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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 16 juillet 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
15ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente.

TRAVAIL, EMPLOI, POUVOIR D’ACHAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

ART. 7 (suite)

M. Jean-Pierre Brard – Je suis très heureux de reprendre une discussion décidément très bien articulée : après avoir débattu ce matin de la loi de règlement du budget 2006 et cet après-midi du débat d’orientation budgétaire, nous poursuivons ce soir, grâce à la pugnacité dont l’opposition a fait preuve, la discussion du projet en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – ainsi nommé par antiphrase.

Cet enchaînement présente la vertu pédagogique de démontrer vos véritables intentions quant à l’ISF – que vous faites disparaître sans l’admettre ouvertement – ou en matière de CSG et de CRDS. S’il est rare, Madame la ministre, que vous critiquiez des économistes en vue qui ne partagent pas votre position, c’est en revanche ce qu’a fait cet après-midi M. Woerth. Ainsi parvenons-nous peu à peu, ainsi que nos collègues socialistes, à nos fins, si l’on en croit la résonance de nos débats dans la presse – du Figaro (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) aux Échos, en passant par La Tribune : tous ont stigmatisé l’inefficacité de votre projet de loi et des cadeaux qu’il comporte, lesquels ne sont pas destinés aux contribuables.

Notre amendement 425 vise à la fois à la morale et à l’efficacité – puisqu’il propose d’éviter de dilapider les fonds des entreprises. Il s’agit de plafonner les éléments de rémunération, d’indemnités et d’avantages des dirigeants d’entreprises à vingt fois le salaire mensuel moyen des salariés – somme déjà considérable : offre-t-on vingt fois son revenu à un smicard qui quitte l’entreprise ? La mesure que vous proposez demeure très insuffisante, voire hypocrite, puisque, prétendant stigmatiser les dirigeants médiocres, elle laisse les autres s’engraisser sans frein. Si les émoluments des dirigeants sont mieux surveillés et plus transparents qu’autrefois, ils n’ont, malgré les multiples scandales récents, guère fléchi, et leur montant faramineux ne se justifie par aucune référence à la valeur travail, que vous ne cessez pourtant d’invoquer. Ainsi, la moyenne des rémunérations des patrons du CAC 40 s’élevait en 2006 à 2,2 millions d’euros, montant exorbitant – en dépit de fortes disparités –, surtout lorsque la multiplication des plans sociaux en est le prix. Nous vous proposons donc de revenir à davantage de mesure, ce qui devrait arracher de nombreux dirigeants d’entreprise français à la bulle qui les sépare des réalités économiques.

Cet amendement s’apparente en définitive à un utile compromis : vous avez suggéré, Madame la ministre, d’ériger un droit d’exception en écartant le législateur de ce qui se passe dans l’entreprise, au profit du conseil d’administration, c’est-à-dire, en dernière instance, des actionnaires, auxquels il reviendrait de déterminer ce que vous appelez les critères de performance. Nous proposons au contraire que le législateur se mêle de ces questions en définissant un critère qui moraliserait l’entreprise, milieu dont vous savez, Madame la ministre – car, s’il est un reproche que l’on ne peut vous faire, c’est bien d’ignorer ces réalités –, combien l’élévation morale y est faible.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – C’est insultant !

M. Jean-Pierre Brard – De m’interrompre ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Les médias ont fait état de suffisamment d’excès pour qu’il soit nécessaire d’établir des garde-fous.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances Avis défavorable. Je rappelle que, comme nous l’avons dit vendredi soir, ce texte est extrêmement novateur dans la mesure où il lie les rémunérations différées à la performance des dirigeants.

M. Jean-Pierre Brard – Sans contrôle !

M. le Rapporteur général – Si, car le versement de la rémunération fixée quelques années auparavant, décidé par le conseil d’administration, est subordonné au respect de la performance. Ce dernier critère a été préféré à l’établissement d’un plafond, très difficile à justifier. En outre, nous avons adopté vendredi après-midi un amendement de M. Michel Bouvard qui plafonne la déductibilité du compte d’exploitation en charges à un million d’euros.

M. Georges Mothron – Un excellent amendement !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploiLe Gouvernement est également défavorable à l’amendement 425, car il persiste à considérer que la détermination des critères d’appréciation comme l’appréciation elle-même relèvent de la compétence du conseil d’administration et de l’assemblée générale des actionnaires – ou du conseil de surveillance et de l’assemblée générale des actionnaires – s’agissant de la fixation des critères au moment de l’établissement du contrat, puis du conseil d’administration au moment de l’évaluation des performances. C’est la logique même de ce texte que de leur confier cette tâche plutôt qu’au législateur.

M. Michel Bouvard – Tout à fait !

M. le Président – Monsieur Brard, vous avez la parole, mais je vous rappelle qu’en vertu de notre Règlement il ne s’agit là que d’une faculté.

M. Jean-Pierre Brard – C’est même en quelque sorte l’effet de la seule bonté du Président ! (Sourires) Je suis satisfait, Madame la ministre, de voir confirmé votre entêtement – devrais-je dire votre persévérance ?

M. Jérôme Chartier – Sa détermination !

M. Jean-Pierre Brard – Je regrette que nous en arrivions au terme de la discussion de l’article 7, alors même qu’enfin Mme la ministre me répond !

M. Jérôme Chartier – Mme la ministre vous répond depuis le début !

M. Jean-Pierre Brard – Permettez-moi de vous faire profiter de cette citation d’Einstein – que j’adressais tout à l’heure à M. Woerth –, pleine de sagesse et que vous illustrez à merveille : « Un préjugé est plus difficile à casser que l’atome. » Ainsi préjugez-vous de la moralité de personnes qui se retrouvent de conseil d’administration en conseil d’administration et sont fort peu désireuses, quelles que soient les performances, de se nuire – et vous le savez bien ; mais vous avez besoin de présenter à l’opinion un habillage, d’où cet article 7.

L’amendement 425, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Vous prônez, Madame la ministre, la circulation de l’argent ; de notre côté, nous défendons la circulation du pouvoir, qui ne doit pas rester aux mains des seuls actionnaires au détriment de ceux qui produisent les richesses, ceux qui – pour recourir à un vocabulaire qui vous est certainement familier – possèdent la force de travail. Afin de le partager plus équitablement, l’amendement 427 propose ainsi que le versement des indemnités et avantages patronaux soit soumis à l’avis conforme du comité d’entreprise.

M. Michel Bouvard – C’est la jurisprudence EDF !

M. Jean-Pierre Brard – En effet, ces questions relèvent du périmètre de compétence des comités d’entreprise, qui ont vocation à être informés et consultés s’agissant des questions qui intéressent l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. Comment douter du fait que la cessation ou la modification des fonctions d’un dirigeant affectent directement ces dernières, étant donné non seulement l’importance des sommes en jeu et l’impact de pratiques prédatrices sur l’image de l’entreprise, mais aussi l’exigence de transparence vis-à-vis des salariés ? Pour prendre l’exemple d’un dossier que vous avez eu à étudier aujourd’hui, Madame la ministre, ne pensez-vous pas que, si les salariés du comité d’entreprise d’EADS avaient disposé des éléments nécessaires et avaient été associés aux décisions prises, nous ne serions pas témoins d’une situation aussi délicate et contraire à l’intérêt national comme à celui de l’industrie aéronautique européenne ?

Cette proposition de démocratisation du fonctionnement des entreprises devrait vous réjouir, Madame la ministre, vous qui vous prononcez souvent en faveur de la participation des salariés : je ne doute pas que vous approuverez cette concession à vos positions !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Je rappelle, Monsieur Brard, qu’en 2001 la majorité à laquelle vous apparteniez n’avait absolument pas envisagé, dans le cadre de la loi NRE, de soumettre les rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux à l’avis conforme du comité d’entreprise.

M. Michel Bouvard – Le rapporteur général avait même émis un avis défavorable !

M. le Rapporteur général – Nous proposons au contraire d’accroître la transparence de la décision et le pouvoir donné aux salariés, puisque, comme l’a reconnu M. Brard, la rémunération différée devra faire l’objet d’un accord du conseil de surveillance, où siègent des représentants du personnel. Cela constitue un progrès par rapport à la loi NRE.

Mme la Ministre – J’hésite à livrer une réponse que M. Brard a déjà anticipée…

M. Jean-Pierre Brard – C’est que je commence à vous connaître, au bout d’une semaine de cohabitation !...

Mme la Ministre – Une semaine fructueuse et intéressante !

Deux représentants du comité d’entreprise siègent au conseil d’administration et sont par-là même destinataires des informations et des documents que reçoivent les administrateurs.

En outre, à chaque nouveau mandat des dirigeants, les critères d’appréciation de la performance sont réexaminés.

Par ailleurs, je ne pense pas que la notion d’avis conforme puisse s’appliquer à l’avis d’un comité d’entreprise – qui ne peut être que favorable ou défavorable.

M. Roland Muzeau – Vous pouvez sous-amender !

Mme la Ministre – Je m’en abstiendrai… Enfin, nous n’avons pas besoin de ce genre de dispositions pour pratiquer le dialogue avec les organisations représentatives des salariés ; j’étais par exemple cet après-midi avec des représentants des organisations syndicales et du comité central d’entreprise d’EADS pour évoquer avec eux la situation de la filière aéronautique et le changement de gouvernance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le rapporteur général, vous vous rappelez certainement qu’en 2001, nous avions déjà défendu un amendement pour donner plus de pouvoir aux comités d’entreprise – car nous, quand nous étions dans la majorité, nous défendions toujours nos amendements en séance, nous n’avons jamais avalé notre chapeau, même s’il fallait bien finir par s’incliner ! Quand la gauche reviendra au pouvoir, il faudra qu’elle s’occupe de cela.

L'amendement 427, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois – L’amendement 3 rectifié concerne la mission d’attestation des commissaires aux comptes relative aux rémunérations et avantages de toute nature versés à chaque mandataire social. Suggérée dès 2003 par la mission d’information de la commission des lois sur la réforme du droit des sociétés, puis formalisée en 2004 dans une proposition de loi du président Pascal Clément, elle avait été inscrite dans la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie ; mais lors de la codification de la partie réglementaire du code du commerce, cette disposition législative avait été déclassée. Nous lui proposons ici de lui redonner valeur législative.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

Mme la Ministre – L’attestation par les commissaires aux comptes concourt à la bonne information du public et des actionnaires, mais les dispositions figurant à l’article R. 823-7 du code de commerce nous paraissant suffisantes, j’invite la commission des lois à retirer son amendement ; à défaut, je m’en remettrais à la sagesse de l’Assemblée.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois – Je le maintiens.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cet amendement vise-t-il la rémunération et les avantages eux-mêmes, ou les informations ayant servi à les fixer ?

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois – La rémunération et les avantages.

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – Les amendements 83 rectifié, 84 et 85 sont rédactionnels.

Les amendements 83 rectifié, 84 et 85, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean Launay – Notre amendement 323 vise à définir les règles minimales que devrait respecter un comité de rémunérations. Celui-ci aurait notamment la charge d’examiner les modalités de rémunération du président et des directeurs généraux, auxquels il serait interdit d’en faire partie ; il aurait aussi à établir un rapport annuel à l’attention de l’assemblée générale des actionnaires.

M. le Rapporteur général – Rejet, car le fait de donner un statut juridique au comité de rémunérations aurait pour effet de pousser le conseils d’administration ou de surveillance à se défausser sur lui.

Mme la Ministre – Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le conseil d’administration ou de surveillance conserverait le pouvoir de décision, mais l’avantage serait qu’il pourrait s’appuyer sur les suggestions d’une instance détachée du président.

