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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 31 juillet 2007

1ère séance
Séance de 15 heures
28ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur

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La séance est ouverte à quinze heures.

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

M. Roland Muzeau – Je demande une suspension de séance d’une demi-heure (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous devez savoir que les sept fédérations syndicales de cheminots sont aux portes de l'Assemblée : elles souhaitent être entendues par les parlementaires, car elles ne l’ont pas été depuis des mois, voire des années. Cette suspension permettrait à notre groupe – et sans doute aussi au groupe socialiste – de rencontrer les organisations syndicales pour faire le point sur le débat en cours. Il s’avère en effet que la majorité tient un double discours et nous cache soigneusement son intention d’étendre ce dispositif anti-grève.

M. Philippe Vitel – Non : anti-prise d’otages !

M. Roland Muzeau – Il serait donc parfaitement justifié que vous nous accordiez cette suspension.

M. Alain Vidalies – Je sollicite également, au nom de notre groupe, une suspension d’une demi-heure afin de rencontrer une délégation de l’ensemble des organisations syndicales. Elles souhaitent être reçues par les groupes parlementaires, et il nous semble en effet naturel de répondre à leur invitation. Ce qui se passe est loin d’être dérisoire : l’ensemble des organisations syndicales proteste aujourd’hui, ici même et devant 80 préfectures, contre votre projet.

M. Éric Diard – La mobilisation est faible !

M. Alain Vidalies – Libre à vous de ne pas vouloir engager le dialogue, mais il nous paraît pour notre part naturel – et conforme à la tradition de cette Assemblée – que les représentants du peuple reçoivent les représentants des citoyens qui manifestent à nos portes. Puisqu’on parle de démocratie sociale, passons aux actes ! Dois-je vous rappeler que selon la Constitution, les syndicats concourent, en tant que représentants des salariés, au fonctionnement de la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Philippe Vitel – Ils représentent 8 % des salariés !

M. Hervé Mariton, président de la commission spéciale – Nos collègues ont visiblement quelques difficultés d’organisation. Ils pouvaient parfaitement rencontrer les manifestants avant l’ouverture de la séance, comme je viens de le faire avec quelques collègues de l’UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri – Vous avez peur du dialogue social !

M. le Président – Vous n’avez pas manqué de temps pour rencontrer les représentants syndicaux. Je vous accorde néanmoins une suspension de dix minutes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Philippe Vitel – Dix minutes de trop ! Interdiction d’aller à la buvette !

La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise à 15 heures 20.

M. Marc Dolez – Rappel au Règlement fondé sur l’article 58, alinéa 1. Nous nous sommes étonnés hier de l’absence du secrétaire d’État aux transports, compte tenu des questions abordées tout au long du débat, qui le concernaient toutes très directement. Nous nous félicitons donc de sa présence aujourd’hui. Mais pour la bonne organisation de nos travaux, nous souhaiterions qu’il s’exprime avant que nous n’abordions l’examen des articles, et ce afin de répondre aux questions posées au cours de la discussion générale. Celle-ci a démontré que pour traiter réellement de la continuité du service public de transports, il convenait d’aborder des questions comme les défaillances techniques et le manque de moyens humains ou financiers. Il est donc indispensable d’entendre dès maintenant le secrétaire d’État aux transports (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe UMP).

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme Annick Lepetit – Nous avons expliqué hier, sur tous les bancs de l’opposition, que l’écrasante majorité des perturbations dans les transports publics terrestres était liée à des dysfonctionnements, et non aux grèves (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Comme nos collègues de l’UMP n’ont pas l’air de nous croire, je leur livre les chiffres communiqués par la SNCF elle-même : en 2006, le nombre de jours de grève par agent a été de 0,79. Il était de 1,44 en 2005 et de 0,55 en 2004 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La tendance est la même à la RATP. Les principales perturbations du trafic sont imputables aux défaillances techniques, à la vétusté des matériels roulants et des infrastructures, à la saturation des réseaux.

Monsieur le secrétaire d’État aux transports, qui nous faites l’honneur de votre présence aujourd’hui, vous avez déclaré dans une dépêche AFP être « partisan du développement des transports publics », en plaidant pour « un transport public confortable et de qualité, apportant le même confort que la voiture individuelle et fonctionnant 365 jours par an ». Nous en sommes très loin ! Au lieu de tendre vers un tel confort, certaines entreprises ôtent les sièges pour pouvoir loger plus de voyageurs dans les wagons !

Aucun investissement sérieux n’a été réalisé ces dernières années dans les transports publics. Notre pays est à la traîne en Europe. Le budget 2007 est en diminution de 4% par rapport à celui de 2006, et si celui-ci était en hausse, cela tenait seulement aux ressources procurées par la privatisation des autoroutes. Il y a urgence à investir massivement dans des transports publics propres et de qualité – à quoi sert d’avoir nommé numéro deux du Gouvernement un ministre d’État, chargé de l’écologie et du développement durable si rien de concret n’est entrepris ?

Par notre amendement 153, nous demandons au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 1er janvier 2009, un rapport portant notamment sur la qualité de service des transports publics, dont nous espérons qu’il débouche sur une loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jacques Kossowski, rapporteur de la commission spéciale – Estimant que le texte ne pouvait débuter par une demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres, que cette loi a précisément pour objet d’organiser, la commission a repoussé cet amendement. L’article 10, qui prévoit que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement avant le 1er octobre 2008, répond d’ailleurs en partie à cet amendement.

