-il, et en même temps dénoncer l’accroissement de déficits considérables d’organismes tels que le FSV, dont j’ai l’honneur de présider le conseil de surveillance ? Le déficit du FSV est comblé par l’emprunt, alors même que, du fait qu’il est placé, le capital du FRR est soumis aux aléas de la vie économique. Je ne comprends absolument pas cette position de la Cour.

En 2011, nous débattrons peut-être d’une grande réforme fiscale. Les débats actuels font d’ores et déjà apparaître parmi les options possibles un financement au moins partiel de notre système social par une augmentation de la TVA – sous le nom de TVA sociale ou encore de TVA antidélocalisation –, en contrepartie d’une baisse des charges sociales pesant sur le travail. La Cour a-t-elle déjà élaboré des rapports sur cette option, qui revient à faire financer notre système social un peu plus par la dépense et un peu moins par le travail ? Envisage-t-elle de le faire ?

Mme Martine Billard. En 2002, de mémoire, les régimes sociaux étaient à l’équilibre. Huit ans après, les voilà tous en déficit.

Monsieur le Premier président, vous nous avez exposé que le coût des niches sociales était systématiquement sous-estimé, qu’il n’était réalisé à leur propos que peu d’études d’impact et que leurs objectifs n’étaient pas toujours expliqués. Je signale à mes collègues qui ne s’en seraient pas rendus compte – la discussion du texte n’ayant pas pu aller à son terme, faute de temps… – que deux nouvelles niches ont été créées, sans estimation ni étude d’impact, au cours de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Elles portent sur l’épargne retraite. La Cour, je suppose, n’a pu évaluer leurs conséquences financières.

Monsieur le Premier président, arrivez-vous à l’estimation de 15 milliards d’euros d’économies possibles en tenant compte de la généralisation des prélèvements à tous les revenus liés au travail que vous avez préconisée ? S’agit-il au contraire d’économies portant sur les exonérations existantes ? Plusieurs options sont-elles envisageables pour généraliser les prélèvements sur les revenus ? Lesquelles ?

Vous nous avez fait part d’une augmentation du coût des soins à domicile et des transports. Or, depuis plusieurs années, c’est une politique de réduction des coûts des transports qui est menée. La Cour a-t-elle réalisé une étude sur les causes de ces augmentations ? Seraient-elles corrélées par exemple au vieillissement de la population, à des pathologies précises ou à une diminution de l’accès aux soins – notamment le week-end et les jours fériés ? Par quels mécanismes des politiques qui étaient censées aboutir à des diminutions de coûts ont-elles pu n’avoir aucun effet ?

M. Jean-Luc Préel. La dégradation des comptes et l’apparition de déficits considérables nous amènent à nous interroger non seulement sur les dépenses, mais aussi sur les recettes. Que l’efficacité économique des niches sociales ne soit pas prouvée est une vraie difficulté.

Quelles pourraient être les conséquences sur l’activité économique de la récupération des 15 milliards d’euros que vous estimez possible ? Quelles seraient notamment celles du cantonnement aux petites et moyennes entreprises des exonérations de cotisations sociales pour des salaires allant jusqu’à 1,6 fois le SMIC ? Quel est l’effet d’aubaine de ces exonérations pour les grandes entreprises ?

Les niches sociales sont en grande partie compensées par l’État. Quel est le montant des exonérations non compensées ? Quel pourrait donc être l’impact sur les recettes sociales de la diminution des niches, qui profiterait avant tout au budget de l’État.

En matière de tableaux d’équilibre, quelles sont les raisons, l’ampleur et les conséquences des retraitements que vous contestez ?

Vos propos sur la protection sociale des IEG ne mettent-ils pas en exergue l’intérêt d’un régime unique et universel de retraite, pour lequel plaide le Nouveau Centre ?

La création l’an dernier des agences régionales de santé avait pour objet de revenir sur le cloisonnement, absurde, entre le soin, la prévention, la médecine de ville, l’hôpital, le sanitaire et le médicosocial. Dans ces conditions, le maintien de sous-objectifs au sein de l’ONDAM a-t-il un sens ? En cohérence avec la création des ARS, ne plaideriez-vous pas pour la mise en place d’objectifs régionaux ?

