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Commission des affaires sociales

Mercredi 9 février 2011

Séance de 10 heures 

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Anne-Marie Brocas, directrice à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sur la réforme de la dépendance

– Présences en réunion 13

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 février 2011

La séance est ouverte à dix heures dix.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend, en audition ouverte à la presse, Mme Anne-Marie Brocas, directrice à la Direction de la rechercher, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sur la réforme de la dépendance.

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur la réforme de la prise en charge de la dépendance.

Nous recevons aujourd'hui Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), accompagnée de Mme Anny Golfouse, chef de projet à la DREES en charge de la dépendance.

La DREES publie régulièrement des études sur le dossier de la dépendance au sens large, qu'il s'agisse des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d’autonomie (APA), des services à domicile ou des personnes âgées en établissement. Les « études et résultats » parus sur ce thème depuis 2009 ont d'ailleurs été mis en distribution.

Pour éclairer la Commission et nourrir sa réflexion, nous avons besoin que vous nous dressiez, madame Brocas, un tableau complet de la situation de la dépendance des personnes âgées dans notre pays.

Je précise que la diversité de la situation est liée, pour partie, au manque de personnels compétents. À cet égard, les bonnes pratiques mises en œuvre par certains territoires devraient être mises en valeur, en particulier en termes de valorisation et de perspectives de promotion des personnels.

Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Les différentes sources statistiques développées par la DREES sont de trois ordres.

Tout d’abord, l’enquête Handicap-Santé, menée avec l’INSEE, tend à évaluer le nombre de personnes âgées dépendantes, ainsi que leurs caractéristiques en termes d’état de santé et de relations sociales.

Ensuite, un ensemble de sources vise à décrire l’offre de services et de structures capables de répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes. Notre enquête sur les établissements pour personnes âgées, en particulier sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), rééditée tous les quatre ans, a été complétée en 2007 par une analyse sur les professionnels intervenant à domicile auprès des personnes âgées. La même année, nous avons collecté des données qui nous permettent de mieux connaître les résidents en établissement pour personnes âgées, au travers de leurs types de pathologies et de leurs caractéristiques sociales. Nous disposons également de données sur les personnes dépendantes à domicile.

Enfin, nous disposons de recueils portant sur les aides financières. Tous les ans, le recueil sur les aides sociales départementales traite de l’APA versée par les départements. Depuis la création de cette prestation, un recueil trimestriel de suivi des bénéficiaires permet de suivre sa montée en charge. Un recueil plus récent, contenant toutes les données relatives aux personnes bénéficiaires de l’APA dans 34 départements, a permis de réaliser les études qui vous ont été distribuées ce matin – notamment celles permettant d’évaluer la durée de dépendance – et d’éclaircir le problème de la saturation des plans d’aide ; il nous servira également de base pour traiter de la question du rapport entre les ressources des bénéficiaires de l’APA et les prestations qu’ils perçoivent.

Mon exposé s’articulera en quatre points : les projections, les données financières recueillies au niveau des départements, l’offre et l’APA.

Les projections sur lesquelles nous nous basons sont issues de l’enquête « Handicap invalidité dépendance 1999 » (HID). Elles ont été ajustées au regard de l’évolution de l’APA, dont la montée en charge a été beaucoup plus importante que prévu, et des dernières projections démographiques de l’INSEE. Sur la base de l’enquête « Handicap-Santé 2008-2009 », de nouvelles projections seront réalisées par la commission présidée par M. Charpin.

Conformément à la dynamique résultant de l’évolution démographique, la croissance jusqu’en 2020 du nombre de personnes de plus de 80 ans – âge où l’on est censé entrer dans la dépendance – sera relativement soutenue, puis ralentira entre 2020 et 2030, pour à nouveau s’accélérer à partir de 2030.

La prévalence de la dépendance parmi les personnes de plus de 80 ans renvoie à des hypothèses sur l’évolution de la durée de vie en bonne santé ou en situation d’incapacité – ou sur ce que les démographes appellent la « compression de la morbidité ». Les projections antérieures ont abouti à l’hypothèse centrale d’une stabilité de la période passée en dépendance. Les travaux récents de l’Institut national des études démographiques (INED) mettant en évidence une augmentation des incapacités des quinquagénaires nous amèneront sans doute à revoir les scénarios antérieurs sur l’évolution de la période en incapacité.