S’agissant de la qualité de service des transports publics et de la nécessité d’un effort d’investissement, la commission, à mon initiative, a adopté un amendement à l’article 7 bis. Particulièrement sensible à cette question, je n’ai aucune intention de l’éluder.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Même avis que le rapporteur. Vous demandez qu’un rapport soit remis avant le 1er janvier 2009, nous proposons le 1er octobre 2008. C’est tout de même mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Bono – Nous souhaiterions répondre.

M. le Président – Je mets aux voix l’amendement 153 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est inacceptable. Le débat ne peut pas se dérouler ainsi.

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Ce débat est important. Tandis que d’autres exercent un droit, qui leur est reconnu par la Constitution, en manifestant dans la rue, nous devons avoir, nous, la possibilité de nous exprimer dans cette enceinte du débat démocratique. Or, sur l’amendement qui vient d’être voté, Monsieur le Président, alors que vous auriez pu, dans le respect du Règlement, nous donner la parole pour répondre, vous avez ignoré la demande de M. Bono. Nous ne souhaitons pas poursuivre le débat dans ces conditions. Ayant la délégation de mon groupe, je vous demande une suspension de séance pour le réunir, afin que nous puissions réfléchir à ce que nous allons faire car la discussion sur le fond doit avoir lieu (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Nicolin – Pitoyable !

M. le Président – Vous aurez l’occasion de vous exprimer longuement puisque treize orateurs sont inscrits sur l’article premier. Néanmoins, je vous accorde cinq minutes de suspension.

La séance, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 15 heures 35.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Pour avoir participé aux travaux de l’Assemblée pendant un certain nombre d’années, je veux rappeler que, sous les différentes majorités, la pratique était, après la présentation d’un amendement et l’expression de l’avis du rapporteur et du Gouvernement, de donner la parole à deux intervenants – n’appartenant d’ailleurs pas forcément à l’opposition – pour répondre à l’un et à l’autre. Nous souhaitons que cela continue au cours de cette législature. Si vous continuez à le refuser, notre président viendra demander une réunion d’urgence de la Conférence des présidents.

ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul – La façon dont le débat commence pose en effet un problème, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

L'article premier a été modifié par un amendement du Sénat, qui y a introduit le rappel de quelques principes de valeur constitutionnelle – liberté d'aller et venir, liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement, liberté du travail et liberté du commerce et de l'industrie. Ainsi votre majorité veut faire croire que le droit de grève mettrait en péril ces principes fondamentaux.

Pourtant, le nombre de jours de grève dans les transports est en baisse constante. À la SNCF, le nombre de préavis est tombé en dix ans de 1 200 à 700, et en 2006, le nombre de journées perdues par agent a été inférieur à 0,8. Les grèves sont d’ailleurs souvent motivées par des sujets « extérieurs » à l'entreprise, tels que la réforme des retraites en 2003 ou l'instauration du contrat première embauche en 2005. Selon les chiffres fournis par Mme Idrac elle-même, on est tombé en 2007 à 0,13 jour par agent. La conflictualité a également baissé à la RATP, avec – selon les chiffres fournis par son PDG, M. Mongin – 0,4 jour de grève par agent, chiffre largement inférieur à la moyenne nationale de la profession, et 173 préavis de grève déposés en 2006, soit le niveau le plus bas depuis 1990. Dans le secteur privé enfin, l'état des relations sociales ne permet guère aux salariés d'« abuser » de leur droit de grève…

Soutenez–vous sérieusement qu'une journée de grève par an dans les entreprises de transport, cela met en péril la liberté d'aller et venir ? Si les libertés que vous mentionnez peuvent bel et bien être entravées – parfois quotidiennement –, ce n'est pas à cause des grévistes, mais en raison d'un sous-investissement chronique.

Puisque vous n’étiez pas là hier, Monsieur Bussereau, je vous montre un titre de la presse normande (M. Daniel Paul montre un journal) : « Les mutins du train de 7 heures 23 ». C’est l’histoire de passagers de la région de Rouen, excédés par des retards répétés, et qui, parce que leur train n’arrivait pas faute de matériel en état de marche, sont descendus sur la voie pour en arrêter un autre.

M. Guy Geoffroy – Qui préside la région !

M. Daniel Paul – En Haute-Normandie, le taux de régularité a oscillé entre 84 et 86% sur les premiers mois de 2007. C’est moins que l’objectif de 87,5 % fixé par la SNCF, mais c’est une amélioration par rapport à décembre 2006 – 74,6 %. Néanmoins celle-ci cache une partie de la réalité vécue par les usagers, comme l’atteste le blog intitulé « train-train quotidien ». Et en Basse-Normandie, la situation est analogue : ces derniers temps, 17 trains TER ont été supprimés en un seul week-end !

À cela s'ajoutent les problèmes de suroccupation des trains Corail-Intercités. La modernisation de ces rames, affectées aux liaisons entre Paris, Caen et Cherbourg a entraîné une réduction du nombre de places assises en raison de l’aménagement d'un espace pour les personnes à mobilité réduite, donc une diminution significative de la capacité des trains, la SNCF ne disposant pas de voiture supplémentaire. Quant aux liaisons entre Paris et Granville, elles subissent d’éternelles pannes d’automoteurs. Pourtant, la région a investi 90 millions d'euros pour l'achat de rames et 100 millions, avec l'aide des villes, pour l'entretien de la ligne – ce que le président du conseil régional n'a pas manqué de rappeler. C’est affligeant, au vu du résultat !

