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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 12 juillet 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
10ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

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La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente.

TRAVAIL, EMPLOI, POUVOIR D’ACHAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

ART. 4 (suite)

M. Jean-Claude Sandrier – Cet article 4, c’est Noël avant l’heure dans les beaux quartiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Cette réforme des successions et des donations, d’un coût fiscal particulièrement élevé et d’une efficacité douteuse en matière de consommation et d’emploi, rapportera beaucoup aux ménages concernés.

D’après les statistiques de la direction générale des impôts, 1 401 millions d’euros ont été collectés au titre des donations et 7 266 millions au titre des successions en 2006. Le palmarès de la répartition géographique des droits perçus parle de lui-même. Pour les donations, les dix premiers départements de collecte sont Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône, les Alpes-Maritimes, les Yvelines, le Var, la Gironde, la Haute-Savoie et l’Isère. Pour les droits de succession, ce sont Paris, les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Yvelines, le Rhône, le Val de Marne, le Var, le Nord et la Gironde. La fortune et les gros patrimoines sont, à l’évidence, concentrés en des points bien précis du territoire, huit départements apparaissant dans les deux classements – même si bien entendu il existe de fortes disparités au sein de ces territoires.

L’allégement des droits de succession va favoriser des ménages qui n’auraient à l’évidence pas besoin de tant de sollicitude. En effet, sur 540 000 décès annuels dans notre pays, 350 000 seulement conduisent à l’ouverture d’une succession et moins de 145 000 au paiement de droits. Le montant moyen de droits acquittés par succession imposée se monte à un peu plus de 50 000 euros. Une réduction de moitié des droits équivaut donc à un cadeau moyen de 25 000 euros.

Seront désormais totalement exonérés de droits les patrimoines aujourd’hui les plus faiblement imposés, en général transmis par les couches moyennes supérieures qui ont constitué l’essentiel de leur du patrimoine grâce à leur activité professionnelle et qui n’ont pas assez diversifié leurs placements ou ont négligé les délices des contrats d’assurance-vie. Quant aux fortunes dynastiques, à défaut d’avoir pu obtenir l’exonération totale, elles profiteront du relèvement des abattements. En résumé, plus de droits à payer pour les 70 000 successions annuelles aujourd’hui faiblement ou moyennement imposées, mais surtout beaucoup moins de droits pour les plus grosses d’entre elles – dont une quinzaine de milliers par an génère la moitié, ou peu s’en faut, du total du produit des droits. Voilà tout le contraire de la justice fiscale, principe pourtant rappelé dans la Constitution.

C’est pourquoi nous proposons, par notre amendement 125, de supprimer cet article.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Notre amendement 298 tend lui aussi à supprimer cet article qui s’inscrit dans la droite ligne de la politique menée depuis cinq ans en faveur des héritiers.

M. Jacques Myard – Tant mieux !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Les patrimoines moyens et modestes étant déjà exonérés, les mesures prises sous la législature précédente ne concernaient à chaque fois que les successions les plus importantes. La loi de finances pour 2003 a ainsi porté de 15 000 à 30 000 euros l’abattement sur les dons en numéraire aux petits-enfants. La loi pour le soutien à la consommation et à l’investissement, votée en 2004 à l’initiative de Nicolas Sarkozy, a institué une exonération temporaire totale des dons en argent faits aux enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, voire aux neveux et nièces, dans la limite de 20 000 euros. Après que cet abattement a été porté à 30 000 euros, le dispositif a été prorogé jusqu’en 2010, à condition que la somme soit réinvestie par le donataire dans une entreprise. L’article 14 de la loi de finances pour 2005 a permis ensuite à Nicolas Sarkozy d’alléger encore substantiellement la fiscalité sur les transmissions pour un coût d’environ 630 millions d’euros. Plus récemment, l’article 8 de la loi de finances pour 2006 a réduit de dix ans à six ans le délai de dispense de rapport fiscal des donations antérieures.

Ne bénéficieront des nouvelles exonérations que les patrimoines les plus importants…

M. Michel Bouvard – Mais enfin, vous n’avez pas gagné les élections !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Certes. Cela ne nous empêche pas de dénoncer ces nouveaux cadeaux fiscaux à des personnes qui n’en ont nullement besoin quand, dans le même temps, on entend parler de TVA sociale ou qu’on ignore comment pourra être financée la prise en charge de la perte d’autonomie. D’un côté, les plus riches vont profiter d’exonérations qui coûteront tout de même 1,8 milliard d’euros au budget de l’État ; de l’autre, on refuse de donner un coup de pouce supplémentaire au SMIC. Si on voit mal comment ces mesures permettront de relancer la consommation et l’investissement, on sait qu’elles alourdiront encore la dette publique, sans que ceux qui en auraient le plus besoin soient aidés. Ce que nous souhaiterions, nous, c’est que l’on s’occupe de ces personnes-là.

M. François de Rugy – L’amendement 348 est également de suppression.

Au-delà de la publicité mensongère dont cet article fait l’objet – vous entretenez à dessein la confusion en essayant de faire croire que 95 % des ménages seraient concernés, alors qu’en sus de ceux qui sont déjà exonérés, seule une part infime le sera –, il pose un problème quasi philosophique. L’héritage est source d’injustice, il constitue même l’injustice par excellence. Et plus il est important, plus grande sera cette injustice (M. Myard s’exclame). Au nom de quoi recevrait-on de l’argent sans avoir en rien contribué à le gagner ? Après le retour de la corvée instituée le lundi de Pentecôte, après « travailler plus pour gagner moins », voilà que vous avez inventé « gagner plus sans travailler ».

Et cela pour quelle efficacité économique ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Aucune !

M. François de Rugy – Quel effet auront ces mesures sur le pouvoir d’achat et sur l’emploi ?

Enfin – et c’est le comble –, quel effet sur le travail ? Peut-on m’expliquer comment le fait de bénéficier d’un capital sans avoir jamais travaillé va revaloriser le travail ?

Prenons l’exemple de deux étudiants. Ils décident de travailler pendant l’été. Première injustice : les parents du premier ne paient pas d’impôt parce que leurs revenus sont modestes, ils ne tirent donc aucun avantage de l’exonération accordée ; les parents du second, tous deux cadres supérieurs, vont au contraire en bénéficier.

M. Jacques Myard – Et alors ?

M. François de Rugy – Deuxième étape : ces deux étudiants entrent dans la vie active. Les parents de l’un peuvent lui faire une donation de 20 000 euros, exonérée de toute taxation, l’autre n’a pas cette chance : nouvelle inégalité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour acquérir un logement, l’un va se trouver bien aidé par un héritage exonéré de droits, pendant que l’autre, qui n’est pas dans le même cas, va devoir emprunter deux fois plus (Même mouvement). Le premier cumulera cet avantage avec le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, ce qui creusera encore l’inégalité (Même mouvement).

Vraiment, il y aurait mieux à faire des deux milliards – en 2008, car ensuite, avec la hausse de l’immobilier, ce sera bien davantage – que cette mesure va coûter ! C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Philippe Vitel – Supprimez la propriété, c’est plus simple !

M. Jean-Pierre Brard – Ces vociférations montrent que nous mettons le doigt là où cela fait mal – et cet endroit, pour vous, c’est la porte du coffre-fort ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Du côté de cet hémicycle, nous en connaissons mal le fonctionnement (Même mouvement).

M. Jacques Myard – Vive le grand capital !

M. Jean-Pierre Brard – Il a avoué, Monsieur le Président ! Pour le Journal officiel, c’est très important ! Mais j’aimerais ne plus être interrompu.

