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Commission des affaires sociales

Mercredi 26 janvier 2011

Séance de 10 heures 

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Jean-Pierre Door Vice-président puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme de la dépendance réunissant M. Dominique Argoud, sociologue, professeur à l’université de Paris XII, président du comité Personnes âgées de la Fondation de France, M. Bernard Ennuyer, sociologue, directeur d’une association d’aide à domicile, Mme Françoise Forette, professeure de médecine interne et de gériatrie à l’université de Paris V, et Mme Marie-Ève Joel, économiste, professeure à l’université de Paris-Dauphine, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie (CNSA)

Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 26 janvier 2011

La séance est ouverte à dix heures cinq.

(Présidence de M. Jean-Pierre Door, vice-président, puis de
M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales organise une table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme de la dépendance réunissant M. Dominique Argoud, sociologue et professeur à l’université de Paris XII, président du comité Personnes âgées de la Fondation de France, M. Bernard Ennuyer, sociologue, directeur d’une association d’aide à domicile, Mme Françoise Forette, professeure de médecine interne et de gériatrie à l’université de Paris V, et Mme Marie-Ève Joel, économiste, professeure à l’université de Paris-Dauphine, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie (CNSA).

M. Jean-Pierre Door, président. Nous poursuivons le cycle d'auditions et de tables rondes consacrées à la réforme de la prise en charge de la dépendance, afin de préparer le débat que nous aurons à l'automne.

Nous accueillons aujourd'hui quatre experts qui réfléchissent à ces questions depuis de nombreuses années.

Monsieur Dominique Argoud vous êtes sociologue ; vous enseignez à l'université Paris XII autour de la thématique des politiques éducatives et sociales et vous présidez, depuis 2002, le comité Personnes âgées de la Fondation de France ; vous participez aux travaux du Réseau thématique « Vieillesses, vieillissement et parcours de vie » de l'Association française de sociologie, qui réunit des sociologues travaillant sur la structuration des âges et les processus de vieillissement.

Monsieur Bernard Ennuyer, vous êtes également sociologue ; vous êtes l'auteur de plusieurs ouvrages sur la situation sociale des personnes âgées, notamment « Les malentendus de la dépendance » en 2003 et « Repenser le maintien à domicile » en 2006 ; vous êtes par ailleurs, depuis 1978, directeur de l'association « Les Amis service à domicile » qui intervient dans le XVIIe arrondissement de Paris.

Mme Françoise Forette, vous êtes professeure de médecine interne et de gériatrie à l'université Paris V et présidente du conseil de surveillance de l'Hôpital Broca ; vous êtes également membre du conseil d'administration de la Croix-Rouge Française et directrice de la Fondation nationale de gérontologie, qui est un lieu de recherche, d'information et de formation sur les questions relatives à la vieillesse et au vieillissement.

Mme Marie-Ève Joël, vous êtes économiste et professeure à l'université de Paris-Dauphine, où vous avez la coresponsabilité d'une équipe de recherche en économie de la santé et d'un master professionnel « économie et gestion des activités médico-sociales » ; parmi vos thèmes de recherche figure « la protection sociale des personnes âgées en Europe et le risque dépendance » ; vous êtes, depuis mars 2010, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie (CNSA).

M. Dominique Argoud, sociologue et professeur à l’université de Paris XII, président du comité Personnes âgées de la Fondation de France. Il n’est pas inintéressant de remettre les débats relatifs à la dépendance en perspective avec la sociologie des politiques sociales, sur laquelle je travaille en tant qu’universitaire. La question de la dépendance est prise en compte dans les territoires, où j’accompagne des équipes dans le cadre de mes fonctions au comité Personnes âgées de la Fondation de France. Je tenais, en préambule, à souligner cette articulation entre réflexions nationales et attentes locales.

C’est parce que notre système de protection sociale est encore très majoritairement « bismarckien », autrement dit de type assurantiel, que le problème de la dépendance se pose avec autant d’acuité depuis plusieurs années en France, comme dans les autres pays d’Europe du même type, où il faut apporter une réponse nouvelle à un risque nouveau et où il ne suffit pas, comme dans les pays « beveridgiens », d’étendre le système existant.

Faute d’avoir utilisé à cette fin l’allocation compensatrice pour tierce personne deux options s’offrent désormais à nous : repenser totalement l’ensemble de notre système de protection sociale, ce qui serait compliqué et très lourd et qui n’est pas à l’ordre du jour, même si nous nous interrogeons sur d’autres types de risques sociaux ; ou bien conserver la logique assurantielle collective, tout en en ajustant le périmètre, compte tenu de l’état des dépenses publiques, et en procédant, le cas échéant, à une externalisation.

En France, nous n’avons ni consensus – comme celui qui a accompagné la création de la sécurité sociale au lendemain de la Seconde guerre mondiale – ni acteur fort, capable d’indiquer la direction à suivre. C’est pourquoi nous combinons les interventions des différents acteurs, tandis que se cristallisent les oppositions entre public et privé, assurance et assistance, local et national.

Dans ce contexte, je veux insister sur trois enjeux fondamentaux.

D’abord, le piège serait de créer un système très hybride, fruit d’un compromis entre des logiques extrêmement diverses et peu lisible par les personnes concernées. Même si le risque dépendance ne concernera pas l’ensemble de la population, loin s’en faut, celle-ci est d’autant plus angoissée qu’elle a du mal à se projeter dans l’avenir.

Ensuite, on observe une individualisation dans toutes les politiques sociales, qui s’appuient de plus en plus sur le « libre choix », au risque de remettre en cause les fondements mêmes de la solidarité, l’assurance individuelle étant l’aboutissement logique de cette tendance. Or, le risque dépendance concernant davantage certains individus, il conviendrait de nuancer ce « libre choix » par la personnalisation des prestations, apte selon moi à répondre aux impératifs de solidarité collective.

Le troisième enjeu – le plus important, quand bien même notre débat porte essentiellement sur la dépendance – tient à la place de la vieillesse dans la société. Nous le savons : la problématique sociale de demain sera non pas la dépendance – qui ne concernera guère que 7 % des plus de 60 ans et 15 % des plus de 80 ans –, mais l’existence d’une population âgée, plus ou moins valide, souffrant d’isolement social et familial, et vivant dans un habitat inadapté. C’est bien cette question qui est posée sur le terrain, en particulier par les élus. Or, dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, la tendance inéluctable – constatée pour d’autres prestations – consiste à resserrer la solidarité publique sur les cas les plus lourds, ce qui va à l’encontre de l’objectif de revalorisation de l’image de la vieillesse affiché par les schémas gérontologiques et les plans nationaux, et conduit à négliger la prévention. Aujourd’hui, l’insuffisance de réflexion sur le vieillissement en général amène les individus à se raccrocher à un idéal de jeunesse et contribue à creuser le fossé entre cette réflexion et celle sur la dépendance.

