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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 4 juillet 2007

Séance de 15 heures

Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

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Décès d’un député

M. le Président – Mes chers collègues, je m’apprêtais à vous inviter à rendre hommage à nos onze collègues colombiens décédés il y a quelques jours, lorsque j’ai appris ce matin, avec une profonde tristesse et une grande émotion, le décès de M. Paul-Henri Cugnenc, député de la sixième circonscription de l’Hérault. Je prononcerai prochainement son éloge funèbre ; en hommage à sa mémoire, je vous prie d’observer un moment de recueillement et de silence.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

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Déclaration du Gouvernement sur les résultats du Conseil européen
des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités
et débat sur cette déclaration

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités et le débat sur cette déclaration.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  « Si l'Europe a été tirée dans plusieurs directions opposées par des hommes qui n'avaient pas la même idée de son destin, j'y vois beaucoup de temps et d'efforts perdus, mais rien qui contredise la nécessité de l'unir. » Cette phrase de Jean Monnet éclaire la nature même de la construction européenne : elle nous en rappelle à juste titre le caractère toujours conflictuel, incertain, douloureux même. Comme s’en souviennent certainement ceux qui ont eu la chance de lire les Mémoires de Jean Monnet, chaque chapitre de promesses est contrebalancé par la crise suivante, chaque moment d'espoir est suivi de phases de doute.

Telle est bien la construction européenne : instable par nature, mais son instabilité même est génératrice de progrès.

Avant d’aborder le cœur de mon propos, permettez-moi de citer un autre grand esprit européen : « La présidence allemande, qui a reçu pendant ces deux jours et ces deux nuits passés à Bruxelles le renfort efficace de plusieurs chefs d'État et de gouvernement, dont M. Sarkozy, a fait gagner des années à la construction européenne. Que peut-on attendre du compromis ? Tout d'abord un meilleur fonctionnement des institutions, avec un président permanent du Conseil européen, des modalités de vote améliorées – mais pas avant 2014 –, l'extension du vote à la majorité qualifiée dans certains domaines et des pouvoirs accrus de codécision du parlement européen. »

M. Jacques Myard - Hélas !

M. le Ministre - Oui, la construction européenne, comme l'écrit Jacques Delors, a gagné des années. Nous sommes ici plusieurs, toutes sensibilités confondues, à convenir que ce simple énoncé, sous la plume de ce grand européen, est en lui-même inespéré.

Certes, le traité simplifié n'a pas l'ampleur symbolique du défunt traité constitutionnel. Certes, des aménagements destinés à satisfaire différentes exigences ont été nécessaires – j'y reviendrai. Mais souvenons-nous de la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a quelques semaines.

La France semblait alors déchirée pour longtemps par la coupure du 29 mai 2005.

M. Daniel Paul - Le peuple avait voté !

M. le Ministre - Cela tombe bien, nous l’avons entendu ! (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) La France se résignait à se voir peu à peu exclue de la construction européenne. La réunion à Madrid, en janvier dernier, des dix-huit pays du « oui », avait eu valeur de symbole : pour la première fois, un grand rendez-vous européen s'était tenu sans nous. Chaque jour, la France semblait s'éloigner de l'Europe. Chaque jour, nous étions plus isolés.

Il y a quelques semaines, l'Union européenne était dominée par la morosité, par la frilosité et par le doute. À la veille du sommet de Bruxelles encore, bien rares étaient ceux qui se risquaient à pronostiquer un dénouement positif au blocage né du « non » français du 29 mai 2005. Comment l'auraient-ils pu ? Entre les dix-huit pays qui avaient voté le traité et y demeuraient légitimement attachés, les deux pays qui l'avaient rejeté et les autres, pour lesquels une ratification paraissait pour le moins peu probable, la voie semblait impossible.

Moi-même, je vous l’avoue, je ne croyais pas qu'une issue fût possible, et je n'étais pas persuadé que l'idée du traité simplifié parviendrait à rallier à la fois ceux qui avaient ratifié la constitution, ceux qui voyaient en elle une perte de souveraineté inacceptable et ceux qui avaient au contraire regretté son manque d'ambition en matière politique ou sociale.

Mais au fil de ces semaines de navettes passées à écouter, échanger, discuter, nous avons vu les réticences tomber ; pas toutes, certes, de gaieté de cœur. Nous avons suivi les évolutions de nos partenaires, convaincus peu à peu que notre seule chance de sursaut serait commune. Nous avons reconstruit pas à pas des alliances inespérées, socle commun d'un futur document en douze points réunissant l'Espagne, qui avait dit « oui » par référendum, et la France, qui avait dit « non » selon le même procédé. Sous l'influence décisive de la présidence allemande, mais aussi grâce à la pression constante du Président de la République et au sens des responsabilités du président de la Commission, José Manuel Barroso, que je tiens à saluer ; grâce à la bonne volonté de José Socrates et au dialogue qui s'est noué avec le Premier ministre hollandais Jan Peter Balkenende ainsi qu’avec Tony Blair ; grâce aussi, en dépit de tout, à l'engagement polonais, nous avons constaté à Bruxelles qu'une solution acceptable par tous devenait possible.

C'est pourquoi j’aimerais aujourd’hui exprimer d’abord mon profond soulagement. Pour l'Européen acharné que je suis, le référendum du 29 mai gardait un goût amer… (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jacques Desallangre - Nous aussi sommes des Européens convaincus !

M. le Ministre - …même s'il avait révélé de vrais doutes, de vraies peurs et de vraies interrogations sur la nature de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Aujourd'hui, les choses ont changé. Le vote des Français a bien été pris en compte. Mais le blocage est dépassé. Le Président de la République l'avait annoncé : la France est de retour en Europe. Non pas une France égoïste, obnubilée par ses peurs au point de faire le lit des ultra-libéraux qu'elle prétendait combattre, mais une France ouverte aux autres, fidèle à elle-même et à l'esprit européen : celui de l'écoute, du dialogue, du compromis.

Depuis le 23 juin, nous sommes investis du mandat, qui fait l’objet d’un accord unanime, d'une conférence intergouvernementale qui doit nous conduire à la signature d'un nouveau traité institutionnel d’ici à la fin de l'année. Il se composera d'un traité relatif à l'Union européenne et d'un autre portant sur son fonctionnement. Ce mandat est celui de la conférence intergouvernementale –  CIG – qui sera ouverte par la présidence portugaise de l'Union le 23 juillet prochain à Bruxelles. Ce mandat de quelques pages est précis, détaillé quasiment article par article : cette CIG décisive, à propos de laquelle la présidence portugaise a toute ma confiance, me semble donc placée sous d’heureux auspices.

J'espère qu’ensuite ce nouveau traité sera ratifié…

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Par référendum ?

M. le Ministre - …suffisamment vite par tous les États membres, pour qu’il puisse entrer en vigueur avant les élections européennes de juin 2009.

J'en viens maintenant au contenu du texte adopté à Bruxelles le 23 juin : un nouveau traité, donc.

Dans le nécessaire débat qui s'ouvre, préalable à celui auquel la ratification donnera lieu, le Parlement doit disposer de tous les éléments précis indispensables à une lecture objective du projet.

Nous avons entendu les interrogations légitimes mais parfois contradictoires que celui-ci suscite. Certains nous reprochent de resservir aux Français ce qu'ils ont rejeté en 2005. D'autres ne voient dans ce texte rien de nouveau par rapport au traité de Nice. Ces deux arguments symétriques méritent des réponses.

L'accord de Bruxelles s'est noué autour de l'idée de traité simplifié avancée par le Président de la République lors de la campagne présidentielle. Son objectif était à la fois simple et ambitieux : réconcilier les exigences des Français qui avaient dit « non » et celles de ceux de nos partenaires qui avaient dit « oui ».

À l'épaisse et d'ailleurs incertaine « Constitution » – appellation controversée – qui revisitait toutes les réalisations de l'Europe depuis 1957, nous avons substitué un traité court, qui se contente d'ajouter à celui de Nice les innovations indispensables de la CIG de 2004 pour améliorer le fonctionnement de l'Europe à 27 ; ceux qui se souviennent de l’Europe à 12 ou à 15 mesurent la différence qui la sépare de l’Europe actuelle.

Les éléments symboliques – drapeau, hymne ou devise – et constitutionnels, qui incarnaient aux yeux de tous, à tort ou à raison, un super État européen, ont donc été supprimés : tel était le mandat reçu des Français.

M. Jacques Myard – Bravo ! Bon débarras !

M. le Ministre - Face aux craintes exprimées par les Français d'une Europe qui ne les protège pas suffisamment d'une certaine mondialisation, nous avons obtenu que la « protection des citoyens » devienne l'un des objectifs de l'Union dans ses relations avec le reste du monde. Cette précision fournira un levier pour mieux lutter contre les délocalisations.

Enfin, à la demande de la France, la « concurrence libre et non faussée » sera non plus un objectif de l'Union, mais un outil au service d'une croissance économique équilibrée, du plein emploi et du progrès social. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau centre - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Cela ne vous aura pas échappé : il y a là beaucoup plus qu'une nuance juridique !

M. Patrick Roy - Une subtilité !

M. le Ministre - Non : un changement politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupes UMP et du groupe Nouveau centre)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il incarne le changement politique !

M. le Ministre - Toutes ces avancées prouvent que le vote des Français et les craintes qu'il exprimait ont été pris en considération. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Il n'y a ni duperie, ni duplicité. Loin de sonner le glas des ambitions, ce nouveau texte incarne le renouveau de l'esprit et de la méthode européenne : il rendra l'Europe plus efficace, plus démocratique, plus protectrice.

Tout d’abord, un Président dirigera le Conseil européen pendant deux ans et demi, assurant la continuité du fonctionnement de l'Union et une meilleure visibilité de l'institution. Ensuite, un « Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité », désigné pour cinq ans, sera l’unique voix de l'Europe dans les crises. Enfin, le rôle du Président de la Commission sera renforcé : élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil, associé à un nombre réduit de commissaires – deux tiers du nombre des États membres – à partir de 2014, il pourra conduire avec davantage de cohérence les politiques communes.

Dans nombre de matières touchant directement à la vie des citoyens – santé, énergie, coopération policière, coopération judiciaire en matière pénale, espace, protection civile… –, les décisions pourront être prises plus aisément.

Ces dispositions amélioreront incontestablement le fonctionnement de l’Europe, sans menacer nos intérêts fondamentaux, puisque le compromis de Luxembourg demeure.

D’autre part, conformément à l’attente des Français, quel qu'ait été leur vote en 2005, le nouveau texte permettra à l’Union d’être plus démocratique. Le Parlement européen verra son rôle accru par l'extension de la procédure de codécision à de nouveaux domaines comme les fonds structurels, qui représenteront 300 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Le contrôle des Parlements nationaux sera renforcé par rapport au traité de Nice.

M. Michel Herbillon - Très bien !

M. le Ministre - Si un projet d'acte législatif est contesté par la majorité d’un Parlement national, la Commission sera ainsi tenue de le réexaminer avant de le maintenir, de le modifier ou de le retirer. Surtout, et pour la première fois, il vous sera reconnu un rôle direct dans la procédure législative européenne.

M. Bernard Deflesselles - Enfin !

M. le Ministre - La Commission pourra justifier le maintien de sa proposition par un avis motivé, mais le législateur européen – Conseil et Parlement européen – devra examiner cet avis ainsi que ceux des Parlements nationaux. Si 55 % des membres du Conseil et une majorité des membres du Parlement européen estiment qu'une proposition n'est pas compatible avec le principe de subsidiarité, l'examen du texte ne sera pas poursuivi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Le nouveau traité assurera également une meilleure protection des citoyens. La Charte des droits fondamentaux, qui n'avait qu'une portée déclaratoire dans le traité de Nice, deviendra juridiquement contraignante dans tous les États membres, à l’exception du Royaume-Uni.

Un protocole de même valeur juridique que les traités reconnaîtra par ailleurs le rôle des services d'intérêt économique général, objectif poursuivi depuis longtemps par la France.

M. Jacques Myard - Services publics, Monsieur le Ministre : c’est différent !

M. le Ministre - Non : il consacrera la grande marge de manœuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture des services publics.

Le champ d'intervention de l'Union sera par ailleurs étendu, et le principe de solidarité énergétique confirmé.

M. Antoine Herth - Très bien !

M. le Ministre - La technicité de certains éléments de ce texte conduit déjà certains à dénoncer sa complexité : le traité simplifié ne serait pas si simple ! Il est vrai que nous avons fait le choix d'un texte technique qui s'en tient au strict nécessaire, et que nous l'avons voulu détaillé, pour que l'accord soit le plus clair possible. Le mandat de la CIG sera donc aussi simple que peut l'être un traité qui ajuste, améliore et précise en quelques pages les règles de fonctionnement d'un espace de liberté, de sécurité, de justice, de prospérité et de solidarité partagées par près de cinq cents millions de citoyens. Et même si ces pages sont compliquées, je les ai comprises ! (Rires sur plusieurs bancs) Nous veillerons du reste à ce que la CIG les rende aussi simples qu'il le faudra.

Ce texte marque aussi la renaissance d'un esprit européen. Il ne peut donc que redonner espoir à ceux qui, comme moi, croient à la méthode de Jean Monnet, celle d'une Europe dont le rêve se nourrit d'avancées tangibles et progressives.

À Bruxelles, nous avons rassemblé différents cercles de solidarité autour d'une même ambition. Entre anciens et nouveaux membres, je n'ai ressenti qu'une volonté commune et une même détermination politique. Comme l'a souligné le Président de la République, c'était le retour de la politique en Europe.

Si j'avais le temps, je vous raconterais ces deux nuits… (Protestations sur plusieurs bancs)

M. Jacques Myard - L’érotisme ne passera pas ! (Sourires)

M. le Ministre - …où le Président de la République, avec Angela Merkel (« Ah ! » sur de nombreux bancs), avec Tony Blair (Mêmes mouvements), avec José Luis Zapatero (Mêmes mouvements), avec José Socrates, a sorti de l'enlisement la construction européenne, comme l'ont dit certains d’entre vous. Ce n'est pas le moindre de leurs succès.

Contre toute attente, les efforts allemands et français ont su amener les Européens vers une position commune. Certes, il a fallu faire quelques concessions, notamment au Royaume-Uni. Mais les Britanniques en ont aussi fait : de très nombreux domaines passent à la majorité qualifiée, l'Union sera dotée de la personnalité juridique, les piliers disparaissent, la perspective de créer un service diplomatique commun est conservée.