Cet article est l’un des plus symboliques et des plus injustes de ce projet. Environ 90 % des successions au profit du conjoint survivant, 80 % des successions en ligne directe et 75 % de l'ensemble des successions étant déjà exonérées, il ne bénéficiera qu'aux contribuables les plus aisés et accroîtra la concentration des patrimoines. Le président Migaud a indiqué en commission qu’il profiterait à environ 5 % des successions – celles des plus riches – et Thomas Philippon, spécialiste en économie financière, a jugé ce volet du paquet fiscal particulièrement inefficace.

Nous proposons donc par notre amendement 401 de supprimer cet article, qui semble être le fruit d’une course à l’échalote en matière d’injustice !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – La commission a repoussé ces amendements, l’article 4 étant excellent.

Les mesures qu’il contient sont justes, Monsieur Brard. N’est-il pas juste d’exonérer enfin de droits de succession le conjoint survivant ? Nous étions le seul pays à continuer de le taxer ! N’est-il pas juste d’aligner les couples pacsés sur les couples mariés ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quand nous l’avions proposé, vous l’aviez refusé !

M. le Rapporteur général – Enfin, n’est-il pas juste de majorer l’abattement sur la part de chaque enfant ?

Telles sont les trois mesures principales. Grâce à elles, 95 % des successions seront exonérées. C’est ce qu’avait proposé le candidat Sarkozy : une fois de plus, les promesses sont strictement respectées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

N’est-il pas juste, aussi, d’exonérer le fruit d’une vie de travail ? (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP) Pour une famille de deux enfants, l’exonération totale portera sur un patrimoine de 600 000 euros, qui correspond au fruit d’une vie de labeur bien remplie.

N’est-il pas juste, également, de conserver comme nous le faisons le barème actuel pour les grosses successions ? Je vous rappelle que c’est le plus élevé de tous les pays développés et qu’il est fortement progressif. Il suffira que la part d’un enfant dépasse de 15 000 euros le montant de l’abattement – et donc, qu’elle soit de 165 000 euros – pour atteindre le taux de 20 % ; avec quelques dizaines de milliers d’euros supplémentaires, on passe à 40 %.

M. Jacques Myard – Il faut supprimer tout cela !

M. le Rapporteur général – Il est juste, dans une démocratie, de ne pas instituer une aristocratie héréditaire de l’argent. C’est pourquoi, sur les sept milliards que rapportent aujourd’hui les droits de succession, il en subsistera encore cinq et demi après le vote de cette loi.

M. Jacques Myard - C’est trop !

M. le Rapporteur général – Cela va dans le sens d’une conception libérale de l’économie ; de généreux chefs d’entreprise américains comme Bill Gates ou Warren Buffet ont toujours estimé qu’une large redistribution était nécessaire. Bref, le système que nous proposons est parfaitement équilibré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Le rapporteur général a presque tout dit…

Monsieur de Rugy, le lien entre ces dispositions et le travail est très clair : on travaille toujours pour quelqu’un. Enfant, on travaille pour ses parents ou pour son maître. Adulte, on travaille pour son foyer et plus âgé, on travaille pour ses enfants. C’est pourquoi je me suis aventurée à dire que le patrimoine était le développement durable de la famille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L’article 4 contient une autre disposition importante : la donation de 20 000 euros en franchise de droits, sous certaines conditions d’âge. Elle permet à ceux qui ont accumulé au cours de leur vie d’aider ceux qui vont se lancer dans l’existence. Cette disposition avait déjà existé en 2004 et 2005. Nous proposons de l’étendre afin d’aider ceux qui commencent à constituer leur patrimoine, et il n’y a pas de honte à cela (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – À force de vous entendre parler de labeur, Madame la ministre, je pense au laboureur de la Fontaine. Mais l’histoire était morale, car ses enfants avaient pour objectif de cultiver la terre et de vivre de leur travail. Ce n’est pas du tout votre optique. Quant à M. Carrez, il progresse chaque année dans l’art de faire prendre des vessies pour des lanternes. Il se réjouit que dorénavant les conjoints survivants ne soient plus taxés… mais la plupart des couples ont signé une donation au dernier vivant de sorte que la question des droits ne se pose plus pour eux ! Il a aussi montré une telle prévenance à l’égard des pacsés que je suis sûr que même M. de Courson en a été ému, mais a-t-il oublié comme il avait combattu le pacs ? Ce qu’il oublie de dire en revanche, c’est que les grosses successions vont bénéficier de vos mesures – même si elles ne seront pas intégralement exonérées et même si, comme le dit M. de Courson, ces gens sont tellement riches qu’ils oublieront peut-être de réclamer leur ristourne au fisc…

Je n’ai pas l’habitude de fréquenter les très riches, mais j’ai lu un récent et très instructif article de la presse hebdomadaire. Le 29 avril 2006, François-Henri Pinault, le fils de son père, inaugurait le musée du Palazzo Grassi à Venise. Tout le gotha des affaires, des arts et de l’aristocratie était convié, mais PPR était en quête de stars capables de donner à l’événement une aura planétaire. Par chance, l’actrice Salma Hayek était à Rome et accepta d’être la cavalière du riche héritier. Galant homme, celui-ci alla la chercher à son hôtel et… (Protestations sur les bancs du groupe UMP) la conduisit en bateau-taxi jusqu’au palais paternel. À Montreuil, on emmène sa dulcinée dans un trois-pièces HLM ! Dans la salle du dîner, malgré la présence de 920 convives, on était très loin des restaurants du cœur : Château Latour 1988 et repas de Pierre Gagnaire… Dix mois plus tard…

Plusieurs députés UMP – Monsieur le président, vous ne pouvez pas le laisser continuer !

M. Jean-Pierre Brard – Dix mois plus tard, on apprenait l’incroyable nouvelle : les amoureux s’étaient fiancés et attendaient un heureux événement pour l’automne !

M. Yves Censi – Monsieur le président, pas au Journal officiel !

M. Jean-Pierre Brard – Conclusion de l’article : la troisième génération Pinault aura du sang latino. Il précise que le prince charmant n’a d’autres lettres de noblesse – ce qui s’impose, à une époque où le Président de la République dit à qui veut l’entendre qu’il n’est pas un intello… (Les protestations sur les bancs du groupe UMP couvrent la voix de l’orateur) Il n’a donc d’autres lettres de noblesse que son titre de PDG et les 10,3 milliards d’euros de fortune de son père.

Où avez-vous vu que l’héritier, même pour faire plaisir à l’élue de son cœur, demande une réduction sur les droits de succession ? C’est votre idéologie, votre amour des riches, un sentiment de soumission chevillé au corps qui vous conduit à vous mettre spontanément à plat ventre devant eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Président – Monsieur Brard, il n’est plus l’heure de nous lire la presse du cœur.

M. Jean-Pierre Brard – C’était Challenges !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’on entend régulièrement Mme la ministre prétendre, comme elle l’a fait récemment sur une radio nationale, que l’allégement des droits de succession bénéficiera à 90 % des Français. C’est une présentation parfaitement fallacieuse. Malgré tout le respect que je dois à votre fonction, Madame, c’est même un mensonge. Actuellement en effet, 80 % des successions en ligne directe sont exonérées – 90 % pour les successions entre époux – et la moyenne globale est de 75 %. Votre dispositif ne sera donc utile que pour 15 % des successions. Il y a en effet des décennies que la loi s’attache à alléger les charges sur les successions en ligne directe. La loi de finances pour 2005, notamment, votée alors que Nicolas Sarkozy était ministre des finances, a instauré l’abattement de 50 000 euros. Nous avons bien compris votre technique : vous créez un écran de fumée pour faire applaudir vos mesures par tout le monde, en essayant de cacher qu’elles ne changent rien pour 75 % des gens.