Enfin, pour ne pas prolonger nos débats, je renonce à vous interroger sur la convergence des tarifications entre les établissements publics et privés.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le Premier président, il faut le constater, les tarifs en matière d’imagerie médicale sont proportionnels aux coûts des appareils. Ne serait-il pas intéressant de dissocier ceux-ci de l’acte intellectuel médical ? Ce dernier n’est pas plus exigeant aujourd’hui qu’il y a trente ans, et n’est en tout cas pas proportionnel au coût d’achat des appareils médicaux.

Grâce à sa politique de participation financière à l’achat d’appareils d’imagerie médicale pour la lutte contre les pathologies cancéreuses, la région Nord-Pas-de-Calais a pu, depuis la dernière place ou presque, rejoindre la région Île-de-France pour sa qualité de maillage de ces équipements, essentiels non seulement pour la lutte contre le cancer, mais plus encore pour la prévention et la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux. Ne faudrait-il donc pas prôner, en matière d’offre de soins, un partenariat fort entre conseils régionaux et agences régionales de santé ?

M. Patrick Roy. Pour moi, les propos du Premier président Migaud – que j’ai entendus avec ravissement – donnent une « claque » définitive aux leçons de bonne gestion que nous délivre un Gouvernement qui accumule les déficits !

Chaque année, les mesures annoncées pour les réduire aboutissent à une réduction de l’offre de soins pour la population.

Je retire d’une expérience personnelle que les coûts de certains soins – tels que les implants dentaires – restant à la charge du patient sont tels qu’il faut au moins être député pour pouvoir en profiter ! La dégradation de la dentition des habitants de la circonscription dont je suis l’élu est un élément qui marque, voire qui choque, les personnalités – les hauts fonctionnaires par exemple – qui y sont temporairement affectées. L’explication en est pourtant simple : c’est que le reste à charge est insurmontable pour les patients ! Comment équilibrer les comptes tout en assurant un égal accès aux soins, et mettre fin à la logique du « rembourser moins », donc « soigner moins » ?

Mme Michèle Delaunay. À tous les âges, même dans l’enfance, l’état de la dentition est un marqueur social. Peut-être souhaite-t-on le mettre en évidence aujourd’hui…

Monsieur le Premier président, votre prédécesseur souhaitait instamment que la Cour des comptes puisse examiner les comptes des établissements privés avec la même minutie que ceux des hôpitaux. Nous sommes informés des déficits des hôpitaux. Mais seuls ceux qui disposent des éléments d’analyse des pratiques médicales des établissements privés de santé peuvent comprendre pourquoi leurs déficits sont moindres.

Comme notre collègue Martine Billard, je voudrais souligner l’accroissement scandaleux du coût des transports médicaux, et, dans une moindre mesure, des soins infirmiers. La Cour, si elle le souhaite, pourrait se pencher sur leurs causes.

À mon sens, dans les cas de prescriptions abusives, elle devrait préconiser de très fortes pénalités tant pour le bénéficiaire que pour le prescripteur, allant jusqu’au non-remboursement.

En matière de soins infirmiers, je serais très heureuse que soit examinée la part des acteurs aujourd’hui appelés « prestataires de services », autrement dit des nouveaux intermédiaires entre le prescripteur, le plus souvent hospitalier, et le patient. Ces officines organisent les soins infirmiers et préconisent le choix du matériel médical. Dans certains cas, la profusion de matériel qu’elles délivrent pour des actes relativement simples augmente considérablement le coût des actes.

M. Jacques Domergue. Les recommandations de la Cour n’étant pas opposables – malgré leur qualité – elle est souvent amenée à les réitérer année par année. Nous le déplorons.

Une croissance de l’ONDAM de 2,9 % comparée à un accroissement du PIB de 1,5 % environ signifie l’acceptation du creusement des déficits. En même temps, vu l’ampleur des besoins, exacerbés par la crise, cette croissance apparaît difficile à maîtriser.

Certaines personnes aujourd’hui ne vivent que de prestations sociales. La réduction du nombre de niches sociales que vous préconisez pour augmenter les recettes risque donc de se traduire par une diminution du pouvoir d’achat, donc de la croissance. Jusqu’où ne pas aller trop loin ? Avez-vous élaboré des simulations – ou êtes-vous en mesure de le faire – pour guider l’exécutif et le législateur dans leur démarche ?