M. Bernard Ennuyer, sociologue et directeur d’une association d’aide à domicile. Vous venez d’entendre un sociologue gentil et poli, ce ne sera pas mon cas…

La dépendance, sur laquelle je travaille depuis 1974 et mon mémoire de maîtrise de sociologie, est un mot épouvantable, apparu sous la plume des médecins et auquel il faut tordre le cou. En 2002, mon habilitation de recherche à la Sorbonne portait sur ce malentendu : vous êtes tous, nous sommes tous, des gens âgés et dépendants, car nous avons besoin les uns des autres ! C’est le propre de la société et de la cohésion sociale. Pourquoi les vieux seraient-ils davantage « dépendants » ? Et l’expression « perte d’autonomie » ne vaut pas mieux, car elle est synonyme d’une perte de libre arbitre qui ne survient qu’en cas de démence sévère.

Les étrangers parlent de long term care, de soins de longue durée dont les besoins sont liés à des incapacités ou à des déficiences diverses. Dans ce contexte, il nous faut aussi en finir avec une autre notion, la barrière d’âge. Pourquoi la législation française fait-elle une différence entre les moins et les plus de 60 ans ? Le collectif « Une société pour tous les âges », auquel j’appartiens, refuse cette discrimination !

Voilà donc réglées trois questions sémantiques essentielles : on ne parle plus de « personnes âgées dépendantes » mais de « personnes en situation de handicap », quel que soit leur âge, et de « personnes qui ont besoin de soins et d’aide de longue durée », ce qui est beaucoup plus clair. La définition médicale de la dépendance est d’ailleurs le besoin d’être plus ou moins aidé, voire de façon totale, dans sa vie quotidienne à la suite d’une incapacité physique ou psychique.

Pour être encore plus clair, adoptons donc la référence aux « personnes ayant besoin d’aide et de soins à cause de déficiences » que l’on trouve dans la classification du fonctionnement humain que l’Organisation mondiale de la santé a adoptée en mai 2001 et qui est largement ignorée des Français : aucun des médecins d’hospitalisation à domicile auxquels j’enseigne ne la connaît !

La question abordée aujourd’hui pose par ailleurs celle du contrat social. Certes, nos sociétés se sont individualisées, ce que l’on ne peut déplorer puisque la démocratie est aussi l’avènement de l’individu. Comment être un individu de plus en plus individuel tout en restant un individu collectif, se demande justement Norbert Elias. La tension en nous est forte entre nos parts d’individu singulier et d’individu collectif.

Certains ont moins de chance, sont plus fragiles, sont handicapés depuis leur naissance ou à la suite d’un accident, ou souffrent de pathologies – je précise que la vieillesse n’est pas une pathologie et que si des vieux vont mal, c’est parce qu’ils ont des pathologies. La priorité est de définir un projet de société et de voir si nous sommes capables de fournir aux personnes plus fragiles une aide dans le respect de leur dignité et du choix de leur lieu de vie, la question des financements étant secondaire – entre 5 et 10 milliards d’euros étant nécessaires pour faire quelque chose de convenable.

Troisième point : le contrat social suppose a priori un financement par la solidarité nationale. L’assurance privée individuelle n’a pas sa place en première ligne, mais comme allocation supplémentaire pour les personnes ayant fait ce choix.

Les questions de financement seront amenées par le débat citoyen. Aujourd’hui, une dame de 80 ans percevant l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) touche en moyenne 409 euros par mois – 882 euros si elle est classée en GIR 1 –, alors qu’une personne de moins de 60 ans touchant la prestation de compensation du handicap (PCH) peut recevoir jusqu’à 8 000 euros par mois ! Pourquoi une personne âgée représenterait-elle le dixième d’une personne handicapée ? Une fois de plus, cela pose la question de la discrimination par l’âge !

Le besoin de financement se situe entre 5 et 8 milliards d’euros pour amener en deux ou trois ans le niveau moyen de l’APA, actuellement de 500 euros, aux 1 000 euros de la PCH.

Enfin, on ne pourra pas se dispenser d’une réorganisation complète du service d’aide et de soins. Dans son rapport d’avril 2010, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie souligne que la présence d’un grand nombre de personnes de 75 ans et plus à l’hôpital, où elles n’ont rien à faire, coûte plusieurs milliards d’euros. Bref, l’aide et le soin aux personnes en situation de handicap ou souffrant d’affections de longue durée ne peuvent être dissociés du problème global de l’assurance maladie.

(M. Pierre Méhaignerie, président, remplace M. Jean-Pierre Door à la présidence de la séance.)

Mme Françoise Forette, professeure de médecine interne et de gériatrie à l’université de Paris V. Je partage totalement les revendications sémantiques de mon ami Bernard Ennuyer. Le mot « dépendance » n’est employé qu’en France : ailleurs, on parle de besoin de soins ou d’aide de longue durée. Cela étant dit, dans la mesure où un grand chantier est ouvert, nous sommes obligés de parler de dépendance, même si ce terme est discriminant.

Je soutiens également ses revendications quant à la discrimination par l’âge, qu’il faut absolument faire disparaître : aucune barrière d’âge ne devrait exister, ni à l’entrée à l’université, ni dans l’industrie ou ailleurs. Cette notion est obsolète : c’est la compétence des gens qui compte !

Je ne partage pas le pessimisme ambiant quant au coût prétendument faramineux de la dépendance. On compte environ un million de personnes dépendantes en France et leur pourcentage est faible : 7 % des plus de 60 ans ; moins de 20 % entre 80 et 90 ans, un peu plus après 90 ans. Les personnes de plus de 90 ans, dont le nombre augmente à la faveur de l’extraordinaire progression de la longévité, ne seront donc pas toutes dépendantes à l’avenir.

Parmi les systèmes étrangers, l’assurance dépendance au Japon est très intéressante, si ce n’est que les Japonais ne commencent à cotiser qu’à 40 ans, erreur fondamentale qu’ils vont certainement corriger.

Sachant qu’en France, 26 millions de personnes travaillent et que 14 millions de retraités devraient cotiser comme les autres, le rapport entre cotisants et bénéficiaires est extraordinairement favorable : un sur quarante contre un sur quatre et bientôt un pour trois pour les retraites, dont la situation est donc bien plus préoccupante.

La dépendance sera d’autant moins un problème que nous mènerons en la matière la politique de prévention qui fait aujourd’hui cruellement défaut. En effet, la dépendance est toujours liée à une maladie invalidante et la majorité des maladies liées à l’âge peuvent être prévenues, car elles dépendent de facteurs de risques parfaitement maîtrisables. Ainsi, le traitement de l’hypertension artérielle, même après 80 ans, réduit de 40 % l’incidence des accidents vasculaires cérébraux qui sont une source importante de dépendance. Il faut développer une conscience préventive dans toutes les couches et à tous les âges de la population : c’est avant 20 ans que l’on constitue son capital osseux pour prévenir l’ostéoporose, ou que l’on se fabrique de bonnes artères coronaires pour éviter un infarctus du myocarde à 50 ou 60 ans. Qui plus est, la prévention n’est pas onéreuse : elle repose essentiellement sur un style de vie – bonne nutrition, activité physique, activité intellectuelle prolongée – et non sur la prise de médicaments qui représente un coût. Selon moi, des actions de prévention – et nous avons des projets de recherche dans ce domaine – doivent être menées en entreprise : qui a envie, le soir à la maison ou le week-end, de chercher des conseils de prévention ou de consulter le site, pourtant remarquable, de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ? C’est donc en entreprise qu’il faut combattre l’inégalité majeure devant le vieillissement qui fait qu’à 35 ans, un cadre peut espérer vivre sept ans de plus qu’un ouvrier – 46 ans contre 39 !

