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Commission des affaires sociales

Mardi 25 janvier 2011

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président puis de M. Jean-Marie Rolland membre de la commission

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme de la dépendance réunissant Mme Françoise Nouhen, vice-présidente de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCCAS) et M. Dominique Balmary, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

– Présences en réunion 15

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 25 janvier 2011

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales organise une table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme de la dépendance réunissant Mme Françoise Nouhen, vice-présidente de l’Union nationale des centre communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCCAS), et M. Dominique Balmary, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS).

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, nous accueillons M. Dominique Balmary, qui a fait une partie de sa carrière dans l’administration du travail, puis en entreprise en tant que directeur des ressources humaines à la CGE et à CIT-Alcatel ; il s’est investi depuis longtemps dans le secteur associatif et il préside l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) depuis 2007. Nous accueillons également Mme Françoise Nouhen, qui est vice-présidente de l’Union nationale des centre communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCCAS), et adjointe au maire de Clermont-Ferrand en charge des affaires sociales.

Madame, monsieur, le vieillissement de la population représente pour notre société et notre modèle social un enjeu majeur. Vous nous direz comment vos associations abordent la discussion en cours et les propositions qu’elles présentent dans ce cadre, notamment dans le domaine particulièrement sensible des services d’aide à domicile.

M. Dominique Balmary, président de l’UNIOPSS La question de la dépendance n’est pas tout à fait nouvelle pour l’UNIOPSS, puisqu’elle plaide depuis presque vingt ans pour la reconnaissance d’un risque couvrant à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées. Deux raisons à cela : d’une part, l’augmentation du nombre des personnes âgées et des personnes en perte d’autonomie, favorisée notamment par l’allongement de la durée de vie des personnes handicapées ; d’autre part, l’inégalité croissante de traitement social entre ces personnes, bien qu’elles rencontrent très souvent des difficultés tout à fait analogues, voire semblables. Cette inégalité tient à la fois à des disparités entre personnes âgées et personnes handicapées, du fait la barrière d’âge de 60 ans – barrière que la loi du 11 février 2005 a pourtant entendu, au moins dans son principe, supprimer –, et à des différences entre les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) suivant les départements.

La dépendance est bien un problème sociétal, comme l’avait indiqué le Président de la République lors de la campagne électorale de 2007. C’est un risque collectif, que la collectivité a commencé à prendre en charge au travers d’un certain nombre de prestations. Pour autant, on ne peut pas réduire le dossier à sa seule dimension financière. Que souhaitons-nous donc ?

Les adhérents de l’UNIOPSS, qui représentent à peu près 70 % du monde social associatif, sont nombreux à réclamer la création d’un droit universel à compensation de la perte d’autonomie, couvrant ce risque quel que soit l’âge et quelle que soit l’origine de cette perte d’autonomie. Cette compensation prendrait, selon la position prise dès octobre 2007 au conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la forme d’une prestation unique.

L’UNIOPSS formule plusieurs demandes.

Premièrement, elle souhaite la suppression de la barrière d’âge de 60 ans, qui n’est plus pertinente, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie et de la survenue de plus en plus tardive de la dépendance.

Deuxièmement, elle considère qu’il convient de garantir, autant qu’il est possible, le libre choix des intéressés entre le maintien à domicile ou l’accueil en établissement. Cela suppose de poursuivre nos efforts pour renforcer l’encadrement des établissements, qui n’a pas atteint le niveau prévu par les plans précédents, et l’appui aux aidants, dont le vivier est principalement constitué de femmes inactives de 50 à 64 ans.

Troisièmement, la prestation envisagée devrait couvrir l’intégralité des aides nécessaires : aide à la personne, aux tâches domestiques, à l’adaptation du cadre de vie, à la participation à la vie sociale, aide animalière, etc. Nous ne concevons pas cette compensation comme un simple concours financier, mais comme une réponse d’ensemble à une situation et à un projet de vie.

Quatrièmement, il faudrait que le financement se fasse majoritairement par le recours à la solidarité nationale, pour des raisons non seulement de principe, mais aussi pratiques.

D’une part, seule la solidarité nationale peut garantir l’égalité de traitement et la justice nécessaires à la mise en œuvre d’une telle prestation. D’autre part – et c’est la conséquence logique de l’universalité du droit telle que nous la concevons –, la base de financement devra être aussi large que possible, en y incluant aussi bien les revenus du travail que ceux du capital, et concerner toutes les catégories socioprofessionnelles – et pas seulement les salariés, par le biais de la contribution de la solidarité autonomie, issue de la journée de solidarité. Enfin, le recours à l’assurance privée, qu’elle soit individuelle ou collective, ne saurait qu’être complémentaire : il convient d’éviter la personnalisation excessive du financement de la protection sociale, cette dernière étant aujourd’hui assise sur des fondements solidaires. Par ailleurs, au-delà de toute question de principe, si l’on décidait de recourir massivement aux assurances privées, il faudrait attendre longtemps avant que le secteur assurantiel ait engrangé un montant suffisant de cotisations ; d’ici là, qui d’autre que l’État ou la sécurité sociale pourrait assurer cette phase intermédiaire ?

