COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 27 octobre 2010
La séance est ouverte neuf heures trente-cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Santé » sur le rapport de Mme Jacqueline Fraysse, sur les crédits relatifs à la prévention et la sécurité sanitaire, et sur le rapport de M. Rémi Delatte, sur les crédits relatifs à la santé et au système de soins.
Mme Jacqueline Fraysse, rapporteure pour avis pour la prévention et la sécurité sanitaire. Le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui relève de la mission « Santé », a été profondément remanié par rapport à la loi de finances pour 2010 : l’ancien programme « Prévention et sécurité sanitaire » reçoit les crédits du programme « Offre de soins », qui disparaît.
Si mathématiquement les crédits sont en progression, à périmètre constant, ils régressent, s’établissant à 583 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Une telle diminution me paraît préoccupante, en particulier pour les agences sanitaires. Je constate par ailleurs que les crédits consacrés aux agences régionales de santé sont inscrits sur deux missions différentes, ce qui ne facilite pas leur lisibilité.
L’examen détaillé des crédits relevant avant tout de la compétence de la Commission des finances, j’ai choisi de me concentrer sur la création, le 1er juillet dernier, d’une nouvelle agence sanitaire, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, encore appelée Anses. Elle est issue de la fusion entre l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET).
Le point de départ de cette opération avait été l’habilitation donnée au Gouvernement par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. L’amendement du Gouvernement avait suscité la surprise et de légitimes interrogations, tant chez les parlementaires que chez les personnes concernées.
Aujourd’hui, la nouvelle agence est installée et un premier retour en arrière peut être effectué afin de rappeler les motivations du projet, les difficultés qu’il fallait surmonter, la méthode utilisée et ses résultats.
Même s’il m’a été affirmé que la fusion était essentiellement motivée par la volonté de rassembler l’ensemble des moyens d’expertise des risques auxquels les citoyens sont exposés, en mutualisant les moyens de l’agence chargée de la sécurité sanitaire dans le domaine de l’alimentation avec ceux de l’agence compétente pour les risques professionnels et liés à l’environnement, il reste que cette fusion est inscrite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et qu’une réduction des dépenses de personnel est d’ores et déjà programmée.
Tous nos interlocuteurs ont souligné qu’il n’y avait pas de duplication d’activités, même si les deux agences avaient des domaines d’intervention proches, qu’il s’agisse des risques chimiques – qui touchent à la fois les populations, les travailleurs et les écosystèmes – ou de la surveillance de la qualité de l’eau. Par ailleurs, les deux agences avaient des histoires et des personnalités différentes. Ainsi, l’AFSSA, première-née des agences sanitaires, disposait d’un budget cinq fois plus important que celui de l’AFSSET, et travaillait majoritairement avec ses laboratoires internes, tandis que cette dernière, au budget plus resserré, recourrait davantage à l’expertise externe et aux appels à projet. Elle maniait également des outils du champ d’analyse socio-économique.
La fusion des deux agences a aussi entraîné la multiplication des autorités de tutelle, désormais au nombre de cinq : les ministères de l’agriculture, de la santé, de l’environnement, du travail et de la consommation.
Différences de moyens, parfois de méthodes, cinq ministères de tutelle : de tels éléments étaient de nature à inquiéter à la fois les personnels des deux agences, les associations et les organisations professionnelles, notamment quant à la préservation des axes de travail « santé environnement » et « santé travail ». Il était donc indispensable de se concerter avec toutes les parties prenantes et d’écouter leurs attentes avant de soumettre un projet. C’est d’ailleurs la feuille de route qui a été donnée à M. Marc Mortureux, directeur de l’AFSSA et « préfigurateur » de la nouvelle agence.
Les personnes que j’ai auditionnées ont toutes salué la qualité des travaux préparatoires effectués par différents comités et groupes de travail à partir de l’automne 2009. Le projet d’ordonnance du Gouvernement leur a été soumis en novembre. Puis, après la parution de l’ordonnance en janvier 2010, le même travail a été renouvelé pour préparer le décret d’application, publié en juin. La nouvelle agence a été installée dans la foulée, organisée en trois pôles : l’expertise, les laboratoires et l’Agence nationale du médicament vétérinaire.
Les crédits budgétaires sont en augmentation par rapport aux moyens précédemment alloués à l’AFSSA et l’AFSSET, ce qui donne à l’Anses de bonnes bases pour le lancement de ses activités. En revanche, la question des personnels reste préoccupante alors que le sujet primordial du rapprochement des statuts des personnels n’est pas encore réglé et qu’une diminution de la masse salariale sur trois ans est annoncée.
Concernant son périmètre d’activité, la difficulté pour la nouvelle agence est de devoir rendre des comptes à cinq tutelles. Il m’a été assuré qu’elles travailleraient en bonne harmonie… L’avenir le dira. Plusieurs instances de rencontre sont d’ores et déjà établies, notamment pour élaborer de façon commune le programme de travail.
La question de l’indépendance des expertises, aspect crucial s’agissant d’une agence sanitaire, ne pourra être évaluée qu’après plusieurs mois de pratique. L’indépendance scientifique a reçu des gages, notamment grâce au mode de recrutement des comités d’experts spécialisés. De même, la création d’un comité de déontologie est de bon augure. Espérons que cette exigence sera confirmée par la suite.
La fusion des deux agences doit aussi être le moyen d’un partage des bonnes pratiques, pour faire en sorte que la nouvelle Anses soit davantage que l’addition des deux anciennes agences et soit source de progrès – je pense par exemple aux acquis de l’AFSSA en matière de traitement des situations d’urgence ou aux méthodes innovantes de l’AFSSET.
Pour conclure, je veux croire que la qualité des activités de la nouvelle agence confirmera l’intérêt de cette fusion très discutée. L’Anses va devoir rapidement faire ses preuves. Pour pouvoir mener sa mission à bien, il est essentiel qu’elle bénéficie de crédits budgétaires solides.
Les auditions m’ont par ailleurs conduite à poser la question du partage des tâches entre les différentes agences sanitaires, en particulier entre l’Anses et le Haut conseil de santé publique. En effet, la loi du 6 août 2004 relative à la politique de santé publique a donné notamment mission au Haut conseil de contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, mais aussi de fournir aux pouvoirs publics l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires, en liaison avec les agences. Il existe certes aujourd’hui une instance de dialogue, le Comité d’animation du système d’agences (CASA), mais il ne règle pas tout, notamment pour ce qui concerne le champ d’expertise de l’Anses.
De l’avis général, et pour donner davantage de cohérence à ses travaux comme aux recommandations qui en résultent, il conviendrait de recentrer clairement les activités du Haut conseil de santé publique autour de la définition d’objectifs en matière de santé. La future loi de santé publique pourra être l’occasion de préciser, voire de redéfinir clairement le rôle de chacun, de façon à ce que l’expression d’avis différents, voire contradictoires, ne vienne pas brouiller la parole publique.
Je souhaite enfin saluer le travail des équipes de l’Anses. Je comprends leurs interrogations quant à l’avenir proche, car les effets de la fusion ne sont pas neutres pour elles. Il conviendra de veiller à la bonne intégration de chacun, non seulement pour que personne ne se sente exclu, mais surtout parce que nous profiterons ainsi pleinement de la valeur ajoutée résultant de la mise en commun des expériences.
M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous remercie d’avoir choisi ce thème. Le grand nombre d’agences n’est pas un facteur d’efficacité : dès lors, la fusion entre l’AFSSA et l’AFSSET va dans le bon sens. D’une manière générale, les politiques publiques ne souffrent pas d’une insuffisance de moyens, mais d’un empilement des structures et d’une complexité des procédures. Nous devons donc mettre l’exigence d’efficacité au premier plan.
Vous avez par ailleurs mis le doigt sur un point faible : la multiplicité des autorités de tutelle. C’est une tendance générale : comme j’ai pu le constater au Salon international de l’agroalimentaire, en matière de lutte contre l’obésité, les organisations ne savent plus qui fait quoi. Ainsi, alors qu’il existait déjà un plan national nutrition-santé, le ministère de l’agriculture a présenté son programme national pour l’alimentation. Il faut un chef de file : il est anormal qu’une institution ait affaire à cinq tutelles différentes.
M. Bernard Perrut. Je partage vos réflexions, monsieur le président. Chaque année, nous écoutons avec attention le rapport sur la prévention et la sécurité sanitaire, dont nous mesurons l’importance, mais à chaque fois, nous nous posons des questions sur l’organisation des structures. Ne peut-on pas aller plus loin que la création de l’Anses, afin d’optimiser le fonctionnement de ces institutions, d’en améliorer l’efficacité et d’en réduire le coût ?
Vous déplorez à juste titre, madame la rapporteure, le manque de lisibilité des crédits des agences régionales de santé. Mais quelle vision portez-vous sur leur fonctionnement ? En raison de la lourdeur de l’organisation administrative, celui-ci n’est en effet pas aussi satisfaisant qu’on aurait pu l’espérer.
Mme Michèle Delaunay. Nous sommes tous d’accord quant au manque de lisibilité des documents distribués. Cela ne nous aide pas à comprendre la situation sur le terrain, ni les difficultés auxquelles sont confrontées les associations de prévention, qui souffrent de la réduction de leurs crédits.
Outre son intérêt humain, la prévention est le seul moyen de ne pas aller totalement dans le mur en matière de comptes de la sécurité sociale. Malheureusement, elle n’est pas toujours efficace à très court terme, ce qui conduit souvent à la négliger. Même si une partie des crédits a été allouée aux agences régionales de santé, l’impression générale est celle d’une réduction très dommageable du financement des actions de prévention, en particulier pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins et, plus encore, pour les maladies chroniques. Tout cela est inquiétant. Certes, chaque année, nous cisaillons quelques branches pour améliorer les comptes de la sécurité sociale, mais cette fois, l’enjeu n’est pas le même.
Je regrette que le « bleu » budgétaire ne consacre pas un chapitre aux seules maladies comportementales et sociétales. On nous parle de la prévention des risques environnementaux, mais nous savons bien qu’ils sont en réalité beaucoup moins importants et beaucoup moins coûteux. Il serait intéressant d’individualiser les pathologies comportementales parce qu’elles sont toutes évitables. Notre ambition, notre obsession même, devrait donc être de réduire grandement la morbidité et la mortalité liées à ces troubles – qui vont des diverses addictions jusqu’au cancer du poumon – qui occasionnent des coûts importants en années de vie perdues comme sur le plan financier.
En ce qui concerne la lutte contre le sida, le plan promis par Mme Bachelot a, semble-t-il, été présenté à la presse, mais je ne suis pas parvenue à me le procurer. Il semble toutefois qu’il comprendrait la proposition d’un dépistage systématique. On ne peut que s’en réjouir, sachant qu’au moins 40 000 personnes ignorent être séropositives, ce qui induit un retard de traitement pour elles-mêmes et des risques de contamination pour les autres. Toutefois, cette politique est en contradiction avec ce que j’observe à Bordeaux, où les associations de lutte contre le sida se plaignent de la réduction de leur financement.
Je finirai en évoquant la vaccination des jeunes filles contre le papillomavirus. Outre qu’elle ne cible sans doute pas la bonne tranche d’âge, le problème est que cette vaccination, dont le plan cancer prévoit le développement, n’est remboursée qu’à 60 %, ce qui a d’ailleurs conduit certains conseils généraux à prendre en charge le ticket modérateur.
Telles sont les inquiétudes que je souhaitais exprimer au sujet de la prévention, laquelle est la clé de l’avenir de notre système de santé.
Mme la rapporteure pour avis. Bernard Perrut s’est demandé si l’on pouvait aller plus loin en matière de fusion. Au tout début des réflexions sur un rapprochement entre l’AFSSA et l’AFSSET, une piste envisagée était d’y joindre l’Institut de veille sanitaire, en fusionnant non pas deux mais trois agences. Cette piste a été très vite abandonnée : la mission assumée par l’institut méritait un établissement spécifique.
Nous ne disposons pas d’un recul suffisant pour évaluer le fonctionnement des agences régionales, d’autant qu’elles ont jusqu’à l’automne 2011 pour élaborer leurs projets régionaux de santé.