Je nuancerai toutefois mon propos dans la mesure où 70 % des causes de la dépendance sont liées à la maladie d’Alzheimer et aux maladies apparentées : 72 % des demandes d’APA concernent cette population. Nous essayons d’avancer, mais il n’y a pour l’heure ni prévention efficace ni traitement. À cet égard, je tiens à saluer le plan Alzheimer promu par le Président de la République, car des progrès dans ce domaine permettront une prévention efficace de la dépendance. Les solutions viendront d’une équipe de recherche ou d’une autre dans le monde. Ces efforts peuvent couper court à tous les problèmes de la dépendance. En effet, les projections pour 2050 sont totalement erronées : envisager 80 millions de personnes atteintes – contre 40 millions actuellement – c’est faire de peu de cas du progrès médical, il n’est qu’à regarder les progrès enregistrés depuis 1950 pour s’en persuader !

Comme l’ont montré des travaux de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), la diminution de la dépendance observée entre 1990 et 1999 a été bien supérieure à la diminution attendue. Autrement dit, les efforts de prévention permettent de diminuer la dépendance dans chaque classe d’âge. Ne baissons pas les bras : la prévention est le vrai traitement de la dépendance.

Pour terminer, un facteur d’espoir : si, jusqu’à présent, la science du vieillissement était peu développée dans notre pays, un des candidats aux futurs instituts hospitalo-universitaires (IHU), financés par le grand emprunt, a choisi comme thème le vieillissement et la prévention de la dépendance.

Mme Marie-Ève Joël, économiste, professeure à l’université de Paris-Dauphine, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie (CNSA). Je ne vais pas me laisser enfermer dans mon rôle d’économiste et vous parler uniquement du financement.

Les enjeux financiers des soins de long terme, de la dépendance, de la perte d’autonomie – j’assume ce langage incorrect – sont connus. Il faudra trouver 8 milliards d’euros en année pleine autour de 2025.

Le contexte est mouvant. D’un côté, les avancées sont incontestables avec l’APA, la création de la CNSA, la modernisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la loi du 11 février 2005. De l’autre, les incertitudes sont importantes dans plusieurs domaines : l’espérance de vie – que deviendront les femmes qui boivent et qui fument et les obèses, quelles seront les conséquences du stress au travail et de la précarité ? – ; l’évolution des modes de vie et du travail des femmes ; la demande des générations futures ; l’évolution des pathologies ; l’évolution des salaires, des conditions de travail, des métiers du médico-social, des possibilités d’immigration.

Il y a toute une gamme de propositions financières pour trouver des ressources nouvelles – par la CSG, la journée de solidarité, le capital des personnes âgées, les assurances privées, la taxation des jeux de hasard – ou pour concentrer l’action publique sur les plus pauvres, les plus dépendants, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer...

Ce débat financier a débouché sur des scénarios – de la CNSA, du Sénat ou du rapport de Mme Rosso-Debord – qui mettent en jeu des représentations de la solidarité nationale autour d’un nouveau risque. Le « plus » qui sera apporté à la dépendance aura une valeur symbolique et traduira la conception plus ou moins généreuse du corps social à l’égard des vieux. N’oublions pas, toutefois, que les choses sont plus délicates en période de déficit public…

Si le débat financier est incontournable, il ne faut pas se laisser enfermer dans une représentation purement financière de la solidarité, dans le terrorisme du chiffre et dans l’idée que non seulement il n’est pas drôle de vieillir mais qu’en plus, cela coûte cher… Pour éviter cette dérive, il faut se tourner vers les acteurs familiaux des soins de long terme et de la dépendance – je laisserai de plus experts que moi vous parler des professionnels et de la maladie d’Alzheimer.

La dépendance s’inscrit dans la politique familiale : tous les acteurs de la famille sont concernés ; la famille est le premier financeur ; les enjeux de gestion sont tout aussi importants pour les familles que les simples questions financières ; la puissance publique peut intervenir vite et à faible coût pour régler des problèmes concrets, spécifiques à la dépendance.

La perte d’autonomie concerne différents acteurs familiaux. La personne âgée elle-même a besoin que l’on prenne en charge sa perte d’autonomie. Son conjoint est généralement retraité et menacé de pauvreté. Ses enfants sont amenés à gérer des situations complexes d’organisation de la prise en charge et de compatibilité entre leur propre activité professionnelle et les soins et aides à leur parent âgé. En outre, les petits-enfants sont menacés d’obligation alimentaire, de perte d’héritage car tout aura été dépensé, ils devront rembourser la dette publique que nous accumulons. Ils voient leurs parents se consacrer non pas à eux mais à leurs propres parents, au détriment de la transmission intergénérationnelle : c’est la « quadruple peine » !

Quel est l’état de ce que j’appellerai « familles et dépendance » ? L’aide en nature représente la part majeure de la contribution familiale ; 3 200 000 personnes âgées sont aidées par deux personnes ; les hommes sont aidés à 70 % par leurs conjointes, les femmes – qui sont plus nombreuses et qui vivent plus vieilles – à 35 % par leurs conjoints ; le conjoint aidant a en moyenne 70 ans, et l’enfant aidant – généralement actif, contrairement au conjoint aidant – 51 ans. L’aide de la famille peut atteindre 35 à 40 heures par semaine en cas de grande dépendance. Cela peut poser des difficultés au travail : chacun connaît une personne d’environ 50 ans qui aide son parent dépendant et dont le travail est très perturbé. Peut-être y a-t-il une deuxième journée de solidarité à chercher dans la contribution – cachée mais existante – du milieu professionnel : on est souvent tolérant avec un collègue qui a un problème avec sa vieille maman...

La contribution des ménages atteint 7 milliards d’euros, auxquels s’ajoute ce que font les municipalités. L’évaluation du reste à charge est à la fois une prise de conscience par la collectivité de la charge familiale que représente la dépendance et une remise en cause d’une conception assise uniquement sur le point de vue de l’« aide sociale ».

Les questions financières sont bien identifiées : l’APA ne couvre pas toutes les dépenses relatives à la dépendance ; l’équité de la répartition du reste à charge après APA n’est pas garantie ; la pauvreté du conjoint et des classes moyennes, exclues de l’aide sociale et des exonérations fiscales, sont des phénomènes connus.

Tel n’est pas le cas des problèmes de gestion assez lourds auxquels sont confrontées les personnes qui gèrent les soins de long terme ou la perte d’autonomie.

En premier lieu, une personne âgée en perte d’autonomie et avec des troubles neuro-dégénératifs est souvent peu apte à gérer son budget et sa propre prise en charge, mais pas toujours prête à déléguer cette tâche à ses enfants. C’est l’aidant principal qui est amené à dire la réalité économique à son parent en perte d’autonomie, à lui expliquer qu’il faut vendre un bien familial s’il n’y a plus assez d’argent, ou qu’il faut aller en établissement si le maintien à domicile devient impossible. C’est également lui qui entre, par anticipation, dans les questions d’héritage.

