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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 23 juillet 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 45
20ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles

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La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS DES UNIVERSITÉS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités.

M. le Président – Nous allons suspendre la séance quelques instants en attendant que la commission ait terminé ses travaux.

La séance, immédiatement suspendue, est reprise à 22 heures.

Mme Valérie Rosso-Debord – « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. » Les mots de Paul Nizan pourraient illustrer le malaise croissant des étudiants, mis en lumière lors de la crise du CPE. Ce malaise, qui confine parfois au mal-être, peut tenir aux conditions de vie et aux difficultés d'insertion dans la vie professionnelle ; il marque aussi un manque de confiance dans l'avenir. Comment une société moderne peut-elle l’accepter ?

Les années qui suivirent Mai 68 ont suscité l'immense espoir d’une société plus harmonieuse, plus équitable, d’une société du savoir qui valoriserait le mérite au lieu de reproduire les modèles de caste. Mais malgré l'augmentation régulière du nombre d’étudiants, l'enseignement supérieur ne s’est pas démocratisé, tandis que trop de jeunes se trouvent à l’université par défaut.

Notre ambition est double : permettre à chacun de réussir et inscrire nos universités dans l'économie mondiale de la recherche et de la connaissance. Madame la ministre, vous avez eu le courage de poser le bon diagnostic : mauvaise répartition des moyens, locaux vétustes ou peu fonctionnels, statuts inadaptés à la mise en œuvre d'une stratégie. La réforme de l'université, trop longtemps différée, est une exigence nationale.

En donnant aux universités les moyens de leur modernisation par une gouvernance refondée, grâce à une autonomie réelle et à de nouveaux leviers de financement, ce projet de loi va dans la bonne direction. Cette première étape sera suivie de l’ouverture de cinq chantiers, relatifs à l'orientation, au logement, à la santé, au statut des enseignants et des chercheurs et à la lutte contre l'échec.

Je souhaiterais insister sur le lien étroit et trop souvent négligé qui existe entre une orientation adaptée et les conditions de vie des étudiants. L'absence de repères a des implications directes sur la santé – addictions, comportements à risque, dépression pouvant mener au suicide – comme l’a démontré la mission d'information sur la santé et la protection sociale des étudiants menée par Laurent Wauquiez. Les médecins de la santé universitaire soulignent pour leur part le nombre considérable de consultations motivées par un problème d’orientation.

C'est pourquoi il est urgent d'agir en amont, dès le lycée : à cet égard, la mise en place d'une procédure de pré-inscription pour l'accès à l'université, dès la classe de seconde, constitue un progrès important. L'obligation faite aux établissements de rendre publics les indicateurs de réussite aux examens et la création d'un bureau d'aide à l'insertion professionnelle sont tout aussi positives. Il pourrait être utile, également, d’indiquer pour chaque cycle le nombre exact d'étudiants sortis sans diplôme et les moyens déployés pour faire cesser ce gâchis.

Parce que derrière chaque étudiant en difficulté se trouve une famille qui souffre, la transparence de l'offre et l'accompagnement doivent rester les clés de voûte de notre démarche d'orientation active. Par ses objectifs ambitieux et l'étendue de son champ d'action, ce texte est de nature à redonner confiance à nos concitoyens et je le soutiens donc avec enthousiasme. Il n’est que temps de faire mentir Paul Nizan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Armand Jung – II est indiqué dans la lettre de mission du Président de la République que l'objectif prioritaire de votre ministère est de porter au meilleur niveau mondial notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Ainsi devrez-vous faire en sorte, Madame la ministre, qu’au moins deux universités françaises soient classées parmi les vingt premières du monde, et dix parmi les cent premières.

La France compte aujourd’hui 85 universités, chiffre que vous avez jugé « énorme » en commission. Seules trois d’entre elles apparaissent parmi les cent premières du classement de Shanghai : Paris VI, Paris XI et Strasbourg I.

Si l'objectif du Gouvernement, que nous approuvons, est de favoriser la création de campus de réputation européenne et mondiale, il convient de se poser la question du regroupement et de la fusion de nos universités, seules mesures à même d'attirer les meilleurs enseignants et chercheurs du monde entier. Mais ce projet, qui se concentre sur la gouvernance, ne favorise pas explicitement la fusion des universités et peut même constituer un frein pour les regroupements en cours.

Le découpage de notre enseignement supérieur en universités spécialisées est incompréhensible pour les étrangers et complique les essais de partenariat international. Nous devons créer une dizaine – tout au plus – d’universités pluridisciplinaires et généralistes, comparables aux grandes universités européennes et mondiales. La pluridisciplinarité est essentielle : permettant de riches combinaisons, elle favorise l’apparition de nouveaux objets de recherche et l’essor de nouvelles filières de formation. Qui peut croire aujourd'hui que l'on peut s'attaquer aux problèmes de l'environnement sans mobiliser des géographes, des géologues, des démographes, des juristes, des sociologues, des urbanistes, des chimistes ? De la même manière, l’éthique, la place de l'image, la conquête de l'espace, ou les relations entre les peuples doivent être abordées de manière pluridisciplinaire.

La constitution de PRES, qui se limitent à une coopération volontaire et incitative, ne répond pas à l'objectif de création de grandes universités intégrées. L'université unique, c'est en effet le choix de l'audace et du progrès contre la résignation et la stagnation : un seul site, une présentation unifiée de l'offre de formation et des activités de recherche, un seul service de valorisation de la recherche, une seule politique, une seule équipe présidentielle.

Le Président de la République a déclaré le 2 juillet : « Il faut montrer que Strasbourg est la capitale de l'Europe et s'en donner les moyens. » Or iI n'y a pas de capitale européenne sans université européenne. L’université unique de Strasbourg, voulue par les conseils des trois universités strasbourgeoises, pourrait être créée dès le 1er janvier 2009. Elle deviendra l'une des grandes universités françaises – sinon la plus grande –, avec 43 000 étudiants, dont près de 20 % d'étrangers, et 4 000 à 5 000 enseignants, chercheurs et agents administratifs. Cette fusion pourrait servir de modèle, notamment aux trois universités d'Aix-Marseille qui ont annoncé leur intention de se réunifier.

Ce projet peut parfaitement entrer dans le cadre de votre texte, à un point près : l'article 30, qui obligera chacune des trois universités à recomposer un conseil à quelques mois de leur fusion, compromet le bon avancement de l’entreprise. Pourtant, le site de Strasbourg, si on lui en donne les moyens, a la capacité d'être l'un des campus « de réputation mondiale » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Daniel Fasquelle – Pourquoi voulons-nous davantage de libertés et de responsabilités pour les établissements d’enseignement supérieur ? Parce que, libres, les universités seront à même de répondre aux attentes des étudiants et du monde professionnel, elles relèveront les défis de l’économie de la connaissance et de la mondialisation ; plus responsables, elles seront plus réactives et noueront des partenariats prometteurs. Ce projet est donc une bonne nouvelle pour notre pays, qui, à l’instar de l’Irlande, fait de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité absolue.

Pourquoi cette réforme n’a-t-elle pas abouti plus tôt ? Victime collatérale des crises universitaires à répétition, l’autonomie des universités a pâti de l’état d’esprit français. Une nouvelle vision s’impose enfin, depuis l’Élysée. Il s’agit de bâtir une société plus libre et plus responsable, de redonner aux Français le goût du travail, de les rendre audacieux et fiers de leur pays. C’est sur cette base de confiance, cette culture du résultat et de l’évaluation, que vous devrez construire, Madame la ministre, une relation différente entre l’administration centrale et les universités. Nouveau député, mais fort de mon parcours universitaire, j’adhère sans hésiter aux principes qui inspirent votre texte.

Mais si autonomie il doit y avoir, elle ne peut être sans limites et doit s’inscrire dans un cadre national. Pour les défis que nous devons relever, tout est affaire de dosage. Tout d’abord, nous devons faire en sorte que les regroupements d’universités ne remettent pas en cause le maillage de notre territoire. Doyen d’une faculté de droit dans une université créée en 1992, j’entends bien les critiques régulièrement adressées à l’encontre des universités de proximité, mais je rappellerai qu’elles ont contribué à la démocratisation de l’enseignement supérieur et joué un rôle d’ascenseur social, au même titre que les écoles normales d’instituteurs autrefois. Sans elles, comment parviendrions-nous à porter la proportion d’étudiants en licence de 37 à 50 % ?

De taille humaine, ces universités ont réussi à innover au plan pédagogique et ont enregistré des résultats très encourageants en développant des formations nouvelles, attendues par le monde professionnel. Elles sont devenues un atout pour le développement et l’emploi de nos régions, notamment dans le cadre des pôles d’excellence.

Sans nier pour autant la nécessité de réorganiser, ici ou là, le tissu universitaire, et de favoriser le développement de réseaux, je vous invite à ne pas fragiliser, mais au contraire à renforcer, ces établissements universitaires dont nos territoires ont grand besoin.

Il faudra également trouver un équilibre satisfaisant entre le pouvoir central de décision et le dialogue entre les disciplines et entre les universitaires eux-mêmes. Il est nécessaire de mettre fin à la multiplication des centres de décision, source de nombreuses paralysies et de pertes de temps. Les dispositions qui donnent aux présidents d’université les moyens d’agir efficacement doivent donc être saluées, mais il faut éviter de pousser à la domination de certaines disciplines sur d’autres, et de transférer la prise de décision à un niveau qui ne serait pas pertinent. La répartition des pouvoirs doit s’exercer dans le respect des différentes disciplines, mais aussi des universitaires.

Des universités capables de rivaliser sur la scène internationale tout en participant à l’aménagement et à l’équilibre de nos territoires ; un pouvoir de décision rationalisé sans préjudice pour le dialogue entre les disciplines ; voilà, Madame la ministre, les défis qu’il faudra relever.

À l’image de la France actuelle, qui veut associer tradition et modernité, fierté nationale et appartenance européenne, mais aussi liberté économique et protection sociale, nous devons dépasser les contradictions apparentes pour construire ensemble un nouveau modèle universitaire dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laurent Hénart – Cette loi de progrès engage la réforme qui approchait le plus du stade de la maturité, ce aussi bien au sein du monde universitaire que du monde parlementaire – je songe en particulier à l’excellent rapport d’information remis par nos collègues Michel Bouvard et Alain Claeys, dont les conclusions avaient été adoptées à l’unanimité par la MEC et la commission des finances.

D’un côté, le président de l’université disposera de pouvoirs renforcés et pourra s’appuyer sur une majorité claire, grâce à un mode de scrutin inspiré des élections municipales ; de l’autre, les compétences du conseil d’administration sont également accrues, qu’il s’agisse de l’adoption du projet d’établissement ou de la création des UFR – tous points sur lesquels le projet de loi va plus loin que le rapport de nos collègues. La transparence est également renforcée car toutes les délibérations seront publiques et le recteur exercera son contrôle de légalité.

La politique contractuelle devrait également bénéficier d’un nouvel élan, profitable à l’évaluation de la recherche et à l’insertion professionnelle des étudiants. L’État devrait d’autre part renforcer les critères de péréquation grâce à l’intégration des données socio-économiques : les universités qui font un effort en faveur de la diversité sociale et culturelle dans leur recrutement doivent être récompensées (« Très bien ! » sur certains du groupe UMP).