Les besoins des personnes dépendantes renvoient à l’évolution du nombre d’aidants familiaux, c'est-à-dire les conjoints pour la moitié d’entre eux et les enfants âgés de 50 à 80 ans pour un tiers – sachant qu’il s’agit massivement de femmes. Leur nombre diminuera très probablement du fait de la dynamique démographique, de l’évolution des structures familiales et des taux d’activité féminins.

Les départements consacrent 40 % de leurs prestations d’aide sociale – soit 1,3 million de prestations – aux personnes âgées. L’APA est versée à 1 150 000 personnes, et l’aide sociale à l’hébergement à 116 000 personnes.

D’après notre dernière analyse publiée en 2007, les disparités départementales en termes d’aides sociales ont eu tendance à se réduire depuis la fin des années 1990, probablement grâce à la mise en place de l’APA. Ces disparités, la DREES a tenté de les expliquer : un département distribue davantage d’aides s’il compte beaucoup de personnes âgées de 75 ans, d’autant plus si les ressources de ces dernières sont peu élevées ; dans les départements riches, les bénéficiaires sont moins nombreux et touchent un montant d’APA plus élevé ; enfin, les départements fortement urbanisés accordent des aides moyennes plus importantes. Ces divers facteurs expliquent 60 % des disparités liées au nombre de bénéficiaires par département et 40 % des écarts en termes d’aide moyenne attribuée par habitant. Ainsi, une part des disparités observées est due à des facteurs sociodémographiques propres aux départements.

La dernière enquête sur les établissements pour personnes âgées a été réalisée en 2007, et nous nous apprêtons à mener une nouvelle enquête dont les résultats seront disponibles l’année prochaine.

Sur la période 2003-2007, l’augmentation des places en maison de retraite – 36 500 – conjuguée à une diminution des places en foyers-logements et en unité de soins de longue durée (USLD) a abouti à la création nette de 9 500 places supplémentaires – qui correspondent au solde entre ouvertures et fermetures résultant de la transformation d’établissements ou de leur regroupement.

Durant la même période, le nombre de places médicalisées – en EHPAD, en USLD non EHPAD et dans certains établissements non conventionnés – a augmenté de 90 000. Le fait marquant est donc la transformation en EHPAD d’un certain nombre d’établissements, associée à leur médicalisation. La prochaine enquête révélera probablement une augmentation de la capacité d’accueil, dans la mesure où trois à quatre ans s’écoulent entre les plans annonçant des créations de places et les places effectivement ouvertes. Ce mouvement de médicalisation s’est traduit par une augmentation du taux d’encadrement des personnels, de 44 équivalents temps plein (ETP) pour 100 places en 2003 à 50 ETP pour 100 places en 2007 – ce taux étant plus élevé en EHPAD (– 57 ETP –) et dans les établissements dont le GIR (groupe iso-ressources) moyen pondéré est supérieur à 800 (– 66 ETP). Cette augmentation concerne principalement les infirmiers et les aides soignants, dont l’encadrement est passé de 22 à 25 ETP, sachant que 400 000 personnes au total sont employées dans les établissements pour personnes âgées.

Le taux d’équipement par habitant a, quant à lui, diminué. Le nombre de places dans les établissements pour personnes âgées est passé de 165 pour 1 000 habitants de plus de 75 ans au milieu des années 1990, à 127 en 2007 : l’augmentation – continue – du nombre de places a, en effet, été inférieure à celle du nombre de personnes âgées. Cette diminution doit être relativisée au regard du recul de l’âge moyen d’entrée en établissement de six mois entre 2003 à 2007 – il est de 80 ans à l’heure actuelle –, de l’alourdissement de la dépendance des personnes en établissement – plus de la moitié d’entre elles relevant aujourd’hui des GIR 1 et 2 –, ainsi que de la forte augmentation des services à domicile, ajoutée à la création de 17 000 places de soins infirmiers à domicile (SSIAD) sur la même période.