L'amendement 323, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Par notre amendement 327, nous proposons que l’assemblée des actionnaires délibère chaque année sur une résolution présentée par le conseil d’administration ou le directoire, fixant, pour l’exercice à venir, le rapport entre la plus haute rémunération et la rémunération minimale versée à un salarié à temps plein. Tout le monde se souvient des sommes touchées par M. Forgeard…

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Vous êtes perfectionniste, mais mieux vaut s’en tenir à ce qui a été prévu par la loi NRE – le rapport annuel mentionne l’intégralité des rémunérations.

L'amendement 327, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Notre amendement tend à prévoir l’information des sections syndicales et du comité d’entreprise.

L'amendement 325, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay - L’amendement 324 vise à lier à la mise en place ou au renouvellement d’un accord d’intéressement la possibilité d’offrir aux dirigeants de la société une rémunération variable. L’évaluation de la performance de l’entreprise pourrait d’ailleurs influer sur les critères d’attribution de la part variable ou exceptionnelle de la rémunération offerte aux dirigeants.

L'amendement 324, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois L’amendement 4 supprime une référence erronée.

L'amendement 4, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois L’amendement 5 est de coordination.

L'amendement 5, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson - L’article 7 vise à encadrer les parachutes dorés, en fixant des règles de performance. La meilleure régulation de ces abus consiste à faire jouer la démocratie économique, et donc à soumettre la rémunération des dirigeants à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires, comme le prévoit l’amendement 379 rectifié. C’est le système que viennent d’adopter les Britanniques et qui entrera en vigueur dès octobre 2008. Un dirigeant aura bien des difficultés à expliquer devant une assemblée de plusieurs centaines, voire milliers, d’actionnaires certains avantages, qui n’existent chez nous qu’en raison de l’opacité des pratiques en vigueur. Nous connaissons le fonctionnement des conseils d’administration, avec des administrateurs, dits indépendants, qui siègent dans de nombreux conseils différents. Les dispositions de l’article 7 sont insuffisantes.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Dans le cadre de la loi pour la confiance et la modernisation, l’ensemble des éléments de rémunération différée ont été traités en conventions réglementées et, de ce fait, passent devant l’assemblée générale des actionnaires. En outre, avec le présent article 7, ces conventions feront l’objet d’une présentation séparée, mandataire par mandataire. Enfin, au moment de verser ces rémunérations, le conseil d’administration est appelé à en décider. Nous allons donc plus loin que le système britannique : en Grande-Bretagne, si, lors de la signature du contrat d’embauche, une rémunération différée est prévue, il n’y a aucun contrôle au moment du versement.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Charles de Courson - Dans le nouveau texte anglais, qui sera applicable en octobre 2008, les assemblées générales peuvent bloquer la décision du conseil d’administration. Si vous prévoyez, quant à vous, une information de l’assemblée, celle-ci n’a aucun pouvoir de blocage.

L'amendement 379 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Jean Launay - Vous justifiez les parachutes dorés par la performance de l’entreprise. Pour nous, la performance est le fruit de la mobilisation de l’ensemble des salariés. Or, alors que le pouvoir d’achat des salariés ne progresse que très modestement, la rémunération des mandataires sociaux atteint des sommes sans précédent, par le biais des stock-options. L’amendement 319 vise à ce que l’ensemble des salariés bénéficient de la plus-value constituée par ces derniers. La moitié au moins de cette plus-value devrait soit être rétrocédée sous forme d’un supplément exceptionnel de participation, soit faire l’objet d’un versement complémentaire par l’entreprise.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Sous la précédente législature ont été prises des dispositions en faveur du développement des accords d’intéressement et de la distribution d’actions gratuites pour l’ensemble du personnel.

Mme la Ministre – L’amendement tend à répartir la plus-value générée à l’occasion d’une levée de stock-options entre le bénéficiaire de ces titres et la collectivité des salariés, au titre du régime de la participation. Le gouvernement y est défavorable, d’une part, parce que c’est la dénaturation d’un lien contractuel au bénéfice de tiers et, d’autre part, parce que le régime de la participation ne peut s’appliquer que lorsqu’il existe un bénéfice net à répartir en vertu d’un accord de participation, dont le rapporteur général vient d’ailleurs de rappeler que l’on avait élargi le champ d’application et facilité l’usage.

L'amendement 319, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avisJe souhaite, en présentant l’amendement 110, souligner l’intérêt des groupements d’employeurs, outil mal connu et qui, à tort, fait peur.

M. Roland Muzeau – Non ! À raison !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avisCréés en 1985, les groupements d'employeurs permettent aux entreprises qui en sont membres de recourir à des salariés mis à leur disposition par le groupement. Les salariés signent avec le groupement d’employeurs un contrat de travail, qui a vocation à être à durée indéterminée. Lorsque le besoin d'une entreprise est satisfait, le salarié est mis à la disposition d'une autre entreprise ; il bénéficie ainsi d'une stabilité d'emploi. L'intérêt de cette formule pour la croissance et l’emploi a été souligné par le Conseil économique et social.

Afin de favoriser le développement des groupements d'employeurs, le législateur a progressivement permis à de plus en plus d’entreprises d’y adhérer. De dix salariés en 1985, le plafond d'effectifs a été fixé à 100 en 1987, puis à 300 en 1993. Depuis l'entrée en vigueur de la loi Aubry II et de la loi du 23 février 2005, toute entreprise, quels que soient ses effectifs, peut y adhérer. Cependant, l'adhésion des entreprises de plus de trois cents salariés est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif ou d'un accord d'établissement. Cette exigence constitue un obstacle à l’adhésion d'établissements dans des groupements qui pourraient irriguer tout un bassin d'emplois.

Je voudrais citer deux exemples. La création dans le bassin de Dreux, grâce à un groupement, de contrats à durée indéterminée à temps plein sur des postes de techniciens et d’opérateurs, qui, le plus souvent, accumulent des contrats à durée déterminée ou des missions d'intérim, permettrait de « déprécariser » l'emploi de ces personnes et de maintenir les compétences dans le bassin. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, d’autre part, les grandes enseignes de la distribution souhaiteraient s'associer, sur des postes de caissières, de manutentionnaires et de caristes ; là encore, cela permettrait de créer ainsi des CDI à temps plein.

La commission propose de supprimer l'obligation de conclure un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette réforme ne devant pas être perçue comme une atteinte aux institutions représentatives du personnel, l’amendement 110 propose également d'obliger les entreprises à informer ces institutions de la constitution et de la nature du groupement d'entreprise, ainsi que du nombre de salariés mis à disposition par le groupement.

M. le Rapporteur général – La commission a émis un avis défavorable, conformément à une position que j’ai exposée dès mardi dernier. Le texte étant très complexe, nous avons décidé de ne retenir aucun amendement qui n’aurait pas de lien direct avec son contenu, comme c’est le cas de cet amendement.

Mme la Ministre – Le Gouvernement attache une importance particulière aux groupements d’entreprise, et leur consacrera certainement un texte à l’avenir. Néanmoins, votre amendement modifie le code du travail. Vous savez que cela n’est possible qu’après concertation avec les partenaires sociaux. Je vous propose donc de le retirer.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis – Je vous remercie de cette promesse. Les groupements d’employeurs sont de véritables gisements d’emplois qu’il faut se donner les moyens d’utiliser. Je retire donc l’amendement.

M. Roland Muzeau – C’est dommage ! J’avais bien des choses à dire sur le sujet…

L'amendement 110 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je souhaite faire un rappel au Règlement.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis L’amendement 111 visait à permettre aux collectivités d’adhérer auxdits groupements. Je le retire donc également.

L'amendement 111 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je vous demande la parole, Monsieur le président.

M. le Président – La parole est à M. Launay pour défendre l’amendement 321.

M. Jean Launay – Les plus-values réalisées dans le cadre de mécanismes des options d’achat représentent souvent des sommes considérables. L’amendement 321 vise à leur imposer un prélèvement de 8 %, soit le même taux que celui qui est appliqué aux cotisations vieillesse. Cela permettrait d’abonder le fonds de réserve des retraites, qui est en difficulté.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

Mme la Ministre – Également. Je vous rappelle que l’article 4 de ce projet de loi a comblé un vide juridique concernant la donation en franchise d’impôt d’une plus-value réalisée après la levée d’une option d’achat. Vous proposez de quadrupler l’impôt sur ces plus-values : ce n’est pas acceptable.

Je profite de cette dernière intervention ce soir pour remercier la présidence, le rapporteur général, les rapporteurs pour avis, le président de la commission des finances, les parlementaires de la majorité et de l’opposition et l’ensemble des services de l’Assemblée qui ont travaillé sur ce texte et permis que le débat soit fécond (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 321, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart – Rappel au Règlement. Monsieur le président, vous avez refusé la parole à un député de l’opposition, alors qu’il aurait été utile de l’entendre sur un amendement en discussion. Le débat s’est déroulé dans un bon esprit jusqu’ici. Si M. Le Bouillonnec n’est pas autorisé à prendre la parole, je me verrai contraint de demander une suspension de séance au nom de mon groupe : celle-ci sera de droit.

M. le Président – Tout n’est pas de droit, Monsieur Idiart. L’amendement en question avait été retiré ; il n’était donc plus en discussion. Nous en venons à l’article 8.

M. Jean-Louis Idiart – Je vous demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 30.

ART. 8

Mme Marisol Touraine – Nous en venons au RSA. Les dispositifs de lutte contre la pauvreté sont une nécessité impérieuse : la France compte près de sept millions de pauvres. C’est d’autant plus incompréhensible que vous vous apprêtez à voter un texte sans précédent en faveur des plus riches. Monsieur le haut commissaire, le choc des symboles pèse lourd dans ces dispositifs : 13 milliards pour une poignée de favorisés, contre 25 millions pour les 50 000 personnes du dispositif d’expérimentation… Vos priorités ne sont pas les nôtres ! Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur les raisons qui vous ont poussé à présenter ce dispositif dans le présent texte.

Le dispositif en lui-même est intéressant : je suis convaincue de la nécessité d’accompagner vers la reprise d’un emploi ceux qui en sont privés – et je parle bien d’accompagnement plutôt que d’incitation, qui laisse à penser qu’érémistes et chômeurs refusent couramment des emplois pour des raisons de convenance personnelle, alors que leur aspiration à l’intégration n’est pas contestable. Mais si le dispositif présenté dans votre rapport, Monsieur le haut commissaire, nous a fait rêver car il se voulait un plan de bataille contre toutes les pauvretés, il s’est réduit comme peau de chagrin et ne s’adresse plus qu’à une cinquantaine de milliers de personnes, toutes titulaires d’un minimum social.

Nous sommes, donc, d’abord très déçus par l’absence d’un dispositif de lutte contre la pauvreté de ceux qui travaillent, mais n’en tirent pas de quoi vivre décemment. Ensuite, il faut bien comprendre que le dispositif jouera systématiquement pour des personnes qui trouveront un emploi à temps partiel, pas pour ceux qui trouveront du premier coup un travail à temps plein : celui qu’il faut aider, c’est celui qui passera d’un RMI à un tiers-temps ou deux tiers-temps ! Or, nous craignons que le dispositif ne favorise le développement du travail à temps partiel, aux frais de l’État, alors qu’une large partie des travailleurs pauvres est constituée de personnes – souvent des femmes – employées en temps partiel non voulu. Par ailleurs, pourquoi ce dispositif n’est-il pas financé par la solidarité nationale, mais en grande partie par l’aide sociale, alors que les aides aux catégories les plus favorisées seront, elles, prises sur le budget de l’État et donc supportées par l’ensemble des Français ? Il y a là une injustice choquante.