Ce n'est un secret pour personne : le partenaire le plus difficile à ramener dans la collectivité fut la Pologne. Aurions-nous dû poursuivre sans son accord – ni, sans doute, celui d'autres nouveaux États membres – une construction européenne conçue d'abord pour réconcilier le continent européen, laisser de côté le plus peuplé des pays qui souffrirent à l'Est ? Mais comment les États qui auraient refusé ce compromis l’auraient-ils justifié ? La Pologne a obtenu que la fameuse « double majorité » ne s'applique qu'à partir du 1er novembre 2014. Pendant une période transitoire, jusqu'au 31 mars 2017, tout État membre pourra demander qu'une décision continue d'être prise selon la règle de la majorité qualifiée. Sans cet accord, nous serions restés au traité de Nice...

Les Européens ont choisi d'avancer ensemble dans la définition d'une nouvelle architecture pour l'Union. Cet accord ne signifie pas que dans l'Europe à 27 nous devions ni pouvions toujours tout faire ensemble. Les conditions de déclenchement de coopérations renforcées seront assouplies, davantage encore dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Elles seront rendues possibles en matière de défense commune. Nous ne serons donc pas tenus par les plus lents. Nous l'avons collectivement accepté.

Tout cela permet aujourd'hui aux Européens de tourner leurs regards vers l'avenir, de dépasser les angoisses, les désaccords ressassés pour se diriger, avec des moyens et des outils rénovés, vers la construction d'une ambition européenne renouvelée. « C'est une bonne base de travail » ont dit certains. « Il y a de quoi faire » ont dit d’autres.

Il y a, en effet, beaucoup à faire pour réconcilier les citoyens avec le projet européen, mieux les informer, ne rien leur dissimuler. Par des débats, par le dialogue, il nous appartient désormais de les impliquer avant la ratification parlementaire. (« Référendum ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) C'est ainsi que nous éviterons de réitérer la triste coupure entre l'Europe et les Européens qui nous a fait tant de mal.

C'est dans le même souci du débat politique que nous aborderons la présidence française de l'Union dans un an. Nous le ferons avec la perspective de nouveaux instruments et avec un nouveau crédit politique. Il nous appartiendra de le faire fructifier, à partir de quelques priorités dont nous débattrons durant les prochains mois.

Forts de ce nouveau traité, nous devons désormais écrire la page des chantiers de l’avenir : celle de politiques nouvelles et audacieuses pour la croissance et l'emploi, pour la sécurité et l'indépendance énergétiques, pour la protection de l'environnement, pour une politique d'immigration commune équilibrée, pour une politique étrangère plus affirmée, qui associe les pays riverains de la Méditerranée et témoigne de sa solidarité avec le continent africain. C'est notre feuille de route.

C'est grâce à de telles ambitions que nous pourrons redonner du souffle et du cœur à l'Europe, avec les Européens. C'est ainsi que nous construirons à près de cinq cents millions de femmes et d'hommes une Europe fidèle à son héritage humaniste, fière de son modèle social, sûre d'un projet économique rénové et dépouillée de ses oripeaux étatistes ou ultra-libéraux.

Nous, les Français, sommes de retour en Europe. Saisissons cette chance pour agir et pour porter haut nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau centre)

Mme Élisabeth Guigou - Nous parlons aujourd’hui non d’un nouveau traité, mais d’un accord politique, obtenu à grand peine au Conseil Européen du 23 juin dernier, qui porte sur le mandat donné à la prochaine conférence intergouvernementale de négocier un nouveau traité institutionnel destiné à remplacer le traité de Nice. Notre position ne pourra donc être arrêtée qu'à la fin de la conférence intergouvernementale.

Voici mon sentiment à ce stade. Cet accord politique, s'il est confirmé, permettra à l'Union de sortir du blocage institutionnel. Ce sera une bonne nouvelle, car cela conjurera pour un temps le risque de régression et de renationalisation des politiques communes que la crise faisait peser sur elle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Le Président de la République a été, c’est vrai, très actif. Il a aidé, avec d’autres, Mme Merkel à trouver un compromis avec la Pologne. C'est un contraste bienvenu avec l’inertie qui a précédé et avec la dégradation sans précédent de nos relations avec la Pologne, avec laquelle nous avons pourtant des liens séculaires, que le président Mitterrand avait encore renforcés en défendant la frontière Oder-Neisse. Mais en cherchant un accord a minima, le Président de la République a obtenu un minimum. S’il est respecté, cet accord permettra de surmonter le blocage, mais il témoigne aussi d'un déficit de vision et d'ambition pour l'Union.

Qu’en est-il du mandat donné par le Conseil à la conférence intergouvernementale ? Sur la forme, le futur traité, même s’il est plus court que le projet de traité constitutionnel, n’est pas un texte simplifié : il sera même plus compliqué à lire, puisque n'y figureront que les modifications apportées aux précédents traités. Quant au fond, le mandat marque un progrès par rapport au traité de Nice : un président stable et permanent pour le Conseil européen, la fusion des postes de haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et de vice-président de la Commission européenne, le passage à la double majorité pour les votes – mais au plus tôt en 2014, et plus probablement en 2017 ! – l'élargissement du vote à la majorité qualifiée, au Conseil, aux domaines de la coopération judiciaire et policière, de nouvelles bases juridiques pour l'espace, l'énergie, la protection civile, l'aide humanitaire ou encore la santé publique, le renforcement du rôle du Parlement européen par l'extension de la procédure de codécision aux domaines de la justice et des affaires intérieures notamment, ou enfin un meilleur contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux. D'autres éléments sont beaucoup plus discutables. Ainsi en est-il de l'abandon des symboles de l'Union : aurions-nous honte de ce que nous avons réussi à faire depuis cinquante ans ? La charte des droits fondamentaux ne figurera plus non plus in extenso dans les traités. Sa portée contraignante sera certes affirmée par un article de renvoi, mais d’un autre côté, elle ne s'appliquera pas au Royaume-Uni, pays qui obtient d'autres dérogations sans contreparties sur les votes à la majorité qualifiée, sur la politique étrangère ou sur la coopération policière et judiciaire.

Mais le plus inquiétant, ce sont les lacunes. Ainsi, les partis socialistes européens avaient proposé un protocole social pour défendre le principe d’un salaire minimum dans chaque pays de l'Union, ce qui est possible dès lors que ce salaire n’est pas uniforme mais tient compte du degré de développement et du niveau de vie de chacun des pays. Or, cette idée n’a pas été défendue. Nous serons donc très attentifs à ce que deux points figurent bien dans le nouveau traité : la clause sociale horizontale, qui est une protection contre le nivellement par le bas des politiques communes, et la base juridique qui permettra une directive cadre sur les services publics. Sur ces deux points, le mandat donné à la CIG reste flou. Nous en ferons un de nos critères de jugement. Autre lacune, concernant la gouvernance économique de l'Union : rien n'est dit sur l'harmonisation fiscale, ni sur la nécessité de renforcer la gouvernance économique pour ne pas laisser la Banque centrale européenne – BCE – occuper tout le champ de l'union économique et monétaire et continuer à mener une politique qui ne favorise pas la croissance et l'emploi.

M. Jacques Myard - Que ne l’avez-vous dit plus tôt !

Mme Élisabeth Guigou - J'observe qu'il n'y a eu aucune réaction, ni du Président, ni du Gouvernement, lorsque la BCE a de nouveau augmenté son taux directeur. Quant au domaine du développement durable, nous aurions aimé plus d’ambition, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, ce nouveau traité ne répond pas à des questions essentielles. La première est celle de notre vision de l’Europe : allons-nous nous résigner, par absence d'ambition, à ce que l'Union à 27 ne soit qu'une zone de libre échange adossée à l'Alliance atlantique ? C'est la vision britannique : elle a le mérite de la constance. Mais la France, du général de Gaulle à François Mitterrand, s'est battue, elle, pour une union étroite, appuyée sur des politiques communes – la politique agricole commune et l'euro en sont des exemples –, défendant ses valeurs et son modèle économique et social et faisant entendre sa voix dans le monde. Nous voulons continuer sur cette voie. J’observe que ce n’est guère d’actualité. On consent des dérogations au Royaume-Uni. Ce n’est pas nouveau : cela a été le cas à Maastricht, pour l'euro et le protocole social, mais il y avait alors des contreparties, et de taille ! L'Union avançait,…

M. Jacques Myard - Droit dans le mur !

Mme Élisabeth Guigou - …elle construisait des politiques sociales et une monnaie unique. Dans le cas présent, au contraire, l’accord est non seulement minimal, mais il n’est même pas accepté par tous !

La deuxième question est celle des initiatives à prendre pour progresser vers une union politique forte. Ce texte montre les limites de l'Europe à 27. Ayons le courage de dire que l'Europe n'avancera que si des initiatives sont prises par quelques Etats décidés à former une avant-garde et à construire des coopérations renforcées, ouvertes à tous ceux qui veulent et qui peuvent y participer. C'est ainsi que nous avons réussi Schengen et l'euro, auxquels adhèrent aujourd'hui une majorité de pays de l'Union. Allez-vous prendre de telles initiatives, et sur quel terrain ? Nous avons avancé des suggestions pendant la campagne présidentielle : un nouvel Erasmus, par exemple, qui serait la condition pour obtenir un diplôme de master – mais cela demande un triplement du budget – ou des programmes européens de recherche ambitieux, sur le cancer ou le moteur propre par exemple. Nous avons également fait des propositions concernant une communauté euroméditerranéenne qui s'appuierait sur le processus de Barcelone et la politique de voisinage, avec l’ambition de bâtir un avenir commun aux deux rives de la Méditerranée et qui concrétiserait, par des projets de coopération concernant l'eau, la pollution, l'agriculture ou les échanges financiers par exemple, l'ambition européenne de faire prévaloir le dialogue des cultures sur le choc des civilisations.

Monsieur le Ministre, il vous revient de démontrer que les futurs traités modificatifs seront conformes au mandat politique du 23 juin, ainsi que de prendre d'autres initiatives. Vous connaissez les propositions que nous aurions défendues, dans l’optique d’un référendum, si nous avions été aux responsabilités. Maintenant, c’est à vous de jouer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

M. Jean-Paul Lecoq - Si l'Europe est toujours une « belle idée », elle s’est construite jusqu'à présent exclusivement contre les intérêts des peuples, pour favoriser le capitalisme mondialisé.

Plusieurs députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine - Eh oui !

M. Jean-Paul Lecoq - En 2005, par référendum, les peuples français et néerlandais ont rejeté le projet de constitution européenne. Pourtant, on nous impose un « traité simplifié ». Apporte-t-il des réponses aux questions sociales qui furent au coeur des débats sur la constitution et qui reviennent dans toutes les confrontations politiques ? Aucune ! La méthode consiste à faire semblant de modifier les règles du jeu sans rien changer en profondeur, à maquiller les apparences pour mieux faire passer l'essentiel. Permettra-t-il de changer la vie des peuples ? Non, puisque le droit de la concurrence reste le socle juridique de référence des traités et que les références à la charte des droits fondamentaux ou aux services publics ne masquent pas les objectifs affichés, tendant à une libéralisation toujours plus poussée.

Je le dis solennellement : la voix du peuple français a été bafouée, comme celle des autres peuples européens (Applaudissements sur les bancs du groupe de la gauche démocrate et républicaine). C'est la démocratie même qui est menacée.

Plusieurs députés UMP - Quels experts en démocratie !

M. Jean-Paul Lecoq - Puisqu'il y a nouveau traité, il doit y avoir nouveau référendum (Applaudissements sur les bancs du groupe de la gauche démocrate et républicaine). C'est une exigence que partagent de nombreux pays de l'Union. Nous avons un devoir envers le peuple français, le devoir de le respecter et de faire vivre la démocratie, fondement de la République. Hier, le Premier ministre a dit que le vote de chaque Français devait être respecté. Mais pour faire accepter le futur traité, les chefs de gouvernement en ont modifié l'habillage. Cette mise en scène atteste que le traité que le peuple français a rejeté était mauvais. Votre attitude est un aveu : sinon, pourquoi un nouveau traité ? Nous avons obtenu que l'on supprime des objectifs de l'Union la fameuse « concurrence libre et non faussée », mais cela ne change rien aux réalités. La Banque centrale européenne va pouvoir continuer à imposer, en lien avec les politiques d'austérité du pacte de stabilité, les critères de l'euro fort, qui se paye très cher en délocalisations, en pressions sur les salaires et en mise en cause des protections sociales. La récente augmentation des taux d'intérêt a d’ailleurs été passée sous silence par l'État français, ce qui vaut consentement.

Ce « traité simplifié » tend à effacer le non au référendum – et surtout à éviter que le peuple ne se prononce – et à poursuivre la casse des acquis sociaux, du code du travail et des services publics. Le Président de la République n'a-t-il pas déclaré, à Strasbourg, que c'est la crise de l'esprit européen qui a provoqué les « non » français et néerlandais ? Faudrait-il convoquer ici, au sein de notre Parlement, l'esprit de Maastricht, qui a donné le « la » de ces politiques, celui d'Amsterdam et de son pacte d'austérité budgétaire qui contraint les politiques publiques et sociales, ou encore l'esprit de Lisbonne et ses directives de libéralisation des services publics ? Ceux qui ne veulent pas entendre que le « non » n'est pas la cause de la crise, mais son expression, prennent la responsabilité de creuser encore le fossé entre les peuples et le projet européen. Ce sont les orientations ultralibérales des politiques européennes qui ont abouti à une crise de confiance, et ce n'est pas avec un traité au rabais que l'on comblera ce déficit démocratique.

L'élargissement de l'Union européenne, absolument légitime, et nécessaire pour les pays d'Europe centrale et orientale, conjugué à la mondialisation, impose des réformes structurelles pour permettre l'élaboration de politiques communes plus démocratiques et plus efficaces. Oui, il y a un besoin évident de réformes, y compris institutionnelles. Aujourd'hui, nous sommes sur une voie de garage. L'Europe ne protège pas de la puissance dévastatrice du capitalisme financier et mondialisé. Elle est au contraire un cheval de Troie du néolibéralisme qui pousse à la déréglementation, au sacrifice des secteurs publics, à la mise en concurrence sur la base du moins-disant social ou fiscal. Loin de protéger, l'Europe déstabilise et suscite anxiété et insécurité. Elle prépare la généralisation de la précarité. Dans ma circonscription, certainement la plus industrielle de France, j’ai vu des salariés, des techniciens, des ingénieurs inquiets de l'avenir, des délocalisations, du chômage partiel, des licenciements, même dans des entreprises qui font d'énormes profits. Ce n'est pas le contrat de travail unique, que le Medef attend avec impatience, qui va les rassurera. Ces craintes existent dans tous les secteurs, à commencer par l'automobile, où l’on vient de créer un fonds d'indemnisation pour accompagner les délocalisations – la logique ne voudrait-elle pas que l'on crée plutôt un fonds d'indemnisation contre les délocalisations ? – mais aussi dans l'aéronautique, fleuron de l'industrie française, ou la chimie et la pétrochimie, dont les profits sont pourtant toujours plus colossaux. Dans le même temps, les sous-traitants restent dans l'incertitude, dépendants du bon vouloir des donneurs d'ordre.

