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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 12 juillet 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
9ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

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TRAVAIL, EMPLOI, POUVOIR D’ACHAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au règlement. En octobre 2004, j’avais demandé en séance au ministre des finances d’alors, qui s’appelait Nicolas Sarkozy, s’il avait réellement déclaré, à New York, devant une assemblée d’étudiants et des dizaines de journalistes, qu’il se sentait étranger dans son propre pays – c’était, au passage, à l’époque où on l’entendait aussi dire que la France, on l’aime ou on la quitte. M. Sarkozy voulut d’abord se dispenser de répondre. Ce n’est qu’à la sixième interpellation qu’il finit par me donner une réponse, non sans prendre quelque liberté avec la vérité. Alors, Madame la ministre, abrégez vos souffrances et répondez tout de suite à la question que je vous ai posée ce matin ! La lettre de mission signée du Président de la République que vous avez reçue ne peut être valable que si elle est contresignée, et non seulement cosignée, par le Premier ministre. Un défaut de réponse de votre part, sur une question touchant ainsi au respect de la Constitution, troublerait le bon déroulement de nos travaux.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Soyez bien assuré, Monsieur le député, que je prends le plus grand plaisir à travailler avec vous : ne croyez pas que vous m’infligiez une quelconque souffrance. En revanche, je suis heureuse de pouvoir balayer le souci qui vous préoccupe. Cette lettre de mission a été signée par deux personnes, que je cite dans l’ordre protocolaire : le Président de la République et le Premier ministre. Je vous laisse le soin de l’exégèse sur les problèmes de co-signature et de contre-signature. À cet effet, vous trouverez ce document en ligne sur le site de la présidence de la République, in extenso – et en langue française, Monsieur Brard – comme on peut s’y attendre de la part d’un gouvernement ouvert, moderne et transparent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ART. 2

M. François de Rugy – Cet article nous inspire des réserves. Sur le fond, et s’agissant d’un texte censé valoriser le travail – puisque ce serait le principal problème de notre pays, même si aucun de nous n’a l’impression de vivre au milieu des fainéants et des oisifs – il nous semble que la priorité devrait être d’inciter les étudiants à se concentrer sur leur réussite scolaire, ce qui est loin d’être toujours facile. Or, de nombreuses études ont montré que lorsqu’un étudiant consacre une partie de son temps à gagner de l’argent pour payer ses études, ses résultats s’en ressentent. Je n’ai rien contre les petits boulots d’étudiant, en particulier l’été, qui peuvent d’ailleurs leur donner l’occasion d’entrer en contact avec le monde de l’entreprise, mais dans la réalité, nombre d’étudiants occupent de véritables emplois à temps partiel dans des entreprises de restauration rapide, par exemple, qui ne leur apportent pas grand-chose, ni sur le plan financier, ni du point de vue de l’expérience professionnelle.

Sur la forme, j’ai aussi du mal à cerner la mesure. Un étudiant qui travaille à temps partiel et fait sa propre déclaration de revenus a peu de risques de payer des impôts, dans notre système progressif, et la mesure ne bénéficiera même pas à ceux qui auraient la chance de trouver un emploi très fortement rémunéré, puisqu’elle est plafonnée. En revanche, si l’étudiant est rattaché au foyer fiscal de ses parents, le dispositif favorise ceux qui ont le plus de revenus, en évitant que les salaires de leurs enfants ne les fassent changer de tranche par exemple. Mais je pensais qu’il s’agissait d’aider les étudiants qui en ont le plus besoin, pas ceux dont les parents ont des revenus importants ! En poussant le raisonnement à l’extrême – mais c’est comme cela qu’apparaît parfois le sens réel d’une mesure – on peut penser que des parents pourraient faire embaucher leurs enfants et leur faire verser un revenu assez important sur lequel ils seraient exonérés d’impôt !

Mme Pascale Got – L’objectif est louable, mais un tel projet n’a de sens que s’il s’inscrit dans une politique globale volontariste visant à garantir l’autonomie aux étudiants. Le salariat étudiant n’est pas une fin en soi ! Ce n’est pas un choix mais une nécessité qui, très souvent, entrave les études. Et pour cause : il se caractérise par la précarité, des horaires impossibles et des licenciements abusifs de nombreux employeurs profitant de la méconnaissance de ses droits par une population peu au fait du code du travail. Le salariat, subi par un étudiant sur deux, est souvent un palliatif à un système d’aides sociales défaillant. Une politique globale d’accompagnement est nécessaire, qui donne priorité aux mesures privilégiant l’autonomie. Parce que la très grande majorité des étudiants n’est pas imposable, parce qu’il offre un nouvel avantage aux familles aisées, parce qu’il conforte le salariat étudiant, souvent facteur d’échec (Protestations sur les bancs du groupe UMP), le levier fiscal ne permet pas cette autonomie. Une démarche volontariste en faveur des étudiants supposerait d’augmenter le nombre de boursiers, de revaloriser le montant des bourses et de mieux prendre en charge les frais de santé et de logement, (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ce qui permettrait d’en finir avec l’inégalité d’accès aux études supérieures et, sinon d’éviter, du moins de retarder un salariat bien davantage subi que choisi. La défiscalisation est nécessaire, mais la démarche est loin d’être suffisante (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Roland Muzeau – De toutes les mesures fiscales qui jalonnent ce projet, l’exonération d'impôt sur le revenu des étudiants salariés compte, en apparence, parmi les moins polémiques (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). En apparence seulement, car la mesure proposée soulève de nombreuses interrogations. Elle signifie d'abord que l’on prend implicitement acte de la dégradation préoccupante de la situation sociale d'un nombre croissant d'étudiants. Cette dégradation résulte de l'incapacité de la majorité à prendre en compte, depuis cinq ans, les besoins des étudiants, tout en prétendant leur imposer le CPE, contre lequel ils ont montré leur mobilisation. Ces dernières années, les étudiants ont dû faire face à l'augmentation effarante des prix des loyers, mais aussi à celle des tarifs de restauration collective, de cotisation sociale étudiante et d'inscription à l’université, toutes dépenses qu’ils ne peuvent assumer car, comme on pouvait s'y attendre, la revalorisation des aides proposées aux étudiants pendant la même période n'a évidemment pas suivi la même courbe. Aussi, la France compte désormais une population d'étudiants pauvres, et de plus en plus nombreux sont ceux contraints de se tourner vers les associations caritatives ; un rapport des Restos du cœur en a fait état.

Alors que pareille situation devrait vous pousser à agir, vous proposez un dispositif qui, loin de répondre aux besoins des étudiants, leur propose simplement de « travailler plus pour gagner plus », comme si tout étudiant avait vocation à exercer une activité salariée pour financer ses études. Sous prétexte d'améliorer la situation des étudiants, vous normalisez l’anomalie qu’est l'obligation faite à des jeunes en formation de travailler, souvent dans des conditions difficiles, avec des horaires extravagants et pour des salaires de misère, afin de financer des études que ce salariat subi met en péril, comme le souligne une étude de l’UNEF.

Nous ne saurions cautionner une telle démarche. Nous considérons qu’il faut définir un statut de l'étudiant et créer une allocation étudiante à caractère universel qui permettrait à tous de suivre leurs études dans les meilleures conditions, sans devoir s’endetter ou être condamnés à la précarité. L’enjeu est primordial, mais vous ne semblez pas en avoir pris la mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean-Claude Sandrier – La mesure semble frappée au coin du bon sens, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais l’exonération proposée est-elle réellement conçue pour les étudiants qui en ont le plus besoin ? Nous n'en sommes pas persuadés et nous plaiderons en faveur d’une allocation étudiante, seule solution propre à assurer l'égalité entre tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale.

Qu’en est-il, pratiquement, de la mesure proposée ? Un étudiant payé au SMIC travaillant 12 heures par semaine pendant les mois d'études et à temps plein les deux mois d’été a un revenu annuel net de 6 000 euros environ, et ce revenu, non imposable, déclenche le versement de 660 euros de prime pour l'emploi. L’étudiant concerné n'aura donc aucun intérêt à faire jouer le nouveau dispositif, lequel intéressera, non pas les étudiants les plus en difficulté, mais d'abord les familles dans lesquelles les étudiants sont rattachés au foyer fiscal des parents. Nous présenterons des amendements visant à ce que les besoins des étudiants soient mieux pris en considération (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Guy Geoffroy – Personne ne s’étonnera que, sur les bancs de la majorité, l’opinion diffère de celles qui viennent de s’exprimer, qu’elles soient idéologiques ou gênées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Contrairement à ce qui a été allégué, la mesure est importante et elle participe de la politique globale que vous appelez de vos vœux. Lorsque, il y a quarante ans, entamant des études supérieures, je me suis trouvé en situation d’exercer une activité professionnelle, cela n’a pas fait de moi un héros – et n’étaient pas davantage des héros, mais des gens tout à fait ordinaires, ceux qui étaient dans le même cas ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP) Il faut en finir avec l’assertion selon laquelle un étudiant ayant besoin de tout son temps pour étudier, une activité professionnelle entraverait ses études. C’est faux, et il en est même qui réussissent mieux par ce biais car ils entrent plus vite sur le marché du travail… (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Roland Muzeau – Chez McDo !

M. Guy Geoffroy – Qu’on en finisse avec l’antienne « Pensons d’abord à les aider », car de nombreux étudiants ont démontré que la plus grande aide qui soit est celle que l’on s’apporte à soi-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Roland Muzeau – Toute une idéologie !

M. Guy Geoffroy – Quant aux arguments invoqués, ils laissent sans voix. Pourquoi parler exclusivement des étudiants qui se rattacheraient au foyer fiscal de parents riches et qui, si l’on comprend bien, feraient exprès de travailler pour permettre à leurs parents de payer moins d’impôts ? Soyons sérieux ! La mesure concernera bien des étudiants rattachés à des foyers modestes, qui pourront ainsi trouver un supplément de revenu. C’est une excellente mesure, dont beaucoup regretteront de ne pas avoir bénéficié plus tôt (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Par l’amendement 123, nous proposons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la situation sociale et financière des étudiants et de réfléchir « aux conditions de mise en place d'une allocation d'études à caractère universel ». Le dispositif que vous proposez coûte pour le moment une trentaine de millions d'euros, et concernerait environ 450 000 étudiants et lycéens, soit une « prime fiscale » inférieure à 70 euros par an, ce qui est loin de la véritable aide à la scolarité qui résulterait de la création d'une « allocation d'études et d'autonomie », visant à éviter que nombre de lycéens et d'étudiants soient contraints de distribuer des journaux gratuits le matin ou le soir à la sortie des gares de banlieue ou de se transformer en vendeurs de hamburgers les soirs et le week-end. Le dispositif qui nous est proposé est une incitation clairement affichée à la généralisation et au développement de ces emplois pour une bonne part à temps très partiel, et à forte rentabilité pour les employeurs.

Par ailleurs, si l’on défiscalise, à hauteur de 3 750 euros par an, les revenus cumulés par un jeune, on risque de lui faire perdre le bénéfice de la PPE. En outre, la franchise peut aller jusqu’à remettre en cause la réalité des périodes travaillées, de laquelle dépend, par exemple, le calcul des retraites.

De fait, L’article 2 ne présente un intérêt que pour un foyer comptant des enfants étudiants, situé dans les tranches les plus élevées du barème de l’impôt. Il est en décalage avec les besoins et les attentes légitimes des jeunes en formation. Nous vous proposons donc d’ouvrir une nouvelle piste de réflexion.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – La commission a repoussé cet amendement. Si l’on se fixe comme objectif de revaloriser le travail, qu’y a-t-il de mieux que de commencer par le faire en direction des jeunes ? L’article 2 est une mesure sage et proportionnée puisque l’exonération joue à hauteur de trois SMIC et ne concerne que les jeunes de moins de 25 ans.

S’agissant de la PPE, l’article a été rédigé de sorte que l’étudiant puisse opter ou pas pour l’exonération. Comme l’a dit M. Geoffroy, nombreux sont ceux qui auraient aimé bénéficier de cette mesure et je crois que beaucoup d’entre nous regretteront de ne pas l’avoir votée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre – Il s’agit d’une mesure d’incitation et de liberté, puisque les jeunes peuvent opter entre la PPE et l’exonération, et choisir ou non de se rattacher au foyer fiscal de leurs parents. S’agissant du rapport, Mme Pecresse a lancé un chantier sur les conditions de vie étudiante et cette concertation devrait déboucher, le 16 juillet, sur la publication d’un rapport d’étape. Je vous invite donc à être attentif à ses conclusions. Avis défavorable à l’amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Évitez la caricature, et l’on évitera l’idéologie. Monsieur Carrez, vous parlez de regrets : je ne vois pas en quoi mon intérêt personnel pourrait me pousser à voter ou à rejeter une mesure ! Vous prétendez vouloir favoriser le travail des jeunes pour leur permettre de poursuivre leurs études : cela recueille l’assentiment de tous. Mais en réalité, vous créez une nouvelle aubaine fiscale, et cela, nous ne pouvons l’accepter.

Il est quand même plus indispensable – voire vital – pour un jeune issu d’une famille modeste de travailler que pour un jeune dont les parents sont aisés ! Dans le même temps, il n’est pas interdit, quelles que soient les ressources du foyer, de vouloir que le parcours éducatif de son enfant passe par le travail. Mais nous parlons d’exonérations fiscales et partant, d’engagement de l’État. Or, si nous sommes d’accord pour que l’État fasse l’effort d’aider les étudiants modestes, nous ne voyons pas la raison pour laquelle les familles qui ont la capacité d’assumer l’éducation de leur enfant bénéficieraient d’allègements fiscaux !