M. le Président – Ma chère collègue, je vous prie de conclure.

Mme Marisol Touraine – Une grande incertitude existe enfin sur la sortie du dispositif. C’est pourquoi le principe d’une expérimentation est souhaitable – de nombreux départements de gauche se sont déjà engagés dans ce processus. Pouvez-vous nous donner l’assurance que l’expérimentation ira à son terme avant que vous n’étendiez le dispositif à l’ensemble des populations concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme Danièle Hoffman-Rispal – La mise en place d'un revenu de solidarité active fait suite à une réflexion largement partagée, qui tient compte de l'expérience acquise depuis la mise en place du RMI il y a bientôt vingt ans. Il n'est en effet pas possible de laisser tel quel un système où ceux qui reprennent une activité voient leur revenu stagner, voire diminuer. Ce qui pose problème n'est donc pas tant le RSA lui-même, mais les zones d'ombre qui demeurent autour de sa mise en œuvre et de l'évolution de l'ensemble des minima sociaux.

D’abord, 25 millions consacrés au RSA alors que le paquet fiscal est évalué entre 10 et 14 milliards… convenez que les chiffres dérangent, face aux besoins que l’on constate sur le terrain ! Il y a actuellement 1,2 million d'allocataires du RMI, mais le RSA ne concernera qu'une partie d'entre eux, les autres étant trop éloignés de l'emploi. Or, vous avez annoncé pour l’an prochain une possible réforme globale des minima sociaux. Je crains donc que votre objectif soit de substituer le RSA à l'ensemble de ces aides, alors que l’expérimentation doit pouvoir aller à son terme et être évaluée par le Parlement avant d’être généralisée. Car le RSA peut être un réel progrès, s'il n'est pas utilisé par le Gouvernement pour remettre en cause les dispositifs d'aide – sachant qu’il ne s’adresse pas, justement, aux plus fragiles.

Par ailleurs, les départements, y compris de gauche, sont volontaires, mais leur confiance envers l’État a été rompue par la pratique récente de la décentralisation, en particulier en matière sociale. Les compensations financières n’ont en effet pas suivi les transferts de compétences, malgré l’obligation désormais inscrite dans la Constitution. Nous avons donc besoin d’être bien informés sur la compensation financière – y compris au niveau des moyens humains, car toutes les réformes mises en œuvre par les conseils généraux réclament des moyens supplémentaires qui pèsent sur leurs budgets. Nous avons aussi besoin de sincérité, car les chiffres sont contradictoires, nous avons besoin de l’assurance que tous les allocataires de minima sociaux seront concernés, et pas seulement les plus employables, nous avons enfin besoin de la garantie que le RSA sera mis en œuvre pour des emplois au moins à mi-temps, afin d'éviter un trop grand développement de la précarité. Dans le secteur de l’aide à domicile par exemple, de nombreux temps partiels n’atteignent même pas le mi-temps ! Il ne faudrait pas que les conseils généraux doivent se substituer aux employeurs pour créer de l’emploi « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Gérard Bapt – En 2005, un certain président d’Emmaüs proposait dans un rapport célèbre un revenu de solidarité active. Comment ne pas adhérer à cette idée ? Mais, l’ambition du Gouvernement étant de faire disparaître à terme le RMI, on peut craindre que les allocataires les plus éloignés de l’emploi ne soient renvoyés aux collectivités locales pour toutes les questions de formation, de santé, de logement ou de transport… Sans revenu minimum, ces personnes n’auraient en effet plus aucun autre recours.

Nous en sommes aujourd’hui à l’expérimentation du RSA, qui ne s’adresse qu’à une fraction de la population en situation de pauvreté. Cette version présentée par le désormais haut commissaire est beaucoup moins ambitieuse que celle du rapport, qui était assortie d’une politique de lutte contre les « petits boulots », les contrats précaires et les emplois à temps partiel faiblement rémunérés. On compte 1,3 million de travailleurs pauvres, qui ne sont pas majoritairement d’anciens érémistes. Beaucoup sont des femmes employées à temps partiel, qui se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté. Ces personnes seraient les oubliées du RSA et de feu le RMI.

Alors que le rapport Hirsch appelait à développer en même temps que le RSA une politique de revalorisation de ces emplois, non seulement il n’est est pas question aujourd’hui, mais la politique de l’emploi de M. Borloo, qui n’est pas contredite par le gouvernement Fillon, va à l’opposé. Évoquer les « gisements d’emplois » dans les services à la personne en mettant en place des déductions fiscales pour les particuliers employeurs revient à encourager le développement des emplois à temps partiel contraint, parcellisé, précaire, sans formation et sans perspectives de carrière. Les élus locaux savent bien que ces emplois à domicile ne sont souvent que des expédients permettant tout au plus la survie au jour le jour. Ils tentent parfois de sortir ces personnes de la précarité en les embauchant dans les effectifs municipaux, même s’ils savent que les collectivités locales sont accusées de trop dépenser…

Bien sûr, à court terme et pour certaines catégories d’allocataires, le RSA peut avoir un effet positif. Mais à moyen et long terme, deux dangers existent : que trop d’employeurs, sachant que leur salarié percevra une allocation le plaçant au-dessus du seuil de pauvreté, ne se sentent plus aucune responsabilité sociale, et que les mêmes soient poussés à multiplier les contrats à temps partiel. Où sont, Monsieur le haut commissaire, les mesures visant à lutter contre le temps partiel contraint et le travail précaire ou discontinu auxquelles appelait votre rapport ? Où sont les modalités de pénalisation du temps partiel de courte durée qui devaient être étudiées par le Gouvernement ? Ce sont des motifs d’inquiétude pour les associations. Ce sont aussi des contradictions et des ambiguïtés auxquelles vous vous êtes exposé en entrant dans un gouvernement dont les premières décisions en matière fiscale et de protection sociale nous amènent à nous demander combien de temps vous pourrez les assumer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Roland Muzeau – Dans la presse, Monsieur le haut commissaire, vous avez déclaré que le RSA était un complément indispensable à l’objectif de plein emploi du chef de l’État et qu’il permettrait de réduire le chômage, mais pas « à la Thatcher », c’est-à-dire pas en créant des travailleurs pauvres. Je crois que vous vous trompez. Après un « paquet fiscal » particulièrement bien garni pour les plus riches de ce pays, après un article bienveillant sur les parachutes dorés des grands patrons, figurent, coincés en fin de texte, les trois articles déclinant le concept du RSA. Quel symbole ! 3,7 milliards pour le nouveau régime des heures supplémentaires, 1,89 milliard pour les intérêts d'emprunt immobilier, 950 millions pour les droits des succession, 810 millions pour le bouclier fiscal… et 25 millions pour la pauvreté laborieuse !

Laissons de côté les chiffres, qui parlent d'eux même, pour nous concentrer sur l'ambition du revenu de solidarité active. Comment ne pas adhérer à l'objectif de réduire d'au moins un tiers en cinq ans le nombre de pauvres en France ? Mais, s’il y a consensus sur l'exigence de garantir à chacun un gain de revenus lors de la reprise d'emploi, il n'est pas interdit de se demander si l’État ne montre pas quelque schizophrénie à intervenir pour compenser les conséquences négatives de ses propres politiques – en l'occurrence, pour compléter les revenus de ceux qui peinent à vivre dignement de leur travail alors qu'il contribue à inciter au développement des bas salaires.

Le dispositif en lui-même est perfectible, notamment parce qu'il s'adresse uniquement aux bénéficiaires du RMI et de l'API et non à l'ensemble des personnes à faibles revenus, y compris les travailleurs pauvres, et parce qu'il exclut les jeunes de moins de 25 ans. En outre, le RSA n'est pas dénué d'effets pervers.

Au-delà de ces questions techniques, il convient d’apprécier la philosophie de ce dispositif à la lumière de la politique de l’emploi mise en œuvre par le Président de la République. Dans son rapport de 2006, le CERC observe que « le constat statistique est sans ambiguïté, mais aussi sans grande surprise : plus on s'éloigne de l'emploi stable pour se rapprocher des zones d'emploi précaire et flexible ou des alternances entre chômage, emploi et inactivité, plus le risque de pauvreté s'accroît. » Si l'emploi de qualité reste donc le premier rempart contre la pauvreté, sécuriser les revenus les plus faibles en promouvant les contrats aidés, les contrats à temps partiels ou les emplois dans les services à la personne revient à poser un cautère sur une jambe de bois.

Le dogme de l'abaissement du coût du travail, tout comme le refus de revaloriser le SMIC, fabriquent de la misère et jouent contre l’amélioration de la qualité de l’emploi. M. Sarkozy dégrade l’emploi en toute conscience, pour les besoins du marché, et cherche à entretenir un volant de travailleurs pauvres, complétant leurs revenus par des prestations.

Monsieur le haut commissaire, vous aviez vous-même indiqué que le RSA devait « s'inscrire dans une politique de l'emploi dynamisée et sécurisée contre le temps partiel contraint, le travail précaire ou discontinu » et que « les modalités de pénalisation du temps à petite durée devaient être étudiées ». Le Gouvernement ne s’engage pas sur cette voie, et il est à craindre que vos bonnes intentions ne conduisent à renforcer les mécanismes qui construisent la pauvreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Christophe Sirugue – J’ai le sentiment d’une présentation manichéenne (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : d’un côté, quelques milliers de personnes, auxquelles il faut donner toute la liberté de s’enrichir plus encore, de l’autre, des personnes qualifiées d’« oisives » et stigmatisées, alors que la réalité – et je le sais pour présider une commission locale d’insertion – est autrement plus complexe.

Plusieurs députés UMP – Nous aussi, nous siégeons dans des commissions locales d’insertion !

M. Christophe Sirugue – Je demande à vérifier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Sans doute faut-il voir dans cette présentation un écho de la campagne électorale, développée sur le thème de l’assistanat. Il conviendrait plutôt de s’interroger sur le montant des salaires que sur celui des minima sociaux. Les chiffres récents montrent que l’emploi prend de plus en plus la forme de l’intérim, du temps partiel, des CDD. Il faudra donc que les 1,2 million de bénéficiaires du RMI et les 200 000 allocataires de l’API se contentent de ces quelques mesures, et que seules 50 000 à 55 000 personnes puissent bénéficier de l'expérimentation.

Même si le principe du RSA ne peut être que positif, cette mesure paraît un alibi au cœur d’un projet de loi distribuant des cadeaux fiscaux pour les plus aisés. Au-delà de l'expérimentation, qu'adviendra-t-il des nombreuses personnes qui ne seront pas en mesure de retourner sur le marché de l'emploi, si la suppression du RMI est bien l'objectif à atteindre ? N’est-ce pas le rôle du service public de l'emploi que d'offrir une embauche à ceux qui en sont les plus proches ? Quid des travailleurs pauvres, au cœur de votre rapport, Monsieur le haut commissaire, mais aujourd’hui absents du dispositif ? Si vous ne voulez pas fabriquer de travailleurs pauvres à l’anglaise, vous ne faites en tout cas rien pour ceux qui travaillent et ne voient pas leur situation s’améliorer !

Le RSA nous donne le sentiment d’un dispositif qui aurait pu être intéressant, mais qui, faute de moyens et de souffle, manque à ceux qui en ont le plus besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme Martine Carrillon-Couvreur – Comment ne pas s’accorder sur un projet qui se propose de réduire la pauvreté dans notre pays ? Lorsque l’emploi stable se fait plus rare et que la société française tend à glisser de la condition de salariat à la précarité, ce sont les plus fragiles qui se trouvent en marge du marché du travail : les intérimaires, les saisonniers, les vacataires, les salariés à temps partiel subi ou les jeunes sans formation. Sept millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, mais cela s’apprécie différemment selon le lieu de vie ou la composition de la famille : avec 1,5 SMIC, un couple avec enfants dépasse ce seuil.