Avant d’ouvrir d’autres grands chantiers, qui nécessitent une concertation approfondie et des moyens supplémentaires, nous avions besoin de revoir les règles du jeu. Nos universités doivent être pilotées comme partout ailleurs en Europe. C’est un bon point de départ, car vous démontrez la volonté du Gouvernement tout en renforçant les capacités d’action de nos universités au rythme qu’elles choisiront. C’est apporter une première pierre à un édifice qui devrait être ensuite complété.

J’ai été particulièrement sensible à votre souhait d’ajouter, parmi les missions dévolues aux universités, l’insertion professionnelle des étudiants. L’université a certes pour buts la recherche, l’innovation et le transfert des savoirs, mais nous recevons suffisamment d’étudiants dans nos permanences pour être convaincus qu’elle doit aussi favoriser l’accès à l’emploi, en le rendant plus rapide et plus sûr. Or, les statistiques démontrent que nous en sommes loin : il vaut mieux, parfois, disposer d’un DUT que d’une maîtrise générale ou d’un master de recherche.

Comme vous, Madame la ministre, je rejette toute sélection par la voie d’un numerus clausus, méthode qui a montré ses limites en matière de santé. Je crois en revanche en la professionnalisation des études et en la transparence des débouchés. Pourquoi ne pas appliquer le décret de 1986, qui prévoyait de rendre public le taux d’emploi une fois acquis les diplômes ? Donnons aux étudiants les informations nécessaires pour qu’ils s’inscrivent en toute connaissance de cause dans les différentes filières.

Il faut également dégager des moyens supplémentaires pour l’alternance, qui permet aux étudiants de renforcer leur expérience professionnelle et de vérifier qu’ils sont bien faits pour le secteur d’activité auquel ils se destinent. C’est également le meilleur moyen de renforcer l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins des employeurs.

Enfin, tout en renforçant l’aide sociale aux étudiants, nous devons leur faciliter l’exercice d’une activité professionnelle à temps partiel, bon moyen pour eux de découvrir le monde du travail, même en dehors du secteur auquel leurs diplômes les préparent.

Tout cela n’allant pas sans moyens supplémentaires, le chef de l’État a annoncé une augmentation de 50 % des crédits. Je souhaiterais seulement que cet effort soit inscrit dans une loi de programmation, car cela rendrait notre action plus lisible et notre réforme plus efficace. Pour favoriser l’autonomie et mener à bien les cinq chantiers prévus par la ministre, il faudra non seulement des emplois qualifiés, mais aussi une loi de programmation concertée, dont le Parlement se porte garant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Monique Boulestin – Sans dogmatisme, je souhaite inscrire mes propos dans une réflexion constructive. La réforme ambitieuse de l’université que nous appelons tous de nos vœux exige en effet du courage. Je regrette que l’État refuse de traiter les vrais sujets de fond.

Tout d’abord, vous n’abordez pas la précarité dont souffrent les étudiants et les jeunes chercheurs, qu’il s’agisse de difficultés financières, qui obligent les plus démunis à travailler dans des conditions défavorables au succès de leurs études ; de difficultés sociales, qui appellent d’autres mesures que celles de ce projet de loi – je pense notamment à un véritable accompagnement médical et paramédical – ; ou encore de difficultés d’hébergement, que les communes, les agglomérations et les régions ont l’obligation de combattre.

Il faudrait en outre clarifier les relations entre les différentes composantes de l’université et mieux préciser le rôle de l’État et des instances universitaires. N’oublions pas non plus les risques qui résulteront de la recherche de fonds propres : les disparités entre les universités vont s’accroître, cependant que l’université s’éloignera de ses missions de service public. Les fusions annoncées ne feront qu’accroître les disparités territoriales, alors que les PRES devaient renforcer la cohérence locale.

Le troisième manque concerne l’échec en premier cycle, phénomène unanimement condamné par les étudiants et par les enseignants. Pour remédier aux problèmes d’orientation, d’autres mesures sont nécessaires, et le faible taux d’encadrement actuel impose d’augmenter les moyens. À cela s’ajoutent les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Une « gouvernance moderne » ne peut reposer sur le simple renforcement des pouvoirs attribués aux présidents d’université. Pour réussir, ceux-ci doivent être en phase avec l’ensemble de la communauté universitaire. Or, votre texte va à l’encontre de cet objectif.

Enfin, le désengagement global de l’État pèsera lourd sur les collectivités locales, tout en remettant en cause l’ambition affichée par le Gouvernement en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Les critères de Shanghai ne sont pas des lois universelles que nous devrions suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Yves Bur – Nous nous accordons tous pour rejeter le statu quo. La réforme de l’université est devenue vitale. Notre défi est de redonner à notre enseignement supérieur un niveau d’excellence qui lui permettra de faire bonne figure dans la bataille mondiale de l’intelligence.

Cet enseignement est aujourd’hui confronté à l’augmentation des effectifs d’étudiants, dont tous n’ont pas vocation à poursuivre un cursus exigeant. La massification, tous les spécialistes l’affirment, ne va pas nécessairement de pair avec une réelle démocratisation !

Je suis fier que notre Président de la République ait placé ce chantier au cœur de ses engagements. Au lieu d’affronter cette réalité, trop de responsables se sont en effet rendus complices d’un gâchis humain considérable. Comment sortirons-nous de cette situation ? Une meilleure orientation suffira-t-elle ? Ou bien faut-il un accompagnement pédagogique renforcé, sous forme de tutorat ?

Je considère que c'est bien la qualité de notre cursus scolaire qui est en cause, puisque notre pays se situe juste au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE dans les enquêtes d'évaluation PISA, alors que nous dépensons plus que la moyenne de ces pays. Une amélioration est indispensable pour une meilleure préparation des élèves au passage à l'université.

La sélection reste un tabou qu'il semble impossible de briser ; de même le sujet des frais d'inscription, qui coûtent pourtant moins cher qu'un abonnement de téléphone mobile ! J'espère que la dynamique de l'autonomie aboutira, tôt ou tard, à renverser ce dernier tabou, pour permettre à l'université de remplir dignement ses missions et de tenir son rang dans le contexte mondialisé, dès lors que l'État ne semble pas être en mesure d'assumer seul le coût des études supérieures.

Madame la ministre, nous apprécions votre volonté d'engager avec détermination les chantiers qui devront accompagner cette autonomie nouvelle pour conforter l'objectif d'excellence universitaire. Il faudra que l'État consente, dans les meilleurs délais, l'effort financier indispensable pour garantir la réussite de la nouvelle organisation de nos universités. Nous pourrons ainsi élever notre niveau de compétitivité, de manière à fixer sur le territoire national les talents de demain et à garantir le rang de puissance mondiale qui est encore celui de la France.

Dans la mesure où le texte octroie de nouvelles libertés et responsabilités, nous devons résister à la tentation de tout organiser et tout préciser dans la loi. À cet égard, je salue le travail de notre rapporteur, car il a bien compris que cette réforme constituait d'abord un acte de confiance en nos universités, dont elles sauront tirer le meilleur parti.

Au carrefour de deux exigences – davantage de moyens financiers et davantage de libertés –, figure la nécessité d’aboutir à l'organisation de l'État la plus efficace possible. Je forme le voeu que cette réforme s’accompagne d’une adaptation des services centraux, afin de générer des économies qui pourront être employées au service de l'université et d’alléger la pression bureaucratique, pour faciliter les initiatives.

Enfin, en vous renouvelant, Madame la ministre, mon soutien actif, je souhaite appeler votre attention sur la contrainte excessive que pourrait faire peser l'application stricte des dispositions de l'article 30 sur le projet visant à fondre les trois universités de Strasbourg en un établissement unique dès le 1er janvier 2009. Devoir recomposer un conseil pour chaque « ancienne université » à quelques mois de la création de la nouvelle risquerait de compromettre cette entreprise originale, dont la finalité est de constituer un campus à vocation mondiale. Je vous remercie par avance d’en tenir compte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Diefenbacher – Permettez-moi tout d’abord de féliciter le Gouvernement d'avoir ouvert dès le début de la législature le dossier de la modernisation de l'université, trop longtemps resté en souffrance tant s'était installée, à droite comme à gauche, l'idée que l'université n'était pas réformable. C’est à la vérité un dossier aussi explosif qu’impossible à éluder, tant il est clair que l’avenir des sociétés développées se joue sur leur capacité d’innover grâce à leur matière grise.

Vitales pour l’avenir du pays, nos universités sont hélas bien malades. Elles souffrent d’une massification mal maîtrisée et d'une mondialisation à laquelle elles ne s'étaient pas préparées. Surclassées par leurs concurrentes – européennes, asiatiques et américaines –, elles n'assurent pas aux étudiants les perspectives qu'ils sont en droit d’attendre. Trop souvent, fin des études rime avec échec aux diplômes et chômage. Il est donc urgent de remettre sur pied nos établissements.

Aussi, je voudrais, Madame la ministre, vous féliciter pour l’ouverture d'esprit et le pragmatisme dont vous faites preuve depuis que ce dossier est entre vos mains. Trouver des solutions fortes pour avancer, mais suffisamment raisonnables pour éviter tout emballement, n'est pas un exercice facile. Vous y réussissez excellemment ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Le texte qui nous arrive du Sénat suffira-t-il, à lui seul, à refonder l'université française ? Sans doute pas, mais il marque un premier pas essentiel : au-delà de ses aspects techniques, la réforme vise à faire évoluer les mentalités. L'autonomie, ce n'est pas seulement un ensemble de règles. C’est surtout un nouvel état d’esprit.

M. Yves Durand – Le pire, c’est qu’il a l’air d’y croire ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Michel Diefenbacher – C'est, pour les communautés universitaires, un nouveau rapport avec la décision, et c’est ce changement d'attitude qui devrait permettre d’aborder enfin les questions qui restent taboues, comme l’orientation et les frais d’inscription.

En matière d’orientation, les étudiants ont trop longtemps été trompés. Or quand ils découvrent la vérité, il est souvent trop tard ! Au nom du refus de la sélection, l'orientation est aujourd'hui terriblement lacunaire, et les premières victimes de cette carence, ce sont bien sûr les étudiants eux-mêmes, lorsqu’ils découvrent que leur diplôme ne débouche pas directement sur un emploi. Le chômage des jeunes diplômés demeure un problème que nous peinons à résoudre. La vérité, c’est que l’absence d’orientation ouvre la voie à une sélection sauvage.

Personne ne conteste le dogme de l'homogénéité des diplômes. Mais, dans les faits, plus personne n'y croit, pas plus les étudiants que les enseignants ou les employeurs. Même lorsqu'ils ont le même intitulé, les diplômes ne sont pas identiques. Par delà le postulat de principe, en l'absence de procédures transparentes d'évaluation et de comparaison entre les filières, les programmes et les établissements, des effets opaques de réputation ou de réseau génèrent des hiérarchies qui n'ont rien d'équitable.

Cette hypocrisie ne sera levée que lorsque – comme l'a proposé la MEC – toutes les universités seront tenues de publier leurs résultats sur la réussite aux diplômes et sur l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. C'est aux universités d'en décider et ce sera l'un des enjeux de l'autonomie. Au final, nous nous félicitions que l'orientation fasse désormais partie des missions prioritaires du service public de l’enseignement supérieur.