Je suis le maire d’une ville universitaire, et je sais ce que pèsent les 3 000 étudiants que ma ville accueille sur le budget d’aide sociale. Je sais de quelle manière l’augmentation de l’aide au logement favoriserait leur consommation ; je sais ce qui leur permettrait d’éviter de travailler la nuit à Rungis pour étudier le jour, ou de se faire soigner dans les centres médico-sociaux ; je connais leurs problèmes de transport. Faisons en sorte de centrer l’aide de l’État sur ceux qui en ont le plus besoin, ne l’élargissons pas de manière inconsidérée. Lors du budget, nous nous rappellerons que vous avez voulu aider certains, et avantager d’autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – L’amendement 60 rectifié de la commission tend à préciser que la mesure proposée à l’article 2 s’appliquera, que son bénéficiaire soit ou non rattaché au foyer fiscal de ses parents. Comme M. Geoffroy l’a parfaitement décrit, cette mesure permet à l’étudiant d’assumer ses frais de vie – l’un des freins les plus puissants à l’ascension sociale – et, c’est un principe d’équité et de dignité, quel que soit son milieu familial. M. Le Bouillonnec, vous demandez aux familles qui en ont les moyens d’assumer leurs enfants étudiants ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En effet, cela ne me choque pas !

M. Louis Giscard d'Estaing – Monsieur Brard, vous avez eu la gentillesse d’évoquer ceux qui sont nés avec… ?

M. Jean-Pierre Brard – …une cuillère d’or dans la bouche ! Vous en connaissez ?

M. Louis Giscard d'Estaing – Sachez que lorsque j’ai fait mes études supérieures, mon père occupait la plus haute fonction de la République. Eh bien, je m’honore d’avoir effectué des stages rémunérés pendant cette période (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Si nous siégeons ensemble dans cet hémicycle, Monsieur Brard, c’est que ce n’est pas uniquement sur la base d’un contexte familial que l’on développe son propre parcours social. Le travail doit permettre à tous les étudiants de s’intégrer dans la vie professionnelle (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Cette saga familiale est tout à fait intéressante, mais je ne suis pas certain que cela justifie des mesures fiscales particulières… Vous avez dit, Madame la ministre, qu’il s’agissait d’une mesure de liberté. Et il est vrai qu’il faut agir pour ceux qui en sont privés, tels les jeunes Neuilléens répondant au nom de Fourtou, Owen-Jones, Bettencourt, ou encore Bouygues… Non, il ne s’agit pas de liberté, mais de morale !

C’est pourquoi mon amendement 400 tend à limiter l’exonération fiscale aux seuls jeunes non rattachés au foyer fiscal de leurs parents, plus exposés que d’autres à la rudesse du statut d’étudiant. N’oublions pas la paupérisation dénoncée, en septembre 2006, par le rapport de la Mutuelle des étudiants : le pouvoir d’achat de la population étudiante baisse, et la précarité actuelle a des conséquences dramatiques, notamment sur sa santé. Les étudiants les plus en difficulté ne consultent plus les ophtalmologues ni les dentistes !

À cela s’ajoutent la fatigue et les problèmes psychologiques, qui ne sont pas seulement la conséquence des examens, mais aussi celle de la précarité sociale des étudiants. Je veux bien qu’on les traite à coups de trique, Monsieur Geoffroy…

M. Guy Geoffroy – Vous déformez mes propos !

M. Jean-Pierre Brard – Je les traduis… Ce n’est pas en mettant un bout de sparadrap sur les plaies que le Gouvernement parviendra à cacher les inégalités sociales qui traversent notre société et qui s’étendent jusque dans le monde étudiant. Ce que vous proposez ne suffira pas pour satisfaire les besoins considérables de la jeunesse.

Je respecte l’expérience personnelle de M. Giscard d’Estaing, mais je pense surtout aux familles qui s’entassent, dans ma circonscription, dans des F2 ou F3. Dans quelles conditions leurs enfants peuvent-ils étudier ?

M. Michel Bouvard – Le conseil général de la Seine-Saint-Denis n’a pas construit assez de logements étudiants…

M. Jean-Pierre Brard – Je pense aussi aux étudiants de classe préparatoire dont le logement est si peu compatible avec leurs études que nous avons dû ouvrir la bibliothèque municipale pendant la nuit. Que faites-vous donc pour ces jeunes défavorisés ?

L'amendement 60 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 400 tombe.

M. René Couanau – Nous sommes si convaincus de l’intérêt de cette mesure, très favorablement accueillie par les étudiants et par leurs familles, que nous souhaitons en étendre l’application : compte tenu de l’allongement de la durée des études, notamment du fait des séjours à l’étranger et des stages, mon amendement 28 tend à ce que la limite d’âge soit constatée, non pas au 1er janvier de l’année d’imposition, mais au 31 décembre.

Passer de 25 à 26 ans permettrait en effet d’aligner ce dispositif sur de nombreuses mesures applicables en matière d’insertion et d’emploi, mais aussi de rendre plus juste notre réforme.

Plusieurs députés UMP – Excellent amendement !

M. le Rapporteur général – Evitons de multiplier les seuils : ce texte retient la limite d’âge applicable pour le rattachement au foyer parental et pour l’attribution du RMI. Il faut faire simple. Ne peut-on pas, en outre, attendre d’un étudiant, qui passe son baccalauréat à 17 ans…

M. Jean-Pierre Brard – À 18 ans !

M. le Rapporteur général – …qu’il ait achevé ses études à 24 ans révolus ? Il ne faudrait pas consacrer un droit au redoublement, contraire à la notion d’effort placée au cœur de cette loi. (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – C’est donc une loi faite pour les surdoués !

Mme la Ministre – Étant née un premier janvier, je ne saurais rester indifférente à votre amendement, Monsieur Couanau (Sourires)… Il reste que votre souhait est déjà satisfait, car tout étudiant bénéficiera de cette mesure s’il atteint sa 26e année au cours de l’année fiscale considérée. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. René Couanau – Il me semble que la situation actuelle appelle autre chose que de telles considérations techniques et administratives. J’avais espéré que nous étions passé à un autre stade ! Vous comprendrez que je maintienne mon amendement.

L'amendement 28 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – De tous les bancs ont fusé des récits d’expériences personnelles, et vous semblez tous penser que la défiscalisation est nécessaire pour l’épanouissement de la vie professionnelle des étudiants. Pour ma part, je n’évoquerai pas mon cas personnel, car il n’y avait guère matière à déduction fiscale dans ma famille : au terme de 65 ans d’efforts, mon père a terminé sa carrière au SMIC !

Tous vos témoignages manquent de dignité, car vous pensez à des cas particuliers en oubliant le plus grand nombre.

Plusieurs députés UMP – C’est faux !

M. Jean-Louis Idiart – Avec ces mesures, vous consentez une fois encore des cadeaux à certaines catégories. Il y a pourtant beaucoup à faire pour les étudiants !

C’est pourquoi l’amendement 274 tend à plafonner l’exonération fiscale au-delà d’un certain revenu.

M. Guy Geoffroy – C’est incroyable !

M. Jean-Louis Idiart – Ne diminuons pas les recettes fiscales pour accorder un avantage à une petite frange de la population. Tout le monde paie la TVA, dont chacun connaît le poids dans les budgets modestes, alors que tout le monde ne bénéficiera pas d’une exonération de l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement, qui me semble particulièrement mesquin et méprisant pour le travail étudiant. Vous demandez des mesures, mais qu’avez-vous fait de 1997 à 2002 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Et vous depuis cette date ?

M. le Rapporteur général – Parlez-nous donc de l’allocation au logement étudiant, versée sans conditions de ressources…

Au lieu de cela, vous proposez des mesquineries qui ne vous font vraiment pas honneur ! Il faut apprécier la situation des étudiants salariés indépendamment du revenu de leurs parents.

Mme la Ministre – Même avis défavorable à l’amendement.

M. Jean-Pierre Soisson – Je trouve cet amendement honteux…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cela nous rassure et nous honore !

M. Jean-Pierre Soisson – On ne va pas demander aux garçons et aux filles qui sont en âge d’être étudiants ce que gagnent leurs parents ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Votre amendement archaïque relève d’un socialisme d’un autre âge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Sapin – Celui de 1988 ?

M. François de Rugy – Je soutiens cet amendement, comme du reste ceux de MM. Brard et Sandrier. Je n’ai rien contre le fait que les étudiants travaillent, et cela peut même leur être bénéfique. Mais, que je sache, Monsieur Giscard d’Estaing, le fait que ce dispositif n’existait pas ne vous a pas empêché de bénéficier de stages rémunérés. Si l’on veut vraiment aider les étudiants à poursuivre les études de leurs choix – certaines, comme celles de kinésithérapeute, représentant une dépense annuelle de plusieurs milliers d’euros -, il faut privilégier d’autres formules. Obsédés par une sorte de « fiscalisme », vous semblez croire que les manipulations de la feuille d’impôt peuvent tout régler. La proposition de cibler l’avantage sur les étudiants qui établissent une déclaration de revenus autonome était tout aussi fondée que celle qui consiste à le limiter aux jeunes issus de familles modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Louis Idiart – M. Soisson vient de montrer ce que donne l’ouverture quinze ans après… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Monsieur le rapporteur général, vous nous accusez de mesquinerie, mais c’est vous qui avez choisi de tout traiter par l’outil fiscal. C’est vous qui prétendez que le salut passe par l’allégement d’impôt. Et ce serait nous qui serions mesquins de refuser de nouveaux cadeaux fiscaux à ceux qui n’en ont pas besoin ? Là où vous voyez de la mesquinerie, je ressens moi une exigence de justice sociale, qui commande de traiter différemment ceux qui ont le privilège d’avoir des parents fortunés.

M. Michel Bouvard – Je suis un peu surpris de la tonalité des propos de nos collègues de l’opposition. Notre constante, Monsieur Idiart, n’est pas de donner toujours plus aux riches, mais de poursuivre l’entreprise de responsabilisation des étudiants que nous menons depuis cinq ans. En créant les bourses aux mérite et en autorisant la récupération des intérêts d’emprunt sur les prêts étudiants, nous avons voulu rendre nos étudiants plus autonomes. À l’opposé, votre proposition tend à les rendre durablement dépendants de la situation de fortune de leurs parents, au risque d’ignorer que le lien entre un jeune adulte et sa famille n’est pas exclusivement commandé par le niveau de revenu des parents. Les relations sont souvent beaucoup plus complexes. Et le but que nous poursuivons depuis cinq ans, alors même – certains l’ont rappelé – que certaines études demeurent très onéreuses, c’est de rendre les étudiants plus autonomes et plus responsables. La loi pour l’autonomie des universités s’inscrit dans cette logique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En somme, vous allez les rendre plus autonomes en les obligeant à payer des droits de scolarité plus élevés !

M. Michel Bouvard – Je comprends que nos projets vous gênent puisque la gauche n’a rien su faire pour les étudiants quand elle était au pouvoir ! La rupture est là aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 274, mis aux voix, n’est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. le Président – À la demande de la commission des finances, les amendements 275, 267 et 276, portant article additionnel après l’article 2, ont été déplacés après l’article 5.

M. François Scellier – Mon amendement 442 tend à étendre le bénéfice de l’article 2 aux rémunérations autres que salariales, telles que BNC, BIC, etc.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. La mesure doit rester ciblée sur les revenus salariaux. Les étudiants qui ont déjà un statut de quasi chefs d’entreprises ne sont pas visés.

Mme la Ministre – Il faut encourager ceux qui se lancent dans l’apprentissage du noble métier d’entrepreneur. Dans le souci de responsabilisation qu’a évoqué le président Bouvard, le Gouvernement est favorable à l’amendement et je lève le gage, tout en rappelant que les honoraires perçus dans le cadre des junior entreprises relèvent de l’imposition sur les bénéfices non commerciaux plutôt que de l’IR.

M. Roland Muzeau – Il pleut toujours là où c’est déjà mouillé !

M. Jean-Pierre Brard – Assurément, cher collègue, mais jamais au point que le terrain pourrisse, car il faut que les fruits de l’argent puissent croître et s’épanouir durablement. Mme la ministre semble soutenir d’enthousiasme cet amendement ; plus expérimenté, M. Carrez sait que lorsqu’on veut en faire trop, cela finit toujours par se savoir et par se retourner contre vous ! Quoi qu’il en soit, j’ai quelque pudeur à me montrer « mesquin » – puisque tel est le qualificatif dont nous avons été affublés – en demandant à des familles qui perçoivent plusieurs centaines de millions de revenus chaque année de renoncer à quelques avantages fiscaux ! J’ai là un numéro récent du magazine Challenges, qui précise l’état de fortune de certaines de nos grandes familles. Alors, bien sûr, il y a les riches « pauvres », comme la famille Fleury-Michon, qui n’avoue que 130 millions de revenu. On a connu des temps où la saucisse rapportait plus !

M. André Schneider – Sans parler de la salade de museau ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Mais il y aussi les vrais riches, et je passe aux petits pois,…

M. Michel Bouvard – Avec la saucisse, je conseille plutôt les lentilles ! (Même mouvement)

M. Jean-Pierre Brard - …avec la famille Bonduelle, qui pèse, elle, 390 millions. Enfin, il y a les plus riches que riches, avec M. Bernard Arnault et ses 23,72 milliards ! Vous avez le droit de trouver mesquin que nous demandions que ces gens-là ne bénéficient pas, grâce à leurs conseillers fiscaux, de vos nouvelles lentilles fiscales. Mais il faut savoir que quand on est riche, on est âpre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous ne me ferez pas croire que c’est M. Arnault lui-même qui a accumulé par son labeur – même en se levant tôt et en se couchant tard – 23 milliards d’euros ! Quand on aime, on ne compte pas, et vous aimez les privilégiés, puisque vous ne leur en donnez jamais assez. Vous savez pourtant que ces gens-là sont insatiables ! Mais quand nous proposons d’améliorer la situation des érémistes, vous dites que cela les encourage à l’oisiveté ! Voilà votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. François Scellier – Je regrette que mon amendement ait entraîné de nouvelles élucubrations de M. Brard, mais je remercie Mme la ministre de l’avoir resitué dans le contexte des junior entreprises et d’avoir bien voulu lever le gage.

M. le Rapporteur général – Nous étions d’accord avec cet amendement dès lors que l’activité était exercée dans le seul cadre d’une junior entreprise – ce que l’amendement ne dit pas explicitement. Prenons l’exemple, Madame la ministre, d’un étudiant membre d’une société de personnes exerçant une activité agricole, qui perçoit à ce titre une rémunération sans le moindre rapport avec une junior entreprise. L’amendement permet-il d’exclure cette rémunération de l’exonération ? Prenons maintenant l’exemple des bénéfices non commerciaux. Ils concernent en général des professions réglementées. Quelles sont donc les professions donnant lieu à l’assujettissement aux BNC qu’un étudiant pourrait exercer ? Artiste peintre, prostitué ? Je veux être assuré que l’amendement concerne exclusivement les activités exercées dans le cadre de junior entreprises.