Les communistes ont une autre ambition : l’Europe pour les peuples et avec les peuples. Nous demandons dès maintenant de mettre en débat public, dans tous les pays de l’Union, les conditions de la refondation sociale, démocratique et écologique du projet européen. Ce débat est vital pour l’avenir de la construction d’une Europe unie, qui réponde effectivement aux enjeux de notre époque.

Avec tous ceux qui portent l'Europe sociale dans leur cœur, les communistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour peser sur les choix et approfondir le débat. L’Europe mérite un plus grand intérêt : les Français veulent savoir et décider. Contrairement aux défenseurs de l'Europe actuelle, nous voulons donner une nouvelle assise à la construction européenne, qui doit être fondée sur la solidarité et qui doit jouer son rôle en faveur de la paix.

Au Proche-Orient, chaque jour qui passe hypothèque les chances de construire un État palestinien viable, donc de trouver une solution juste, assurant une paix durable. N’oublions pas que c'est aussi l’affaire des Européens.

Nous ferons également pression pour inverser la spirale de la précarisation généralisée et pour redonner leur dynamisme aux services publics. Je le répète : un débat populaire s’impose, car la construction européenne doit s’appuyer sur la vie réelle de nos concitoyens, sur leurs attentes, leurs inquiétudes, leurs espoirs, mais aussi sur les luttes sociales, syndicales et civiques.

Tous les citoyens, de même que tous les partis défendant le progrès humain, ont pour responsabilité d’œuvrer en faveur d’une vie meilleure pour tous, et de faire respecter le choix du peuple. Dans une démocratie moderne, voire « décomplexée », qui peut remettre en cause le choix du peuple, si ce n'est le peuple lui-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. François Sauvadet - Ce traité simplifié est une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe. Je me félicite de l’organisation de ce débat, mais aussi de l’initiative prise par le Président de la République, qui a tenu à rencontrer tous les responsables politiques de notre pays avant la tenue du sommet européen, puis à leur faire part du fruit des négociations, longues et difficiles, mais couronnées de succès. Nous devons systématiser une telle pratique, propice à l’échange d’informations, mais également à une réappropriation de l’idée européenne par chaque représentant du peuple. L’Europe est une chance pour la France.

Depuis le rejet de la Constitution, le 29 mai 2005, aucun signal de relance n'avait été donné. Grâce à la détermination de Nicolas Sarkozy, qui s'est engagé personnellement sur ce dossier aux côtés de la présidence allemande, l’Europe est sortie de l'ornière. Nous devons nous en réjouir, car ce traité est une bonne nouvelle pour tous ceux qui attendent que l'Europe tienne toute sa place dans les négociations internationales, notamment à l’OMC où va bientôt se jouer l’avenir de notre agriculture. Il faut se féliciter du retour du politique au sein des institutions européennes.

Mais la construction européenne ne doit pas rester du seul ressort des chefs d'États. C'est aussi l'affaire de la nation, et nos parlements ont un rôle primordial à jouer dans la réappropriation de l'espace européen par les peuples. Le nouveau traité a renforcé leur rôle (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) grâce au mécanisme d'alerte précoce qui contraindra la Commission à réexaminer tout projet contesté par un tiers des voix attribuées aux Parlements nationaux.

La voix des peuples pourra donc s’exprimer à Bruxelles ! (Même mouvement) Consacrant l’association des parlements nationaux au contrôle du principe de subsidiarité, ce traité permettra d’associer davantage les peuples au projet européen. (Même mouvement)

Ce traité est également un succès parce qu’il réconcilie l'Europe du « oui » avec la France du « non ». (Interruptions prolongées sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Président - Chers collègues, veuillez laisser l’orateur s’exprimer !

M. François Sauvadet - Les gesticulations et les interruptions ne sont pas des formes d’expression politique. (Même mouvement)

Dans certains domaines, le traité va même plus loin que le projet de Constitution notamment en matière de protection du climat et de solidarité énergétique. Les parlements nationaux seront également mieux associés à la définition de la politique européenne, tandis que les compétences de l'Union européenne ont été clairement délimitées. Les conditions préalables à une coopération renforcée, en particulier en matière de justice et d'affaires intérieures, ont par ailleurs été simplifiées.

Trois exigences pour l’avenir de la construction européenne ont été satisfaites : une plus grande stabilité de la présidence du Conseil ; une meilleure cohérence et une plus grande lisibilité de l'action extérieure de l'Union grâce à l’institution d’un Haut représentant, qui devrait rendre audibles les positions de l’Union. Enfin, la dimension sociale de la construction européenne est consacrée : des dispositions plus claires prévaudront pour les services d'intérêt général, et la Charte des droits fondamentaux va acquérir un caractère juridique contraignant. La concurrence cessera d’être une fin en soi pour devenir un moyen, mis au service de la réalisation d'une économie compétitive dans le marché intérieur.

Le Parlement européen devient enfin un véritable co-législateur, avec la Commission et le Conseil. Et si le rôle des parlements nationaux est accru, le droit d’initiative de la Commission est respecté.

L'Europe est sortie de son enlisement politique, mais nous devons construire l’Europe de demain : une Europe qui protège nos intérêts vitaux, qui redéfinisse des objectifs et qui ne se limite pas au libre marché.

Afin de redonner du sens à l'avenir, il faudra centrer l'action sur des projets concrets en s'inspirant de la méthode adoptée par Robert Schuman – proposer un grand dessein tout en s’appuyant sur des réalisations visibles : la paix dans les années 1950, mais aussi la mise en commun du charbon et de l'acier et la création de la politique agricole commune. Nous devons profiter de ce traité pour poser les jalons d'une Europe puissante, qui nous protége dans les négociations internationales en imposant la réciprocité à l’OMC.

Le Nouveau centre veillera à ce que le projet d’Union politique ne soit pas abandonné, et à ce qu’une Constitution européenne puisse être un jour adoptée. Étape indispensable, ce traité devra être parachevé. En effet, il n'est aucun sujet qui puisse trouver de réponse hors de l’Union européenne sans la dimension européenne. Confrontées à la mondialisation, nos sociétés font face aux mêmes risques et aux mêmes défis. Dans le domaine de l'énergie, il nous faut ainsi assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique de nos pays et promouvoir ensemble le développement durable.

Mais c'est vrai aussi en matière de flux migratoires, de droit d'asile et d'immigration, où la nécessité d'une politique commune et d'une harmonisation juridique ne sont plus à démontrer. Espérons que le passage à la majorité qualifiée dans certains domaines aboutira enfin à des positions communes.

Les Français attendent de l'Europe qu'elle pèse dans le monde. Seule une Europe des résultats réconciliera par ailleurs nos concitoyens avec l'ambition européenne. C’est pourquoi nous devons développer de nouvelles politiques communes, indispensables pour mieux préparer l'avenir, notamment en matière de recherche où nous nous laissons distancer par les États-Unis et le Japon, et demain par la Chine et l'Inde. Si nous voulons créer de la croissance, donc de l'emploi, il nous faut renforcer notre coordination économique, budgétaire, industrielle dans la zone euro. Il y a urgence.

Il faut également une véritable gouvernance de l'euro, hors du joug des politiques monétaristes. L'euro doit être au service de la croissance, de l'emploi, et de la compétitivité ; il doit cesser d’être seulement l'affaire d'experts et de banquiers.

Hier encore objet de nos débats, l’identité française s’accompagne nécessairement d’une dimension européenne. Laissons derrière nous cette Europe qui souffre de n'avoir ni identité ni frontières. Il faut certes ouvrir la porte à des partenariats privilégiés, notamment avec la zone Euro-méditerranée, mais en donnant des frontières à l'Europe et en arrêtant tout élargissement qui provoquerait un affaiblissement de l'Europe politique.

L'intégration européenne a permis à l'Union de connaître une période de paix, de liberté et de prospérité sans précédent, que nous devons effectivement partager avec les pays voisins de l'Union européenne. Toutefois, l'Europe ne pourra agir durablement et avec force à l'extérieur de ses frontières que si elle est unie. Elle doit porter en elle une foi en l'avenir et un désir d'infléchir son destin, ainsi que celui du monde.

Le Nouveau centre s’engagera en faveur de cette nouvelle Europe politique, indissociable de véritables politiques communes et de la défense de notre spécificité européenne au sein de l'OMC. Nous souhaitons une Europe ouverte à la mondialisation et au libre-échange, mais dans la réciprocité. Notre formation politique veillera également à ce que la frilosité de certains membres ne contrecarre pas les initiatives d’autres États, décidés à aller plus loin sur la voie de l'intégration.

Construire l'Europe des projets et des résultats, c'est aussi répondre aux interrogations croissantes des opinions publiques à l'égard du projet européen. Nous ne pourrons pas convaincre les Français si nous ne démontrons pas l’intérêt de la construction européenne dans leur vie quotidienne.

M. Maxime Gremetz - C’est simpliste !

M. François Sauvadet - La formule du traité simplifié permet de sauver la substance du traité constitutionnel adopté par tant de pays tout en montrant à nos concitoyens inquiets ou réticents qu'ils ont été entendus.

Ce traité nous donne les outils d'une nouvelle mécanique européenne et les éléments moteurs qui permettent à ceux qui le souhaitent d'aller plus loin. À ce titre, la référence expresse aux coopérations renforcées est bienvenue. Il ne s'agit pas d'installer une Europe à plusieurs vitesses, mais d’expérimenter des solutions nouvelles avec ceux des membres qui s'y sentent prêts.

Nous avions besoin de ce traité plus court, centré sur les grands principes fondateurs. Désormais en voie d'adoption, ce texte va permettre à l'Europe de surmonter la crise institutionnelle régressive où elle était plongée. Il va permettre de relancer la construction communautaire, de replacer la France au centre de cette grande aventure et d'agir avec les membres qui le souhaitent dans nombre de domaines essentiels.

Certains se demandent comment vont être adoptées les modifications institutionnelles. (Exclamations sur divers bancs) La ratification d’une Constitution aurait imposé l’organisation d’un référendum, car seul le peuple souverain peut alors trancher. S’agissant d’un traité simplifié, le Parlement, dont nous revendiquons tous la place éminente, sera tout à fait à même de décider…

M. Maxime Gremetz - Capitulard !

M. François Sauvadet - On ne peut pas demander sans cesse la revalorisation du Parlement et lui dénier la possibilité d’adopter des textes de cette nature. Nous voulons un Parlement qui assume ses responsabilités. L’affirmation de la fonction de député est à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP)

Ce texte représente une étape importante dans la relance du projet européen. Il permettra de rendre aux peuples le goût de l'Europe. Le groupe Nouveau centre ne renoncera jamais au grand dessein de faire de l’Europe notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP)

M. le Président - Avant de donner la parole à M. Lequiller, j’indique à MM. Gremetz et Roy, qui ne cessent d’intervenir, qu’ils ont toujours la possibilité de demander un temps de parole à leur groupe s’ils souhaitent s’exprimer à la tribune. Cela sera toujours plus productif que de multiplier les interruptions. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller - Cela fait des années que l'Union s'est donné comme objectif de rénover ses institutions, et tout le monde s’accorde du reste sur l’idée que nous aurions dû le faire avant de procéder aux élargissements successifs. En même temps, l'accélération de l'histoire, avec la chute du Mur de Berlin, l'écroulement de l'Union soviétique et l'accession heureuse des pays d'Europe centrale à la liberté, rendait impérative leur entrée dans l'Union. À l’évidence, la réunification du continent répondait à une nécessité historique.

Il reste que l'Europe à vingt-cinq ne pouvait continuer à fonctionner selon les règles anciennes. À vingt-cinq – et plus encore à vingt-sept !–, la règle de l’unanimité ne peut qu’aboutir à un blocage. Avec le député socialiste Jacques Floch, j'ai eu l'honneur de participer activement à la Convention pour l'avenir de l'Europe, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, comme d'ailleurs Pierre Moscovici, ici présent.

Après les « non » français et néerlandais, nous sommes allés dialoguer avec les commissions chargées de l’Europe de tous les parlements nationaux. Et nous avons œuvré sans attendre à la relance des politiques communes – recherche, énergie, immigration, sécurité, gouvernement économique – voulue par le Président Chirac.

Il reste que le « non » français avait mis l'Europe en panne et considérablement affaibli la France dans l’Union. À Prague, mon homologue nous avait dit : « Pour nous, la France était le phare de l'Europe ; aujourd'hui le phare est éteint ».

Dès lors, toute l'Europe – et, en particulier, la présidence allemande – attendait le résultat des élections présidentielles françaises pour relancer la réforme institutionnelle. Nicolas Sarkozy, alors candidat à la Présidence, a fait sa proposition décisive de traité simplifié ratifié par la voie parlementaire. Je puis attester que sa démarche a suscité, à droite comme à gauche en Europe, un intérêt considérable.

M. François Rochebloine - Tout à fait !

M. Pierre Lequiller - J’ai, en effet, eu l’honneur de la défendre auprès de mes homologues, devant la Commission constitutionnelle du Parlement européen présidée par le socialiste allemand Jo Leinen, ainsi que devant les instances du PPE, M. Hans-Gert Pôttering, le président Barroso et nombre de chefs de gouvernement et de ministres européens.

Si la proposition de M. Sarkozy a suscité autant intérêt, c’est parce qu'entre les deux pays qui avaient voté non, les dix-huit qui avaient voté oui et ceux qui ne s'étaient pas prononcés, la voie était bien étroite. Dans ce contexte, elle est apparue comme la seule solution réaliste.

Compte tenu des deux refus formellement exprimés, il était impensable de représenter le texte auquel avait été imprudemment donné l’intitulé de Constitution. Il fallait notamment abandonner la troisième partie, si contestée au cours du processus référendaire. Mais il fallait aussi – car c'est cela l'Europe – écouter et partager, tenir compte des dix-huit oui et préserver l'essence de la réforme institutionnelle, en ne se concentrant que sur celle-ci.

Enfin, il fallait aller vite pour ne pas laisser s'enliser le débat, et il n'était rien de plus démocratique que d'annoncer à l'avance, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, que, s'il était élu et disposait d'une majorité au Parlement, il passerait par la voie parlementaire. Le contrat passé avec les Français était on ne peut plus clair.

Et le signal était tout aussi fort en direction de nos partenaires européens. Aussi peuvent-ils aujourd'hui s'appuyer sur l'exemple français pour ratifier rapidement par la voie parlementaire.

Le Président de la République a manifesté toute sa détermination en se rendant à Berlin le jour même de sa prise de fonction pour rencontrer Angela Merkel, à qui je tiens à rendre hommage pour l'immense travail de préparation qu'elle a effectué auprès de tous les États membres. Les déplacements organisés en quelques jours auprès de MM. Barroso, Hans-Gert Pottering, Zapatero, Kaczynski et Blair ont démontré la résolution de la France à sortir l'Europe de la crise. Et son talent diplomatique – en liaison permanente avec Mme Merkel et tous les chefs de gouvernement – a fait le reste : le superbe succès du 23 juin représente une victoire historique, qui sort l’Union de l'impasse et replace la France au cœur de l’Europe.