Par ailleurs, madame Delaunay, il est vrai que les crédits de prévention des maladies infectieuses subissent une nette réduction, de 16,7 % en autorisations d’engagement et de 21,4 % en crédits de paiement. Cela représente une vraie préoccupation. De nombreuses pathologies pourraient être évitées si nous avions une politique de prévention plus audacieuse. Or, les crédits ont été essentiellement dirigés vers les agences régionales au détriment de la prévention des risques infectieux. Certes, celles-ci ont besoin de financement, mais il demeure que nous sommes en retard dans le domaine de la prévention. Il en résulte un gâchis humain et financier. Ce retard risque d’ailleurs de se confirmer dans le domaine de la lutte contre le papillomavirus.
M. Claude Leteurtre. À propos de l’Anses, j’ai le sentiment que des problèmes de gestion des statuts ont conduit à s’arrêter au milieu du chemin. Ne serait-il pas envisageable, à plus ou moins long terme, que l’agence soit soumise à une seule tutelle, a priori celle du ministère de la santé ? Cela devrait être un des objectifs du projet de loi sur la santé publique que nous examinerons en 2011.
Par ailleurs, où en sont les groupements interrégionaux qui doivent relayer l’activité de l’Institut national de veille sanitaire ? Nous avions vu, en 2003, que leur efficacité était médiocre. La situation a-t-elle évolué depuis ?
De nombreux programmes régionaux de santé sont en attente de financement. Or l’allocation des enveloppes est effectuée en fonction du poids démographique de la région, sans tenir compte des programmes déjà adoptés. Sera-t-il possible de couvrir les disparités ?
M. Maxime Gremetz. Le rapport montre que la politique de prévention, dont le rôle est essentiel, voit ses moyens en personnels diminuer. Mais, qu’en est-il de la prévention de la santé au travail, pour laquelle je n’observe aucune amélioration ? Dans de nombreuses entreprises, il y a des scandales ! Des gens meurent ! On est obligé de porter plainte pour mettre en lumière des risques de cancer. Et on ne voit aucune réponse se profiler.
La prévention de la santé au travail fait-elle partie des attributions de l’Anses ou relève-t-elle d’une autre institution ? Pour l’essentiel, c’est là que les choses se passent, mais c’est aussi là que l’on fait le moins d’efforts. Certains diront que le sujet de la médecine du travail a été traité à l’occasion de la réforme des retraites, mais le résultat, c’est qu’elle est soumise encore davantage aux employeurs.
Quant à la situation de la prévention sanitaire en milieu scolaire, elle est catastrophique – et pas seulement dans ma région.
On fusionne des agences, on réduit leur personnel et leurs moyens. Au final, on ne sait plus qui traite des questions de prévention.
M. Jean-Pierre Door. Le directeur général de la santé, cité par le rapport de Jacqueline Fraysse, a admis que le système des agences sanitaires était devenu une véritable mille-feuille d’institutions créées au fil des crises : Agence de la biomédecine, Établissement français du sang, Agence du médicament, AFSSAPS, etc. Un rapport du Sénat confirmait d’ailleurs le manque de lisibilité du dispositif. Il faut simplifier, réduire les doublons, par exemple entre l’Agence du médicament et l’agence européenne EMEA, qui ont des rôles similaires. L’Angleterre s’est ainsi engagée dans un processus de concentration des agences pour les regrouper en grands pôles thématiques. Ne pourrait-on pas confier à la MECSS ou à la Commission des affaires sociales la mission de réfléchir à un regroupement de toutes les agences en trois pôles : sécurité sanitaire, prévention et santé publique ? Fusionner les agences, ce n’est pas les faire disparaître, mais leur donner des orientations claires.
M. Paul Jeanneteau. La création de l’Anses semble très raisonnable, non seulement pour des raisons d’efficacité, mais aussi à l’heure où nous devons gérer l’argent public de façon rigoureuse.
Selon votre rapport, bien que les crédits budgétaires de l’Anses soient globalement en augmentation dans le projet de loi pour 2011, « les annonces de diminution prévisionnelle pluriannuelle de la masse salariale sont source de légitimes inquiétudes car elles pourraient lui porter préjudice ». Or, l’AFSSA comptait 1 145 équivalents temps pleins travaillés et l’AFSSET, 147. Ne pensez-vous pas que certains postes d’accueil ou d’encadrement font doublon et qu’à terme, des économies d’échelle pourraient être réalisées ?
Par ailleurs, il serait sans doute préférable de ramener de cinq à un le nombre de tutelles pesant sur l’agence. Dans ce cas, quel ministère, selon vous, devrait assumer cette charge ?
M. Guy Lefrand. À lire ce très intéressant rapport, on s’aperçoit que si la fusion était au départ la source de nombreuses inquiétudes, elle a été effectuée dans des conditions plutôt rassurantes : progression importante des crédits – de 15 % en autorisations d’engagement et de 14 % en crédits de paiement –, maintien des appels à projets de recherche, indépendance scientifique, qualité du directeur. D’où les interrogations sur les relations entre l’agence et le Haut conseil de santé publique.
Il serait, en effet, intéressant de créer une mission parlementaire de réflexion sur les missions de toutes ces agences, mais aussi de s’interroger sur les relations entre les différentes structures. En effet, de nombreux thèmes – nanotechnologies, perturbateurs endocriniens, doses faibles mais répétées de produits toxiques – touchent à la fois à l’environnement et au domaine sanitaire.
Par ailleurs, madame la rapporteure, avez-vous interrogé des directeurs d’agences régionales de santé sur leur idée du lien pouvant exister entre le rôle de l’Anses et leurs nouvelles missions en matière de santé publique ?
M. Pierre Morange. La MECSS n’a pas de temps disponible pour aborder le sujet stratégique de la réorganisation des agences sanitaires, mais une mission d’information n’en est pas moins nécessaire. Plutôt qu’un comité de pilotage composé de hauts fonctionnaires, – fussent-ils de haute volée –, les représentants du peuple ont toute légitimité pour réfléchir à un tel sujet.
M. Michel Issindou. Une fusion est souvent l’occasion de réduire les effectifs, comme on l’a vu dans le domaine du travail et de l’emploi. Nous serons donc vigilants. Toutefois, regrouper des organismes et les faire travailler ensemble constituent de bons principes, dès lors que cela ne cache pas de mauvaises intentions.
Les travaux de l’Anses seront très attendus. Nos concitoyens s’interrogent beaucoup par exemple sur les nanotechnologies, qui peuvent apporter le pire comme le meilleur, ou sur la téléphonie mobile, dont on ne sait toujours pas si elle est ou non dangereuse. En l’absence de certitudes, il est difficile de convaincre, d’où l’importance des experts indépendants. Mais de tels experts existent-ils, sachant qu’ils sont très souvent liés à des industriels ? Nous espérons que la nouvelle agence sera irréprochable à cet égard.
Quoi qu’il en soit, il conviendra de donner à cette nouvelle structure les moyens de fonctionner correctement.
M. Jean Mallot. Il y a, en effet, de quoi s’interroger sur cette nébuleuse d’agences et d’organismes plus ou moins indépendants qui gravitent notamment dans le domaine de la santé. Le travail sur les autorités administratives indépendantes, effectué au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques par René Dosière et Christian Vanneste, pourra servir cette réflexion. Leur approche s’articule autour de trois axes : le périmètre et les compétences de ces organismes ; la gestion budgétaire et les moyens dont ils disposent – ce qui pose le problème de la pérennité de leur financement et de leur indépendance à l’égard de l’industrie – ; et la question de leur autonomie et des rapports qu’ils entretiennent avec le Parlement. Je suis d’accord avec l’idée de prolonger ce travail en créant une mission d’information sur les très nombreuses agences qui relèvent de la compétence de la Commission des affaires sociales.
Une difficulté provient du fait que la révision générale des politiques publiques a été abordée jusqu’à présent de manière inappropriée. Plutôt que de réduire de manière aveugle les moyens des administrations, on aurait mieux fait de se poser la question de leur articulation et de leur rationalisation, et de leur donner les moyens nécessaires pour qu’elles produisent un service public de qualité.
Enfin, le rapport aborde la question de la dotation attribuée à l’EPRUS. Les auditions auxquelles vous avez procédé, madame la rapporteure, vous donnent-elles le sentiment que le Gouvernement va tirer les leçons du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la pandémie de grippe A (H1N1) ?
M. Jean-Luc Préel. Avec des dépenses de santé atteignant 200 milliards d’euros, et un ONDAM à 150 milliards d’euros, il paraît surréaliste de discuter du 1,2 milliard de la mission « Santé ». Ne serait-il pas souhaitable d’organiser chaque année une discussion sur la santé dans le pays ? En effet, la loi de financement de la sécurité sociale concerne essentiellement des problèmes financiers, et le reste de l’année, la Commission n’a pas de temps à consacrer à un tel débat.
De nombreuses agences interviennent dans le domaine de la santé, sans que l’on ait une vision claire de leur degré d’autonomie ou de leur financement, lequel ne vient qu’en partie du budget de la santé. Il conviendrait de fédérer toutes ces agences, ce qui reviendrait à recréer un ministère de la santé…
Jacqueline Fraysse a eu raison d’insister sur la prévention et l’éducation en matière de santé, un domaine dans lequel notre pays n’est pas très bon. Quel est le rôle joué par l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ? Quelle est son autonomie de décision ? Est-il judicieux que la prévention soit gérée au niveau national ? Ne serait-il pas plus efficace de soutenir les associations qui interviennent sur le terrain ?
Les agences régionales de santé devraient permettre d’assurer une meilleure coordination des politiques. Mais pour fonctionner correctement, elles ont besoin des observatoires régionaux de santé. De quelle ligne budgétaire relèvent-ils ?
M. le président Pierre Méhaignerie. Il convient de rappeler que notre pays, trop souvent porté sur le pessimisme, a battu tous les records européens en matière d’espérance de vie, tant pour les hommes que pour les femmes.
M. Christian Hutin. Si les compétences des deux agences désormais fusionnées se recoupaient en partie, leur mode de fonctionnement était différent. L’une était novatrice, voire iconoclaste, et plus indépendante ; l’autre était plus traditionaliste, plus colbertiste, voire « parquetisée ». Quelle orientation prendra la nouvelle agence, sachant qu’une attitude innovante s’avère particulièrement intéressante dans les domaines de la santé et de la prévention ?
De même, le mode de fonctionnement des deux anciennes agences était différent. L’une travaillait avec ses propres laboratoires, tandis que l’autre externalisait une grande partie de ses expertises. Elle faisait travailler de nombreuses associations – comme les associations de surveillance de la qualité de l’air agréées par l’État – dont certaines sont dotées de laboratoires, mais aussi des entreprises à but lucratif ou des universités. Des budgets, des emplois dépendaient donc des appels d’offres liés à ces agences. Qu’en sera-t-il demain ?
Mme Catherine Génisson. Je regrette la diminution des crédits consacrés à la prévention : les accidents du travail, les maladies infectieuses ont un coût humain inacceptable, mais aussi un coût économique conséquent.
Il serait, en effet, utile de créer une mission parlementaire afin de répondre à l’empilement des différentes agences sanitaires. Cela permettrait également de s’interroger sur leur autonomie, sur leurs autorités de tutelle ou sur les relations de ces agences avec les décideurs politiques, notamment avec le Parlement. C’est un sujet hautement politique, qui concerne les agences compétentes en matière de santé, mais aussi plus généralement toutes les autorités indépendantes.
M. Simon Renucci. En matière de prévention et de sécurité sanitaire, il faut tendre vers la simplification – ce qui implique une tutelle unique – et vers une meilleure réactivité des acteurs. On peut dire avec Sénèque qu’il n’y a pas de vent favorable si l’on ne connaît pas le port que l’on veut atteindre : les objectifs sont nombreux, mais parfois ils sont mal identifiés.
Tout le monde pratique la prévention sans se préoccuper de ce que fait le voisin. Il en résulte une confusion des messages, même lorsque l’intention est bonne et l’action bien financée.
Les agences régionales de santé ont la possibilité de « coproduire » les actions menées dans le cadre des contrats locaux de santé. Mais selon l’agence régionale de Corse, l’objectif de ces contrats est uniquement de favoriser l’accès aux soins. Cela traduit bien la pluralité de ces actions et leur difficulté.