Mme la Ministre – Je vous remercie d’avoir posé ces questions, Monsieur le rapporteur général, d’autant que l’amendement ne s’applique en effet pas exclusivement à des activités exercées dans le cadre de junior entreprises. Je préfère donc lui donner un avis défavorable. Nous reverrons ultérieurement sa rédaction afin de circonscrire le bénéfice de l’exonération à ces seules activités.

M. François Scellier – C’était aussi ce que je souhaitais. Je retire donc l’amendement.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends pour qu’il soit clairement repoussé !

L'amendement 442, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Vigier – La situation fiscale des jeunes rattachés au foyer parental – qui bénéficie alors d’une demi-part supplémentaire – diffère de celle des jeunes autonomes, qui peuvent recevoir une pension déductible des revenus parentaux. Cette difficulté se répercute sur l’exonération prévue par le texte, qui ne distingue pas les deux catégories de bénéficiaires. Afin d’encourager l’autonomie des jeunes, l’amendement 266 tend à accorder, dans le second cas, un crédit d’impôt. Le travail des jeunes tend à se développer, notamment du fait du coût grandissant des formations. Il est essentiel d’aider ceux des classes moyennes, qui choisissent pour la plupart la voie de l’autonomie.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement. Nous souhaitons en effet une mesure simple, lisible et surtout neutre du point de vue fiscal, que l’étudiant soit ou non rattaché au foyer parental.

L'amendement 266, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

Mme Corinne Erhel – L’article 3 instaure un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunts supportés pour l'acquisition ou la construction d'une résidence principale. Ce dispositif, mis en place une première fois en 1995, avait été supprimé par le gouvernement Juppé en raison à la fois de son efficacité toute relative et de son coût. Vous proposez de le réintroduire. Mais dans le contexte budgétaire que nous connaissons, n'aurait-il pas été plus efficace et plus juste de cibler cette mesure ?

Le dispositif est ouvert à tous, y compris à ceux qui sont déjà propriétaires de leur résidence principale mais souhaitent en changer. Il n'est donc pas réservé aux primo- accédants. Il concerne les emprunts à venir, mais aussi les emprunts en cours depuis moins de cinq ans. Il ne sera donc pas déterminant dans la décision d'acheter ou de construire, et risque de se réduire à un effet d'aubaine. Il ne prend pas non plus en compte les revenus de l'emprunteur, si bien que la mesure profitera d’abord à ceux qui ont la capacité d'emprunt la plus élevée. Il aurait été préférable de fixer un plafond de revenus pour concentrer l'effort de la collectivité sur ceux qui n'ont pas la capacité financière d'acheter ou d'emprunter.

En ce qui concerne la qualité des logements, le texte ne fait pas référence aux exigences de haute qualité environnementale et n'impose aucune obligation en matière de performances énergétiques, alors que les économies d'énergie ont un effet sur les budgets des ménages et que ce secteur est créateur d’emplois.

D’autre part, cette mesure risque d'alimenter l'inflation immobilière. On peut également s’interroger sur le devenir du prêt à taux zéro, essentiel dans la décision d’achat des plus modestes puisqu'il est constitutif de l'apport personnel. Il aurait mieux valu augmenter le seuil et le montant de ce prêt.

Enfin, si la volonté de devenir propriétaire est une ambition légitime, l'urgence est de combler la pénurie de l'offre locative par la construction de logements. Pour des milliers de familles à faibles revenus, la première des nécessités est de disposer d'un logement décent : il manque aujourd’hui 800 000 logements en France.

M. Jérôme Chartier – À qui la faute ?

Mme Corinne Erhel – Nous défendrons donc un certain nombre d’amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. André Wojciechowski – Les candidats à l'accession à la propriété sont depuis plusieurs semaines très attentifs à l’annonce de cette mesure au sujet de laquelle ils interrogent déjà les professionnels de l'immobilier. La déduction des intérêts d'emprunts doit en effet encourager les candidats à l'accession à réaliser leur « rêve de propriétaire ». Or l’accession à la propriété doit être encouragée pour fluidifier l'offre locative privée et sociale. Il serait de bon sens que le taux du crédit d'impôt soit porté de 20 % à 25 %, afin d'optimiser l'efficacité de la mesure, à l'instar de ce qui fut fait entre1984 et 1997.

S'agissant du plafonnement, il serait bon de prévoir une sectorisation géographique tenant compte des disparités de prix entre les régions, afin de respecter un équilibre entre les territoires.

Enfin, il faut conserver le dispositif du prêt à taux zéro, qui fait souvent office d'apport personnel et permet dans bien des cas de rester en dessous du seuil maximal d'endettement.

Depuis trente ans, les politiques fiscales du logement apportent régulièrement de l'oxygène aux ménages français accédant à la propriété de leur résidence. Ces « coups de pouce » doivent être maintenus, notamment pour que les primo accédants puissent rester éligibles au prêt à taux zéro. Si la question du cumul de la réduction d'impôt ou du crédit d'impôt avec un prêt à taux zéro pour les primo accédants peut être posée, la défiscalisation des intérêt d'emprunt ne doit pas sonner le glas du prêt à taux zéro.

Merci, Madame la ministre, de mettre un terme à l'attentisme des ménages en améliorant leur pouvoir d’achat et en relançant la croissance.

M. Alain Cacheux – Une grave crise du logement affecte l’ensemble du pays, mais tout spécialement ses grandes agglomérations, celle de Paris, bien sûr, mais aussi celle de Lille, que je connais bien.

M. Philippe Pemezec – Cette crise vous est largement imputable !

M. Alain Cacheux – Les symptômes sont nombreux : plus d’un million de sans-logis ; près de trois millions de mal logés ; des files d’attente toujours plus longues pour l’obtention d’un logement HLM ; l’encombrement des structures dédiées aux sans domicile fixe ; la prospérité que tirent des marchands de sommeil de logements insalubres où se produisent régulièrement – on se souvient de ceux de Paris et de Roubaix – de véritables drames humains. Tout cela est révélateur d’insuffisances à la fois quantitatives et qualitatives. La flambée des prix des loyers est également une réalité, ainsi que l’explosion de la spéculation immobilière au profit d’un petit nombre, y compris ces mêmes marchands de sommeil, et au détriment de la majorité de la population. En effet, la part du logement dans les dépenses des ménages a fortement augmenté. Ainsi s’amplifie, malgré l’action l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, un phénomène de ségrégation spatiale et sociale...

M. Philippe Pemezec – … auquel vous avez contribué !

M. Alain Cacheux – Le logement est ainsi devenu la deuxième préoccupation des ménages français, après l’emploi, et bien avant la sécurité dont vous nous avez rebattu les oreilles…

M. Yves Censi – Ce sont les Français qui nous en ont rebattu les oreilles !

M. Alain Cacheux – Madame la ministre, vous avez affirmé en commission que la majorité avait abondamment œuvré durant cinq ans pour le logement, mais, si je reconnais volontiers qu’entre 1997 et 2002 nous n’avons pas fait merveille, vous nous avez montré que l’on pouvait faire bien pire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La relance dont vous vous flattez n’était en effet qu’un trompe-l’œil, qu’il s’agisse de la production de logements locatifs sociaux ou même de l’accession, et vous en avez fait supporter le coût, pour l’essentiel, aux collectivités locales, notamment par l’intermédiaire de l’aide à la pierre. Ce sont les logements intermédiaires – les logements PLS – qui ont bénéficié de l’effort, mais au détriment des logements PLAI, dont la production s’est littéralement effondrée !

S’agissant de l’accession sociale, vous avez prôné un élargissement du nombre des bénéficiaires, au profit notamment de certains de nos concitoyens qui n’en ont guère besoin, créant ainsi un risque de saupoudrage. Vous avez supprimé toutes les contreparties sociales, pourtant fort modestes, du dispositif Robien. Or l’on ne peut ignorer la réalité de la spéculation sur le prix des terrains ou de la concurrence au niveau des appels d’offres. Vous avez refusé d’encadrer la profession de marchand de biens, laissé flamber les loyers et, s’agissant du logement social, accru à dose homéopathique l’aide personnalisée au logement, que vous avez certes revalorisée le 1er janvier dernier, mais en supprimant l’obligation d’une nouvelle augmentation chaque 1er juillet. Vous avez consacré à la rénovation urbaine des moyens disproportionnés, au détriment de l’augmentation de l’offre. À cet égard, je me réjouis de la déclaration de Mme la ministre du logement et de la ville selon laquelle, avant de démolir, il faut maintenant songer à construire. De fait, il ne suffit pas de répartir la précarité pour la faire reculer !

Ce projet, à vos yeux emblématique de la nouvelle majorité, consiste à offrir des cadeaux fiscaux aux Français qui sont déjà propriétaires ; la discussion de l’ensemble des amendements permettra de le démontrer. Nous proposons au contraire une véritable relance de la construction de logements locatifs sociaux, reposant sur des investissements de l’État via la pierre, aujourd’hui trop modeste et que vous financez en puisant largement dans le 1 % logement. Je vous le demande à mon tour : votre crédit d’impôt permet-il le maintien du prêt à taux zéro ? Celui-ci n’est-il pas menacé de la même mort progressive que les prêts PAP ? Nous proposons en outre de revaloriser bien davantage l’APL, et de créer un bouclier logement, infiniment plus important, pour des millions de nos concitoyens, qu’un bouclier fiscal !

M. Jean Launay – Alors que l’urgence est à la construction massive de logements locatifs sociaux réellement adaptés aux besoins de nos concitoyens, le Gouvernement propose de remédier à la crise du logement par un crédit d’impôt qui serait fonction des intérêts des emprunts immobiliers. Le dispositif proposé est d’ailleurs en recul par rapport aux engagements pris par le Président de la République au cours de sa campagne, puisque ni la totalité des intérêts d’emprunt ni l’ensemble des prêts immobiliers ne sont visés – heureusement pour les comptes publics ! Cette mesure n’est rien d’autre qu’un cadeau fiscal supplémentaire, et non d’une incitation spécifique à l’accession à la propriété.

En effet, ce crédit d’impôt est ouvert à tous les Français, y compris à ceux qui sont déjà propriétaires et font l’acquisition d’un nouveau logement afin de déménager. Nous proposons, nous, de le réserver aux seuls primo-accédants.

D’autre part, ce crédit d’impôt concerne-t-il l’ensemble des emprunts immobiliers en cours, incluant donc les emprunts contractés par les Français ayant déjà acquis leur résidence principale depuis cinq ans au plus ? De nombreux collègues de la majorité nous ont déclaré avoir défendu cette mesure lors de leur campagne : n’est-ce pas un exemple supplémentaire de l’écart entre promesses et réalisations ?

Le bénéfice financier de cette mesure s’élèvera par exemple, pour un couple avec deux enfants, à 1 700 euros par an au maximum. En moyenne, l’avantage représentera 4 % du bien acquis, soit moins de la moitié des frais notariés. En 1997, le gouvernement Juppé n’avait-il pas supprimé un dispositif analogue, rapidement jugé inefficace ?

En outre, cette mesure alimentera l’inflation immobilière que subissent depuis de nombreuses années les ménages français désireux de devenir propriétaires. Ainsi, selon Étienne Wasner, économiste du travail et chercheur à l’OFCE, « dans le contexte actuel, cette mesure contribuera à augmenter la demande de crédit, donc à soutenir les cours » de l’immobilier, ce sera une nouvelle niche fiscale, une contribution à l’augmentation des prix immobiliers, un transfert des pauvres vers les riches – une vraie mesure de droite ». Mais le coût budgétaire s’en élève à 3 milliards d’euros par an. Comment financer cette disposition, de même que toutes celles que contient le texte ?

L’on est également en droit de s’inquiéter, comme Mme Erhel tout à l’heure, de l’avenir du prêt à taux zéro – outil essentiel d’accès à la propriété pour les ménages modestes, même si le précédent gouvernement en a étendu le bénéfice aux classes moyennes supérieures. Les 120 000 logements sociaux supplémentaires par an annoncés par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale sont-ils conciliables avec la niche fiscale que constitue par ailleurs l’exonération Robien ? Cette question devra être abordée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008. En effet, on trouve dans nos villes, et même dans nos campagnes, des logements que vous vous félicitez d’avoir construits, mais qui sont vides ! Une décision publique doit être juste d’un point de vue social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Roland Muzeau – Aux termes de l’article 3, tous les ménages ayant emprunté pour acheter leur résidence principale pourront retrancher, au cours des cinq premières années suivant leur acquisition, 20 % des intérêts d’emprunt de leur impôt sur le revenu.

Nous le savons, le bénéfice tiré de cette mesure sera, en valeur absolue, limité : pour un emprunt de 200 000 euros, la réduction d’impôt annuelle s’élèvera à 1 500 euros pour un couple, à 750 euros pour un célibataire et à 100 euros supplémentaires par personne à charge. Un ménage empruntant 250 000 euros obtiendra environ 3,8 mètres carrés supplémentaires en province et seulement 2,4 mètres carrés en Île-de-France. En outre, selon Les Echos, seuls 20 000 à 30 000 emprunteurs devraient devenir solvables du fait de cette disposition. Mais les premiers bénéficiaires en seront-ils les primo-accédants, ou les milieux bancaires et les acteurs du secteur immobilier ? Toujours selon Les Échos, le principal effet de la disposition pourrait être de « limiter la baisse du marché du crédit », qui ne sera plus cette année de 6 %, mais de 3 %, tandis que, d’après le directeur des services financiers du BIPE, la hausse des taux effacera bientôt partiellement les gains qu’en peuvent tirer les ménages.