À l’issue des travaux de la commission « familles, vulnérabilité, pauvreté », vous avez formulé, Monsieur le haut commissaire, quinze propositions, parmi lesquelles figurait le RSA. Celui-ci visait tous les travailleurs pauvres, bénéficiaires ou non d’un minimum social, et avait pour ambition de ramener tous les revenus au seuil de pauvreté. En l’état actuel du texte, le RSA se résume surtout à une amélioration de l’intéressement, lequel avait déjà été amélioré.

De plus, l’expérimentation crée des inégalités : inégalité des revenus pour le même nombre d’heures travaillées ; inégalité entre les différents départements ; non prise en compte des bénéficiaires du RMI qui reprennent ou créent une activité. Enfin, les travailleurs pauvres auront droit à un RMI augmenté tandis que ceux qui ne pourront travailler continueront de percevoir le même montant. En tout état de cause, la mise en place du RSA ne doit pas conduire à un blocage du RMI et de l’API. Quant aux travailleurs handicapés, rien n’est prévu, alors que les attentes sont fortes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Marcel Rogemont – Nous venons d’assister à une grand-messe qui a distribué des indulgences aux plus riches. Maintenant qu’elle est dite, on jette à la sortie trois francs six sous aux plus nécessiteux. Pour vous, Monsieur le haut commissaire, six sous auraient suffi puisque vous nous avez déclaré en commission n’avoir demandé que la moitié de ce qui vous était proposé pour l’expérimentation, afin de ne pas grever les finances de l’État. Il est vrai que la somme de 50 millions serait apparue indélicate, au moment où des milliards partent dans les poches de quelques-uns !

Vous connaissez le slogan de 68 : « Soyez réalistes, demandez l’impossible ». Vous n’avez pas même demandé le possible, probablement parce qu’il ne s’agissait que des nécessiteux, des sans-voix et des sans-travail. Le Gouvernement que vous servez n’applique le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy « Ensemble, tout devient possible » qu’aux plus riches. C’est pourquoi il importe que vous demandiez pour cette mesure son coût exact, sans en appeler au financement des conseils généraux, comme cela fut le cas autrefois pour le RMI, pour lequel l’État doit encore aux départements la bagatelle d’un milliard. Au nom de l’équité et de la morale, je vous exhorte à être réaliste et responsable : ne demandez pas l’impossible, seulement le juste prix de votre expérimentation. Ne soyez pas le bouche-trou social à 50 % de cette loi inique, soyez-le pleinement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Henri Nayrou – Face au RSA, l’on est partagé entre tentation et déception. La présence de ce dispositif à la fin du TEPA a quelque chose d’incongru et d’indécent, comme si le Gouvernement se donnait bonne conscience à bon marché, en accolant aux cadeaux fiscaux de plusieurs milliards quatre articles destinés aux bonnes œuvres, pour un coût astronomique de 25 millions…

Il faut se garder de toute caricature, car ce qui touche à la misère exige de la mesure et de la décence.

Plusieurs députés UMP – Heureusement que vous le dites !

M. Henri Nayrou – Vous portez depuis dix ans, dites-vous, ce projet de mieux placer le curseur entre avantages et inconvénients, entre l’inconfort du RMI et des minima sociaux d’un côté, et de l’autre la réinsertion par le travail. Reconnaissons que le pire serait de ne prendre aucun risque. Pour les deux tiers de ses bénéficiaires, le RMI est en effet devenu un RMS – un revenu minimum de survie.

C’est pourquoi nous sommes heureux que le Gouvernement se décide à tendre quelques perches. Mais alors, pourquoi se contenter de 25 millions d’euros, alors que le RSA est plus proche du slogan « travailler plus pour gagner plus » que ne l’est le bouclier fiscal ? Faut-il donc comprendre que les moyens disponibles ont été rabotés par les arbitrages?

Autre interrogation, le RSA ne risque-t-il pas d’être calibré en faveur de ceux qui sont déjà les plus proches du marché de l’emploi ? Pouvez-vous également garantir que ce Gouvernement n’entend pas supprimer le RMI ? Il semblerait qu’il ait choisi son camp social en proposant un tel « paquet fiscal »…

Je veux enfin évoquer devant vous, pour prendre date, un projet datant des élections de 2002 : le TMG, travail minimal garanti, dont l’objectif était d’inverser l’ordre des priorités en accordant un vrai travail et un vrai revenu aux défavorisés au lieu d’un revenu de survie et un travail hypothétique. Car il ne faudrait pas oublier le proverbe chinois : « Mieux vaut apprendre à pêcher que de donner un poisson » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. François de Rugy – Nous soutenons l’idée du RSA, qui figurait d’ailleurs dans le programme de Dominique Voynet et de Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy s’y est converti récemment, mais mieux vaut, sans doute, tard que jamais !

Il s’agit en effet de sortir de l’opposition binaire, exploitée sans fin par la droite de cet hémicycle, entre le travail et les minima sociaux, trop souvent brocardés. Nous n’accepterons pas que le RSA serve de prétexte à la suppression des revenus de solidarité – et j’emploie ce terme à dessein, car cela n’a rien à voir, pour nous, avec de l’assistanat. Si certains ne retrouvent pas d’emploi, ce n’est pas parce que le montant des minima sociaux et des allocations familiales est trop élevé, mais parce qu’il y a trop peu d’emplois créés, avec des salaires trop bas.

Nous serons également très vigilants sur la question du travail à temps partiel, que nous ne condamnons pas par principe. Si certains salariés choisissent librement ce type de contrat, auquel certaines entreprises ont de bonnes raisons de recourir, il reste que les abus sont trop nombreux. Voilà pourquoi nous demanderons des garanties destinées à éviter les effets pervers.

Nous serons à vos côtés pour soutenir l’expérimentation, mais nous nous interrogeons sur le faible montant consacré à ce dispositif : seulement 25 millions d’euros en faveur des 7 millions de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, alors que vous allez octroyer, au titre du bouclier fiscal, un chèque de 250 000 euros à 1 081 contribuables. Reste que notre soutien au RSA ne nous empêchera pas d’exiger un véritable plan de lutte contre la pauvreté. Nous pouvons certes comprendre que du temps soit nécessaire pour élaborer un tel dispositif, mais sachez que nous resterons très vigilants et offensifs sur ce sujet.

Je voudrais enfin citer un article publié la semaine dernière dans Marianne (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), même si la mention de ce journal vous déplaît. Qu’y lit-on dans la bouche de notre collègue Jacques Myard ? Que le Gouvernement s’est contenté d’accorder une « sucette » aux députés en réduisant de 30 % de l’ISF, au lieu de le supprimer. Mais, ajoute-t-il, c’est tout de même une porte ouverte, un succès obtenu « grâce à deux disparitions : celle de Chirac de l’Élysée et celle de l’abbé Pierre de ce monde » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – J’ai bien compris votre soutien et votre demande de fidélité absolue au dispositif élaboré en 2005. Il serait paradoxal de croire que le fait de franchir un premier pas – grâce à l’expérimentation – nous éloignerait de l’objectif final. Car c’est le contraire qui se produira : grâce aux enseignements tirés de l’expérience, nous pourrons continuer à avancer.

La lettre de mission qui m’a été adressée par le Président de la République rappelle en effet cet objectif que nous avons eu tant de mal à inscrire dans la campagne électorale : la lutte contre la pauvreté. L’engagement a été pris de réduire, en cinq ans, de 30 % ce fléau, en visant deux objectifs parfaitement clairs : accès au travail à ceux qui en sont privés, priorité à la formation et à l’éducation pour ces publics. La notion de travailleur pauvre figure par ailleurs en bonne place dans la lettre de mission.

Pourquoi avoir inscrit le RMA dans ce texte ? Parce qu’il fallait, de façon très symbolique, que tout le premier texte discuté pendant cette législature concerne les allocataires du RMI et de l’API (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche Mais dans quel texte !

M. le Haut Commissaire – Qu’auriez-vous dit si cela n’avait pas été le cas ? La lutte contre la pauvreté exige de prendre des risques. Il aurait été tellement plus simple de ne rien faire… Mais nous refusons de perdre du temps, de même que tous les conseils généraux qui avaient accepté le dispositif alors que l’État ne s’était pas encore engagé à le soutenir. C’est que tout mois perdu rend plus difficile encore d’atteindre l’objectif !

Quand vous craignez que de nouvelles inégalités résultent de l’expérimentation, vous oubliez tous nos débats : mieux vaut en effet commencer par vérifier que le dispositif fonctionne. C’est ainsi que nous écarterons les risques d’effets pervers – celui d’accroître la précarité au lieu de créer de vrais emplois, comme celui de ne rien changer à la situation des intéressés, comme c’est trop souvent le cas des législations sociales.

M. Marcel Rogemont – Le vrai problème, c’est qu’il n’y pas de croissance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Haut Commissaire – Ce dispositif est une première étape. Si nous parvenons à aller plus loin, ce sera grâce au travail engagé dès maintenant. Seuls les résultats des programmes expérimentaux pourront établir qu’il faut aller plus loin en consacrant des moyens plus importants à ces mesures, parce qu’elles parviennent à faire reculer la pauvreté (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

C’est grâce à votre soutien et à votre engagement que nous pourrons nous appuyer sur des résultats probants. Il faut démontrer que nous aidons des personnes jusque-là prisonnières de dispositifs inadaptés à trouver un emploi et un revenu supérieur, donc à sortir des trappes à pauvreté et à inactivité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous prouverons de la sorte aux argentiers qu’il faut « y aller » !

L’État risque-t-il de se défausser de son devoir de solidarité ? Si nous réussissons effectivement, au cours des prochains mois, à simplifier un dispositif complexe, reposant sur différents minima sociaux, nous entamerons des discussions avec les départements, qui choisiront soit de piloter le système, soit de laisser cette charge à l’État. Nous aborderons ce débat en nous demandant quel est l’intérêt des publics concernés. Nous verrons bien, alors, comment articuler solidarités locales et nationales pour obtenir une efficacité maximale.

Le dernier point, qui me tient particulièrement à cœur, concerne l’idée selon laquelle le RSA ne serait réservé qu’à certains. Affirmer cela, c’est, d’abord, avoir mal lu le rapport ; c’est, ensuite, mal me connaître ; c’est enfin avoir une vision trop restrictive du RSA. Celui-ci n’est pas limité à la crème des allocataires du RMI ! La substitution du RSA au RMI a au contraire pour but d’éviter un système à deux vitesses. Tel était l’objet de nos discussions avec les associations et les syndicats que vous citiez, ainsi qu’avec les collectivités : un dispositif unique, qui évite de condamner pendant vingt ans à de l’ « occupationnel » les exclus du système. J’en suis convaincu : les personnes que l’on juge les plus éloignées de l’emploi sont susceptibles de retravailler dès lors que la solidarité nationale ne les abandonne pas ! (« Tout à fait ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christophe Sirugue – Où allez-vous trouver des employeurs ? Selon quels dispositifs ? Tout cela n’est qu’une vue de l’esprit !

M. le Haut Commissaire – Bien sûr, nous trouverons des employeurs, grâce à l’économie solidaire, à l’économie sociale, aux entreprises d’insertion ! Ce n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité ! J’étais ce matin à Grenoble, où trente entreprises – que M. Migaud connaît bien – participent à un dispositif permettant de retrouver un travail à des personnes qui semblaient condamnées. Et l’on dirait à ces personnes, auxquelles de nombreuses entreprises sont prêtes à restituer leur dignité, qu’elles sont perdues pour toujours, qu’elles n’ont aucune valeur et ne méritent aucune estime ?