Alors, évidemment, certains ne se privent pas de dire que le traité simplifié n'est pas suffisant. Je tiens à dire avec fermeté qu’il n’en est rien : nous disposerons d'un président stable de l'Europe ; nous aurons – Mme Guigou l’a dit – un haut-représentant pour la politique étrangère, qui n’aura pas le titre de ministre des affaires étrangères mais disposera des mêmes pouvoirs et du service diplomatique européen. La majorité qualifiée sera étendue à quarante nouveaux domaines, avec une clause d'opting out pour les Britanniques, relative à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. À partir de 2014, le calcul de la majorité se fera selon les modalités du traité constitutionnel, avec une clause spéciale pour les frères Kaczynski – décidément pas faciles ! – jusqu'en 2017. La Charte sera maintenue par un article de renvoi et gardera sa valeur juridique contraignante. Le contrôle de subsidiarité des parlements nationaux – qui s'en plaindra ici ? – sera renforcé. Les symboles seront supprimés dans le texte, mais l'hymne européen, l'euro et le drapeau européen – lequel figure, et je m'en réjouis, sur la photo officielle du Président de la République – continuent de vivre. J'en profite pour dire, Monsieur le Président, que je me félicite que le drapeau national soit entré dans l'hémicycle pour marquer notre attachement à l'identité nationale, et que je partage votre souhait que le drapeau européen y soit aussi hissé pour marquer l'attachement de la France à l'Europe, elle qui en est l'un des membres fondateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau centre)

Ceux qui reprochent au traité simplifié d’être insuffisant savent pertinemment que la seule issue à la crise était de s’en tenir au volet institutionnel. Les politiques communes viendront ensuite. Il y a aussi, j’en ai déjà parlé, ceux qui critiquent la voie parlementaire. Le contrat passé avec le président Sarkozy est clair : il a annoncé ce qu’il ferait pendant la campagne et il s’y tiendra ! La France a su prendre l'initiative. Sachons à présent nous rassembler pour faire gagner l'Europe. Quelle que soit la sensibilité particulière de tel ou tel dirigeant, il existe une conception française de l’Europe politique, bien différente, Mme Guigou l’a rappelé, de la vision britannique.

L’agenda est extrêmement chargé : conférence intergouvernementale de juillet à octobre, réforme de la Constitution française, ratification par le Congrès du traité simplifié, présidence française de l'Europe au second semestre 2008, élections européennes en juin 2009.

Dès lors, Monsieur le ministre, sera-t-il possible que la France soit le premier pays à ratifier le traité ?

M. Maxime Gremetz - Par référendum ?

M. Pierre Lequiller - Il serait souhaitable que la ratification par tous les pays intervienne avant le début de la présidence française, en juillet 2008, car le rôle de la France sera alors de relancer les politique communes, lesquelles intéressent les citoyens beaucoup plus que les institutions : énergie, lutte contre le réchauffement climatique, recherche, immigration, sécurité et lutte contre le terrorisme, politique sociale, harmonisation fiscale, coopération en matière de culture, d'éducation et de sport en direction des jeunes pour lesquels nous construisons l'Europe… Comment le Gouvernement prépare-t-il la présidence française pour relever ces défis ?

Nicolas Sarkozy a également promis de réconcilier les Français avec l'Europe. Cela se fait par de la pédagogie et des symboles. Le Parlement prendra des initiatives pour placer l'Europe encore davantage au cœur de nos débats, et je sais que nous pouvons compter sur le président Accoyer et sur les présidents de groupe pour prolonger les progrès déjà accomplis. Que compte faire le Gouvernement pour que l'on parle plus d'Europe en France et pour qu’on l’aime plus ?

Je suis fier du rôle joué par la France lors du Conseil européen des 21 et 22 juin derniers. L'adoption du traité institutionnel ne sera pas seulement un progrès technique, pour permettre à l'Europe de fonctionner et de décider. Ce sera une étape capitale sur la voie de l'Europe politique, que le Groupe UMP, dans sa quasi-totalité, appelle de ses vœux. Ce sera un signe politique majeur de la relance de l'Union. L'Europe est aujourd'hui la première puissance économique du monde. Elle doit le rester et défendre ses propres valeurs dans le monde, en disposant d’une puissance politique à la mesure de sa puissance économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau centre)

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères – La France est de retour par la grande porte dans la famille européenne. Alors que beaucoup le considéraient comme improbable il y a quelques semaines encore, le traité simplifié sera bientôt une réalité, puisqu’après deux années de blocage, l’accord obtenu nous permet de tourner la page. L’Europe et les Européens peuvent à nouveau regarder l’avenir avec sérénité.

Il aura fallu toute la détermination de la Chancelière Angela Merkel et tout le volontarisme du Président Sarkozy pour convaincre l’ensemble de nos partenaires européens qu'un accord était souhaitable et possible. Nous pouvons désormais envisager une relance de l'Europe grâce à des institutions rénovées qui permettront un fonctionnement plus efficace et plus démocratique de l'Union.

L'Europe pourra peser davantage dans le monde. Grâce à l'instauration d'une présidence stable, pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois, elle aura un visage sur la scène internationale. Quant au Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le fait qu’il cumule cette fonction avec celle de vice-président de la Commission lui assurera la légitimité internationale nécessaire.

Il y a deux ans, la Constitution européenne nous avait divisés, aujourd'hui le traité simplifié nous rassemble, en dissipant les malentendus qui avaient amené nos concitoyens à douter de l'Europe. Nous ne faisons pas l'Europe pour ajouter aux peurs suscitées par la mondialisation, mais pour protéger les peuples, pour promouvoir nos valeurs communes – la paix, la démocratie, l'État de droit – et pour rendre la mondialisation conforme à nos intérêts.

Nous ne devons pas construire l'Europe sur des dogmes ; bien au contraire, nous avons le devoir d'adapter et parfois même de réorienter certaines politiques de l'Union quand c’est manifestement nécessaire et lorsque les peuples nous en font la demande expresse.

Le peuple français a été entendu : le traité simplifié rompt avec le dogme de la seule concurrence, qui n'est plus un objectif en soi mais seulement un moyen. Il précisera qu’elle est strictement limitée à l'organisation du marché intérieur et un nouveau protocole garantira la pérennité de nos services publics, qui échapperont à la concurrence s’il le faut.

M. Jérôme Lambert - Le mal est déjà fait.

M. le Président de la commission - Le traité simplifié dissipera aussi un malentendu sur la nature même de l'Union et sur l'étendue de ses compétences. L'Europe n'a pas vocation à devenir un super-État, nous ne souhaitons pas bâtir les États-Unis d'Europe ; en revanche, nous avons à donner un contenu politique à cette « fédération d'États-nations » qu'est l'Union européenne. Pour cela, il faut mieux dire qui fait quoi.

Le traité clarifiera la répartition des compétences entre l'Union européenne et ses États membres ; à nous, parlementaires nationaux, il appartiendra de veiller à la bonne application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

À l'avenir, lorsqu'une majorité des parlements de l'Union estimera que Bruxelles interfère dans les prérogatives des États, la Commission aura l'obligation de revoir sa copie. C'est un changement majeur, qui évitera à l'Europe de perdre son âme dans des réglementations tatillonnes et hors sujet qui la rendent impopulaire.

Mais la contribution des parlements nationaux à la construction européenne ne saurait bien sûr se limiter au seul pouvoir d'empêcher. Il nous faudra avant tout être une force de proposition ; nous devrons faire vivre le débat démocratique sur tous les sujets européens.

Au moment où s'engage une réflexion sur la modernisation du travail parlementaire et sur l'évolution de nos institutions nationales, il me paraît indispensable de nous interroger sur les modalités du contrôle politique que nous exerçons sur les affaires européennes. Parce que l'Europe est l'affaire de tous les parlementaires, nous devons réfléchir à une meilleure articulation entre notre Délégation pour l'Union européenne et chacune de nos six commissions permanentes.

L'accord sur le traité simplifié présente l'immense mérite de solder, après tant d'années, le lourd dossier de la réforme institutionnelle de l'Union : depuis près d'une décennie, l'hypothèque institutionnelle nous empêchait d'aller de l'avant et de répondre aux attentes exprimées par nos concitoyens. L'extension de la règle de la majorité qualifiée nous aidera à mener de véritables politiques européennes dans des domaines où cela reste aujourd'hui très difficile ; je pense en particulier à la lutte contre le terrorisme, à l'immigration mais aussi au renforcement de la coopération judiciaire entre les pays membres.

La réforme des institutions rendra possible l'Europe politique, pour autant que les dirigeants européens en manifesteront la volonté – nous connaissons les divergences d'appréciation et d'ambition qui existent. Nous devrons faire preuve de lucidité et de pragmatisme pour imaginer une nouvelle façon de fonctionner à vingt-sept, car les pays qui souhaitent aller plus vite et plus loin ensemble ne doivent pas en être empêchés. Ce que l'Europe a réussi avec Schengen et avec l'euro, elle peut le transposer dans bien d'autres domaines.

Coopérations renforcées, noyaux durs, avant-garde, groupes pionniers, coopérations spécialisées... : ne nous focalisons pas sur les termes ; l'important sera de concilier la nécessité de rythmes différents avec le maintien de l'unité de l'Europe.

N'ayons pas peur, non plus, de poser les vraies questions. À sans cesse différer le traitement des sujets qui fâchent, nous prenons le risque de creuser chaque jour un peu plus le fossé qui sépare l'Europe des citoyens. Le temps est venu d'inscrire à l'agenda de Bruxelles les questions fondamentales des frontières de l'Europe, du gouvernement économique de la zone euro, du financement futur de l'Union, de la politique européenne de l'énergie, des relations entre l'Europe et l'Afrique et d’autres sujets encore.

L'Europe politique, n'est-ce pas avant tout le retour de la politique en Europe ?

C'est bien en ce sens qu'avant-hier, à Strasbourg, le Président de la République a livré sa vision de l'Europe et a précisé les priorités de la politique européenne de notre pays, qui présidera l'Union au second semestre 2008.

Le 23 juillet prochain s'ouvrira, sous présidence portugaise, la conférence intergouvernementale chargée de mettre en forme le traité simplifié. Cette conférence, qui dispose d'un mandat très clair et très précis, devra placer ses travaux sous le signe de la transparence. Je souhaite que le Gouvernement tienne le Parlement régulièrement informé de l'état d'avancement des négociations ; nous ne saurions en effet être tenus à l'écart de la négociation d'un texte qui nous concerne directement.

Après la signature du traité, qui pourrait intervenir dès le mois d'octobre, viendra le temps des ratifications dans chacun des vingt-sept États membres. Le Président de la République a dit qu'il soumettrait le traité à la ratification parlementaire. Nous aurons alors à nous prononcer sur un texte équilibré qui ne désigne ni gagnants, ni perdants. Nous aurons aussi à convaincre tous les Français qu'il y va de leur intérêt collectif et individuel.

Il y a quinze jours à l'occasion du Conseil européen, nos partenaires ont souhaité donner une seconde chance à l'Europe. J'ai la conviction qu'à son tour, la France saura donner cette seconde chance dont nous avons besoin. Tant ceux qui, comme moi, avaient soutenu la Constitution européenne, que ceux qui l'avaient combattue, nous avons de bonnes raisons d'approuver le traité simplifié. Ceux qui l'avaient soutenue, car mieux vaut un bon traité simplifié qui s'applique, qu'une bonne Constitution qui ne s'applique pas. Ceux qui l'avaient combattue, car le traité simplifié, en modernisant les institutions mais sans préjuger des orientations futures de l'Europe, respecte pleinement le vote des Français.

Tous, nous aurons d'autant plus de raisons d'être fiers d'être européens que l'Europe prendra en compte à leur juste valeur la diversité des cultures, des traditions et des identités nationales. La fierté européenne ne peut en effet s'inscrire que dans ce qui nous est le plus cher, la fierté d'être Français. (Applaudissements sur bancs des groupes UMP et Nouveau centre)

M. Pierre Moscovici - Monsieur le ministre, vous vous êtes largement inspiré du discours de Nicolas Sarkozy à Strasbourg – parfois, m’a-t-il semblé, avec un tout petit peu d’embarras. J’en résume la thèse : l’Europe, bien sûr sous l’égide de Nicolas Sarkozy – qui a, c’est vrai, bien voulu reconnaître quelques mérites à Angela Merkel, Jose Luis Zapatero et José Socrates – aurait tout simplement été sauvée. C’est une thèse d’une humilité remarquable, d’une modestie exceptionnelle, mais tout à fait fausse. J’y vois une grosse ficelle, un gros mensonge et une fausse promesse.

Une grosse ficelle : les vingt-sept auraient enfin réussi l’improbable synthèse entre les « oui » et les « non ». D’après les dictionnaires, une synthèse – mot que nous connaissons bien au Parti socialiste (Sourires) – est une composition, un dépassement. Or ce que vous avez fait à Bruxelles, ce n’est ni une composition, ni un dépassement ; c’est un compromis, et sans doute pas de la meilleure facture, une habileté, une ruse : on a voulu déminer les « non » et calmer la déception des partisans du « oui ». Mais les concessions qui sont faites à ceux qui ont voté « non » sont largement de façade.

La première est la disparition de la troisième partie, mais dans la mesure où il ne s’agit plus d’une constitution, mais d’un traité qui va amender les traités existants, tout ce qui figurait dans la troisième partie continue de figurer dans les traités en vigueur : la troisième partie n’a qu’optiquement disparu.

M. Michel Herbillon - Raisonnement spécieux !

M. Pierre Lequiller - On ne va pas abolir tous les traités !

M. Pierre Moscovici - La deuxième concession de façade, c’est la disparition de la concurrence libre et non faussée dans les objectifs de l’Union. La belle affaire ! Cela demeure une règle fondamentale, sinon la règle fondamentale depuis 1957.

Quant à ceux qui ont voté « oui », vous leur offrez quelques consolations, mais ils peuvent être déçus car ils ont beaucoup perdu. Ils ont perdu la constitution, ce qui veut dire que l’Europe n’a plus de colonne vertébrale politique.

M. Pierre Lequiller - La faute à qui ?

M. Claude Goasguen - Parlez-en à Fabius !

M. Pierre Moscovici – Ils ont perdu la notion de loi européenne. Ils ont perdu les symboles – le drapeau, l’hymne, la devise –. Reconnaissons que ce n’est pas mince !