Il convient de souligner l’intérêt majeur des collectivités – villes ou départements – à élaborer des contrats locaux. Dans ce domaine, les fonctionnaires territoriaux jouent un rôle extrêmement important. Or, ces personnes ne sont pas reconnues ni guidées. D’une manière générale, sur la plupart des sujets, on a tendance à renvoyer à loi suivante, au risque de passer à côté des attentes des patients et des citoyens.
M. Gérard Bapt. Au sujet du papillomavirus, il faut rappeler que la vaccination ne protège pas contre tous les types de virus. Dès lors, la communication effectuée très rapidement par les deux laboratoires concernés – qui ont en quelque sorte brûlé la politesse à la HAS – a eu un effet négatif : les jeunes filles sont désormais persuadées que le fait d’être vaccinées les dispense du dépistage. C’est un exemple d’effet pervers induit par une opération de santé publique se présentant comme un progrès.
S’agissant de l’Anses, j’avais fait partie des parlementaires ayant donné l’alerte sur les problèmes posés par la fusion entre une agence spécialisée dans la santé environnementale et au travail et une agence chargée de la sécurité alimentaire. À cet égard, il est heureux que le ministère de l’agriculture – notamment la direction générale de l’alimentation – ne soit pas la seule autorité de tutelle, mais que le ministère de la santé soit également compétent sur ces sujets.
Je note que le conseil d’administration de la nouvelle agence comprend des élus locaux, mais aucun parlementaire. Je trouve cela anormal. Dans ce domaine, un conseiller général ou un maire peut-il être jugé plus qualifié qu’un parlementaire ayant contribué à l’élaboration de la loi dite « HPST » et qui a suivi la mise en place de l’Anses ?
Enfin, s’agissant des agences compétentes en matière de santé, le problème fondamental est celui de l’autonomie. S’agit-il d’une agence de moyens ou d’une agence de gestion ? Dans le dernier cas, elle doit être indépendante. L’AFSSAPS en est un exemple, qui doit son statut à des règles de procédure européennes. Quoi qu’il en soit, l’horizon ultime du regroupement des agences est la création d’une véritable agence nationale de santé, comme il en existe dans certains pays, notamment nordiques.
Mme Bérengère Poletti. Dans le cadre du plan national santé environnement, le Gouvernement a pris un nombre important de mesures et prévu des budgets conséquents, notamment dans le domaine de la recherche sur les nouveaux risques auxquels est exposée la santé de nos concitoyens. Pour la première fois, ce plan est suivi par un groupe, le groupe santé environnement, que j’ai l’honneur de présider et dont fait également partie Gérard Bapt. Nous travaillons notamment sur les perturbateurs endocriniens, les inégalités environnementales, les risques émergents, etc.
Le programme national fait l’objet d’une déclinaison dans chaque région, qui entraîne l’examen de problématiques spécifiques. L’état d’avancement des travaux est variable d’une région à l’autre.
D’une manière générale, la recherche joue un rôle essentiel en matière de prévention. Je remercie donc Jacqueline Fraysse d’avoir présenté un rapport sur ce sujet essentiel. De son côté, la MECSS s’apprête à conduire une mission sur les problématiques de prévention active.
Mme Catherine Lemorton. Nous avions déposé la semaine dernière un amendement imposant à tout site Internet consacré à la santé de faire figurer des hyperliens vers les sites institutionnels. Il a été déclaré irrecevable pour une raison que j’ignore. Je ne pense pas que son application aurait coûté cher à l’État, mais peut-être a-t-il été considéré comme un cavalier social. Quoi qu’il en soit, je regrette cette décision. Gérard Bapt a évoqué la mauvaise communication auxquelles sont exposées les jeunes filles au sujet du papillomavirus. Or ce sont les sites « électrons libres » visés par l’amendement, comme doctissimo.fr, qui en sont responsables. Un débat en séance publique sur ces sites placés hors de tout contrôle aurait donc été utile : en effet, une jeune fille de 14 ou 15 ans ira plus volontiers consulter le site doctissimo que celui de la Haute autorité de santé !
Mme la rapporteure pour avis. Certains se sont demandés si les travaux de l’AFSSET pourraient conserver leur originalité après sa fusion avec une agence beaucoup plus volumineuse et qui, de surcroît, n’avait pas les mêmes traditions. Il nous a été répondu que tout le nouvel ensemble bénéficierait de ces méthodes innovantes, dont l’utilité a été unanimement reconnue. Ainsi, non seulement les ateliers associatifs autrefois organisés par l’AFSSET ont toujours lieu, mais en plus, ils font salle comble. Je suis donc optimiste sur ce point.
Par ailleurs, l’AFSSA disposait de ses propres laboratoires, tandis que l’AFSSET faisait appel à des prestataires extérieurs. Chacune des deux méthodes ayant ses avantages et ses inconvénients, il nous a été assuré qu’elles seraient toutes deux conservées.
Un point très important est le problème posé par les multiples tutelles. Placer la nouvelle agence sous l’autorité du Premier ministre, solution proposée par certains, n’est pas une solution satisfaisante : elle serait sous la tutelle de tout le monde, donc de personne… Si l’on s’intéresse aux contributions financières des différents ministères, celles-ci sont d’une ampleur très variable : la direction générale de l’alimentation apporte 68 % des financements, la direction générale de la santé, 13,9 %, la direction générale du travail, 9,3 %, et la direction de la prévention des risques, 8,8 %. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille confier la tutelle principale au plus gros contributeur. La direction générale de la santé a un caractère plus transversal, et on peut voir un signe dans le fait que le premier conseil d’administration de l’agence s’est réuni sous son autorité, dans l’attente de la nomination du président. Mais, si le président de ce conseil n’est pas encore nommé, c’est peut-être justement parce que les différents organismes de tutelle ont du mal à trouver un accord. Par ailleurs, l’Anses est un outil auquel les ministères du travail et de l’environnement doivent pouvoir recourir : il est donc légitime qu’ils aient leur mot à dire. Le sujet est compliqué et il faut espérer que les réunions du comité de coordination des tutelles permettront de surmonter toutes les divergences.
En ce qui concerne la dotation de l’EPRUS, je ne sais pas, monsieur Mallot, si le Gouvernement a tiré les leçons de la commission d’enquête, mais un nouveau plan de lutte contre la pandémie grippale est annoncé.
Paul Jeanneteau s’est demandé s’il était possible de réduire les effectifs sans porter atteinte à la qualité du travail effectué par l’Anses. Nous avons beaucoup travaillé sur cette question dans la mesure où une réduction du personnel est d’ores et déjà programmée. D’un autre côté, tout le monde nous a dit que l’objectif d’une fusion des agences n’était pas de réaliser des économies, mais d’en améliorer l’efficacité. En outre, on nous a assuré qu’il n’existait pas de doublons, sauf dans les fonctions support – ressources humaines, etc. Mais même dans ces services, les économies envisageables sont très limitées, de l’ordre de deux ou trois postes. Bien entendu, il n’existe qu’un seul directeur, mais pour le reste, les économies d’échelle sont limitées, parce que le périmètre de la nouvelle agence est très étendu.
Par ailleurs, je trouverais également légitime et utile de prévoir la présence d’au moins un parlementaire au conseil d’administration de l’Anses.
Malgré nos divergences, monsieur Préel, je partage avec vous l’idée que la prévention est très importante. Mais, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur les observatoires régionaux de santé. Cela étant, une prévention décentralisée me paraît indispensable.
Article 48
État B
Mission « Santé »
La Commission est saisie de l’amendement AS 2 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. L’amendement propose une nouvelle répartition des crédits de façon à financer une campagne d’information en faveur du vaccin contre le papillomavirus humain.
Mme la rapporteure pour avis. La réduction des crédits consacrés aux actions de prévention – notamment contre les maladies infectieuses – est une réalité. Dès lors, je comprends votre souci de prélever sur une autre action du programme les crédits nécessaires. Mais cette enveloppe est fongible, et le Gouvernement peut donc les réorienter à tout moment. L’amendement risque donc de rester un vœu pieux. Cette faculté donnée au Gouvernement pose d’ailleurs question dans la mesure où elle conduit à limiter les choix des parlementaires.
Mme Michèle Delaunay. J’avais fait la même analyse et je retire donc l’amendement. Quoi que nous puissions dire, le Gouvernement agira selon ses options : je le regrette.
L’amendement est retiré.
Mme la rapporteure pour avis. À titre personnel, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits proposés pour la partie « Prévention et sécurité sanitaire », car il m’est impossible de cautionner une réduction des financements dans un domaine aussi important pour la santé de nos concitoyens.
M. le président Pierre Méhaignerie. Je rappelle que l’Anses est aujourd’hui la plus grande agence de sécurité sanitaire en Europe et que ses équipes sont nombreuses. L’important n’est pas d’augmenter ses effectifs – c’est la solution de facilité, dans ce pays – mais d’améliorer l’efficacité de son travail.
Par ailleurs, il conviendra de transmettre au Gouvernement les deux suggestions de Jacqueline Fraysse : prendre garde à la multiplicité des tutelles et veiller aux priorités dégagées par les membres de la Commission.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 2011 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé ».
La Commission procède ensuite à l’examen pour avis, sur le rapport de M. Rémi Delatte, des crédits du programme « Santé et système de soins » de la mission « Santé ».
M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis pour la santé et le système de soins. Chargé par notre commission de l’avis budgétaire « Santé et système de soins », je présenterai rapidement mon analyse des crédits pour faire part ensuite de quelques réflexions sur le thème de la régulation de la démographie médicale, qui est un enjeu essentiel de la politique d’offre de soins.
Mon analyse des crédits a été rendue délicate en raison d’un remaniement assez important de l’architecture interne de la mission « Santé ». J’ai ainsi étudié d’une part, les moyens consacrés au système de santé (agences régionales de santé et crédits dédiés à la modernisation de l’offre de soins) au sein du programme 204, d’autre part, les crédits du programme 183 « Protection maladie ».
J’ai constaté avec satisfaction que les crédits d’intervention dédiés aux agences régionales de santé étaient en progression, à 310,7 millions d’euros, afin de leur permettre d’exercer correctement leurs missions pour leur premier exercice en année pleine.
Les moyens consacrés à la modernisation de l’offre de soins ont également été confortés, avec en particulier un très net effort de plus de 115 millions d’euros, soit une progression de 21 %, en faveur du financement des stages des étudiants en médecine. C’est très positif car, en sensibilisant les étudiants à l’exercice libéral et à la médecine générale, ces stages constituent un des leviers de la régulation de la démographie médicale.
Les dotations du programme « Protection maladie » sont en nette progression, d’environ 9 %, et atteignent 638 millions d’euros. Cela traduit, dans le contexte budgétaire actuel, un effort non négligeable de solidarité nationale envers les plus défavorisés. Il n’est pas prévu de dotation en faveur de l’accès à la protection maladie complémentaire car le fonds CMU devrait être, comme l’année dernière, en excédent. En revanche, les crédits consacrés à l’aide médicale d’État (AME) augmentent de près de 10 %, à 588 millions d’euros, afin de répondre à la forte hausse des dépenses. À cet égard, une réflexion est en cours pour concilier, de manière équilibrée, la pérennité financière du dispositif et les exigences de santé publique, sans remettre en cause la dimension humanitaire de notre pays. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons l’amendement que Dominique Tian a déposé à ce sujet. Enfin, les dotations prévues pour le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) sont reconduites, à hauteur de 50 millions d’euros.
Au final, les crédits que j’avais à examiner sont soit reconduits, soit en progression, ce qui constitue, compte tenu du contexte, un effort à saluer. C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à leur adoption.
J’en viens à la régulation de la démographie médicale. S’il a déjà donné lieu à de nombreux rapports, de grande qualité, en particulier de notre collègue Marc Bernier, le sujet reste malheureusement toujours d’actualité.
Tout le monde connaît le constat démographique. Premièrement, un vieillissement du corps médical et sa féminisation ; deuxièmement, des disparités territoriales importantes sont observées non seulement entre régions, mais aussi à l’échelle infrarégionale ; troisièmement, des spécialités en voie de désaffection, en particulier l’anesthésie-réanimation, la gynécologie obstétrique et la chirurgie, tandis que la médecine de premier recours attire de moins en moins d’étudiants. Enfin, l’exercice solitaire et en libéral semble désormais très peu plébiscité, tandis que la pratique regroupée, le salariat et le remplacement progressent fortement.