Le patrimoine moyen transmis en 2000 était de 99 700 euros. Une succession sur deux est inférieure à 62 000 euros. Si vous voulez vous intéresser à la situation des Français, ce sont ces chiffres qu’il faut prendre en considération ! Par ailleurs, les abattements s’appliquent sur chacune des parts transmises, pas sur la totalité de la succession, et quand des droits sont tout de même acquittés, ils sont loin d’être confiscatoires, puisque leur taux moyen est de 12,6 % sur l’ensemble des successions !

M. Jacques Myard – C’est trop !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Enfin, les 10 % les plus riches de la population détiennent 46 % du patrimoine de l’ensemble du pays. Leur patrimoine est supérieur à 382 000 euros. Quant aux 1 % les plus riches, ils détiennent chacun un patrimoine supérieur à 1,27 million et, ensemble, 13 % du total du patrimoine ! Je ne les insulte pas, j’expose des faits connus. Quant aux 10 % de personnes les plus modestes du pays, elles possèdent moins de 900 euros bruts…

C’est dans ce contexte que s’inscrit votre dispositif, dont il apparaît maintenant clairement qu’il ne concerne en aucune manière la majorité des Français. Il n’aura d’effet que pour les plus aisés – je n’insulte personne en disant cela.

M. Yves Censi – À force de le répéter, on commence à avoir des doutes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est en tenant compte de cette réalité économique que la République, depuis des siècles, a considéré que la transmission du patrimoine pouvait donner lieu au prélèvement d’une petite partie – 12,6 % ! – qui serait consacrée à la redistribution, c’est-à-dire reversée à la société. Je ne trouve aucune injustice à cela, mais il est clair que votre dispositif altère l’efficacité de ce mécanisme de solidarité. L’écran de fumée est donc en train de se dissiper. Vous connaissez la règle juridique selon laquelle le mort saisit le vif. La question est de savoir ce que saisit votre dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Président – Sur les amendements de suppression 125, 298, 348 et 401, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public. Chacun a eu le temps de s’exprimer largement sur le fond.

À la majorité de 73 voix contre 22 sur 95 votants et 95 suffrages exprimés, les amendements 125, 298, 348 et 401 ne sont pas adoptés.

M. Jacques Myard – Après cette déferlante d’obscurantisme idéologique, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), le moment est venu de proposer, à rebours, la suppression des droits de succession. C’est l’objet de mon amendement 176. Je l’ai dit, notre pays doit muscler ses investissements, car la formation du capital, trop basse, contribue à l’atonie de la consommation. Contrairement à ce qui a été allégué, la fiscalité excessive qui pèse sur le patrimoine, qu’il s’agisse de l’ISF ou des droits de succession, joue un rôle dans ce phénomène et les mesures déjà prises pour alléger les seconds ne suffisent pas. J’ai été très surpris des attaques de la gauche contre votre projet, Madame la ministre. J’eusse aimé qu’ils s’inspirassent de leurs amis de l’Internationale qui ont supprimé les droits de succession, tels les Suédois ou les Italiens…(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean-Louis Idiart – C’était Berlusconi !

M. Jacques Myard – …et qu’ils fissent leur aggiornamento ! Dois-je vous rappeler, Monsieur Brard, vous le républicain laïque et cultivé que je respecte comme tel, que le plus fervent apologiste des capitalistes qui savent investir fut Marx ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Relisez-le ! Au lieu de montrer du doigt quelques personnes qui sont des exceptions, il faut pousser les capitalistes à investir. Vive le grand capital ! (Exclamations et rires sur plusieurs bancs)

M. le Rapporteur général – Je suis certain que si M. Myard avait été membre de la commission, son amendement aurait été adopté, mais comme il était absent, l’amendement a été rejeté… (Sourires)

Mme la Ministre – L’amendement est très tentant car outre la Suède et l’Italie, le Portugal, la Slovaquie, l’Australie et les États-Unis ont supprimé les droits de succession, et il est utile de tenir compte de ce que font les autres pays. Mon avis sera malheureusement défavorable en raison de nos contraintes budgétaires et parce que nous souhaitons maintenir un certain pourcentage de droits de succession.

M. Christophe Sirugue – Je reconnais une belle constance à M. Myard, qui s’inspire inlassablement des théories de ces conservateurs américains qui s’en prennent sans relâche à ce qu’ils qualifient d’« impôt sur la mort ». La mesure proposée est dans le droit fil des cadeaux en tous genres qui se succèdent dans ce texte, et elle est parfaitement injuste.

M. Jacques Myard – Rétrograde !

M. Christophe Sirugue – Les droits de succession embarrassent la majorité («Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP), qui défend toujours les mêmes (Protestations sur les mêmes bancs). M. Myard a eu le mérite de dire clairement les choses et je le remercie d’avoir dévoilé votre position politique réelle.

M. Jean-Pierre Brard – Pensez aux pauvres qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts !

Un député UMP – Arrêtez ! Les pauvres, c’est votre fonds de commerce !

M. Jean-Pierre Brard – Vous avez dit, Madame la ministre, que la mesure traduit un des engagements pris par le Président de la République. C’est faux : le seul qui reprend exactement ce qu’a dit M. Sarkozy, c’est M. Myard ! Et M. Sarkozy, s’étant rendu compte entre les deux tours des élections que certaines parties de son programme n’étaient pas vendables à ce jour, a eu le sens politique de retarder un peu leur application. Cependant, votre texte laisse augurer de ce que nous réserve la suite de la législature…

Vous me reprochez de montrer du doigt quelques « exceptions ». Outre que les exemples abondent, vous rendez-vous bien compte que l’héritage de celui dont je retraçais les riches heures représente un million d’années au SMIC ? Je n’ai pas le sentiment que cela vous arrache une larme, ou un semblant d’émotion ! Prétendez-vous nous faire croire qu’il a gagné tout cela par son dur labeur, en se levant tôt, et grâce à des heures supplémentaires détaxées ? (Rires sur plusieurs bancs) Vous savez que ce n’est pas vrai. Vous faites de la propagande et du spectacle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et vous oubliez de dire que pendant ce temps, votre politique a conduit, en cinq ans, à 300 000 érémistes supplémentaires ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Quant à vous, Monsieur Myard, germaniste distingué, qui faites semblant de confondre capital industriel et capital rentier, oui, relisez Marx !

M. Jérôme Chartier – Comme on peut le lire dans ce petit livre bleu qui fait pendant à votre livre rouge, M. Sarkozy avait promis de supprimer les droits de succession sauf pour les plus riches. Le sens de ce projet est exactement celui-là, et non celui que vous lui donnez en interprétant la pensée du Président de la République.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Il n'est pas difficile de démontrer que seuls les ménages aisés bénéficieront d’une réforme des droits de succession qui ne fait que poursuivre le travail de sape de la fiscalité du patrimoine déjà largement entamé sous la précédente législature par des allégements multiples, tous directement inspirés des politiques de Georges Bush et de Silvio Berlusconi – car, contrairement à ce que vous avez dit, Madame la ministre, c’est bien votre gouvernement qui s’inspire de ces politiques ultralibérales, et non ces pays qui nous suivraient. L’objectif est de supprimer, à terme, les droits de succession et toute la fiscalité du patrimoine. Oser, dans ce contexte, épiloguer sur la défense de la valeur travail a de quoi faire sourire même les moins avertis de nos concitoyens, mais nous saluons le tour de force démagogique qui a consisté à surfer sur la vague du populisme anti-fiscal pour emporter l'adhésion de nombreux Français à des mesures qui, pourtant, ne les concernent pas, puisqu’elles seront sans effet sur leur porte-monnaie.