Le second tabou que l'autonomie permettra de lever concerne les frais d'inscription. Il faut regarder l'université telle qu'elle est, soit, trop souvent, un secteur condamné à une indigence inacceptable. C'est d'abord à l'État de faire plus. Il s’y est engagé, et nous vous faisons confiance, Madame la ministre, pour orchestrer le rattrapage financier particulièrement vigoureux qui s’impose aujourd’hui.

Mais l'État ne pourra pas compenser seul les effets de trente ans d’atermoiements et de conservatisme. Il faudra mobiliser d'autres fonds, publics et privés – d'où l'importance des fondations. Il faudra aussi demander un effort aux étudiants eux-mêmes. Bien entendu, celui-ci devra tenir compte de la capacité contributive des familles et s'accompagner d'un renforcement du système des bourses. Je tiens à dire avec gravité que jamais nous n’accepterons une sélection par l'argent. Mais un effort supplémentaire n'est pas hors de portée. Une intéressante étude de la fondation Concorde établit qu'une augmentation des droits annuels d'inscription de 300 euros, supportée seulement par les deux tiers d’étudiants les plus favorisés, permettrait d'injecter 450 millions, soit une augmentation de près d'un quart des dépenses universitaires autres que les charges fixes.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Michel Diefenbacher – Au printemps prochain, cela fera quarante ans que certains d'entre nous défilaient dans les rues du quartier Latin pour demander « L'imagination au pouvoir ». Avec la réforme que vous proposez, un véritable pouvoir universitaire sera instauré : à l'imagination d'en prendre possession ! (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Régis Juanico – Comme nous l’avons dit et redit, nous sommes favorables à une réforme ambitieuse de l’enseignement supérieur. Las, sans appartenir au clan des grincheux qu’ont dénoncé certains,…

M. Yves Bur – Mais si !

M. Régis Juanico – …nous ne pouvons que critiquer une réforme bâclée parce que conçue dans la précipitation (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Votre projet, Madame la ministre, est étriqué, dépourvu de moyens financiers et sans garde-fous. Sous une apparence technique, il pourrait même se révéler dangereux pour le modèle universitaire français (Même mouvement). Alors que le Premier ministre l’a présentée comme la plus importante de la législature, vous avez conduit cette réforme à la hussarde. Réduite à quelques semaines, la concertation avec le monde universitaire a été menée dans la confusion. En témoigne la première mouture du texte, à ce point inacceptable qu’elle a fait l’objet d’un rejet unanime et contraint le Président de la République – qui goûte il est vrai l’exercice ! – de s’investir personnellement dans le dossier.

Vous en avez du reste fait l’aveu devant notre commission : en soixante heures réparties sur six semaines, vous avez reçu plus de partenaires sociaux que vos prédécesseurs ne l’avaient fait au cours des cinq années précédentes !

M. Yves Bur – Souvenez-vous de Jospin avant de faire la leçon !

M. Régis Juanico – Bel hommage, en vérité, à la majorité que vous avez soutenue naguère ! Au final, cette concertation menée au pas de charge ne constitue pas un gage de sérénité pour la suite du travail législatif.

Autre preuve d’impréparation, le titre du texte a changé trois fois en moins de trois mois. La dernière version s’intitule : « Libertés et responsabilités des universités ». La reprise de l’intitulé de la loi Raffarin du 13 août 2004, qui organise le transfert de nombreuses charges aux collectivités sans compensation (Murmures sur les bancs du groupe UMP), ne me semble pas vraiment de nature à rassurer les présidents d’université, alors qu’ils se débattent déjà dans d’inextricables difficultés budgétaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). C’est, au mieux, une maladresse, mais, plus sûrement, une faute psychologique, et peut-être un aveu (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

En réalité, le socle sur lequel vous entendez appuyer vos réformes a sérieusement rétréci au lavage, au point que vous auriez finalement dû baptiser ce texte : « service minimum pour les universités » ! (« Excellent ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Yves Bur – Ça, nous en parlerons la semaine prochaine !

M. Régis Juanico – Au nom de la vision très libérale développée par M. Sarkozy tout au long de la campagne, sans doute auriez-vous aimé aller plus loin encore dans la remise en cause du service public de l’enseignement supérieur. Mais les déboires de vos prédécesseurs vous ont incités à la prudence : Devaquet en 1986, Fillon en 1995, le projet mort-né de Luc Ferry…

M. Damien Meslot – Et Savary ?

M. Régis Juanico – C’est du reste le même Luc Ferry qui tient des propos fracassants dans le Parisien du 21 juillet : « L’actuel ministre de l’éducation a une chance que je n’ai pas eue : il a un Président de la République qui ne recule pas devant quelques personnes dans la rue. (…) Si j’avais eu Nicolas Sarkozy comme Président, je serai encore là. Pour Jacques Chirac, la question de l’école n’avait pas une telle importance. » J’imagine, Madame Pecresse, que ces compliments sont allés droit au cœur de la conseillère de l’Élysée que vous étiez, il y a peu encore !

Le plus inquiétant dans ce projet, c’est l’absence de garanties et de programmation des moyens financiers et humains. Nous le savons tous : renforcer l’autonomie des universités sans réformer le calcul de la dotation de fonctionnement, sans péréquation solidaire, sans plan de rattrapage pour les établissements les plus dégradés, c’est instaurer la loi de la jungle, le règne du chacun pour soi.

Vous annoncez cinq hypothétiques milliards supplémentaires dans les cinq ans, soit 20 % d’augmentation quand le candidat Sarkozy avait promis une progression de 50 % !

M. Benoist Apparu, rapporteur de la commission des affaires culturellesL’engagement sera tenu.

M. Régis Juanico – Au regard des 13 milliards du paquet fiscal, dont 7 milliards au profit direct des plus riches, nous comprenons bien que vous avez choisi de privilégier les dépenses clientélistes, au détriment des dépenses d’avenir.

De même, comment entendez-vous concilier les besoins supplémentaires en personnels qualifiés – notamment pour la gestion des ressources humaines dans les universités – avec l’engagement, rappelé avec force dans la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République, de ne pas remplacer un fonctionnaire partant sur deux ?

M. le Président – Concluez.

M. Régis Juanico – Madame la ministre, ce que redoutent plus que tout les acteurs de la communauté universitaire que j’ai rencontrés à Saint-Étienne – pôle pluridisciplinaire de taille moyenne avec ses 14 000 étudiants et ses 1 300 enseignants et agents –, et, en particulier les personnels IATOSS dont il n’a été que peu question dans ce débat, c’est que l’État ne se désengage, au point que la loi ne profite qu’aux grands pôles universitaires…

M. le Président – Votre temps de parole est écoulé.

M. Régis Juanico – Si, comme vous le dites, votre réforme ne constitue qu’une première étape, nous avons de sérieuses raisons d’être inquiets pour la suite ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Alfred Almont – Je suis de ceux pour qui il n’y a de progrès que dans le renouvellement. C’est bien de cela qu’il s’agit avec ce texte qui assurera la nécessaire modernisation de l’organisation et du fonctionnement de l’université. J’évoquerai pour ma part la situation particulière de l’université des Antilles et de la Guyane – UAG – qui appelle de vraies adaptations.

Du fait de sa position géographique, l'université des Antilles et de la Guyane – qui fête cette année son vingt-cinquième anniversaire – présente la spécificité d'être implantée sur trois sites, Guadeloupe, Martinique et Guyane – trois départements qui sont aussi trois régions et trois académies. Six collectivités locales sont donc concernées, et les trois pôles sont éloignés de plusieurs centaines de kilomètres. Cette université dispose par ailleurs de trois IUFM qui devraient être intégrés prochainement.

Pour résoudre ses difficultés, l’UAG a instauré au sein de son conseil d'administration le système dit de la parité, qui consiste à reconnaître une représentation égale à chacun de ses trois pôles, ce qui a notablement amélioré son fonctionnement. Dans le même esprit, afin de favoriser une gestion de proximité par les pôles, elle a créé trois conseils universitaires régionaux – CUR – ayant chacun à sa tête un vice-président.

Nombre de ces difficultés ne pouvaient cependant être résolues que par le législateur. Votre projet de loi répond à cette nécessité en réformant l'organisation et le fonctionnement de nos établissements d'enseignement supérieur. En effet, c'est bien l'absence d'autonomie qui les a privés jusqu’à présent de capacités d'initiative et de réelle efficacité. Votre texte libère ces énergies et donne à nos universités les moyens de devenir plus réactives et plus modernes. Il faut en faire de véritables pôles d'excellence et de compétitivité dans leur environnement régional.

Mais ces dispositions ne pouvaient s'appliquer sans adaptation de la loi à la situation particulière des universités d’outre-mer. Pour y réfléchir, il est apparu nécessaire de mener une concertation avec les départements et régions d'outre-mer et l’université des Antilles et de la Guyane. Le Gouvernement a donc fait adopter par le Sénat un amendement l'autorisant, sur le fondement de l'article 73 de la Constitution, à agir par ordonnance dans un délai de six mois pour adapter la loi à ces particularités.

Cette ordonnance ne portera cependant que sur l'adaptation du titre II, c'est-à-dire sur la gouvernance des universités. Or d'autres dispositions de la loi sont difficilement applicables à l'outre-mer. Je pense notamment au comité de sélection prévu, lui, au titre III. Les commissions de spécialistes auxquelles ce comité va se substituer doivent comporter au moins un tiers de « membres extérieurs ». Cette règle contraignait déjà l'UAG à financer chaque année leur déplacement depuis la métropole. II est également arrivé que ces « membres extérieurs » ne se déplacent pas aux Antilles et en Guyane, sans pour autant empêcher les recrutements, puisqu'au moins deux tiers des membres des commissions étaient sur place.

Le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat pourrait aggraver la situation, puisque l'article 21 dispose désormais que la moitié au moins des membres du comité de sélection doit être extérieure à l'université, ce qui augmentera notablement les frais de déplacement à la charge de l'UAG. Il existe aussi un risque que, comme par le passé, les membres extérieurs ne se déplacent pas systématiquement. Or, dès lors que l'article 21 pose la règle que pour siéger valablement, la moitié au moins des membres présents devra être extérieure à l'université, on risque de ne pas pouvoir recruter.

Pour que votre texte n'aille pas à l’encontre du souci de réactivité des universités qui inspire la réforme, il faudrait étendre le champ d'application de l’ordonnance au moins au titre III. Nous n’avons pas la possibilité de déposer un amendement en ce sens, mais le Gouvernement, lui, le peut. Je sollicite donc votre engagement sur ce point. Le député-maire de Fort-de-France défendra lui-même un certain nombre d’amendements sur le sujet.

Ce texte marque les premiers pas d'une réforme que nous appelons tous de nos vœux. Il répond en outre à l’aspiration des régions d’outre-mer à davantage de décentralisation des pouvoirs de décision. J’espère que ma demande sera entendue, ce qui me donnerait toutes les raisons de voter ce texte !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Ce projet de loi répond à un engagement fort du Président de la République, celui de redonner une place de premier ordre aux universités. Il semble pourtant se circonscrire aux frontières de l’Hexagone, alors que la France s’étend bien au-delà.