Le problème n’est donc pas le nombre total de médecins, mais leur répartition par rapport aux besoins en santé de la population. Les pouvoirs publics ont tenté d’y remédier, tout d’abord en veillant à mieux adapter la formation initiale à ces besoins, par le biais de trois leviers : le stage en cabinet généraliste pour les étudiants de deuxième cycle ; la régulation de l’internat en accroissant le nombre de postes prévus pour la médecine générale et les régions sous-dotées, afin de fidéliser les étudiants à certains territoires ; la mise en œuvre, pour la première fois en 2010-2011, du contrat d’engagement de service public.
La volonté de rééquilibrage s’est aussi traduite par des mesures à destination des médecins, pour les inciter à s’installer ou à se maintenir en zones sous-dotées. Dans la pratique, des aides foisonnantes ont été instituées, émanant de 1’Etat, de l’assurance maladie ou des collectivités territoriales. Elles sont mal connues des professionnels et ne sont pas toujours pertinentes. Des mesures plus coercitives ont également été instaurées, comme le contrat santé solidarité, mais dont on a vu le peu de succès.
Parmi les pistes d’avenir, j’ai d’abord retenu la nécessité d’adapter plus encore la formation médicale aux besoins des territoires. Il me paraît indispensable de favoriser l’immersion en milieu libéral pendant les études, afin de préparer les futurs médecins à ce mode d’exercice qu’ils connaissent très mal, leur formation se déroulant essentiellement en centre hospitalier universitaire (CHU). Pour cela, il faut, d’une part, poursuivre le développement de terrains de stage en médecine générale en deuxième cycle – aujourd’hui insuffisants malgré les efforts consentis –, d’autre part, envisager des postes d’internes ou de post-internat dans le secteur privé, avec obligation pour celui-ci de former sérieusement les étudiants pour éviter de créer un effet d’aubaine.
Il semble également indispensable de réguler la pratique quasi généralisée du post-internat. Très prisé des jeunes diplômés car il leur permet d’acquérir une expérience complémentaire avant d’exercer de manière autonome, il met néanmoins à mal les efforts consentis en amont pour mieux répartir les étudiants sur le territoire et conduit à une hyperspécialisation qui ne répond pas toujours à des besoins de santé. Un pilotage régional du post-internat peut être envisagé, mais c’est surtout le développement de l’exercice autonome au cours des études qui doit être recherché. Plusieurs voies sont possibles : instituer une année de « seniorisation » en fin de cursus d’internat, favoriser les remplacements de médecins par les internes, ou encore développer le système des assistants partagés entre CHU et centres hospitaliers périphériques, ce qui permettrait en outre de rééquilibrer l’offre de soins sur le territoire.
Il semble enfin nécessaire de promouvoir l’installation et certains modes d’exercice. L’institution d’un guichet unique de l’installation, qui pourrait être porté par les agences régionales de santé, reçoit un accueil favorable des professionnels concernés. L’exercice regroupé, qui paraît très apprécié des jeunes médecins, mérite d’être encouragé ; le rapport de Mme Élisabeth Hubert devrait, sur ce point, comporter des propositions intéressantes. L’exercice sur plusieurs sites, avec en particulier les consultations avancées et les cabinets secondaires, devrait lui aussi être promu, dès lors qu’il est organisé sur la base du volontariat. Les personnes que j’ai auditionnées ont aussi souvent évoqué la coopération entre professionnels de santé, c’est-à-dire la possibilité de déléguer certains actes. C’est une solution intéressante pour pallier des insuffisances dans l’offre médicale, mais elle ne peut, à elle seule, résoudre ce problème dans les zones où l’ensemble des professions de santé est sous-représenté. Il a aussi été suggéré de limiter dans le temps les possibilités de remplacement professionnel pour inciter à l’installation. Cela est séduisant, mais une raréfaction trop importante du nombre de remplaçants doit être évitée car les praticiens en exercice en pâtiraient, notamment dans les zones sous-dotées.
Enfin, de nombreux interlocuteurs ont expliqué le faible attrait pour l’exercice libéral de la médecine de premier recours par la rémunération à l’acte et ses supposés effets pervers : elle pousserait les médecins à multiplier les actes pour assurer leur situation financière et n’inciterait donc pas aux coopérations, elle conduirait aussi à dévaloriser l’acte intellectuel au profit de l’acte technique. À l’issue des auditions que j’ai menées, j’ai le sentiment que l’idée d’un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, progresse au sein de la communauté médicale. C’est évidemment une question lourde d’enjeux financiers. En tout état de cause, si de nouveaux modes de rémunération devaient être envisagés, c’est la négociation conventionnelle qui devrait en déterminer les contours.
J’ai ainsi récapitulé tous les points qui ont retenu mon attention sur l’enjeu de la régulation de la démographie médicale. C’est un sujet complexe, auquel nous sommes tous sensibles, et qui selon moi ne pourra être traité que dans la concertation avec les professionnels de santé pour parvenir enfin à une offre de soins équilibrée.
M. Élie Aboud. Je ne parlerai pas des disparités territoriales, évoquées à plusieurs reprises. Simplement, nous paierons un jour notre manque de courage politique.
S’agissant de l’hôpital public et privé, j’avais évoqué un problème de démographie médicale qualitative et fait un rapport à Mme la ministre sur le nouveau statut de clinicien hospitalier, dont on attend toujours les décrets d’application. Je regrette que les agences régionales de santé n’aient pas pris la mesure des enjeux car, il y a dix ans, un jeune interne ou un jeune chef de clinique payait des droits d’installation. Les chasseurs de tête qui viennent les démarcher, et leur versent aujourd’hui de l’argent, seront au chômage dans dix ans…
Plusieurs d’entre nous ont été à l’origine d’un amendement sur la télémédecine, désormais inscrite dans la loi dite « HPST ». Or aujourd’hui, cet amendement est réduit à un enjeu entre internautes, alors que les agences régionales de santé devraient prendre conscience que cette loi peut favoriser des échanges entre centres hospitaliers périphériques et centres académiques, entre système privé et système public, ainsi que des consultations pour des pathologies chroniques connues.
Mme Marisol Touraine. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et pour sa volonté de mettre à plat l’ensemble des difficultés relatives à l’accès aux soins.
Pour autant, nous avons le sentiment d’une politique très timide en matière de démographie médicale et de répartition des professionnels de santé sur le territoire. Les choses n’ont pas évolué, le peu de réponses que contenait la loi dite « HPST » ayant été vidées de leur substance à la suite de la décision de la ministre de ne pas publier certains décrets. Autant les agences régionales de santé ont le sentiment de disposer des leviers pour travailler à la politique hospitalière, au regroupement des hôpitaux ou au développement de structures hospitalières, et d’apporter une valeur ajoutée en matière d’action médico-sociale, autant elles se sentent très démunies face au refus de certains professionnels d’envisager des modes d’organisation différents et de s’orienter vers la permanence des soins. Ainsi, la question de l’engagement par la loi va à nouveau être posée.
Aucun médecin n’ira s’installer en zone rurale ou en zone urbaine sensible s’il n’a pas eu l’occasion de faire au cours de ses études un stage dans de telles circonstances. Mais il ne faut pas en attendre de miracle. De la même manière, ce n’est pas parce que le numerus clausus aura évolué que les étudiants en médecine ne préféreront pas s’installer dans le centre de la ville principale d’une région, plutôt qu’à cinquante kilomètres en zone rurale. Dans ma propre région, les étudiants en médecine qui sortent du CHU sont peu nombreux à choisir la spécialité de généraliste et préfèrent s’installer dans le centre ville de Tours.
Par conséquent, il est temps de réfléchir de façon beaucoup plus déterminée à de nouvelles pratiques médicales, à travers l’exercice regroupé et la transformation des modes de rémunération des professionnels de santé, mais aussi à l’installation des professionnels dans certains secteurs. À cet égard, monsieur le rapporteur, je pense que la loi aura son mot à dire.
La question de l’accès aux soins dans notre pays ne se limite pas aux personnes les plus modestes ou aux ménages les plus en difficulté, elle concerne également les classes moyennes, à travers les dépassements d’honoraires. Les affirmations laissant entrevoir un changement de politique s’agissant des étrangers qui peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État dans notre pays sont préoccupantes et certaines présentations de parcours de fraude très désagréables. D’après les données du ministère, l’AME représente en moyenne 1 808 euros par personne, soit guère plus que les 1 768 euros de dépenses pour un assuré du régime général. Par ailleurs, ses bénéficiaires recourent principalement à des soins hospitaliers et aux soins de ville dans des proportions beaucoup moins importantes que le reste de la population. En outre, l’augmentation du nombre de bénéficiaires s’explique par le fait qu’un certain nombre de ressortissants étrangers européens, comme les Bulgares et les Roumains, bénéficient de ce dispositif au même titre que les étrangers non européens.
Nous sommes donc résolument opposés à l’instauration d’un ticket modérateur de 30 euros pour l’accès à l’aide médicale d’État, dont le bénéfice est subordonné, je le rappelle, à un revenu inférieur à 634 euros par mois. Nous sommes également défavorables à une entrée dans le dispositif pour trois mois renouvelables. Il est étonnant que ceux qui n’ont de cesse de dénoncer la bureaucratie excessive de nos dispositifs veuillent instituer un véritable parcours du combattant, qui aboutira non seulement à la sortie du système de soins de certains des habitants de notre pays – mais c’est peut-être l’objectif recherché par certains d’entre vous… –, mais aussi au développement de pathologies, qui devront évidemment faire l’objet de traitements beaucoup plus coûteux.
L’exposé des motifs de l’amendement de Dominique Tian dépassant l’entendement, nous voterons contre tout ce qui aboutira à restreindre l’accès aux soins d’une partie de la population, en nous appuyant sur les éléments figurant dans le rapport de la mission ministérielle « Santé » qui nous a été remis.
M. Jean-Luc Préel. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour votre excellent rapport, mais aussi pour son choix d’un thème très intéressant qui lui a permis de nous exposer des ouvertures en termes de stages et de modes de rémunération.
Que pensez-vous de la première année de licence santé, récemment mise en place, du problème des places dans les amphithéâtres et du télé-enseignement ? Une meilleure orientation des étudiants au début des études n’est-elle pas nécessaire ?
Qu’en est-il de la mise en œuvre du numerus clausus régional par spécialité, prévu dans la loi dite « HPST »? S’appuiera-t-il sur les études de l’Observatoire de la démographie des professions de santé ou des observatoires régionaux de santé, dans la mesure où il est nécessaire de connaître le nombre de professionnels de santé dont nous aurons besoin dans les dix prochaines années ?
Le stage de chaque étudiant auprès d’un médecin généraliste, qui a pris un grand retard, devrait être obligatoire à la fois en médecine rurale et en médecine urbaine, ce qui pose le problème de la motivation des maîtres de stage.
S’agissant de la mise en place de la filière généraliste, où en sont les nominations des chefs de clinique et des professeurs ?
Enfin, où en est-on du développement professionnel continu, qui devrait être obligatoire, financé et évalué ?
Mme Jacqueline Fraysse. Ce rapport est intéressant dans la mesure où il nous invite à réfléchir à un vrai problème, qui a fait couler beaucoup d’encre mais n’a pas été résolu.
Le nombre total de médecins est aussi un problème, monsieur le rapporteur, car la médecine a beaucoup progressé et il est nécessaire d’avoir à la fois des médecins très formés dans des spécialités pointues et des médecins qui peuvent travailler dans tous les domaines, avec des coopérations entre les deux. De ce point de vue, je pense que le numerus clausus a fait l’objet d’une très mauvaise évaluation ; s’il est certes augmenté aujourd’hui, le rythme n’est pas suffisant.
Je rejoins les préoccupations exprimées par Jean-Luc Préel : il faut accroître l’attrait pour la médecine générale. Or, la nomination des professeurs de la filière de l’enseignement de la médecine générale accuse un retard énorme, alors que cette spécialité nécessite une formation très poussée. Le Gouvernement doit consentir un effort prioritaire pour nommer des enseignants et développer les stages sur le terrain.