M. Christophe Sirugue – C’est de nous que vient le financement !

M. le Haut Commissaire – Notre ambition est de réinsérer ces personnes par un vrai travail, un vrai emploi et un vrai salaire, en y ajoutant lorsque cela est nécessaire des compléments résultant de la solidarité locale et nationale, afin de ne pas créer de nouveaux travailleurs pauvres. Le projet de loi auquel nous travaillons et sur lequel nous reviendrons au cours de l’année a pour ambition – je l’assume – de faire en sorte que l’objectif de plein emploi soit atteint moyennant beaucoup moins de travailleurs pauvres qu’aujourd’hui (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – L’amendement 133 résulte de notre volonté d’une authentique rupture dans le traitement traditionnel de la pauvreté, qui constitue un véritable échec – sur ce point, au moins, nous sommes d’accord avec M. le haut commissaire. Cette rupture doit être réelle, et non simplement verbale : il y va des conditions d’existence de plusieurs millions de personnes en France, autant que de la compétitivité de nos entreprises.

Le développement de l’emploi dépend en premier lieu du dynamisme de l’activité économique et de la façon dont la France et l’Union européenne font face aux contraintes extérieures résultant de la mondialisation ultralibérale. Depuis trop longtemps, les partisans du libéralisme soutiennent que le travail est d’abord un coût, que la recherche et la formation initiale et continue sont trop coûteuses et que l’on ne peut quasiment rien faire contre le dumping économique et social, les licenciements boursiers ou les OPA. On nous affirmait dans les années 1970 et 1980 que les licenciements d’aujourd’hui préparaient les emplois de demain : nous avons vu où cela nous a menés ! Plus de deux millions de chômeurs de moins en moins bien indemnisés, plus d’un million de bénéficiaires du RMI, de l’ASS, de l’API ou de l’AAH, et près de quatre millions de ces « travailleurs pauvres » d’abord apparus en Grande-Bretagne sous l’effet des politiques de Mme Thatcher et de M. Blair – car la presse a fait le bilan pour ses dix ans de pouvoir : un taux de chômage relativement modeste, mais des taux d’emploi précaire et de pauvreté extrêmement élevés, 13 millions d’Anglais vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Nous ne saurions condamner le RSA, mais il ne modifiera qu’à la marge la situation des plus démunis. Nous doutons également de son influence sur le comportement des entreprises, sans lesquelles aucun recrutement n’est possible ; il faudrait une véritable révolution parmi les entrepreneurs, qui en sont loin !

Par cet amendement, nous proposons de mettre en place à destination de l’ensemble des salariés un droit individuel à une sécurité effective de l’emploi et de la formation tout au long de leur vie professionnelle. Cela n’a rien à voir avec les déclarations du Président de la République et du Premier ministre, qui projettent un contrat de travail unique fragilisant et précarisant le CDI.

Certaines de nos propositions n’ont pu figurer dans cet amendement, l’article 40 de la Constitution interdisant de déposer des amendements générant des dépenses publiques, mais nous souhaitons que soient fortement augmentés, dès cet été, l’ensemble des salaires et des minima sociaux et que le SMIC soit porté à 1 500 euros nets par mois. C’est la première des conditions nécessaires pour lutter contre la pauvreté en augmentant le pouvoir d’achat et en relançant efficacement l’économie.

Cet amendement propose également d’initier un processus légal de consultation des partenaires sociaux à des fins de dynamisation de l’économie par le pouvoir d’achat ; de durcir les modalités de licenciement des salariés, aujourd’hui bien trop laxistes, car, contrairement à la philosophie qui anime le gouvernement, ce n’est pas en facilitant les licenciements que l’on favorise les embauches. Il s’agit donc de dissuader actionnaires et dirigeants des grandes entreprises de pratiquer des licenciements boursiers qui défrayent régulièrement la chronique en jetant à la rue des milliers de salariés – songeons à la souffrance des anciens salariés de Moulinex.

Vous voyez, Monsieur le haut commissaire, que nous ne manquons pas de propositions susceptibles de se substituer à celles, bien insuffisantes, du Gouvernement.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Même avis : il s’agit d’un amendement fourre-tout qui n’a pas grand-chose à voir avec le RSA.

M. le Haut Commissaire – Cet amendement proposant de supprimer le RSA, vous ne serez pas surpris que l’avis du gouvernement soit défavorable (Rires).

L’amendement 133, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Marc Ayrault – S’agissant de l’article 8, je rappelle que les députés socialistes, s’ils sont d’accord sur le principe du RSA – en faveur duquel Ségolène Royal ou Dominique Voynet s’étaient prononcées au cours de la campagne pour l’élection présidentielle -, condamnent la méthode et les conditions d’application, très éloignées du rapport Hirsch, contrairement à ce qu’a affirmé M. le haut commissaire. Nous poursuivrons cette discussion. Voilà pourquoi – je tiens à ce que cela soit dit clairement – le groupe socialiste s’abstient sur cet article.

M. Roland Muzeau – Notre groupe également.

M. Michel Bouvard – Cela s’appelle pécher par omission.

L’article 8, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 8

M. François de Rugy – Je défends l’amendement 440. Si nous sommes favorables au RSA, nous considérons – je l’ai dit lors de la discussion générale sur l’article 8 – qu’il est nécessaire de disposer de garde-fous protégeant d’un recours parfois abusif au temps partiel qui pourrait en découler. Pour lutter contre l’existence de travailleurs pauvres, il faut que tous les salariés puissent travailler à temps partiel s’ils le désirent. On en est loin, car, de même que pour les heures supplémentaires, on ne leur en laisse en réalité pas le choix. Mais soyons pragmatiques : nous proposons une modeste garantie, la contribution des employeurs qui pratiqueraient cet abus au Fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982 et récemment étendu non seulement à l’ASS, mais aussi à l’allocation forfaitaire de rupture d’un CNE et à la prime de retour à l’emploi.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – Même avis. Cet amendement ferait en effet peser une taxe supplémentaire sur les entreprises, en l’espèce sur celles qui embauchent des salariés à temps partiel, ce qui encourage encore davantage le recours aux heures supplémentaires des salariés à temps plein. En outre, il n’a rien à voir avec le RSA.

M. le haut commissaire – Je précise que le comité d’évaluation qui étudiera les expérimentations pratiquées cherchera à déterminer si celles-ci conduisent à une augmentation du recours au temps partiel. Je suis pour ma part convaincu que, de même que l’on réussira à faire accéder les personnes dépourvues d’emploi à une première étape dans l’emploi, de même les salariés à temps partiel parviendront à passer à temps plein. Cette conviction devant être mise à l’épreuve de l’expérimentation, le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

L’amendement 440, mis aux voix, n’est pas adopté.

ART. 9

M. Marcel Rogemont – On ne parle pas assez du contexte dans lequel on appliquera le dispositif du RSA dans les entreprises. Imaginons un employeur qui embauche une personne relevant du RMI pour quinze heures. Pourquoi lui accorderait-il une augmentation de salaire, ou lui proposerait-il une heure ou deux de travail en plus, dès lors que le RSA lui offre une garantie de ressources ? Autrement dit, le RSA crée une trappe à travail à temps très incomplet et mal rémunéré.

Imaginons maintenant une personne travaillant actuellement quinze ou vingt heures dans cette même entreprise. Elle va voir arriver quelqu’un qui travaille le même temps qu’elle mais qui, parce qu’il relève du RSA, aura des ressources supérieures aux siennes. Comment pourrait-elle comprendre qu’il gagne plus au seul motif qu’il est passé par la case RMI ? Ce système ne va-t-il pas avoir pour effet d’attirer vers le RMI des personnes qui n’auraient jamais pensé y recourir ?

Bref, n’est-on pas en train de créer une catégorie de travailleurs pauvres qui le resteront ? En plus, c’est aux conseils généraux qu’on va faire supporter le poids de tout cela ! Pouvez-vous me rassurer, Monsieur le Haut commissaire ?

Sachez par ailleurs que dans mon département, l’Agence des solidarités nouvelles nous a dit que seuls 20 à 30 % des érémistes pouvaient bénéficier du RSA ; que va-t-on faire des autres ?

M. Yves Bur – Que proposez-vous ?

M. Marcel Rogemont – Bref, des problèmes nouveaux vont se poser, et l’expérimentation les mettra en évidence.

M. Christophe Sirugue – Cet article évoque le cofinancement du RSA par les conseils généraux et l’État, dans un contexte de relations entre eux notoirement dégradées, avec l’aggravation d’un milliard de la charge du RMI depuis le transfert de compétence, ainsi que le surcoût des contrats d’avenir – que M. Borloo s’était engagé l’année dernière à financer à hauteur de 12 %, ce dont nous n’entendons plus parler…

Loin d’assurer un partage égal du financement, l’alinéa 5 indique seulement que la convention « peut prévoir la prise en charge par l’État d’une partie du coût de l’expérimentation. » Pour nous, il relève de la responsabilité de l’État de financer cette expérimentation. D’après ce que nous avons vu ces derniers jours, vous n’en êtes pas à quelques millions près !

M. Jean-Louis Idiart – Très bien.

M. Henri Nayrou – Cette majorité a une fâcheuse tendance à lancer des projets à forte implication financière sans concertation avec les collectivités territoriales concernées,…

M. Alain Gest et M. Michel Bouvard – Pour l’APA, y avait-il eu concertation ?

M. Henri Nayrou - …puis de leur imposer de les financer partiellement ou totalement. Pour le RSA, vous avez dit que l’État financerait 50 %, mais ce n’est écrit nulle part… Nous aimerions des éclaircissements.

Par ailleurs, le RSA fonctionnera comme une subvention aux employeurs, payée par le contribuable, pour ne fournir que des « petits boulots » à temps partiel et très mal rémunérés. C’est très différent du RMA, des contrats d’avenir ou autres contrats aidés, qui visaient à mettre le pied à l’étrier à des publics nouveaux.

La question de fond qui se pose est celle-ci : doit-on faciliter le travail à temps partiel sous-payé par l’employeur, complété par une allocation versée par la collectivité publique, ou faut-il revaloriser le revenu minimum du travail et revoir les minima sociaux pour éviter les effets de seuil ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – Notre amendement 14 vise à mentionner la durée de l’expérimentation, soit trois ans.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

M. le Haut Commissaire – Avis favorable à l’amendement. Mais je voudrais revenir sur ce qui vient d’être dit. Prenons le cas d’une personne seule, sans enfant, qui travaille à quart de temps et qui, entre ce qui lui reste du RMI et ses revenus de travail, est à 759 euros. Dans le système actuel, si elle passe à mi-temps, elle va gagner 839 euros, soit 80 euros de plus. Dans le système que nous proposons, elle passera de 809 euros à quart de temps à 940 euros à mi-temps, soit un gain de 131 euros.

Par ailleurs, vous vous interrogez sur l’effet du RSA sur la disposition de l’employeur à augmenter le salaire, mais quelle est donc l’incitation de l’employeur à l’augmenter quand tout est absorbé par la baisse du RMI ?

Quant à la prise en charge par l’État des 12 % sur les contrats d’avenir, elle se prépare : vous en entendrez parler le 1er octobre.

M. Christophe Sirugue – Enfin une bonne nouvelle !

L'amendement 14, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 94 est rédactionnel.