Contrairement à ce que proposent certains rapports, il ne faudrait pas non plus limiter le public bénéficiaire de cette nouvelle prestation – nous pensons aux actuels bénéficiaires de l’APA en GIR4 (groupe iso-ressources), qui représentent à peu près la moitié des allocataires. Ce serait inacceptable pour le monde associatif et provoquerait inévitablement un glissement plus ou moins rapide vers des GIR 1 à 3, qu’il faudrait bien prendre en charge en toute hypothèse.

Par ailleurs, nous ne sommes pas très favorables au système de reprise sur succession, ni au droit d’option conduisant à moduler le montant de l’APA de l’intéressé selon qu’il aura opté ou non pour la reprise de succession. En tout état de cause, nous estimons que le seuil de 100 000 euros, qui correspond au niveau minimal du patrimoine permettant d’exercer ce droit d’option, est beaucoup trop faible pour être pertinent.

D’une façon générale, l’UNIOPSS n’est pas hostile à la mise en place d’un ticket modérateur, dès lors que les personnes dont les ressources seraient inférieures à un certain seuil pourraient en être exonérées.

Cinquièmement, enfin, nous demandons que le portage du niveau risque soit piloté par la CNSA, que sa mise en œuvre soit assurée par les départements, et que ces derniers ne servent plus de variable d’ajustement comme c’est le cas aujourd’hui – en particulier pour l’APA. Nous tenons, en effet, à cette nouvelle forme de gouvernance de la protection sociale, laquelle nous paraît une évolution très heureuse dans la mesure où elle fait intervenir les corps intermédiaires du secteur social, notamment les collectivités territoriales et les associations de solidarité.

Monsieur le président, nous n’ignorons évidemment pas les contraintes, notamment financières, qui pèsent sur ce dossier et nous concevons que nos suggestions puissent ne pas se concrétiser rapidement.

Pour autant, plusieurs objectifs pourraient être poursuivis. D’abord, il faudrait remédier à court terme aux disparités des outils d’évaluation de la dépendance, d’une part, dans les collectivités territoriales et les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), et, d’autre part, dans les organismes d’assurance. Bien que très technique, cet aspect ne doit pas être négligé. Ensuite, il conviendrait de faire converger ce qu’il est d’ores et déjà possible de faire converger dans les domaines des transports et du logement, où les problèmes se posent de façon très équivalente aux personnes handicapées et aux personnes âgées. Enfin, il serait nécessaire de ménager les solidarités familiales, qui offrent un appui très puissant, notamment au secteur de la dépendance : les aidants méritent d’être davantage soutenus par la collectivité publique.

Même si, par extraordinaire, les pouvoirs publics ne pouvaient pas mettre rapidement en place la prestation globale que nous appelons de nos vœux, des mesures restent envisageables pour le moyen terme. Bien évidemment, il ne faudrait rien faire, dans le secteur de la dépendance des personnes âgées, qui risque de compromettre l’ouverture du régime au secteur du handicap. Plus fondamentalement, il serait bon qu’une loi cadre fixe des principes susceptibles d’inspirer la réforme de la dépendance pour les personnes âgées, ainsi que son ouverture aux personnes handicapées : cela constituerait, pour les pouvoirs publics, un engagement politique plus net que celui qui figure déjà dans la loi du 11 février 2005. Serait d’ores et déjà consacré le principe même de convergence des prestations et de suppression de la barrière d’âge de 60 ans – il s’agit du premier principe. De la même façon, la loi cadre pourrait prévoir que la future prestation serait construite à partir du besoin d’autonomie et du projet de vie de chacun – deuxième principe ; que la solidarité nationale aurait une place majoritaire dans le financement du régime – troisième principe ; que la gouvernance ferait appel aux collectivités territoriales et au monde associatif de la solidarité – quatrième principe. Ainsi, poserait-on la base d’une réforme d’ensemble qui, dans l’immédiat, toucherait le secteur de la dépendance des personnes âgées, mais qui, dans le futur, pourrait inspirer la mise en place de la convergence que nous appelons de nos vœux.

(M. Jean-Marie Rolland remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance)

Mme Françoise Nouhen, troisième vice-présidente de l’UNCCAS. Je vous prie d’excuser le président de l’UNCCAS, M. Patrick Kanner, qui m’a chargée de le représenter, en tant que vice-présidente chargée du dossier des personnes âgées et des personnes handicapées.

L’UNCCAS est une très vieille dame, née en 1926, mais toujours dynamique. Structurée en délégations départementales, elle représente 43 millions de citoyens. Son réseau est également ouvert sur l’Europe, puisqu’elle est à l’origine de la création du réseau ELISAN (European Local Inclusion and Social Action Network).

Le budget consolidé de l’ensemble des centres communaux d’action sociale atteint environ 2,6 milliards d’euros. Les adhérents de l’UNCCAS servent 80 millions de repas à domicile, assure 25 millions d’heures de prestations d’aide à domicile et gère environ 70 % des foyers-logements.

En ce qui concerne la réforme, ils ont adopté une position un peu particulière, même si leurs propositions recoupent parfois celles du GR 31, un regroupement de 31 associations et partenaires qui réfléchissent sur la question de la dépendance.

M. Balmary a fait état du vieillissement de la population et du nombre croissant des personnes handicapées. Je tiens, pour ma part, à insister sur l’épuisement des aidants familiaux : sur 4 millions, 6 sur 10 sont des femmes et plus de la moitié a plus de 80 ans !