Je suis plus prudente sur la formation des internes dans le privé, ce secteur ayant plutôt une priorité lucrative que d’encadrement et de formation des médecins. En outre, former des médecins dans le secteur public lui permet de recruter davantage.
Il est vrai que les médecins souhaitent un exercice regroupé, pourquoi pas sur plusieurs sites ?
En outre, la modification du mode de rémunération est essentielle, d’une part pour éviter les effets pervers du paiement à l’acte – la multiplication des actes –, d’autre part pour prendre en compte la santé publique, la prévention et la continuité des soins, activités qui ne doivent pas être rémunérées à l’acte, mais dans un cadre contractualisé.
Afin de lutter contre la désertification, il convient de veiller au maillage hospitalier. En effet, la fermeture des structures hospitalières accentue la désertification, les médecins refusant de s’installer dans des zones dépourvues de structures pouvant accueillir leurs patients en vue d’examens plus pointus. Cette question renvoie à l’aménagement du territoire.
Je reviendrai ultérieurement sur l’amendement de Dominique Tian, que je trouve choquant.
M. Patrick Lebreton. Mon attention s’est davantage portée sur la deuxième partie du rapport, qui concerne à la fois la démographie médicale et l’offre de soins équilibrée, notamment la nécessité d’adapter la formation médicale aux besoins de santé de la population.
La population de la Réunion et de Mayotte permet aujourd’hui l’implantation à la Réunion d’un CHU, qui pourrait être une plateforme de la médecine française, dans une région où la France a historiquement et stratégiquement des intérêts, mais aussi un laboratoire intéressant, aux portes de l’Afrique, pour les maladies tropicales. Mme Bachelot a fait à ce propos une annonce à la Réunion il y a presque deux ans, mais cette création se fait attendre.
Monsieur le rapporteur, une telle implantation ne rejoindrait-elle pas vos recommandations, notamment celle d’une plus grande efficience de notre système de santé et d’offres de soins ?
Mme Catherine Lemorton. La « coopération entre professionnels de santé » est l’expression soft inscrite dans la loi dite « HPST », mais l’excellent rapport de juillet 2010 de notre collègue Jacques Domergue sur la formation des auxiliaires médicaux montre que les professions sont très cloisonnées.
Je regrette que notre rapporteur n’évoque que la seule coopération entre médecins et infirmières, d’autres professions étant prêtes à travailler ensemble. La coopération est-elle le transfert de compétence ou la délégation de tâches ? Il faudra s’entendre sur les termes pour ne froisser aucune profession, d’autant que cette coopération n’est pas aisée.
La subordination de la prise en charge des médicaments pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État à l’acceptation des médicaments génériques est une mesure très discriminatoire. Si elles n’acceptent pas les génériques, les personnes en situation régulière sont obligées d’avancer le prix des médicaments. Les personnes en situation irrégulière, elles, subiront une double peine car outre qu’elles n’ont pas les moyens d’avancer l’argent, elles risquent de ne pas comprendre les explications du pharmacien et de ne pas prendre les médicaments, voire d’opérer une confusion et de subir un accident iatrogénique.
Mme Valérie Boyer et M. Dominique Tian. Soyez sérieuse !
Mme Catherine Lemorton. J’ai été pharmacienne, moi je sais de quoi je parle !
Quant à l’amendement de Dominique Tian, je n’en parlerai pas, ce serait lui faire trop d’honneur !
M. Michel Heinrich. S’agissant de la démographie en médecine générale, les aides foisonnantes ne sont pas très efficaces, monsieur le rapporteur. Tant que des mesures plus coercitives ne seront pas prises, on aura du mal à progresser, d’autant que le problème n’est pas celui des ressources, les médecins exerçant dans des zones peu denses étant plutôt débordés de travail.
Il me semble que la loi dite « HPST » a prévu l’installation dans des zones peu denses d’étudiants en médecine à qui ont été attribuées des bourses. Ce dispositif a-t-il été mis en place et combien d’étudiants ont souscrit à cet engagement ?
M. Michel Issindou. Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Peut-il nous indiquer le pourcentage d’augmentation des crédits destinés aux agences régionales de santé ?
La formation des étudiants est une très bonne chose. D’autres thèmes appellent de notre part une grande vigilance : l’AME, bien sûr, mesure humanitaire et médicale importante, mais aussi les crédits relatifs à l’amiante, pour lesquels les choses semblent traîner.
La permanence des soins sur le territoire reste un enjeu majeur. Nous en avons beaucoup débattu lors de l’examen de la loi dite « HPST », mais force est de constater que la bonne solution n’a pas été trouvée. La médecine générale connaît un vrai problème d’implantation dans tous les milieux, car elle est contraignante et mal payée à l’acte. La commune dont je suis maire, à cinq kilomètres du centre de Grenoble, est passée de dix médecins il y a cinq ans à sept aujourd’hui et personne ne vient s’y installer. D’autres mesures incitatives semblant difficiles à trouver, ne faudra-t-il pas en arriver à contraindre des médecins libéraux à venir s’installer dans certaines zones pour assurer la permanence des soins ?
M. Jean-Pierre Door. Monsieur le rapporteur, merci pour votre rapport très intéressant.
Dans votre panel de propositions destinées à résoudre les problèmes de la démographie médicale, particulièrement dramatique en Picardie et en région Centre, je retiens surtout le guichet unique. En effet, si un grand nombre d’aides départementales et régionales existent, nous n’en disposons pas d’une évaluation exacte, d’autant que j’ai constaté le peu de résultats sur le terrain.
Vous l’avez dit, beaucoup d’étudiants sortant de la faculté deviennent des remplaçants professionnels. Je suis persuadé qu’il faut limiter la durée de remplacement de ces médecins.
Destiné aux jeunes, le contrat d’engagement de service public avec allocation mensuelle est très intéressant. Les agences régionales de santé devront le valoriser et mettre en avant cette allocation.
En matière de rémunérations, les généralistes seront considérés comme des spécialistes au 1er janvier, date à laquelle le C vaudra le CS, conformément au choix du Président de la République. En outre, les conventions devront s’intéresser aux demandes de rémunérations au forfait formulées par les représentants des professionnels de santé dans le domaine des affections de longue durée (ALD) et des maladies chroniques.
Enfin, les deux ministres concernés devront nous répondre sur l’insuffisance de maîtres de conférence et de personnels enseignants dans la filière de médecine générale, sachant que le Parlement a voté à l’unanimité en 2008 la loi relative aux personnels enseignants de médecine générale.
M. Guy Lefrand. Monsieur le rapporteur, quelle est l’efficacité des moyens engagés par l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) ?
Les crédits affectés par l’État pour l’amiante sont stables, à 50 millions d’euros, et ceux de la branche accidents du travail – maladies professionnelles progressent, mais seront-ils suffisants pour assurer le financement de l’augmentation du nombre de dossiers attendus par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ?
L’institution d’une participation financière sera-t-elle de nature à juguler la fraude en matière d’AME ?
S’agissant de la démographie médicale, reste la question du statut libéral et de la rémunération du médecin généraliste. Le problème n’étant pas réglé en dépit d’un grand nombre d’outils prévus tant par la loi dite « HPST » que par différentes lois de financement de la sécurité sociale, il faudra s’interroger sur l’opportunité de modes d’exercice alternatifs et multiples. Nous nous réjouissons de la publication des décrets relatifs à la télémédecine et nous espérons que l’assurance maladie jouera le jeu.
Enfin, certains se sont inquiétés du financement par l’argent public de la formation des médecins et des maisons pluridisciplinaires. Est-il licite que l’argent public finance un mode d’exercice privé ? Dans quelle mesure ces financements de maisons de santé pluridisciplinaires pourraient-ils être assortis d’un travail de prévention, voire d’éducation thérapeutique ?
M. Claude Leteurtre. En matière de formation médicale continue, ne sont pas proposés des stages pour les assistants spécialistes régionaux dans le cadre du post-internat, alors qu’ils sont la solution pour résoudre le problème des spécialités dans les régions les plus défavorisées, sachant que beaucoup de difficultés se posent pour obtenir des financements, toujours dérogatoires, qui doivent être demandés aux conseils régionaux. La ministre devrait nous apporter une réponse sur ce sujet.
En Basse-Normandie, des pôles de santé libéraux et ambulatoires ont été installés. Or, ils sont éligibles à la TVA à 19,6 %, ce qui pose de vraies difficultés aux médecins. Le ministère devrait trouver un accord avec Bercy pour éviter un effet dissuasif.
Enfin, je remercie le rapporteur d’avoir eu l’honnêteté d’aborder le problème des installations médicales, car il est clair qu’il ne sera pas résolu sans l’instauration d’obligations.
M. Michel Liebgott. Monsieur le rapporteur, la régulation de la démographie médicale, largement abordée dans votre rapport, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, l’égalité d’accès aux soins étant un problème tout aussi important. En effet, à la suite de mesures successives, 36 % de personnes dont les ressources sont très faibles ne se soignent pas ou retardent leur prise en charge.
Si la consultation d’un généraliste est relativement facile, de même que celle d’un spécialiste hors convention à Paris, dans certaines régions il faut attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous auprès d’un spécialiste. Il s’agit bien d’un problème d’accès aux soins du fait du coût de la consultation médicale, notamment lorsque les médecins ne sont pas conventionnés. Un certain nombre de Français vont d’ailleurs se faire soigner au Luxembourg, qui offre un accès à certaines spécialités.
Enfin, même stabilisés, les crédits pour les victimes de l’amiante seront certainement insuffisants. Le débat n’est pas clos car, au-delà de la responsabilité de la collectivité publique, celle des entreprises devrait faire l’objet d’un procès pénal : il faut bien que ceux qui ont commis les fautes paient.
M. Paul Jeanneteau. Depuis plusieurs années, le gouvernement consent des efforts importants pour l’aide à la complémentaire santé (ACS). Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le plafond de ressources pour en bénéficier sera augmenté et le budget pour 2011 porte à 63 millions d’euros l’effort en la matière. Or, seules 500 000 personnes en bénéficient dans notre pays, alors qu’elles pourraient être de 2,4 millions, nombreuses étant ceux qui ignorent l’existence de cette aide. Monsieur le rapporteur, est-il possible d’améliorer l’information sur ce dispositif particulièrement utile à nos concitoyens dont les revenus sont modestes ?
Aujourd’hui, des médecins généralistes installés ne trouvent pas de successeurs et sont remplacés pendant quelques semaines par de jeunes médecins généralistes qui profitent de leurs équipements. L’âge moyen d’installation des médecins généralistes étant de 39 ans en France, la limitation du nombre d’années de remplacement est une mesure de bon sens et devrait être examinée, comme vous le proposez, avec le Conseil de l’Ordre et les syndicats de médecins, afin de permettre le renouvellement des générations.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le rapporteur, nous nous réjouissons de retrouver dans votre rapport un certain nombre des propositions que nous avions antérieurement formulées.
Nous sommes favorables l’idée d’adapter la formation médicale aux besoins des territoires. S’agissant de la disponibilité des médecins, vous proposez des honoraires pédagogiques. Mais, au-delà de l’aspect financier, ne faudrait-il pas réfléchir à des modalités d’organisation, en particulier le regroupement des médecins, ce que demandent d’ailleurs les jeunes qui se sentent isolés ? Comment l’agence régionale de santé peut-elle favoriser un exercice regroupé ?
Sur la tarification, la proposition en faveur du forfait constitue une avancée, encore faudra-t-il veiller à ce qu’il englobera. Nous savons que la rémunération à l’acte n’incite pas à la coopération.
Comme l’a dit Michel Liebgott, au-delà de ces questions importantes, celle de l’accès aux soins pour nos concitoyens doit être posée.
Mme Michèle Delaunay. « Dans le privé, plus j’en fais, plus ça me rapporte ; dans le public, moins j’en fais, mieux je me porte ! » Telle est la boutade d’un de mes collègues hospitalo-universitaire qui regrette la coexistence des deux systèmes.