M. Michel Issindou. Malheureusement, monsieur le Premier président, ce nouvel excellent rapport annuel est tout aussi alarmant que le précédent. Dans quelques jours, nous allons examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Notre impression est que n’y figurent que des « mesurettes » qui ne réduiront en rien le déficit. Face à une fièvre de cheval persistante, les traitements administrés depuis quelques années relèvent de l’homéopathie. Le prolongement de la vie de la CADES de 2021 à 2025 est une illustration du report des déficits sur les générations futures. Notre comportement à tous est irresponsable. Donnons-nous les moyens d’équilibrer nos comptes publics.

Monsieur le Premier président, vous nous avez présenté ce qui semble une marge de manœuvre : l’existence de 178 « niches » pour un coût croissant de 57,6 milliards d’euros en 2005 à 66,7 milliards en 2009. Paradoxalement, le creusement du déficit s’accompagne de l’accroissement du nombre de niches sociales !

Nous ne sommes pas tout à fait convaincus de l’efficacité ni de la pertinence des exonérations de cotisations sur les rémunérations inférieures ou égales à 1,6 fois le SMIC. Une modulation ne serait-elle pas souhaitable ? Si les entreprises exposées à la concurrence internationale en ont peut-être besoin, est-ce le cas de celles qui travaillent exclusivement sur le marché intérieur ? Des syndicats d’entreprises de nettoyage de locaux nous ont exposé que, sans ces exonérations, elles ne pourraient pas subsister. Pourtant, comment imaginer que le service qu’elles remplissent puisse disparaître ou être délocalisé ?

Une distinction ne pourrait-elle pas aussi être effectuée entre d’une part les très petites entreprises ou les PME, d’autre part les entreprises les plus importantes, qui ne voient dans ces niches qu’un effet d’aubaine ?

Le rapport entre les quelque 66 milliards d’euros que coûtent les niches et les dizaines de milliards de déficits annuels structurels est choquant. Un lien entre les montants des niches et les déficits prévisionnels ne pourrait-il pas être établi ? Qu’aujourd’hui, tous les régimes soient déficitaires est alarmant. Au lieu d’élaborer des mesures fortes, le Gouvernement nous renvoie sans cesse à un avenir meilleur. En réalité, il crée une charge pour les générations futures.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’exemple des autres pays européens montre que la ligne de crête à respecter pour ne pas casser la croissance est aussi un élément à intégrer.

Vous pourrez constater que le bilan est plus équilibré que vous le pensez : pour six milliards d’euros en faveur des entreprises, quatre milliards d’euros de prélèvements pèsent, et à juste titre, d’abord sur les 20 % les plus aisés.

M. Patrick Lebreton. Je note la critique de l’explosion des niches sociales de la part de la Cour des comptes, et le souhait d’une recherche d’efficacité dans leurs critères de création.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 comporte une remise en cause du remboursement des bandelettes nécessaires aux personnes atteintes de diabète pour contrôler leur taux de glycémie. Désormais seule une bandelette serait remboursée, là où certains diabétiques en ont besoin de trois ou quatre de plus. Dans le département de La Réunion, dont je suis le député, 7,5 % des habitants, soit 60 000 personnes, sont directement concernés par cette maladie ; 52 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 800 euros par mois. Un calcul du déremboursement fait apparaître pour un grand nombre de diabétiques un coût direct de 360 à 900 euros par an, soit plus d’un mois de revenu. En recherchant des économies dans le domaine de la prévention, ne risque-t-on pas d’engloutir demain des montants nettement supérieurs pour soigner des personnes qui n’auront pu bénéficier d’une prévention adéquate ?

M. Dominique Tian. Je remercie non seulement le Premier président de la Cour des comptes, mais aussi les magistrats de la Cour qui, à la demande des coprésidents de la MECSS, lui ont remis sur le volet de la fraude sociale un rapport de très grande qualité.

Celui-ci montre une prise de conscience nouvelle des enjeux liés à la lutte contre la fraude. L’ordre de grandeur de 3 milliards d’euros évoqué par la Cour a été globalement confirmé par le Conseil des prélèvements obligatoire, au cours d’une audition récente de la MECSS.