L'amendement 94, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Bapt – Notre amendement 329 concerne le délai au bout duquel une personne peut entrer dans le dispositif si elle change de département, c’est-à-dire de bassin d’emploi. On réclame souvent pour notre économie une plus grande mobilité des salariés. Or, le délai de six mois prévu par le projet représente une entrave à cette mobilité : nous proposons de le ramener à trois mois.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avisAvis défavorable.

M. le Rapporteur général – Même avis. Cette clause a été négociée avec les départements. Le délai de six mois est un maximum ; s’ils le souhaitent, les départements peuvent le réduire.

M. le Haut Commissaire – Il s’agit d’éviter les effets d’aubaine que vous évoquiez tout à l’heure. Les conseils généraux décideront.

L'amendement 329, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – L’amendement 441 est conforme à l’esprit du revenu de solidarité active, qui vise à inciter les personnes à reprendre un emploi, en les sécurisant – car accepter un emploi, c’est aussi prendre un risque, et il existe des freins à l’emploi qui n’ont absolument rien à voir avec l’oisiveté. Lorsqu’on vous propose un contrat à durée déterminée dans une zone industrielle périphérique, éloignée du quartier où vous vivez et peu accessible sans voiture, prenez-vous le risque d’acheter une voiture ?

L’amendement vise à garantir au salarié qui bénéficie du RSA le retour au RMI dans le cas où il perd son emploi, ce qui arrive de plus en plus fréquemment, et de plus en plus facilement ; je rappelle qu’avec un contrat nouvelle embauche, le salarié peut perdre son travail à tout moment, sans que l’employeur ait à se justifier.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avisAvis défavorable, car il me paraît évident que la personne qui perd son emploi retrouve ses droits au RMI.

M. le Rapporteur général – Même avis.

M. le Haut Commissaire – Comme le prévoit la loi de 2006 sur le retour à l’emploi, la personne est rétablie dans ces droits au RMI. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

L'amendement 441, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur l’amendement 328, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public.

Mme Marisol Touraine – Le financement du RSA devant dépendre, selon nous, de la solidarité nationale, il revient à l’État de compenser la totalité du coût de l’expérimentation. Autrement, les conseils généraux seront amenés à payer deux fois : d’une part, pour le supplément de charge représenté par l’instauration du RSA, et d’autre part pour l’aide sociale de ceux qui sont aujourd’hui au RMI et ne trouveront pas d’emploi rapidement – car contrairement à vous, nous ne pensons pas que tous le pourront ! Vous allez donc transformer le RSA en une nouvelle forme de contrat aidé, ce qui pèsera sur les finances des conseils généraux. Or, la politique de l’emploi ne relève pas des conseils généraux. C’est pourquoi l’amendement 328 prévoit que le gouvernement s’engage à financer l’intégralité de l’expérimentation.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avisAvis défavorable. Comme le haut commissaire l’a précisé en commission, dans le cadre de l’expérimentation, l’État contribue à hauteur de 50 % au financement du RSA.

M. le Rapporteur général – Même avis.

M. le Haut Commissaire – Le Gouvernement s’engage auprès de tous les départements qui participent à l’expérimentation. Si nous ne pouvons écrire que l’État financera la totalité, c’est que, l’expérimentation étant à l’initiative des conseils généraux, rien ne leur interdit de faire beaucoup plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) C’est pourquoi j’ai indiqué une participation moyenne à hauteur de la moitié du surcoût pour les départements volontaires, qui pourront aller beaucoup plus loin s’ils le souhaitent. Avis défavorable (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

À la majorité de 66 voix contre 27 sur 93 votants et 93 suffrages exprimés, l’amendement 328 n’est pas adopté.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avisCertains collègues s’étant émus de la rédaction : « la convention peut prévoir », l’amendement 15 propose d’écrire : « détermine les conditions de », ce qui est plus précis et de nature à les rassurer.

M. François Scellier – Il serait encore plus précis, et plus clair, d’écrire « prévoit » : je le propose par l’amendement 218.

M. Charles de Courson – Moi aussi, par l’amendement 380 rectifié.

M. Marcel Rogemont – Outre ce point rédactionnel, nous souhaitons aussi, par l’amendement 330, inscrire dans la loi que le financement de l’expérimentation est à la charge de l’État, pour toute la durée de celle-ci.

Il faut que la solidarité nationale finance la totalité du surcoût qu’entraîne votre politique de retour à l’emploi. L’expérience montre que l’État ne respecte pas toujours ses engagements en la matière. Ainsi, il s’était engagé à signer la moitié des contrats d’avenir, alors que la charge échoit aujourd’hui pour 71 % au conseil général dans mon département. Que fait l’État ? Dans l’immédiat, la loi doit préciser qu’il prend en charge l’ensemble du coût de cette expérimentation. Nous rediscuterons ensuite le financement lors de sa généralisation.

M. le Rapporteur général – Avis favorable à l’amendement 15.

M. le Haut Commissaire – Même avis.

M. Christophe Sirugue – En prévoyant une négociation entre préfet et président de conseil général, l’amendement 15 risque de provoquer des inégalités entre départements, alors même que la mesure a une portée nationale.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, les autres amendements tombent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Rappel au Règlement. L’amendement 330 n’est pas seulement de portée rédactionnelle : il concerne aussi la participation financière de l’État.

M. le Président – Son adoption serait incompatible avec celle de l’amendement 15, qui vient d’avoir lieu. Sur le vote de l’article 9, je suis saisi par les groupes UMP d’une part, et socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’autre part, d’une demande de scrutin public.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – L’amendement 16 rectifié vise à étendre la portée du rapport d’évaluation du RSA à l’ensemble des bénéficiaires du RMI. En effet, les commissaires se sont étonnés du fait que 40 % d’entre eux n’aient toujours pas signé de contrat d’insertion après trois ans.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

M. le Haut Commissaire – Également.

L'amendement 16 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – Afin d’éviter tout litige, l’amendement 338 précise le régime juridique applicable au RSA, identique pour l’essentiel à celui de la prime forfaitaire d’intéressement du RMI. Afin de mieux protéger les départements, il prévoit également que le RSA sera appliqué en priorité au titre de l’API – donc à la charge de l’État – lorsqu’un même foyer la perçoit avec le RMI.

M. le Rapporteur général – Avis très favorable.

M. le Haut Commissaire – Également.

L'amendement 338, mis aux voix, est adopté.

À la majorité de 68 voix contre 20 sur 88 votants et 88 suffrages exprimés, l’article 9, modifié, est adopté.

ART. 10

M. Marcel Rogemont – La durée d’expérimentation du RSA, fixée à trois ans, est suffisante pour parvenir à en tirer les leçons. En revanche, M. le Haut Commissaire nous a promis une loi de généralisation pour le 1er janvier 2009. Autrement dit, il aura commencé à l’écrire bien avant. N’êtes-vous pas trop pressé ? Ne feriez-vous pas mieux d’attendre les résultats de l’expérimentation ? Les conseils généraux sont en droit de connaître l’impact financier des mesures que décide l’État, qui ne tient pas toujours ses engagements.

M. Charles de Courson - Sur l’APA, par exemple.

M. Marcel Rogemont – Parlons-en : la participation devait être équitable, mais les conseils généraux en financent aujourd’hui près de 70 % du coût !

M. Yves Bur – C’est bien facile de prendre des mesures sans les financer ensuite !

M. Richard Mallié - En effet : la loi a été votée en 2001…

M. Marcel Rogemont – Quoi qu’il en soit, nous avons besoin du temps de l’expérimentation. Reportez le projet de généralisation à plus tard. À défaut, vous risquez de discréditer ce qui est pourtant une bonne idée. La décentralisation ne peut pas se résumer à un État qui décide et des collectivités qui paient : les conseils généraux ne sont pas les supplétifs du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – Avec l’APA, nous avons été compensés à 27 %. Les conseils généraux de gauche étaient bien mieux compensés que ceux de droite : voilà donc l’égalité socialiste !

M. Christophe Sirugue – Cet article soulève deux questions. D’abord, on peut s’interroger sur le fait que l’expérimentation ait été prévue pour trois ans alors que vous avez déjà annoncé une généralisation dans un an. Ensuite, il est entendu que les départements choisiront les bassins d’emploi les plus favorables pour lancer l’expérimentation, de sorte que le RSA ait le maximum de chances de réussir. Comment, dès lors, en tirer, en un an, un enseignement juste pour la mise en œuvre du RSA sur l’ensemble du territoire ?

M. Roland Muzeau – Nous avons vu, à propos de la réforme des droits de succession, l’attention toute particulière que le Gouvernement porte aux personnes handicapées – du moins en théorie. Nombre d’entreprises ne respectant pas leurs obligations d’embauche en la matière, l’amendement 135 a pour objet de relever leur contribution au fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Nous ne doutons pas que vous l’accueillerez avec le même enthousiasme que vous avez manifesté il y a quelques jours.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – Avis défavorable. La sanction est déjà très élevée, puisque la loi de 2005 la fixe à 600 fois le SMIC. Par ailleurs, cet amendement n’a aucun rapport avec le RSA.

M. le Rapporteur général – Même avis.

M. le Haut Commissaire – Pour répondre aux interventions sur l’article qui nous reprochent d’aller trop vite, je précise que la prochaine étape du RSA doit s’adresser aux travailleurs pauvres et aux allocataires de l’allocation adulte handicapé, ainsi que nous le demandent les associations. C’est pourquoi nous voulons la franchir le plus rapidement possible. Cependant, nous devons assurer une visibilité suffisante à tous ceux qui vont entrer dès maintenant dans le dispositif : nous nous engageons donc vis-à-vis d’eux sur trois ans. Si la généralisation s’opère et leur est plus favorable, ils pourront basculer dans le nouveau régime. Pour finir, c’est justement parce que nous prenons la question des personnes handicapées à cœur que nous ne pouvons pas accepter un amendement qui a aussi pour conséquence de supprimer des dispositions relatives au RSA.

L'amendement 135, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – On sait que l’expérimentation porte à la fois sur le RMI et sur l’allocation parent isolé. En ce qui concerne le RMI, les départements qui vont procéder à l’expérimentation sont volontaires. Or, l’API dépend de l’État et il ne paraît pas convenable de lier totalement ce dernier aux choix du département. L’amendement 86 tend donc à lui laisser la faculté de suivre le département pour ce qui concerne l’API, plutôt que de l’y obliger.

M. le Haut Commissaire – Avis favorable.

Mme Patricia Adam - Les bras m’en tombent ! Les départements se portent volontaires pour expérimenter le RSA, mais, selon votre exposé des motifs, il serait « préférable de laisser au Gouvernement la souplesse de conduire cette expérimentation dans tous les départements volontaires pour celle prévue pour les bénéficiaires du RMI, ou seulement dans une partie d’entre eux » ! Ce qui revient à dire que dans les départements volontaires, l’État pourra se désengager pour la partie qui lui incombe. C’est invraisemblable ! Vous appelez cela un contrat ?

M. le Rapporteur général – Cet exposé des motifs n’a trait qu’à l’API. Les départements vont pratiquer l’expérimentation sur des allocataires du RMI. Le texte actuel prévoit que cette expérimentation sera systématiquement assortie du volet concernant les titulaires de l’API. Il paraît plus raisonnable de supprimer ce caractère systématique et de laisser à l’État la faculté de considérer que, compte tenu du contexte local, l’expérimentation sur les titulaires de l’API n’est pas nécessaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est ça que vous voulez, Monsieur Hirsch ?