La méthode communautaire s’affaisse, l’intergouvernementalisme progresse, et là-dessus nous pourrions tous méditer ce que dit notre maître commun, Jacques Delors (Murmures sur quelques bancs). Heureusement, on note d’incontestables progrès par rapport au traité de Nice : un président du Conseil européen stable, le vote à la majorité qualifiée étendu aux questions de coopération judiciaire et policière, une répartition des compétences plus claire, un rôle des Parlements nationaux plus affirmé, la personnalité juridique unique – ce qui signifie en pratique la fin de l’illisible système des piliers –, le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, au double chapeau – Commission et Conseil – mais qui néanmoins n’est pas un ministre, ce qui traduit certaines réticences des diplomaties nationales à concéder des éléments de souveraineté. Force est de constater cependant l’abandon de l’ambition européenne.

C’est bien là que se situe le gros mensonge. Ce nouveau traité, nous dit Nicolas Sarkozy, ne serait pas du tout un recul, mais témoignerait au contraire du renouveau de l’esprit européen. Pauvres pères fondateurs ! Où est l’esprit européen, dans ce traité plein de trous et d’exemptions ? La Charte n’est plus qu’une référence, et n’est pas applicable à la Grande-Bretagne ; le vote à la double majorité ne sera mis en œuvre qu’en 2014, voire 2017 si les Polonais le décident ; il n’y aura pas de rendez-vous démocratique, ni convention nouvelle ni référendum…

M. Jacques Myard - Les conventions ne sont pas démocratiques, elles sont technocratiques !

M. Pierre Moscovici – Ce traité est un simple règlement intérieur à portée fonctionnelle, qui, certes, a le mérite d’exister (Ah ! sur les bancs du groupe UMP) mais où je ne sens pas le souffle de l’esprit européen.

Le Président de la République a évoqué à Strasbourg une Europe qui protégerait et agirait, en parlant de la préférence communautaire et d’un véritable gouvernement économique. Mais c’est une fausse promesse : l’accord ne fait pas mention de la Banque centrale européenne ou du marché intérieur ; rien ne permet de contrer l’euro fort ; il n’existe pas de nouvelle compétence en matière énergétique, sociale ou environnementale ; le vote à la majorité qualifiée n’est pas prévu pour les questions fiscales et sociales. Nous n’avons fait aucun progrès à Bruxelles en matière économique et sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Gardons-nous d’un excès d’honneur comme d’indignité. Le dithyrambe est ridicule, la critique radicale injustifiée. Il ne s’agit pas d’un traité fondateur, et l’Europe n’est pas sauvée. Certes, la France est de retour en Europe, mais c’est la moindre des choses, après deux années de paralysie. Cette version minimaliste, qui a suscité des réticences de pays fondateurs comme la Belgique, le Luxembourg ou l’Italie n’est rien de plus qu’un compromis pragmatique. Attendons les résultats de la CIG, exercice moins technique que politique, et qui peut déboucher sur des régressions. Par pragmatisme, je ne m’autorise pas à rejeter cette étape, mais par idéalisme, je ne peux me réjouir de ce qui constitue un repli stratégique. Nous aurons d’autres rendez-vous, mais nous resterons vigilants sur le travail que vous accomplirez lors de cette CIG (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

M. Noël Mamère - En votant majoritairement pour le « non » le 29 mai 2005, les Français ont moins voté contre l’Europe que contre le gouvernement Raffarin, contre une vision trop libérale et contre une dynamique d’élargissement sans approfondissement. Ce faisant, ils ont donné mandat à leurs gouvernants de ne pas valider un texte ne tenant pas compte de cet avertissement. C'est à la lumière de ce mandat que nous devons aujourd'hui analyser le projet de traité simplifié.

Observons d’abord que nous discutons d'un texte virtuel, puisque sa rédaction reviendra à la CIG, sous présidence portugaise, dès le 23 juillet et que le compromis pourra être remis en cause à tout moment par chacun des membres de l’Union européenne, bateau désormais sans gouvernail.

Le Président de la République a beau nous présenter le traité simplifié comme une victoire due à son hyper-activisme…

Mme Nadine Morano - Jaloux !

M. Noël Mamère - …ce traité simplifié n'est pour le moment qu'un copié-collé des demandes contradictoires de 27 pays qui préfèrent se pacser…

M. Richard Mallié - Ah non, pas ça !

M. Noël Mamère - … pour ne pas être obligés de divorcer.

La feuille de route fixe des échéances très rapprochées, et accélère le calendrier afin d’éviter un large débat public. Cela implique d'intenses tractations diplomatiques, des négociations opaques et des ratifications strictement parlementaires, justifiées par l'étroitesse des ambitions. Les décideurs européens prennent ainsi le risque de continuer de discréditer la construction européenne et d’engendrer des crises graves.

C'est pourquoi les représentants de la nation, en liaison avec le Parlement européen, doivent être vigilants. Le Parlement doit pouvoir jouer son rôle avant le sommet informel des 18 et 19 octobre à Lisbonne, et se prononcer, non sur un texte évanescent, mais sur un traité amendable, aux contours précis.

Parce que nous refusons la politique du pire, nous prenons acte du rafistolage du traité simplifié. Mais si le processus d'adoption du nouveau traité peut être utile face à une situation de blocage, il ne peut constituer une réponse saine aux aspirations démocratiques des citoyens. À terme, la logique intergouvernementale nous mène dans l'impasse.

Nous sortons du concept philosophique de constitution pour entrer, avec le traité, dans une logique de meccano institutionnel. Que nous ayons été pour ou contre le traité constitutionnel, il était difficile d'accepter un texte qui inscrivait dans le marbre des politiques économiques inamendables par nos concitoyens. Que les symboles de l’Europe comme le drapeau ou l’hymne, disparaissent du nouveau texte – mais pas de nos cérémonies et de notre imaginaire –, quoi de plus normal : ce texte n’est pas une constitution, c’est un simple règlement intérieur, pour une Union européenne sans gouvernance depuis les élargissements.

De ce point de vue, le nouveau traité est un facteur de déblocage plutôt positif et apporte des progrès par rapport au traité de Nice : présidence stable de l'Europe pendant deux ans et demi, nomination d'un ministre des affaires étrangères – même affublé d'un titre, haut commissaire, fleurant bon les colonies –, droit d'initiative citoyenne, majorité qualifiée – même si elle n’est appliquée qu’en 2014 –, référence contraignante à la Charte des droits fondamentaux - malgré l’exemption inadmissible accordée à la Grande-Bretagne. Les avancées institutionnelles, comme l'extension limitée des domaines d'application de la majorité qualifiée et de la co-législation du Parlement mettront de l'huile dans les rouages d'une construction européenne poussive.

Des inquiétudes subsistent : le terme « religieux » a été réintroduit dans le préambule et différentes procédures de freinage ont été instaurées au bénéfice des parlements nationaux et de minorités d'États membres, ce qui ralentira les prises de décision. Les domaines fiscal, social, budgétaire, la politique étrangère et la défense restent en dehors du processus de démocratisation de la prise de décision. Enfin, si la référence à la concurrence « libre et non faussée » est supprimée des objectifs de l'Union et si la partie III est abolie, un protocole « sur le marché intérieur et la concurrence » confère à cette même concurrence un rôle fondamental. Au final, ce texte, de circonstance, est compliqué et peu lisible, mais les Verts, vigilants, pourraient approuver ses avancées.

L’Europe s’enlise et son caractère néolibéral n’a fait que s’accentuer, avec les directives postale et électrique ou l'accord passé avec les États-Unis pour la libéralisation du trafic aérien transatlantique. Elle ne parle pas d’une seule voix, qu’il s’agisse du Darfour, du Moyen-Orient ou du défi que constitue une guerre de civilisations.

La relance de l'Europe ne pourra se faire qu’au moyen d’un grand dessein : mise en œuvre de politiques publiques européennes en matière économique, sociale et énergétique ; augmentation du budget européen pour assumer les élargissements et garantir la solidarité en contrepartie du refus du dumping fiscal ou social ; développement des coopérations renforcées.

Nous devons réunir les conditions d’une Europe politique sociale et écologique, sans quoi les politiques de la Grande-Bretagne, de la Pologne et de quelques autres la réduiront à une simple zone de libre échange. Pour cela, nous devons reprendre l'idée de « noyau dur » et recréer une dynamique politique, lisible par les opinions publiques. Nous devons élaborer un traité social – souhaité par la Confédération européenne des syndicats – qui fixe des critères ambitieux, qui reconnaisse la primauté du principe d'intérêt général sur le droit à la concurrence et qui consacre la notion de service public. Enfin, la convergence vers le haut en matière fiscale permettrait d'avancer dans la construction de l'Europe politique.

Les Verts sont attachés au processus constituant : seul un projet légitimé par les peuples peut faire avancer l'Europe. Une assemblée européenne serait alors élue pour rédiger un texte fondateur, soumis à référendum, le même jour, dans tous les États membres.

Que nous ayons voté pour le « oui » ou pour le « non », l'Europe reste notre nouvelle frontière. Personne ne peut se satisfaire de son affaiblissement face aux urgences sociales, écologiques et géopolitiques. Ce projet de mandat n’est pas un document juridiquement contraignant et le texte issu des travaux de la CIG pourrait s’en écarter, selon l’attachement des négociateurs aux termes de l’accord politique. Il est donc nécessaire de demeurer vigilant jusqu’à la ratification du texte final. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen)

M. François Rochebloine – Je me dois de saluer la méthode de concertation que ce débat inaugure et que le Président de la République a mise en œuvre dans un esprit d’ouverture et de réel pluralisme. La transparence, le dialogue avec les élus, le débat public sur les résultats du Conseil européen correspondent aux attentes du groupe Nouveau centre.

Comme l’a souligné François Sauvadet, il est essentiel que nos concitoyens s’approprient les enjeux de la construction européenne. En effet, aucun des problèmes qui sollicitent notre attention quotidienne ne trouvera de solution dont l'Europe soit absente.

Ce débat contribuera à relancer la construction européenne et à concrétiser ce grand dessein politique. Le traité européen doit devenir l’instrument du « vivre ensemble » que l’Europe a toujours représenté pour le courant politique auquel j’appartiens. Il nous permettra de repartir sur de nouvelles bases, de rénover les institutions européennes et d’y insuffler davantage de démocratie. Il aidera à fixer de nouveaux objectifs, tant en matière énergétique qu'en matière économique – la concurrence n’étant plus seulement une fin mais un moyen – et en matière démocratique – avec l’extension du pouvoir du Parlement européen et la possibilité pour les parlements nationaux d’émettre des avis sur les textes proposés par la Commission européenne.

Grâce à ce traité, l’Europe pourra s’exprimer d’une seule voix, à l’intérieur comme à l’extérieur. Le Haut représentant pour les affaires étrangères et la sécurité en sera le garant de cette cohésion...

M. Jacques Myard - … le garant de la paralysie !

M. François Rochebloine – Cette innovation constitue l’une des voies par lesquelles ce traité réconcilie, quoi que l’on en pense, les partisans du « non » avec le projet de Constitution européenne. Ce qui a été rejeté en 2005, c’est une Europe diluée, incapable de défendre ses intérêts et son modèle économique sur la scène internationale, une Europe du libre marché. Le Haut Représentant permettra à l’Europe d’affirmer ses valeurs et d’exiger que la réciprocité gouverne réellement les négociations commerciales au sein de l’OMC.

Nous devons prendre garde de ne pas nous concentrer uniquement sur l’achèvement du marché unique. Il s’agit également de se préparer à la confrontation avec le reste du monde. Ce traité dote justement l’Europe de moyens efficaces à cette fin.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. François Rochebloine - Nous avons trop souffert, au cours de ces dernières années, du minimalisme et de la frilosité. Nous avons besoin d’une véritable démarche politique commune afin de définir avec les autres pays de la zone euro nos attentes à l’égard de la monnaie commune.

Je suis à ce titre extrêmement satisfait des déclarations du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s’est engagé fermement en faveur d’un gouvernement économique pour la zone euro et a souhaité que les responsables politiques aient davantage leur mot à dire en matière d’économie et de monnaie.

Quant à l’Europe de la connaissance, de la compétitivité et de la croissance, elle ne doit pas demeurer un vœu pieux. Les objectifs de la stratégie de Lisbonne sont pertinents, mais il reste à les mettre en œuvre, ce qui relève aujourd’hui de la responsabilité des États. Des règles communes font défaut. Je suis convaincu que les nouvelles missions que la France entend attribuer à la monnaie commune permettront de parvenir enfin à des résultats d’autant plus tangibles que la méthode adoptée sera ambitieuse.

En ce qui concerne la politique agricole commune, je ne peux que me réjouir de la volonté exprimée par le Gouvernement de défendre la sécurité et l'indépendance alimentaires de tous les Européens.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. François Rochebloine - Simplifier la PAC ne revient pas à déréguler le marché agricole. La promotion de l’agriculture n'est pas une simple affaire économique : l'agriculture est le ferment de notre culture européenne, de notre identité, de notre savoir-faire et de notre spécificité.

Enfin, l'Europe a besoin d'une identité commune : elle a besoin de se reconnaître dans des actions et des buts communs. La citoyenneté européenne repose sur le sentiment qu’un destin commun se dessine et que l’Europe arme durablement ses habitants pour affronter l'avenir, les enjeux mondiaux et les nouvelles menaces. Sans se refermer sur elle-même, l'Union européenne doit définir son identité, les limites géographiques de son extension et les valeurs qui l’animent, comme l’a rappelé le Président de la République à propos de la Turquie. Seul ce travail, appuyé sur des actions communes et concertées pour porter nos valeurs et notre spécificité dans le monde, lui permettra d'entretenir des relations apaisées avec ses voisins et avec ses partenaires…

M. Jacques Myard - Parlons d’identité française, ce sera plus simple !

M. François Rochebloine - … Il n’y a pas opposition !

M. Jacques Myard - Merci !

M. François Rochebloine - Certains considèrent que ces modifications constitutionnelles majeures devraient faire l'objet d'un référendum. Ce n'est pas mon sentiment…

M. Jean-Paul Lecoq – …parce que vous avez perdu !

M. François Rochebloine - … car il s'agit d'un nouveau traité, qui adapte des règles institutionnelles pour améliorer le fonctionnement de l'Europe et lui permettre de développer ainsi ses potentialités. Il appartient désormais au Parlement de s'en saisir au nom des Françaises et des Français, avec sérieux et responsabilité.

Ce texte est un premier pas, un instrument de la relance du projet européen. À nous de faire renaître chez les Françaises et les Français le goût de l’Europe. Par notre action constante, donnons à cette Europe un contenu, un avenir et une espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP)

Mme Nadine Morano – Je me réjouis que, si tôt après notre élection, dès le début de cette session extraordinaire, l’Europe soit au cœur de nos débats et que le Président de la République ait obtenu de si bons résultats en la matière.

En effet, le « non » – un « non » clair et massif – des Français au référendum du 29 mai 2005 a fait apparaître une France divisée, voire morcelée, inquiète de son présent dans cette Europe qui lui devenait si étrangère, inquiète de son avenir dans cette Europe qui lui était devenue totalement incompréhensible.