S’il est urgent de revoir une législation qui a plus de vingt ans, il l’est tout autant de donner des moyens suffisants aux universités qui assurent outre-mer une mission de service public qui va au delà de la formation générale. Forte de ses 13 117 étudiants, de ses formations en médecine, géographie, histoire, chimie, mathématiques, informatique, langues, littérature étrangère, droit, sciences économiques, etc., l’UAG assume aussi une mission fondamentale de préparation des jeunes à l'emploi. Ces deux missions complémentaires font d’elle un bâtisseur d'avenir, un partenaire indispensable dans la mobilisation générale pour assurer un meilleur accès à l'emploi des jeunes. Il importe donc qu'elle fonctionne dans des conditions qui l’aident à satisfaire les demandes et besoins de notre économie et de notre société.

L'UAG fait aussi de l'environnement caribéen un atout. En englobant dans sa mission de service public les dimensions de coopération et de co-développement, elle tisse des liens avec les universités de la Caraïbe et y promeut le savoir-faire français, qui peut apporter des solutions à la régulation des flux migratoires en aidant les pays voisins à élaborer des projets de développement durable.

Vitrine d'une France riche de sa diversité, l’UAG entend donc saisir la chance que lui offre cette réforme pour renforcer son attractivité et développer de nouvelles filières. Elle veut rompre avec une image parfois négative, erronée car ses résultats sont très honorables, notamment dans les filières scientifiques. Ce problème d'image conduit certaines formations à se retrouver en concurrence avec des formations dispensées dans des organismes privés, en Guadeloupe, par des universités métropolitaines.

L'université des Antilles et de la Guyane de demain doit se construire aujourd'hui. L'enseignement supérieur local y gagnerait en efficacité, et en compétitivité. Je porte donc un grand intérêt à la disposition adoptée par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, qui permet d'adapter la gouvernance rénovée aux caractéristiques des régions et départements d'outre-mer dans un délai de six mois.

Cet ajustement de la réforme est primordial pour l'UAG, établissement public pluridisciplinaire à caractère scientifique, culturel et professionnel présent dans trois régions et trois départements distants de 1 300 km les uns des autres, et trois rectorats. Le resserrement du conseil d'administration prévu à l'article 6 remet en effet en cause la représentativité à égalité de chaque pôle, qui est la clef de l'unité affirmée de notre université. Cet article provoquera donc l'éclatement de l'UAG, alors qu’en métropole, les universités comme celles de Marseille ou de Strasbourg font l'effort d'être unes et indivisibles.

De plus, la proportion de personnes extérieures au sein du comité de sélection prévu dans le titre III peut être source de dépenses supplémentaires, ces personnes venant de l'Hexagone. Le Gouvernement ne doit donc pas seulement adapter le titre II de la loi, mais aussi son titre III. Aussi devez-vous nous confirmer l'engagement pris devant le Sénat de faire du « sur mesure » pour l'université Antilles-Guyane. L'adaptation de la loi doit se faire en concertation avec les acteurs de l'enseignement supérieur local et les élus.

L'UAG a besoin de moyens financiers pour relever les défis de ce siècle. Elle ne doit pas être le parent pauvre de la loi. Elle doit profiter pleinement de l'effort financier de 5 milliards d'euros qui a été annoncé.

C’est l’intérêt de notre jeunesse qui est en jeu. Je vous renouvelle ma confiance, Madame la ministre, pour répondre à ses attentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Simon Renucci – L'OCDE nous range parmi les pays développés qui dépensent le moins pour leurs étudiants. En 2005, la France dépensait 6 800 euros par étudiant, la moyenne des pays développés dépassant 9 000 euros. À peine plus de 1 % de notre PIB est consacré à leur formation, contre 1,7 % dans l'ensemble de l'OCDE et 2,7 % aux États-Unis. Là se trouve l'explication du mauvais classement de nos universités.

Or le malaise ne fait que s'aggraver. Les enseignants-chercheurs assument des charges administratives de plus en lourdes et travaillent dans des conditions d'encadrement indignes d'un grand pays. Les personnels administratifs et techniques supportent la pénurie des moyens. Les étudiants vivent de plus en plus difficilement la précarisation de leur condition et le risque d’échec souvent dû à une mauvaise orientation – 90 000 jeunes sortent ainsi tous les ans de l'enseignement supérieur sans diplôme.

Je suis convaincu que le moment est venu de cette grande réforme. Mais dans ce contexte, la première urgence aurait dû être d'élaborer un collectif budgétaire au bénéfice des universités.

M. Alain Claeys – Très bien !

M. Simon Renucci – L’effort budgétaire, si nécessaire soit-il, ne sera pas suffisant sans nouvelle gouvernance de l’université. A contrario, sans cet effort budgétaire, votre réforme de l'autonomie des établissements risque d'apparaître comme une habileté pour transférer la responsabilité de la gestion de la pénurie sur la seule communauté universitaire. Oui, il y a urgence à clarifier. Mais sans moyens supplémentaires, votre réforme pourrait provoquer de grandes insatisfactions.

Par équité, et pour lever toutes ces craintes, l’urgence commande en premier lieu un rattrapage pour les universités les moins bien dotées, les moins encadrées et les plus dégradées. Il s'agit de corriger les inégalités entre les établissements avant l'absorption de toute compétence nouvelle. La même urgence exige un audit, puis une loi de programmation, afin de financer les dispositions de votre projet visant à transférer aux universités la propriété des bâtiments, dont la réhabilitation préalable par l'État s'impose. Comment entendez-vous financer ces travaux ?

J'aurais préféré une grande loi de programmation pluriannuelle. L'État aurait ainsi fixé un cadre assurant l'équité entre les universités et consolidant l'aménagement de nos territoires. Lors de la décentralisation, les collectivités, dont les moyens n’étaient pas les mêmes, sont devenues concurrentes, ce qui a provoqué de graves inégalités territoriales. Si, de même, l'autonomie universitaire – qui est, je le répète, utile et nécessaire – consiste à créer une concurrence entre des universités de taille différente et qui, surtout, disposent de moyens très dissemblables, on aboutira inéluctablement à l'aggravation de l’inégalité des chances entre les étudiants et entre nos territoires. Il suffit d'imaginer la disparité des ressources privées dont bénéficieront les fondations de certaines universités selon qu’elles sont dans un département où sont installés les sièges sociaux des grandes entreprises ou dans un autre pour comprendre que l'État doit assumer pleinement son rôle, en fixant un cadre qui garantisse l'équité et la complémentarité entre les établissements. Si tel n’est pas le cas, nous risquons une concurrence dévastatrice entre universités et l'aggravation de la compétition que se livrent nos territoires.

L'autonomie peut contribuer à l'émergence d'une Université du XXIe siècle. Encore ne doit-elle pas contredire le principe de la gestion déconcentrée qui, seule, pourra responsabiliser efficacement les acteurs. Nous évoquerons à nouveau cette question lors de la discussion des articles 12 et 16 qui renforcent de manière exorbitante les pouvoirs du président. Globalement, c'est bien un effort national qui est nécessaire car, rendez-vous compte, nous ne consacrons qu’un pour cent de notre PIB à nos étudiants ! Votre démarche est d'autant plus courageuse, Madame la ministre, que nous ne savons pas si les arbitrages budgétaires ultérieurs vous seront favorables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Damien Meslot – Outre qu'il est conforme aux engagements pris par le Président de la République, le projet s'est enrichi de nouvelles mesures pour répondre aux préoccupations exprimées par la communauté estudiantine. Bien sûr, tous les besoins ne sont pas encore satisfaits, mais ce texte constitue une première étape que les étudiants attendaient impatiemment car, depuis vingt ans, leurs conditions de vie se sont dégradées, ce qui a entraîné un taux d'échec parmi les plus importants d'Europe. Voilà qui justifie pleinement l'examen en urgence de ce texte destiné à donner à nos établissements supérieurs les moyens d'affirmer leur excellence et à offrir aux étudiants les conditions d'une réussite sociale et personnelle fondée sur le travail et le mérite.

Au terme d’une intense concertation avec tous les acteurs de la communauté universitaire, vous avez pris des engagements qui répondent efficacement aux besoins des étudiants, qu’il s’agisse des aides sociales, de la santé ou du logement. En matière d’aides sociales, votre projet permettra d'obtenir le versement des bourses plus rapidement ; d'étendre le bénéfice des bourses aux étudiants issus des classes moyennes, conformément à la recommandation de notre ancien collègue Laurent Wauquiez ; de récompenser le mérite tout au long de la scolarité. S'agissant de la santé des étudiants, je me félicite de la réflexion que vous menez avec la ministre de la santé pour offrir à tous les étudiants en licence un « pack santé gratuit» comprenant plusieurs consultations auxquelles, parce qu’elles sont parmi les plus onéreuses, nombre d’entre eux sont malheureusement contraints de renoncer. L'ophtalmologie, les soins dentaires et, pour les jeunes femmes, la gynécologie, ne seront désormais plus un luxe. En matière de logement enfin, la communauté étudiante vous est reconnaissante de l’avoir entendue, qu’il s’agisse de l'ouverture du parc locatif à des bailleurs privés ou de l'intégration du logement social étudiant dans le cadre d'une réforme de la loi SRU.

D’autres mesures novatrices ont été mises au point, telles la création d'un prêt étudiant ou la possibilité donnée aux présidents d'université de recruter des étudiants pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque. Or, on sait que le nombre de stages a un impact déterminant sur l'insertion professionnelle ultérieure.

Votre projet aura des conséquences directes sur la qualité de l'enseignement puisque, dans un délai d'un an, les universités pourront recruter des enseignants-chercheurs dans des délais plus courts et créer des fondations qui encourageront notamment la solidarité des anciens étudiants issus d'une même formation.

Ces nouvelles mesures contribueront à doter nos universités de moyens importants pour affronter la concurrence internationale à armes égales. Je me réjouis que les mesures relatives à la condition de vie étudiante trouvent leurs premières traductions dans le projet de loi de finances pour 2008 et je vous félicite, Madame la ministre, pour cette excellent texte qui permettra à nos universités de rejoindre le peloton de tête des établissements du monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Je répondrai aux orateurs en commençant par M. Jardé, qui a rappelé la particularité des UFR de médecine, dans lesquelles les praticiens hospitaliers soignent, cherchent et enseignent. Cette spécificité issue de la loi Debré est à l’origine de la qualité de nos hôpitaux et elle demeurera. En revanche, je refuserai l’affectation directe des personnels dans ces UFR, car notre objectif n’est certes pas de les « bunkeriser » – d’ailleurs, pourquoi des affectations directes pour ces UFR et pas pour les autres ? Mais tous les postes de praticiens hospitaliers seront créés conjointement par le ministre de la santé et par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui devrait vous rassurer, Monsieur Jardé, car cela signifie qu’il sera impossible de transformer un poste de psychiatre en poste de sociologue ou un poste de pédiatre en poste d’économiste.

Mme Guégot, comme M. Meslot, ont souligné avec raison que la réforme, par ses dispositions relatives à l’orientation, à la formation et à l’insertion, est d’abord faite pour les étudiants. Ceux-ci en sont les premiers acteurs puisque les conseils des études et de la vie universitaire disposeront désormais d'un vice-président étudiant chargé des questions de vie étudiante. De plus, des contrats étudiants leur seront proposés qui leur permettront d’être actifs et de gagner leur vie en travaillant à l’université.