La façon dont on répond actuellement à la dépendance n’est pas exempte de critiques.

En premier lieu, la barrière de l’âge est devenue incohérente. Par exemple, une personne de moins de 60 ans atteinte de la maladie d’Alzheimer, considérée comme personne handicapée, bénéficiera à ce titre de certaines prestations. Toutefois, après 60 ans, cette même personne, toujours malade, verra certaines de ses aides diminuer de façon très substantielle.

En deuxième lieu, il est anormal que les conditions et les modalités d’attribution de l’APA et celles de la prestation de compensation du handicap (PCH) soient différentes, en particulier en ce qui concerne la prise en compte des ressources et la possibilité de récupération sur succession.

En troisième lieu, le financement de l’APA est très insuffisant et inéquitable. Selon les départements, son montant varie : il est en moyenne de 432 euros dans la Drôme, contre 530 euros dans le Territoire de Belfort. Les plafonds varient aussi, tout comme le financement des GIR 2 et 3 ou le reste à charge : par exemple, pour l’aide à domicile, le reste à charge peut aller de 88 euros à 140 ou 150 euros, et ce pour des situations identiques.

Enfin, les équipements sont eux-mêmes insuffisants. Les plans Solidarité Grand Âge et le plan Alzheimer prévoyaient bien des créations de lits, mais sans aucun rapport avec les besoins. La Cour des comptes a d’ailleurs relevé que les besoins de financement du plan Solidarité Grand Âge ont été sous-évalués. Alors que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 2011 aurait dû augmenter de 7 %, il ne progressera que de 4,5 %. Dans ces conditions, il est évident que nous allons être confrontés à des difficultés.

Face à de telles carences, les centres communaux ont adopté une position un peu particulière. Il faut dire, d’une part, que nous gérons des populations aux faibles ressources, souvent isolées, avec des ruptures d’accès aux droits et des parcours de vie chaotiques et, d’autre part, que nous employons dans nos établissements des personnels dont la situation est bien spécifique. Ainsi, la filière médicosociale, qui date de 1995, est moins attractive que les filières hospitalières. Cette filière ayant été mise en place à un moment où l’on gérait essentiellement des foyers-logements, il en résulte que les statuts des infirmières – lesquelles doivent passer les concours administratifs de la fonction publique territoriale –, des aides soignantes et, surtout, des personnels techniques ne prennent pas suffisamment en compte les horaires de travail – 24 heures sur 24 et le week-end. Outre que le système des primes est différent de celui de la filière hospitalière, les nouveaux métiers ne sont pas pris en compte dans la filière médicosociale. Il faut donc harmoniser les statuts, revaloriser la filière et renforcer les possibilités de validation des acquis de l’expérience.

Dans le domaine de l’aide à domicile, nous sommes à la fois gestionnaires – en général, de petits services – et financeurs, dans la mesure où nous accordons souvent des subventions d’équilibre aux services gérés par des associations. Nous souhaitons donc appeler votre attention sur les conséquences de la suppression des exonérations de charges sur les services à la personne. Dans mon propre service, cette suppression se traduira par une augmentation de notre budget de l’ordre de 300 000 euros, qu’il faudra bien assumer. Étant donné le risque d’augmentation du coût de l’heure d’intervention à domicile, l’Assemblée des départements de France (ADF) a donc lancé une réflexion sur la mutualisation des services et sur une nouvelle logique de tarification de l’aide à domicile

La gestion de nos nombreux foyers-logements – 70 % des 2 300 foyers-logements du territoire national – nous préoccupe également.

D’une part, ces structures réclament des travaux de réhabilitation et de mise aux normes, que nous avons du mal à financer : les primes à l’amélioration des logements à usage locatif (PALULOS) ont été supprimés et la CNSA ne prend pas en compte la modernisation des foyers-logements. Nous allons devoir lancer une concertation sur ce thème.

D’autre part, bien que relativement valides, les personnes qui rentrent dans les foyers-logements avancent en âge. Elles bénéficiaient jusqu’à présent d’un forfait de soins courants, permettant l’intervention de personnel infirmier, prise en charge par la sécurité sociale ou la caisse de retraite. Or, ce forfait de soins courants a disparu et n’a pas encore été remplacé par le « forfait autonomie », dont la mise en place est à l’étude depuis 2008. Il faudra très rapidement se pencher sur celui-ci, sinon, nous risquons, sur le plan financier, de nous trouver dans une complète illégalité.

Il conviendra enfin de réfléchir au financement des soins en établissement. Le soin est financé comme dans les hôpitaux : n’est financé pour ce soin que le personnel effectuant celui-ci, les charges de structures – comptabilité, gestion…– étant réparties sur l’hébergement ou sur la dépendance. Cette situation n’est pas très équitable : mieux vaudrait répartir l’ensemble des charges de structures sur les trois budgets. Je précise que le même raisonnement peut s’appliquer aux amortissements – grosses réparations ou investissements – qui ne pèsent aujourd’hui que sur l’hébergement et la dépendance.

J’en viens à nos propositions en matière de droit à l’autonomie. Certaines d’entre elles reprennent celles que viens d’avancer le président de l’UNIOPSS. De fait, nous avons travaillé ensemble, dans le cadre du GR 31, sur la politique de prévention, qu’il s’agisse de la prévention des accidents de la vie courante ou encore du dépistage de la maladie d’Alzheimer.