La France rurale, les ouvriers, les agriculteurs, les employés, les artisans, les commerçants, les chefs d'entreprise, les professions intermédiaires ont voté très majoritairement contre le traité ; mais c’est aussi le cas des jeunes de 25 à 34 ans et de 62 % des 45 à 59 ans.

M. Jean-Paul Lecoq – Pourquoi ne pas dire : de tous ?

Mme Nadine Morano - Pourtant, l'Europe, cet espace de paix et d'échanges économiques voulu par les pères fondateurs, Schuman et Monnet, dispose de fondations solides. Mais à force de pousser les murs de cette maison commune, censée apporter protection et permettre de bien vivre ensemble, à force de ne plus en connaître les frontières, de construire un labyrinthe de textes, de règlements, de technocratie, les Français se sont découragés et ont rendu les clefs.

À la place d’une stabilité et d’une paix sans précédent mais dont, au bout de 60 ans, beaucoup de Français qui n'ont pas connu les horreurs de la guerre ne ressentent sans doute pas la juste valeur, se sont installées la crainte de l'instabilité économique, la hantise des délocalisations intérieures vers les pays de l'Est, la peur de l'appauvrissement, du chômage ; mais aussi la conscience de l'impuissance de l'Europe à se faire entendre, à agir de concert, bref à être efficace et respectée.

L'Europe devenait ainsi responsable de beaucoup de maux, sans que l’on sache du reste bien pourquoi : si éloignée, si tatillonne, elle n'en était que plus coupable – tel est en tout cas le verdict qu'ont rendu les Français.

M. Jean-Paul Lecoq – Vous avez raison, mais c’est du capitalisme qu’il s’agit, non de l’Europe !

Mme Nadine Morano - Puis est venu le « oui » qui a déjà commencé de tout changer, d’ouvrir une perspective pour la France dans l'Union Européenne, et de renouer avec la confiance dans l'avenir. Ce « oui », c'est celui du changement, le choix du courage, le choix d'une personnalité à l'envergure nationale, à la stature internationale, le choix clairement exprimé par les Français. Ce « oui », c'est celui que nos concitoyens ont accordé à Nicolas Sarkozy, en l'élisant Président de la République avec plus de 53 % des suffrages.

Si les Français ont ainsi fait le choix de la rupture, c'est parce qu'ils attendent un profond changement dans notre pays mais aussi parce qu'ils savent que l'Europe est au cœur du projet présidentiel.

« La France n'est elle-même, la France n'est grande, la France n'est forte que lorsqu'elle se place au centre de gravité de l'Europe », déclarait le Président de la République à Strasbourg le 2 juillet.

C'est fort de cette conviction qu'il s'est engagé en respectant la volonté exprimée par le peuple français et en cherchant à opérer – j’en suis désolée pour M. Moscovici, mais c’est là la réalité – la synthèse entre ceux qui ont voté « oui » et ceux qui ont voté « non » ; non en un fade compromis, mais en dépassant les contradictions afin de permettre à l'Europe d'agir et de se protéger.

Mes chers collègues, en cinquante jours à peine à la tête de l'État, Nicolas Sarkozy a commencé d’appliquer à la lettre son engagement de campagne : d'abord redonner à la volonté politique, au résultat de l'action politique, leurs lettres de noblesse ; mais aussi restituer à l'Europe sa force démocratique grâce à un président français clairement impliqué.

Mes chers collègues, parce qu'il était prêt à relever ce défi, parce qu'il avait beaucoup consulté ses partenaires européens, parce que les liens qui nous unissent à l'Allemagne ont fait de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel un tandem gagnant pour l'Europe, les résultats de ce conseil européen des 21 et 22 juin derniers nous permettent d'affirmer que nous sommes sortis de la paralysie et pour entrer dans une ère nouvelle.

Dès 2009, l'Europe fonctionnera mieux : elle sera dotée d'institutions nouvelles, avec un président du Conseil européen élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois et qui permettra à l'Europe d'être un partenaire crédible, et même recevable. Au-delà d'un visage, c'est en continuité d’action que l'Europe devrait gagner. L'Europe parlera en outre d’une seule voix sur la scène internationale, se dotant d'un Haut Représentant désigné pour cinq ans, qui servira d’interlocuteur aux grandes puissances mondiales.

Le vote à la majorité qualifiée, dans des domaines aussi importants que la coopération contre la criminalité organisée, la reconnaissance du pouvoir de décision de l'Eurogroupe, sont des avancées notables du mini-traité européen.

L'Europe doit protéger, doit être efficace, doit être plus démocratique.

Nous attendons désormais la conférence intergouvernementale qui doit préciser les modalités d’application de ce qui a été décidé au cours de ce dernier conseil européen ; nous attendons également la ratification parlementaire sous forme d'amendements apportés aux traités existants.

Nous nous inscrivons clairement dans la dynamique impulsée par le Président de la République et ses partenaires européens. Et, peut-être parce que je suis lorraine et que le TGV est-européen est porteur d'espoir et de développement économique, je sais qu'il est nécessaire d'aller à la reconquête d'une Europe performante à grande vitesse.

MM. André Schneider et Antoine Herth – Tout à fait !

Mme Nadine Morano - Messieurs les ministres, nous comptons sur le Président de la République, mais aussi sur votre détermination au service d'un idéal dont votre présence sur ces bancs démontre qu'il peut être une volonté commune, au-delà des clivages politiques, au service de la France et des Français. Après le mini-traité européen qui relance nos institutions, il nous faut élaborer un programme d’action cohérent, compréhensible par tous. Messieurs les ministres, nous souhaitons que vous redonniez aux Français de l’intérêt pour l’Europe et l’envie de dire oui : oui à l’avenir de l’Europe, oui à la France dans l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul – L’Europe bouge à nouveau, mais peut-on vraiment considérer qu’elle avance ?

M. Jacques Myard - Elle est moribonde !

M. Christian Paul – Telle est la question posée au Gouvernement à la suite du Conseil européen de Bruxelles. Soyons clair, Monsieur le ministre : personne ne trouvera dans cet accord des réponses fortes aux questions posées par les Français lors du référendum de 2005 – même s'il ne faut pas craindre de saluer le choix, le 23 juin, d'une démarche permettant d'engager la négociation d'un nouveau traité sur les institutions européennes. J'observe, à ce propos, que le Président de la République a dû reconnaître lundi à Strasbourg que ce n'est pas le « non » des Français au référendum qui a provoqué la crise, mais bien la crise de l'esprit européen qui a provoqué le « non » français.

M. Jacques Myard - C’est bien de citer Myard !

M. Christian Paul – Qu'à l'impuissance de Jacques Chirac sur la scène européenne pendant deux ans succède aujourd'hui l'omnidiplomatie médiatique et messianique du Président Sarkozy…

M. Jacques Myard - Le Grand Timonier !

M. Christian Paul – …éveille la curiosité, mais ne rassure en rien sur l’orientation que prend la construction de l'Europe. Le mandat pour la future conférence dessine une réforme du traité de Nice, qui rendait assurément impossible la vie à 27. Ce mandat préserve plusieurs innovations nécessaires pour garantir le fonctionnement quotidien de l'Union. Pour autant, le Conseil de Bruxelles n’a pas dissipé les nuages dans le ciel de l’Europe. Les Français doivent donc être éclairés sur les risques qui sont devant nous, et qui justifient à eux seuls que nous ne prenions position qu’après la conférence intergouvernementale. Sur un sujet d’une telle importance, il n’y aura pas de chèque en blanc !

Je place au premier rang de ces risques la régression de l’ambition européenne. Face à la crise de la conscience européenne que le « non » français est venu confirmer, l’accord de Bruxelles pourrait bien n’être qu’une rustine, un pansement de fortune. Cet accord minimaliste permet certes de dépasser le blocage, mais quels en sont les buts ? La stratégie national-libérale qui dicte l'attitude du Président de la République à l'égard de l'Europe n'est pas un simple pragmatisme : elle cumule les inconvénients du néo-libéralisme et de la renationalisation des politiques.

Prenant appui sur les échecs de l'Union, le président Sarkozy n’appelle pas, malgré ses dénégations, à une re-politisation de l'Europe, mais à une renationalisation des politiques européennes. Entre l'euro-scepticisme affirmé des uns et l'idéal européen des autres, il n'est pas à égale distance. Le compromis avec la Grande-Bretagne et la Pologne s’en est trouvé facilité. Romano Prodi et Valéry Giscard d'Estaing ne s'y trompent pas, quand ils déplorent un recul de « l'esprit européen ». Nous sommes là plus proches de l'Europe de M. Guaino que de celle de Bernard Kouchner…

M. Jacques Myard - Heureusement !

M. Christian Paul – De Londres à Varsovie, les souverainismes relèvent la tête. Le gouvernement polonais a poussé cette tendance à l'extrême et imposé la perpétuation d’un système de vote qui nuira à la prise de décision jusqu’en 2017. Le Royaume-Uni refuse d’appliquer la Charte des droits fondamentaux sur son territoire : l’opt-out risque de devenir la règle chaque fois qu’un gouvernement ne veut pas d’une politique.

Cette dérive ne créera pas une Europe à deux vitesses, mais elle amorcera l’émiettement de l'Union. Les symboles comme le drapeau, l'hymne ou le titre de ministre des affaires étrangères sont abandonnés. Rien ne remplace pourtant ces repères affectifs pour favoriser l'émergence d'un peuple européen, et donc une forme de souveraineté européenne sans laquelle il n'y aura pas d'Europe politique et encore moins d'Europe puissance. Mais là n'est pas le but recherché…

Réconcilier les Français autour de la construction européenne, telle est l’ambition de la France, et nous pourrions vous suivre sur ce terrain. C'est pourquoi il faut regretter que le « non » de la gauche n'ait pas été entendu. Nihil novi sub sole : rien de neuf à Bruxelles sur le terrain fiscal et social, le salaire minimum, l'harmonisation fiscale, la lutte contre les paradis fiscaux, le dumping fiscal ou la BCE. Nicolas Sarkozy affiche énergiquement des « marqueurs » sans conséquences pratiques. Il s'agit moins de donner le change à la gauche que de défendre le repli des États-nations, contre l'intérêt commun des Européens. Si l’objectif de la concurrence non faussée a été enlevé, il demeure dans les traités : pur exercice de style ! Serait-il remplacé par la concurrence faussée de la préférence nationale, ou, comme nous le redoutons, par des cartels qui resteraient dans l'impunité ?

De même, le protocole sur les services publics n'est pas un bouclier crédible : il protège bien moins les services publics que la directive-cadre dont la nécessité reste absolue.

Au fond, on n'a entendu ni les critiques de la gauche qui a rejeté le traité constitutionnel, ni les attentes de ceux qui ont soutenu ce traité. Nicolas Sarkozy a surtout entendu le « non » de droite.

L'Europe continue à creuser son déficit démocratique. Le Président de la République refuse au peuple français de choisir les institutions de l'Europe. C'est sa responsabilité, mais c'est une sanction inacceptable qui affecte tous les Français, quel qu'ait été leur choix en 2005. C'est une offense faite à la démocratie. Nous l'avons condamnée, et je la condamne ici au nom des socialistes.

M. Pierre Lequiller - Lisez le livre de M. Moscovici !

M. Christian Paul - Je rappelle solennellement au Gouvernement et à la majorité que l'élection présidentielle n'a pas été un référendum valant approbation de toutes les décisions à prendre - sans quoi il faudrait renoncer à venir débattre au Parlement. Mettez donc fin à cette tentation plébiscitaire !

Plus grave, tout indique que ce traité d’inspiration intergouvernementale ne marquera pas d'avancée vers une démocratie européenne. Les citoyens européens n'y trouveront pas le droit de désigner un gouvernement européen. Ils restent simples spectateurs.

Le temps doit revenir d’une mobilisation pour une véritable union politique et une démocratie authentique. Cette République européenne est notre horizon. Nicolas Sarkozy se trompe quand il ravale le débat sur la démocratie à un vulgaire meccano juridique. Tout se tient, le degré d'intégration et l'approfondissement de la démocratie. Nous avons besoin d'un gouvernement européen pour conduire les politiques indispensables à l'ensemble des citoyens européens et gérer les biens publics qui leur appartiennent. Ce gouvernement doit être responsable devant des députés européens élus au suffrage universel : cette perspective ne saurait être enterrée.

En attendant, pour tous ceux qui ne se résignent pas à l'affadissement du projet européen, il faut rendre possible la relance du processus politique, à l'occasion de l'élection au Parlement européen en 2009, et à la faveur d'un vrai clivage entre les progressistes et les conservateurs, entre les promoteurs de la démocratie pour l'Europe et les tenants de l'Ancien régime.

On nous dit ces jours-ci que la France est de retour en Europe. Au vu des choix annoncés, il reste beaucoup à faire. Les socialistes y prendront toute leur part pour que l'Europe soit de retour dans le cœur des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen)

Mme Huguette Bello – Quel que soit le jugement que l’on porte sur l'accord des Vingt-Sept sur un traité « simplifié », « allégé » ou, comme le dit Mme Merkel, « réformateur », le fait est qu'il constitue une étape nouvelle de la construction européenne, et que le refus de soumettre celle-ci à référendum traduit une régression démocratique. Les partisans de ce traité arguent du fait qu'il figurait dans le programme de Nicolas Sarkozy pour nier l'intérêt d'une consultation populaire. L’optimisme devrait plutôt les inciter à rechercher une ratification populaire solennelle.

En quoi l'urgence nous contraindrait-elle à une ratification parlementaire plutôt que populaire ? Il y a beaucoup à dire de cette urgence qu'on dit angoissante du fait du rejet du projet de Constitution européenne, rejet qui pour beaucoup a pris l'allure d'un nouveau péché originel commis par une France séduite par « l'esprit qui dit toujours non », ainsi que Goethe nommait le diable.

Le très peu diabolique Financial Times

M. Jacques Myard - Ce n’est pas sûr !

Mme Huguette Bello - …expliquait pourtant, le 21 juin dernier, que le rythme de prise de décision des institutions européennes était aujourd’hui identique à celui d'avant l'élargissement de 2004. Un professeur de sciences politiques français, qui avait lui-même redouté un blocage institutionnel, expliquait même dans Le Monde que ce rythme s'était accéléré.

Nous savons tous quelle passion démocratique a animé les deux camps du « oui » et du « non » au printemps 2005. Ce fut une passion sérieuse, pacifique, fervente, véhémente, jamais violente, bref une passion intelligente. Ne frustrons pas le peuple français des débats précis et documentés qui nous permettront d'y voir clair sur d'importantes questions. Comment, par exemple, le traité répond-il aux urgences sociales et écologiques ? La suppression de la référence à la concurrence « libre et non faussée » est-elle une réalité ou une simple formule ? Comment limiter la concurrence sociale et fiscale qui s'est intensifiée entre les pays de l'Union, surtout depuis l'élargissement à l'Europe de l'Est ? Lutter contre les délocalisations au sein de l'Union suppose une harmonisation fiscale et sociale par le haut, non une TVA sociale qui n'a de social que le nom tant elle menace le pouvoir d'achat des ménages.