Mme Marisol Touraine – Sous couvert de souplesse, vous introduisez tout bonnement des différences de traitement entre des catégories liées par la loi ! Dans le même département, les érémistes pourront bénéficier du RSA et pas les bénéficiaires de l’API, désignés pourtant au même titre par la loi. Je crains que cette disposition ne soit inconstitutionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Haut Commissaire – En ce qui concerne les bénéficiaires du RMI, les conseils généraux sont totalement libres de se porter volontaires ou non et de choisir la partie de leur territoire sur laquelle aura lieu l’expérimentation. Nous avions initialement pensé que lorsqu’un département se portait volontaire pour les bénéficiaires du RMI, l’État devrait automatiquement suivre pour l’API (« C’est l’évidence ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)… Mais ne voyez aucune malice dans cet amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Pour que l’API fonctionne, on sait qu’il faut une adéquation entre l’action du conseil général et celle de la CAF et de l’État. Dans un territoire où, par exemple, le conseil général considérerait qu’il serait trop lourd d’entreprendre l’expérimentation sur les bénéficiaires de l’API en plus des érémistes, il faut laisser la possibilité de dissocier les deux.

M. Christophe Sirugue – Mais votre texte dit que c’est l’État qui choisit !

M. le Haut Commissaire – Si l’amendement était adopté, il permettrait simplement d’éviter, dans certains territoires, d’être obligé de mener l’expérimentation sur les bénéficiaires de l’API dans de mauvaises conditions. Si, dans sa sagesse, l’Assemblée considère qu’il faut lier RMI et API, on se débrouillera.

Mme Patricia Adam – Je rappelle que l’API concerne exclusivement les femmes.

M. le Haut Commissaire – Pas uniquement !

Mme Patricia Adam – Presque. Les femmes et, par voie de conséquence, leurs enfants, sont particulièrement touchées par l’exclusion. Vos propres rapports, Monsieur Hirsch, mentionnent des chiffres édifiants à ce sujet. L’amendement tend donc à exclure la population qui connaît déjà la situation la plus préoccupante ! Et votre raisonnement ne tient pas : dans les territoires choisis par les conseils généraux, où il y a chômage et exclusion, il y a aussi des femmes seules avec enfants ! Je ne vois pas pourquoi on les exclurait. C’est inadmissible et incohérent.

M. Marcel Rogemont – Ainsi que le dit très clairement l’article 8, « à titre expérimental, le revenu de solidarité active est mis en œuvre simultanément dans les conditions définies aux articles 9 et 10 de la présente loi pour les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion et de l’allocation de parent isolé ». Le rapporteur nous propose de ne pas obliger l’État, mais s’il n’y a pas accord entre l’État et le conseil général, il n’y aura tout simplement pas d’expérimentation en matière d’API ! Pour assurer l’application intégrale de l’article 8, il ne faut pas laisser place à un tel désaccord.

M. Charles de Courson – Je vous signale que le deuxième alinéa de l’article 8 ne précise pas « dans chaque département » ou « dans chaque territoire ». Il dit simplement que les expérimentations peuvent être menées simultanément sur ces deux populations cibles. Par ailleurs, il y a aussi des hommes seuls avec enfants parmi les bénéficiaires de l’API.

Mme Patricia Adam – Pas beaucoup !

M. le Rapporteur général – Alors que le haut commissaire vous assure que l’État est prêt à participer au financement, vous restez dans l’ère du soupçon, vous bornant à des comptes d’apothicaires. La faculté offerte est exclusivement liée au fait que sur tel ou tel territoire, mener l’expérience à la fois sur le RMI et sur l’API peut être difficile. Mais comme mon seul souci est que cette expérimentation réussisse et que je suis de bonne foi, je suis prêt à retirer cet amendement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'amendement 86 est retiré.

M. le Rapporteur général – J’espère que l’on ne verra pas de malice (Sourires) à cet amendement 87, 2e rectification (Sourires), qui prévoit que la liste des départements concernés par l’expérimentation sera fournie par arrêté.

L'amendement 87, 2e rectification, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté

M. le Président – À l’unanimité !

M. le Rapporteur général – L’amendement 88 est rédactionnel.

L'amendement 88, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis – Le VI de l’article 10 prévoit que les personnes qui cessent de bénéficier, en cours d’expérimentation, de l’API se voient maintenues dans leurs droits au RSA pendant un an. L’amendement 339 dresse la liste limitative des changements de situation d’ordre familial dans lesquelles doit jouer la clause de maintien et apporte des précisions sur les règles applicables.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

M. le Haut commissaire – Si cela suffisait à assurer Mme Adam de notre souhait d’aider les bénéficiaires de l’API… Avis favorable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le terme de « conjoint » est-il conforme à l’ensemble des situations visées ?

M. Roland Muzeau – Encore un procès d’intention ! (Rires)

M. le Rapporteur général – Préfériez-vous l’expression « concubin notoire » ? (Sourires)

L'amendement 339, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 89 est de coordination.

L'amendement 89, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public sur l’article 10.

M. Roland Muzeau – L’article 10 traite de l’expérimentation du RSA pour les bénéficiaires de l’API. Il est prévu que les départements participants adresseront chaque année un rapport sur la mise en œuvre du dispositif.

Monsieur le haut commissaire, vous avez beaucoup insisté sur votre volonté de faire du sur-mesure et de faire progresser ainsi le RSA. De nombreuses voix se sont élevées du monde associatif pour critiquer certaines failles du dispositif, notamment, comme l’a souligné l’UNIOPSS, le risque de discrimination exercée entre les pauvres. Afin d’améliorer le dispositif, les acteurs concernés doivent pouvoir faire remonter leur expérience du terrain et aider les départements dans leur évaluation. L’amendement 149 vise donc à préciser que les associations de réinsertion et de lutte contre les exclusions devront participer au comité d’évaluation.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. Roland Muzeau – Pourquoi ?

M. le Rapporteur pour avis – Cette précision est d’ordre réglementaire.

M. Le Haut commissaire – Le texte prévoit la présence de représentants de l’État, du département et de personnalités qualifiées – et parmi celles-ci, il serait tout à fait légitime de faire appel aux représentants des associations. C’est d’ailleurs le cas du président du réseau Alerte.

M. Roland Muzeau – Ma demande était donc fondée, et le Journal officiel en gardera la trace. Je retire mon amendement.

L'amendement 149 est retiré.

M. le Rapporteur général – L’amendement 96 est de coordination.

L'amendement 96, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

À la majorité de 55 voix contre 17 sur 72 votants et 72 suffrages exprimés, l’article 10, modifié, est adopté.

ART. 11

M. le Rapporteur général – L’amendement 97 est rédactionnel.

M. François Scellier – Le sous-amendement 482 tend à reporter d’un mois la date limite de dépôt des dossiers, prévue initialement le 30 septembre 2007.

M. Charles de Courson – Le sous-amendement 485 est identique.

Les sous-amendements 482 et 485, acceptés par le Gouvernement et par la commission, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 97, accepté par le Gouvernement, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson – Nous avons longuement discuté des critères de sélection qui permettraient de départager les départements, s’ils étaient plus de dix à se porter candidats. Le potentiel fiscal le plus faible, critère proposé par le texte, a paru insuffisant. L’amendement 384 propose deux critères supplémentaires : l’un relatif au poids de la population des bénéficiaires du RMI, l’autre à l’effort réalisé par la collectivité en matière d’insertion.

Mme Patricia Adam – Comment la mesurera-t-on ?

M. le Président – Sur l’article 11, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public.

M. François Scellier – L’amendement 220 est proche du 384.

M. Marcel Rogemont – L’amendement 332 est identique au 220.

M. Charles de Courson – De même que l’amendement 385.

M. le Rapporteur général – La commission a préféré les amendements 220, 332 et 385, qui retiennent deux critères, celui du potentiel fiscal et celui de la densité des bénéficiaires dans le département. Contre l’amendement 384, qui mentionne un troisième critère, celui de l’effort de la collectivité en matière d’insertion.

M. le Haut Commissaire – Même position.

L'amendement 384 est retiré.

Les amendements 220, 332 et 385, mis aux voix, sont adoptés.

À l’unanimité des 52 suffrages exprimés, l’article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Michel Diefenbacher – Président de conseil général, je connais trop bien les failles du RMI : malgré un coût très élevé pour les départements, ce dispositif alimente une grande insatisfaction, de nombreux bénéficiaires ne parvenant pas à s’insérer, faute de mesures réellement adaptées à leur situation. C’est pourquoi j’avais déposé une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 11. Compte tenu de la réflexion en cours, qui vise à réformer profondément le RMI, je n’en ai conservé que trois.

L’amendement 167 tend à aligner les allocations versées aux personnes vivant sous le même toit, qu’elles soient ou non mariées. Supportant des charges identiques, elles doivent êtres traitées de la même façon.

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté cet amendement, non que le trouvions mauvais, mais parce que nous refusons tous les amendements connexes au texte de loi. Il s’agirait ici de modifier les règles relatives au versement du RMI.

M. le Haut Commissaire – Sensible à cet amendement qui tend à rendre le plus juste possible le RMI en s’inspirant d’une expérience locale, je serai très heureux d’aller constater la situation dans le Lot-et-Garonne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Il me semblerait en revanche prématuré de modifier immédiatement le dispositif en vigueur. Par conséquent, avis défavorable.

M. Michel Diefenbacher – J’accepte de retirer l’amendement, puisque vous le considérez comme un amendement d’appel – un appel à venir sur place (Sourires)

L'amendement 167 est retiré.

M. Michel Diefenbacher – Sans toucher aux garanties apportées en cas de suspension du RMI, cette procédure devant demeurer contradictoire, avec en outre la possibilité de se faire assister d’une personne de son choix, l’amendement 162 tend à revenir sur l’obligation de consulter la commission locale d’insertion. Une telle procédure se justifie sans doute dans les grands départements, où une appréciation centralisée de la situation serait malaisée, mais elle alourdit partout ailleurs le dispositif. Laissons donc au président du conseil général le soin de choisir entre la consultation de la CLI et celle d’une commission départementale.

L'amendement 162, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Diefenbacher – L’amendement 161 part d’un autre constat : trop de personnes continuent de toucher le RMI alors qu’elles ont retrouvé un emploi.

M. Roland Muzeau – Ah ! Revoici les fraudeurs !

M. Michel Diefenbacher – Faute d’un échange satisfaisant d’informations, les organismes payeurs ne s’aperçoivent pas que certains bénéficiaires ne réunissent plus les conditions légales. C’est pourquoi nous demandons que l’échange d’informations soit étendu aux organismes qui collectent les cotisations patronales et salariales.

Toutefois, je suis prêt à retirer cet amendement si le haut commissaire confirme l’analyse selon laquelle ces organismes collecteurs peuvent être assimilés aux organismes de sécurité sociale.

M. le Haut Commissaire – Je le confirme !

L'amendement 161 est retiré.

M. le Rapporteur général – Je laisse à M. Rogemont le soin de présenter l’amendement 91, qui a été adopté par la commission.

M. Marcel Rogemont – Cet amendement demande un rapport d’évaluation avant toute généralisation du RSA.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – La commission a adopté l’amendement 92, relatif à la PPE, sur proposition de M. de Courson.

M. Charles de Courson – Nous constatons depuis des années que la PPE, versée à un quart de la population active, a pour seul effet de renforcer le pouvoir d’achat au lieu de stimuler l’emploi, ce qui était pourtant son but initial. Nous demandons donc à l’État d’étudier un « branchement » direct de la PPE sur la feuille de paie afin de récompenser les bénéficiaires des minima sociaux qui reprendraient un travail.

M. le Haut Commissaire – Le Gouvernement se penchera bien sûr sur la PPE dans le cadre de l’expérimentation du RSA, comme le demande la commission. Faut-il pour autant remettre un rapport distinct sur ce sujet ? Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

Les amendements 92 et 468, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur général – La commission a adopté l’amendement 93 à l’initiative de M. de Courson.