La réalité, c'est que les patrimoines petits et moyens bénéficient déjà d'abattements importants : un abattement global de 50 000 euros et des abattements individuels de 76 000 euros pour le conjoint survivant et de 50 000 euros par enfant. En d'autres termes, ils sont déjà non imposables, ce qui signifie que vos mesures ne visent que les patrimoines les plus importants, ceux des dix pour cent de Français dans les mains desquels se concentrent 46 % du patrimoine. Clairement, vous entendez favoriser un nombre restreint de contribuables au détriment des autres. Les Français ne doivent pas être dupes : nombreux sont les parlementaires de votre majorité qui défendent l'idée de compenser par l'augmentation de certains droits indirects taxant la consommation les pertes de recettes induites par votre politique de défiscalisation. La TVA antisociale en est un avatar particulièrement illustratif. Exonérer les gros patrimoines et les héritiers pour imposer les consommateurs et ceux qui vivent du fruit de leur travail, voilà le transfert d'imposition que vous préparez, avec son cortège d’inégalités.

Les conséquences de tels transferts ne posent pas simplement des problèmes budgétaires, ils ont aussi pour conséquence directe d’aggraver les inégalités. Chacun sait en effet que la distribution des patrimoines est beaucoup plus inégalitaire que celle des revenus : les 10 % de Français les plus riches détiennent, nous l'avons dit, près de 46 % du patrimoine, 3 % des ménages les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier. À l’autre bout de l’échelle, les 50 % les moins riches – la moitié de la population – n'en détiennent que 9 %.

Ces chiffres se passent de commentaires. Ils disent combien vos mesures sont injustes et privées de tout motif d'intérêt général. C'est pourquoi nous proposons par notre amendement 126 la suppression pure et simple des 32 premiers alinéas de votre article 4.

L'amendement 126, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – L’amendement 33 est défendu.

L'amendement 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Les amendements 450, 451, 452 ne sont pas défendus.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ces amendements, qui baissent progressivement les montants, me rappellent ceux qu’avait déposés l’opposition sur un autre projet de loi, et qui lui avaient valu une accusation d’obstruction. Ils démontrent en tout état de cause que la rupture se fait sur des questions d’ordre budgétaire. Je pense d’ailleurs que dans deux ans, le contenu de ces amendements pourra figurer dans la loi de finances par exemple, et que vous parviendrez à ce à quoi vous aspirez : la suppression de la quasi-totalité des droits de succession.

M. Jacques Myard – L’amendement 32 est défendu.

L'amendement 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Puisque vous vous préoccupez de la majorité des Français, nous vous proposons par l’amendement 300 d’introduire une modification qui ne concernera qu’un pour cent d’entre eux. Il s’agit des plus riches, qui détiennent un patrimoine supérieur à 1,27 million. L’amendement vise à introduire une limite à l’abattement, qui serait réduit à 50 000 euros par part et à 100 000 euros pour le conjoint survivant ou le partenaire lié par un pacs – hommage à Mme Boutin !

L’amendement 299, similaire, est également défendu.

Les amendements 300 et 299, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Louis Idiart – Rappel au Règlement. Le rythme d’examen des amendements est quelque peu… soutenu (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le rapporteur général et la ministre traitent les propositions de l’opposition par le mépris, sans avoir la décence républicaine d’y répondre.

Je m’étonne par ailleurs de voir cette majorité ultraconservatrice s’agiter à la moindre menace concernant ses coffres-forts. L’on voit certains amendements sourdre, qu’il faudra bien recaser ultérieurement. Mais il faudra payer la facture de tous ces cadeaux, en 2008, au lendemain des municipales : cela se fera par le biais des impôts indirects, comme en 1995. Vous agissez toujours de même, la nouveauté étant peut-être qu’aujourd’hui, vous vous inspirez – mal – de certains pays, qu’autrefois vous critiquiez avec véhémence.

M. Jérôme Chartier – Monsieur le Président, j’estime que vous avez remarquablement présidé cette séance en laissant chacun s’exprimer …

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et de la Gauche démocrate et républicaine – Fayot !

M. Jérôme Chartier – …je pense notamment à M. Le Bouillonnec, qui a pu donner son point de vue de façon approfondie. M. Idiart, qui est un parlementaire rompu à la procédure et est habitué à ce genre de réponses, subitement, trouve cela choquant. J’estime pour ma part qu’il est légitime de laisser toute sa place au débat, mais qu’il est inutile de discuter d’amendements d’appel, de procédure ou procédant de positions que tout le monde connaît. Monsieur le président, je tenais simplement à vous remercier et à saluer le travail du rapporteur général et de la ministre.

M. Jean-Louis Idiart – Je n’ai pas du tout mis en cause le Président !…

M. Yves Censi – Si, tout à l’heure.

M. Jean-Louis Idiart – Vous avez mal entendu. Nous demandons simplement que le débat puisse s’instaurer et que nous puissions nous exprimer, car nous sommes nous aussi des parlementaires, issus du suffrage universel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Rapporteur général – J’ai effectué un rapide calcul : sur un actif successoral de 1,27 million, les droits de succession seraient au moins de 100 000 euros. Ne nous dites donc pas qu’ils sont supprimés !

Mme Marie-Anne Montchamp – Transmettre à un enfant ou à un proche handicapé son patrimoine est une façon de lui donner les moyens d’une vie autonome, et d’alléger la charge qui pourrait incomber à la puissance publique. Tel est l’objet de l’amendement 64.

M. le Rapporteur général – Excellent amendement ! Avis favorable.

Mme la Ministre – Même avis, et je lève le gage.

L'amendement 64, mis aux voix, est adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Je ne sais combien de personnes cet amendement pourra concerner. Mais la vraie solidarité nationale voudrait qu’on aille au-delà de la loi du 11 février 2005 et qu’on trouve les moyens d’agir pour ceux qui, malheureusement, n’auront pas de patrimoine à transmettre.

M. le Président – Les amendements 453, 454 et 455 ne sont pas défendus.

M. Jean-Pierre Brard - Ces amendements sont iniques ! Vous pensez au neveu, à l’oncle et au cousin de la tante à Jules, que vous souhaitez dispenser d’une juste contribution à la solidarité nationale. Quel égoïsme de classe !

M. Thierry Lazaro – Vos propos sont parfaitement scandaleux. La solidarité à l’intérieur des familles n’a rien de répréhensible. C’est pourquoi mon amendement 443 tend à relever les abattements fiscaux consentis aux neveux et aux nièces.

L'amendement 443, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 188 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 188 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing - L’amendement 355 tend à porter de 20 000 à 30 000 euros le plafond des donations en espèces. Déjà instaurée à titre provisoire, cette mesure a effectivement contribué à soutenir les jeunes générations désireuses de s’installer ou d’acquérir des biens.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

Mme la Ministre - Même avis. Je lève le gage.

M. Jean-Pierre Brard - M. Lazaro s’indigne qu’on ne puisse pas répartir davantage le patrimoine au sein de sa famille.

M. Thierry Lazaro - Je suis fils d’ouvrier !

M. Jean-Pierre Brard - Vous perdez de vue cette forme supérieure de solidarité qui doit s’appliquer à l’intérieur de la nation afin de viser l’intérêt général. Au lieu de rester entre soi, il faut surmonter les égoïsmes et partager avec tous ceux qui en ont besoin !

Vous oubliez également l’interdiction absolue de tout versement en espèces supérieur à 3 000 euros, interdiction votée au cours de la précédente législature afin de lutter contre le blanchiment d’argent d’origine incertaine. Je m’étonne que M. Giscard d’Estaing souhaite favoriser les donations sous cette forme : c’est à la fois contraire à la loi et indécent.