M. Jacques Myard - Relisez le programme socialiste !

Mme Huguette Bello - Quelles seront les conséquences de la création d'une présidence stable de l'Union et d'un Haut représentant pour la politique étrangère ? Tout cela mérite explication, débat, démocratie, tout cela mérite République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

J’en viens au sort des régions ultrapériphériques. Le traité modificatif doit, pour ce qui les concerne, reprendre les dispositions du projet de traité constitutionnel. L’article 299-2 du traité d'Amsterdam sera ainsi remplacé par le texte de l'article III-424 du projet de Constitution. Je relève trois différences entre les deux. D’abord, les départements français d'outre-mer sont énumérés, à l'instar des RUP d'Espagne et du Portugal, ce qui emporte notre approbation.

Ensuite, l'expression « moyens spécifiques » devait être remplacée par les mots « loi, loi-cadre, règlement et décision européens. » Mais l’abandon prévu des termes « loi » et « loi-cadre » dans le traité modificatif nous conduit à préférer conserver l'expression de « moyens spécifiques » du traité d'Amsterdam.

Enfin, la référence à la majorité qualifiée est supprimée. Certes, les domaines où s'applique ce mode d'adoption seront plus nombreux ; mais nous souhaitons le maintien de la référence pour éviter toute difficulté d'interprétation.

Les dispositions de cet article sont d'une extrême importance pour tenir compte de la situation particulière des départements d'Outre-mer. Nous en avons actuellement un exemple avec la négociation des Accords de partenariat économique – APE – entre l'Union européenne et les pays ACP. Répondant à une exigence de l’OMC, ces accords visent à la création de marchés intégrés régionaux et à une libéralisation des échanges commerciaux. Ils prévoient à cet effet l'ouverture du marché européen, sans quota ni droit de douane, aux produits exportés par les pays ACP. Réciproquement, les exportations européennes pourront, après une période transitoire de dix ans, entrer dans les pays ACP en franchise de droit de douane.

La Réunion est concernée à un double titre : en tant que région européenne et en tant qu'île de l'océan Indien située à proximité des ACP. C'est la seule région européenne de l'hémisphère sud. Actuellement, l'article 299-2 permet de concilier la géographie et la politique. Il rend possible en effet, comme le demandent tous les acteurs socioprofessionnels, d'inclure dans ces accords une clause permettant la prise en compte des intérêts spécifiques de notre île. L'emploi, les productions locales, l'équilibre de la société réunionnaise en dépendent.

Ce traité modificatif concernera plus que jamais les sociétés et les individus, dans leur vie quotidienne comme dans leur avenir. Raison de plus redonner la parole aux peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Daniel Fasquelle – De 1957 à 2007…Quel beau cadeau d'anniversaire les 27 ont offert à l'Europe le 23 juin dernier, avec cette conférence intergouvemementale qui doit aboutir, à la fin de l'année, à un nouveau traité ! Il faut d’autant mieux l’apprécier que l'Europe semblait en panne, et pour longtemps. Comment en effet réconcilier les 18 pays qui avaient approuvé le traité constitutionnel et les autres, en particulier la France et les Pays-Bas ? Comment surmonter les réticences grandissantes de la Pologne et de la Grande-Bretagne ? Alors que l’avenir européen semblait durablement bouché, c'est un candidat à la présidence française qui a trouvé la clef, en lançant à Bruxelles, en septembre 2006, l'idée d'un traité simplifié. Mais s'il faut rendre hommage à l’action du Président de la République pour l’obtention de cet accord à 27, il faut aussi saluer la contribution décisive de celle qu'on appelle désormais en Allemagne « Miss Europe » : Angela Merkel. Voilà la preuve que la France et l'Allemagne, restent le moteur de l'Union européenne, même à 27.

Alors que l'immense majorité des Européens a applaudi à ce beau résultat, certains esprits chagrins reprochent au projet de traité de manquer d'ambition ou d'être trop complexe. Ce dernier argument laisse sceptique : qui a vraiment lu les conclusions du Conseil sait qu’il n’est ni plus ni moins compliqué que le projet rejeté en 2005. Soutenir cela, c’est aussi méconnaître la réalité des traités de la construction européenne, dont l'originalité peut parfois dérouter, et oublier que certains apports essentiels du projet contribuent justement à plus de clarté – pour ne prendre que ces exemples, la suppression des trois piliers ou l'acquisition de la personnalité juridique par l'Union européenne…

M. Jacques Myard - Elle l’a déjà !

M. Daniel Fasquelle – …qui va désormais se substituer, au lieu de se superposer, à la Communauté ! En définitive, et c’est un juriste qui parle, le traité simplifié vaut mieux que l'enchevêtrement de normes issu du traité de Maastricht.

Le projet de traité est-il trop timoré, ou n’irait-il pas dans la bonne direction ? Il me semble qu’on s'égare en voulant le comparer à la Constitution : si l'on veut être juste, il faut plutôt le juger par rapport au droit existant et aux attentes de nos concitoyens. On peut alors affirmer, comme Jacques Delors il y a quelques jours, que le résultat obtenu fait gagner des années à la construction européenne ! La vérité, c'est que le traité simplifié marque une étape dans la construction européenne bien plus importante que les traités d'Amsterdam de 1997 et de Nice en 2000.

Les avancées qu’il comporte répondent à de nombreuses critiques formulées à l'encontre de l'Europe. On a reproché à l'Union son déficit démocratique ? Le traité renforce le rôle des parlements nationaux, donne une valeur juridique à la charte des droits fondamentaux et crée un droit d’initiative citoyenne.

M. Jacques Myard - Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux.

M. Daniel Fasquelle – On a dénoncé le manque d'efficacité de l’Europe ? Le traité étend le vote à la majorité qualifiée à 77 nouveaux domaines et remplace la présidence tournante de six mois par un président élu pour deux ans et demi et qui pourra se consacrer exclusivement à sa tâche.

M. Jacques Myard - Un retraité !

M. Daniel Fasquelle – On a dit que l'Union ne protégeait pas ses citoyens et ne se faisait pas assez entendre dans le monde ? Le traité simplifié instaure un haut représentant, véritable ministre des affaires étrangères, crée une zone européenne de défense et renforce les coopérations judiciaire et policière. Il nous permettra d'être plus forts dans les négociations internationales, où se joue notamment le sort de notre agriculture et de notre industrie. On a regretté l'excès de libéralisme de l'Europe ? La concurrence libre et non faussée n’est plus un objectif de l'Union. Cette suppression est très importante, contrairement à ce qu’en a dit Pierre Moscovici. En effet, l’Europe s’est construite sur des objectifs. L’ensemble du droit européen, à travers la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, s’est construit par référence à eux. Avoir supprimé cette référence est donc loin d’être anodin. Le traité simplifié consacre par ailleurs l’accès universel aux services publics, insiste sur la lutte contre le changement climatique et insère un article sur la solidarité entre les États membres en matière d’énergie.

Voilà la réalité et l'ambition du nouveau traité. Il nous permettra d'avoir une Europe plus démocratique, plus efficace, plus juste et plus respectueuse des États, avec qui les rapports seront clarifiés. Mais au-delà du texte même, ce qui importe, c'est qu'une page ait été tournée : celle d'une Europe paralysée depuis quinze ans et qui avait perdu de vue l'idéal européen, celui de Jean Monnet, de Schuman, de de Gaulle, de Mitterrand mais aussi de Kant et de Victor Hugo. Ce qui importe également, c'est que la France soit de retour en Europe, et donc aussi dans le monde car, comme le disait Jean Monnet, « la France ne peut être grande en dehors de l'Europe » – l’Europe qui est depuis soixante ans et qui restera notre meilleure garantie de prospérité, de paix, de solidarité et de liberté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - J’appartiens à cette forte majorité des Français et des Néerlandais qui ont voté « non » au traité constitutionnel. Or, il est clair que ce n’est pas le « non » qui a provoqué la crise, mais la crise qui a provoqué le « non ». On assiste en effet depuis vingt ans à une dérive institutionnelle, un centralisme démocratique qui ont relégué au musée l’idée originelle et juste du traité de Rome fondant une communauté de nations.

Vous nous proposez aujourd’hui un traité simplifié. Je n’en rejette pas l’idée, dès lors qu’il est de nature à relancer les coopérations européennes dont nous avons absolument besoin. Je relève que ce traité enterre l’intégrisme d’une constitution décalée par rapport aux réalités intangibles du monde. De surcroît, il reconnaît à l’Europe des modes de fonctionnement différenciés, tant communautaires, pour les relations transnationales, qu’intergouvernementaux pour la PESC. À ce titre, je tiens à rappeler que l’indépendance diplomatique de la France est l’expression même de sa souveraineté et de sa liberté, mais aussi le gage de l’indépendance de l’Europe. Plus la France est indépendante, plus l’Europe l’est aussi en matière de politique étrangère et de défense. Mais moins la France est indépendante, plus l’Europe est américaine, comme on l’a vu dans de nombreux cas.

Le mandat que le Conseil européen de Bruxelles a donné à la conférence intergouvernementale doit être éclairé par le discours de Strasbourg du Président de la République, qui allait dans le bon sens. Il faut rappeler certains impératifs absolus : si l’Europe s’est élargie, elle doit désormais s’amaigrir et cesser de tout vouloir régenter. Il faut notamment revisiter l’acquis communautaire de 90 000 pages et qui grossit encore chaque jour. Le mandat précise que le traité pourrait redonner des compétences aux États, mais cela va de soi ! À ce titre, les parlements nationaux auront un rôle primordial dans la définition de la subsidiarité, car ce sont les États qui ont la compétence de la compétence – certainement pas l’Union et encore moins la Commission, qui s’arroge le droit de dire ce qui est bon pour l’Europe.

L’Europe et la France doivent se doter d’une politique industrielle. Le « tout concurrence » dogmatique, fondé sur le modèle économique théorique du plain level field, joue aujourd’hui directement contre les intérêts français et accélère les délocalisations. La préférence communautaire doit redevenir un objectif, même si c’est de façon temporaire : il n’y a aucune raison de pratiquer l’ouverture si nos concurrents américains et des pays émergents excellent dans l’art de se protéger !

La réciprocité est le commencement de la sagesse. Il faut aussi que le Conseil économique et financier puisse donner des directives à la Banque centrale européenne, qui fait preuve aujourd’hui d’autisme et ne pratique que la politique monétaire de la puissance dominante, l’Allemagne. Par ailleurs, c’est avec bonheur que j’ai appris que le compromis de Luxembourg était maintenu : le fait que le gouvernement précédent ait maintenu le silence radio a motivé le vote négatif de nombre de Français. Le compromis de Luxembourg est primordial, car on sait bien que nos partenaires sont aussi, et avant tout, des concurrents et que nos intérêts diffèrent. Et que l’on ne nous dise pas que c’est contraire à l’idéal européen : en cette matière, l’idéal européen est une idée d’avenir qui le restera longtemps !

À l’évidence, on peut se féliciter aujourd’hui d’un retour au réalisme. Il est urgent de revenir à l’idée originelle du traité de Rome, celle d’une communauté de nations exerçant en commun leur souveraineté et décidées à rester elles-mêmes, ainsi que l’a dit le Président de la République à Strasbourg. Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Décider par exemple que les coopérations renforcées se feront à neuf, c’est savoir par avance qu’il n’y en aura pas ! Ce n’est pas sérieux. Il faut beaucoup plus de souplesse. De la même manière, vouloir instituer un Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité relève du mythe quand on sait qu’il n’y a jamais eu d’accord à vingt-sept, sauf peut-être pour envoyer des fleurs à la veuve d’Arafat ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Et confier la présidence de l’Union à un retraité battu du suffrage universel dans son pays ne relève-t-il pas de la méprise ?

M. le Président – Monsieur Myard, il faut conclure.

M. Jacques Myard - Quant à la charte, il existe aussi une convention européenne des droits de l’homme et nous savons très bien qu’il y a une querelle de boutique entre la cour de Luxembourg et celle de Strasbourg, la première ne voulant pas être soumise à la seconde. On crée le risque d’une jurisprudence contraire. Ce n’est pas sérieux.

M. le Président – Merci, Monsieur Myard.

M. Jacques Myard - J’ajoute, bien que la démocratie dans ce Parlement soit limitée à cinq minutes, que la question fondamentale est en réalité de savoir si le projet européen correspond à l’état du monde aujourd’hui. J’en doute. La mondialisation est un fait. La France doit demeurer une puissance indépendante, car elle a plus d’amis hors d’Europe que dedans. Elle doit continuer à participer au concert des nations et à l’universalité de l’humanité.

M. Nicolas Dupont-Aignan – Ce débat est particulièrement bienvenu : quelle que soit la disproportion des forces politiques en présence, la méthode Coué et la propagande n'ont jamais réussi à triompher de la vérité.

M. Kouchner est trop avisé pour croire que ce projet de traité simplifié est un compromis entre les nations qui ont rejeté la Constitution européenne et celles qui l'ont adoptée. Au lendemain du sommet de Bruxelles, Jean-Louis Bourlanges s’émerveillait en effet d’y trouver « toute la Constitution », tandis que Jean Quatremer jugeait cet accord inespéré, estimant que l'essentiel des avancées de la Constitution y était sauvegardé. Le peuple français, qui a voté « non » au référendum du 29 mai 2005, ne sera pas dupe de ce nouveau tour de passe-passe. Vous avez certes enlevé le paquet-cadeau et les rubans, mais le contenu reste identique.

La ficelle est un peu grosse ! En faisant passer cette Constitution bis pour un simple règlement de copropriété, vous ne cherchez qu’à éviter un nouveau référendum. En supprimant la démocratie, on peut essayer de faire croire que tout le monde est d'accord sans courir le risque d’un désaveu – mais seulement à court terme.

Si ce traité réconciliait vraiment le « oui » et le « non », le Président de la République n'aurait pas à craindre de consulter le peuple par référendum et il pourrait enfin donner à la construction européenne cette légitimité populaire qui lui manque encore. Or, le traité dit « simplifié » n’est qu’un leurre, car il reprend l’essentiel du texte de 2005, qui consacrait l'Europe supranationale.

L’extension du domaine du vote à la majorité qualifiée supprimera ainsi notre droit de veto dans des secteurs aussi essentiels que l’immigration, les négociations commerciales ou la sécurité intérieure, ce qui sera une catastrophe pour la France, minoritaire sur ces questions dans l'Europe à 27.