Certes, il faut favoriser la possibilité pour les praticiens de ville de passer du temps à des actions d’explication, de prévention, d’accompagnement du patient, mais la coexistence des deux systèmes risque d’entraîner, à terme, l’assèchement complet du système public hospitalier, comme l’ont montré nos auditions, notamment à propos des radiologues de ville, et le rapport de la Cour des comptes.
M. Fernand Siré. En tant que médecin, j’estime que ce rapport n’analyse pas les causes d’une situation critique due à des mauvais choix.
Il y a trente-cinq ans, fut conclue la première convention médicale pour moderniser la médecine. Mais quinze ans plus tard, certains intellectuels ont préconisé la diminution des soins, donc de l’offre de soins. C’est ainsi que des médecins sont partis en retraite anticipée, et qu’un numerus clausus drastique a été instauré pour diminuer les dépenses. Autre erreur : la création d’un système hospitalier cloisonné – alors que les meilleurs libéraux allaient à l’hôpital pour l’enrichir – et, inversement, d’un système libéral cloisonné avec le développement de cliniques commerciales qui n’ont pris que le rentable dans le libéral et se sont déchargées du reste sur l’hôpital.
Autrefois, les médecins libéraux de qualité avaient besoin de l’hôpital, où ils travaillaient à mi-temps. Aujourd’hui, après avoir été formés à l’hôpital à l’aide de technologies très avancées, les jeunes se retrouvent dehors à exercer la médecine comme le faisaient nos grands-pères il y a trente ans, sans les moyens modernes de diagnostic. En outre, l’hyperspécialisation est prévue dans l’intérêt, non pas de la médecine, mais de grands pontes qui ont développé des spécialités pour créer des services.
M. Christian Hutin. Très bien !
M. Maxime Gremetz. Quelle lucidité !
M. Fernand Siré. Ainsi, une personne âgée victime d’une chute est transportée en chirurgie pour quelques points de suture, ce que faisaient auparavant les internes et les infirmières.
Bref, il faudrait presque une révolution, comme l’a été la convention médicale, pour instaurer un nouveau système médical. Je remercie le rapporteur pour les propositions que contient son rapport objectif, mais elles ne sont que temporaires et ne permettront pas d’envisager un avenir plus moderne au regard de l’évolution des technologies.
M. Vincent Descoeur. Ce rapport est très intéressant, en particulier dans son approche de la démographie médicale et de la nécessaire régulation qui sous-tend l’offre de soins, laquelle renvoie à l’aménagement du territoire. Dans certains territoires, en effet, l’accès aux soins devient problématique pour les résidents ; dans d’autres, elle interdit tout projet de reconquête démographique. S’agissant des disparités territoriales tant en ce qui concerne les généralistes que les spécialistes, je souhaiterais que nous disposions d’une cartographie précise, sachant que les territoires ruraux ne sont pas les seuls concernés.
Quid par ailleurs du contrat d’engagement de service public ? Le nombre d’étudiants susceptibles d’en bénéficier a-t-il été arrêté et les régions qui pourraient les accueillir ont-elles été identifiées ?
En outre, une évaluation me semble nécessaire afin de mesurer la pertinence des mesures prises.
Enfin, lors du débat sur la loi dite « HPST », nous avions pointé du doigt le foisonnement des aides des collectivités, telles que les bourses. Or, ces aides sont jugées inefficaces, voire contre-productives. Est-il prévu d’y mettre un terme, dès lors qu’un dispositif national existerait ?
M. Guy Malherbe. Monsieur le rapporteur, votre rapport évoque la coopération entre professionnels de santé, essentiellement entre médecins et infirmiers, mais les pharmaciens peuvent également intervenir efficacement. Dans la loi dite « HPST », des dispositifs avaient été prévus concernant les soins de premier recours et l’éducation thérapeutique. Les décrets d’application seront-ils publiés rapidement pour permettre cette coopération ?
Mme Catherine Génisson. À mon tour, je remercie le rapporteur pour ses propositions intéressantes et courageuses.
Sur la démographie médicale, je m’insurge contre la mise en avant de la féminisation à propos de la désertification, et je préfère parler d’évolution sociétale.
Parmi les solutions avancées, l’enseignement initial me semble primordial. Il faut imposer l’enseignement de la médecine générale avec des professeurs titulaires de chaire universitaire.
Il faut également être très attentifs aux conditions du tutorat, car l’accueil des étudiants par des médecins généralistes représente pour ces derniers un coût en temps et un investissement.
Il est également nécessaire de voir avec l’ensemble des professions paramédicales comment coordonner et définir le niveau d’intervention des soins.
La télémédecine est également un sujet primordial. Aujourd’hui, le médecin veut être accompagné lorsqu’il se retrouve seul à la campagne après avoir exercé dans un centre hospitalo-universitaire.
La limitation de la durée des remplacements va dans le bon sens.
La diversification des modes de rémunération est indispensable, car on ne parle plus uniquement d’acte mais de conduite thérapeutique.
J’exprime en revanche des craintes quant à la formation des internes dans le privé. Dans le public, cette formation est une source de production, de travail, mais aussi un vivier : il faut faire attention à ne pas rendre l’hôpital public encore plus pauvre en ressources humaines.
S’agissant de l’accueil des professionnels de santé dans les déserts médicaux, l’environnement hospitalier et plus généralement les services publics existants ont une grande importance.
Enfin, prendre la responsabilité d’écrire un amendement sur l’AME assorti d’un tel exposé des motifs impose d’en assumer les conséquences. Nous y reviendrons.
M. Jean-Claude Leroy. L’attachement des jeunes praticiens à la médecine de groupe a été rappelé. La plupart des maisons de santé disciplinaires seront implantées dans les territoires ruraux, mais peu d’entre eux pourront assumer un coût d’investissement de l’ordre de 4 à 5 millions d’euros.
M. le président Pierre Méhaignerie. Ce peut être moins.
M. Jean-Claude Leroy. Je connais une maison dont le coût est de cet ordre. Sans aide importante de l’État, ces maisons de santé risquent de ne jamais voir le jour.
En outre, elles doivent être adossées à l’hôpital public, notamment pour les consultations spécialisées.
Enfin, j’ai le sentiment que ces maisons de santé sont l’opération de la dernière chance. Je rejoins Michel Issindou : si cette expérience échoue, il faudra sans doute recourir à des mesures plus coercitives.
M. le président Pierre Méhaignerie. Cette solution peut échouer si les collectivités investissent avant d’avoir obtenu l’accord des professions médicales et paramédicales. Ce chiffre de 4 à 5 millions d’euros doit concerner un ensemble d’au moins 200 000 habitants !
M. Jean-Claude Leroy. Absolument pas. Ces établissements prennent également en charge l’aspect prévention et associent des services du conseil général dans la dimension sociale. En effet, pour la réussite de l’expérience, il faut un projet étoffé.
M. Jean Leonetti. Ce rapport illustre parfaitement la mutation profonde de l’exercice médical. Il expose également les voies à privilégier pour créer les conditions d’une médecine moderne, capable de répondre aux besoins de la population, grâce à une offre de soins équilibrée et une formation beaucoup plus proche de la réalité que la formation purement universitaire. La médecine générale étant aujourd’hui le parent pauvre de notre système de soins, l’ensemble des mesures proposées me semble efficace, moderne et pragmatique.
J’en viens à l’amendement sur l’aide médicale d’État. Si mon collègue et ami Dominique Tian traite un problème que nous ne pouvons ignorer, un certain nombre de maladresses ou d’idées pouvant prêter à caution n’entraînent pas mon adhésion. Je suis conscient de l’augmentation du coût de l’AME, y compris de la fraude qui pénalise les personnes les plus fragiles, notamment celles qui vivent dans les zones les plus difficiles, et de la nécessité de trouver un cadre légal à cette aide. Pour autant, si l’on peut avoir le sentiment que les bénéficiaires de l’AME ont plus de droits que les nationaux, je ne crois pas que beaucoup d’étrangers en situation irrégulière ont recours aux cures thermales, à la chirurgie esthétique ou à la procréation médicalement assistée…
Dans un souci d’apaisement, je suggère que l’on évite que nationaux et étrangers soient sur un pied d’égalité ; que les soins relevant de l’AME ne se limitent pas aux urgences ; que le préfet ne se substitue pas à la caisse primaire en matière de contrôles ; que l’on encourage la lutte contre les fraudes ; qu’on limite le panier de soins au strict nécessaire ; que l’on étende le bénéfice de l’AME aux seuls collatéraux et descendants des bénéficiaires.
Vous l’aurez compris : je n’approuve pas l’amendement de Dominique Tian. Pour autant, il soulève de vrais problèmes auxquels nous devrons apporter des réponses pragmatiques, car nous vivons dans une République solidaire, y compris avec nos ressortissants étrangers, mais une République qui exclut tout laxisme ou le sentiment qu’il y aurait deux poids, deux mesures et où des étrangers en situation irrégulière bénéficieraient en matière de santé d’une situation plus favorable que celle des ressortissants nationaux.
M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis pour la santé et le système de soins. J’observe que d’une manière générale, l’état d’esprit est plutôt favorable à l’égard des mesures qui pourraient être prises pour moderniser – terme utilisé par de nombreux intervenants – l’exercice de la médecine et, au-delà, l’offre de soins. Je pense en particulier aux propositions émises en matière de télémédecine, qui vont dans le bon sens.
Marisol Touraine a jugé que la loi dite « HPST » avait été « désubstantialisée ». Je ne la rejoins pas dans cette analyse. La mise en place des agences régionales de santé est en cours. Sachons attendre qu’elles atteignent leur « vitesse de croisière ». Je crois que nous sommes tous d’accord pour estimer qu’elles permettront une rationalisation des moyens, que ce soit en matière d’offre de soins ou de formation.
Je signalerai à Jean-Luc Préel qu’un arrêté a été récemment publié pour définir, pour les cinq ans à venir, le nombre de postes d’internes à former par spécialité et par interrégion. Une démarche de programmation et un effort de meilleure répartition géographique sont donc engagés.
Le problème de l’insuffisance du nombre de maîtres de stages a été évoqué par de nombreux intervenants. Il est réel et il me semble nécessaire, pour le résoudre, de revaloriser les honoraires pédagogiques versés aux praticiens pour conforter le concours que ceux-ci apportent aux stagiaires.
S’agissant du développement professionnel continu, le dispositif en est à ses tous débuts. Je pense que nous devons accepter d’attendre un peu pour évaluer sa mise en œuvre. Il en est de même pour la filière de médecine générale, qui a été fréquemment évoquée : elle en est aujourd’hui à l’étape de sa constitution. Comme l’a fort justement relevé Catherine Génisson, sa mise en œuvre se révèle parfois délicate en raison de certaines rigidités au sein des universités ; les mentalités pourront sans doute évoluer avec le temps.
Jacqueline Fraysse a manifesté son désaccord en estimant que le nombre total de médecins était insuffisant. Je ne partage pas son point de vue ; il n’a d’ailleurs pas été soutenu par les personnalités que j’ai eu l’occasion d’auditionner. Je la rejoins en revanche concernant son analyse du numerus clausus, dont les modifications, par un effet d’inertie, ne produisent des effets qu’à long terme. C’est aujourd’hui que nous ressentons les effets de sa réduction drastique au cours des années 1980. Je pense que c’est un instrument à manier avec précaution, d’autant plus que ses effets sont loin d’être immédiats. S’agissant du maillage hospitalier, madame Fraysse, j’estime qu’il faut effectivement développer les consultations avancées. Je pense que les cabinets secondaires sont par ailleurs une solution intéressante.
Patrick Lebreton a posé une question très intéressante qui méritera d’être posée à la ministre lors de la séance publique.
Michel Heinrich a abordé la question des mesures coercitives susceptibles d’être prises pour mieux répartir l’offre de soins sur le territoire. Je comprends que de telles mesures puissent être envisagées, mais elles ne me semblent pas forcément opérationnelles en raison des stratégies de contournement auxquelles elles pourraient donner lieu. De toute évidence, les médecins sont désireux d’adhérer aux dispositifs qui pourraient être institués et soucieux d’en évaluer le bien-fondé.
Michel Issindou et Guy Lefrand se sont inquiétés du caractère suffisant ou non des dotations octroyées au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Je rappelle que 50 millions d’euros y sont affectés dans le projet de loi de finances et que 340 millions d’euros sont en outre inscrits en projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’après les informations dont je dispose, ces dotations devraient être suffisantes.