M. le Président – Je vous rappelle que nous sommes précisément ici pour écrire la loi…

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Je suis également surprise que vous souhaitiez favoriser des donations d’un tel montant. Nous n’avons revalorisé le SMIC que de 2 % en juillet, et nous ferions passer le plafond des donations manuelles de 20 000 à 30 000 euros ?

Par ailleurs, n’avons-nous pas tout fait, autrefois, afin d’éviter la constitution de bas de laine ? D’où pourraient donc provenir de telles sommes aujourd’hui ? On peut s’interroger…

M. Charles de Courson – Il règne une grande confusion dans nos débats. La notion de don manuel n’a rien à voir avec une donation en liquide. Cette vieille expression du XVIIIe ne fait pas référence à des valises de billets !

Plusieurs députés UMP – É

videmment !

M. Yves Censi – Certains en sont restés au XVIIIe siècle !

M. Charles de Courson – Il s’agit d’un acte devant notaire, effectué par chèque.

M. le Rapporteur général – Tout à fait. J’ajoute que ce don ne peut être effectué qu’une seule fois.

Plusieurs députés de la Gauche démocrate et républicaine – Encore heureux !

L'amendement 355, mis aux voix, est adopté.

M. Thierry Lazaro – Fils d’ouvrier, dépourvu de toute fortune personnelle, je n’ai aucune honte à siéger de ce côté de l’hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Vous avez grand tort !

M. Thierry Lazaro – L’amendement 444 tend à supprimer la ségrégation qui frappe les donateurs âgés de plus de soixante-cinq ans en matière de donation en argent. Comment justifier une telle différence de traitement ? Par l’amendement 445, je souhaite également élargir le dispositif en vigueur aux mineurs émancipés.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable à l’amendement 444 : il est vrai que la limite d’âge ne figurait pas dans la loi pour le soutien à la consommation et l’investissement, adoptée en 2004, car il s’agissait d’une mesure transitoire, ouverte seulement jusqu’au 31 décembre. La mesure étant désormais pérenne, il faut en revanche que nous instaurions une limite d’âge. Tous les notaires constatent que les comportements diffèrent en fonction de l’âge.

La commission a en revanche adopté l’amendement 445 relatif aux mineurs émancipés.

Mme la Ministre – Même position. Si nous plaçons la limite à soixante-cinq ans, c’est afin de favoriser des donations précoces en faveur des jeunes ménages. C’est pourquoi je demande le retrait, ou alors le rejet de cet amendement.

Je trouve en revanche l’amendement 445 excellent et je lève le gage.

L'amendement 444 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La première difficulté, c’est que nous ignorons totalement l’impact et le coût de ces mesures. La seule stratégie de la majorité est de viser le plus haut possible pour voir jusqu’où le Gouvernement accepte d’aller !

Hormis le souhait légitime d’aider les personnes handicapées, tous ces amendements sont d’une grande bassesse. Vous faites en effet marcher les machines à calculer pour servir des intérêts particuliers. En faveur de qui œuvrons-nous en invoquant le travail et le pouvoir d’achat ? Il serait regrettable que votre « choc économique » se limite à des calculs aussi mesquins. Les successions sont parfois sordides. Étant avocat, je ne l’ignore pas, mais il me semble que cette institution républicaine ne saurait se résumer à de tels procédés.

Je m’interroge également sur l’élargissement du dispositif aux mineurs émancipés. Est-ce bien raisonnable ? J’espère que le Gouvernement a pleinement mesuré la portée de cette disposition mais je rappelle que celui qui est émancipé peut recevoir et donner.

M. Jean-Pierre Brard – Eh oui, attention aux captations !

M. Roland Muzeau – Pour reprendre le titre d’une émission très populaire que diffuse la chaîne de télévision du Président de la République : « Combien ça coûte ? » Lors de son audition par nos commissions des finances et des affaires sociales, Mme la ministre a parlé de 11 milliards ; puis le rapporteur général a réévalué l’estimation à 13 ou 14 milliards, et la presse table aujourd’hui sur 15 milliards bon poids ! Mais c’est sans compter tout ce qui a été lâché depuis le début de nos travaux à coup de levées de gage. On sait déjà qui va payer l’addition – les classes populaires via les hausses de TVA et de CSG –, mais personne ne semble en mesure d’indiquer son montant exact ! Dans la discussion générale, M. Brard a dit son effroi de voir le malheureux Martin Hirsch sommé de lancer son expérimentation du RSA avec 25 petits millions, soit 600 fois moins que les cadeaux du paquet fiscal…

M. Yves Censi – Vous le dites vous-même, il s’agit d’une expérimentation.

M. Roland Muzeau – Merci de rappeler que cela pose en effet un problème de principe, puisque le traitement réservé aux plus fragiles sera fonction de leur département de résidence. Je me demande donc quelle tête fera M. Hirsch lorsque nous lui demanderons, comme c’est notre devoir de le faire, de relever les plafonds du RSA pour aider les ménages les plus en difficulté.

Madame la ministre, je vous le redis avec force : la représentation nationale a le droit de savoir combien ça coûte lorsque vous levez des gages pour satisfaire les demandes de nos collègues de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Mme la Ministre – Contrairement à ce qui a pu être dit, dans la presse et ici-même, je m’en suis tenue en commission aux chiffres que j’avais toujours avancés : 10,1 milliards en 2008 et 13,5 milliards en année pleine. S’agissant des handicapés, la mesure devrait coûter 20 millions ; pour ce qui concerne le relèvement de 20 000 à 30 000 euros des dons en espèces, il semble raisonnable de tabler sur 2 millions cette année et 5 millions en 2008…

M. Alain Cacheux – Donnez-les plutôt à Hirsch !

L'amendement 445, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Idiart – Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 5, est reprise à 23 heures 10.

M. Jean-Louis Idiart - Rappel au Règlement. Il se passe ce soir, dans cet hémicycle, des choses particulièrement graves. Le pourcentage d’héritiers directs – conjoints et enfants – exonérés s’établissait déjà à 89 %, et, au prix d’un véritable hold-up sur l’argent des Français, la représentation nationale débat depuis des heures pour le porter à 93,7 %. Si vous voulez savoir qui sont les 4 % de Français qui bénéficieront directement de la réforme, reportez-vous à l’exemple très éloquent pris par M. Carrez dans son rapport écrit, à la page 182 : « Un patrimoine de 1,5 million pourra être transmis par un couple à ses deux enfants en franchise de droits. Si l’ensemble avait été transmis par succession, le montant des droits à payer se serait élevé à 113 200 euros – à rapprocher des 200 370 euros qui auraient été dus avant la présente réforme. » Madame la ministre, confirmez-vous les chiffres présentés par notre rapporteur général ? N’est-il pas choquant, au moment où notre pays affronte de graves difficultés, que des cadeaux aussi exorbitants soient faits à 4 % de la population ?

Et vous osez faire figurer de telles dispositions dans un texte en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat ! Nous tenons à dénoncer solennellement ici les cadeaux royaux consentis à quelques-uns pour honorer vos promesses électorales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Alain Cacheux – J’observe que la ministre ne conteste pas les chiffres…

M. Yves Censi – D’une manière générale, je préfère parler de revenu disponible des ménages plutôt que de pouvoir d’achat car c’est bien le revenu disponible que vise à préserver cet article 4. En effet, plus les revenus d’un ménage sont faibles, plus il a de mal à acquitter d’éventuels droits de succession.