Nous devons faire en sorte que tous les professionnels, aussi bien du monde de la santé que du monde médicosocial, travaillent en concertation sur le processus d’accompagnement de la personne âgée tout au long de son parcours de vie, du domicile à l’établissement.

Nous souhaitons défendre le droit universel à l’aide à l’autonomie, le libre choix de la personne, le soutien aux aidants et le financement de cette prestation, tout en proposant aux intéressés une réponse individualisée, susceptible de compenser la perte de leur autonomie dans tous les actes de la vie quotidienne.

L’UNCCAS considère que ce droit à l’autonomie doit reposer sur la solidarité nationale. Selon nous, il faut réfléchir au moyen de financer tout de suite la dépendance qui touche déjà de très nombreuses personnes. Toutefois, il faut aussi réfléchir, à long terme, à la construction d’un cinquième risque, financé de manière pérenne par une cotisation assise sur les revenus – qu’elles proviennent du travail ou du capital – et étalée dans le temps sur un nombre d’années suffisant pour permettre une réelle garantie, comme on l’a fait pour l’assurance maladie. Pour ceux qui n’auraient pas été en capacité de travailler ou qui auraient eu des parcours chaotiques, une « CMU dépendance » devrait être mise en place. Le pic de croissance du nombre des personnes âgées dépendantes étant attendu dans les années 2030, nous devons y réfléchir dès maintenant.

Pour faire face rapidement à la grande dépendance actuelle, nous ne sommes pas forcément hostiles à un éventuel recours partiel à l’assurance, à condition que soit préalablement mis en place un panier global de services dont pourrait bénéficier l’ensemble de la population et qui serait financé par la solidarité nationale.

Comment financer ce panier de services ? Plusieurs pistes ont déjà été évoquées, telles que la mobilisation d’une seconde journée de solidarité, la majoration du taux de CSG, le relèvement des droits de succession, la suppression du bouclier fiscal, l’institution d’une taxe sur le revenu du capital ou la mise en place d’une TVA sociale. Nous aborderons le sujet au sein de notre conseil d’administration, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que nous ne saurions cautionner des propositions de financement reposant sur le recours sur succession ou sur le viager. De telles solutions risquent, en effet, d’avoir un effet dissuasif et d’aboutir à une prise en charge à deux vitesses, ce qui serait inacceptable. Souvenez-vous de ce qui s’était passé avec la prestation spécifique dépendance (PSD) : la moitié des personnes dépendantes, qui en avaient pourtant besoin et remplissaient le conditions pour l’obtenir, ne l’avait pas demandée.

En dernier lieu, nous sommes très favorables à ce que la CNSA se voit confier un rôle pivot dans la gouvernance du dossier de la dépendance. Les agences régionales de santé pourraient assurer le financement des établissements et services sociaux et médicosociaux. Et sur le plan local, une caisse d’assurance « autonomie » permettrait un accès aux droits, s’agissant des prestations que nous souhaiterions mettre en place à long terme.

M. Denis Jacquat. Selon M. Balmary, il faudrait garantir, autant qu’il est possible, le libre choix entre le maintien à domicile ou l’hébergement en institution. Je suis entièrement d’accord avec lui, mais j’observe que le maintien à domicile peut coûter plus cher que le placement en institution. Si c’est le cas, n’y a-t-il pas un moment où il conviendrait d’orienter l’intéressé vers un hébergement institutionnel ?

S’agissant de la question du financement de la compensation de la dépendance par la solidarité nationale, je remarque que si, dans un premier temps, la tendance allait plutôt vers la création d’une cinquième branche, aujourd’hui, elle va plutôt vers un dispositif contractuel piloté par la CNSA.

Par ailleurs, j’ai cru comprendre que Mme Nouhen a proposé de recourir au secteur assurantiel pour résoudre les problèmes financiers de court terme. Or, il me semble que le service assurantiel produit des effets sur le long terme. Peut-elle me fournir des précisions sur ce point ?

Les deux intervenants ont déploré les problèmes de financement et les disparités existant entre les bénéficiaires de l’APA. Mais, s’agissant de l’APA, je rappelle que, en dépit de mes mises en garde lors du débat parlementaire à l’époque, ce sont les présidents des conseils généraux qui ont alors voulu la gérer. Ce qui se passe aujourd’hui était prévisible. Maintenant, il convient de nous mettre d’accord sur les moyens de financer l’APA.

Enfin, je préférerais que les soins prodigués dans les foyers-logements soient financés par une seule personne plutôt que de maintenir la répartition actuelle. Ce qui se passe actuellement manque de clarté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J’ai apprécié les propos qu’ont tenus les deux intervenants sur le maintien de la prise en charge du GIR 4 – maintien auquel nous sommes très attachés –, sur l’effet dissuasif sur les familles du recours sur succession, sur le libre choix et sur l’appui aux aidants. Mais, je leur suis surtout reconnaissante d’avoir remis nos aînés et les personnes handicapées au cœur de nos préoccupations sociales.

Les foyers-logements restent indispensables à des personnes fragilisées, isolées, qui n’ont plus les moyens de rester dans leur appartement. Je regrette donc que les coûts de réhabilitation et de mise aux normes soient devenus exorbitants.