À cela s’ajoutent la reconnaissance de la personnalité juridique unique de l'Union et l'intégration de la Charte des droits fondamentaux, qui favoriseront également l’émergence d’un super-État européen. De même, si la supériorité de la norme européenne sur la loi nationale ne figure plus explicitement dans le texte, une déclaration additionnelle rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice. L’effet est donc identique ! La règle de la double majorité déséquilibre enfin le couple franco allemand, puisqu’elle place l'Allemagne en position de force pour la constitution de toute majorité

Cette Constitution bis est d'autant plus paradoxale que le Président de la République et la majorité ont été largement élus par les Français pour redonner du sens à l'action politique, pour faire preuve de volontarisme économique et pour défendre nos intérêts. Mais alors que le Président de la République menace, à juste titre, de mettre son veto aux accords de l'OMC, les négociations commerciales internationales vont passer dans le champ de la majorité qualifiée, ainsi qu’une quarantaine d’autres sujets.

Nous avons de même été élus pour relancer l'emploi, freiner les délocalisations et bâtir une stratégie industrielle. Or, le statut de la Banque centrale européenne n'a pas été revu ! Les déclarations hostiles à la surévaluation de l’euro, comme celle du chef de l’État à Strasbourg, demeureront donc de simples déclarations de principe. Enfin, comment réussirons-nous à maîtriser l'immigration si nos partenaires nous imposent d'ouvrir les vannes ?

Quel que soit le système de vote, celui adopté à Nice ou celui de la pondération démographique, l'Union européenne aura pleine compétence sur près de 70 domaines, dont certains sont de nature régalienne, notamment la sécurité. Notre Parlement ne maîtrisant en rien les négociations entre ministres en amont des conseils européens, nous nous continuerons donc à nous déposséder de la souveraineté nationale dont les Français nous ont confié la garde.

Je n’ai pourtant pas été élu pour avouer honteusement à nos concitoyens que nous ne pouvons rien face à Bruxelles ! Je n'ai pas le goût du suicide parlementaire collectif ! Plus que les discours publics, il faudra donc que nous examinions avec le plus grand soin tout ce qui filtrera de la prochaine conférence intergouvernementale.

Comme je l'ai écrit au Président de la République, il n'y aura pas de redressement de la France sans une réorientation en profondeur de l'Europe. L'exécutif, comme d’ailleurs le législatif, ont en effet besoin de retrouver une marge de manœuvre sans laquelle la plupart des promesses qui ont été faites resteront lettre morte.

Si nous devons vraiment servir la belle idée européenne, nous devons avoir le courage d'écouter les peuples et de bâtir une autre Europe : celle des coopérations à la carte autour de projets. La construction européenne ne sera durable et aimée de nos concitoyens que si elle s'appuie sur les peuples en les respectant. Les Français doivent donc se prononcer sur ce texte par la voie d’un référendum.

Respecter le peuple français dans sa diversité en le rendant acteur de son propre destin, c'est respecter la démocratie et la République, que nous devons incarner en ce lieu.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes – Je me réjouis que nous ayons aujourd’hui la chance de relancer l'Europe en reprenant notre place au coeur de la construction européenne et en restaurant une dynamique franco-allemande. Je suis également heureux d’inaugurer ce que M. Rochebloine a bien voulu nommer une « nouvelle méthode ».

Comme l’a rappelé M. Fasquelle, l’accord obtenu à Bruxelles est un grand succès. Sans revenir sur le rôle éminent joué par le Président de la République dans cet accord, ni sur ses grands équilibres, déjà présentés par Bernard Kouchner, je note que nous partageons un même soulagement.

Un soulagement pour l’Europe, tout d’abord : après deux ans de panne politique et quinze ans de doutes institutionnels, après les tentatives infructueuses d’Amsterdam et de Nice, puis de la Convention et de la CIG de 2004, nous sommes enfin parvenus à un accord sur des institutions adaptées aux élargissements successifs, plus efficaces et plus démocratiques. C’est un résultat essentiel pour le bon fonctionnement de l’Union et l’acceptation de l’élargissement.

En revanche, je comprends mal comment MM. Lecoq et Paul, rejoints par Mme Bello, ont pu prétendre que la démocratie était menacée. Ainsi que l’ont souligné Mme Morano et M. Lequiller, le Président de la République avait promis de réaliser cet accord. La démocratie se trouve même renforcée par l’extension du contrôle exercé par les Parlements nationaux en matière de subsidiarité, mais aussi par l’accroissement des pouvoirs du Parlement européen.

Cet accord est également un soulagement pour la France, qui semblait en panne d'ambition et d'influence. C'est en effet la proposition du Président de la République qui a rassemblé les Européens, dépassant le clivage entre les pays européens. J’ajoute qu’une ratification parlementaire, déjà choisie par 23 pays, se justifie pleinement.

Au cours de ce Conseil européen, la France est apparue sous son meilleur jour : engagée au service d'un accord, elle a agi en parfaite entente avec l'Allemagne et ses autres partenaires.

Cet accord est enfin un soulagement pour les Français, car nous avons enfin dépassé l’opposition entre le « oui » et le « non » au référendum de 2005. Vous avez raison d’affirmer que ce texte est plus équilibré, Monsieur Poniatowski. Il permet en effet de dissiper les malentendus, et nous pouvons nous retrouver très largement dans la construction d'une Europe plus politique et plus solidaire, d'une Europe qui protège ses citoyens. Nous devons désormais promouvoir l’adoption de politiques communes concrètes.

Pas plus que Mme Guigou, je ne souhaite une Europe du libre échange, et je préfère une Europe de la cohésion sociale et régionale. Sur ce point, les spécificités de l’outre-mer seront prises en compte dans toutes les politiques de l’Union, Madame Bello. N’oublions pas non plus les avancées concernant la Charte des droits fondamentaux, la place des services publics et de la concurrence, le rôle de l’eurogroupe, ni la visibilité renforcée de la zone euro. Et contrairement à ce qui a été avancé, il n’y a pas eu de recul en matière de fiscalité, car il n’y a jamais eu d’accord sur un éventuel passage à la majorité qualifiée.

Bien des améliorations ont en revanche été apportées au fonctionnement des institutions – présidence stable, extension de la majorité qualifiée, ou encore clarification des coopérations renforcées, qui permettront à ceux qui veulent aller de l’avant d’y parvenir. Chacun aura également saisi la dimension démocratique du traité, qu’il s’agisse de la façon dont s’incarneront désormais les institutions aux yeux de nos concitoyens, de la généralisation de la co-décision ou du contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux.

J’ai bien noté la demande légitime du président Poniatowski que le Parlement soit régulièrement informé du déroulement de la conférence intergouvernementale.

Vous avez été nombreux à saluer l’ambition internationale dont témoigne l’accord de Bruxelles, avec la création d’un haut-représentant pour les affaires étrangères, lequel présente l’avantage de combiner la légitimité politique du Conseil avec les moyens de la Commission, tout en préservant – je le dis pour M. Myard – la spécificité de la politique étrangère et de défense.

Merci d’avoir rappelé que les préoccupations françaises, du reste bien partagées par nombre de nos partenaires, ont été largement prises en compte, qu’il s’agisse de la concurrence libre et non faussée, du protocole sur le services publics, de la protection des citoyens – mise au rang des objectifs de l’Union –, de l’énergie et de la lutte contre le changement climatique, de la création d’une base juridique, ou de la majorité qualifiée et de la codécision…

Et je dis au passage à Pierre Moscovici que cela ne me semble pas constituer un recul mais bien plutôt un progrès nécessaire par rapport aux traités d’Amsterdam et de Nice. Bien entendu, je n’oublie pas l’avancée que constitue la reconnaissance de la force contraignante de la Charte des droits fondamentaux, laquelle porte très haut des principes et des droits dont la France s’honore, notamment dans le domaine social. À cet égard, j’ai été très attentif aux propos de Mme Guigou sur la clause sociale horizontale, et je rappelle à MM. Christian Paul et Pierre Moscovici qu’en ce domaine, la Confédération européenne des syndicats a salué sans réserve les résultats du Conseil européen.

J’ai aussi entendu des interrogations, des doutes et des critiques, auxquels je vais m’efforcer de répondre.

D’abord, certains ont regretté que l’on ait renoncé à l’ambition de la Constitution européenne. Comme l’a rappelé Bernard Kouchner, les Français n’ont pas donné mandat pour aller dans la voie de ce qui pouvait apparaître – à tort ou à raison – comme un super-État, régi par une norme fondamentale. Pour autant, M. Mamère est dans le vrai lorsqu’il insiste sur la force des symboles. L’essentiel est bien que l’Europe soit rassemblée, en ordre de marche et dotée de moyens suffisants pour conduire les politiques qu’attendent nos concitoyens. C’est là que se trouve l’ambition, et que réside notre responsabilité commune.

Contrairement à ce qu’a indiqué Pierre Moscovici, la méthode communautaire a progressé dans le cadre de l’accord de Bruxelles. Logiquement, les piliers disparaissent, la personnalité juridique unique de l’Union est consacrée, la majorité qualifiée s’étend – notamment dans le domaine des affaires judiciaires et intérieures – et elle demeure – même si cela a fait l’objet de critiques – dans le domaine de la concurrence, laquelle est remise à sa juste place, soit un instrument communautaire au service du marché intérieur.

Plusieurs d’entre vous ont estimé que le traité n’était en rien « simplifié », mais, à l’instar d’Elisabeth Guigou, il me semble essentiel de distinguer plusieurs étapes : l’accord de Bruxelles porte sur un mandat pour une conférence intergouvernementale. À ce titre, il est très détaillé et parfois technique. Nous l’avons souhaité, de sorte que la CIG puisse être aussi courte et aussi « juridique » que possible. Nous plaidons pour une CIG de mise en forme, chargée d’appliquer des décisions politiques. C’est à cet effet que nous avons voulu entrer dans le fond des choses, de manière à dissiper les ambiguïtés. Ainsi, cher président Lequiller, nous avons bon espoir d’être parmi les premiers à ratifier le traité simplifié, sans doute pas avant la présidence française mais, en toute hypothèse, avant les élections européennes de 2009.

M. Pierre Lequiller - Pourquoi si tard ?

M. le Secrétaire d'État – Enfin, Madame Guigou, le traité procède d’une démarche simplifiée parce qu’il repose sur de simples amendements aux traités existants. Dès lors, il sera plus court et plus simple que la Constitution.

Christian Paul a exprimé des inquiétudes sur les concessions faites à certains États, en particulier le Royaume-Uni et la Pologne. Il est vrai que Tony Blair, en accord avec Gordon Brown, a obtenu des dérogations. C’est le choix des Britanniques de ne pas entrer de plain-pied dans des politiques importantes. Ce n’est pas la première fois et ils sont libres, notamment dans les domaines de la coopération judiciaire ou de l’immigration, de préférer leur régime juridictionnel à un engagement clair dans le respect de la Charte des droits fondamentaux. Ce qui est essentiel – et il faut reconnaître que M. Blair a pris ses responsabilités en la matière –, c’est que le Royaume-Uni n’a plus la possibilité de bloquer les autres s’ils veulent avancer. Au reste, les Britanniques se sont ménagé la possibilité de rejoindre les autres Européens le moment venu, et je souhaite vivement qu’ils le fassent, lorsqu’ils seront prêts.

Le cas de la Pologne est différent. Au Conseil européen, l’enjeu était de voir si les Polonais – dont chacun connaît les dirigeants actuels – s’engageraient dans un compromis européen ou s’ils bloqueraient le processus. On peut d’ores et déjà considérer que l’Accord de Bruxelles constitue une grande victoire, pour l’Europe comme pour la Pologne elle-même. Il s’agit, sans doute pour la première fois, d’un accord politique et psychologique de l’Union réunifiée. Et il est particulièrement émouvant de constater qu’il s’agit d’un véritable accord à vingt-sept ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau centre)

Vous l’avez tous dit : la relance de l’Europe que permet l’accord de Bruxelles n’aura d’effets concrets que si nous en nourrissons la dynamique. Comme nous y a invités François Sauvadet, il nous faut désormais aller vers l’Europe des résultats. C’est pourquoi nous prendrons des initiatives dans tous les domaines, selon les orientations définies par le Président de la République et par le Premier ministre.

S’agissant de la coordination des politiques économiques pour la relance de l’emploi dans la zone euro, un dialogue plus équilibré sera noué avec la BCE pour ce qui concerne les politiques de change. La politique industrielle devra être plus dynamique et mieux reconnue. Il conviendra aussi de rendre la politique énergétique plus solidaire et efficace. De nouvelles avancées devront également être obtenues – je le dis à MM. Myard et Dupont-Aignan – dans le sens de la protection communautaire, en faisant admettre la réciprocité à l’OMC et en veillant à ce que l’Europe reste une puissance alimentaire.

Dans les domaines de l’immigration et de l’intégration, nous avons beaucoup à apprendre des expériences de nos partenaires. Nous nous attacherons par conséquent à développer nos échanges à ce sujet.

La lutte contre le réchauffement climatique et la recherche – et Mme Guigou a légitimement souligné l’importance des programmes contre le cancer – seront au cœur de notre action. À ce titre, nous ferons de la circulation des savoirs une priorité de la prochaine présidence, via le lancement d’un nouvel Erasmus.

Dans le domaine international, nous ne manquerons pas de poser la question des frontières de l’Europe et de ses relations avec les grands pays émergents, dans le cadre notamment de l’Union méditerranéenne. Oui, il faut lancer de nouveaux projets avec les pays de la Méditerranée, qu’il s’agisse de l’environnement, de la gestion de l’eau ou des échanges de populations. Beaucoup reste à faire pour que cette zone, qui est aujourd’hui la moins visible dans la mondialisation, soit enfin considérée à sa juste importance. Dans le même temps, nous devons enrichir nos coopérations avec l’ensemble de l’Afrique et mettre le développement au cœur des priorités de la présidence française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

C’est sur ces bases, Monsieur le Président Lequiller, que nous préparons la présidence française qui débutera dans un an. Bernard Kouchner et moi-même, Monsieur le Président Poniatowski, reviendrons régulièrement devant vous. Il s’agit d’un vaste chantier, pour la réussite duquel votre soutien sera indispensable.

M. Lequiller a eu raison de dire que nous devons revoir la manière dont nous parlons d’Europe aux Français. Et la meilleure façon de préparer la présidence française, c’est de sortir des cercles d’initiés et de convaincus. Faisons en sorte que les Français puissent débattre : c’est l’affaire de tous ! Vous avez tous raison de dire que rien ne se fera sans nos concitoyens. Rien ne se fera sans les Français pour rendre l’Europe plus visible, plus politique et plus solidaire. Le monde de demain a besoin d’Europe, pour garantir notre avenir et celui de nos enfants. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Le débat est clos.
Prochaine séance : mardi 10 juillet à 15 heures.
La séance est levée à 18 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
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Préalablement,
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