S’agissant de l’offre à domicile, notre enquête a porté sur les intervenants au domicile de personnes fragilisées, y compris les personnes handicapées. Le nombre de ces intervenants, à peu près comparable à celui en établissements, est de 515 000 : 36 % relèvent de services prestataires, 24 % d’emplois directs et 40 % d’emplois mandataires, la majorité de ces derniers étant employés par des associations d’aide aux personnes âgées ou aux personnes handicapées. Une de nos publications détaille la qualification de ces personnels : les deux tiers sont employés à temps partiel, un tiers à temps plein, avec un salaire médian de 840 euros par mois, de 1 200 euros pour un temps plein ; ils travaillent cinq jours par semaine, les plus diplômés se trouvant dans les services prestataires et les moins diplômés dans l’emploi de gré à gré ; le nombre de personnes qu’ils prennent en charge sur une semaine est plus élevé dans le cadre d’un service prestataire.

D’après nos dernières enquêtes, les bénéficiaires de l’APA sont très âgés, la moitié ayant plus de 80 ans, et un quart plus de 90 ans. Il faut noter un accroissement significatif du nombre de bénéficiaires de l’APA à domicile au détriment de celui en établissement : cette situation traduit, en grande partie, la préférence exprimée par les personnes pour le maintien à domicile. La population concernée est à dominante féminine, mais l’entrée en établissement des hommes est plus précoce, car elle est due le plus souvent à l’isolement, à la perte ou à l’absence de conjoint, les femmes étant plus nombreuses à rester à domicile, même sans conjoint.

D’après notre dernière enquête réalisée sur 34 départements, la durée de perception de l’APA est de quatre ans en moyenne, mais avec des disparités dans la mesure où 5 % des bénéficiaires peuvent le rester plus de dix ans.

Enfin, la saturation des plans d’aide préoccupe un grand nombre d’entre vous. Une des difficultés est de comprendre le mode d’attribution de l’APA dans les départements dans un contexte de contraintes financières pour ces derniers, mais aussi pour les personnes, compte tenu du « ticket modérateur » qui restera à leur charge. D’après nos calculs effectués à partir des données individuelles, la probabilité d’avoir un plan d’aide saturé augmente avec le niveau de GIR, le besoin d’aide supérieur au plafond étant plus élevé pour les dépendances lourdes à domicile et pour les personnes isolées sans aidant familial.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ce premier bilan prouve que nous ne partons pas du néant en matière de dépendance ! Néanmoins, si des progrès importants ont été accomplis en matière de statistiques, une nouvelle étape est devant nous.

M. Denis Jacquat. Merci pour la qualité de votre intervention, madame.

Certains parlent d’un pic du nombre de personnes âgées dépendantes en 2030 ; je dirai plutôt que cette échéance correspondra au début du pic de croissance.

Vous fixez l’âge de la dépendance à 80 ans, le Président de la République à 85 ans. Les mêmes références ne devraient-elles pas être utilisées en matière de statistiques ?

Je partage vos conclusions sur les disparités départementales. La situation est délicate.

Enfin, une forte demande existe pour des F2 ou F3 dans les foyers logements qui redeviennent à la mode, les gens désirant s’installer avec leurs meubles. Avez-vous réalisé une étude sur cette demande qui pourrait être aisément satisfaite grâce à l’installation d’un gardien et à l’offre de services communs ?

M. Christophe Sirugue. Les conseils généraux remettent en cause leur politique en direction des personnes âgées, notamment en raison de la charge que représente l’APA. Que révèle cette situation en termes de disparités ?

Le solde de création de places de 9 500 sera-t-il suffisant pour couvrir les besoins en fonction de l’évolution démographique ?

Vos études prennent-elles en compte les différents GIR, qui traduisent des situations très différentes, sachant que les GIR 4 et 5 seront au cœur du futur débat sur la dépendance ?

Enfin, avez-vous mené une étude affinée sur l’APA à domicile, en augmentation, afin de savoir si elle est choisie ou subie ?

M. Jean-Luc Préel. Merci, madame, pour la qualité de votre présentation et des documents de la DREES, très intéressants et fort utiles.

Existe-t-il des disparités entre départements en termes de GIR : certains jouent-ils sur le « GIRrage » pour modifier leur politique en matière d’APA ?

Disposez-vous de données sur les personnes, notamment en GIR 1, en attente d’une place en EHPAD ?