En outre, cet aidant doit gérer non seulement ses propres affaires économiques, mais aussi celles de ses parents dans un contexte où l’on prend en compte les incapacités physiques, un peu les incapacités psychologiques et pas du tout les incapacités économiques.

Il lui faut par ailleurs gérer la « PME familiale », accepter un défilé permanent à la maison, adapter sans cesse l’organisation familiale et la prise en charge. Si certains ont la chance d’être aidés par un merveilleux service d’aide à domicile, comme celui que dirige Bernard Ennuyer, ce n’est hélas pas la généralité.

Il est également nécessaire de gérer la maltraitance financière. Les personnes âgées se font voler assez fréquemment, pour des sommes parfois importantes et selon différentes formes : services à la personne surpayés, abus de faiblesse, réalisation du patrimoine à l’insu de la personne âgée…

De mon point de vue, tous ces problèmes de gestion sont au moins aussi importants que les problèmes financiers. Il faut s’en préoccuper.

Enfin, pour mettre en œuvre une réelle solidarité, un certain nombre de problèmes concrets peuvent être traités sans que cela ait une importante incidence financière.

Je pense tout d’abord à l’incontinence. Des pays ont avancé sur ce point : une ergonomie urbaine légère peut permettre d’installer des toilettes propres et entretenues et éventuellement des bancs Cela facilite la vie des personnes dépendantes, trop souvent obligées de rester à la maison avec les couches et l’aide soignante…

Autre exemple, les problèmes d’alimentation, qui touchent des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ou souffrant des dents. La vulgarisation des connaissances à ce sujet et la création d’un rayon dédié dans les grandes surfaces simplifieraient grandement la vie des familles.

La paille coudée est, selon moi, le meilleur modèle économique : elle ne coûte rien, est très pratique pour boire, elle permet de ne pas se salir. Seuls les enfants l’utilisent, mais elle pourrait être généralisée.

M. Denis Jacquat. M. Argoud a plaidé pour un système non pas hybride mais clair et visible : je partage son avis. Il a eu aussi raison de dire que la perte d’autonomie concerne tous les âges et d’insister sur la nécessité d’en finir avec la barrière d’âge.

La question principale est bien de savoir ce que l’on veut financer, sachant que l’on s’appuiera en priorité sur la solidarité nationale.

Je regrette par ailleurs que nous ne soyons pas meilleurs en matière de prévention, bien qu’elle soit indispensable pour limiter les maladies dégénératives.

Enfin, il faut des ressources non plus ponctuelles mais pérennes.

Mme Marisol Touraine. Je suis convaincue que l’enjeu est à notre portée. Je regrette qu’on nous tienne un discours alarmiste sur le seul aspect financier, car l’urgence est plutôt de décider des politiques que nous voulons mener et des actions que nous voulons engager.

Un dispositif existe déjà, avec l’APA, complétée par la CNSA, et, s’il est imparfait, du moins peut-on partir de là. Etes-vous vraiment persuadé, monsieur Argoud, qu’il faille un nouveau système face à un nouveau risque ?

Pensez-vous par ailleurs comme moi, madame Forette, que c’est en raison de la montée en puissance de l’APA que la diminution de la dépendance a été plus importante que prévue ? La suppression du recours sur succession a pu lever des inhibitions, amener des personnes jusque-là hésitantes à solliciter le soutien de la collectivité. C’est la raison pour laquelle nous sommes résolument favorables à un dispositif de solidarité collective qui n’établisse pas de lien entre les ressources ou le patrimoine d’un individu et les prestations auxquelles il a droit.

Quels besoins sont, selon vous, prioritaires ? Faute d’une culture en la matière, la prévention est insuffisamment reconnue dans notre pays, et pas seulement pour les personnes âgées. D’après une étude récente, les Suédois vivent en bonne santé cinq ans de plus que les Français, toutes catégories sociales confondues. C’est la preuve que des politiques de prévention, d’accompagnement, existent dans certains pays et pas chez nous. Monsieur Ennuyer, préconisez-vous une montée en puissance des dispositifs actuels – aide à domicile, nombre d’heures auprès des personnes, qualité du soutien aux aidants – ou un changement de nature ? On nous dit qu’il est nécessaire de faire plus, mais sans dire clairement si cela signifie des prestations de nature différente ou une montée en puissance financière.

M. Maxime Gremetz. La question du financement est secondaire, a-t-on dit, mais elle se pose tout de même ! Pour moi, il est essentiel de se demander de combien les salariés français ont aujourd’hui besoin pour vivre.

Faut-il modifier fondamentalement le système existant ou procéder à des aménagements, se demande Marisol Touraine. Pour ma part, je défendrai toujours la solidarité nationale, donc la création d’un cinquième risque ! La solution de l’APA complétée par la CNSA n’est pas satisfaisante, car elle coûte très cher aux conseils généraux et ne répond pas aux besoins, loin s’en faut. Elle est même contraire à la solidarité nationale car ce sont toujours les mêmes qui paient : les petites gens à travers leurs impôts et pas les employeurs ! De même, l’assurance privée est une injustice sociale, puisqu’elle est réservée à ceux qui peuvent la payer.

Je le répète : un système juste, apte à répondre le mieux possible aux besoins de la dépendance, conçue comme une perte d’autonomie, doit reposer sur la solidarité nationale, c’est-à-dire sur la contribution de tous, en fonction de leurs moyens. C’est bien sûr la solidarité que repose la sécurité sociale, que le Conseil national de la résistance a créée en 1945, dans un pays dévasté, pour couvrir l’ensemble des risques susceptibles de toucher nos concitoyens, et non pour faire face à quatre risques seulement, et qui était à l’origine gérée de façon démocratique, par des administrateurs élus.

M. Claude Leteurtre. Les quatre intervenants ont traité toutes les dimensions de la dépendance.

Oui, le contrat social est fondamental : toute réponse doit s’inscrire dans ce cadre.

Monsieur Argoud, préconiser la personnalisation face à la montée en puissance du libre choix me semble être une réponse de jésuite, dans la mesure où la première implique le second. Quelle limite posez-vous au libre choix ?

Mme Joël a insisté sur la dimension personnelle. Faut-il en déduire que la dimension collective ne permet pas d’apporter une réponse satisfaisante ?

Lors de nos débats sur la CNSA, nous avions souhaité une convergence entre le handicap et la vieillesse. Dans cette logique, la solution doit être globale. Soulager les conseils généraux serait une première réponse collective et solidaire. Il conviendrait d’en apporter d’autres aux questions liées au financement. Le débat est lancé.

Peut-on, selon vous, faire valoir la solidarité de base et faire tomber la barrière d’âge, en traitant uniquement la dépendance ?

M. Michel Issindou. Votre optimisme est bienvenu : nous sommes rassurés d’entendre que le coût de la dépendance ne sera pas aussi élevé que certains le disent et que le nombre de personnes concernées restera relativement faible. En revanche, la situation des personnes âgées et des aides familiaux est loin d’être satisfaisante : une amélioration qualitative est possible si elle n’est pas trop onéreuse.