Mon amendement 21 a trait à l’assurance-vie, laquelle concerne quelque dix millions de nos concitoyens. Comme vous le savez, les sommes versées sur un contrat d’assurance-vie ne font pas partie de la succession de l’assuré à son décès et sont à ce titre exonérées de droits de succession, quel que soit le degré de parenté du bénéficiaire du contrat avec l’assuré. Elles font toutefois l’objet d’un prélèvement spécifique de 20 % au-delà d’un certain seuil. L’exonération est également limitée pour les souscriptions effectuées au-delà de 70 ans. Mon amendement 21 vise à porter cet âge limite de 70 à 75 ans, afin de tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie depuis l’entrée en vigueur de la mesure en 1991.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement, estimant que nous ne pouvions pas modifier les règles de l’assurance vie au détour de ce texte. Une réflexion sur l’ensemble des dispositifs d’épargne sera bientôt engagée. C’est dans ce cadre que d’éventuelles modifications seront, si nécessaire, apportées à l’assurance-vie.

Mme la Ministre – Avis défavorable.

M. Alain Cacheux – Je souhaite à mon tour dire combien je suis choqué par les amendements de nos collègues de la majorité. Alors que le projet de loi comporte déjà d’énormes avantages au profit d’une petite minorité, ils souhaitent en rajouter !

La citoyenneté est faite de droits et de devoirs, ceux-ci devant être proportionnés aux moyens de chacun. Et le premier des devoirs, notamment de ceux qui ont le plus de moyens, est de payer l’impôt, lequel sert à financer des services qui profitent à tous -cela ne signifie d’ailleurs pas a contrario que ceux qui n’ont pas de moyens n’ont aucun devoir. Mais comment ce qui se passe ici ce soir ne ferait-il pas naître, dans les banlieues et autres quartiers défavorisés, le sentiment qu’il y a deux poids et deux mesures ? Dès lors que certains ici s’arrogent tous les droits, comment rappeler à la citoyenneté ceux qui pourraient être tentés d’outrepasser les leurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard – Tout ce qui excessif est insignifiant !

M. le Rapporteur général – Je ne peux pas ne pas réagir aux interventions de M. Idiart et de M. Cacheux. Comment osez-vous parler de « bassesse » ? Depuis le début de cette discussion, nous n’avons accepté que deux amendements représentant une dépense supplémentaire. Le premier, d’un coût de 20 millions d’euros, est l’excellent amendement de notre collègue Marie-Anne Montchamp en faveur des handicapés. Le second, d’un coût de 5 millions d’euros, porte l’abattement sur les dons manuels de 20 000 à 30 000 euros. Si je comprends bien, votre colère n’est donc justifiée que par l’amendement de Mme Montchamp au profit des handicapés. Je trouve cela choquant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Roland Muzeau – Je suis effaré par la défiance du Gouvernement et de la majorité à l’égard de MM. Marini, de Raincourt, de Rohan,…

M. Michel Bouvard – Nous ne sommes pas au Sénat ! Nous sommes, nous, élus au suffrage universel direct.

M. Roland Muzeau – …qui sont pourtant des champions dans la défense de l’allégement de l’ISF, voire de sa suppression (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

S’agissant de l’amendement en faveur des handicapés, M. Carrez ne manque pas d’air ! Pour avoir participé de bout en bout aux débats sur la révision de la loi de 1975, je me souviens des refus opposés par le gouvernement de l’époque à tous les amendements des groupes communiste, socialiste mais aussi centriste, notamment de M. About, président de la commission des affaires sociales du Sénat, visant à faciliter l’accompagnement 24 heures sur 24 des personnes handicapées, au motif qu’ils coûtaient trop cher.

M. Michel Bouvard – Retournez au Sénat !

M. Roland Muzeau – M. Carrez s’offusque de notre réaction quand nous vous voyons ainsi lâcher les cordons de la bourse. Mais en l’espèce, c’est vous qui manquez d’esprit de responsabilité car c’est il y a peu que nous avons révisé la loi de 1975. Vous devriez vous souvenir de vos positions de l’époque ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – Plusieurs amendements à venir concernent les dispositions du projet de loi visant à moraliser les donations s’agissant des stock-options.

M. Roland Muzeau – Cela ne concerne pas les ouvriers !

M. le Rapporteur général – En tout cas, le problème n’avait jamais été traité jusqu’à présent. Il ne l’avait pas été, par exemple, dans la loi sur les nouvelles régulations économiques.

Les plus-values de cessions d’actions issues de levées d’options bénéficient d’un régime d’imposition spécifique à la condition que la levée ait lieu au moins quatre ans après l’attribution. Nous nous sommes aperçus que, dans certains cas, la levée de l’option était immédiatement suivie d’une donation. Or, les droits de mutation purgent ceux dus au titre des plus-values. Le projet de loi met fin à cette situation anormale.

Sa rédaction appelle néanmoins quelques précisions techniques. La première, qui fait l’objet de l’amendement 65, vise à éviter qu’il y ait double imposition dans le cas où les stock-options n’ont pas été conservées quatre ans et où ne s’applique donc pas le régime d’imposition spécifique.

Mme la Ministre – Avis favorable.

M. Alain Cacheux – Combien de contribuables sont concernés ?

M. Charles de Courson – Beaucoup de nos concitoyens ont été profondément choqués des pratiques de certains grands patrons qui, non contents d’avoir reçu des montants considérables de stock-options, ont échappé à la taxation des plus-values en transmettant les sommes à leurs enfants immédiatement après avoir levé leurs options. Le dispositif prévu dans le projet de loi, qui y mettra fin, devrait donc faire l’unanimité. Mais je souhaiterais savoir à quelle date s’appliqueront les nouvelles dispositions.

M. le Rapporteur général – À compter du 20 juin – pour les attributions, mais non pour les levées.

M. Alain Cacheux – Petite moralisation ! Enfin, c’est mieux que rien.

M. le Rapporteur général – C’est une moralisation qui s’inscrit dans la durée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je suis offusqué, Monsieur Carrez, de la façon dont vous interprétez notre réaction tout à l’heure. S’agissant de l’amendement de Mme Montchamp, j’ai parlé de « rayon de soleil dans cette bassesse » – les comptes rendus en feront foi.

D’autre part, d’où sortez-vous ce montant de 20 millions d’euros pour le coût de l’amendement en faveur des handicapés ? Et combien de successions sont concernées ?

Les services de l’État peuvent-ils nous dire le nombre de successions ouvertes en 2006 avec pour bénéficiaire un handicapé, et le montant des droits correspondants ? Ce que nous demandons dans ce débat, c’est la vérité, en particulier dans les chiffrages, afin de pouvoir comparer ce qui est accordé aux uns et aux autres. La principale vérité, à nos yeux, c’est que vous êtes en train de servir la soupe à une toute petite minorité de Français, et que l’addition sera supportée par tous les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Président – Si vous revenez sans cesse sur des débats qui ont déjà été tranchés par des votes, nous serons encore là demain soir…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous n’avons pas eu de réponse !

L'amendement 65, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement !

Ce soir, le Président de la République a présenté à Épinal sa conception du fonctionnement des institutions républicaines. Il a évoqué non sans gravité le principe de responsabilité et le débat démocratique.

Dans celui qui nous occupe, dans lequel j’arrive tardivement mais que j’ai suivi à distance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), des questions ont été posées de manière récurrente sur l’impact des mesures proposées – que le Gouvernement se doit de présenter afin que les choix des députés soient éclairés.

Le problème est le suivant. Il y a dans notre pays 500 000 décès par an. 89 % des successions sont aujourd’hui exonérées de droits ; vous voulez en exonérer 4 % de plus, soit 20 000. Cela représente 1,7 milliard d’euros d’allégements, soit un chèque de 85 000 euros pour chacune de ces successions…

Madame la ministre, vous apprendrai-je que l’ancien PDG de General Motors, milliardaire parmi les milliardaires, a expliqué au soir de sa vie qu’il déshériterait totalement ses enfants afin de leur apprendre la valeur du travail et de ne pas leur donner le goût de la rente, et a décidé de léguer la totalité de sa fortune à l’État ? Comment se fait-il que vous défendiez une politique qui est aux antipodes des idées de cet homme, dont vous avez dû pourtant vous sentir proche au cours de votre carrière, vous dont le discours à cette tribune ressemblait à du Abraham Lincoln ?