Avez-vous des éléments sur les personnes actuellement placées en établissements psychiatriques pour lesquelles l’EHPAD, ou un Centre d'activités naturelles tirées d'occupations utiles (CANTOU) serait plus adapté ?

Quel est votre avis sur l’adaptation des plans d’aide aux besoins réels ?

Enfin, où placez-vous la barrière d’âge de 60 ans ? Les associations s’occupant de personnes handicapées souhaitent la voir supprimée : quelles en seraient les conséquences financières ?

Mme Valérie Rosso-Debord. Opérez-vous un parallèle entre la fermeture des places en USLD médicalisées et l’augmentation de la médicalisation dans les établissements ?

Nous attendons avec impatience l’étude qui sera publiée l’année prochaine. Disposez-vous d’ores et déjà de chiffres sur la formation, la qualification et les modalités de recrutement des personnels ?

M. Bernard Perrut. Madame, votre analyse est très intéressante, même si les années de référence que vous citez sont relativement anciennes.

Votre étude de février 2010 intitulée « Une approche de l’autonomie chez les adultes et les personnes âgées » évalue le degré d’autonomie des adultes et des personnes âgées vivant à domicile et nous révèle que six personnes sur dix de plus de 80 ans vivent à domicile.

Les personnes âgées vont, certes, encore vieillir, mais en bonne santé grâce aux progrès de la médecine. Les projections actuelles ne prévoient-elles pas un nombre trop élevé de personnes que nous devrons accueillir en établissement ?

Aujourd’hui, beaucoup de personnes âgées sont accueillies en EHPAD à la suite d’une fracture du col du fémur ou d’un accident de la vie courante. Un effort de prévention, d’accompagnement ne permettrait-il pas plutôt à ces personnes de rester chez elles ? Un grand nombre d’entre elles est aujourd’hui accueilli aux urgences des hôpitaux pour un simple accident de la vie, puis intègrent un service de soins de suite et de réadaptation, et enfin un établissement.

L’aide, le soutien à domicile constitue une alternative à l’accueil en établissement et correspond à la volonté des personnes âgées. Quelles actions doivent être menées pour améliorer encore nos services de soins à domicile, notamment au regard d’une meilleure coordination avec l’hôpital ?

Enfin, quel devrait être selon vous le statut des aidants familiaux ? Doit-on se placer dans un cadre générationnel ou purement professionnel ?

M. Christian Hutin. Il est remarquable que six personnes sur dix de plus de 80 ans vivent encore à domicile. Le Nord-Pas-de-Calais dispose de statistiques sur les béguinages et le maintien à domicile. Une réelle demande de foyers logements s’exprime, pour laquelle les municipalités s’investissent énormément. En revanche, à Dunkerque, trois établissements sur quatre sont devenus médicalisés en l’espace de trois ans.

Avez-vous des statistiques sur la « pré-dépendance » ? Notre réflexion ne devrait-elle pas intégrer cette notion dans la mesure où plus les gens resteront chez eux, plus ils seront heureux et moins le coût ultérieur sera élevé ?

Enfin, beaucoup de nos « anciens » vivant dans le Nord, et pas nécessairement riches, partent en Belgique dans des établissements, médicalisés ou non, privés ou non. Disposez-vous de statistiques dans ce domaine ?

M. Élie Aboud. Madame, vous n’avez pas évoqué les disparités en matière de prix des structures d’hébergement.

En outre, j’ai été étonné de vous entendre dire que le nombre des aidants va diminuer, alors que notre impression sur le terrain est qu’il a plutôt tendance à augmenter.

Mme Catherine Génisson. Merci, madame, pour la qualité de votre exposé liminaire.

J’invite les membres de notre Commission à venir visiter les béguinages que nous avons mis en place dans le Nord-Pas-de-Calais et qui répondent à nombre de problèmes soulevés ce matin.

Il semble que les personnes âgées intègrent les maisons médicalisées le plus tard possible. Cette situation est-elle due à une meilleure qualité de la prise en charge à domicile ou au coût dissuasif des maisons médicalisées, qui a considérablement augmenté ces dernières années ? Je précise que cette médicalisation, dont je ne remets pas en cause la qualité, ne rend pas tous les services que nous sommes en droit d’en attendre, car elle est très mal organisée, en particulier parce que la permanence des soins n’est pas assurée. Trop de personnes âgées se retrouvent à l’hôpital, alors qu’elles auraient pu être prises en charge sur leur lieu de vie.