Derrière la dépendance se profile, dites-vous, un problème pathologique et non le vieillissement lui-même. Le financement relèverait ainsi de la protection sociale, au même titre que la santé, d’autant que les enjeux financiers ne sont pas démesurés. Dans ces conditions, est-il nécessaire de créer une cinquième branche ou suffirait-il de dégager un financement spécifique, fondé sur la solidarité nationale, en conservant les grandes lignes du dispositif actuel ?

M. Dominique Dord. Vous aviez annoncé, monsieur Ennuyer, une intervention impertinente, or je l’ai trouvée plutôt convenue… J’ai été toutefois intéressé par l’idée que nous sommes tous dépendants les uns des autres. J’ai également beaucoup apprécié que Mme Joël replace la dépendance dans le cadre de la vie familiale.

Même si, selon Mme Forette, la dépendance ne coûtera pas aussi cher que nous le redoutons, je suis opposé à l’idée « faisons d’abord, nous verrons plus tard comment financer ».

Enfin, on envisage de créer une cinquième branche ou de rattacher la dépendance à la branche maladie, mais pourquoi ne pas la rattacher à la branche famille ?

M. Bernard Perrut. Le vieillissement évoque des représentations sociales négatives, voire angoissantes, à titre individuel comme à titre collectif, sur le plan social comme sur le plan économique. Telle n’est pas votre approche, que je trouve encourageante : relever le défi du vieillissement est une chance de renforcer notre pacte social.

L’enjeu des relations intergénérationnelles doit être au cœur des politiques publiques et de la politique familiale. Nous constatons de plus en plus la coexistence simultanée de quatre, voire de cinq générations. Nous ne pourrons faire l’impasse d’un débat sur l’équité intergénérationnelle, en tenant compte du fait que les personnes âgées disposent souvent de moyens plus importants que les jeunes générations. Nous devons réfléchir à l’articulation entre l’intervention publique et l’entourage familial, par exemple en faisant de la garde des enfants par les plus âgés et de la garde de ces derniers par les plus jeunes une « obligation » familiale.

Il est important, par ailleurs, de développer l’information sur la dépendance. Nous rencontrons dans nos circonscriptions des enfants de personnes âgées qui ne connaissent pas leurs droits, qui ignorent si des structures sont susceptibles d’accueillir ces personnes et dans quelles conditions ils peuvent envisager le maintien à domicile.

J’ai été heureux, madame, de vous entendre dire que, grâce à l’évolution de la science et de la médecine, nous aurons dans les prochaines années une vision différente du vieillissement et de la population âgée elle-même.

Vous avez aussi insisté sur la prévention de la délinquance…

M. Maxime Gremetz. Quel lapsus ! Vous êtes obsédés par la sécurité…

M. Bernard Perrut. …pardon, de la dépendance et sur la façon dont elle pourrait être concrètement prise en charge dans chaque commune.

M. Jean Bardet. Je reviens sur l’aspect sémantique. Vous proposez de l’appeler différemment mais, lorsqu’il entend parler de « dépendance », le Français moyen sait de quoi il s’agit : il redoute de devenir un jour dépendant sans recevoir l’aide adéquate. Nous sommes très forts pour changer le nom des problèmes, sans pour autant les résoudre. On parle de « malvoyants » et de « malentendants », mais qu’est-ce que cela change pour les aveugles et pour les sourds ?

Je rejoins Mme Forette sur la nécessité de la prévention. Mais nous mourrons tous un jour, après une période de dépendance – que nous espérons la moins longue possible. Et quand la maladie d’Alzheimer sera guérie, une autre maladie surviendra qui entraînera d’autres morts.

Quant au financement, la somme annoncée correspond naturellement à un transfert de charges. M. Ennuyer déplore que les personnes dépendantes soient parfois accueillies dans des services d’hospitalisation, leur prise en charge par un organisme mieux adapté permettra un tel transfert.

Comme Marisol Touraine, je suis totalement opposé à la retenue sur héritage : si, à revenus égaux, certains choisissent d’acheter une maison, d’autres de voyager, pourquoi seraient-ils traités différemment au regard de la dépendance ?

Enfin, en tant qu’ancien RPR, je ne peux que me réjouir que Maxime Gremetz ait fait allusion au Conseil national de la Résistance. Comme lui, je prône l’instauration d’un « cinquième risque ».

M. Vincent Descoeur. En effet, madame Joël, l’environnement familial est aujourd’hui moins propice à l’accompagnement des parents devenus dépendants. Quel est selon vous le bon dosage entre solidarité nationale et solidarité familiale ? En tant que président du conseil général du Cantal, j’ai eu connaissance de lettres de reproches de descendants, soulignant que l’éducation qu’ils ont reçue de leurs aînés ne les incite pas à les aider lorsqu’ils deviennent dépendants.

En matière de prévention, mon département étudie la possibilité de créer un service équivalent à la protection maternelle et infantile mais destiné aux seniors, afin de limiter les effets de la dépendance. Mais ne craignez-vous pas, madame Forette, que l’allongement de la durée de la vie ne contrarie les effets de la prévention.

La grille AGGIR est une bonne chose, mais la dépendance, dès qu’elle survient, induit une obligation d’hébergement, à laquelle les familles doivent faire face avant même de se préoccuper des soins. Cette dépense est-elle intégrée dans l’évaluation financière qui est faite de ce dossier ?

M. Rémi Delatte. La société est en train de s’approprier le thème de la dépendance, pour des raisons diverses : certains s’inquiètent pour leur propre situation, d’autres culpabilisent pour les choix qui ont été faits pour tel ou tel membre de leur famille. Cette évolution positive traduit le retour du lien intergénérationnel, auquel je suis très attaché, M. Argoud a pu s’en rendre compte à Saint-Apollinaire.

Je suis quelque peu surpris que lui-même et Mme Forette relativisent le nombre de personnes dépendantes : nous ne devons pas nous contenter de prendre en charge les cas les plus lourds. Le vieillissement de la population est une réalité et doit nous amener à considérer la dépendance dans sa globalité. L’expression « besoin de soins de longue durée » me paraît intéressante, mais il faut aussi prendre en compte la prise en charge des personnes, la place de l’aidant, l’organisation du lieu de vie et le développement des structures d’accueil.

Comment jugez-vous l’offre française en matière d’établissements – leur nombre, leur répartition sur le territoire, leur qualité ? Vers quels types de structures devons-nous aller ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je remercie les intervenants d’avoir replacé la longévité au cœur de notre contrat social et d’en faire un projet de société. Ils nous permettent de sortir du catastrophisme ambiant qui repose sur l’idée que nous allons tous devenir « grabataires »… La sémantique nous aidera à sortir de cette vision négative.

Il faut privilégier la solidarité nationale. Il serait dangereux pour les conseils généraux que les dotations de l’État soient gelées à hauteur des seules dépenses engagées pour l’APA ou au titre de la maladie d’Alzheimer.

En France, nous préférons la réparation à la prévention. Vous vous félicitez, madame Forette des plans Alzheimer et Solidarité Grand Âge, mais la consultation gratuite à 60 ans n’a jamais pu être instituée. Pourquoi vos confrères ne se sont-ils pas mobilisés en ce sens ?