Cinq nouveaux parlementaires des circonscriptions de Seine-Maritime ont d'ailleurs personnellement constaté les « insuffisances du service » lors de leur premier retour de l'Assemblée nationale : ils ont dû voyager dans le local de service d'un train, faute de place ! Leur témoignage dans la presse régionale ne manquait pas d’ironie, puisqu'ils recevaient simultanément un courrier de Mme Idrac les félicitant de leur élection.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Daniel Paul – Sont-ce les grévistes qui sont en cause ? Non : nous ne faisons que constater les conséquences des choix stratégiques de l'entreprise publique, que vous avez entraînée dans une course à la rentabilité.

Pourtant, à l'heure où les lieux de travail sont de plus en plus éloignés des lieux d'habitation, où les déplacements professionnels et personnels augmentent, où les échanges économiques se multiplient aux niveaux national et international, la politique des transports devrait être en mesure de relever le défi de la continuité du service public. Mais vous avez fait un autre choix.

M. le Président – Monsieur Paul, il faut conclure !

M. Daniel Paul – Dois-je vous rappeler que, dans le budget 2007, les crédits de la mission transport ont diminué de 5,3 % ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le niveau des dépenses n'a été maintenu que grâce aux fonds de concours des collectivités locales sur des projets contractualisés. Et l'effort de l'Etat a décrû.

Dans ce contexte de désengagement financier de l'Etat, sans soutien aux entreprises nationales, comment respecter quotidiennement ces libertés d'aller et de venir, ou d'aller travailler, qui vous sont si chères ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) À quand une loi pour légiférer sur les besoins en investissements dans le service public ferroviaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Roland Muzeau – L’article premier assène de nouveau des principes « à valeur constitutionnelle » – liberté d'aller et venir, liberté d'accès au service public – que vous n'avez eu de cesse, depuis le début des débats, de clamer haut et fort, faisant ainsi mine de défendre les droits des usagers – à l’égard desquels vous n’avez pourtant guère eu de scrupules au cours des cinq années de la précédente législature !

Ainsi opposez-vous au droit de grève huit « principes constitutionnels », dont le seul pertinent est l’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement. Mais vous ne mentionnez pas la continuité du service, pourtant constitutionnalisée par le Conseil constitutionnel. En revanche, vous introduisez la liberté d'aller et venir, la liberté du travail et la liberté du commerce, qui, elles, n'ont jamais été érigées en principes constitutionnels par la jurisprudence du Conseil sur le droit de grève.

Ce faisant – première anomalie –, vous inversez le mode de raisonnement du Conseil constitutionnel, qui opère une conciliation entre le droit de grève et un autre principe de portée constitutionnelle, la continuité du service public – ou, plus précisément, qui renvoie au législateur, seul compétent, le soin d'opérer cette conciliation à l’intérieur des limites que le Conseil lui fixe. Ainsi, ce ne sont plus les principes de la continuité et de l'accès aux services publics qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève, mais le droit de grève, désormais subordonné, qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à plusieurs de ces droits érigés en principes, pourtant particulièrement contestables, sans lien avec un service minimum, et qui constituent par ailleurs des incriminations pénales héritées du siècle passé et lourdement sanctionnées.

Seconde anomalie : vous ne vous rappelez l'importance de la liberté d'aller et de venir et de la liberté de commerce et d'industrie que lorsque cela vous arrange ! La continuité du service public n'a jamais été la priorité de votre politique, contrairement aux déclarations de M. Kossowski lors de l'audition de M. le ministre – vous voyez que j’ai lu le rapport avec soin. Vous souciez-vous de la continuité du service public quand vous diminuez sans la moindre concertation le nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale ? Quand les étudiants sont assis dans les couloirs faute de places suffisantes dans les amphithéâtres ? Quand les patients doivent attendre plusieurs heures, souffrants et anxieux, dans les services d’urgences des hôpitaux ? Quand les effectifs des commissariats diminuent de 30 % ?

M. Yves Bur – Évidemment !

M. Roland Muzeau – Vous ne cherchez en réalité qu’à remettre en cause le droit constitutionnel de grève en le plaçant au même niveau qu’un ensemble de droits que vous vous hâtez d'ériger au rang de principes constitutionnels, et dont certains ne sont pas même justifiés dans le cas présent : en quoi la liberté d'aller et venir, par exemple, serait-elle menacée par la grève, dans un pays où les déplacements sont assurés à 80 % par la voiture, où la part modale des transports publics ne représente hélas que 15 %, et où les grèves ne sont responsables que de 2 % des difficultés de circulation ?

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Roland Muzeau – Peu vous importe que les plus hautes juridictions nationales aient consacré la portée constitutionnelle de ce droit : par ce texte, vous l'attaquez sans vergogne !

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Les amendements que j'ai déposés avec le soutien de mes cosignataires, Mme Ceccaldi-Raynaud, députée des Hauts-de-Seine, et M. Bouchet, député du Vaucluse, sont vitaux – le mot n’est pas trop fort – non seulement pour la Corse, mais également pour la bonne intelligence des rapports entre la Corse et le continent.