Parmi les effets d’aubaine que vous citez, la reconstitution des carrières longues me semble un exemple tout à fait lamentable d’inorganisation. Des attestations sur l’honneur ont pu être fausses. Un peu de discernement à la lecture de certains dossiers, pourtant validés, un peu de contrôle interne, auraient pu mettre en évidence que des personnes déclaraient avoir commencé à travailler à l’âge de deux ou trois ans, voire avant même leur naissance !

Dans ses observations sur l’allocation de parent isolé, la Cour explique elle-même à la fois que l’appréciation des situations est délicate et que les caisses d’allocations familiales disposent de peu d’outils. Le caractère imprécis de la définition de la notion de parent isolé amène chaque caisse d’allocations familiales à établir sa propre doctrine et à fixer sa propre liste de pièces justificatives nécessaires. Nous sommes soucieux des conséquences de l’inégalité de traitement entre allocataires, voire, probablement, de l’inefficacité du dispositif.

L’un des effets d’aubaine signalés par la Cour est celui où le non-acquittement de la pension alimentaire permet au conjoint qui devrait la recevoir de percevoir immédiatement l’allocation de soutien familial. Je m’étonne que les préconisations ne soient pas plus incisives : l’obligation de recherche de paternité ne devrait-elle pas être imposée aux caisses d’allocations familiales ? De façon générale, ne devraient-elles pas s’intéresser aux dossiers qui présentent une possibilité d’effet d’aubaine ?

L’instauration de la subsidiarité entre l’allocation de parent isolé et l’allocation de soutien familial a déjà entraîné de façon quasi-automatique une économie de plus de 80 millions d’euros, nombre de personnes n’ayant pas jugé utile d’entreprendre les démarches requises.

Dans la mesure où vous appelez à une meilleure gestion de certaines caisses, je dois enfin remarquer que le rapport que la MECSS a élaboré en 2004 et 2005 et qui prônait une meilleure organisation de celles-ci, semble malheureusement avoir été assez peu suivi d’effet.

Mme Monique Iborra. À la suite de la mise en application de la loi dite « HPST », les hôpitaux ont vu, nous dites-vous, leur situation financière pour certains s’améliorer, et pour d’autres se maintenir ou se dégrader. Or, dans un objectif de réduction des déficits, cette loi a sensiblement modifié la gouvernance des hôpitaux. La Cour a-t-elle une appréciation sur son efficacité et sur la mise en place des agences régionales de santé ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les analyses de la Cour sur l’invalidité et l’inaptitude, ainsi que sur le handicap dans le régime général m’ont particulièrement intéressée. Lors des débats de la loi du 11 février 2005, qui a profondément réformé la politique en faveur des personnes handicapées, nous avions alerté, sans être entendus, sur les différences de traitement.

Quelle est votre analyse de la relation entre les médecins conseils et les médecins du travail ? Avez-vous pu mesurer l’ampleur des situations d’inaptitude au poste de travail et celles d’invalidité ? Alors qu’elles sont souvent proches, l’une peut entraîner la rupture du contrat de travail, et non les autres.

Aujourd’hui, des populations qui rencontrent des difficultés très voisines reçoivent des réponses très différentes. Nous devons améliorer ce point.

M. le premier président de la Cour des comptes. Il me semble que la représentation nationale doit s’interroger, comme la Cour des Comptes, sur le fait que, alors que nous avons le deuxième système le plus coûteux au monde, les indicateurs de santé ne sont pas toujours en rapport avec nos dépenses. S’agissant plus précisément de la sécurité sociale, le déficit, fruit d’un déficit structurel et d’une crise exceptionnelle, est de 25 à 30 milliards d’euros. La Cour dit simplement qu’il faut agir sur la dépense comme sur la recette. Penser que l’on pourrait n’agir que sur l’une ou l’autre nous paraît extrêmement dangereux et ne nous semble pas de nature à répondre aux problèmes.