M. Ennuyer a, en quelque sorte, comparé le coût de la dépendance, qui va de 880 euros par mois en GIR 1 à 8 000 euros en situation de handicap. Mais une personne âgée en incapacité vit en moyenne encore deux ans, avec un reste à charge pour les classes moyennes d’environ 1 200 euros. La prise en charge n’est donc pas la même que celle qu’exige un enfant de 18 ans, autiste, que la société devra aider tout au long de sa vie !

Je suis favorable à une continuité de prise en charge tout au long de la maladie. Quant au maintien à domicile, il peut être encouragé mais à condition de ne pas nuire au maintien du lien social. Mme Joël a beaucoup parlé de la famille. Or, un certain nombre de nos aînés, en milieu urbain ou rural, se retrouvent totalement isolés. Le lien intergénérationnel n’existe pas dans toutes les familles.

Revenir comme certains le préconisent sur la prise en charge du GIR 4, qui concerne près de la moitié des bénéficiaires de l’APA, serait extrêmement préjudiciable à la prévention

Enfin, la féministe que je suis attire votre attention sur la nécessité de ne pas demander trop à la femme de 51 ans, qui s’occupe déjà de ses petits-enfants et qui approche de la retraite : si elle « craque », la courbe de la dépendance risque de remonter…

Mme Anny Poursinoff. Mme Forette suggère de promouvoir la prévention dans les entreprises. C’est une idée très intéressante, mais nous ne semblons malheureusement pas aller dans cette voie.

Selon elle, les progrès de la médecine devraient permettre de guérir la maladie d’Alzheimer. Je vous trouve optimiste. Je crains, pour ma part, de nouvelles épidémies et l’apparition de maladies chroniques, liées aux pesticides ou à la mauvaise qualité de l’eau, dont la prise en charge sera très lourde. C’est pourquoi des financements pérennes sont nécessaires.

Mme Joël a appelé à juste titre notre attention sur la « quadruple peine » des petits-enfants. C’est pourquoi je suis favorable à ce que l’on augmente les droits de succession, qui traduirait la solidarité de l’ensemble de la population, au lieu de taxer uniquement les héritiers qui ont la malchance d’avoir un parent dépendant.

Au lieu de donner de l’argent aux familles pour qu’elles puissent les payer, il faudrait mettre à la disposition des personnes des services pris en charge par la solidarité nationale. Qui plus est, les services publics sont beaucoup mieux contrôlés que les services privés, qui réagissent à la loi du marché. Les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) fonctionnent très bien, sans droit d’entrée ni retenue sur héritage. Dispensant des soins et non de l’aide, ils sont entièrement pris en charge par la sécurité sociale. L’hébergement gratuit dans les EHPAD serait aujourd’hui la règle si nous avions pris la décision, en 1974, de faire financer les longs séjours par la sécurité sociale et non par les personnes hébergées.

M. Guy Malherbe. Nous avons beaucoup parlé du financement de la dépendance, mais assez peu des personnels qui devront s’occuper des personnes dépendantes alors qu’ils doivent recevoir une formation de qualité. Actuellement les associations de soins à domicile et les centres communaux d’action sociale ont du mal à recruter du personnel.

Enfin, j’ai beaucoup apprécié la remarque de Mme Joël sur ces jeunes retraités qui se trouvent à la tête d’une « PME familiale », chargée de l’hospitalisation à domicile des aïeux, mais aussi des loisirs et de la garde des enfants.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au-delà de l’aspect sémantique, qui n’est pas anecdotique, il faut sortir d’une logique sociétale. La notion de « besoin de soins de longue durée » est intéressante, mais il faut étudier attentivement le financement.

Je suis conseillère générale du Jura. Dans ce petit département rural de 250 000 habitants, l’APA compte 4 000 bénéficiaires, ce qui représente une charge de 20 millions d’euros par an. Le financement pose donc un grave problème.

Madame Forette, pouvez-vous nous en dire plus sur le système japonais. En quoi le fait de n’imposer une cotisation qu’à partir de 40 ans crée-t-il une difficulté ?

Enfin, peut-on prendre des mesures efficaces en matière de prévention de la dépendance et de soins de longue durée sans remettre en cause l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ?

Mme Bérangère Poletti. Merci, mesdames, messieurs de nous permettre d’élargir le débat à la problématique du vieillissement de la population et à l’accompagnement. Les enjeux sont plus liés au nombre de personnes vieillissantes qu’à celui des personnes réellement dépendantes, qui ne représentent qu’environ 20 % de cette population.

La question de la dépendance s’impose aux élus locaux. En milieu rural comme urbain, l’évolution de la famille n’est pas favorable à l’environnement humain des personnes âgées et cela ne manquera pas de s’aggraver. Élue d’une circonscription rurale qui compte 190 communes, je rencontre des maires qui me présentent leurs projets destinés à apporter des solutions à la solitude des personnes âgées. Je suis favorable aux pavillons ou aux appartements communs et à la mutualisation de moyens, mais j’ai quelque doute quant à leur efficacité car je rencontre des personnes âgées qui ne veulent pas quitter leur domicile, même insalubre, ce qui rend difficile la prévention de la dépendance.

Comment aider les élus locaux à mener à bien leurs projets ? Comment engager une réflexion sociétale pour amener les personnes qui sont sur le chemin du vieillissement à admettre que vivre ensemble constitue la meilleure des préventions ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Vos interventions nous amènent à nous poser la question de la place des personnes vieillissantes dans notre société.

S’agissant de la sémantique, je pense que, souvent, quand le nom des choses change c’est que les choses changent elles-mêmes et qu’il faut en tenir compte pour traiter convenablement cette question.

Vous avez raison, la barrière d’âge est une discrimination inacceptable. Nous avons eu ce débat en 2005 lors de l’examen du projet sur le handicap. Malheureusement, nous n’avons pas beaucoup avancé. Je souhaite que le présent débat nous donne l’occasion d’apporter enfin des réponses.

La discrimination existe aussi dans le cloisonnement entre personnes âgées et personnes en situation de handicap. L’ensemble des difficultés qui se posent tout au long de la vie devraient être prises en compte dans un parcours de vie.

S’agissant de l’organisation de la cité, nous devons aller plus loin en matière d’accessibilité. Pourquoi nous incite-t-on à délivrer des dérogations qui ne feront qu’aggraver le retard en la matière ?

Je reviens sur les parcours de vie chaotique : une grande partie de la population n’a ni emploi ni ressources stables. Que deviendront ces personnes lorsqu’elles seront plus âgées et qu’elles auront des problèmes de santé ? Que pensez-vous d’une éventuelle mise en place d’une sorte de couverture autonomie universelle, fondée sur le modèle de la couverture maladie universelle (CMU) ?

Enfin, les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) jouent un rôle important, même s’ils ne sont pas également répartis sur l’ensemble du territoire. Mon département, par exemple, en compte trois, qui favorisent la prévention et la formation. Ne pourrait-on envisager, pour les conforter, de les intégrer dans de futures maisons départementales de l’autonomie ?

Mme Marie-Ève Joël. Je commencerai par l’aspect sémantique de la dépendance. On parle en effet aujourd’hui, à juste titre, de soins de longue durée, « long term care », expression qui s’attache non pas à une caractéristique individuelle mais à un secteur producteur d’un certain type de services. Complexes, à la fois médicaux et sociaux, de longue durée, plus ou moins efficaces, ils s’adressent à des personnes qui souffrent de certaines incapacités.