Si la Corse est une île, comme vous le savez tous (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), elle n’en fait pas moins partie intégrante de la France métropolitaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) On parle de l'égalité des citoyens sur tout le territoire, mais cette égalité suppose que les citoyens aient les mêmes garanties, en matière de continuité du service public, pour se rendre de Bastia à Marseille ou de Marseille à Lyon. Certes, il est indispensable que cette loi soit votée, car, quelle que soit la légitimité d'une grève, on ne peut pas systématiquement prendre en otage la population (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – Vous, vous êtes les otages du Medef !

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Mais il faut absolument étendre la loi aux transports maritimes réguliers de marchandises et de passagers, car les citoyens corses attendent du Gouvernement la même attention et les mêmes droits que l'ensemble des citoyens français. En parlant de la Corse, que je défends, je n'oublie pas non plus tous les habitants des îles du littoral métropolitain – ce ne sont pas mes collègues élus de ces régions qui vont me contredire !

M. Maxime Gremetz – Amen !

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Ainsi, on aurait le droit d'habiter Lyon et de travailler à Paris, mais non celui d'habiter à Bastia et de travailler à Marseille ? Ainsi, le seul transport terrestre concernerait des déplacements quotidiens, et non le transport maritime ? Tous les jours, des bateaux n’accostent-ils pas sur l'île pour approvisionner nos entreprises, nos artisans, nos commerçants, et leur permettre de poursuivre leur activité dans de bonnes conditions ? Et que penseront les nombreux attachés commerciaux amenés à organiser leur démarchage hors de l'île ? Osera-t-on les considérer comme des touristes ? C’est parce que nous n'avons pas d'autre choix que de traverser la mer que l'extension de cette loi au transport maritime est vitale pour la Corse !

Avez-vous une idée des conséquences dramatiques qu'ont eues certaines grèves sur l'économie insulaire ? (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – La faute à qui ?

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Une île paralysée, des entreprises au bord du dépôt de bilan, des familles exaspérées, et, en définitive, un sentiment d'injustice et d'abandon au sein de la société corse. Est-il juste que la Corse soit coupée du monde chaque fois que les dockers de Marseille ont une nouvelle revendication, si fondée soit-elle ? Est-il juste qu'une famille endeuillée attende plusieurs jours, voire plusieurs semaines, le cercueil contenant le corps d'un parent, stocké dans des hangars de Marseille comme de vulgaires caisses de conserves ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Un peu de dignité !

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Est-il juste, parce que l’on est bloqué à Bastia ou à Ajaccio, de devoir annuler un rendez-vous médical avec un spécialiste que l’on avait mis des semaines à obtenir ?

Je rappelle que le transport maritime entre la Corse et le continent concerne chaque année près de 4 millions de passagers ; que Bastia est le second port de France en termes de trafic ; que 80 % du fret, c'est-à-dire 80 % de notre approvisionnement en marchandises, passent par Marseille ; enfin, que la loi de 1974 sur le continuité territoriale fait de la mission de transport maritime entre la Corse et le continent une mission de service public.

Une loi sur la continuité du service public dans les transports ne peut donc, sauf à être injuste et discriminatoire et à enfreindre le principe constitutionnel d'indivisibilité de la République, oublier le transport maritime (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies – Ma première observation concerne les ajouts du Sénat concernant la constitutionnalité de certains principes, et relevés par M. Muzeau. Ainsi la liberté d’aller et venir, la liberté d’accès aux services publics – notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement –, la liberté du travail et celle du commerce et de l’industrie se voient-elles dotées d’une valeur constitutionnelle. Sans doute cela a-t-il été facilité par la connotation idéologique de certains de ces principes…

M. Jacques Myard – Mais ça ne va pas ?

M. Alain Vidalies – …comme le confirme votre réaction. En réalité, il s’agit d’une pure et simple invention ! En effet, à l’exception de l’accès aux établissements sanitaires et sociaux, aucun de ces principes n’a été constitutionnalisé par le Conseil constitutionnel. Et voilà que ces principes, omis dans le texte soumis au Conseil d’État, mais introduits par le Sénat, nous sont présentés comme constitutionnels sans que cela ne suscite la moindre réaction ! Quelle confusion ! La liberté du travail – droit individuel – n’est en rien constitutionnelle, non plus que la liberté du commerce et de l’industrie.