Nous traçons donc un certain nombre de pistes, y compris en matière de dépenses, car nous pensons qu’il y a des marges de manœuvre et qu’il faut s’interroger sur l’efficacité de ce qui est fait. Mais la Cour – je réponds à M. Patrick Roy – n’est là pour dispenser ni des caresses ni des claques, ni pour plaire ni pour déplaire, mais pour dire ce qu’elle voit. Sa force et son autorité tiennent au fait que tout ce qu’elle décrit a fait l’objet d’une analyse contradictoire avec ses interlocuteurs et découle de délibérations collégiales de magistrats totalement indépendants. Voilà qui lui donne une liberté, en particulier de ton, bien plus grande que celle d’un certain nombre d’institutions prestigieuses.

On peut certes regretter que ses recommandations ne soient pas suffisamment suivies, mais il faut aussi prendre garde à ne pas aller vers un gouvernement des juges : qu’au bout du compte les représentants désignés par le suffrage universel décident de la politique qui doit être suivie me paraît plutôt un bon principe…

Les tableaux, qui figurent aux pages 106 et 107 du rapport, apportent des réponses aux nombreuses questions qui ont été posées à propos des niches sociales : nous identifions là une quinzaine de milliards d’euros sur lesquels il nous semble possible d’agir. Mais, si nous faisons un certain nombre de propositions, il appartient aux responsables politiques de trouver un point d’équilibre, de faire leur choix dans ce qui constitue non pas un menu, mais une carte : en consommer tous les plats aboutirait à coup sûr à une indigestion qui pourrait même être fatale… Il en ira d’ailleurs de même du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les niches et les dépenses fiscales applicables aux entreprises, que je présenterai cet après-midi devant la commission des finances.

S’agissant des exonérations de cotisations, nous faisons sans doute preuve de davantage de détermination que le Conseil des prélèvements obligatoires, même si ce dernier estime aussi qu’il y a des marges de manœuvre sur un montant global d’une trentaine de milliards. On voit que les exonérations ont eu un effet plus important sur l’emploi non qualifié que sur l’emploi global et ont principalement bénéficié à des secteurs non exposés à la concurrence internationale – commerce, grande distribution, hôtellerie et cafés-restaurants, nettoyage. Il est vrai que réduire ces exonérations pourrait avoir sur l’emploi des effets que l’inspection générale des finances s’efforce de mesurer. C’est pour cela qu’il convient vraisemblablement d’étaler les choses dans le temps. Il est possible de ramener l’exonération de 1,6 à 1,5 fois le SMIC. Il y a également ce que propose le gouvernement en matière d’annualisation. Le Conseil des prélèvements obligatoire suggère une mesure complémentaire que je présenterai cet après-midi. Au total, il serait possible d’économiser environ 4 milliards d’euros sur les exonérations.

La Cour s’attachera à comparer la fiscalité, mais aussi l’évolution de l’industrie, en France et en Allemagne, mais il apparaît d’ores et déjà que les exonérations de cotisations n’ont pas empêché la désindustrialisation de la première par rapport à la seconde…

Ce n’est pas la première fois que la Cour des Comptes prend position à propos du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Elle a toujours considéré que la constitution de réserves allait dans le bon sens, afin de répondre à de légitimes préoccupations d’équité entre les générations et de contribuer à assurer la pérennité des régimes de retraite. Nous pensons qu’il faut jouer sur tous les paramètres – âge, durée, assiette et montant des cotisations. Compte tenu des propositions qui sont faites, nous nous interrogeons sur la possibilité d’un retour à l’équilibre en 2018-2020, ainsi d’ailleurs que sur le montant même des futures retraites. Il nous semble donc qu’il y a un risque que les ressources du FRR viennent alors à manquer si on les utilise maintenant.

Il est vrai que la T2A a eu un certain nombre de conséquences négatives et qu’elle est contestée. Nous considérons néanmoins qu’il s’agit du moins mauvais des systèmes et qu’il est en tout cas bien meilleur que le précédent.