Expliquez-nous en quoi il est d’intérêt général de faire un chèque de 85 000 euros aux 20 000 familles les plus riches de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean-François Copé – Monsieur Montebourg, votre discours aurait pu être tenu par votre arrière-grand-père, tant il paraît d’un autre temps… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) En évoquant l’intervention du Président de la République à Épinal, vous avez relevé ce mot magnifique de responsabilité. La vôtre est de vous opposer, la nôtre est de mettre en œuvre une politique pour laquelle les Français nous ont élus. Parmi les engagements que nous avons pris devant eux, il y a ces dispositions sur les droits de succession. Notre détermination est donc totale, parce que les Français attendent des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Sarkozyste de fraîche date, M. Copé fait du zèle… Mais j’en reviens à notre sujet. Nous n’arrivons pas à obtenir d’explications claires du Gouvernement, que nous voyons plonger les mains dans les caisses de l’État pour distribuer des cadeaux. Ce qui sera pris maintenant, n’est-ce pas, pendant la trêve estivale, ne sera plus à prendre ! C’est indécent.

Permettez-moi de vous lire quelques lignes : « Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques. Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés comme hors d’eux-mêmes à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous ». Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique.

Et il ajoute : « Si à ce moment critique un ambitieux habile vient s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte ». Mettez un nom, très contemporain, sur cette réflexion profonde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme la Ministre – Que vous m’interpelliez parfois de manière un peu discourtoise a peu d’importance. Que vous mettiez en cause mon administration me dérange beaucoup plus.

La direction générale des impôts s’est basée sur les statistiques et sur les enquêtes auxquelles elle procède auprès des différentes directions des services fiscaux, et a fixé son estimation à 20 millions, considérant que le nombre de personnes handicapées pour 2007 et 2008 serait le même que celui de 2006. Je ne dispose pas ce soir de tout le détail du dossier, mais je me ferai un plaisir de vous le faire parvenir au plus vite, dans les conditions de transparence qui président à nos relations avec la commission des finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Madame la ministre, vous devez ce chiffre à la représentation nationale, et il doit figurer au Journal officiel. Et rien ne dit que nous ne considérerons pas les analyses de vos services comme pertinentes, une fois que nous en aurons eu connaissance – même si le résultat ne peut être, par définition, qu’une approximation !

Une réelle incertitude demeure sur le contenu, et donc sur l’efficacité du dispositif fiscal qui est mis en place, mais la précision est pourtant indispensable, ne serait-ce que pour permettre les comparaisons avec le dispositif du RSA.

M. le Rapporteur général - L’amendement 189 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 189 rectifié, approuvé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L’amendement 66 précise le seuil de cession au-delà duquel les plus-values d’acquisition d’actions issues de levées d’option sont imposables. La rédaction actuelle fait peser une ambiguïté, et il faut préciser que le seuil de 20 000 euros vaut pour l’ensemble des plus-values.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Alain Cacheux – Une nouvelle fois, vous ne vous intéressez qu’à une infime minorité de nos concitoyens – en l’occurrence, il s’agit des sociétés holdings ! Déjà, 89 % de nos concitoyens étaient exonérés de droits de succession, et les amendements de la majorité se succèdent depuis deux heures pour élargir encore ces avantages ! Le rapporteur général et la ministre essayent certes de résister, mais ils avaient ouvert les vannes… La vérité est qu’on accorde un chèque de 85 000 euros à chacune des 20 000 personnes concernées par vos amendements !

M. le Rapporteur général – Cet amendement vise simplement à corriger un oubli de la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui définissait un régime des stock-options auquel nous n’avons pas touché de toute la législature précédente.

M. Alain Cacheux – Les couches populaires sont-elles concernées par les stock-options ?

M. le Rapporteur général – Nous avons observé des montages d’optimisation fiscale consistant à opérer une donation immédiatement après la levée d’option. Nous corrigeons cet effet pervers : c’est donc un amendement de moralisation.

M. Arnaud Montebourg – De démoralisation !

M. Alain Cacheux – Quels amendements proposez-vous pour le reste des Français ?

L'amendement 66, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 67 est particulièrement important : il vise à maintenir les taux réduits d’imposition en cas de rachat d’entreprises par les salariés.

Mme la Ministre - Avis favorable, et je lève le gage. 

L'amendement 67, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 68 vise à limiter l’imputation d’une moins-value de cession de stock-options sur la plus-value d’acquisition au montant de cette plus-value d’acquisition. Il fait partie de cet ensemble d’amendements de moralisation du régime fiscal des stock-options.

M. Alain Cacheux – Qui seront très utiles dans les banlieues !

Mme Sandrine Mazetier – Tout cela n’a rien à voir avec la morale ! Depuis le début de ce débat, on frise l’obscénité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; protestations sur les bancs du groupe UMP). On consacre des milliards à des privilégiés, mais rappelez-vous : durant la campagne présidentielle, un jeune héros de la télévision, Grégory Lemarchal, est mort d’une maladie pour l’instant incurable, la mucoviscidose, soulevant une immense émotion dans tout le pays. Au cours de la soirée que lui a consacrée TF1, une multitude de petites gens ont donné de petites sommes, certes, mais qui représentaient beaucoup pour leur budget. L’ensemble a atteint 10 millions… soit le montant du chèque que vous avez adressé au titre du bouclier fiscal – à 60 % - à l’une des plus grandes fortunes de France ! Ne parlez pas de morale, elle n’a rien à voir dans tout cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

L'amendement 68, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Idiart – Madame la ministre, nous vous avons demandé un chiffre et nous souhaitons l’obtenir ce soir. Je ne vois pas comment ce serait hors des capacités d’une administration aussi moderne et performante que la nôtre ! Nous avons besoin de ce chiffre pour poursuivre un débat particulièrement important, puisque vous nous proposez de renoncer à des recettes. Je pense par ailleurs que nous n’aurions pas posé la question avec autant d’insistance si le rapporteur général avait usé d’un autre ton pour nous répondre… Vous avez choisi l’articulation du débat, l’ordre des articles, ne nous dites pas que vous ne pouvez pas nous donner les éléments dont nous avons besoin pour travailler !

M. Yves Censi – Pourquoi ne les avez-vous pas demandés en commission ?

M. Jean-Louis Idiart – Ne nous accusez pas non plus de mettre l’administration en cause : elle est sous votre responsabilité. En attendant ce chiffre, Monsieur le président, nous demanderons une suspension de séance.

M. Charles de Courson – Tout ce débat est quand même étonnant, car les explications demandées figurent en grande partie dans le rapport. En effet, 950 millions, sur 1,6 milliard d’exonérations, représentent le relèvement de 50 000 à 150 000 euros de l’abattement par enfant. Le calcul est donc tout simple, Monsieur Montebourg : une augmentation de 100 000 euros avec un barème allant de 5 à 40 %, cela donne une fourchette de 5 000 à 40 000 euros ! Si l’on tient compte du fait que la mesure est quelque peu réduite par la suppression de l’abattement global de 50 000 euros, le calcul n’est guère plus compliqué : si vous avez deux enfants, leur abattement s’élève certes à 150 000 euros, mais ils perdent chacun la moitié de l’ancien abattement global et il reste une augmentation de 75 000 euros par personne. La fourchette va alors de 5 % à 40 % de 75 000 euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Il suffit de lire le rapport pour obtenir cette réponse, et il en va de même pour toutes les mesures valables entre conjoints : il faut multiplier le différentiel par le taux !