En outre, nous craignons que ce cadeau fiscal ne relance au moins temporairement la spéculation immobilière : les vendeurs y verront une occasion et un argument pour résister à la pression à la baisse des prix – alors qu’ils prévoyaient encore en mars dernier une baisse des prix de 2 % cette année, ils anticipent désormais une hausse de 3 %. Voilà le résultat de votre stratégie de fuite en avant fiscale : vous autorisez à recourir à plusieurs reprises à cette mesure, alors qu’il convenait de la réserver aux primo-accédants et de l’assortir de pare-feux, de plafonds, à l’instar de ceux que comportait la loi portant engagement national pour le logement.

Plutôt que d’allumer des contre-feux face à la spéculation immobilière et de lutter contre les comportements prédateurs de certains investisseurs, vous choisissez de sacrifier des recettes de l'État et de créer des effets d'aubaine. C’est un motif suffisant pour refuser l'adoption de cet article.

M. François de Rugy – Le logement est le premier poste de dépense des ménages et la France connaît dans ce domaine une crise depuis plusieurs années. Les responsabilités en sont sans doute partagées, mais la situation a été aggravée à partir de 2002 par deux erreurs. La première a consisté à offrir des exonérations fiscales sans contreparties : c’est le dispositif Robien, qui a remplacé celui de Louis Besson, lequel avait l’immense avantage de réserver les exonérations d’impôts à des logements à loyers plafonnés, destinés à des locataires aux revenus certes supérieurs au plafond HLM, mais tout de même limités – bref, aux classes moyennes. La deuxième a été de centrer les aides sur la démolition plutôt que sur la rénovation, ce qui a réduit le nombre des logements sociaux à un moment où les prix du privé augmentaient fortement.

J’ai déjà dit que ce projet de loi combinait injustice sociale et inefficacité économique. C’est encore plus flagrant dans l’article 3, qui peut certes paraître séduisant, car la majorité fait tout pour faire croire qu’il facilitera l’accession à la propriété, mais qui est en fait trompeur. D’abord, le dispositif pose de si nombreux problèmes qu’il en a été question sur tous les bancs de la commission des finances – mais ces difficultés ne sont guère étonnantes dès lors qu’on cherche à régler une question aussi complexe par une seule mesure fiscale. Ainsi que l’a relevé le rapporteur général lui-même, nous sommes passés d’une mesure de soutien au logement à une mesure de soutien au pouvoir d’achat. Mais à ce compte-là, pourquoi est-elle réservée à une toute petite catégorie de personnes – qui n’inclut ni les propriétaires depuis plus de cinq ans, ni les locataires ? Je n’ai rien contre les mesures fiscales, mais on pourrait élargir le dispositif de l’aide personnalisée au logement par exemple !

Je tiens à préciser tout de suite que la question de la propriété privée du logement ne nous pose aucun problème idéologique. En revanche, je ne pense pas, contrairement à ce qu’a dit la ministre en commission, que la propriété contribue à l’intégration dans la société. Il ne me semble pas qu’on vive spécialement plus mal en Hollande, où les gens sont très majoritairement locataires – il y a des villes où l’on n’atteint pas 20 % de logements locatifs privés ! Par ailleurs, un certain nombre de personnes n’ont pas la liberté de choisir : elles ne peuvent être que locataires, et il est bien dommage que vous n’ayez rien prévu pour elles.

Il n’est pas possible de réduire la question du logement à une seule mesure. J’aurais aimé un vrai programme, qui aille du logement d’urgence à l’accession à la propriété en passant par le logement social et le locatif privé. J’aurais aimé que les mesures fiscales soient assorties de contreparties et notamment d’un encadrement des loyers, dont l’augmentation est un problème crucial pour nombre de nos concitoyens.

Cette mesure aura des effets négatifs, y compris au regard de votre objectif d’accession à la propriété. Au moment même où les prix de l’immobilier se stabilisaient, elle va en effet les faire repartir à la hausse dans la plupart des villes de France. Je vois d’ici les publicités des promoteurs faisant miroiter les avantages du dispositif… Mais s’il est un domaine dans lequel ils ne seront pas incités à faire des efforts, c’est celui des prix ! Il en est de même pour les banques, qui ne se contraindront guère sur les taux d’intérêt, tout occupées qu’elles seront à expliquer cet avantage fiscal. M de Courson a d’ailleurs parfaitement démontré en commission comment elles pourraient détourner le dispositif à leur profit. Je crains donc qu’au final, les accédants à la propriété ne soient victimes de la relance des prix et des taux. On sait que ces derniers augmentent déjà depuis quelque temps à l’échelle européenne : l’une des raisons en est la hausse de la dette et des déficits, notamment de la France. Et que faites-vous ? Vous continuez à les creuser avec des cadeaux fiscaux non financés ! Vous spéculez sur la hausse des recettes liée au retour de la croissance – mais ce dispositif ne créera pas la moindre croissance !

Il s’agit donc d’une mesure trompeuse et parcellaire, qui n’a rien à voir avec le programme global pour le logement qu’il serait urgent d’élaborer (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le Gouvernement a l’obligation de franchir une étape supplémentaire, d’avancer dans l’immense travail qui reste à faire dans le domaine du logement. L’objectif étant partagé par tous, il nous incombe de mettre en relief l’iniquité et l’inefficacité du dispositif que vous proposez. Au début de la législature précédente, vous vous êtes empressés de créer le dispositif Robien en proclamant qu’il allait libérer l’investissement immobilier et relancer la construction – bref accroître l’offre et faire baisser les loyers partout dans le pays. Quatre cents millions y ont été consacrés en 2007, l’équivalent de l’aide à la pierre du logement locatif social.

M. Michel Bouvard – Combien de logements ont été construits entre 1997 et 2002 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cinq ans plus tard, on sait que le dispositif Robien a renchéri le foncier, focalisé les promoteurs sur l’accession à la propriété partout, y compris là où il n’y avait pas de demande, et fait augmenter les loyers de manière exponentielle. Dans les trois premières années, on a parallèlement constaté une baisse des moyens dédiés à la construction du logement social locatif, aidé ou libre.

Mais vous poursuivez dans la même stratégie, ce qui prouve bien que la véritable finalité du dispositif Robien était surtout de faire faire des affaires à ceux qui en avaient les moyens. Nous débattons sous la présidence de quelqu’un qui a assumé de hautes responsabilités dans le domaine du logement, et qui a montré sa compréhension du sujet. Ce n’est pas l’impression qu’a donnée le ministère Robien. Or, la France compte 1 400 000 demandeurs de logements sociaux : le Gouvernement ne peut pas ne pas considérer cette question comme une priorité ! Un gouvernement de la République qui, dans une optique purement financière, réduit le problème de la construction à l’accession affiche clairement qu’il ne s’intéresse pas à ces 1 400 000 personnes.

Nous avons terminé la douzième législature, il y a quelques mois, en votant le droit au logement opposable – présenté comme une formidable révolution. Mais nous, qui l’avions depuis toujours un peu dans la tête et beaucoup dans le cœur, savions qu’il faudrait construire beaucoup de logements sociaux avant que la République ne puisse le défendre réellement. Et vous commencez par quoi ? Par concentrer 3,7 milliards sur un allégement fiscal ! C’est cela que vous avez choisi ! Nous combattrons cette stratégie, qui ne risque certes pas de favoriser l’exercice du droit au logement opposable, ce droit pour lequel nous nous sommes battus – et je rends hommage à Mme Vautrin et à Mme Boutin d’avoir obtenu des crédits supplémentaires à cette fin. Mais si vous amputez ces crédits de 3,7 milliards, comment respecterez-vous les objectifs du plan de cohésion sociale ? Comment verserez-vous le supplément de DSU encore dû pendant deux ans aux communes qui se sont engagées dans le dispositif ? Vous négligez les quelque 6 millions de bénéficiaires de l’aide au logement, dont le taux d’effort s’est accru en cinq ans, passant de 15 à 19 % pour les allocataires de minima sociaux, et de 25 à 27,4 % pour ces salariés que vous prétendez défendre ! Il n’y a pas lieu de s’étonner qu’ils consomment moins ! Comment pourraient-ils faire autrement, puisqu’ils ne peuvent plus payer leur loyer ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si vous souhaitez sincèrement améliorer le pouvoir d’achat, pourquoi n’avez-vous pas renforcé les outils favorisant l’accession sociale, et notamment le prêt à taux zéro… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Monsieur Le Bouillonnec, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Alain Cacheux – Laissez-le finir, Monsieur le Président, vous êtes d’accord avec lui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - …au lieu de choisir un dispositif qui, parce qu’il ne concerne qu’une petit catégorie de bénéficiaires tout en ayant un coût très élevé, demeurera une mesure d’affichage, comme l’a été le dispositif Robien ? Nous le déplorons, car nous ne souhaitons pas d’échecs en matière de politique de logement et, à chaque fois que vous proposerez des mesures allant dans le bon sens, vous nous trouverez à vos côtés.

M. Louis Giscard d'Estaing – Nul ne contestera le retard cumulé que connaît la France en matière d’accession à la propriété. Le dispositif proposé vise à la favoriser en compensant pour partie le renchérissement des prix de l’immobilier. À cet égard, il me paraît curieux d’accuser une mesure encore dans les limbes de susciter une augmentation qui, précisément parce qu’elle a été constatée, oblige à agir. L’objectivité commande de rappeler que la majorité, confrontée en 2002 à une situation très dégradée, a mis au point le plan de cohésion sociale, le plan Borloo, le prêt à taux zéro et la loi portant engagement national en faveur du logement. L’occasion m’est d’ailleurs donnée de saluer l’action très énergique menée par M. Daubresse lorsqu’il était ministre. Le dispositif proposé aujourd’hui est simple, il tient compte des enfants à charge et peut entrer en application très rapidement. Il répondra à une préoccupation constante de nos concitoyens. C’est l’exemple même d’une mesure qui fait honneur à la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en arrivons à la discussion des amendements.

M. Alain Cacheux – L’amendement 277 tend à supprimer l’article. En effet, l’exonération qui n’aura qu’un effet très marginal sur l’accession à la propriété des ménages – et singulièrement des ménages modestes – pourrait au contraire créer une tension sur la demande de logements et donc sur les prix du marché de l’immobilier. En outre, cette mesure aggravera le déficit public, au risque d’obliger à le financer par la TVA antisociale. M. Woerth avait bien indiqué que la mesure ne s’appliquerait pas aux emprunts en cours mais aux seuls nouveaux accédants, mais il a été désavoué par le Président de la République, et le coût du dispositif s’en est trouvé singulièrement alourdi.

Si le Gouvernement souhaite réellement favoriser l’accession à la propriété, et notamment l’accession sociale, il lui revient de conforter le prêt à taux zéro, d’en garantir la pérennité – que menace le coût de la mesure qui nous est soumise aujourd’hui – en en finissant avec le saupoudrage pour concentrer l’aide sur les ménages à qui elle est vraiment nécessaire. Les économies obtenues par la suppression de l’article, qui n’aiderait que des gens qui ont déjà un patrimoine, le permettraient, comme elles permettraient de renforcer l’aide à la pierre.

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté l’amendement. L’occasion m’est offerte de souligner que le dispositif s’inscrit judicieusement dans la politique globale du logement menée par la majorité. J’ai été très déçu par la tonalité des interventions de l’opposition, car j’attendais qu’elle s’attache à dégager des points de convergence et à reconnaître, en particulier, que le succès d’une politique du logement suppose de ne négliger aucun des maillons que sont le locatif, l’accession à la propriété, l’habitat collectif et l’habitat individuel – car rien ne sert de les opposer.

M. Alain Cacheux – Nous en sommes d’accord.

M. le Rapporteur général – Il convient donc de mettre à l’actif de la majorité le redressement de la construction. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de moins de 300 000 logements construits chaque année à la fin des années 1990, période budgétaire faste, nous sommes passés à plus de 400 000 aujourd’hui. Nous avons aussi multiplié par deux, en trois ans, le nombre de prêt à taux zéro, ainsi que la production de logements locatifs sociaux, qui s’établit à plus de 80 000. Je tiens à saluer à mon tour l’action remarquable de M. Daubresse, alors ministre, à cette fin. Notre président de séance se rappelle certainement, aussi, les difficiles débats sur l’accession sociale à la propriété, qui visaient à élargir la portée du crédit d’impôts. Aujourd’hui, avec cet article, nous complétons le dispositif d’ensemble. C’est une nécessité, puisque le seul instrument à notre disposition pour favoriser l’accession à la propriété est le prêt à taux zéro, soumis à un plafond de ressources. Le sujet ne mérite donc pas la polémique, et les déclarations selon lesquelles la politique du logement ne serait légitime que si elle tend à favoriser le logement social sont erronées. Je rappelle qu’en 1965 avait été décidée la déduction fiscale des intérêts d’emprunt liés à l’acquisition de la résidence principale, disposition qui est restée en vigueur pendant trente ans, sous des majorités diverses.

M. Alain Cacheux – Qui donc l’a supprimée ?

M. le Rapporteur général – Lorsqu’elle a été remise en cause en 1996, c’était pour financer le prêt à taux zéro. Aujourd’hui, nous renouons avec cette politique et nous espérons rencontrer le même succès dans ce domaine que dans celui du locatif social, du locatif non aidé, et de l’accession sociale à la propriété. Notre politique du logement n’est pas partielle, elle s’adresse à tous les Français ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre – Avis défavorable. L’article 3 propose de consentir un crédit d’impôts correspondant à 20 % des intérêts souscrits pour l’acquisition d’une résidence principale, avec comme objectif de stimuler la demande et d’alléger la charge des emprunteurs. C’est une mesure ouverte au plus grand nombre, plafonnée à 7 500 euros d’intérêts par an pour un couple et s’adressant aussi bien aux primo-accédants qu’aux acquéreurs d’un nouveau domicile. Enfin, elle trouve tout à fait sa place dans ce projet de loi. Je comprends la passion que mettent les parlementaires de gauche à faire entendre des voix qui ne sont plus très audibles, mais je crains de ne pas être séduite par leurs propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont les voix des 1 400 000 demandeurs de logements qui sont audibles !