Nous devons surtout nous intéresser aux causes de ces incapacités : la maladie bien sûr, sachant qu’une pathologie en voie de guérison peut en cacher une autre, mais aussi l’environnement, en particulier le manque d’aménagement du domicile où, selon l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance, de nombreuses pièces sont inaccessibles. Au lieu d’investir dans les EHPAD, pourquoi la collectivité ne consacrerait-elle pas 20 à 30 000 euros à aménager chaque logement ?

L’espace public est un autre élément de l’environnement : j’ai parlé de l’installation de bancs pour inciter les personnes à sortir davantage. La mise à disposition de services de soins de long terme est également importante : la difficulté de trouver une infirmière le dimanche en grande banlieue ne peut que conduire à se tourner vers l’hôpital.

Les innovations technologiques et techniques peuvent aussi être sources de difficultés pour certaines personnes : certes, la carte bleue facilite notre vie, mais pour quelqu’un qui ne mémorise plus son code, c’est bien plus compliqué… De la sorte, les innovations deviennent parfois des obstacles pour les populations fragiles.

Nombre de personnes sont hébergées en raison de leur incapacité non pas physique ou psychique mais « économico-administrative » dans leur vie courante, pour leurs démarches administratives face aux assureurs ou aux services fiscaux par exemple. Pourquoi ne pas s’inspirer de cette association qui envoie des retraités des impôts et de la banque aider à régler ces problèmes au domicile des intéressés ?

On le voit, la complexité de notre environnement favorise la perte d’autonomie. C’est donc à la collectivité d’intervenir de façon rapide et efficace.

Faire la part de ce qui relève de la solidarité familiale et de la solidarité publique est au cœur du débat. Cette distinction n’est pas facile et ne saurait se prêter à la démagogie. En Allemagne, la solidarité publique prend en charge une sorte de « panier de services » et l’on décide, de façon un peu brutale, de qui bénéficiera à ce titre d’une allocation. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure solution.

Pour notre part, je crois que nous devons regarder de façon beaucoup plus positive le fait que nos concitoyens acceptent de verser des sommes considérables pour la solidarité, sous forme de cotisations et d’impôts.

Notre vision des familles est elle aussi trop souvent négative. Les aidants ne demandent pas que l’on reconnaisse leur souffrance, mais tout simplement de pouvoir gérer la situation.

Mme Françoise Forette. Plusieurs questions ont porté sur la prévention.

Mme Touraine a cité l’exemple de la Suède, où l’espérance moyenne de vie sans incapacité dépasse de cinq ans celle de la France. Il faut toutefois se méfier des études de ce type, car elles s’appuient sur des questionnaires : peut-être la sinistrose ambiante influe-t-elle sur la façon dont les Français remplissent le leur… Qui plus est, en Suède, on travaille en général cinq à dix ans plus tard qu’en France, ce qui aide à la conservation des fonctions cognitives !

M. Maxime Gremetz. Vous avez trouvé la solution : reculer l’âge de la retraite à 70 ans !

Mme Françoise Forette. Les données scientifiques sont ce qu’elles sont !

Les facteurs de risques étant totalement différents, M. Philippe Bas avait souhaité qu’il y ait deux consultations médicales gratuites : une vers 55 ou 60 ans, quand on réfléchit à la cessation d’activité et on recherche les facteurs de risques cardio-vasculaires, une autre à 70 ans, quand il s’agit d’analyser les risques d’entrée dans la dépendance – incontinence, troubles de l’équilibre, troubles cognitifs. L’assurance maladie s’y étant opposée, pour des motifs financiers, il a été fait le choix d’une consultation hybride, vers 60 ans, qui ne répond pas à ces objectifs. Il faudra y réfléchir.

Vous avez beaucoup insisté sur le contrat social et je m’en réjouis car il est à la base des progrès que nous allons faire en matière d’intégration des personnes âgées, dont le problème principal est peut-être la solitude, comme l’a souligné justement Mme Poletti.

Bravo, monsieur Delatte, d’avoir su mettre autour de la même table des acteurs différents – par exemple les responsables de la construction d’une HLM, d’une maison de retraite et d’une crèche – pour mener à bien la magnifique expérience de Saint-Apollinaire. Dans ce remarquable modèle d’intégration, que j’avais essayé en vain de promouvoir lorsque j’étais conseillère de Paris, vivent ensemble cinq générations, dont quelques personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer prises en charge dans des appartements individuels. Il y a également une maison de retraite et une halte garderie, avec des locaux communs où tout le monde se rencontre. Cette expérience, qui n’est pas unique, doit être étudiée avec attention car le principal problème de la dépendance est la perte de l’intégration sociale.

Nous devons porter une attention particulière aux personnes ayant eu un parcours chaotique et réduire l’écart d’espérance de vie entre les différentes catégories sociales. Mais il faut garder à l’esprit que la majorité des personnes vieillissent bien, parce qu’elles ont eu un parcours linéaire, qu’elles ont une bonne constitution et de bons gènes. La dépendance ne touche qu’une petite portion de la population, ce qui est une raison supplémentaire pour mieux nous en occuper. Je ne me prononcerai pas sur la nécessité pour cela de compléter la CMU.

Nous ne disposons d’aucun élément scientifique permettant d’accuser la pollution d’être responsable de nouvelles épidémies. Mais nous pouvons craindre l’apparition d’épidémies virales, à l’instar du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), et le Gouvernement s’y prépare. Quant à l’augmentation des cancers, elle est liée à l’allongement de la vie ; rien ne permet de la lier à la pollution, même si celle-ci est bien sûr un élément défavorable.

Le système japonais d’assurance s’appuie sur une contribution obligatoire à partir de 40 ans pour un coût, il y a quelques années, de 25 euros par mois, réduit de moitié pour les plus pauvres et doublé pour les plus riches. Comme notre assurance maladie, cette assurance est donc fondée sur la solidarité et les prestations sont versées en fonction des besoins. C’est un très bon système, mais le faire débuter à 40 ans ne permet plus aujourd’hui de verser des prestations qui vont jusqu’à 2 000 euros par mois. Je suis pour ma part favorable à une cotisation dès le premier salaire, d’autant que les primes sont ainsi moins élevées, donc accessibles à tous, surtout si elles sont modulées en fonction des revenus. Qui plus est, la prise en charge financière ne serait pas trop lourde en raison du nombre relativement peu élevé – un million environ – de personnes dépendantes par rapport au nombre de cotisants.

M. Denis Jacquat. Au Japon, les retraites sont bien inférieures à ce qu’elles sont en France !

Mme Françoise Forette. L’accessibilité est un autre élément du contrat social, d’autant qu’elle profite à tous : mettre les quais à la hauteur des trains facilite aussi la vie des mamans avec une poussette.

Je me réjouis que les parlementaires s’intéressent à ce nécessaire contrat social. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, comme en témoigne, cher Denis Jacquat, l’existence de groupes parlementaires sur la longévité et la dépendance.

M. Bernard Ennuyer. Il me paraît nécessaire, monsieur Gremetz, de préciser ce que l’on entend par cinquième risque et je viens de publier un article à ce propos.