M. Jean-Pierre Brard – Vous auriez dû être ministre !

M. Jean-Louis Idiart – Nous n’avons pas le chiffre que nous avons demandé à Mme la ministre. Nous demandons une suspension de séance.

M. le Président – La ministre a pris un engagement, mais la suspension est de droit.

M. Jean-Louis Idiart – Si la réponse est aussi simple que le considère M. de Courson, je suppose que l’administration doit pouvoir donner ces chiffres !

Mme la Ministre – Ainsi que je l’ai déjà dit, le triplement de l’abattement concernant les personnes handicapées est estimé à 20 millions. Pour obtenir ce chiffre, la DGI s’est fondée sur des statistiques et sur des enquêtes effectuées auprès des DSF, le tout sur la base du nombre des personnes handicapées observé en 2006. Je m’engage à vous donner l’ensemble des éléments chiffrés demain matin.

M. le Rapporteur général – On ne peut pas être plus précis !

M. Alain Cacheux – Bien sûr que si ! Je ne conteste pas que le chiffre de 20 millions soit pertinent, mais nous avons besoin de savoir combien de personnes sont concernées par cette disposition. Sachant que 89 % de la population est déjà exonérée et que le niveau de vie des personnes handicapées est nettement inférieur à la moyenne, combien de personnes se partagent ces 20 millions ?

M. le Président – Mme la ministre vient de vous dire que les chiffres vous seraient communiqués dès demain !

M. Jérôme Chartier – Il ne faut tout de même pas exagérer ! La ministre a pris cet engagement plusieurs fois, et l’amendement est voté. Que cherchez-vous ? Si vous tenez vraiment à bloquer le débat, usez de tous les artifices de l’obstruction que vous connaissez si bien, multipliez les éclats de voix et les mouvements de manche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), mais ensuite, laissez-nous avancer !

M. François Brottes – Nous avons besoin de transparence !

M. Jérôme Chartier – Le débat a déjà bien progressé. Nous avons su écouter vos interventions lorsqu’elles le méritaient. Acceptez d’attendre quelques heures pour laisser se dérouler le travail de l’Assemblée !

M. Alain Cacheux – Ce que nous cherchons ? Mais à éclairer l’opinion sur la nature des mesures que vous nous proposez – injustes, scandaleuses, indécentes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Cet article ne concerne qu’une infime minorité de personnes. C’est pour le démontrer encore une fois que nous demandons, en plus du coût de la mesure, le nombre de personnes concernées. Nous n’avons pas la réponse et demandons donc une suspension de séance.

La séance, suspendue à minuit, est reprise le vendredi 13 juillet à 0 heure 5.

M. Alain Cacheux – Nous ne cherchons pas à faire de l’obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais à éclairer l’opinion sur la nature véritablement scandaleuse de votre projet. Nous prenons acte de ce que le Gouvernement n’est pas en mesure de préciser ce soir le nombre de personnes concernées par le dispositif qu’il propose, mais nous voulons pouvoir disposer de ces indications dès 9 heures 30, à la reprise de nos travaux… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Et maintenant, un ultimatum !

M. Alain Cacheux – …pour faire comprendre à l’opinion que tout ce dont nous parlons depuis deux heures ne concerne qu’une infime minorité. C’est un très mauvais exemple de citoyenneté, cette citoyenneté à laquelle on appellerait si les banlieues venaient de nouveau à s’embraser (« Pyromane ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Alain Cacheux – Les pyromanes, c’est vous !

M. Michel Bouvard – Si vous avez des doutes sur les chiffres que vous a donnés Mme la ministre ou si vous les considérez comme incomplets, que ne vous servez-vous des instruments mis à la disposition du Parlement par la loi organique ? Que ne demandez-vous au président de la commission des finances, qui appartient à l’opposition, de diligenter un contrôle sur pièces et sur place, au lieu de faire des injonctions au Gouvernement et de retarder nos travaux ?

M. Alain Cacheux – Notre débat se prolonge parce que nous avons du mal à nous faire comprendre. Nous n’avons pas mis en doute l’estimation de la Mme la ministre, mais demandé avec persévérance le nombre de personnes concernées, pour démonter valablement que 89 % des successions étant déjà exonérées, la mesure ne concerne ne fait que 4 % de nos concitoyens.

M. le Président – Nous avons pris acte de ce message, plusieurs fois répété. J’appelle l’amendement 409.

M. Jean-Claude Sandrier – Sur cet amendement, je demanderai un scrutin public et je vous prierai, Monsieur le Président, de bien vouloir faire vérifier le quorum. 

M. Jean-Pierre Brard – Avant de défendre l’amendement 409, je tiens à faire une mise au point. Contrairement à ce qu’a laissé entendre la ministre, je n’ai jamais mis en cause ses services. Ce n’est pas moi qui réduis l’effectif des fonctionnaires du ministère des finances ni qui rends si difficiles leurs conditions de travail ! Nous n’avons vraiment pas de leçons à recevoir à ce sujet.

« Je propose que chacun puisse transmettre à ses enfants sans aucun droit de succession le patrimoine constitué tout au long d'une vie de travail. » Tels sont les mots prononcés par Nicolas Sarkozy le 22 juin 2006 à Agen. Selon les économistes du site débat2007.fr, la suppression totale des droits de succession coûterait entre 6,3 et 6,65 milliards à l'État. En effet, en 2005, ils ont rapporté 7,338 milliards, et l’économiste responsable du site évalue le coût de la mesure entre 90 % et 95 % de ce montant. François Fillon, qui met en avant le fait que les héritiers dépenseront cet argent et paieront ainsi la TVA, ne croit bien entendu pas un mot de ce qu’il dit (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Les approximations du Président de la République se poursuivent avec l'expression « vie de travail ». On pense évidemment aux revenus accumulés par les ménages au fil d'une vie de salariat. Or, estime Vincent Drezet, chargé de la fiscalité au Syndicat national unifié des impôts, « il est impossible d'édicter une règle fiscale qui dissocierait ces revenus des autres ». Selon lui, la mesure toucherait forcément l'ensemble des biens à transmettre et non, seulement, ceux issus du travail. Au delà du manque à gagner pour l'État, il pointe l'augmentation des inégalités qui découlerait de la suppression de cet impôt. Même Alain Lambert, ancien ministre délégué au budget, reconnaît qu'il faut bien continuer à prélever quelques impôts, « sauf à ce que l'État n'ait plus les moyens d'accomplir ses missions ». Et selon le rapport que M. Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, a consacré en 2002 aux successions et aux donations, près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % des transmissions en ligne directe n'avaient donné lieu à aucune perception de droits de succession en 2000.

Vous faites de la propagande lorsque vous parlez de 95 % de personnes qui ne paieront plus de droits de succession, puisque, déjà près de 90 % n’en payent pas ! Les fameuses classes moyennes ne sont donc pas concernées par cette mesure, qui, comme les autres, vise une minorité de contribuables. C’est pourquoi l’amendement 409 tend à écarter les ayants droit les plus fortunés des bénéfices prévus par l’article 4. Et cessez, Monsieur Copé, de nous dire qu’en votant pour Nicolas Sarkozy, les Français ont voté pour votre « paquet cadeau » ! Je vous propose de rencontrer les habitants des HLM de Meaux, et que, chiffres à l’appui, nous comparions les cadeaux que vous destinez aux plus riches et ce que vous prévoyez pour le RSA.

M. Jean-François Copé – D’accord !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

Mme la Ministre – Même avis.

M. le Président – Je suis saisi par le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande faite en application de l’article 61 du Règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l’amendement 409. Je constate que le quorum n’est pas atteint. En conséquence, je renvoie ce vote à demain matin.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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