Monsieur Le Déaut, vous vous êtes demandé comment les engagements de M. Sarkozy seraient tenus ; le déroulement de cette session extraordinaire devrait vous en donner une petite idée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Vous avez évoqué l’avis du CNESER ; puis-je vous rappeler que cette instance s’est, en 1999, opposée aux projets de réforme de M. Allègre…

M. Patrick Braouezec – Il avait déjà raison !

Mme la Ministre – …ainsi qu’à l’instauration du LMD décidée dans le cadre du processus de Bologne ? Que voulez-vous, il existe, dans la société française, des forces hostiles au changement et elles s’expriment parfois… Sur un autre plan, je suis convaincue que les petites universités seront les premières à s’approprier le dispositif d’autonomie mis à leur disposition, car cela leur sera beaucoup plus facile qu’aux grands établissements.

Vous avez aussi parlé des moyens. Conformément à la stratégie voulue par le Président de la République, faisons la réforme, et les moyens suivront ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Yves Durand – Voilà une formule appelée à un grand avenir !

M. Jean-Yves Le Déaut – C’est comme au poker, il faut payer pour voir !

Mme la Ministre – M. Marie-Jeanne, Mme Taubira, Mme Louis-Carabin et M. Almont ont successivement appelé mon attention sur la situation à tous égards particulière de l’université Antilles-Guyane, éclatée sur trois sites distants de milliers de kilomètres, sur trois départements, avec trois recteurs… Incontestablement, une ordonnance sera nécessaire pour adapter la loi – y compris son titre III – aux spécificités de cette université. Nous verrons cela en concertation avec l’ensemble des acteurs et des collectivités locales concernés.

Madame Mazetier, j’ai bien peur que l’idée de faire participer des étudiants aux comités de sélection qui recrutent les professeurs ne soit pas très conforme au principe constitutionnel de l’indépendance des enseignants-chercheurs. Par ailleurs, la massification des effectifs dans l’université sans réforme et sans pilotage ne me paraît pas très souhaitable. Quant à vous, Monsieur Braouezec, convenez que les pouvoirs que nous entendons donner au président sont loin d’être exorbitants. Tout ce que nous voulons, c’est un président qui préside, comme un directeur d’IUT – ou alors trouvez-vous que ces derniers abusent de prérogatives incroyables ? Le président sera par ailleurs sous le contrôle du conseil d’administration, qui l’accompagnera avec les deux autres conseils, scientifique et de la vie étudiante. Cela ne me paraît pas le signe d’une présidentialisation.

M. Bayrou, qui est à l’évidence fasciné par le modèle américain (Interruptions sur divers bancs), regrette que nous n’appliquions pas la même répartition des pouvoirs. Mais le président, stratège et porteur de projets de l’université autonome, sera accompagné d’un secrétaire général, qui a vocation à devenir le directeur général de l’université, autrement dit un véritable gestionnaire – voilà pour la compétence manageriale – ou encore des directeurs des unités, écoles et composantes qui correspondent aux deans qu’il a cités, du président du comité scientifique, qu’il a visiblement oublié…

M. Patrice Martin-Lalande –Vous oubliez qu’il a été ministre de l’éducation nationale !

Mme la Ministre – …et qui se prononce sur l’ensemble de la politique scientifique de l’université, et enfin du président du conseil des études et de la vie étudiante. Les contrepouvoirs existent donc, sans même parler du conseil d’administration. En outre, lorsqu’il y aura regroupement d’universités, dans le cas des PRES, les différents présidents seront appelés à collaborer, comme le font les maires aujourd’hui dans une communauté de communes. Les pouvoirs seront donc loin d’être concentrés.

Je ne peux que suivre Yves Jego lorsqu’il se dit hostile aux corporatismes. En revanche, lorsque Pierre Cohen s’inquiète d’attirer les moyens du secteur privé dans l’université, il me semble au contraire que le danger est de ne pas arriver à attirer tous les moyens qui seraient disponibles ! Quant à l’augmentation des frais d’inscription, ils resteront fixés par l’État. Enfin, en ce qui concerne le bilan des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, permettez-moi de faire remarquer que le premier a été signé le 21 mars : c’est un peu court pour une évaluation… En tout cas, ça démarre très fort. Neuf sont déjà signés, trois sont en cours d’élaboration, ce qui prouve que la loi de 2006 était parfaitement adaptée. D’ailleurs, l’exemple de Toulouse marche plutôt bien !

M. Pierre Cohen – Sans les organismes !

Mme la Ministre – Pour l’instant ! Pour faire travailler ensemble les organismes et les universités, il y a aussi les réseaux thématiques de recherche avancée. Les PRES avaient pour objectif premier de rapprocher toutes les écoles. Les organismes y viendront, croyez-moi, mais arrêtez de faire des bilans alors que les PRES ont à peine quatre mois d’existence ! Ils constituent une grande avancée, et vous le savez très bien.

Mme Bello considère que la gouvernance est l’affaire des entreprises. Pour ma part, il me semble que la bonne gouvernance doit aussi être possible dans des services publics administratifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Claude Goasguen, qui insiste pour que l’autonomie soit réelle, attire l’attention sur la nécessité de respecter les disciplines, dans le cadre de cette autonomie, et nous met en garde contre une syndicalisation excessive (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Ce projet de loi vise à dépasser tous les clivages du passé, à rassembler les membres de la communauté universitaire qui restaient jusqu’à présent enfermés dans leur bureau, dans leur UFR, à les faire choisir un projet d’établissement et créer une équipe. C’est un acte de confiance : si nous leur donnons de nouvelles libertés et de nouvelles compétences, les enseignants-chercheurs sauront prendre leur destin en mains. Ils constitueront des listes et se présenteront aux élections. Il n’y a pas de fatalité à ce que seulement 10 % des enseignants-chercheurs votent pour l’élection de leur président, surtout si l’on donne des pouvoirs à ce président, si on lui permet d’avoir des majorités stables, et si l’on ouvre les perspectives d’action de l’université au-delà de la gestion du quotidien et de la négociation de bouts de chandelle.

Hervé Gaymard a attiré l’attention sur l’orientation active et sur l’insertion internationale, un point crucial que je n’ai pas suffisamment développé ici. Il y a encore quelques années, nous étions le troisième pays d’accueil des étudiants étrangers dans le monde et nous sommes en passe de devenir le cinquième, dépassés par l’Allemagne et bientôt par l’Australie, qui mène une politique extrêmement dynamique avec des campus de qualité remarquable. M. Kouchner et moi – j’en profite pour dire que les étudiants étrangers relèvent bien de la compétence de mon ministère, et exclusivement – avons lancé une mission pour vérifier les conditions d’accueil des étudiants en France. Campus France a vu le jour en mars, et c’est là aussi encore un petit peu tôt pour tirer un bilan. Nous irons dans tous les consulats pour faire la promotion de l’université française, l’objectif étant d’attirer aussi les étudiants de pays non francophones et qui n’ont pas de tradition de relation avec la France, de façon à ce que le vivier corresponde aux grands pays qui seront les moteurs de la croissance demain. C’est aussi fondamental pour notre économie que pour nos universités, et aussi pour notre jeunesse, qui doit se frotter aux autres jeunes du monde entier, comme l’a dit Mme Taubira. Quant à la réforme des études médicales, qui est essentielle dans le cadre de l’harmonisation européenne, nous sommes en train d’attendre les contributions de l’Académie de médecine, de l’Académie des sciences et de l’Ordre des médecins.

Jean-Pierre Giran a souligné des risques de politisation, de marchandisation et de localisme, mais ces risques existent déjà aujourd’hui. Pour ma part, je suis surtout sensible à un risque de balkanisation : nos universités doivent être puissantes en même temps qu’autonomes. Notre loi ne doit pas être fondée sur la défiance. Claude Birraux, lui, a réclamé un pilote dans l’avion : il faut un président dans l’université. Ce qu’il ne faut pas, c’est sacraliser l’immobilisme, ce à quoi aboutissent certains amendements qui tendent à revenir à la loi Savary. Il a aussi attiré l’attention sur la nécessaire revalorisation des carrières : c’est un chantier que nous allons devoir ouvrir. Il y a trente ans, un professeur d’université gagnait la même chose qu’un général ou qu’un conseiller d’État. Aujourd’hui, il gagne 20 % de moins. L’ensemble du personnel des universités doit voir sa carrière réévaluée.

M. Goldberg ayant parlé de présidentialisation, je lui réponds contrepouvoirs, avec le conseil d’administration, le conseil scientifique, le conseil des études et de la vie étudiante et l’État, contrepouvoir majeur dans le cadre du contrat pluriannuel. Il a aussi parlé de localisme, mais je rappelle qu’il y aura une moitié de membres extérieurs à l’université, qui apporteront du sang neuf au recrutement des présidents.

Ainsi que l’a si bien résumé Jean-Pierre Door, cette loi sera un outil stratégique pour rénover les universités. Les symptômes sont en effet connus, dont celui de la sclérose administrative, et nous n’en sommes qu’au début de la thérapie. Mais ce texte est aussi, ainsi que l’a montré Valérie Rosso-Debord, un outil essentiel de lutte contre l’échec universitaire. MM. Jung et Bur ont attiré mon attention sur la fusion des universités de Strasbourg. C’est un projet essentiel pour la communauté nationale. Ce pôle sans précédent sera de dimension européenne. Pour tenir compte des contraintes très particulières de cette opération, qui aura lieu au 1er janvier 2009 et dont le contrat pluriannuel est en cours d’élaboration, j’accepterai de donner un délai supplémentaire de six mois aux trois universités de Strasbourg pour désigner leur conseil d’administration – mais il faudra trouver une rédaction qui garantisse, contrairement à l’amendement qui a été présenté, que le processus sera mené à terme.

Daniel Fasquelle a insisté avec raison sur le dialogue indispensable entre les disciplines, ainsi que sur la nécessité de mettre fin à la multiplicité des centres de décision dans l‘université. Ce sont ces deux objectifs conjugués qu’il va falloir poursuivre. Laurent Hénart, faisant preuve de sa connaissance remarquable de la question de l’insertion professionnelle, a souligné la nécessité de développer l’alternance et relevé que l’insertion professionnelle devenait la troisième mission de l’université. Il a surtout insisté sur l’intérêt du mode de scrutin prévu, qui donnera une majorité stable au président de l’université. Il a également montré qu’il fallait faire évoluer les critères qui fondent la dotation globale de fonctionnement de l’université, notamment en tenant compte des difficultés sociales des étudiants. Le groupe socialiste du Sénat avait déposé un amendement dans ce sens.

Madame Boulestin, comment parler de désengagement de l’État quand celui-ci s’apprête à dégager cinq milliards en cinq ans pour l’université ? C’est au contraire un formidable engagement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). En ce qui concerne les critères de Shanghai, j’ai dit ma volonté d’élaborer d’autres critères au niveau européen.

S’agissant des frais d’inscription, sujet abordé notamment par Yves Bur et Michel Diefenbacher, la véritable question est celle de l’engagement de l’État. Notre pays dépense aujourd’hui 6 000 euros par an pour un étudiant contre 10 000 euros pour un lycéen. L’État ne peut se décharger du coût de la formation des étudiants sur les familles –d’autant que l’on compte 40 % d’étudiants boursiers. Il faut d’abord réformer le dispositif des bourses avant de toucher aux frais d’inscription. En effet, dans notre modèle national, auquel je suis attachée, la solidarité nationale finance les études, l’université, l’éducation nationale. L’État donnerait un fort mauvais signal en n’assumant pas sa responsabilité financière en ce domaine (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Yvan Lachaud a apporté le soutien du Nouveau centre à un projet de loi qui arme les universités pour la bataille de l’intelligence. Il a eu raison de souligner combien cette bataille était mondiale. Nos rivales sont aujourd’hui les universités indiennes et chinoises.