M. Alain Cacheux – Nous sommes prêts, sur ce sujet essentiel, à rechercher des convergences. Nous aussi, nous pensons que la politique du logement doit être globale et concerner à la fois le locatif et l’accession à la propriété, le social et le privé. Mais tout le problème réside dans la façon de répartir les moyens : quelques centaines de millions pour le locatif social, quelques centaines d’autres pour le locatif privé, la même somme encore pour le prêt à taux zéro – dont je vous rappelle que c’est Louis Besson qui l’a rebudgété, après que Pierre-André Périssol l’avait fait financer par le 1 % – et ce dispositif maintenant…

Madame la ministre, vous dites que c’est une mesure juste ; elle est avant tout inefficace, car elle ne s’adresse qu’à ceux qui sont déjà passés à l’acte ! Elle constitue surtout un cadeau pour des gens qui n’en ont pas véritablement besoin (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), alors qu’il faudrait concentrer l’effort sur le prêt à taux zéro !

L'amendement 277, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – L’article ne retient que la notion d’habitation principale, ce qui met tous les prêts immobiliers sur le même plan, qu’il s’agisse d’acheter une maison de 100 000 euros, une fermette à retaper ou un appartement de grand standing. Si l’avantage fiscal est le même, l’incitation sera inversement proportionnelle à la valeur du bien et peut se transformer en cadeau. Par ailleurs, l’extension du dispositif aux prêts souscrits pour la rénovation du bien bénéficiera surtout à ceux qui n’ont pas eu besoin d’emprunter et vivent dans de luxueuses propriétés héritées de leur famille.

Mais la politique d’accession sociale à la propriété existe-t-elle encore ? Le prêt à taux zéro a été transformé sous la XIIe législature en crédit d’impôt au bénéfice des établissements financiers. Ainsi, l’État vient-il au secours des malheureux banquiers qui font la folie de prêter sans intérêt aux impécunieux. L’amendement 124 a pour objet de relever le seuil du prêt à taux zéro. Plus la quotité de l’avance sans intérêt est importante, plus la possibilité de solvabiliser les accédants sera élevée.

Les 300 millions que devrait coûter cette mesure se situent bien au-dessous des sommes que l’on s’apprête à gaspiller avec l’article 3. Celui-ci permettra surtout aux établissements financiers de majorer le taux de leurs prêts et de venir en aide aux promoteurs dont les immeubles, en zones de tension, trouvent difficilement preneurs. Loin de faciliter l’accession à la propriété, il vise surtout à soutenir le marché immobilier et la spéculation, qui ne manquera pas de croître avec les dispositions relatives aux donations et aux successions. A contrario, cet amendement vise à recentrer l’intervention publique sur l’accession sociale à la propriété.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Nous sommes passés, pour le prêt à taux zéro, d’un plafond de 20 000 euros à un plafond de 32 000 euros. Nous avons aussi relevé le plafond de ressources. En outre, il est faux de dire que les banques profiteront du crédit d’impôt. Celui-ci est parfaitement calibré et le système tout à fait transparent. Je vous invite à vérifier par vous-même.

L'amendement 124, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le rapporteur général a parlé de « choc ». Nous ne provoquerons de choc économique en matière de construction que si nous agissons sur la demande réelle. Pour vous démontrer notre bonne volonté, et puisque nous essayons de ne pas faire d’obstruction…

M. Michel Bouvard – À peine !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – … nous proposons de réserver ce dispositif aux primo-accédants, sans quoi il sera perçu comme une aubaine et entraînera de la spéculation.

M. Yves Censi – Mais cela n’en vaudra pas la peine !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est le secteur bancaire qui reste maître du jeu en l’absence de contrôle sur le taux d’intérêt appliqué au reste de l’emprunt. Il faudrait donc étudier les effets du prêt à taux zéro sur les conditions d’octroi du prêt principal. Je crains fort que les banques ne reprennent d’une main, en augmentant le taux d’intérêt général, ce qu’elles donnent de l’autre…

L’adoption de notre amendement 278 renforcerait l’efficacité de votre stratégie initiale. Réservons le crédit d’impôt aux seuls primo-accédants.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Faut-il limiter le dispositif aux nouveaux entrants, ou bien l’étendre à ceux qui ont déjà souscrit un emprunt ? Je comprends que l’on soit puriste en matière de politique du logement, mais il serait injuste de priver de cet avantage fiscal tous ceux qui se sont endettés pour acheter un bien immobilier.

D’une grande sagesse, cette mesure est par ailleurs des plus opportunes dans le contexte actuel de hausse des taux d’intérêt. Nous apporterons en effet une utile bouffée d’oxygène à ceux qui viennent de s’endetter et qui doivent encore rembourser non seulement le capital emprunté, mais aussi les intérêts de leur crédit.

M. Alain Cacheux – Ce n’est pas la question !

M. le Rapporteur général – Mais si ! En partie ! Pour ce qui est du risque d’optimisation fiscale, je doute qu’on souhaite vendre sa résidence principale dans le seul but de profiter d’un avantage fiscal.

M. Yves Censi – Ça n’aurait pas de sens !

M. le Rapporteur général – Si vous vendez, il faudra en effet payer des droits de mutation.

M. le Président – Je mets aux voix l’amendement 278.

M. Alain Cacheux – Monsieur le président…

M. le Président – J’ai mis aux voix l’amendement. Vous pourrez vous exprimer plus tard.

L'amendement 278, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – Rappel au Règlement. Il serait normal que nous puissions répondre au rapporteur général…

M. le Président – Mais vous le pouvez !

M. Jean-Louis Idiart – Mais alors pourquoi nous empêcher de nous exprimer ? Je demande une suspension de séance.

M. le Président – Chacun peut avoir la parole, du moins avant la mise aux voix.

M. Jean-Louis Idiart - Nous n’abusons pas de la procédure, Monsieur le président. Nous devons avancer à un rythme normal et il faut nous respecter.

M. le Président – Reconnaissez que je vous ai laissé parler plus longtemps que ne l’impose le Règlement. Si vous souhaitez intervenir, veillez à lever la main pendant que l’orateur s’exprime. Vous savez bien que je suis partisan de la libre expression !

M. Jean-Louis Idiart - Je maintiens ma demande de suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 17 heures 45.

M. Alain Cacheux – Notre amendement 279 – qui pourrait prendre le nom d’amendement Woerth, puisqu’il reprend les propositions initiales du ministre du budget – vise à réserver le crédit d’impôt aux accédants futurs, avec un effet rétroactif très limité, dans le souci de limiter le coût du dispositif, d’ores et déjà envisagé comme prohibitif.

Un mot sur l’amendement précédent, puisque notre rapporteur général semble l’avoir mal compris : si nous voulions réserver l’avantage aux primo-accédants, c’est parce que l’on sait bien qu’en règle générale, la vente d’un premier logement pour en acheter un nouveau permet de réaliser une plus-value, laquelle vient compléter l’apport personnel. Notre objectif n’était évidemment pas de pénaliser les ménages concernés mais de veiller à l’utilisation optimale de la ressource publique.

M. le Rapporteur général – Rejet de l’amendement 279, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Mme la Ministre – Même avis.

L'amendement 279, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Cacheux – Dans le même souci d’économie budgétaire – qui semblait si bien partagé durant les campagnes électorales du printemps –, l’amendement 280 fixe une condition de ressource pour bénéficier du crédit d’impôt.

L'amendement 280, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Michèle Delaunay – Durant la campagne présidentielle, le Président de la République a pris des engagements forts en faveur de l’excellence environnementale, engagements qu’il a entrepris de traduire au lendemain de son élection en créant un ministère élargi, dont vous imaginez sans peine que nous avons beaucoup entendu parler à Bordeaux. En vue de l’aider à persévérer dans cette voie, notre amendement 281 demande que le crédit d’impôt visé au deuxième alinéa soit réservé aux constructions conformes à la démarche de Haute qualité environnementale – HQE. On connaît l’efficacité des mesures fiscales dans le domaine du logement et il ne faut donc pas se priver d’y recourir pour encourager l’excellence environnementale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Rapporteur général – La commission a salué l’intérêt de cette proposition, mais elle ne l’a pas retenue car il existe déjà une longue série d’incitations fiscales dans ce domaine, pour un effort fiscal de l’ordre d’un milliard. Si nul ne conteste l’intérêt de promouvoir la HQE dans le logement, il nous semble de meilleure méthode de faire un peu le ménage dans les dispositifs existants – certains étant désormais obsolètes – avant d’en créer de nouveaux. Mais nous sommes tout à fait d’accord pour soutenir l’excellence environnementale et le développement durable.

Mme la Ministre – Même analyse.

M. François Brottes – J’appelle l’attention sur les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les accédants les plus modestes lorsqu’ils ont à faire face à des charges exorbitantes, liées par exemple à des systèmes de chauffage très gourmands en énergie. Il serait judicieux de donner un coup de pouce à ceux qui font l’effort d’investir dans des systèmes plus vertueux du point de vue environnemental, en s’inscrivant notamment dans la démarche HQE.

L'amendement 281, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – Je vais défendre l’amendement 61 de Marc Le Fur, bien que la commission l’ait adopté contre mon avis. Son vote permettrait de rendre éligibles au dispositif les travaux effectués quelques mois après l’acquisition de la résidence principale – par exemple une extension pour une piscine couverte…

Cela me donne l’occasion, Madame la ministre, de vous demander une précision : les travaux non détachables non éligibles au taux réduit de TVA ouvriront-ils droit au crédit d’impôt ? Si tel est bien le cas, je gage qu’une grande part des craintes de M. Le Fur sera apaisée.

Mme la Ministre - Le dispositif couvre les travaux concomitants et rattachables. Dans le détail, cela concerne l’achat d’une résidence principale, suivi ou non de travaux immédiats ; l’achat d’un terrain suivi ou non d’une construction ; l’achat d’une ruine dans la perspective d’en faire un local d’habitation et la transformation de locaux déjà possédés en local à usage d’habitation principale.

M. le Rapporteur général – Le champ est donc très large.

M. Michel Bouvard - Merci, Madame la ministre, de ces précisions. Les craintes de M. Le Fur, cher Gilles Carrez, concernent moins les propriétaires souhaitant se doter d’une piscine que l’appréciation de la notion de « concomitance » : compte tenu des délais d’établissement des actes notariés et de la nécessité de convoquer plusieurs corps de métiers, il est fréquent que les travaux démarrent plusieurs semaines après l’acquisition effective. Quel délai de latence sera toléré ? Par ailleurs, lorsqu’une extension est réalisée pour accueillir un nouvel enfant à la suite d’une naissance ou d’une adoption, les travaux correspondants seront-ils couverts ? Et ne serait-il pas injuste qu’ils ne le soient pas, alors que la famille bénéficiera du dispositif si elle choisit plutôt de déménager ?

M. Alain Cacheux – L’amendement de M. Le Fur soulève de vraies questions. Je pense notamment, dans le présent contexte de flambée des prix qui rend presque impossible l’accession très sociale, aux ménages très modestes – et il y en a beaucoup, cher président Daubresse, dans l’agglomération lilloise – qui achètent des biens très médiocres dans la perspective de les améliorer, mais qui se trouvent dans l’incapacité financière d’engager les travaux rapidement. Faut-il les priver du crédit d’impôt ? D’accord, Monsieur le rapporteur général, pour être très vigilant s’il s’agit de construire une piscine ou d’aménager un manoir. Mais il faut tenir compte de la situation d’ensemble du marché immobilier et des stratégies d’accession très particulières auxquelles sont contraints les plus modestes.

M. Serge Letchimy – Comme l’a suggéré M. Cacheux, il convient d’envisager le dispositif dans le contexte global de la crise du logement. S’agissant des quartiers dits populaires dans les DOM, la loi du 30 décembre 1996 prévoit la régularisation des occupants sans titre, en contrepartie de la mise aux normes d’habitabilité des locaux considérés, mise aux normes qui doit se faire dans un délai précis. Il conviendrait donc d’intégrer dans le coût d’achat les dépenses nécessaires à la réhabilitation.

Le rapport indique d’autre part que les familles des DOM auront à choisir entre crédit d’impôt et défiscalisation. Est-ce à dire que le crédit d’impôt s’appliquera à ceux qui ne choisiront pas la défiscalisation ? C’est important pour nous, car les dispositions de cet article sont exclusives de celles de l’article 199 undecies A du code général des impôts, relatif à la défiscalisation. Si le dispositif de crédit d’impôt s’applique, cela signifie que les familles qui n’auraient pas choisi la défiscalisation et qui construisent ou achètent un logement mais ne sont pas imposables bénéficieront quand même d’un crédit d’impôt.

Mme la Ministre – Pour encourager l’acquisition d’une résidence principale grâce à l’emprunt, I’article 3 ouvre à tout acquéreur d’une résidence principale un crédit d’impôt égal à 20% du montant des intérêts payés au titre de l’emprunt, dans la limite de 7 500 euros pour un couple. L’emprunt peut couvrir non seulement l’acquisition, mais aussi les travaux.

Vous me demandez d’autre part si les acquéreurs des DOM – où existent des régimes fiscaux incitatifs - qui ne bénéficient pas des dispositions fiscales favorables sont néanmoins éligibles au crédit d’impôt institué par l’article 3. La réponse est oui.

En ce qui concerne l’amendement 61, j’y suis défavorable.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – Les Verts ne sont pas opposés à d’éventuelles aides fiscales ou exonérations, même s’ils considèrent que les politiques publiques ne peuvent s’en tenir là. Mais pour être efficaces et justes, ces mesures doivent être assujetties à certaines contreparties. L’amendement 346 propose donc de réserver le bénéfice du crédit d’impôt, dans le cas de logements neufs, aux seuls logements dont la production énergétique comporte une part d’énergies renouvelables.

Je m’étais opposé en commission à l’amendement de M. Le Fur, qui proposait que tous les travaux puissent ouvrir droit à l’avantage fiscal. J’avais surnommé cet amendement « l’amendement piscine » – expression que le rapporteur général a reprise. Je vous propose pour ma part un « amendement chauffe-eau solaire ». Le rapporteur général a dit tout à l’heure que le coût des avantages fiscaux liés aux économies d’énergies et aux énergies renouvelables s’élevaient déjà à un milliard d’euros. Et alors ? Ce « paquet fiscal », c’est 13 milliards ! Mon amendement ne coûterait pour sa part pas grand-chose, et il aurait l’avantage d’encourager les promoteurs à intégrer les énergies renouvelables dans leurs constructions. Nous restons là dans une logique incitative, qui nous permettra de continuer à avoir des résultats en la matière. Je rappelle que 70 millions de tonnes équivalent pétrole sont aujourd’hui consommées dans le logement et le secteur tertiaire.