Nous partageons en revanche votre constat initial : deux principes constitutionnels sont en jeu – l’exercice du droit de grève et la continuité du service public – et c’est la conciliation des deux, c’est-à-dire le point d’équilibre, qui fait difficulté – la jurisprudence abonde sur le sujet. Si vous vous amusez à inventer d’autres principes à caractère constitutionnel, la discussion se déroulera sur des bases erronées. Je demande donc au ministre de nous dire quels sont les arguments juridiques qui donnent une valeur constitutionnelle à ces principes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Maxime Bono – La rédaction issue du Sénat instaure en effet de nouveaux principes à valeur constitutionnelle, et il me semble que vous gagneriez en sécurité juridique à revenir au texte initial. Donner à la liberté du commerce et de l’industrie une valeur équivalente à celle du droit de grève apparaît pour le moins surprenant ! Il m’aurait semblé bien plus judicieux d’évaluer la qualité des services publics de transport et de leur donner les moyens indispensables à cette liberté d’aller et venir que vous voulez ériger en principe constitutionnel. Un audit de l’École polytechnique de Lausanne a montré que 500 millions supplémentaires tous les ans seraient nécessaires. Le Gouvernement n’a annoncé que 160 millions pour 2006 et 260 pour 2007, sur lesquels il n’a effectivement payé respectivement que 70 et 90 millions ! Vos innovations juridiques ne pourront pas servir à grand-chose si les services publics n’ont pas les moyens indispensables pour fonctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Marc Dolez – Le Sénat a en effet, dans cet article, érigé en principes à valeur constitutionnelle des droits et libertés mentionnés à l’article 4 du texte initial. Il est étonnant que le rapport, se contentant de le constater, ne dise pas un mot d’une question qui sera sans doute au cœur de l’examen du Conseil constitutionnel. Depuis sa décision du 15 juillet 1979, le Conseil vérifie en effet que la loi ne porte pas une atteinte excessive à l’exercice du droit de grève en imposant des restrictions pour assurer la continuité du service dans des domaines où son interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays – que la convention 516 de l’OIT définit comme les besoins qui pourraient mettre en danger la vie ou la santé des personnes, et qui sont donc bien loin de la liste que vous avez dressée. Le législateur a certes compétence exclusive pour assurer la conciliation entre le droit de grève et un principe de portée constitutionnelle – ce qui n’est pas le cas de ceux que vous avez mentionnés – mais il doit agir dans certaines limites. Or, vous ne proposez rien de moins que d’inverser le raisonnement : ce ne sont plus les principes de la continuité et de l’accès au service public qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de grève, mais l’inverse ! Sur une question d’une telle importance, nous devons entendre les réponses du ministre et du rapporteur et peut-être faudra-t-il que le président Mariton réunisse la commission spéciale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean-Claude Viollet – Alors que la portée réelle de ce texte commence à apparaître, malgré l’affichage politique, l’article premier m’inspire trois remarques.

D’abord, il est clair maintenant, surtout après les auditions menées par la commission spéciale, que la difficulté à assurer la continuité du service public du transport terrestre de voyageurs tient pour l'essentiel à la vétusté des infrastructures et des matériels, à la saturation des réseaux et à l'insuffisance des moyens humains. Pour garantir les principes énoncés à l’article premier et auxquels vous donnez une valeur constitutionnelle, une première exigence s’impose donc : améliorer les conditions de transport des usagers et les conditions de travail des salariés. Cela passe par une politique volontariste de l'État, menée en partenariat avec les autorités organisatrices de transport et dotée des moyens nécessaires pour entretenir et développer les infrastructures, moderniser les matériels et créer les emplois qualifiés nécessaires. Mais vous n'avez eu de cesse au contraire, au cours des dernières années, de réduire les crédits de l'État : quand il faudrait 500 millions par an pour l'entretien du réseau ferré, on en annonce 100 ; quand il faudrait plusieurs milliards pour les transports en commun en site propre, l'État se retire purement et simplement ; et je ne parle pas des 40 milliards auxquels vous avez renoncé en privatisant les autoroutes pour encaisser trois fois moins, mais en une seule fois ! Il n'y aura donc pas de rupture dans ce domaine.

Le dialogue social est une autre obligation générale qui s’impose si nous voulons vraiment mener le changement en profondeur dont notre pays a besoin. Mais là encore, pas de rupture ! Quand bien même le droit pour tout homme à défendre ses droits et ses intérêts en adhérant au syndicat de son choix figure dans le préambule de la Constitution de 1946, rien dans votre texte n'incite à la reconnaissance du fait syndical. C'est une autre carence importante. Les démocraties les plus avancées en Europe, celles qui connaissent le moins de conflits sociaux, ont su développer un dialogue social permanent avec un syndicalisme fort, s'impliquant pleinement dans la réforme de la société du travail et hors du travail, capable de transcender les corporatismes pour faire prévaloir le bien commun. Prôner le renforcement du dialogue social sans affirmer la moindre ambition de dépasser les difficultés rencontrées dans les transports pour favoriser l'exercice d'une pratique syndicale traduit à tout le moins une méconnaissance du secteur, et laisse à penser que le souci que vous affichez n'est qu'un argument de vente de votre projet.

Troisième point : la spécificité du service public du transport quotidien de voyageurs doit nous amener à rechercher comment concilier, à partir d'un diagnostic partagé, les besoins des usagers, les conditions de travail des salariés et les contraintes des entreprises et autorités organisatrices. Il y a là tout un champ d'action qui n’est qu’esquissé dans votre texte, qui ne va pas assez loin pour espérer aboutir à de nouvelles formes d'organisation et à une amélioration durable du service public.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Claude Viollet – Au final, votre loi ne servira pas le service public, faute de l’effort financier nécessaire, et pas davantage le dialogue social, si l’on en juge par les tensions qu'elle crée dans des secteurs qui connaissaient l'apaisement depuis plusieurs années – pensez : un appel à la mobilisation lancé un 31 juillet par sept fédérations de cheminots et quatre fédérations des transports !

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Viollet.