M. Jean Bardet. Dans la mesure où le recul de l’âge moyen d’entrée en établissement est de six mois, la durée de placement sera-t-elle moins longue, plus longue ou identique à l’avenir ?

M. Dominique Dord. Merci, madame, pour votre exposé.

Chacun s’accordant à dire que l’entrée dans la dépendance sera plus tardive, il en résulte une grande incertitude quant à la durée pendant laquelle les personnes percevront l’APA dans vingt ou trente ans. Cette interrogation est importante d’un point de vue financier. Disposez-vous de projections en la matière ?

L’approche prospective existe-t-elle à l’étranger ? Si oui, disposez-vous de comparaisons internationales ?

M. Michel Issindou. Sur le plan statistique, vous avez parlé d’un creux démographique en 2020 et 2030 alors que l’on vit un papy boom. Comment dans ces conditions pouvez-vous estimer qu’il y aura alors moins de personnes âgées ?

Pourriez-vous, par ailleurs, nous faire part de vos idées sur l’évolution de la société
– encore que cela relève plus de notre responsabilité –, car toute la question est de savoir si la population vieillira un peu plus en EHPAD qu’à domicile ou inversement ? Si c’est en EHPAD, il faut alors former suffisamment de personnels et savoir si l’État suivra. Si c’est à domicile, cela résout en partie le problème des aides soignants « fonctionnaires », mais pas celui des aidants familiaux, en faveur desquels il faudra alors prendre des mesures, car certains sacrifient leur vie professionnelle voire personnelle pour aider des personnes en fin de vie.

Mme Michèle Delaunay. Le nombre des personnels en structure EHPAD et maisons de retraite est beaucoup moins important en France que dans des pays tels que la Suède : la différence y est de un à quatre – sachant qu’elle est de un à deux par rapport à la moyenne européenne. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point, car l’on sait que cela a un impact sur le coût de ces différentes structures ?

M. Vincent Descoeur. Si le nombre de personnes de plus de 75 ans par millier d’habitants diminue, quelle appréciation portez-vous dans ces conditions sur le solde du nombre de places nouvelles – 9 500 ? Permet-il une adéquation entre le nombre de places et les besoins ? Et si le nombre de places est suffisant au niveau du pays, qu’en est-il des disparités entre départements ?

Une autre question me tient à cœur, celle de la prise en charge de l’hébergement. En effet, si le coût de la dépendance est une chose, celui de l’hébergement tient une place importante dans la décision des familles. Son poids ne conduit-il pas à garder quelqu’un plus longtemps à domicile, voire à abandonner un placement en établissement, comme j’ai pu le constater en qualité d’élu départemental ?

Enfin, a-t-on une idée des disparités entre départements concernant le prix de journée offert ?

M. Guy Malherbe. Existe-t-il une étude concernant les personnels qui aident les personnes âgées ? Il serait en effet intéressant de connaître la situation aujourd'hui et les perspectives d’évolution, qu’il s’agisse de leur nombre ou de leur statut – selon qu’ils interviennent en EHPAD, à domicile ou encore auprès des associations ou des centres communaux d’action sociale.

Les projections en termes de besoins des personnes dépendantes ne suffisent pas. Il faut aussi disposer des projections concernant les besoins en personnels du fait des problèmes de financement – les Allemands, je crois, s’en préoccupent.

M. Georges Colombier. Il me semble que l’on a abandonné trop vite la solution du foyer logement, alors qu’il s’agit d’une étape intéressante en termes de sécurité dans le parcours d’une personne âgée, du fait surtout du prix de journée. Pour prendre l’exemple des retraités de l’agriculture dans le département de l’Isère, leur retraite, qui n’est pas parmi les plus importantes, leur suffit pour supporter les prix de journée en foyer logement.

Concernant le béguinage dans le Nord, cette formule semble particulièrement intéressante. Pourriez-vous, monsieur le président, envisager l’établissement d’une note à ce sujet ?