L'amendement 346, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – L’amendement 347 se fonde sur le même raisonnement que le précédent, mais son objectif est plus modeste : le logement neuf doit, pour ouvrir droit au crédit d’impôt, être classé entre A et C selon les critères de l’arrêté du 15 septembre 2006, qui a créé le diagnostic de performance énergétique. Il faudra bien fixer un jour des normes obligatoires pour la construction neuve. En attendant, je me place dans une logique incitative, tout en visant à améliorer le pouvoir d’achat des ménages grâce à l’amélioration des performances énergétiques des logements.

Nos amendements sont systématiquement repoussés. En nommant un ministre d’État chargé de l’écologie et du développement durable, numéro deux du Gouvernement, le Président de la République a pourtant signifié qu’il entendait faire de ces sujets une priorité. J’espérais que tous les projets de loi passeraient entre les mains de M. Borloo. J’ai donc été particulièrement choqué d’entendre M. le rapporteur général affirmer en commission qu’il n’était pas question de « verdir » ce texte. J’assume pleinement cette couleur que Mme la ministre porte aussi aujourd’hui. Je veux y voir un bon présage pour mon amendement !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable, malgré cette présentation très habile ! (Sourires)

Mme la Ministre – Même avis. Je rappelle néanmoins que le Gouvernement est très attentif à ces questions qui seront abordées dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de plusieurs projets de loi.

L'amendement 347, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – Le crédit d’impôt proposé par cet article reste inaccessible à une grande partie de la population. Comme le soulignent Bertrand Bissuel et Isabelle Rey-Lefebvre dans Le Monde du 3 juillet, « les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à deux SMIC représentaient 16,1 % des accédants en 2005, contre 28,5 % dix ans auparavant. Selon la Fondation Abbé Pierre, la diffusion de la propriété dans les catégories les plus modestes est d’ailleurs en recul.

Dans un article intitulé Qui va profiter du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ? daté du 7 juin 2007, l'Observatoire des inégalités montre qu'«avec l'instauration d'un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, le gouvernement gaspille l'argent public au profit des couches aisées » et que « cette mesure va profiter à ceux qui ont la capacité d'emprunt la plus élevée ».

Des simulations ont été réalisées par le Syndicat national unifié des impôts. Pour un célibataire qui gagne 1 500 euros et en emprunte 61 000 pour acheter un studio dans la banlieue de Tours, la baisse d'impôt annuelle s’établit à 478 euros. Pour une célibataire qui gagne 4 200 euros et en emprunte 169 000 pour acheter 100 mètres carrés à Agen, la baisse d’impôt s’établit à 750 euros. Pour un couple avec deux enfants qui gagne 3 000 euros par mois et en emprunte 122 000 pour acheter un trois pièces à Corbeil-Essonnes, la baisse d’impôt annuelle s’élève à 856 euros. Pour un couple avec deux enfants qui gagne 8 300 euros et en emprunte 338 000 pour acheter un quatre-pièces dans le 6e arrondissement de Lyon, elle s’établit à1 700 euros.

Le gain est donc réparti de manière très inéquitable. Les vendeurs vont profiter de la mesure pour élever leurs prix. L’État subventionnera ainsi les propriétaires et non les accédants...

La collectivité verse 1 700 euros à un ménage très aisé. Le coût total avoisine les 5 milliards d'euros, soit cinq fois plus que ce qui sera investi dans les ZEP ou les universités.

Cette somme aurait permis de construire 42 000 logements sociaux par an, soit une hausse de 50 % par rapport au niveau actuel.

La plupart des foyers défavorisés, en particulier les jeunes, n’ont pas accès au crédit ; ils sont les grands perdants de la nouvelle politique du logement, destinée aux propriétaires. Le Gouvernement, par ce projet, aggrave le gaspillage de l’argent public au profit des couches aisées ; voilà pourquoi nous proposons d’exclure du dispositif l’acquisition de logements appartenant à un organisme de logement social antérieurement affectés à la location.

L’amendement 407, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Thierry Lazaro - Mon amendement 181 vise à ouvrir au crédit d’impôt les frais d’emprunt au même titre que les intérêts. En effet, l’intérêt représente le prix de l’emprunt et les frais sont constitués par les droits d’entrée ; or, en termes de déductibilité, le plafond n’est pas toujours atteint. Et nous reprenons aujourd’hui un dispositif qui, contrairement à ce que l’on entend sur les bancs de la gauche, a déjà été utilisé avec succès, et qui offrira à de nombreuses personnes aux revenus moyens une véritable bouffée d’oxygène. C’est pourquoi je propose de supprimer la mention des frais d’emprunt dans l’alinéa 8.

M. le Rapporteur général – La commission a émis un avis défavorable, car, si l’intention de M. Lazaro est légitime, nous craignons les effets pervers de cet amendement : si l’on couvre ces frais d’emprunt par le crédit d’impôt, la mesure risque de constituer un obstacle à la nécessaire limitation de ces frais. En ce qui concerne les taux d’intérêt, la situation est différente, car le jeu de la concurrence est facteur de transparence et d’objectivité.

Mme la Ministre – Même avis.

L’amendement 181, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – Les amendements 341 rectifié et 62 sont rédactionnels.

Les amendements 341 rectifié et 62, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Thierry Lazaro – Mon amendement 203 propose de porter de 3 750 à 5 000 euros la part déductible pour les célibataires. Les charges fixes relatives à l’acquisition et au fonctionnement du logement qui pèsent sur une personne célibataire – surtout lorsque celle-ci a la charge d’une famille – étant fort lourdes, il semble inéquitable de se contenter de diviser par deux le montant de la part déductible qui s’applique aux couples mariés. L’augmentation que je propose contribuerait à l’amélioration du pouvoir d’achat.

M. le Rapporteur général – La commission ne peut malheureusement accepter cet amendement en raison des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous.

Mme la Ministre – Même avis.

L’amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 342 rectifié est rédactionnel.

L’amendement 342 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 63, adopté par la commission à l’initiative de M. Le Fur, aborde un cas qu’il est nécessaire de prendre en considération : celui où une mutation professionnelle inévitable oblige un contribuable à changer de résidence principale. Il serait injuste de mettre alors fin au crédit d’impôt. Le sous-amendement 477 du Gouvernement apporte une précision importante : la résidence principale que quitte le contribuable ne doit pas être louée, mais doit rester vacante ; en outre, l’achat d’une nouvelle résidence principale en raison d’une mutation professionnelle ne doit pas donner lieu à un nouveau crédit d’impôt.

Mme la Ministre – Le Gouvernement, désireux d’encourager la mobilité, ne souhaite pas que la mesure concernant le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt liés à l’acquisition d’une résidence principale puisse y faire obstacle. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement assorti du sous-amendement 477, qui vise à éviter le cumul de cet avantage et d’autres avantages résultant de la location de l’ancienne résidence principale. Si le sous-amendement est adopté, le Gouvernement lève le gage.

M. Roland Muzeau – Je ne suis pas certain d’avoir bien compris : voulez-vous dire qu’il sera possible de bénéficier du dispositif en acquérant une nouvelle résidence principale, à la seule condition que la première reste vacante ?

M. le Rapporteur général – Si une personne ayant acquis une résidence principale et bénéficiant donc d’un crédit d’impôt pour cinq ans est concernée au bout de deux ans par une mutation professionnelle, elle ne doit pas se voir privée de cet avantage fiscal pour la durée restante, à condition bien entendu de ne pas bénéficier d’un nouveau crédit dans le cas où elle vendrait sa résidence principale pour en acheter une autre, et de ne pas louer le logement qu’elle quitte, ce qui ajouterait un revenu au crédit d’impôt. Il s’agit donc d’un amendement d’encadrement.

M. Roland Muzeau – C’est bien ce que j’avais compris. Mais comment, de nos jours, accepter de laisser un logement vide ? (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP) En outre, comment pourrez-vous contrôler cette absence de cumul ?

Voilà pourquoi nous avons proposé de réserver cette mesure aux seuls primo-accédants.

Le sous-amendement 477, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 63, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L’article 3, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 3

M. Alain Cacheux – L’amendement 296 revient sur le problème que j’ai précédemment évoqué. La progression du nombre de logements locatifs sociaux recouvre des réalités distinctes : le nombre de logements sociaux classiques – PLA hier, PLUS aujourd’hui – a stagné, ou très légèrement progressé ; le nombre de logements sociaux destinés aux plus modestes, les PLAI, s’est effondré alors que la demande est en forte hausse ; enfin, les logements intermédiaires – même s’ils sont intégrés dans le calcul des 20 % de l’article 55 de la loi SRU – qui correspondent aux PLS. Nous proposons de pondérer différemment ces divers types de logements : le coefficient s’élèverait à 1 pour les logements PLUS, à 1,5 pour les logements PLAI et à 0,5 pour les logements PLS. Cet amendement devrait susciter l’accord de tous les élus, quelle qu’en soit l’appartenance politique, qui sont attachés au logement social.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable : de même que nous avons rejeté les amendements à l’article premier qui remettaient en cause le code du travail, de même nous rejetons ceux qui ne traitaient pas directement de l’objet de l’article 3 et en particulier tous ceux qui visent à modifier la loi SRU.

L’amendement 296, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 291, comme le précédent, ne modifie pas la loi SRU, mais la renforce. Il ne semble pas que le Gouvernement souhaite abandonner l’objectif des 20 % de logements sociaux dans les communes relevant de la loi SRU. Nous proposons une disposition renforçant l’efficacité du dispositif, notamment à l’égard des communes qui ne seraient pas de bonne foi.

L’amendement 291, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Alain Cacheux – L’amendement 295 est dans le droit-fil du précédent : il s’agit de renforcer l’article 55 de la loi SRU en conditionnant la délivrance de permis de construire aux efforts des communes en matière de logement locatif social. Je constate, dans l’agglomération lilloise, que la plupart des maires font un effort réel à cet égard. C’est pourquoi il est souhaitable de renforcer l’aide à la pierre. Il existe certes des fonds gratuits, comme le recours aux collectivités locales ou au 1 % logement, mais le problème de l’équilibre des opérations est très délicat en période de spéculation immobilière. Je constate que les maires ont souvent la volonté de réduire leur déficit en logements sociaux, beaucoup plus en tout cas que leur majorité municipale et surtout que leur population. C’est la raison pour laquelle il faut renforcer les sanctions pour les quelques maires de mauvaise volonté. Je rappelle que l’article 55 n’impose pas aux communes d’atteindre immédiatement les 20 %, mais d’entamer le mouvement : elles auront au final vingt ans pour y parvenir ! Or, beaucoup d’élus auront largement amélioré leur situation en quelques années seulement.

L'amendement 295, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Lorsque le rapporteur général nous assure que les gouvernements qu’il a soutenus ont fait merveille en matière de construction, il oublie deux écueils : le dispositif de Robien, qui accordait une défiscalisation sans contrepartie, même si la situation a été quelque peu rectifiée par le dispositif Borloo populaire, et le prêt locatif social, dont nous devons constater qu’il ne répond en rien aux exigences du logement social. Bon nombre de collectivités que les bailleurs sociaux ont dirigées vers des opérations PLS ont du mal à trouver des locataires susceptibles de payer les loyers correspondants. Pour limiter cette dérive vers des logements qui n’ont plus grand-chose de social, l’amendement 294 propose que les logements comptabilisés dans les 20 % de chaque commune ne puissent être pour plus d’un tiers des logements construits au titre des PLS.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. La loi SRU a eu pour origine la loi d’orientation sur la ville de 1991, que j’ai eu l’honneur de rendre applicable, par le biais d’une proposition de loi, en 1994. À cette époque, nous avions tous accepté d’intégrer, pour une partie limitée, le logement locatif intermédiaire, dont il ne faut pas oublier que c’est un secteur indispensable : dans la chaîne du logement, chaque maillon est important. Le PLS permet de répondre à cette demande intermédiaire, et votre critique est d’autant plus exagérée qu’il comprend un éventail de loyers assez large, dont les plus bas correspondent à peu près aux loyers des PLUS. Votre vindicte ne paraît vraiment pas justifiée. Le PLS est un excellent dispositif, et je remercie une fois de plus Marc-Philippe Daubresse de l’avoir développé.

M. François Brottes – Il n’est pas question de vindicte : nous ne proposons pas d’éliminer les PLS, qui peuvent effectivement présenter un intérêt pour un certain nombre de familles, mais de les limiter à un tiers des logements sociaux d’une commune. S’il y a 100 % de PLS dans les logements sociaux, il n’y a plus de logement social ! C’est à l’usage que nous nous sommes rendus compte de cette dérive. Notre amendement ne vise qu’à équilibrer l’offre de logements sociaux dans les communes.

L'amendement 294, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Cacheux – L’amendement 293 vise toujours à sanctionner les quelques communes qui font manifestement preuve de mauvaise volonté. Il propose de doubler le prélèvement dont elles sont redevables lorsqu’elles font l’objet d’un constat de carence de la part du préfet.

J’ajoute que ce débat est largement nourri de notre expérience. Or, si, en région parisienne, le PLS peut sans doute répondre à une part de la demande, dans l’agglomération lilloise, 85 % des demandes déposées auprès des organismes HLM ne peuvent entrer dans ce cadre. Un certain nombre d’organismes, partis imprudemment dans la production massive de PLS, ont aujourd’hui, en pleine crise du logement, le plus grand mal à les louer !

L'amendement 293, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – L’amendement 290 est relatif au problème de la vente à la découpe. Il vise à instaurer un permis de mise en copropriété, délivré par le maire ou le président de l’EPCI concerné, pour toute opération de division par lots d’immeubles d’au moins cinq logements. La demande de permis comprendrait une présentation de l'état de l'immeuble et des contrats de location des logements. Le permis serait accordé après avis des organisations représentatives des locataires et des bailleurs concernés. Il pourrait être refusé si l'immeuble ne répondait pas à des normes techniques et environnementales définies par décret en Conseil d'État, si la mise en copropriété allait à l'encontre du programme local de l'habitat, notamment en matière de mixité sociale, ou si un contrat de location d'au moins six ans à compter de la date de demande du permis n’était pas accordé aux locataires ou occupants de bonne foi. Cela permettrait de lutter contre les situations que nous connaissons.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Je rappelle que l’Assemblée a adopté l’an dernier sur ce sujet une proposition de loi de Martine Aurillac, qui est beaucoup plus efficace et beaucoup moins compliquée.