M. Jean-Claude Viollet – Votre projet est donc mal venu, si ce n'est pour servir l’image présidentielle, au risque d'abuser une fois de plus des concitoyens qui ne seront pas dupes très longtemps – à moins qu'il ne s'agisse d'affaiblir la capacité de résistance des salariés en désarmant les syndicats avant d’annoncer de nouvelles mesures antisociales à la rentrée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est ce qui nous pousse à poursuivre ce débat pour que les Français soient éclairés sur vos véritables intentions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean Mallot – Cet article suscite la perplexité dès son premier alinéa qui, se limitant à répéter le titre du projet, est superfétatoire. Les alinéas suivants ne le sont pas moins, car proclamer des principes constitutionnels n’a aucune utilité, il suffit de les respecter. Mais, à tant faire, vous auriez pu recopier l’intégralité du préambule de la Constitution de 1946, ce qui vous aurait permis de rappeler votre prétendu attachement au droit de grève et à l’exercice des droits syndicaux…

De quoi s’agit-il donc ? Le Conseil d’État, dans son rapport public de 2006 relatif à la sécurité juridique et à la complexité du droit nous apporte la réponse. Citant Montesquieu, le Conseil rappelle que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » et ajoute que « la complexité croissante des normes menace l’État de droit ». Il observe que la complexité croissante de notre droit constitue une préoccupation constante des citoyens, des élus locaux, des entreprises et des juristes. Analysant les causes de cette inflation législative, le Conseil relève « l’impératif de communication médiatique ». Nous y sommes ! Là est la raison d’être de votre texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le Conseil note que « la pression s’exerçant sur le Gouvernement appelle à un rythme largement dicté par l’évènement, à des réponses de plus en plus rapides ». Et c’est ainsi que, pressé de donner corps aux promesses inconsidérées du candidat Sarkozy (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), le Gouvernement nous soumet un texte inutile, dangereux et complexe. C’est que, comme l’affirmait le président du Conseil constitutionnel le 3 janvier 2006 lors de la cérémonie des vœux au Président de la République, « la griserie de l’annonce l’emporte bien souvent sur les contraintes de l’arbitrage et de la prévision ». Et voilà pourquoi nous sommes saisis d’un texte mal préparé, mal rédigé, dont l’application sera impossible (Même mouvement) et que vous devriez retirer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Camille de Rocca Serra – Au départ, nous nous réjouissions de voir tenu un engagement important du Président de la République par une procédure de règlement des conflits que les Français attendent depuis vingt ans…

M. Roland Muzeau – Ce texte ne règlera rien !

M. Camille de Rocca Serra – Qui pourrait nous reprocher de vouloir favoriser le dialogue social et garantir la continuité du transport public ? Personne. Toutefois, le libellé de ce projet fâche le Corse que je suis. Il s’agit, est-il dit, du transport « terrestre ». Mais qu’en est-il alors de la continuité territoriale qui fait que tous les Français sont égaux ? En 1975, la collectivité nationale a décidé que l’Autoroute du soleil, comme on l’appelait alors, se prolongerait jusqu’à la Corse par la voie maritime. Il s’agissait bel et bien de rattacher ainsi la Corse au continent. Je comprends que l’on défende le droit de grève, et je l’ai fait moi-même, mais il convient aujourd’hui de privilégier en premier lieu le dialogue social puis de garantir la continuité du service public de transport, qui est, cela a été dit, son essence même. Pour cela, un cadre juridique est nécessaire, notre collègue Christian Blanc l’a souligné. Je demande donc au Gouvernement et à la représentation nationale qu’une solution permettant de garantir la continuité territoriale avec la Corse soit mise au point, et que la culture du dialogue social se substitue enfin à celle du conflit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Eckert – Une station de radio, qui n’est pas réputée comme un repaire de révolutionnaires gauchistes, qualifiait ce matin votre texte d’usine à gaz. La discussion montre qu’il y a quelque fondement à cette appréciation, puisque le principe constitutionnel invoqué fait débat, tout autant que le périmètre du projet. Ici on parle de « transport régulier », ailleurs de « transport quotidien ». Les banquiers chers à Mme Lagarde en voyage vers Londres par l’Eurostar seront-ils considérés comme voyageurs « réguliers » ou comme voyageurs « quotidiens » ? Le texte s’applique-t-il aux TGV ou aux seuls TER ? Nul ne sait. Le texte parle aussi de voyageurs « à vocation non touristique », notion que certains collègues des bancs de la majorité seraient eux-mêmes partisans de supprimer… La question, légitime, des transports maritimes, vient d’être posée : faut–il les inclure ? Et qu’en sera-t-il alors du transport aérien ? Et puis, au détour d’un amendement, on lit que certains, au motif qu’il faut garantir la liberté du commerce et de l’industrie, proposent d’élargir le champ du projet au transport – régulier, ou quotidien ? – de marchandises.

On le voit bien, ce projet est un ballon d’essai. Vous avez choisi la porte d’entrée la plus facile parce que la plus sensible (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais les déclarations contradictoires de différents ministres, et non des moindres, font comprendre que des projets d’extension de ce dispositif sont déjà dans les tuyaux, pour l’éducation nationale et pour l’ensemble des transports publics. Ce texte n’est qu’un « coup » médiatique destiné à obtenir une popularité facile, mais l’on voit que vous êtes déjà empêtrés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Qu’en sera-t-il des remboursements ? Qu’en sera-t-il des relations entre les autorités organisatrices de transport et les entreprises ? Ce texte inapplicable ne sert qu’à diviser les Français mais comme vous le constatez, son examen au cœur de l’été n’a pas dissuadé une forte mobilisation de la rue (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). C’est dire quelle est son impopularité.