J’observe par ailleurs que certains établissements sont obligés de rendre des crédits non consommés, ou « dits » non consommés, et que les moyens des EHPAD ne cessent de diminuer, alors que ces structures doivent accueillir des publics de plus en plus fragilisés et polypathologiques.

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le modèle PATHOS et sur la réforme de l’évaluation de la charge de soins en EHPAD, laquelle pose de gros problèmes aux établissements ?

Votre collectif a beaucoup communiqué sur le maintien à domicile des personnes âgées. Quel type de services à domicile suggérez-vous ? Quel type de soins préconisez-vous en établissement ? Plus généralement, quel type de prise en charge souhaitez-vous pour nos aînés ?

M. Roland Muzeau. L’UNIOPSS et l’UNCCAS sont, tout comme nous, favorables à la suppression des barrières d’âge. Au reste, lors de la révision de la loi sur le handicap, le Gouvernement s’était avancé en ce sens. La réforme de la dépendance permettra-t-elle de progresser ? J’ai tendance à en douter. Mais peut-être avez-vous, madame, monsieur, des informations sur cette question, qui relève de la justice la plus élémentaire ?

Je m’inquiète, par ailleurs, de certaines propositions de financement mises en débat à l’intérieur de l’UNCCAS, telles que la création d’une deuxième journée de solidarité ou une augmentation de la CSG, qui viendraient encore peser sur le pouvoir d’achat des salariés et des pensionnés. Ne pensez-vous pas qu’en ouvrant de telles pistes de financement, vous risquez de nous détournez d’autres pistes comme l’imposition du capital ou une nouvelle répartition des richesses entre le capital et le travail ?

Monsieur Jacquat, nous avons certes débattu du cinquième risque ou de la cinquième branche. Mais, CNSA ou pas, le débat n’est pas clos pour autant ! On ne pourra pas faire disparaître la question d’un simple revers de la main.

Enfin, comment pourrait-on améliorer la situation des personnels du secteur de la dépendance, dont les conditions de travail sont extrêmement difficiles, les qualifications mal reconnues et la rémunération extrêmement modeste ? Cette amélioration est, selon nous, indissociable de l’amélioration des prestations destinées à compenser la dépendance.

M. Elie Aboud. Madame, vous avez proposé, entre autres, de financer le nouveau droit par une cotisation assise sur les revenus du capital et sur ceux du travail. Et vous avez raison : une cotisation assise sur les seuls revenus du capital serait certes médiatiquement correcte, mais elle serait purement démagogique ; et une cotisation assise sur les seuls revenus du travail handicaperait la croissance. Il faut donc utiliser les deux, tout en prenant en compte la situation individuelle et familiale de chacun. Cela dit, comment répondre simplement à un problème qui, lui, n’est pas simple ?

Enfin, qu’en est-il du problème posé par l’arrivée dans la dépendance des personnes déjà reconnues comme handicapées ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je partage en grande partie ce qui a été dit par les intervenants.

S’agissant des aidants, avez-vous estimé le nombre des personnes concernées et apprécié leurs perspectives de formation ? Que peut-on faire pour appuyer leur action ?

L’instauration d’un droit à la prise en compte de la dépendance me semble une idée intéressante. Avez-vous effectué des simulations ? Comment pourrait-on procéder d’ici le pic de 2030 ? Où en êtes-vous de votre réflexion à ce sujet?

Je souscris aussi à votre proposition de créer une « CMU dépendance ». Pour travailler avec Jean-Marie Rolland au conseil de surveillance du Fonds CMU, je vois bien ce qui pourrait arriver aux personnes ayant eu des parcours chaotiques.

En ce qui concerne le « parcours de vie » des personnes handicapées ou âgées, comment pensez-vous qu’il faille aménager les différences étapes de leur accompagnement, à domicile comme en établissement ? À ce propos, je remarque que personne n’a parlé des centres locaux d’information et de coordination (CLIC), qui jouent pourtant un rôle important d’information, de coordination, de prévention et d’accompagnement des familles.

Enfin, il me paraît nécessaire de faire converger les politiques relatives aux personnes handicapées et aux personnes dépendantes par l’âge, dans la mesure où elles concernent des personnes confrontées aux mêmes problèmes. À terme, la perte d’autonomie devra s’apprécier tout au long de la vie de la personne.

M. Dominique Dord. Je suis un peu attristé par la faiblesse des propositions avancées en matière de financement de la dépendance. On connaît les problèmes posés par le financement des retraites, on n’ignore rien du vertigineux déficit de l’assurance maladie, et voilà que l’on nous propose de créer une prestation unique financée par la solidarité nationale !

La solution est-elle aussi simple qu’il y paraît ? Je n’en suis pas sûr, et les propositions alternatives de l’UNCCAS me paraissent un peu contradictoires. Quoi qu’il en soit, il faudra bien trouver des pistes de financement. Mme Nouhen a suggéré de conserver, au moins provisoirement, la contribution actuelle des conseils généraux. Une telle contribution, gelée au moment d’un éventuel transfert de compétences, ne pourrait-elle pas constituer une source pérenne du financement de la dépendance ?