Il conviendrait par ailleurs d’éviter d’emmener systématiquement les personnes âgées pour des consultations aux urgences de l’hôpital. Un rapport de 2007, dont j’ai été avec d’autres l’auteur, a en effet montré que cela pouvait leur faire involontairement plus de mal que de bien. Il conviendrait plutôt de prévoir la présence d’une infirmière la nuit dans les établissements de type EHPAD.

M. Jacques Domergue. Les chiffres 2007 de la DREES qui nous sont fournis sont-ils actualisés ou faut-il extrapoler ? Que penser, par ailleurs, des divergences entre les différentes sources d’information dont nous disposons ?

Mme la directrice de la DREES. Concernant la projection du nombre de personnes âgées dépendantes, l’évolution de la durée de vie en bonne santé ou avec incapacité fait l’objet d’hypothèses sur lesquelles sont fondés des scénarios qualifiés de pessimistes ou d’optimistes selon que l’on envisage une augmentation de la durée de vie avec incapacité plus grande, plus courte ou stable. Le prochain exercice donnera à cet égard des scénarios fondés sur les dernières analyses, publiées voilà quelques jours seulement, par l’Institut national d'études démographiques (INED).

M. le président Pierre Méhaignerie. Sont-elles positives ?

Mme la directrice de la DREES. Pour prendre l’exemple de la génération des quinquagénaires, elles font apparaître, en termes d’incapacité, une augmentation plus importante que ne l’avaient laissé penser les exercices précédents. C’est là un exemple des données qui seront au cœur des discussions des futurs scénarios. Ces derniers ne se contentent d’ailleurs pas de reproduire l’état actuel de la science, mais intègrent les conséquences des progrès médicaux en matière de durée de vie.

Pour ce qui est du creux 2020-2030, sans doute me suis-je mal exprimée. Je n’ai pas en effet voulu évoquer une diminution, mais un accroissement moindre des effectifs des personnes de plus de 80 ans, du fait, tout simplement, de la taille des classes d’âge concernées, c'est-à-dire d’un phénomène purement démographique. Il n’y a donc pas de « creux » à attendre, mais des augmentations plus ou moins fortes avec un probable ralentissement – qui restera à être confirmé par le prochain rapport du groupe de travail confié à M. Jean-Michel Charpin – pour la période en question.

Si mon observation relative à une diminution du nombre d’aidants a pu choquer, c’est peut-être parce que je voulais parler d’aidants potentiels, le raisonnement étant fondé là encore sur les données démographiques, en prenant en compte, dans les projections, le nombre d’enfants et de conjoints vivants de personnes de plus de 80 ans. Pour autant, si les aidants potentiels diminuent du seul fait des phénomènes démographiques, cela ne préjuge pas les comportements d’aide et de solidarité familiale.

M. Élie Aboud. Lesquels donnent l’impression de s’étendre.

Mme la directrice de la DREES. Ils constituent en tout cas un élément de débat dans les scénarios de projection. Pour ma part, ce que je décris, c’est à comportement de solidarité constant. Si les solidarités s’accroissent, avec un nombre d’aidants potentiels plus faible, l’aide familiale peut être plus importante.

Il ne faut pas par ailleurs donner au chiffre dont j’ai fait part à propos du nombre de places créées une importance trop grande puisqu’il porte sur la période entre 2003 et 2007, c'est-à-dire entre les deux dernières enquêtes. Il sera en effet réactualisé l’an prochain avec notre nouvelle enquête. Pour ce qui est, en revanche, des chiffres relatifs au nombre de places en établissement et de personnes accueillies, leur actualisation est annuelle. Si je n’ai pas à cet égard présenté le chiffrage de 2010, c’est parce qu’il ne s’agit que d’un décompte, contrairement à nos enquêtes qui, comme la dernière en 2007, comprend non seulement ce décompte, mais également les caractéristiques des personnes accueillies, leur niveau de GIR, etc., ainsi que des données détaillées concernant le personnel. Au-delà des décomptes annuels, ce n’est donc que tous les quatre ans que la photographie la plus complète des établissements est disponible.