M. Charles de Courson – Afin d’apaiser ceux qui redouteraient des différences de traitement entre les départements, nous demandons au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement sur cette question.

M. le Rapporteur général – Faut-il vraiment un rapport distinct sur ce sujet ?

M. Charles de Courson – Si le Gouvernement prévoit un chapitre spécifique, je veux bien retirer mon amendement, identique à celui de la commission.

Les amendements 93 et 382 sont retirés.

Mme Marisol Touraine – L’amendement 466 insiste sur la nécessité de favoriser, dès la promulgation de la loi, des négociations entre partenaires sociaux, afin que le RSA, qui n’équivaut pas à nos yeux à un minimum social, mais dépend de la création par les entreprises d’emplois susceptibles d’être offerts aux bénéficiaires des minima sociaux – en particulier du RMI ou de l’API –, puisse constituer un véritable marchepied conduisant à l’emploi durable.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis – Avis défavorable. Il s’agit d’un amendement quelque peu fourre-tout : la question de la négociation collective salariale est importante, mais elle n’entretient qu’un rapport éloigné avec le RSA.

M. le Haut Commissaire – Avis défavorable. Dans les départements concernés par les expérimentations, tout sera mis en œuvre pour que les entreprises appartenant à tous les secteurs – sans oublier celui de l’économie solidaire – participent à cet effort en faveur de l’emploi. La question plus générale des conventions collectives devra être envisagée au moment de la préparation de la réforme.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous voulons aborder la question du vrai travail au sein des entreprises. Vous avez cité à plusieurs reprises, Monsieur le haut commissaire, les activités d’insertion, qui constituent bien entendu des formes de travail, mais des formes spécifiques auxquelles le champ d’application du dispositif ne saurait se réduire ! Le véritable enjeu du RSA, tel qu’il a été conçu, y compris pendant la période qui a précédé l’élection présidentielle, consistait à éviter de reléguer certaines personnes dans des catégories parallèles à celles qui définissent l’emploi. Cet amendement a le mérite d’ouvrir le champ du dialogue social à la solution qu’offrent le monde économique et le monde de l’emploi aux futurs bénéficiaires de ce dispositif.

L’amendement 466, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur – L’amendement 467 vise à éviter que le dispositif soit généralisé avant que ne soit fourni au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation du RSA menée dans les départements concernés. Je rappelle que nous avons exprimé une préoccupation analogue à propos d’autres textes.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable, car l’amendement est satisfait depuis l’adoption de l’amendement adopté tout à l’heure.

M. le Haut commissaire – En effet. Mais je réitère mon engagement de fournir au Parlement, dès que possible, un rapport d’évaluation complet.

L’amendement 467 est retiré.

TITRE

M. Roland Muzeau – L’amendement 136 vise à rendre service à la majorité présidentielle en accordant le titre du projet avec la teneur de nos débats. Nous proposons d’intituler ce texte « projet de loi en faveur de la rentabilité financière, de la spéculation immobilière et de la restauration des privilèges » (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

En réalité, ce texte ne prête guère à la plaisanterie : il coûte 14 milliards d’euros, dont 25 millions seulement sont consacrés aux dispositions dont vous avez, Monsieur le haut commissaire, la charge. Les députés de l’opposition ont l’impression d’avoir assisté, pour l’essentiel, à une émission de téléréalité dans laquelle tout était permis et où, comme l’a dit M. Brard, les riches pouvaient venir plonger le nez dans l’auge ! Était-ce La Roue de la fortune ? Qui veut gagner des millions ? Combien ça coûte ?

M. Jean Proriol – Soyons sérieux !

M. Roland Muzeau – Toutes ces émissions ont en commun de faire rêver le badaud et de montrer que, quand l’un gagne 50 millions, d’autres personnes perdent ! (« Ridicule ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart – M. Muet avait déposé l’amendement 201 en commission des finances en début de discussion, mais il est bon que nous l’abordions à la fin de nos débats : venant après l’examen de dispositions distribuant des cadeaux par milliards d’euros, les mesures concernant le RSA témoignent d’un immense décalage.

M. Philippe Vitel – Qui est décalé ?

M. Jean-Louis Idiart – Progressivement, grâce à la presse, qui a fait état de nos débats, les Français s’aperçoivent de ce que signifie réellement ce premier texte de la législature : beaucoup de récompenses accordées à ceux qui se sont montrés particulièrement gentils avec vous et qui ne représentent qu’une catégorie infime de la population. Nous verrons dans les mois qui viennent de quelle manière elles seront utilisées, quel sera leur poids sur le déficit, et dans quelle mesure elles contribueront à la relance de l’économie et à la croissance.

Nous proposons donc, par souci de cohérence, de rédiger ainsi le titre : « projet de loi sur les heures supplémentaires et sur diverses dispositions fiscales ». Cela nous donne également l’occasion de prendre rendez-vous pour l’examen des textes budgétaires à venir. Nous vous remercions symboliquement au nom de tous ceux qui, dans ce pays, pourront s’en mettre un peu plus dans les poches (« N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe UMP) – pour les autres, ce sera à titre expérimental ! Pourquoi ne pas avoir adopté les cadeaux à titre expérimental aussi, sous réserve de leur réussite économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Philippe Vitel – Vos anciens électeurs vont retrouver leur pouvoir d’achat !

M. le Rapporteur général – Je rappelle que ce texte repose sur les valeurs de travail, d’emploi et de pouvoir d’achat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : conservons donc son titre initial, pleinement justifié !

M. le Président – Monsieur le haut commissaire, vous tenez certainement au titre du projet.

M. Jean-Louis Idiart – Non, car il ne correspond pas à son texte !

M. Roland Muzeau – Il n’a qu’une partie de la misère !

M. le Haut Commissaire – Contrairement au RMI, dont je me souviens combien il fut difficile d’en faire accepter certains aspects, tant à droite qu’à gauche, le RSA est défendu des deux côtés : cela seul suffit à justifier un beau titre ! Je vous remercie tous de ce soutien qui nous impose une obligation de résultat. Je remercie également M. le rapporteur général et M. le rapporteur pour avis, ainsi que les présidents Migaud et Méhaignerie.

Nous recevons beaucoup de courriers de personnes qui nous demandent si leur situation sera améliorée par ce texte : oui, nous faisons du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat des priorités, et c’est pourquoi je vous remercie de votre soutien.

Avis défavorable à ces amendements.

Les amendements 136 et 201, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jérôme Chartier – L’examen de ce texte se termine par un débat constructif sur les derniers articles, et je tiens à remercier, au nom du groupe UMP, M. le Haut commissaire de son excellent travail. Je déplore qu’il y a quelques jours, son intervention générale ait été accompagnée de manifestations déplacées sur certains bancs.

Le projet dans son ensemble est très ambitieux pour la France. Il concrétise des engagements pris pendant la campagne présidentielle : exonération des heures supplémentaires, défiscalisation du travail accompli par les étudiants, crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale, suppression des droits de succession pour la majorité des Français, bouclier fiscal – signifiant aux Français qui résident à l’étranger que ce n’est plus une tare de gagner de l’argent en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) –, possibilité pour les redevables de l’ISF d’investir dans les PME, réglementation des parachutes dorés (Rires et Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Il reste, Monsieur le président, que ce débat a donné lieu à certains excès. La majorité, soucieuse de répondre avant tout aux attentes des Français, a fait preuve d’une grande patience, mais il est urgent de revoir notre Règlement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. le Président – Restons-en aux explications de vote.

M. Jérôme Chartier – Bien sûr, le groupe UMP votera ce projet (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – Ce texte compte parmi les plus dangereux et les plus inégalitaires que nous ayons examinés au cours de ces dernières années. Il organise une régression qui nous rappelle Reagan et Mme Thatcher, héritage que vous revendiquez en coulisses tout en prétendant, sur scène, servir l'intérêt général et vous soucier des plus modestes.

Il est proprement honteux de prétendre permettre aux Français de « travailler plus pour gagner plus » alors que vos mesures, qui coûteront quelque 6 milliards aux finances publiques, ne permettront toujours pas aux salariés précaires de travailler plus, tandis que les salariés à temps plein qui ne souhaitent pas faire d'heures supplémentaires continueront d'y être contraints.

Il est également honteux de demander aux Français les plus modestes de signer un chèque aux plus riches. Or, c’est à quoi se résume le volet fiscal de votre réforme. En quoi le bouclier fiscal, qui va coûter 1,4 milliard, sera-t-il utile à notre économie ?

Que pèsent, à côté de ce cadeau fiscal, les 40 millions de défiscalisation de l'emploi des étudiants ? Et que pèsent les 25 millions que vous allez consacrer à l'expérimentation du RSA par rapport à vos mesures de quasi-suppression de l'ISF et des droits de succession ?

Quant au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts immobiliers, il représente un effort financier de 3 milliards en année pleine, mais on peut craindre qu’il en résulte une spéculation immobilière qui fera fondre comme neige au soleil le gain pour les accédants.

Comment s'étonner que Bruxelles juge « incompréhensible » un « choc fiscal » qui vise moins à relancer la croissance et l'emploi qu'à servir certains intérêts ?

M. Yves Bur – C’est bien la première fois que vous défendez Bruxelles !

M. Roland Muzeau – Vous l’aurez compris, nous voterons résolument contre ce projet, après nous être abstenus sur le RSA.

M. Jean-Louis Idiart – Ce texte particulièrement injuste va servir une certaine catégorie de la population. Nous garderons en mémoire les propos de Mme la ministre de l’économie et des finances exaltant le travail, et repoussant en marge de la société ceux qui n’épousent pas cette conception, de même que le décalage entre les milliards distribués à certains et la difficulté à trouver quelques moyens pour en aider d’autres à retrouver une dignité.

S’agissant des heures supplémentaires, on a introduit de graves distorsions entre les gens ; votre texte ne nous paraît pas conforme à la Constitution.

Les discussions sur le bouclier fiscal et toutes les tentatives de vider l’ISF de sa substance annoncent ce qui va se passer dans les mois et les années qui viennent ; mais il faudra payer tous ces cadeaux, et pour cela vous irez chercher des recettes nouvelles dans les poches de nos concitoyens !

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera donc contre ce texte.

M. Charles de Courson – Le Nouveau centre votera ce texte. Tout d’abord, les mesures proposées vont dans la bonne direction : l’encouragement au travail ; c’est vrai du RSA, des heures supplémentaires, du travail étudiant, de la déduction des intérêts sur l’acquisition de la résidence principale, du bouclier fiscal et de la suppression des droits de succession.

Ensuite, toute une série d’amendements que nous avions proposés ont été adoptés, même si deux amendements importants ne l’ont pas été. En ce qui concerne l’inclusion dans le bouclier fiscal de la CSG et de la CRDS, nous verrons au Sénat. Pour ce qui est de l’impôt de solidarité sur la fortune, nous jugions préférable un abattement à la base plutôt que le système retenu, beaucoup moins efficace pour sortir du barème ceux de nos concitoyens qui l’ont atteint uniquement parce que leur logement a pris de la valeur.

Enfin, nous avons été entendus aux deux tiers concernant le financement, puisque sur les trois mesures d’économie que nous proposions, deux ont été retenues : l’IMA, sur lequel le Gouvernement s’est déclaré très intéressé et qui sera de nouveau discuté dans le projet de loi de finances pour 2008, et la modification des relations entre l’État et les collectivités locales. Nous espérons que notre troisième proposition, la révision du système de prise en charge des cotisations sociales patronales sur les très grandes entreprises, finira également par être retenue.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, mardi 17 juillet, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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