M. Michel Issindou. Notre pays a très mal anticipé le vieillissement de sa population, ce qui a créé les nombreux problèmes auxquels nous sommes confrontés sur le terrain : insuffisance des financements et des équipements ; vieillissement des aidants familiaux ; dévalorisation de la filière. Le paysage est plutôt triste !

Cela dit, est-il absolument nécessaire d’identifier ce cinquième risque ? Ne peut-on pas considérer que la perte d’autonomie est une forme de maladie ? Pourquoi ne pas intégrer la compensation de la dépendance dans la politique de santé publique et la financer par la solidarité nationale ?

Dominique Dord s’est dit déçu par les propositions qui ont été faites. Mais ce ne sont que des propositions, et c’est à nous qu’il reviendra de choisir. Nous devrons le faire avec courage. Le vieillissement de la population a un coût, et il faudra que nous l’assumions collectivement.

M. Fernand Siré. Tout comme Dominique Dord, j’ai été effrayé par la démagogie des intervenants. Avant d’imaginer tout ce qu’il faudrait faire pour compenser la dépendance, il conviendrait de réfléchir aux moyens que notre pays peut y consacrer.

Au départ, il ne s’agissait que de financer la dépendance des personnes âgées, consécutive à leur vieillissement prolongé. Mais, maintenant, en voulant élargir le dispositif, on ouvre le tonneau des Danaïdes ! En effet, la perte d’autonomie peut résulter d’une maladie chronique, d’un cancer, d’un accident, d’un handicap physique ou psychique de naissance, ou encore d’un retard mental et psychotique…Tout cela a un coût. En tant que président de trois associations employant 150 salariés, je sais que ce coût varie entre 145 et 180 euros par jour pour les handicapés profonds – uniquement pour le handicap et l’hébergement –, entre 45 et 80 euros par jour pour les maisons de retraite – uniquement l’hébergement –, et entre 300 et 900 euros par mois, soit entre 10 et 30 euros par jour, pour les aides à domicile – uniquement pour l’APA. Si vous voulez tout indemniser, je ne sais pas comment nous pourrons en supporter le coût.

M. Christophe Sirugue. Le coût d’un hébergement en établissement et le risque de baisse du niveau des pensions de retraite ne menacent-ils pas le principe de libre choix du lieu de vie ?

Vous nous avez mis en garde contre l’insuffisance de prévention que provoquerait l’exclusion, suggérée par certains, de la prise en charge des personnes relevant du GIR 4 : est-il possible d’évaluer les conséquences financières d’une telle exclusion ?

La question du financement pose la question de la place de l’assurance. À ce propos, je suis effaré de ce que je viens d’entendre : je pense pour ma part qu’un pays qui n’est pas capable d’imaginer les moyens de prendre en charge la dépendance liée au vieillissement ne peut pas se prétendre un pays moderne. Comment s’assurer que la part du financement dévolue à l’assurance privée ne va pas croître aux dépens du principe de solidarité nationale, auquel je suis extrêmement attaché ?

Mme Valérie Rosso-Debord. Je me félicite avec vous, monsieur Balmary, de l’importance des solidarités familiales et de la place des aidants en France. Avez-vous réfléchi à des propositions concrètes dans ce domaine ?

Nous sommes parfaitement convaincus, madame, que la problématique particulière des agents de la fonction publique territoriale devra faire l’objet d’un règlement spécifique. Je vous rejoins également sur la nécessité de nous donner un temps de réflexion pour la définition des besoins à couvrir, qui doit précéder celle sur le financement.

En ce qui concerne la prévention, je proposais dans mon rapport que la prise en charge des personnes classées en GIR 4 ne soit supprimée qu’une fois un dispositif de prévention mis en place via l’ONDAM.

Je partage tout à fait votre point de vue quant à la nécessité de confier la gouvernance du système à la CNSA. J’aimerais savoir cependant quelle place vous assignez aux agences régionales de santé dans ce dispositif. En tant que vice-présidente du centre communal d’action sociale de Nancy, j’aimerais savoir comment l’UNCCAS envisage les répercussions de la réforme territoriale sur les centres communaux et intercommunaux.

Mme Martine Pinville. J’ai trouvé particulièrement intéressant d’entendre parler de « projet de vie », et pas seulement de financement.

Les besoins d’accompagnement des personnes âgées ont-ils été évalués à l’horizon 2020 ou 2030, voire plus tard ?

Ne faudrait-il pas évaluer également le coût des plans en cours à destination des personnes âgées, plans qui souffrent souvent d’un manque de coordination ?

Avez-vous réfléchi à l’articulation entre la prise en charge à domicile et celle en établissement ?

Ne faudrait-il pas imaginer des liens entre les aidants et les professionnels ?

Enfin, selon quelles modalités la solidarité nationale pourrait-elle prendre le relais d’une solidarité familiale défaillante du fait de l’évolution de notre société ?

Mme la vice-présidente de l’UNCCAS. Notre projet de financement porte à la fois sur le court terme et le long terme.

Pour le long terme, nous proposons que la prise en charge de la dépendance soit, sur le modèle de l’assurance maladie, financée comme une cinquième branche de la protection sociale, c’est-à-dire majoritairement par des cotisations assises sur les revenus du capital et du travail, avec la possibilité de recourir à une couverture complémentaire. Si ce dispositif est mis en place immédiatement, nous disposerons dans trois ans des moyens d’amorcer la prise en charge de la dépendance.