Quant au rapport entre la durée de dépendance et la durée de séjour en établissement, nos estimations sont des moyennes – je vous invite à vous pencher au cours de vos travaux sur les dispersions qui, en l’occurrence, sont essentielles à prendre en compte. Nous avons ainsi estimé à quatre ans la durée moyenne de service de l’APA et à deux ans et demie la durée de séjour en établissement.

À cet égard, la place respective des structures accueillant des personnes âgées peu voire pas dépendantes et des établissements très médicalisés accueillant des personnes de plus en plus lourdement dépendantes, est une question centrale. Si nous disposons d’informations sur les foyers logement, l’évolution de l’habitat en général a fait l’objet d’importants travaux conduits par les services d’études et de recherche du ministère du logement, en particulier le Plan urbanisme construction architecture (PUCA). Il ne me revient pas de les présenter, mais ils se révèlent très intéressants, puisqu’ils portent aussi bien sur les mobilités résidentielles ou sur la taille des logements occupés par les personnes âgées, que sur les expériences menées, par exemple en matière d’habitat mixte.

Quant à la question de la part du choix entre le domicile et l’établissement, une enquête serait nécessaire pour éclairer les arbitrages de chacun, ce qui est d’ailleurs un peu compliqué car ceux-ci peuvent avoir lieu à tout moment.

Pour ce qui est du coût, celui du maintien à domicile pour des dépendances lourdes conduit probablement des personnes à ressources modestes à partir en établissement. Dans le même temps, nous observons – d’après des données que nous pourrons vous fournir – d’importantes disparités de prix selon les zones géographiques – le cas de l’Île-de-France étant le plus flagrant – et entre les établissements publics, privés lucratifs et privés non lucratifs, sachant que la population accueillie n’est pas la même, puisque dans ces derniers établissements on trouve une proportion plus importante de personnes lourdement dépendantes, notamment des malades d’Alzheimer.

De telles analyses, que nous n’avons pas effectuées en l’état actuel des choses, mériteraient d’être menées tant sur le fonctionnement de ce que j’appellerai le « marché » que sur les arbitrages, ceux-ci étant variables selon les zones géographiques, puisqu’ils dépendent des caractéristiques de l’offre à la fois en établissement et à domicile.

Pour ce qui des projections en matière de personnels, l’enquête que nous avons réalisée en 2007 sur ceux intervenant à domicile a été la première du genre. J’ai bien compris qu’il nous faudrait la rééditer régulièrement... S’agissant des qualifications, un tiers de ces personnes n’ont pas poursuivi leurs études au-delà du collège, un peu moins de la moitié ont un niveau d’études du second cycle technique court, c'est-à-dire un CAP ou un BEP, et 60 % n’ont aucun diplôme du secteur sanitaire et social, la proportion des moins qualifiées étant plus forte dans l’emploi de gré à gré.

En matière d’évolution de l’emploi, le Centre d'analyse stratégique (CAS) effectue chaque année des projections qui, si elles ne sont pas aussi fines que celles qui vous intéresseraient, présentent dans le temps les effectifs attendus de personnes formées pour occuper des emplois dans le champ médico-social. Elles sont intéressantes parce qu’elles posent bien la question de l’adéquation du nombre de personnes formées dans ce champ avec les besoins futurs.

J’en viens aux questions relatives aux pratiques et aux disparités locales, notamment au taux de couverture par les établissements. Si la DREES ne peut répondre à cette dernière question, l’élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) conduira à recenser les besoins et à évaluer si l’offre est adéquate. Si nous ne pouvons apporter directement de réponse en la matière, c’est notamment du fait de notre méconnaissance des files d’attente. À l’exception de certains départements menant une expérimentation en la matière, il n’existe pas en effet de centralisation des demandes – une sorte de « bourse » réunissant les places disponibles et les demandes. Comme de nombreuses personnes déposent plusieurs demandes, nous ne pouvons donc en l’état actuel communiquer sur la question des files d’attente au niveau d’un territoire donné, faute de dispositifs de gestion mutualisés permettant de confronter l’offre et la demande.

Ce que nous mettons en évidence, en revanche, sur le plan statistique, c’est la disparité entre territoires, non seulement de la disponibilité de l’offre, mais surtout du prix de cette dernière, en faisant apparaître la part de l’offre privée lucrative aux tarifs élevés.