L'amendement 290, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Cacheux – L’amendement 283 montre bien nos divergences quant à l’accession à la propriété. Nous souhaitons clairement privilégier l’accession sociale. Or, l’élargissement de l’accès au prêt à taux zéro par le gouvernement précédent s’est traduit par une diminution des aides aux personnes les plus modeste. Nous proposons de cibler plutôt le PTZ en direction des plus modestes, et parallèlement d’en augmenter sensiblement le montant.

Cet effort pour les plus modestes pourrait être accompagné, dans le dispositif global que le rapporteur général appelle de ses vœux, d’un crédit d‘impôt, destiné à des populations plus aisées. Le fait est que ces deux dispositifs ont rarement cohabité, mais ce pourrait être une solution à la situation actuelle.

L'amendement 283, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Guillaume Garot – De nombreuses familles ont de grandes difficultés à assumer les frais liés aux obsèques d’un des leurs. Vous conviendrez que de telles dépenses ne peuvent être assimilées à l’achat de biens de consommation classiques. L’amendement 302 rectifié tend donc à leur appliquer le taux réduit de TVA, sachant que cette baisse serait conforme à la législation européenne et que la France est le seul pays de l’Union à appliquer un taux de TVA normal à ces dépenses.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Cet amendement relève d’une loi de finances.

L'amendement 302 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Thierry Lazaro – L’amendement 183 rectifié a le même objet. Les frais funéraires sont marqués par de fortes disparités. S’agissant d’un sujet aussi douloureux, et sachant que l’Union européenne a engagé une procédure contre la France dans cette matière, il est plus que temps d’agir.

L'amendement 183 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel – La loi du 13 décembre 2000 a créé une inégalité de traitement en donnant compétence à Saint-Pierre-et-Miquelon pour, dans sa zone économique exclusive, fixer le barème de la redevance sur tout gisement d’hydrocarbures exploitables, liquides ou gazeux. Or les permis exclusifs de recherche de mines hydrocarbures ont été délivrés pour des activités sises dans la zone économique exclusive au large de la Guyane et de la Martinique. Mais si le code minier prévoit le paiement d’une redevance par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, il précise qu’elle ne s’applique pas aux gisements en mer. Cette disposition prive les collectivités régionales d’outre-mer de toute participation au produit de l’exploitation, Nous proposons donc par l’amendement 333 rectifié d’étendre aux régions d’outre-mer et notamment à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Martinique, le dispositif prévu dans le code minier en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'amendement 333 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victorin Lurel - L’amendement 334 rectifié a le même objet.

L'amendement 334 rectifié, repoussé par par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Les amendements 315 2e rectification, 314 2e rectification et 235, 2e rectification, font l’objet d’une discussion commune.

M. François Brottes – Avec votre autorisation, Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements 315 2e rectification et 314, 2e rectification, qui tendent à instaurer une sorte de bouclier énergétique en faveur des consommateurs domestiques d’électricité.

M. Michel Raison – Bouclier de bavardage, plutôt !

M. François Brottes – Vous vous méprenez, Monsieur Raison, votre collègue Lenoir vous le dira lui-même, puisqu’à ce jour, le budget « énergie » des ménages représente déjà 25 % de leurs revenus. À la suite d’un excès de zèle commis en novembre 2002 par Mme Fontaine, M. Raffarin étant premier ministre, et contrairement à ce qui avait été dit quelques mois plus tôt à Barcelone, le marché de l’énergie a été ouvert aux consommateurs domestiques, avec effet au 1er juillet dernier. Or, le tarif dit de retour, n’est pas ouvert aux consommateurs domestiques. Que le choix soit fait par site et qu’il soit irréversible aggrave cette injustice, car le passage au prix du marché décidé par un locataire s’impose ensuite et aux locataires successifs du même bien, et au propriétaire lorsqu’il récupère son bien, tous risquant d’être durement pénalisés par une décision qui n’est pas la leur. Par l’amendement 315 2e rectification, nous proposons donc que tout consommateur final domestique bénéficie, comme les entreprises, du tarif de retour s’il le souhaite. Par l’amendement 314 2e rectification, nous proposons de rétablir dans leurs droits de libre choix tant le propriétaire du logement que les locataires succédant à celui qui a décidé de ne plus bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité.

M. Jean-Claude Lenoir – Chacun sait que le problème que nous évoquons découle de la censure par le Conseil constitutionnel, en décembre dernier, des dispositions prises par le législateur. Anticipant les difficultés qui pourraient se poser, nous avions en effet distingué la notion de site de consommation et celle de consommateur – le « couple site/personne », ce qui permettait, en cas de déménagement, de retrouver son droit à bénéficier du tarif réglementé. L’un des problèmes suscité par la censure a été réglé, à mon initiative, par l’amendement – adopté à l’unanimité – à la loi relative au logement social, qui permet à quiconque déménage de recouvrer le droit au tarif réglementé. Reste le problème crucial de la situation faite aux locataires qui succèdent au locataire qui a opté pour le prix du marché. Par l’amendement 235 2e rectification, je propose donc que tout consommateur particulier puisse bénéficier du droit de retour au tarif réglementé pendant trois ans, calquant la rédaction de cette disposition sur celle qui a été retenue pour les nouveaux sites, et en sachant que nous pourrons revenir sur cette question dans les trois ans qui viennent si la nécessité s’en fait sentir. Ainsi les consommateurs domestiques seront-ils protégés.

M. le Rapporteur général – La commission n’a pas examiné au fond des amendements qu’elle a jugés très indirectement liés au texte que nous examinons, et les a rejetés pour les raisons de principe déjà exposées.

Mme la Ministre – Avis défavorable aux trois amendements.

M. François Brottes – Par souci d’efficacité, nous serions prêts à retirer nos amendements au bénéfice de celui qu’a présenté M. Lenoir, qui est aussi médiateur national de l’énergie.

M. Jean-Claude Lenoir – Je me permets d’insister, Madame la ministre. M. Ollier, président de la commission des affaires économiques, et de nombreux membres de la commission souhaitent qu’une solution soit trouvée. Entendu par la commission, M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l’énergie, évoquant le contentieux entre la France et la Commission européenne à propos des tarifs réglementés, a indiqué que M. Piebalgs, commissaire européen à l’énergie, souhaite, plutôt que transmettre le dossier tel qu’il est à la Cour européenne de justice, engager des discussions avec les pouvoirs publics français pour trouver des solutions d’évolution « raisonnables ». Il revient à ces derniers de les imaginer mais, si l’on se rapporte à une discussion informelle, a ajouté M. de Ladoucette, M. Piebalg se satisferait que les onze millions de personnes qui bénéficient d’une aide au logement puissent bénéficier des tarifs dits réglementés.

À ce jour, une telle proposition serait censurée par le Conseil constitutionnel… si le texte lui était soumis… Mais, une ouverture étant faite par la Commission européenne, ne pourrions-nous, dans le cadre d’une proposition de loi rapidement mise à l’ordre du jour de l’Assemblée, trouver une disposition satisfaisante pour 11 millions de personnes ? Si le Gouvernement s’y disait favorable, je retirerais mon amendement.

M. François Brottes - Je me vois mal, dans ce cas, me rallier à un amendement qui n’existerait plus… Notre saisine du Conseil constitutionnel reposait sur l’idée que GDF ne pouvait être privatisé pendant la période où le texte a été votée. Le Conseil constitutionnel a effectivement invalidé la disposition, non sans prendre garde à éliminer tout ce qui pourrait ressembler à un monopole, notamment le fait de proposer exclusivement un tarif réglementé.

Votre amendement, Monsieur Lenoir, vise à limiter dans le temps la possibilité de retour au tarif réglementé, ce qui n’est pas incompatible avec la décision du Conseil constitutionnel ni avec la philosophie actuelle de la Commission européenne. Il ne me semblerait pas inutile que vous mainteniez votre amendement ; des précisions quant au bénéfice de cette réouverture pourraient être apportées d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire. Ainsi, le législateur serait en mesure de donner un signal fort aux consommateurs et les dégâts collatéraux pourraient être réduits.

Mme la Ministre – C’est un sujet complexe et c’est la raison pour laquelle nous n’avions pas souhaité nous écarter trop du sujet visé par l’article 3. Le Gouvernement partage votre analyse, qui est également celle du sénateur Poniatowski, lui-même auteur d’une proposition de loi. Je me propose, avec M. Jean-Louis Borloo, de coopérer à ces travaux et de prendre l’attache de la Commission européenne afin de nous assurer que cette proposition correspondra au droit communautaire et à l’exigence de constitutionnalité.

M. Alain Cacheux – Il y a peu de chances !

M. Jean-Claude Lenoir – Voter une disposition qui risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel reviendrait à jeter de la poudre aux yeux. Compte tenu de l’ouverture faite par le commissaire européen, nous pourrions travailler, de conserve avec l’opposition…

M. Jean-Pierre Brard – C’est une obsession ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir – …à un dispositif conforme à la directive européenne, aux souhaits de la Commission et qui soit constitutionnel. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

L’amendement 255 2e rectification est retiré.

M. François Brottes – Nous maintenons nos amendements. Madame la ministre, si le gouvernement précédent avait pris l’attache de la Commission européenne concernant la mise en place du tarif de retour pour les entreprises, la réponse aurait certainement été négative. Il faut un peu d’audace, d’autant que nous ne nous trouvons pas forcément face à M. Pielbags, mais à Mme Kroes, commissaire à la concurrence, qui a succédé à M. Monti, dont la justice a condamné les excès de zèle concernant notamment la fusion Schneider-Legrand…

Ce sont des millions et des millions de foyers qui sont concernés, et nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre : la date du 1er juillet est passée ! Il est important que le législateur français donne un signal dès maintenant. Que nos nouveaux collègues ne s’y trompent pas : lorsque l’on réfléchit à un projet, cela prend des mois et des mois, et des décennies si l’on veut qu’il soit validé par la Commission européenne !

Les amendements 314 2e rectification et 315 2e rectification, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Vigier – Permettez-moi d’abord de citer le cas de ma commune où des locataires de logements HLM sont devenus propriétaires de leur logement et en sont très fiers. Favorables à l’accession à la propriété – la proportion de ménages français propriétaires est très largement inférieure à la moyenne européenne – nous sommes pour autant soucieux des dépenses publiques. Il nous paraît en effet important que cette mesure coûteuse ne soit pas captée par les établissements bancaires et par les promoteurs. Nous demandons donc par l’amendement 268 qu’un rapport soit réalisé chaque année sur l’impact de cette mesure, notamment sur les PME du bâtiment et sur le nombre de logements construits. Par ailleurs, une telle démarche va dans le sens de l’effort d’évaluation des politiques publiques mené par le Gouvernement.

M. le Rapporteur général – Il faudrait rectifier l’amendement pour préciser que le crédit d’impôt dont il s’agit est celui « visé par l’article 200 quater decies du code général des impôts » (M. Philippe Vigier manifeste son accord).

M. le Président – Souhaitez-vous donner votre avis sur les amendements qui suivent, et qui portent sur le même sujet ?

M. le Rapporteur général – Les autres demandes de rapport sont satisfaites par cet amendement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Mme la Ministre – Même avis. Mais il convient de préciser que le premier rapport présentera un caractère parcellaire, puisqu’il ne couvrira pas une année complète.

L'amendement 268 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Monsieur Cacheux, pouvez-vous présenter les amendements 282, 283, 284 et 285 qui portent tous sur une demande de rapport ?

M. Alain Cacheux – Nous sommes d’accord sur au moins un point : pour faire reculer la crise du logement, il faut agir sur tous les secteurs et actionner l’ensemble des dispositifs. Pour autant, nous divergeons sur la répartition de l’aide publique. Ainsi, les 3,5 milliards que coûtera la mesure sur les intérêts d’emprunt sont disproportionnés au regard des quelques centaines de millions consacrés au logement locatif social ou à l’accession sociale.

L’objet de ces divers amendements est de donner, au travers des différents rapports, une vision claire sur l’aide publique consacrée au logement. Cela permettra de simplifier nos débats et de faire un peu reculer la crise du logement actuelle.

Les amendements 282, 283, 284 et 285, rejetés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Victorin Lurel – L’amendement 286 est relatif à la situation dramatique du logement dans l’outre-mer. La ministre a bien voulu préciser que cette nouvelle incitation fiscale ne remet pas en cause les dispositifs existants, mais je doute que cela suffise...

Le budget de l’outre-mer a en effet perdu 600 millions d’euros de crédits depuis cinq ans, et chacun a pu prendre connaissance des critiques formulées par notre collègue du Sénat, Henri Torre, qui a étrillé les différents ministères concernés – celui de l’outre-mer, dont la Cour des comptes a critiqué la sincérité des comptes, mais aussi ceux du logement et du budget. Il manque entre 500 millions et un milliard d’euros dans le secteur du logement social. Voilà le fruit de votre politique hasardeuse.

Nous voulons donc connaître les intentions du Gouvernement. Va-t-il corriger la baisse des crédits de l’État et enfin dégager du foncier ? La réforme menée au milieu des années 1985 a laissé en friche plus de 3 200 hectares de terres… La décohabitation des jeunes reste donc impossible et il faut attendre dix ou quinze avant de pouvoir construire son logement – même si on a un emploi, privilège des plus rares dans l’outre-mer ! Compte tenu du coût du transport, des matériaux, mais aussi des normes environnementales et sismiques, il est impossible de produire du logement social à des prix raisonnables !

Voilà pourquoi nous demandons un rapport sur la politique du logement menée dans l’outre-mer.

L'amendement 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Ce sujet mériterait pourtant meilleur traitement !