Jean-Pierre Door a insisté sur la nécessité d’instituer un guichet unique de l’installation. Je suis en total accord avec cette proposition, qui figure d’ailleurs dans mon rapport. Je le rejoins également sur la nécessité de conforter la filière universitaire de médecine générale.
S’agissant de l’Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé, ce groupement d’intérêt public résulte de la fusion des deux groupements « Dossier médical personnel » et « Carte de professionnel de santé ». Pour ses débuts, l’agence est dotée de plus de 650 000 euros. Je pense que nous sommes tous impatients de pouvoir en évaluer l’action ainsi que la suite donnée à l’appel à projet.
S’agissant des fraudes, sujet que nous aborderons sans doute plus en détail en examinant l’amendement de Dominique Tian, je pense qu’il nous faut relativiser certaines appréciations : le taux de fraude en matière d’aide médicale de l’État est de 2 %. Il convient donc de rester mesuré.
Claude Leteurtre m’a interrogé sur les pôles de santé libéraux ambulatoires. Sa question concernant le caractère non récupérable de la TVA est très intéressante et il nous faudra interroger la ministre à ce sujet en séance publique.
Je suis tout à fait d’accord avec Paul Jeanneteau concernant son constat de manque d’information en matière d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Je pense que cette question devra, elle aussi, être évoquée lors de la séance publique.
Madame Carrillon-Couvreur, nous sommes d’accord : comme je l’ai souligné plus tôt, il faudra revaloriser les honoraires pédagogiques des maîtres de stages si l’on veut développer les terrains de stages. Je vous rejoins également sur votre analyse du rôle des agences régionales de santé, qui devront être un acteur important de la coordination et de la rationalisation de l’offre de soins.
Michèle Delaunay a insisté sur les clivages entre hôpital public et secteur privé. Ils correspondent à la culture de notre pays. Je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure d’organiser une « révolution » en la matière, pour reprendre le terme employé par Fernand Siré !
Vincent Descœur m’a interrogé sur les contrats d’engagement de service public. Pour la rentrée universitaire 2010-2011, quatre cents contrats sont proposés ; je tiens à sa disposition le détail de leur répartition géographique. Je lui signale, par ailleurs, qu’une cartographie des disparités territoriales en matière d’offre de soins figure dans l’Atlas de la démographie médicale réalisé par le Conseil national de l’ordre des médecins.
Monsieur Guy Malherbe, il est vrai que sur le sujet de la coopération, j’ai insisté, dans mon propos liminaire, sur celle qui pouvait exister entre médecins et infirmières, car mes travaux ont porté sur la démographie médicale. Mais bien évidemment, cette démarche doit concerner toutes les professions de santé. Je modèrerai toutefois cette affirmation en soulignant que bien souvent, les zones déficitaires en matière d’offre de soins souffrent, plus généralement, d’une faible densité de l’ensemble des professions de santé.
Madame Génisson, permettez-moi de vous rassurer pour ce qui concerne mes propos relatifs à la féminisation du corps médical : ils n’ont rien de négatif ! Mais cette réalité doit être prise en compte, car les femmes médecins ont besoin d’une plus grande disponibilité pour concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle, ce qui a un impact sur les modalités de leur exercice médical.
Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé » pour la partie Santé et système de soins.
Après l’article 86
La Commission est saisie de l’amendement AS 1 de M. Dominique Tian, tendant à insérer un article additionnel après l’article 86.
M. Dominique Tian. On a déjà beaucoup parlé de l’aide médicale d’État (AME), le rapporteur pour avis soulignant pour sa part que, tandis que le nombre des bénéficiaires n’augmentait que de 6,5 %, les dépenses se sont accrues de 13,3 %. L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales ont quant à elles noté « une augmentation constante et importante de l’AME au fil des années ». Il est donc pleinement légitime que les députés s’emparent de ce sujet. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on tente, à l’occasion des projets de loi de finances, de juguler cette hausse.
L’AME a été créée afin de prendre en charge les étrangers en situation irrégulière – j’insiste sur ce mot – sur le territoire national. Or, il n’y a aucune raison pour qu’une personne entrée clandestinement, donc de façon délictueuse, dans notre pays, bénéficie de davantage de droits qu’un titulaire de la CMU ou de la CMU-C et qu’un national ou un étranger en situation régulière, qui travaille et qui cotise.
Pour y remédier, je propose un certain nombre de mesures urgentes mais plutôt « lights ».
En premier lieu, le bénéfice de l’AME serait limité, dans une même famille, au conjoint et aux enfants et non plus ouvert, comme c’est le cas actuellement aux ascendants, descendants et collatéraux jusqu’au troisième degré. Il faut en effet en finir avec les oncles, tantes, cousins et cousines bénéficiant de l’AME d’un étranger en situation irrégulière !
En deuxième lieu, pour les étrangers majeurs en situation irrégulière, le « panier de soins » relevant de l’AME serait limité à la prise en charge des soins urgents vitaux au sein des établissements hospitaliers. Très clairement, l’AME ne doit plus permettre d’obtenir des soins de confort, comme la chirurgie esthétique non réparatrice…
Mme Michèle Delaunay. C’est rare…
M. Dominique Tian. Mais cela existe !
Elle ne doit pas permettre non plus de pratiquer le vagabondage médical de ville.
Pour les enfants mineurs, le panier de soins pris en charge doit en revanche rester total, quel que soit le lieu des soins, médecine de ville ou hôpital. Il est, en effet, important de garantir aux enfants, qui ne sont pas responsables de la situation illégale de leurs parents, un accès général aux soins.
Je propose également de ramener d’un an à trois mois la durée de l’admission à l’AME et de supprimer la possibilité actuellement offerte au préfet de déléguer cette admission au directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie. Il convient en effet que les services de l’État exercent pleinement leurs responsabilités.
On le voit, ces propositions ne sont en rien révolutionnaires ; elles relèvent simplement du bon sens.
Mme Valérie Boyer. Comme vient justement de le souligner Dominique Tian, nous parlons de personnes qui sont entrées clandestinement sur notre territoire et pour lesquelles la France est très généreuse et a prévu une couverture sociale. Il convient donc de tordre le cou à un certain nombre de fantasmes et de rappeler quelques faits.
Je rappelle tout d’abord que le coût global de l’AME évolue avec les dépenses de santé. Il est ainsi passé de 380 millions d’euros en 2002 à 540 millions en 2010, soit une progression de 43 %. Pour leur part, les ONDAM réellement constatés ont atteint 158,3 milliards en 2009 contre 116,7 en 2002, soit une progression de 35 %. L’augmentation des dépenses tient surtout à l’évolution du nombre de bénéficiaires : 215 763 titulaires, soit 40 % de plus depuis 2002 – cela tient, bien évidemment, à la politique migratoire, qui ne relève pas de la compétence de notre commission. Par ailleurs, si le coût moyen par bénéficiaire consommant est resté stable, on observe de très fortes disparités entre la prise en charge en ville et à l’hôpital.
Jusqu’ici les dépenses d’AME de droit commun progressaient à un rythme comparable à celui des dépenses d’assurance maladie, mais une forte augmentation, de 60 millions d’euros, a été constatée en 2009. Elle s’expliquerait pour moitié par l’accroissement de 6,5 % des effectifs. Qui plus est, l’augmentation des dépenses d’AME est surtout significative dans les établissements de santé, qui concentrent 70 % des dépenses à ce titre.
Sur ce sujet sensible, la ministre a commandé à l’IGAS et à l’IGF un rapport qui doit lui être rendu fin novembre.
À l’heure où tant de Français souffrent, où les restes à charge en matière de santé sont souvent élevés, l’équité et la justice commandent de remettre en cause un mécanisme qui crée une véritable distorsion de droits entre les clandestins d’une part, les assurés sociaux et les étrangers en situation régulière d’autre part. En effet, un titulaire de l’AME jouit aujourd’hui de davantage de droits qu’un étranger titulaire de la CMU-C.
Mme Catherine Lemorton. C’est faux !
Mme Valérie Boyer. L’AME offre une meilleure protection, à niveau de ressource égal, en particulier avec le bénéfice du panier de soins dentaire et d’optique, avec parfois des remboursements supérieurs aux tarifs de la sécurité sociale.
Il me semblerait, par ailleurs, normal d’instaurer une logique « droits et devoirs » pour les titulaires de l’AME, en leur appliquant la mesure tiers payant contre générique et en généralisant un titre sécurisé. Il s’agit, encore une fois, de mesures de bon sens, d’équité et de justice sociale.
Je le répète, la principale difficulté tient au fait qu’un titulaire de l’AME est mieux pris en charge qu’un étranger en situation régulière qui travaille et qui cotise ou que la moyenne des autres assurés sociaux. Ainsi, le coût moyen de prise en charge par l’Assurance maladie est de 2 055 euros pour un bénéficiaire de l’AME, contre 1 748 euros pour les autres assurés.
Il me semblerait tout à fait opportun de prendre, pour mieux maîtriser le dispositif de l’AME, des mesures concrètes comme celles que vient de proposer Dominique Tian. Certaines dispositions ont déjà été adoptées à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, comme la limitation aux seules caisses primaires des lieux de dépôts de demande d’AME et la modification des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire qui pourra être accordée en raison de l’état de santé de l’étranger en situation irrégulière « sous réserve de l’indisponibilité d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » et non plus s’il ne peut « effectivement bénéficier d’un traitement approprié », ce qui facilitera la charge de la preuve au profit de l’administration.
Mais, il faut aujourd’hui aller plus loin, en créant un droit d’entrée annuel de 30 euros par adulte bénéficiaire de l’AME, ce qui serait bien préférable à une participation au fil de l’eau. Il convient également de limiter le nombre d’ayants droit aux seuls enfants et conjoints, à l’exclusion des ascendants et des descendants au-delà du troisième degré. Je souhaite aussi que l’on restreigne le panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré. Seraient ainsi exclus de prise en charge les cures thermales, les actes de procréation médicalement assistée, les médicaments remboursés à 15 %, les dispositifs à service médical rendu insuffisant, les séances de soins infirmiers à domicile et de kinésithérapie, à l’exclusion de ceux prescrits à l’hôpital.
Comme l’a fait justement observer Dominique Tian, il convient de ne pas appliquer ces mesures aux mineurs, conformément à l’article 3 de la Convention des droits de l’enfant.
Il serait également utile que les services de l’État délèguent aux caisses primaires le pouvoir de récupération des indus.
L’ensemble de ces mesures de justice faciliterait l’acceptation de notre système social par nos concitoyens.
M. Étienne Pinte. Que l’AME pose problème et qu’il faille réfléchir, nous en sommes tous d’accord. Mais pourquoi nous précipiter ? Après une première enquête conduite par l’IGAS en 2007, les dérives constatées ont amené à remettre l’ouvrage sur le métier. La nouvelle mission commune IGAS-IGF doit remettre son rapport courant novembre : attendons donc ses conclusions avant de les étudier et de faire des propositions. Il serait absurde de procéder autrement.
M. le président Pierre Méhaignerie. Il y a une part de vérité dans ce que nous a dit Dominique Tian et cela se retourne parfois contre les familles elles-mêmes. Dans ma circonscription, j’ai reçu plus de quinze familles d’origine étrangère, qui se sont vu refuser la possibilité de faire venir des parents ou des grands-parents, par exemple à l’occasion d’une naissance, tout simplement parce que notre pays craint une explosion de ses dépenses de santé parce que les personnes restent en France et s’y font soigner. Nous avons donc tous intérêt à regarder les faits, à prendre en considération la dimension humaine de ce problème, à éviter de s’enferrer, de part et d’autre, dans le dogmatisme.
Si les problèmes posés sont réels, nous ne pouvons certes pas discuter d’un amendement d’une telle importance, qui déchaîne les passions, sans que nous disposions préalablement de bases sérieuses, comme vient de le dire justement Étienne Pinte.
M. Michel Issindou. Je souhaite également le retrait de l’amendement dans l’attente du nouveau rapport de l’IGF et de l’IGAS.