En attendant, la prise en charge des besoins actuels pourrait être assurée par un fonds unique de financement, abondé par la mutualisation des enveloppes existantes – financements en provenance des conseils généraux, de la CNSA, de l’assurance maladie – et de nouveaux financements, tels que l’institution d’une seconde journée de solidarité ou la majoration du taux de CSG.

M. Daniel Zielinski, délégué général de l’UNCCAS. L’UNCCAS a souhaité traiter ce dossier en partant de sa connaissance des dysfonctionnements des dispositifs actuels, acquise notamment grâce à l’expérience des membres de son conseil d’administration, tous praticiens du terrain. Il n’est pas normal, par exemple, que la prise en charge d’une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer soit assurée par la prestation de compensation du handicap (PCH), ou par l’APA, selon qu’elle a plus ou moins de 60 ans, alors qu’il y a de grandes disparités entre ces deux allocations.

S’agissant des financements, nous avons vu qu’il existait de grandes disparités entre les départements, ou que ceux-ci étaient en retrait en la matière, faute d’avoir anticipé l’augmentation des besoins en matière d’APA ou de PCH : aujourd’hui, les commissions médico-sociales fixent le montant de ces allocations, non en fonction des besoins de la personne, mais de l’enveloppe dont elles disposent. Geler les dépenses des départements alors que les besoins sont appelés à s’accroître ne ferait qu’aggraver le problème. Il est donc nécessaire de réexaminer la problématique par l’autre bout.

Notre approche s’est voulue pragmatique. Ainsi, les besoins à court terme appellent des mesures rapides, telles que l’augmentation du taux de CSG ou la mobilisation d’une seconde journée de solidarité. Si nous ne pouvons pas encore vous faire de proposition ferme, c’est que notre conseil d’administration doit débattre de ces questions le 2 février.

S’agissant du financement à long terme, la place de l’assurance devrait être marginale, sur le modèle du financement de l’assurance maladie. Je vous rappelle que les dépenses de santé sont financées à 77 % par la sécurité sociale et à 14,5 % par les assurances complémentaires, 8,5 % restant à la charge des assurés. La nature des publics que nous recevons nous a, en effet, rendus très sensibles à la dimension sociale du cinquième risque. Il s’agit d’éviter qu’une trop grande part de financement laissée aux assurances privées ne pousse ces publics à solliciter les collectivités locales que nous représentons pour le financement des aides extralégales. C’est pourquoi nous devons réfléchir en amont à des questions telles que celles-ci : les populations les plus pauvres pourront-elles souscrire de telles assurances ? Le niveau de couverture sera-t-il à la hauteur des besoins ? Il faut également engager la réflexion sur le reste à charge. À ces questions, nous nous efforçons d’apporter des réponses très concrètes.

On doit envisager ce problème complexe de l’aide à l’autonomie dans toutes ses dimensions. Ainsi, nous jugeons nécessaire d’inclure dans cette réflexion le secteur de l’aide à domicile, où un nombre croissant d’associations sont en situation de liquidation financière, au point que certaines d’entre elles demandent aux conseils municipaux de reprendre leur activité à leur charge. Par exemple, à la suite de la liquidation de l’association régionale d’accompagnement social territorial (ARAST) de la Réunion, qui comptait 2 000 salariés, le conseil général a demandé aux centres communaux de l’aider à reprendre le service d’aide à domicile.

Par ailleurs, une enquête de l’UNCCAS montre que les dépenses de santé sont les premières sacrifiées pour les personnes les plus fragiles.

Il faut aussi prendre en compte la problématique des frontières de l’autonomie. Ainsi, la question de la création d’un « forfait autonomie » et des foyers-logements, qui hébergent des personnes relevant des GIR 4 à 6, ne doit pas être exclue du dossier de la dépendance, une stratégie du « tout médicalisé » coûtant plus cher à moyen et à long terme.

L’UNCCAS préconise enfin l’instauration, sur le modèle de la couverture médicale universelle, d’une couverture autonomie universelle, dont le niveau de déclenchement serait le seuil de pauvreté, ce qui n’est pas le cas de la CMU actuelle.

M. le président de l’UNIOPSS. S’agissant du financement, l’UNIOPSS avance main dans la main avec l’UNCCAS. Il s’agit d’un problème sociétal, dont la prise en charge doit à ce titre être assurée par la solidarité nationale. C’est sur le fondement de ce principe que nous proposons une prise en charge combinant des cotisations assises sur les revenus du travail et du capital, sans que nous puissions entrer plus avant dans le détail – nous ne sommes pas l’administration fiscale ! Il s’agirait en somme d’un financement assez analogue à celui de l’assurance maladie, tout au moins techniquement. Il n’est pas question de confondre les deux problématiques, et nous ne considérons pas les personnes en perte d’autonomie comme des malades ; or le financement de l’assurance maladie est de plus en plus fiscalisé.

Je voudrais revenir sur le reproche de démagogie. Le rôle d’associations comme l’UNIOPSS n’est pas seulement de répondre à l’urgence sociale : nous avons aussi une vocation d’anticipation des besoins sociaux pour esquisser des solutions pour le court, le moyen et le long terme. L’anticipation est ici d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un problème évolutif sur le plan démographique et social, appelant une vision prospective.