M. Alain Rousset – Ce projet nous est présenté au moment où les transports ferrés connaissent une crise exacerbée qui n’est pas due à la grève mais à la vétusté du matériel et des voies, ainsi qu’aux problèmes de personnel. Les régions ont réagi dès qu’elles en ont eu la compétence, en inscrivant à leur budget, pour cette ligne, deux à trois fois plus que ce que l’État leur a transféré pour le renouvellement du matériel, et les contrats de projet font état de sommes colossales au titre de la modernisation du réseau. Il n’empêche qu’au cours de la première quinzaine de janvier 2007, plus de trains ont été supprimés que pendant tout le second semestre 2006. Votre projet ne règlera pas cette crise. C’est un coup d’épée dans l’eau. Ce texte est injuste et maladroit, en ce qu’il appelle la vindicte sur le personnel des sociétés de transport alors qu’il aurait fallu appeler à un effort commun pour améliorer le réseau ferré national, dans le cadre du développement durable, au lieu de laisser l’essentiel de la charge aux régions.

Comment, d’autre part, ignorer les inquiétudes, dont je vous ai fait part, Monsieur le ministre ? Pour les autorités organisatrices de transport, ce texte est un nid de contentieux futurs ? (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Alors que des bonnes pratiques ont été instaurées (« Bien trop rarement ! » sur les bancs du groupe UMP), les précisions que vous tenez à apporter ici créeront des conflits juridiques entre les AOT et les entreprises, entre les AOT et les usagers, entre les usagers et les entreprises. Que devient donc la simplicité – que vous appelez de vos vœux – des conventions ?

Dans votre intervention d’hier, vous avez dit que cela donnait une base légale aux conventions passées. Mais n’est-ce pas déjà le cas ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Bien sûr que si !

M. Alain Rousset – Non seulement elles sont déjà légales, mais elles fixent – et c’est heureux ! – des pénalités, notamment pour la SNCF. Si demain cette loi est appliquée, la SNCF pourra dire : « Je n’ai plus à verser de pénalités ».

M. Christian Eckert – Exactement.

M. Alain Rousset – Vous nous proposez donc de nous tirer une balle dans le pied. L’objectif que nous partageons tous d’améliorer le service rendu à l’usager ne sera pas servi par ce texte. À l’instar de la modernisation des universités, la continuité du service public dans les transports impose un effort financier considérable, partagé entre les différents niveaux d’administration de la République.

Nous aurions pu soutenir le volet du texte relatif au dialogue social, tel qu’il figure dans l’article 2, hors, bien sûr, l’échéance du 1er janvier 2008. Ce sont des dispositions acceptables. Mais le reste ? Vous proposez une usine à gaz qui inquiète toutes les autorités organisatrices et qui ne règlera rien. Je voulais en témoigner aujourd’hui pour prendre date (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Hervé de Charette – Alors que nous abordons l’examen de l’article premier, je ressens ce moment comme particulièrement important, car attendu depuis trop longtemps…

M. Alain Vidalies – Par la droite !

M. Hervé de Charette – Enfin, nous allons obtenir la réglementation du droit de grève dans les transports en commun que nous attendons depuis tant d’années… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quel aveu ! C’est dit !

M. Hervé de Charette – Dans sa sagesse, le Gouvernement présente un texte mesuré et raisonnable. Pour nous, c’est une date importante (Même mouvement). Au reste, si ce projet de loi n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour de nos travaux, nous aurions eu le sentiment que les engagements pris au cours de la campagne présidentielle pour moderniser la société française n’étaient pas tenus.

M. Alain Gest – Absolument.

M. Hervé de Charette – Je m’en tiendrai donc à deux observations pratiques sur la rédaction de l’article premier.

Si nous ne réglons pas la question – excellemment présentée par M. de Rocca Serra – des transports maritimes de voyageurs, nous n’aurons pas accompli ce que nous avons à faire. Nous avons trop longtemps constaté, avec désolation, la multiplication des conflits liés à la desserte de la Corse pour ne pas saisir l’occasion qui nous est donnée de régler le problème. L’opposition se plaît à répéter qu’il n’y a plus de grèves dures : le cas de la Corse apporte un démenti cinglant à cette présentation des choses et il est urgent de s’en saisir. Par conséquent, je souhaite ardemment qu’une majorité se dégage pour adopter l’amendement qui sera présenté tout à l’heure.

J’en viens à ma deuxième observation. Personnellement, je ne trouve pas opportunes les modifications introduites par le Sénat en vue de rappeler les principes constitutionnels qui inspirent le texte. D’abord, de telles dispositions relèvent davantage de l’exposé des motifs que du corps du projet. Ensuite, c’est au juge constitutionnel chargé d’apprécier la validité de la loi qu’il appartiendra de dresser la liste des principes constitutionnels qui méritent d’être défendus…

M. Alain Vidalies – Eh oui !

M. Hervé de Charette - Enfin, je ne suis pas sûr que cette liste soit exhaustive.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous n’avons eu de cesse de le répéter !

M. Hervé de Charette - Pour toutes ces excellentes raisons, j’éprouve donc quelque difficulté à me rallier à cette rédaction.