Monsieur Bouvard, je tiens à rendre hommage au travail remarquable de la Mission d’évaluation et de contrôle qui, sous votre direction et celle d’Alain Claeys, a proposé vingt et une mesures pour la gouvernance des universités, dont dix-neuf se retrouvent dans le projet de loi.

Monsieur Juanico, vous souhaitez des moyens pour l’université. Ils seront au rendez-vous. Vous souhaitez également que soit ouvert le chantier des carrières des personnels. Il le sera. Contrairement à ce que vous semblez penser, les universités les plus petites se saisiront rapidement de la réforme et j’espère que celle de Saint-Étienne rejoindra rapidement le pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Lyon.

Monsieur Renucci, vous avez évoqué le soutien de l’État. Vous savez qu’il est acquis à l’université de Corte que le Président de la République a tenu à sortir des critères de San Remo de façon à lui permettre de se développer de manière adaptée à la vitalité du développement économique de la Corse et dans le respect de sa culture. Vous pouvez personnellement témoigner de ce que, lorsque M. Sarkozy prend des engagements vis-à-vis de l’université, il les tient (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Yves Durand – À l’issue de cette discussion générale, j’avoue ressentir comme un sentiment d’inachevé. Dans toutes les interventions, y compris la vôtre, Madame la ministre, ce sont les problèmes de l’université dans leur ensemble qui ont été abordés – échec en premier cycle, encadrement au niveau de la licence, problèmes des personnels… Or, face à cela, votre projet de loi se limite à la question de la gouvernance.

Pourquoi donc ce texte a minima ? Il n’est pas inutile ici de s’en remémorer la genèse. Il est né de l’ambition, partagée par tous, d’une vraie et grande réforme de nos universités. Nous en sommes tous d’accord, la compétition mondiale se gagnera par l’intelligence, et dans cette perspective, il faut construire en France et en Europe une puissante société de la connaissance. Or, notre pays manque aujourd’hui d’étudiants, ce qui discrédite définitivement l’idée que la sélection serait une solution. Les causes de la situation sont bien connues : hécatombe dès la première année touchant essentiellement des jeunes mal préparés issus de milieux défavorisés, encadrement pédagogique insuffisant en licence, conditions de vie et état sanitaire déplorables des étudiants, qui accentuent les inégalités – est-il admissible qu’un étudiant sur deux soit obligé de travailler à temps plein pour payer ses études ? –, manque de considération envers les enseignants, absence de véritable statut et de moyens pour les doctorants. Dans le même temps, les classes préparatoires drainent les meilleurs élèves et bénéficient de l’essentiel des moyens d’encadrement, au bénéfice d’un enseignement pluridisciplinaire, qui n’oblige donc pas, contrairement à ce qui se passe à l’université, à une orientation précoce dès la première année.

Il faut remettre l’université sur ses pieds. Un consensus s’était dégagé sur la nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur aussi ambitieuse que le fut la démocratisation, ou du moins la massification de l’enseignement secondaire, il y a une trentaine d’années. Tous les candidats à la présidence de la République ont d’ailleurs mis en avant l’urgence de cette réforme à laquelle dans le monde universitaire, même les plus rétifs étaient désormais prêts.

Or, ce texte propose une simple réforme de la gouvernance des universités. Le sujet est certes d’importance, mais prétendre, comme vous le faites, que c’est le verrou à faire sauter pour pouvoir engager une réforme globale, c’est prendre le contre-pied de l’analyse des deux auteurs du rapport de la MEC selon lesquels aucune démarche ne sera crédible sans déblocage de nouveaux moyens financiers. Aussi lorsque vous nous annoncez le lancement de cinq grands chantiers, ne pouvons-nous qu’être sceptiques, non que nous doutions de votre volonté personnelle de les mener à bien, mais des moyens dont vous disposerez réellement pour ce faire. Vous avez plaidé cet après-midi en faveur d’une université vecteur essentiel d’ascension sociale. Pourquoi alors avoir ainsi limité l’ambition de votre texte ? Pourquoi n’avoir pas d’emblée abordé la question de l’inégalité sociale devant la réussite universitaire ? Ce qui conduit à poser le problème des relations de l’université avec les classes préparatoires, dont le recrutement fait qu’elles participent davantage de la reproduction que de l’ascension sociale.

Nos doutes sont d’autant plus forts que la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République ne vous laisse aucune marge de manœuvre. Il vous y est en effet demandé de « vous impliquer personnellement et sans réserve dès cet été dans la mise en oeuvre de l’engagement présidentiel de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. » Nous sommes d’autant plus inquiets que depuis son élection, le Président de la République, au-delà des 13 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches, a continué d’accumuler les promesses. Comment croire aux chiffres que vous annoncez alors qu’aucun collectif budgétaire n’est prévu et qu’une saignée dans les emplois publics et la dépense publique est annoncée pour le budget 2008 ?

En réponse à nos collègues Jean-Yves le Déaut et Pierre Cohen qui vous interrogeaient la semaine dernière en commission sur les moyens financiers dont vous disposerez, vous avez cité le Président de la République qui dit : « Faites d’abord les réformes, les moyens suivront ». Mais est-ce alors qu’il dit vrai ou bien lorsqu’il rédige votre lettre de mission ? Vu l’état de nos finances publiques, il y a fort à craindre que la seconde hypothèse soit la bonne.

Plusieurs députés SRC – Hélas !

M. Yves Durand – Ne disposant d’aucuns moyens supplémentaires crédibles, vous ne donnez aucun calendrier pour les cinq grands chantiers annoncés. La grande ambition affichée pendant la campagne électorale risque fort de se réduire à une simple évolution de la gouvernance.

Était-il dès lors si urgent de présenter au Parlement un texte qui aurait mérité une plus large concertation avec les acteurs du monde universitaire ? Son élaboration n’a pas été un modèle de ce dialogue social dont le candidat Nicolas Sarkozy avait pourtant fait l’un des arguments forts de sa campagne. Après que tout le monde universitaire a rejeté le texte…

M. Michel Piron – Mais non !

M. Yves Durand – Si ! Vous ne les avez pas écoutés, encore moins entendus ! Après ce rejet, un nouveau projet de loi a été, sur injonction du Président de la République, rédigé en une semaine, dans lequel ont été gommées les dispositions les plus inacceptables du texte initial. Même si celles-ci ne figurent plus explicitement dans le projet de loi actuel, certaines d’entre elles pourraient néanmoins trouver à s’appliquer du fait de l’ambiguïté de certains articles. C’est d’ailleurs cette demande de clarification qui justifie notre demande de renvoi en commission.

La sélection au niveau du master, la composition du conseil d’administration et surtout le caractère optionnel de l’autonomie sur cinq ans sont les trois dispositions qui ont provoqué le rejet du texte initial. Si vous avez abandonné la sélection…

Mme la Ministre – Les conditions d’accès !

M. Yves Durand – …votre texte, remanié en urgence, laisse la porte ouverte aux deux autres dérives. Concernant la composition du conseil d’administration, il ne permet pas une répartition équilibrée des collèges. Il nous paraît ainsi important d’éviter, à l’article 6, des disparités de représentation, en définissant la place des personnels IATOS et en confortant le rôle du vice-président étudiant. Le renforcement des pouvoirs du président doit avoir pour contrepartie une juste représentativité au sein du conseil d’administration.

Comme l’ont noté nombre d’intervenants, il sera nécessaire de préciser le mode de désignation du président, en évitant notamment, à l’article 5, que des membres nommés par le président lui-même puissent ensuite voter pour lui. En outre, la fonction présidentielle doit être réservée aux personnels ayant vocation à exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche dans un établissement d’enseignement supérieur. Sur ce point, Monsieur le rapporteur, il conviendrait de revenir au texte du Gouvernement.

Mais nos inquiétudes les plus grandes portent sur la marche à l’autonomie et sur l’évolution des personnels. L’autonomie des universités, nul ici n’y est hostile. La question est : sera-t-elle un élément de dynamisme et d’égalité des chances, ou au contraire, un facteur d’inégalités entre étudiants et entre territoires ? Vous avez proclamé votre attachement au rôle prépondérant de l’État – pourtant absent du texte – et au caractère national des diplômes, dont acte, mais vous n’empêcherez pas que les diplômes soient plus ou moins reconnus quand des universités d’excellence, riches et inéluctablement sélectives, auront été créées. Je rejoins sur ce point l’analyse de François Bayrou : si cette cassure devait intervenir du fait de la marche à l’autonomie, le principe républicain d’égalité devant le savoir serait bafoué, tandis que l’égalité des chances ne serait plus qu’une proclamation formelle.

Nous vous savons gré d’avoir abandonné la démarche optionnelle de cinq ans, prévue par le texte initial, qui menait inévitablement à une université à deux vitesses. Nous ne pouvons que nous féliciter, d’ailleurs, de la mobilisation – en plein été – du monde universitaire. Mais si nous voulons bâtir une université de l’excellence pour tous, les moyens doivent être à la hauteur : l’État pourra ainsi jouer son rôle de régulateur et aider l’université à remplir la première de ses missions – devant l’insertion professionnelle – : la transmission du savoir.

Pour ce faire, l’État doit accompagner chaque université dans sa démarche d’autonomie, en pratiquant s’il le faut un traitement inégalitaire. Cet effort doit reposer sur un programme pluriannuel de recrutement de l’emploi scientifique et universitaire, visant à améliorer l’encadrement. Sans cette volonté de l’État l’ouverture aux financements privés sera l’apanage des universités considérées comme rentables. L’accompagnement de l’État est la condition d’une marche vers l’autonomie dynamique et facteur d’égalité : à ce titre, il doit figurer dans la loi.

Par ailleurs, il est essentiel de définir clairement les critères de financement des universités, qui doivent tenir compte de l’effort consenti pour l’encadrement du premier cycle, du nombre d’étudiants inscrits, du type de diplômes délivrés, mais aussi du nombre de doctorants et de thèses soutenues. Ces critères, évalués régulièrement, devraient constituer le socle des contrats entre l’État et les universités. Pourrez-vous nous donner des éclaircissements sur ce point, Madame la ministre ?

La question des personnels et de leur statut a provoqué la colère et le rejet du monde universitaire. Or votre texte, amendé avec votre accord par le Sénat, ne laisse pas de nous inquiéter. L’article 15 stipule que le contrat pluriannuel d’établissement fixe le pourcentage maximal de la masse salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement d’enseignants chercheurs contractuels ; l’article 16 prévoit que le Président peut recruter pour une durée déterminée ou indéterminée des agents contractuels. Si le recrutement de contractuels peut être parfois nécessaire, notamment en direction des chercheurs étrangers ou pour résoudre des problèmes ponctuels, ces deux articles ne peuvent qu’être rapprochés de l’objectif, qu’impose la lettre de mission, de nonremplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : il est à redouter que l’emploi contractuel se substitue à l’emploi statutaire, déchargeant le budget de l’État d’un grand nombre de postes et, sur ce point, vos déclarations ne sont pas rassurantes.