Notre vision est d’ailleurs partagée par le Parlement lui-même, puisque l’article 13 de la loi du 11 février 2005 fixe le principe d’un droit universel à compensation, en fixant un délai de cinq ans pour sa mise en œuvre. En tant que conseiller d’État, je ne peux que déplorer que la loi n’ait pas été respectée sur ce point.

M. Alain Villez, conseiller technique Personnes âgées à l’UNIOPSS. Il est vrai que la clause de rendez-vous fixée par la loi elle-même n’a pas été respectée. L’entrée en application de ce principe, auquel nous sommes fort attachés, peut souffrir quelque retard, pourvu qu’on n’oublie pas l’objectif : l’abrogation des barrières d’âge.

Comme tous nos partenaires du GR 31 – je rappelle que ce groupe de liaison rassemble les 31 organisations représentatives des personnes âgées et des personnes handicapées au sein de la CNSA –, nous tenons à ce que ce nouveau risque soit financé très majoritairement par les ressources de la protection sociale. Nous n’excluons pas cependant de maintenir les financements des conseils généraux, à la condition que ce soit la CNSA qui pilote l’ensemble du système, ce qui n’est absolument pas le cas de l’APA aujourd’hui. La répartition « 70-30 » qui prévaut aujourd’hui n’est pas de nature à permettre une homogénéisation des modalités de prise en charge sur le territoire. Le financement par des produits d’assurance dépendance, individuels ou collectifs, ne viendrait qu’en sus, au moins pour la couverture du reste à charge, aujourd’hui insupportable pour les personnes âgées.

Il faudrait peut-être définir ce qu’est le libre choix du lieu de vie, sachant que la contrainte financière impose à certains de se tourner vers les établissements d’hébergement, ou à l’inverse de les quitter, phénomène moins souvent évoqué. Cette question rejoint celle de l’évaluation individualisée de la situation des personnes, que nous appelons de nos vœux. Pour nous, en effet, ce droit universel à compensation s’incarne avant tout dans le droit, que vous soyez âgé ou non, à une évaluation individualisée, assurée par des équipes multidisciplinaires, dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui pourraient devenir des maisons départementales de l’autonomie–, les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) ayant vocation à devenir des antennes de ces maisons départementales. Une telle intégration de l’ensemble de ces dispositifs permettrait de constituer un lieu de référence pour toutes les personnes en situation de handicap, quel que soit leur âge. Ces propositions relèvent d’une problématique distincte de celle des financements : elles participent à la mise en application du principe de convergence et peuvent être mises en œuvre rapidement.

Se pose également la question du soutien au répit des aidants familiaux, qui doivent pouvoir être soulagés de ce qui peut constituer un fardeau. Il reste beaucoup à faire pour donner une reconnaissance et une assise unique à l’ensemble des prestations d’aide au répit. Celles-ci existent depuis près de vingt ans, sous la forme des accueils de jour, des hébergements temporaires, ou de formules plus innovantes telles que les plateformes de répit ou les services de garde itinérante de vie ou de relayeuses. La mise en œuvre et la pérennisation de ces services se heurtent aujourd’hui à des difficultés juridiques, notamment du point de vue de la législation du travail, qui devraient être normalement réglées d’ici à 2012, notamment dans le cadre du plan Alzheimer.

Quant à la succession anarchique de plans tels que le plan Solidarité Grand Âge ou le plan Alzheimer, elle mériterait, certes, une évaluation. Il faut cependant tenir compte de l’effet trompe-l’œil, qui donne l’impression d’un grand nombre de financements, alors qu’il s’agit souvent des mêmes mesures. Ainsi le plan d’aide à l’investissement prévoit de financer la construction d’unités d’accueil de personnes atteintes d’Alzheimer dans les EHPAD. De tels doublons pénalisent la mise en œuvre de ces plans et l’effectivité de leurs mesures.

Enfin les divers projets de réformes de la tarification, qu’il s’agisse, entre autres, de l’aide à domicile, des services de soins infirmiers à domicile ou des établissements sociaux et médicaux sociaux nous inquiètent beaucoup, comme elles inquiètent les autres organisations concernées – je pense notamment à celles qui sont rassemblées dans le cadre du collectif des 16 organisations d’aide à domicile. Il s’agit, en effet, dans tous les cas, d’aboutir à la fixation de tarifs plafond et à une forfaitisation des tarifs. Nous craignons qu’une telle forfaitisation ne rende malaisée à terme une prise en compte individualisée des besoins. Ces dispositions sont d’autant plus choquantes qu’elles risquent de déboucher sur une convergence tarifaire par le bas, de priver de moyens des établissements tels que les EHPAD et paradoxalement d’alourdir le reste à charge.

La séance est levée à dix-huit heures vingt.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 25 janvier 2011 à 16 heures 30

Présents. - M. Élie Aboud, M. Gérard Bapt, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Billard, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Pascale Gruny, Mme Danièle Hoffman-Rispal, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Pierre Méhaignerie, M. Roland Muzeau, Mme Dominique Orliac, Mme Martine Pinville, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue

Excusés. - M. Jean-François Chossy, M. Georges Colombier, M. Christian Paul

Assistaient également à la réunion. - Mme Marianne Dubois, M. Régis Juanico, Mme Anny Poursinoff