M. Jean-Louis Idiart – L’amendement 287 concerne les marchands de bien, dont nous souhaitons définir la profession afin de la moraliser.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard – Pour quelle raison ?

L'amendement 287, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – J’espère que le rapporteur général sera plus loquace au sujet de l’amendement 288, qui tend à assortir l’activité de marchands de biens de plusieurs conditions : un capital social minimum ; un ratio de fonds propres ou une caution bancaire ; une garantie financière dans l’hypothèse où le marchand de biens reçoit des fonds avant la livraison du bien ; des assurances et des garanties en matière de responsabilité civile professionnelle, de bonne fin des opérations et de bonne réalisation des travaux ; et enfin, l’impératif que tout logement vendu soit dans un état décent.

C’est à ce prix que nous introduirons dans cette profession une transparence qui évitera les déboires dont pâtissent malheureusement de nombreuses personnes…

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet à l’occasion de la proposition de loi déposée par Mme Aurillac. Les mesures que nous avons alors adoptées permettront de lutter efficacement contre les ventes à la découpe.

Vous êtes le premier à demander qu’on ne légifère pas sans cesse sur les mêmes sujets, Monsieur Idiart. Laissez donc vivre la loi Aurillac ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Quand il faut déguiser des objectifs assez peu louables, les orateurs de la majorité nous infligent un véritable déluge verbal, n’hésitant pas à déformer le sens des mots, comme la « valeur travail ». Quand il s’agit de moraliser une profession ou de lutter contre la fraude, aucune réponse en revanche ! Et quand M. Woerth propose que les bénéficiaires du bouclier fiscal appliquent eux-mêmes la loi, tout va bien !

J’ajoute, Monsieur le rapporteur général, que cet amendement ne concerne pas particulièrement les ventes à la découpe. Pourquoi un tel silence ? C’est à croire que la moralisation est un gros mot…

L'amendement 288, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – L’amendement 289 tend à réserver le congé pour vente aux véritables bailleurs de logements. Seul pourra utiliser ce congé un marchand de biens possédant un logement depuis six ans, ce qui devrait démontrer qu’il s’est engagé sur le long terme.

Les bailleurs personnes physiques ne sont naturellement pas concernés, pas plus que les personnes morales qui se contentent de louer des logements.

M. le Rapporteur général – Même avis que sur l’amendement précédent.

Mme la Ministre – Même position.

M. Jean-Pierre Brard – Quel silence étouffant ! Avez-vous perdu l’usage de la parole ou bien celui de l’ouïe, Madame la ministre ? Depuis 2002, le Gouvernement ne fait que couvrir des pratiques inacceptables, notamment en matière de saturnisme : vous avez ainsi allégé les peines applicables aux propriétaires qui louent, en toute connaissance de cause, des logements insalubres qui empoisonneront des enfants !

M. Alain Cacheux – C’est vrai !

M. Victorin Lurel – Vous n’avez pas répondu à M. Brard, pas plus qu’à moi d’ailleurs. Il y a pourtant deux ministres parmi nous. C’est à croire que la moralisation n’appartient pas à la sphère de l’action publique !

L'amendement 289, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Le silence persistant du Gouvernement et de la commission traduit à l’évidence un état de fatigue profond. Je demande une suspension de séance pour permettre à nos interlocuteurs de reprendre des forces.

La séance, suspendue à 19 heures 30, est reprise à 19 heures 40.

ART. 4

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Madame la ministre, cet article est l’un des plus emblématiques du caractère foncièrement injuste de votre projet de loi, compte tenu du nombre très restreint de contribuables dont la situation de fortune est telle qu’ils doivent acquitter des droits de succession. Pour ce qui concerne les donations entre époux, 90 % des ménages en sont exonérés, et il en va de même de 80 % des transmissions en ligne directe. Au total, les trois quarts des mutations sont déjà exonérés. 1 % des foyers détient 13 % du patrimoine, chacun disposant d’un montant moyen de biens estimé à 1,27 million. Les dispositions qui nous sont soumises favoriseront donc à l’évidence une concentration accrue des patrimoines, au détriment de la mobilité sociale et du dynamisme de notre économie.

De plus, le coût de la mesure – qui reste à préciser – pèsera lourd sur nos finances publiques, puisqu’il est estimé à au moins 1,8 milliard. De l’avis de nombreux économistes, la quasi suppression des droits de succession présente un caractère injuste, en ce qu’elle améliore la situation de ceux qui bénéficient déjà des meilleures positions. Il serait plus efficace de transmettre du capital humain, par la formation, ou d’investir dans le capital des entreprises. Il conviendrait donc sans doute d’encourager les parents à consacrer une plus grande part de leur revenu aux dépenses d’éducation et de culture, plutôt que d’accumuler un patrimoine, qui, allongement de la vie aidant, ne sera finalement transmis qu’à des sexagénaires. Car ce n’est certainement pas à cet âge que l’on commence d’investir dans une entreprise !

Une politique analogue à celle qui nous est proposée a été conduite aux États-Unis, et elle a été contestée jusque dans les rangs des sénateurs républicains. Pour certains d’entre eux – et la critique s’applique directement au cas français –, supprimer les droits de succession dans une période de difficultés financières est tout à la fois irresponsable et malhonnête au plan intellectuel. Au surplus, la mesure n’étant pas financée, son impact sur l’investissement sera quasiment nul.

Pour ces raisons, nous défendrons plusieurs amendements de suppression de cet article.

M. Jean-Louis Idiart – Cet article s’inscrit parfaitement dans la logique qui consiste à servir en priorité une catégorie très restreinte de la population. Il comporte cependant une avancée certaine, la suppression des droits de mutation entre époux répondant à une réelle attente. Pour ce qui concerne les autres successions, Mme Hoffman-Rispal vient d’indiquer le chiffré clé : 75 % des transmissions sont d’ores et déjà exonérées de tout droit. La cause de cet état de fait est simple : le patrimoine moyen transmis au moment du décès est de 99 700 €, et une succession sur deux porte sur un patrimoine inférieur à 62 000 €. Et encore faut-il considérer que l’imposition porte sur chacune des parts et non sur la totalité du patrimoine. Au reste, le taux moyen pratiqué ne présente aucun caractère confiscatoire, puisqu’il s’établit à 12,6 %. 10 % des propriétaires détiennent 46 % du patrimoine total – chacun pouvant justifier d’un patrimoine moyen de 382 000 € – et 1 % des détenteurs possède 13 % du patrimoine total, avec, pour chacun des intéressés, un patrimoine moyen de 1,27 million. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, 10 % des ménages, parmi les plus pauvres, détiennent un patrimoine moyen de moins de 900 €. Il me semble inutile d’aller beaucoup plus loin pour comprendre que l’exonération profitera massivement aux patrimoines les plus élevés, ce qui ne peut que contribuer à l’inertie des situations acquises et au basculement vers une économie de rentiers, par essence moins dynamique. Une fois encore, le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont choisi de soulager une catégorie très ciblée de la population, au détriment du plus grand nombre.

Si certaines mesures – notamment celles relatives aux successions entre époux – peuvent paraître justes, nous proposerons par nos amendements de plafonner ces avantages, afin d’en exclure tous ceux pour qui ils ne constitueraient qu’un nouvel effet d’aubaine. Ce texte fait déjà beaucoup de cadeaux qui ne manqueront pas d’avoir une incidence budgétaire. Comme d’habitude, ce sont ceux qui n’en bénéficient pas qui se verront sanctionnés par le biais de la fiscalité. Nous invitons donc nos concitoyens à ne pas se fier aux apparences !

M. Jean Launay – Nous voici arrivés à la cinquième étape de votre métaphore de la moisson, Madame la ministre : celle de la transmission des fruits du travail, que vous entendez faciliter en exonérant des droits de mutation 95 % des successions.

On ne vous taxera pas d'incohérence : le programme de l'UMP évoque une suppression au bénéfice de 95 % des ménages, et le Président de la République avait même parlé d'une exonération totale – sous la double influence, sans doute, de M. Balladur et de George Bush.

Quel est le coût de cette mesure ? Précisons d’abord que plus de 80 % des successions ne donnent pas lieu au paiement de droits. L'exonération totale pour les successions représente 7,5 milliards d'euros pour l'exercice 2007. Quant à l’exonération des donations, elle représente 1,3 milliard.

Mme la ministre a chiffré à 2,2 milliards, devant la commission, le coût des mesures proposées dans ce domaine. Celles-ci s'inscrivent dans la suite logique de la multiplication des mesures prises depuis 2002 pour offrir des cadeaux fiscaux aux détenteurs de patrimoines importants.

Nous savons que la majorité des familles n'est pas soumise aux droits de succession et n'est donc pas concernée par la suppression de ces droits. De plus, les droits s'appliquent sur des parts transmises, et non directement sur la totalité du patrimoine.

En 2005, les parts transmises en ligne directe étaient inférieures, en moyenne, à l'abattement alors applicable de 46 000 euros : elles représentaient 34 000 euros pour les successions et 29 500 euros pour les donations, d'où une forte proportion de transmissions exonérées,

Nos logiques sont différentes. Vous faites l'amalgame entre le patrimoine transmis en fin de vie et le « produit des efforts de toute une vie », entretenant ainsi le fantasme d’un État spoliateur. Nous préférons nous pencher sur la composition des patrimoines et rétablir la réalité des successions. Nous pouvons ainsi affirmer que les inégalités de patrimoine sont plus importantes que les inégalités salariales. L'enquête INSEE patrimoine 2004 rappelle d'ailleurs que les bénéficiaires d'héritages et de donations sont le plus souvent des ménages appartenant aux catégories aisées.

M. Roland Muzeau – Cet article a été présenté de manière assez partielle dans la presse. Dans le droit fil des déclarations du Président de la République, on a disserté sur la baisse des droits de succession et sur la nécessité de « pouvoir transmettre à ses enfants le produit d'une vie de travail ». L’émotion légitime qui a entouré le débat a eu le mérite de faire oublier que la plus grande partie des successions ouvertes dans notre pays sont exemptées de tout droit et de masquer que l'alignement du régime des donations sur celui des successions était un beau cadeau offert aux détenteurs de gros patrimoines.

Peu de successions sont en effet imposables au regard du nombre de décès. On enregistre en 2006 118 035 successions imposables, dont un peu plus de 40 % dans seulement trois régions – Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur – qui capitalisent aussi 52 % du montant des droits perçus.

S’agissant des donations, les droits perçus ne s’élèvent qu’à environ 1,4 milliard d'euros, mais le nombre des opérations – près de 230 000 – est beaucoup plus important, celles-ci étant également concentrées sur ces trois régions. Les montants transmis sont également plus importants, puisque près de 60 % des droits sont perçus dans ces trois régions.

Une donation moyenne donne lieu à la perception de plus de 19 800 euros de droits en Île-de-France, contre seulement 6 000 euros en Provence ou 2 720 euros dans le Limousin. La moyenne nationale des droits perçus – un peu plus de 6 100 euros – n'est dépassée qu’en Île-de-France, et singulièrement à Paris, dans les Hauts de Seine et les Yvelines.

Le dispositif préconisé est donc une « très forte incitation » – pour reprendre les termes du rapporteur général – à la transmission anticipée du patrimoine. Il permet aussi de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». En défiscalisant à hauteur de 150 000 euros les donations pour chaque parent, et en autorisant le cumul de cette mesure avec un don en numéraire de 20 000 euros par donataire, on permettra à quelques familles particulièrement fortunées de gérer au mieux leurs intérêts en réduisant l'assiette de leur ISF. Car il s'agit de gagner sur tous les tableaux !

En effet, on allège considérablement la fiscalité sur les transmissions anticipées de patrimoines : 150 000 euros de franchise par donataire, c'est la possibilité, quand on a du bien et cinq enfants majeurs, de se libérer de 750 000 euros d'actifs, soit pratiquement le plancher d'imposition de l'ISF ! Est-ce le retour de la dot? Cet avantage se trouve cumulé avec une réduction sensible du montant de l'ISF dû. Prenons l'exemple d'un couple avec quatre enfants qui dispose d'un patrimoine de 2 millions d'euros, dont environ 300 000 en liquidités bancaires immédiatement disponibles. Dès l'adoption de la loi, il pourra bénéficier d'une marge de donation de 1 200 000 euros en pleine propriété et de 160 000 euros en numéraire, le tout sans frais. Outre l'économie de droits qu’il réalise sur la donation, ce couple se retrouve sous le plancher d'imposition de l'ISF avec un actif net de 640 000 euros. Dès l'année suivante, son ISF s’établira à zéro. Une chance au grattage, un bonus au tirage !

Bien entendu, la mesure est encore plus profitable si vous figurez dans la tranche la plus élevée de l'ISF. Si l'impôt ne disparaît pas, il peut en effet être réduit de 24 120 euros dans le cas précédent.

Voilà la réalité de votre « réforme » de notre système de prélèvements obligatoires, qui n'a pas grand-chose à voir avec la réhabilitation de la valeur travail !

M. Guillaume Garot – Je me suis intéressé au cas concret qui est présenté dans le rapport. Il a le mérite de la clarté. Selon cet exemple, en effet, un couple pourra transmettre un patrimoine d’1,5 million d’euros - ce qui n’est tout de même pas rien – à ses deux enfants en franchise de droits.

M. le Rapporteur général – Au bout d’un quart d’un siècle !

M. Guillaume Garot – Par rapport à la législation actuelle, l’économie pour ce couple est d’un peu plus de 200 000 euros. Cela pose plusieurs questions. Tout d’abord, ce dispositif réduira-t-il les inégalités entre les Français ? Non : il les renforcera au contraire, en permettant à une infime minorité d’échapper à l’impôt, le but étant en fait de vider l’ISF de son contenu. Ensuite, cette mesure favorisera-t-elle le travail ? Non : elle favorisera la rente, puisqu’il suffira aux plus aisés d’être bien conseillés, tandis que les autres n’auront qu’à travailler plus pour gagner plus !

Votre politique est décidément celle du « deux poids, deux mesures ». Si vous gagnez le SMIC, vous n’avez pas de coup de pouce au 1er juillet ; si vous avez un gros patrimoine, vous avez le coup de pouce du 12 juillet. Cherchez l’erreur !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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