À l’interpellation d’Alain Clayes sur l’article 16 en commission, vous n’avez pas répondu franchement. Pourtant, la possibilité donnée au président de recruter un cadre administratif de catégorie A contractuel en lieu et place d’un agent titulaire, présente le risque d’une dérive, et va à l’encontre de la loi de 1984, reconnue de tous, à commencer par vous-même, Madame la ministre. S’agissant des enseignants-chercheurs, il semble nécessaire qu’un décret fixe la part maximale de la masse salariale. Contrairement à ce que vous avez déclaré au Sénat en réponse à un amendement socialiste, cela ne sera pas une précaution inutile, mais un gage d’égalité entre universités.

Ces dispositions, qui ne manqueront pas de poser des problèmes de constitutionnalité, consacrent surtout une évolution sans précédent dans l’Education nationale et dans la fonction publique, à laquelle votre bonne volonté ne pourra faire barrage. À l’heure où M. Darcos annonce la suppression de 17 000 postes dans l’éducation nationale, comment ne pas considérer que votre texte est un leurre ?

La gouvernance n’aurait dû venir qu’en point d’orgue : l’échec massif des étudiants dès la première année, alors que la France manque d’étudiants diplômés, aurait dû être traité préalablement, un plan de rattrapage pour les universités les plus dégradées aurait dû être mis en œuvre en premier lieu. Vous avez déclaré l’urgence, mais, en l’absence d’un collectif budgétaire, les premiers moyens n’arriveront – s’ils arrivent – qu’à la rentrée 2008.

Après le vote défavorable du CNESER et l’intervention – en catastrophe – du Président de la République, vous vous êtes rabattue sur un texte plus technique en apparence, mais qui se traduira par des transferts de charges massifs en direction des universités, lesquelles se tourneront inévitablement vers les collectivités locales. Vous resservez donc le couvert après la fausse décentralisation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (Protestations sur les sur les bancs du groupe UMP ; « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Votre seul objectif était alors de baisser les impôts nationaux, quitte à faire exploser les contributions locales ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Et vous continuez sur la même voie !

À cela s’ajoutent la remise en cause du statut des personnels et l’amoindrissement du rôle confié aux étudiants dans la vie des universités. Voilà toutes les questions que nous souhaiterions avoir le temps d’aborder ensemble. Loin d’être purement techniques, ces considérations touchent au cœur des missions de l’université. N’ayant pas eu de réponses claires sur tous ces sujets, nous voulons poser de nouveau ces questions au sein de la commission des affaires sociales, sans aucune volonté d’opposition systématique (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP). Pour avoir appartenu successivement à la majorité et à l’opposition, je sais ce que peut être une véritable obstruction ! Étant comme vous un militant de la réforme universitaire

M. Yves Bur – Il vous reste des progrès à faire !

M. Yves Durand – …je vous demande, au nom du groupe socialiste, de voter la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme la Ministre – L’essentiel de l’argumentation de M. Durand tient en une seule critique : nous n’aurions pas dû commencer par la question de l’autonomie, car il n’y aurait pas d’urgence en la matière.

Je vais donc vous proposer un quiz, Mesdames et Messieurs les députés. Qui a déclaré qu’elle ne reprocherait jamais à un gouvernement de faire une priorité de l’autonomie des universités, car elle aurait fait de même, considérant qu’il faut moderniser sans tabou les universités ?

Plusieurs députés UMP – Mme Royal !

Mme la Ministre – Bravo ! C’est effectivement elle ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) Qui a indiqué, s’agissant toujours de l’autonomie, que nous avons tous le sentiment de vivre une période de transition, qui doit être l’occasion de dépasser les contradictions actuelles en faisant bouger nos universités, à moins de nous enliser dans le conservatisme ?

M. Jean-François Copé – Bien vu !

Mme la Ministre – C’était Jack Lang ! (Même mouvement) Qui a également dit, dans un style inimitable, qu’il faut mettre fin aux usines à chômeurs qui existent dans certains secteurs universitaires, et admettre que l’égalité, c’est la diversité, tandis que l’uniformité est le plus inégalitaire et le plus inefficace des systèmes ?

M. Yves Durand – Claude Allègre ?

Mme la Ministre – Bravo ! (Même mouvement) Qui a dit que les universités ont besoin d’autonomie pour mener des stratégies claires et engager des partenariats, et que la relation contractuelle entre l’État et les universités n’a de sens que si ces dernières sont capables de définir une politique propre dans le cadre d’objectifs nationaux ? C’est Alain Claeys ! (Même mouvement)

Enfin, qui a dit que l’autonomie des universités doit être renforcée et leur gouvernance rendue plus efficace, l’octroi de l’autonomie revenant à responsabiliser l’ensemble des acteurs en fonction de leur capacité à faire évoluer l’offre de formation et leur organisation pédagogique ? C’est Jean-Yves Le Déaut qui s’exprimait ainsi sur son blog !

Il apparaît donc, Monsieur Durand, que nous sommes tous prêts à entamer le débat sur ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Mme la Ministre vient de démontrer brillamment qu’il n’y a pas lieu de revenir en commission. M. Durand rejette toute idée d’opposition systématique, et je note que tous les orateurs sont d’accord sur le principe de l’autonomie. Les objections s’accumulant au fil des interventions, il me semble toutefois que vous refusez toute évolution, sans doute par conservatisme (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Je vous poserai à mon tour une question : si vous souhaitiez une véritable discussion en commission, pourquoi n’avez-vous pas déposé vos amendements lorsque nous avons débattu de ce texte en commission, au lieu de le faire plus tard au titre de l’article 88 ?

Je vous invite à repousser la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Reiss – Comme la plupart des orateurs, nos interlocuteurs ont très favorablement accueilli cette courageuse réforme. Le quiz soumis par la ministre était d’ailleurs très édifiant… Nous allons moderniser le fonctionnement de nos universités en renforçant les compétences des conseils d’administration, désormais resserrés mais plus ouverts, et en confiant aux universités de nouvelles compétences de gestion, qu’il s’agisse des finances, de leur patrimoine ou de leurs ressources humaines.

Les débats au Sénat ont apporté plusieurs modifications, mais notre commission des affaires sociales est revenue, dans sa grande sagesse, au texte initial, notamment en ce qui concerne l’élection des présidents d’université. Le recrutement des agents contractuels sera par ailleurs encadré par un contrat pluriannuel, et un bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants sera créé dans chaque université. Voilà autant d’avancées indéniables.

Premier texte important sur le sujet inscrit à l’ordre du jour depuis des décennies, ce projet de loi bénéficie d’une grande légitimité à l’issue d’une large concertation menée avec tous les publics concernés. L’ouverture de l’université à des personnalités extérieures contribuera à jeter des ponts vers le monde socio-économique et ainsi à améliorer l’insertion des jeunes, dont le premier emploi reste trop souvent un casse-tête dans notre pays. On aurait d’ailleurs pu imaginer que l’État confie aux régions, à titre expérimental, la réalisation d’une carte des formations post-bac. La région Alsace est prête à relever ce défi…

Je souhaite également que ce projet de loi permette la naissance de l’université de Strasbourg. De même que mes collègues Armand Jung et Yves Bur, j’appelle en effet de mes vœux la fusion des trois universités actuelles.

Plusieurs députés SRC – Ce n’est pas une explication de vote !

M. Frédéric Reiss – Ce texte ne doit pas être écrit sur mesure pour les uns ou les autres, mais tous les Alsaciens apprécieraient que la rédaction de l’article 30 permette de réaliser leur souhait…

Une organisation plus souple de nos 85 universités, dont la situation est fort contrastée, sera propice au développement de filières plus adaptées aux besoins et à l’utilisation de leur potentiel humain, scientifique et technique pour faire face à la mondialisation.

Tout en reconnaissant l’urgence de la situation, M. Durand aurait préféré une réforme globale, ce qui revient à nous demander de ne rien faire en attendant. C’est oublier les cinq chantiers que vous avez ouverts, Madame la ministre…

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP souhaite passer à la discussion des articles et ne votera pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Jacqueline Fraysse – Nous faisons nôtre la volonté de réformer l’université française, y compris dans le sens d’une plus grande autonomie. Toutefois, ce n’est pas sans moyens, ni en adoptant ces dispositions, ni en procédant de cette manière, que nous y parviendrons. Vous avez promis cinq milliards de plus en cinq ans, Madame la ministre, alors que le Gouvernement a déjà dépensé 13 milliards en cadeaux fiscaux (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ces cadeaux sont pour tout de suite, tandis que l’enseignement supérieur va devoir attendre !

M. Yves Bur – Nous assumons les choix des Français.

Mme Jacqueline Fraysse – La question des moyens est cruciale, non seulement pour l’enseignement lui-même, mais pour les conditions de vie des étudiants, dont dépend largement leur succès : 50 % d’entre eux travaillent à plein temps pour financer leurs études ! Dans ces conditions, il est dérisoire de proposer cinq milliards supplémentaires sur cinq ans.

Nous ne voulons pas de cette réforme-là, qui se limite à la gouvernance. Vous remettez en cause la collégialité en accordant des pouvoirs démesurés aux présidents d’université. Votre invitation à embaucher des contractuels menace également les statuts de la fonction publique, et le système risque de tourner au clientélisme. Ce projet remet en cause l’idée même d’un service public universitaire démocratique.

Enfin, une telle réforme ne saurait être conduite à toute allure et au cœur de l’été. Vous touchez au cœur de la constitution des savoirs en plein mois de juillet ! Les acteurs concernés ont été invités à réfléchir dans la plus grande hâte, pendant leurs congés, comme si vous souhaitiez qu’ils ne réfléchissent pas trop…

Un député UMP – Cela fait trente ans qu’on réfléchit !

Mme Jacqueline Fraysse – Un tel sujet mérite un travail sérieux avec tous les publics concernés.

M. Yves Bur – Le travail a été sérieux !

Mme Jacqueline Fraysse – Nous devons examiner avec le plus grand soin les difficultés actuelles et les pistes envisageables, qu’il s’agisse de l’enseignement proprement dit, du logement, des conditions de vie des étudiants ou des débouchés offerts au terme de leur formation. Comment osez-vous prétendre pouvoir traiter de tels enjeux en moins d’un mois ?

Nous voterons la motion de renvoi en commission, car il est essentiel de se donner le temps de débattre de tous ces sujets (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Alain Claeys – Il y a des choses que l’on ne peut pas laisser passer. Madame la ministre, il ne suffit pas, pour défendre un projet de loi, de faire quelques citations… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP – Touché !

M. Alain Claeys – Car, ce que les débats du Sénat de cet après-midi ont mis en évidence, c’est la fragilité foncière de votre texte. Au reste, la communauté universitaire manifeste son scepticisme et multiplie les déclarations inquiètes. En faisant l’économie de la concertation préalable, qui aurait dû durer plusieurs mois tant les enjeux sont grands, vous allez faire perdre plusieurs années à nos universités. Et comment allez-vous expliquer que, pour un projet présenté comme la priorité des priorités, vous n’avez pas jugé utile de faire voter un euro supplémentaire ? Je sais que beaucoup de nos collègues de la majorité pensent la même chose… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – Allons donc, nous ne sommes pas socialistes !