Concernant les comparaisons internationales, l’état des lieux le plus intéressant sera celui qui sera établi par le Centre d’analyse stratégique au mois d’avril – ce qui est peut-être une échéance un peu trop éloignée pour vos travaux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il arrivera au contraire à point nommé.

Mme la directrice de la DREES. Au-delà de ce rapport, auquel nous contribuons d’ailleurs, je citerai également les travaux de l’OCDE.

Pour autant, le sujet est très difficile, car sous les mêmes termes – « dépendance », « soins de longue durée », etc. –, chaque pays ne met pas la même chose. Ainsi, dans le cas des pays scandinaves, les « établissements » sont pour la Suède des établissements accueillant en fin de vie des personnes très dépendantes, donc avec des taux d’encadrement élevés, ce qui me rend incapable de nous situer par rapport à ce pays en termes de prises en charge pour une population comparable.

Enfin, s’agissant des USLD, je laisserai Mme Golfouse répondre.

Mme Anny Golfouse, chef de projet à la DREES. Les unités de soins longue durée font partie du secteur sanitaire et relèvent de l’enveloppe hospitalière de l’ONDAM, mais leurs caractéristiques expliquent qu’on les ait ajoutées à l’ensemble formé par les maisons de retraite et les foyers logement, ce qui rend d’ailleurs le champ des établissements pour personnes âgées quelque peu complexe avec ces différences de statut juridique ou encore de catégorie.

Pour autant, du fait du niveau de la dépendance des personnes qui sont accueillies en USLD, on est bien avec ces unités dans le cadre d’établissements médicalisés voire très médicalisés puisque, pour prendre la mesure habituelle du GIR moyen pondéré (GMP), la valeur de la charge en soins est en moyenne au-dessus des 800 points.

Ce qui s’est passé, c’est que pour des raisons plus financières qu’autres – en particulier le type de prise en charge –, il a été décidé dès 1997-1998, au moment de la réforme de la tarification tarifaire, d’opérer une partition dans les USLD entre les places accueillant les mêmes personnes que dans les maisons de retraite médicalisées, et les places, conservées, elles, dans le domaine hospitalier, recevant des malades chroniques lourds, mais pas des personnes âgées dépendantes. Encore pour des raisons plus financières, cette partition a beaucoup tardé. Réaffirmée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, elle vient finalement de s’achever. Par rapport à la période de comparaison prise par Mme Brocas, deux phénomènes ont ainsi joué : des places d’USLD se sont transformées « naturellement » en EHPAD, tandis que d’autres sont restées dans le domaine hospitalier.

En conclusion, on ne peut pas dire que le nombre de places d’USLD a diminué. Simplement, les places pour personnes âgées dépendantes ont été transférées sur les EHPAD

Mme Valérie Rosso-Debord. La prise en charge USLD n’est pas la même, en particulier en termes de taux d’encadrement.

Mme la chef de projet à la DREES. Le mode de tarification des USLD est strictement le même. La partie dotation assurance maladie est plus forte puisque l’encadrement est proportionnel au GMP, mais si on compare un USLD et un EHPAD pour un même niveau de dépendance de 850, le type de tarif est le même, à cette nuance près, rappelée par Mme Brocas, que l’on relève du public dans un cas et du public ou du privé lucratif dans l’autre.

Mme Valérie Rosso-Debord. Pour ce qui est de l’encadrement dont je voulais parler, il est meilleur dans une USLD que dans un EHPAD

Mme la directrice de la DREES. L’opération conduisant à la partition – c'est-à-dire en fait une simple transformation juridique – explique qu’il faille tenir compte dans nos décomptes de cette variation du champ. Mais vous avez raison : les USLD devenues des EHPAD sont des EHPAD à haut niveau d’encadrement

M. Pierre Méhaignerie. Je vous remercie.

La séance est levée à onze heures vingt-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 février 2011 à 10 heures 

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Gérard Bapt, M. Jean Bardet, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Louis Borloo, Mme Valérie Boyer, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, Mme Marie-Renée Oget, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine

Excusés. - M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Claude Leroy, M. Roland Muzeau, Mme Françoise de Salvador, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. - Mme Marianne Dubois, M. Régis Juanico