Nous n’avons de cesse de rappeler qu’en matière de sécurité sociale, parce qu’il s’agit de dépenses courantes, d’une autre nature que celles d’investissement de l’État, les comptes devraient être à l’équilibre et que le principe devrait être la généralité du prélèvement sur tous les revenus acquis en contrepartie ou à l’occasion du travail. Priver la sécurité sociale de certaines recettes au nom de politiques sectorielles qui lui sont étrangères fragilise obligatoirement l’ensemble des régimes. Tel est le message que nous nous efforçons de faire passer. On parle beaucoup de la « règle d’or » : en matière de sécurité sociale, ce devrait être un principe absolu qui devrait comme d’autres, l’examen de la loi de programmation des finances publiques le confirme, être élevé au niveau organique afin de s’imposer aux lois ordinaires que sont les lois de finances et de financement.

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Monsieur Préel, nous n’avons pas travaillé sur l’idée de créer un régime universel, nous avons simplement voulu dire que le régime des IEG avait un coût pour le régime général et qu’il n’y avait pas de raison que ce soit le cas. Notre travail de suivi du rapport que la Cour avait consacré aux institutions sociales des IEG montre que nous avons quelques raisons de nous montrer sévères en la matière.

La Cour n’a pas non plus travaillé sur l’idée de découper l’ONDAM en sous-objectifs régionaux. Peut-être les ARS développeront-elles des outils permettant de connaître ce que doit être la dépense de santé par habitant compte tenu des caractéristiques de la population de chaque région. Le Royaume-Uni fonctionne un peu de la sorte. En France, où le système est très centralisé, distribuer l’argent en fonction des caractéristiques de mortalité et de morbidité et de la prévalence de certaines maladies supposerait que l’on accepte de rendre visibles des différences qui ne le sont pas aujourd’hui. Il s’agit néanmoins d’une piste intéressante, même si l’on peut se dire que les caisses nationales et les syndicats de médecins ne verraient pas cela d’un très bon œil.

C’est d’un point de vue strictement comptable que nous critiquons le retraitement des tableaux d’équilibre. Pour nous ces tableaux, que vous adoptez dans le cadre de la loi de financement, doivent prendre appui sur les données comptables des différents régimes. Ces données ne doivent donc pas donner lieu à des contractions entre produits et charges car, même si les soldes ne varient pas, cette présentation dite « économique » à laquelle le ministère semble attaché, réduit optiquement la masse des dépenses et des recettes, donc les taux d’évolution.

Vous nous avez interrogés, madame Génisson, sur l’imagerie médicale. D’ores et déjà, on distingue bien le forfait technique, qui rémunère l’amortissement et le fonctionnement de la machine, des honoraires, qui rémunèrent l’acte intellectuel. Ce que nous expliquons dans le rapport, c’est que les tarifs sont actuellement trop élevés, dans les deux cas, et que l’on ne tient pas suffisamment compte de l’importance des actes effectués par une machine. Quand une machine ne tourne pas beaucoup – et il y en a malheureusement, nous le dénonçons dans le rapport – il est nécessaire que le forfait soit plus élevé ; mais lorsque le rythme est normal, voire très élevé comme dans le secteur privé, la rentabilité ne justifie pas un surcoût qui joue au détriment de l’assurance-maladie. Les honoraires ont été baissés à plusieurs reprises ; ils le seront encore, d’autant que des économies sont prévues dans le projet de loi de financement pour 2011. Nous observons également que la détermination des honoraires a tendance à favoriser l’inflation d’actes de radiologie traditionnelle qui ne sont pas tous utiles. Au total, notre étude nous amène à dire que le coût excessif de l’imagerie médicale dans notre pays conduit à freiner l’équipement, ce qui empêche de garantir l’égal accès aux soins.

Mme Catherine Génisson. Absolument !

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Nous avons aussi déploré que ces équipements ne soient pas installés là où les plans de santé publique justifieraient qu’ils le soient. Il y a vraiment des efforts à faire dans ce domaine !

Vous aimeriez, madame Delaunay, que la Cour s’intéresse aux cliniques privées. Mais il s’agit de sociétés commerciales, que nous ne sommes pas habilités à contrôler.

Mme Michèle Delaunay. Il s’agit aussi d’argent public !

Mme Catherine Génisson. L’article premier de la loi dite « HPST », ouvrant aux établissements privés comme publics la possibilité d’exercer des missions de service public, justifie, à mon sens, le contrôle de la Cour des Comptes sur ces établissements.