Ce qui m’intéresse en tant que sociologue, c’est la coexistence du libre choix et de la solidarité. La valeur que Kant accorde à l’autonomie est très discutable, car l’autonomia des Grecs consistait à décider communément des règles auxquelles chacun devait se soumettre : l’autonomie, ce n’est pas « je fais ce que je veux quand je veux et je m’affranchis des règles collectives ».

Je souhaite que l’on se demande jusqu’où doit aller le libre choix. Directeur depuis 32 ans d’une association de maintien à domicile, je sais combien il est difficile de convaincre les personnes que le domicile n’est la bonne solution, ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour les professionnels. Mais peut-on leur proposer de choisir dans un échantillon de microstructures offrant toutes les garanties nécessaires ?

Je suis depuis longtemps favorable à la suppression des EHPAD – c’est ce qu’ont fait les Scandinaves. En 1975, j’ai été de ceux qui proposaient les domiciles collectifs, et Grenoble en a inauguré un en 1981. Je préfère d’ailleurs la notion de « domicile collectif » à celle de « petite unité de vie ». On peut se féliciter de l’existence des maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (MARPA), des domiciles protégés, du centre de Saint-Appolinaire, mais nous devons approfondir notre réflexion sur cette question.

L’individu qui ne va pas bien a-t-il des droits illimités sur la collectivité ? C’est une question fondamentale pour le contrat social et la réponse ne va pas de soi.

Certes, on ne pourra pas verser 8 000 euros à tous les bénéficiaires de l’APA, mais je revendique l’équité des droits, accompagnée d’une diversité de réponses, et non l’égalité dans les montants versés. Les questions d’équité et de justice sont ici très importantes, j’y travaille actuellement, en relation avec les idées d’Amartya Sen, le prix Nobel d’économie.

J’ai été sensible à ce qu’a dit Mme Joël du poids de la dépendance pour les familles. Il nous faudra rediscuter de la place des familles, ce qui est d’autant moins simple qu’elles sont aujourd’hui décomposées et recomposées, voire surcomposées : lorsque cinq générations se côtoient, les petits-enfants sont la « génération sandwich », prise entre les besoins de leurs ascendants et ceux de leurs descendants.

J’ai travaillé récemment avec la MACIF à une enquête sur les aidants et les aidés. Il en ressort que les familles aiment ce qu’elles font, mais qu’elles sont très mal informées. Il faudrait remettre à plat l’ensemble du système, dont la complexité est source de gaspillages. Moi-même, je ne connais pas toutes les prestations auxquelles les familles ont droit. Les CLIC, les maisons d’accueil, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) doivent être regroupés au sein d’une « maison de l’autonomie », afin que toutes les compétences soient accessibles à un seul guichet. C’est ce qu’a fait le conseil général du Gard.

Il faut, par ailleurs, améliorer la formation des professionnels. Certains rencontrent de graves difficultés, et le plan Borloo a été à l’origine de nombreuses complications... On constate sur le terrain une concurrence exacerbée entre services ! Il faut conforter les services d’utilité publique.

Il faut également améliorer la lisibilité. Toute structure – entreprise, association, centre communal d’action sociale – qui offre un service aux personnes en situation de handicap, quel que soit leur âge, doit faire l’objet d’un contrôle de l’État. Ce n’est pas le cas actuellement.

Nous devons encore réfléchir à la place des professionnels et à celle des familles, sur qui pèse une charge financière et matérielle : une femme passe près de dix heures par jour auprès de son conjoint atteint de maladie d’Alzheimer. Une étude réalisée par la DREES en 2006 montre que, contrairement à une idée reçue, l’aide publique n’incite pas les enfants à se désengager. La priorité est naturellement le maintien à domicile. Je vous renvoie aux publications de la Cour des comptes en 2005 sur les personnes âgées dépendantes. Depuis le rapport Laroque en 1962, nous n’avons jamais engagé les moyens suffisants pour développer le maintien à domicile.

S’agissant du financement, les débats sont ouverts. J’insiste encore une fois sur le contrat social. J’ai entendu dire qu’il fallait d’abord mettre les choses en place. Non, il est préférable de négocier entre nous, puis de dire les moyens que cela suppose.

M. Dominique Argoud. La conciliation entre libre choix et solidarité est un enjeu de société. Si nous n’y parvenons pas, c’est la fin du politique, comme je l’ai montré dans un article Gérontologie et société que je vous transmets.

Il faut, par ailleurs, améliorer la lisibilité du dispositif, car l’absence de visibilité est source d’angoisse et de représentations sociales négatives de la dépendance.

Je n’ai pas dit, monsieur Delatte, que la réforme devait amener à se concentrer sur les cas les plus lourds, j’y ai au contraire vu un risque, surtout en période de raréfaction des ressources budgétaires. Mes travaux de recherche sur le vieillissement en milieu rural m’ont appris que les élus prennent conscience de l’enjeu du vieillissement, mais, confrontés à des promoteurs qui leur proposent de construire des maisons de retraite, ils sont désemparés. Si certaines formes d’habitat sont intéressantes, d’autres sont génératrices de dépendance !

Les situations de dépendance posent les questions existentielles de l’isolement, de la solitude et de l’utilité sociale. Il ne faudrait pas que l’intervention du niveau national se borne au versement d’une allocation dépendance stricto sensu, tandis que tout le reste – nouvelles formes d’habitat, prévention du vieillissement, lien social, solitude – serait laissé au niveau local. Il faut vraiment éviter un schéma selon lequel le niveau national ne s’occuperait que des initiatives sérieuses, celles qui coûtent, avec un niveau local qui ne s’occuperait que de ce que j’appelle « la cerise sur le gâteau », des choses plus « anecdotiques », comme la pose de bancs et la prévention de l’incontinence ou de la perte d’audition – être mal appareillé incite à rester chez soi, ce qui est source de dépendance.

M. le président Pierre Méhaignerie. Merci à tous.

Je retiens de cette rencontre cinq points importants : l’enjeu de la dépendance est à notre portée sur le plan financier ; sa prise en charge doit s’insérer dans le cadre d’un contrat social ; il faut favoriser la prévention, si possible au niveau local – la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » obligeait les agences régionales de santé à élaborer des contrats territoriaux – ; il faut s’intéresser de près aux aspects sémantiques ; enfin, la complexité de nos systèmes crée de l’angoisse.

Deux exemples illustrant cette complexité : le conseil général d’Ille-et-Vilaine avait entrepris la formation d’élus polonais mais ces derniers y ont renoncé au bout de cinq ans, en raison précisément de la complexité de nos systèmes. Pour la même raison, le président d’American Express a déconseillé à des chefs d’entreprise américains de s’implanter en France. Vraiment, notre législation doit aller vers plus de lisibilité.

La séance est levée à douze heures vingt.

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Information relative à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné M. Paul Jeanneteau, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (n° 2924).

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 26 janvier 2011 à 10 heures 

Présents. - M. Élie Aboud, M. Jean Bardet, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Louis Borloo, Mme Valérie Boyer, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord, Mme Françoise de Salvador, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, Mme Marisol Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. - M. Jean-François Chossy, M. Christian Paul

Assistaient également à la réunion. - Mme Marianne Dubois, M. Régis Juanico, Mme Anny Poursinoff