Il est bien évident qu’il faut lutter contre la fraude, par exemple avec des cartes sécurisées. Mais, les mots qu’emploie notre collègue dans l’exposé sommaire de son amendement me choquent en ce qu’ils expriment un véritable rejet de l’étranger, qu’il qualifie de « délinquant ». Et quand Dominique Tian parle d’accès à des « opérations de confort », pense-t-il vraiment que la priorité d’un étranger en situation irrégulière est de recourir à la chirurgie esthétique ou à la procréation médicalement assistée et de se livrer au « vagabondage médical » ? Comment prétendre dans ces conditions que l’aspect l’humanitaire continuerait à guider notre pays ?
Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement est une véritable aberration en termes de santé publique : on peut toujours refuser de s’intéresser à la personne au motif qu’elle est en situation irrégulière, mais le problème n’est-il pas le même, que l’on ait ou non des papiers, lorsque l’on risque de disséminer le bacille de Koch en crachant dans un lieu public ?
C’est aussi une aberration économique : un traitement retardé est plus onéreux qu’un traitement précoce et plus encore qu’une mesure de prévention.
Je suis moi aussi choquée par les mots employés dans l’exposé sommaire et par la comparaison entre les bénéficiaires de l’AME et de la CMU-C : compare-t-on de la sorte les Restos du cœur et la soupe populaire ?
À quoi bon cet amendement alors que les dépenses, par personne et par an, sont stables. Demandons-nous plutôt pourquoi tant de personnes sont confrontées à une telle misère dans leur pays d’origine qu’elles ressentent l’impérieuse nécessité de venir en France ! J’espère que le rapport de l’IGF et de l’IGAS s’intéressera aussi aux causes de ce phénomène.
Enfin, je n’ai pour ma part jamais rencontré un immigré sans papiers ayant comme priorité de se faire refaire le nez parce qu’il ne se trouve pas beau ! Il me semble qu’un représentant de la Nation devrait raison garder…
M. Pierre Morange. Outre le rapport IGAS-IGF, je rappelle que nos collègues Claude Goasguen et Christophe Sirugue ont été chargés par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques d’évaluer l’aide médicale d’État et la couverture médicale universelle et que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) poursuit son travail au titre de la lutte contre la fraude sociale.
Pour ma part, je souhaiterais que l’AME soit rattachée au budget du ministère de la coopération, car c’est bien d’une forme de coopération sanitaire, en quelque sorte inversée sur le territoire national, qu’il s’agit. En vertu du principe selon lequel un euro dépensé ici vaut cent euros dépensés là-bas, cela contribuerait également à relancer notre politique sanitaire à l’échelle internationale, par le développement de structures sanitaires et hospitalières assurant la prise en charge des populations des pays d’origine qui, dans le cadre du phénomène migratoire clandestin, sont bien évidemment attirées par l’efficacité de notre dispositif sanitaire.
Une telle décision intelligente nous permettrait de sortir par le haut d’un débat conflictuel ; de garantir une meilleure utilisation de l’argent public et une plus grande égalité de traitement entre migrants irréguliers d’une part, Français et étrangers en situation régulière d’autre part ; de nous inscrire dans une logique de codéveloppement dans laquelle nous pourrions logiquement demander aux pays qui en bénéficieraient de traiter de façon préférentielle nos intérêts stratégiques et économiques.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je suis très choquée par la proposition qui nous est faite, d’autant que Dominique Tian participe lui-même au travail de la MECSS sur la fraude sociale. On entend d’ailleurs, dans les auditions que nous conduisons à ce titre, beaucoup de choses intéressantes, qui nous amèneront sans doute à corriger bien des idées reçues.
Comme plusieurs de mes collègues, je comprends mal pourquoi nous débattons aujourd’hui de ce sujet alors qu’un nouveau rapport des inspections générales sera remis prochainement. Qui plus est, on ne saurait oublier que l’AME a été instituée pour répondre à de fortes préoccupations de santé publique.
Mme Catherine Génisson. L’AME est, en effet, une question importante, qui est d’ailleurs traitée dans plusieurs autres cadres. Je souscris également à l’idée que l’on ne saurait aborder de la sorte un sujet majeur de santé publique.
Cet amendement et son exposé sommaire sont tout simplement indécents et il est honteux qu’ils soient soumis à notre commission ! Il convient donc de se rallier à la position exprimée non seulement par mes collègues du groupe SRC, mais aussi par Jacqueline Fraysse, par Jean Leonetti, Étienne Pinte et Pierre Morange, ainsi que par vous-même, monsieur le président.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’AME est un sujet de fond et l’amendement a le mérite de poser la question. Pour autant, il serait prématuré de le traiter de la sorte : il convient en effet d’attendre les résultats des travaux en cours pour ouvrir un débat plus large.
Mme Catherine Lemorton. Oui, l’exposé des motifs nous fait honte ! Dominique Tian nous entend mettre à égalité les bénéficiaires de l’AME et de la CMU. Sans doute ignore-t-il que les dossiers de l’AME sont les seuls qui ne peuvent être télétransmis. De la sorte, les bénéficiaires se voient refuser l’accès à des soins en médecine ambulatoire au motif que les médecins ne veulent pas s’embêter à envoyer des papiers à la sécurité sociale. C’est une des raisons du recours fréquent au système hospitalier.
Avant de vous intéresser à ceux qui frauderaient ou qui auraient trop d’ayants droit…
M. Dominique Tian. Le mot fraude ne figure pas dans l’amendement !
Mme Catherine Lemorton. …venez avec nous constater sur le terrain que les bénéficiaires sont très majoritairement les membres de la famille traditionnelle – le père, la mère et les enfants – et que, bien loin d’abuser de notre système de soins, ces personnes sont aujourd’hui très nombreuses dans les centres d’accueil de soins et d’orientation comme ceux dont s’occupe Médecins du monde.
M. Jean-Pierre Door. Il faut quand même rappeler que la France est très généreuse : que je sache, l’AME n’existe que dans notre pays ! Il convient donc d’éviter les caricatures en la matière.
Sur le fond, chacun reconnaît que nous sommes confrontés avec l’AME à un problème qui, sur le terrain, alimente bien des discussions et même des fantasmes. L’amendement de Dominique Tian a donc le mérite d’ouvrir un débat que nous devons avoir.
Sur la forme, Jean Leonetti l’a souligné, il convient que nous donnions un cadre légal à l’AME. Pour autant, il ne me semble pas qu’il nous appartienne, comme le propose l’amendement, d’entrer dans le détail du périmètre de soins, qui devrait être renvoyé à un décret. Par ailleurs, l’admission à l’AME ainsi que le contrôle des soins et des frais engagés par ses bénéficiaires ne devraient pas relever des préfets mais être délégués aux directeurs des caisses primaires d’assurance-maladie.
Mme Michèle Delaunay. La proposition qui nous est faite est médicalement inacceptable, ne serait-ce que parce qu’elle ignore le problème de santé publique qui touche non seulement une personne, mais aussi ceux que vous appelez ses ayants droit.
Je m’honore d’avoir soigné – certes pas dans le cadre de la chirurgie esthétique ! – un pauvre monsieur et une pauvre dame dont on a découvert qu’ils avaient la lèpre. Et je dois vous dire que non seulement nous avons soigné tout l’entourage, mais que nous l’avons fait venir… Ces personnes sont reparties avec un traitement adapté
M. Dominique Tian. C’est justement le problème : l’entourage est venu illégalement en France pour bénéficier de soins !
Mme Michèle Delaunay. Le faire venir a permis d’éradiquer un foyer de lèpre !
M. le rapporteur pour avis. Le débat que nous venons d’avoir montre la complexité de ce dossier.
Dominique Tian pose une vraie question : comment, dans un contexte budgétaire contraint, maîtriser l’évolution financière de l’AME, notamment pour garantir la pérennité d’un dispositif que nous n’envisageons pas de supprimer, car la longue tradition humanitaire de notre pays doit être préservée.
Je souhaite que notre collègue retire cet amendement, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait lors de l’examen du projet relatif à l’immigration. À défaut, j’émettrais un avis défavorable. En effet, la restriction du panier de soins aux seuls « soins urgents » fait l’impasse sur un véritable un enjeu de santé publique. En 2007, le rapport de l’IGF et de l’IGAS a mis en évidence chez les bénéficiaires de l’AME une surreprésentation de pathologies infectieuses – VIH, hépatite C, tuberculose en particulier –, ainsi qu’une sous-couverture vaccinale. Se limiter aux seuls soins urgents porterait un coup à la politique de prévention des maladies infectieuses. Il en va de notre responsabilité !
Mme Michèle Delaunay et Mme Catherine Génisson. Très bien !
M. le rapporteur pour avis. On constate par ailleurs que, pour les bénéficiaires de l’AME « soins urgents » – qui sont très minoritaires –, la part des séjours avec complications et morbidité associées ainsi que la durée moyenne de séjour sont deux fois plus importantes que la moyenne. Se limiter aux seuls soins urgents risquerait donc de se traduire, in fine, par des dépenses plus élevées, car correspondant à des pathologies plus lourdes liées à un retard d’accès aux soins.
M. Dominique Tian. Je ne propose pas de restreindre l’accès aux soins. Ma seule motivation est de faire en sorte que ceux qui sont à l’AME n’aient pas plus de droits que ceux qui sont à la CMU ! Je maintiens donc l’amendement.
M. le rapporteur pour avis. Contrairement à ce qui a été dit, un titulaire de l’AME n’a pas plus de droits qu’un étranger titulaire de la CMU.
M. Dominique Tian. Et l’optique ? Et le dentaire ?
M. le rapporteur pour avis. L’optique et le dentaire font partie du panier de soins de la CMU, pas de l’AME.
Mme Valérie Boyer. Et les ayants droit ?
M. le président Pierre Méhaignerie. De grâce, ne tombons pas dans la caricature. Dire qu’il n’y a rien à voir et rien à faire à propos de l’AME serait une faute. Pour autant, décider aujourd’hui dans la précipitation ne me paraît pas souhaitable.
La Commission rejette l’amendement AS 1.
La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.
AmendementS examinÉS par la Commission
Amendement n° AS 1 présenté par M. Dominique Tian
Après l’article 86
Insérer l’article suivant :
I. Le premier alinéa de l’article L251-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 1°, 2° et 3° de ce code, à l'aide médicale de l'Etat. »
II. L’article L251-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« La prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne uniquement les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé.
« Concernant les enfants mineurs, la prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne, quel que soit le professionnel de santé pratiquant l’acte :
« 1° Les frais définis aux 1 ,2 ,4 ,6 , de l'article L. 321-1 et à l'article L. 331-2 du code de la sécurité sociale par application des tarifs servant de base au calcul des prestations de l'assurance maladie ;
« 2° Le forfait journalier, institué par l'article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au dernier alinéa du présent article.
« Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d'un mineur ou dans l'un des cas mentionnés aux 1 ,2 ,3, 4, 10, 11, 15 et 16 de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, une participation des bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat est fixée dans les conditions énoncées à l'article L. 322-2 et à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code.
« Les dépenses restant à la charge du bénéficiaire en application du présent article sont limitées dans des conditions fixées par décret.
« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l'acceptation par les personnes mentionnées à l'article L. 251-1 d'un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu'il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. »
III. L’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« L'admission à l'aide médicale de l'Etat des personnes relevant du premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est prononcée, dans des conditions définies par décret, par le représentant de l'État dans le département.
Cette admission est accordée pour une période de trois mois. »
Amendement n° AS 2 présenté par Mme Michèle Delaunay
Article 48
État B
Mission « Santé »
Modifier ainsi les crédits de paiement :(en euros)
Programmes |
+ |
- |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
500 000 |
500 000 |
Protection maladie |
0 |
0 |
TOTAUX |
500 000 |
500 000 |
SOLDE |
0 |
——fpfp——
Présences en réunion
Réunion du mercredi 27 octobre 2010 à 9 heures 30
Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, Mme Laurence Dumont, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Maxime Gremetz, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Patrick Lebreton, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Françoise de Salvador, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine, M. Francis Vercamer
Excusés. - Mme Véronique Besse, M. Guy Delcourt, M. Jacques Domergue, M. Jean-Patrick Gille, M. Yves Jégo
Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, Mme Colette Langlade