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Vous avez totalement raison. À l’initiative de votre collègue Yves Bur, vous avez d’ailleurs adopté l’année dernière un amendement à la loi de financement qui nous permet de mener des enquêtes comparatives entre public et privé, dans l’ensemble du secteur sanitaire et médico-social, lorsque les activités sont financées par l’assurance-maladie. Nous pouvons ainsi exercer un certain nombre de contrôles, mais pas forcément sur les comptes car s’agissant, je le répète, de sociétés commerciales, le respect du secret des affaires s’impose à la Cour et nous incite à la prudence. Cela étant, nous réfléchissons à la façon d’appliquer la disposition que vous avez bien voulu adopter l’année dernière.

Mme Touraine a posé la question de l’efficacité des instruments de régulation conventionnels. Dans ces rapports précédents, la Cour s’est interrogée à plusieurs reprises sur le champ excessif donné à la négociation conventionnelle, ce qui a conduit à ce que l’État perde un peu la main sur la maîtrise des dépenses d’assurance-maladie. En effet, dès lors que les partenaires conventionnels s’entendent, la marge de manœuvre de l’État s’en trouve considérablement réduite. Ainsi, tout ce qui concourt à la tarification des actes, qu’il s’agisse des nomenclatures ou de la valeur des honoraires et des actes, figure désormais dans le champ conventionnel. Dans ces conditions, comment les contrats individuels pourraient-ils encourager les médecins à des pratiques plus conformes aux référentiels et plus propice aux économies ? À ce jour, la Cour n’a pas encore examiné les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI).

S’agissant enfin de la question de M. Roy, nous écrivons que les implants ne sont pas remboursés. Pour ce faire, il faudrait sans doute que l’on parvienne à réduire les dépenses par ailleurs d’autant que, je vous le rappelle, la Cour ne peut proposer de dépenses supplémentaires…

M. le président Pierre Méhaignerie. Les dentistes nous disent que les tarifs des implants compensent la faiblesse des tarifs conventionnés… Mais il y a là un vrai problème, car on s’oriente de plus en plus vers les implants, y compris chez des patients de plus de 80 ans !

M. le premier président de la Cour des comptes. Les dentistes ont obtenu quelques augmentations de tarifs, mais cela n’a entraîné de baisses ni sur les prothèses ni sur les implants…

M. le rapporteur général du rapport sur la sécurité sociale. Je reviens à la question de M. Tian relative à l’allocation de parent isolé et à l’allocation de soutien familial. Nous disons qu’il serait bon de réformer cette dernière, afin qu’il n’y ait pas d’effets pervers et que les juges ne soient pas tentés de manière excessive de déclarer quelqu’un comme hors d’état afin que l’ex-conjoint bénéficie de cette prestation. Des progrès devraient être enregistrés en ce qui concerne l’allocation de parent isolé, la CNAF élaborant actuellement un référentiel.

S’agissant de l’invalidité et de l’inaptitude, j’indique à Mme Carrillon-Couvreur que nous notons à la page 398 du rapport que, pour l’instant, les rapports entre les médecins-conseil et les médecins du travail sont relativement peu définis par les textes et que les pratiques demeurent relativement étanches. Des échanges devraient exister et l’ACOSS a prévu de les intensifier pour la branche accidents du travail.

Enfin, M. Issindou ayant considéré que nos rapports se suivent et se ressemblent sans que des remèdes soient véritablement apportés, je veux lui dire que, sans chercher à instaurer un gouvernement des juges, nous nous soucions chaque année des suites qui ont été données à nos précédentes recommandations. Vous constaterez dans le présent rapport que bien plus de recommandations – dont on ne saurait penser qu’elles ont été écrites parce qu’elles sont faciles à mettre en œuvre – que nous ne le pensions nous-mêmes ont été suivies d’effet – parfois partiellement il est vrai –, y compris lorsque nous avions eu initialement une fin de non-recevoir.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur le Premier président, madame, monsieur, nous vous remercions.

La séance est levée à treize heures.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 octobre 2010 à 10 heures 30

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, M. Patrick Lebreton, M. Guy Lefrand, M. Jean-Marie Le Guen, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, M. Roland Muzeau, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Françoise de Salvador, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Valérie Boyer, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Anne Montchamp, M. Patrick Roy