M. Alain Claeys – Comment interpréter le fait qu’aucun collectif budgétaire ne soit prévu pour soutenir votre projet et lui donner quelque chance de trouver à s’appliquer ? La vérité, c’est que les universités n’auront, dans l’immédiat, pas un euro de plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Un autre signe de la fragilité du texte est à rechercher dans la teneur des interventions de nos collègues de la majorité dans la discussion générale. De quoi ont-ils parlé ? De tout, sauf de la gouvernance ! De l’échec en premier cycle, de la précarité des étudiants, de la rémunération des doctorants, de la situation des post-docs… tous sujets d’une importance extrême et qui devraient à l’évidence constituer le socle d’une véritable réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche. Las, on les cherche en vain dans le projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Et puis, au fur et à mesure, alors que le ton des interventions devenait plus libre, on a perçu vos différences, et l’on a bien senti que derrière la réforme technique et de « bon sens » défendue par le Gouvernement, il y avait sans doute quelques arrière-pensées, sur les droits d’entrée à l’université, la sélection ou le statut des enseignants. Bref, ce texte apparemment technique laissait transparaître son contenu idéologique…

Au reste, je suis tenté de rejoindre François Bayrou (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), lorsqu’il nous invite à ne pas considérer comme anodine la nuance entre l’autonomie de l’Université – laquelle engage l’État – et l’autonomie des universités.

Pour toutes ces raisons, notre groupe demande le renvoi en commission. Gageons que les thèmes que vous avez voulu traiter durant la trêve estivale connaîtront un regain d’actualité à la rentrée…

Plusieurs députés UMP – Des menaces ?

M. Alain Claeys – Et que beaucoup prendront alors conscience – mais un peu tard – des véritables enjeux qui s’attachent à une grande réforme de l’Université (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Yvan Lachaud – L’université a changé, et elle doit continuer de le faire dans les prochaines années. Alors que le Premier ministre a fixé l’objectif de 50 % d’une classe d’âge à bac plus deux ou trois, il n’est que temps que l’université se préoccupe aussi, à côté de l’indispensable contribution à la recherche, d’insertion professionnelle. Il est urgent, Monsieur Durand, d’engager la réflexion sur les statuts, d’ouvrir le chantier du premier cycle…

M. Yves Durand – D’accord, mais ce n’est pas dans le texte.

M. Yvan Lachaud – Et d’envisager la nouvelle architecture de l’ensemble du système. C’est pourquoi le groupe du Nouveau centre souhaite aborder ce texte dans les meilleurs délais, et ne votera donc pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Pierre Cohen – Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 1 relatif à l’organisation de nos travaux. Nous découvrons que nos amendements portant articles additionnels avant l’article premier ont disparu, ou ont été dispersés dans l’ensemble du texte. Au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance pour vérifier ce point.

M. le Président – La suspension est de droit. Veillez cependant à ne pas en demander une pour évoquer un problème qui n’existe pas (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

La séance, suspendue à 0 heure 25 le mardi 24 juillet, est reprise à 0 heure 30.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Frédéric Poisson – Je voudrais d’abord vous dire l’émotion qui est la mienne en prenant pour la première fois la parole dans cet hémicycle. Je suis heureux que ce soit sur un texte aussi important et aussi symbolique.

Permettez-moi ensuite d’attirer votre attention sur les relations entre les établissements d’enseignement supérieur libre et l’enseignement public. Il ne faudrait pas que la loi que nous allons voter conduise à priver ces établissements du bénéfice des conventions ou des jurys rectoraux, qui permettent aujourd’hui à 55 000 étudiants – soit quatre fois la population étudiante de Saint-Étienne, cher Monsieur Juanico – de passer dans ces établissements des diplômes d’État. Or la combinaison de plusieurs arrêtés pris depuis 2002 et du système LMD fait courir un risque à l’existence de ce régime. Je souhaite que Mme la ministre nous éclaire sur ce point.

M. le Président de la commission a évoqué tout à l’heure les partenariats. Il faut que nos universités puissent nouer plus facilement des partenariats, en particulier avec les collectivités locales. M. le rapporteur ne m’en voudra pas de citer M. Bourg-Broc, président de la Fédération française des maires de villes moyennes, qui rappelait il y a peu l’importance du tissu universitaire pour le développement des villes moyennes, et donc la nécessité pour les établissements universitaires de nouer des partenariats concrets avec elles.

Vous avez également manifesté le souhait, Monsieur le président de la commission, que nous puissions trouver tous ensemble de la vertu. Il en faudra en effet pour appliquer les dispositions de ce texte dans l’esprit dans lequel elles ont été conçues. Il serait ainsi bon qu’en nous appuyant sur les pôles de compétitivité, nous redonnions un peu de concrétion à l’enseignement scientifique. La technique et la recherche optique ne représentent plus qu’1 % dans la conception d’un appareil photo. De même, la recherche fondamentale nucléaire ne représente qu’une infime partie de la construction des centrales. Le problème n’est plus la recherche fondamentale, mais l’industrie. Profitons donc de ce texte pour redonner à la recherche scientifique une dimension industrielle.

Je rejoins par ailleurs Laurent Hénart et Armand Jung : il faut prendre en compte, dans le fonctionnement des universités, les enjeux éthiques qui émergent dans toutes les disciplines scientifiques.

L’article 14 du texte – qui porte sur l’évaluation des contrats d’établissement et les critères suivant lesquels l’État ajustera ses dotations – me paraît donc essentiel. Laurent Hénart souhaitait tout à l’heure une révision du système de péréquation. Je partage pleinement son avis. Il faut introduire dans les critères d’évaluation une dimension socio-économique, la politique interne, les ressources humaines et la performance. Les universités ne peuvent en effet rester les seules organisations dans lesquelles on ne s’occupe pas du management de la performance.

Je me réjouis en tout cas que l’orientation et l’insertion professionnelle – donc l’autonomie des adultes – soient bien l’objectif de cet article premier (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Lionel Tardy – Je souhaite insister sur un enjeu fondamental pour les universités et pour l'avenir de nos jeunes : l'adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail, la professionnalisation, les liens entre l'université et l'entreprise, et en définitive l'indispensable réconciliation entre emploi et formation.

Plus de 300 000 postes ne sont pas pourvus en France. Cette situation n'est pas admissible dans un pays où le nombre de chômeurs, bien qu’en baisse, reste au dessus de la moyenne européennes. Nos jeunes ne trouvent pas de travail, non parce qu’ils n'ont pas de diplômes, mais parce que les formations ne sont pas toujours adaptées et que leurs diplômes ne leur permettent pas de s'insérer rapidement sur le marché du travail. Trop de filières sont encore des impasses parce que trop cloisonnées ou orientées vers des débouchés exclusifs – par exemple la recherche ou les concours de l'enseignement secondaire pour les filières littéraires.

Des efforts ont cependant été amorcés. La professionnalisation des diplômes a beaucoup progressé dans nos universités. Mais tout cela achoppe sur la méconnaissance des besoins des entreprises par les universitaires. Je me réjouis donc que vous en ayez tenu compte : les deux mondes ne se connaissent pas, il faut absolument établir des passerelles.

La présence de représentants des entreprises à tous les niveaux sera déterminante pour relever ce défi. Elle doit être maintenue au sein des conseils centraux, mais aussi des conseils de facultés et des UFR. Prenons garde cependant de ne pas limiter la désignation des représentants des entreprises et des activités économiques aux chambres de commerce et d'industrie régionales et aux MEDEF locaux. Exclure les représentants des PME serait pour le moins paradoxal : ce sont elles qui font aujourd'hui la croissance et l'emploi !

Il faut également rapprocher les universitaires et les entreprises, permettre à davantage de professionnels d'intervenir comme enseignants. Le statut de professeur associé est une bonne chose, qu'il faut systématiser. Il est surtout nécessaire de faire le chemin inverse, c'est-à-dire de faire intervenir les universitaires dans les entreprises, de leur permettre de quitter leur poste pour aller voir ailleurs et enrichir leur expérience. C’est ainsi que nous réussirons l'insertion professionnelle des étudiants.

Avec ce projet, vous donnez aux universités françaises les moyens de remplir leurs missions et de s'adapter aux changements de nos sociétés. Vous n'oubliez pas pour autant de les encourager à s'interroger sur l'insertion professionnelle des étudiants. Il en va de la qualité de nos formations universitaires, de l'orientation de nos jeunes, et à terme de la vitalité de notre économie. Et vous l'avez dit au Sénat, Madame la ministre : « l'université française est un lieu stratégique pour mener la bataille » qui nous permettra de conserver nos emplois en France et nos centres de décision (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Berthelot – Intervenant moi aussi pour la première fois à l'Assemblée nationale, je regrette que ce texte ait dans un premier temps fait l'impasse sur la réalité particulière de l'université Antilles-Guyane. Structure tripolaire implantée dans trois régions mono-départementales à forte identité, cette université est contrainte de respecter des équilibres essentiels, si bien que certaines dispositions du texte ne pourront s’y appliquer.

Vous avez donc décidé, lors du débat au Sénat, de légiférer par ordonnance afin d'adapter le texte aux caractéristiques de l'UAG. Si je prends acte de votre geste, je déplore le recours aux ordonnances, qui est la négation même de la démocratie parlementaire. Une concertation préalable aurait permis de l’éviter.

Vous avez choisi de vous attaquer d’abord à la gouvernance des universités. Mais l'orientation par l'échec, la mauvaise insertion professionnelle, les conditions de vie déplorables des étudiants, la revalorisation du statut des enseignants-chercheurs, le manque d’effectifs et de financements qui sont au cœur de la crise universitaire appellent des réponses tout aussi urgentes. Permettez-moi d'évoquer la situation des étudiants guyanais dans l’Hexagone. À l'insuffisance du parc de logements pour les étudiants s'ajoute pour eux l'impossibilité de trouver une location dans le privé – on leur réclame une domiciliation bancaire en métropole.

La Guyane dispose depuis 2004, grâce à ses élus, d’un pôle universitaire qui a défini une politique de recherche associant universités et instituts de recherche français et étrangers. La coopération se développe notamment avec l'université de Brasilia, le CEFET de Fortaleza, Montpellier II et les universités de Toulouse. Au nombre des champs disciplinaires couverts sont les énergies renouvelables, les risques et la télédétection, ainsi que la biodiversité tropicale, qui devra être étudiée en lien avec le parc amazonien de Guyane. Les quatre établissements autonomes qui constituent le pôle universitaire guyanais seront bientôt regroupés sur le nouveau campus de Trou Biran. Les effectifs ont pratiquement doublé depuis 2002, pour s’établir à 2 225 étudiants actuellement. Mais, compte tenu de la croissance forte de la population et de sa jeunesse, le pôle guyanais pourrait compter 3 000 étudiants rapidement et 5 000 à court terme. Ce développement prévisible explique la demande d'une université de plein exercice, demande à laquelle il faudra apporter une réponse tôt ou tard. En attendant, dans le cadre de la réforme universitaire engagée, il convient d'aller vers une véritable responsabilité locale afin que le pôle universitaire guyanais, devenu pôle d'excellence, puisse relever le défi de la mondialisation des savoirs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Président de la commission – J’invite les membres de la commission à se réunir demain, à 12 heures 30, pour examiner une quinzaine d’amendements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Yves Durand – Où l’on voit que le texte aurait effectivement dû être renvoyé en commission…

Mme la Ministre – Avant que vous ne leviez la séance, Monsieur le Président, je tiens à rassurer M. Poisson : le projet ne modifie en rien l’article 613–7 du code de l’éducation, qui renvoie lui-même à l'article L. 712–10. Les étudiants des établissements privés pourront donc continuer de subir les contrôles nécessaires à l'obtention d'un diplôme national.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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