Pour le reste, nous allons prendre une décision historique, et je m’en félicite très sincèrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Mme Marylise Lebranchu – Un mot sur l’incidence de la continuité du transport sur la liberté du commerce. En Bretagne, nombre de salariés demandent le rétablissement des trains de nuit du vendredi et du dimanche soir, qui permettent aux personnes travaillant à Paris de rentrer chez elles. De même, les entreprises les plus éloignées des grands marchés demandent depuis longtemps que les trains de marchandises de nuit circulent à nouveau. Au moment de la discussion des contrats, la région s’est donc tournée vers la SNCF, qui a fait valoir que, compte tenu de la faiblesse des crédits alloués par l’État pour le renouvellement des matériels, la mise aux normes des installations et la grande vitesse, il était impossible de faire travailler des agents après 21 heures. Moralité, nous n’avons plus ni trains de nuit ni fret de nuit, ce qui veut dire que si l’on veut être présent sur le marché de Francfort, il faut mobiliser deux chauffeurs de poids lourds de fort tonnage. Le désengagement de l’État est d’autant moins acceptable qu’il est contraire à l’objectif de privilégier le transport ferroviaire au titre du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Michel Destot – Cet article est essentiel puisqu’il charpente l’ensemble du débat. S’il est un principe constitutionnel indiscutable, c’est bien celui de la libre administration des collectivités territoriales. C’est pourquoi Dominique Perben avait organisé un débat de fond de plus de deux ans avec le groupement des autorités responsables de transports – le GART –, pour mettre au point un guide de bonnes pratiques et une charte de la prévisibilité comportant des clauses de dialogue social. Au final, la démarche a porté ses fruits puisque la conflictualité a diminué dans notre pays, ce dont nous nous réjouissons tous.

Las, bien que l’État ait engagé sa parole, nous constatons aujourd’hui une rupture nette. Alors que la voie conventionnelle était privilégiée par rapport à la voie légale, les formations – de gauche comme de droite – qui avaient loyalement participé au dialogue républicain au sein du GART ne peuvent que déplorer le renversement de logique auquel nous assistons. Non content d’avoir finalement choisi la voie législative, le Gouvernement a accepté que le Sénat durcisse son projet initial, comme vient du reste de le rappeler M. de Charette. Nous sommes donc en pleine contradiction : l’État est à la fois autorité organisatrice – pour les TGV, l’aérien, le fluvial, le maritime… – et patron-tutelle de la SNCF et de la RATP. Or il prétend fixer les conditions du dialogue social et décider de l’organisation des politiques territoriales, alors que chacun sait que la responsabilité des politiques de déplacements est dévolue aux collectivités locales. Dans ces conditions, le minimum que vous devez accepter, c’est, comme l’a proposé Mme Lepetit, qu’un rapport du Gouvernement soit présenté au Parlement. Juge et partie, l’État ne peut imposer de nouvelles règles, qui contreviennent de surcroît à tout l’édifice constitutionnel.

Il est toujours temps de réparer ses erreurs. Messieurs les ministres, si vous persistez dans votre volonté de durcir le texte et de rendre le dialogue social impossible, vous récolterez sur le terrain ce que vous semez aujourd’hui… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP – Des menaces ?

M. Michel Destot – Gare au boomerang, qui revient parfois beaucoup plus vite qu’on ne l’avait imaginé ! Nous ne pouvons accepter que l’État décide des conditions du dialogue, du calendrier, et même d’une intervention du préfet en amont des plans mis en place ! Tout cela est inacceptable et c’est pour cela que nous sommes hostiles à cet article premier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Président – Nous passons aux amendements (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche républicaine – Et les réponses ? Cela n’est pas sérieux !

M. le Ministre – Je répondrai dans la discussion sur les amendements.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Tous les orateurs, de la majorité comme de l’opposition, ont posé des questions très importantes. J’ai compris que M. le ministre envisageait d’y répondre de manière successive…

M. le Ministre – Mais pas succincte. Vous me connaissez !

M. Alain Vidalies – …dans le débat d’amendements. Mais il faut tenir compte de la qualité de ce qui vient d’être dit, comme des approches nouvelles émanant de la majorité. À cet égard, je tiens à remercier M. de Charette pour sa franchise et pour sa lecture juridique de la référence aux principes de valeur constitutionnelle. Je sais aussi que M. Bussereau devra nous quitter. Dès lors, nous souhaitons que les deux ministres s’expriment sur le fond dès à présent. Cela sera plus constructif pour la suite de notre débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Ministre – Disons-nous les choses très franchement. Nous venons d’entendre un certain nombre d’interventions complémentaires à la discussion générale, de la part d’orateurs qui n’étaient pas inscrits hier. La discussion des amendements va s’engager et vous savez que j’ai l’habitude de répondre de manière détaillée. On verra à la fin des débats si j’ai éludé vos questions. Soyez sûrs en tout cas que telle n’est pas mon intention.

Mieux vaut que les deux ministres vous répondent lors du débat sur les amendements plutôt que de revenir sur des éléments que j’ai déjà évoqués hier. J’ai passé près de 167 heures sur le banc de la commission comme rapporteur de la réforme des retraites : vous savez que je vais toujours au fond des débats, dans le respect de l’ensemble des parlementaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Camille de Rocca Serra – L’amendement 80 vise à étendre le champ d’application de la loi aux transports maritimes, au nom bien sûr de la continuité territoriale. J’aurais d’ailleurs pu aller plus loin en parlant aussi des transports aériens. La recherche du dialogue social, qui est une absolue nécessité et qui permettra d’encadrer la mise en œuvre d’un service aux usagers, doit évidemment être précédée d’une concertation. Ce que je vous demande, Monsieur le ministre, c’est de la mener dans un délai très rapide, afin qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité entre les insulaires et ceux qui vivent sur le continent. La continuité d’un service public qui est financé par la communauté nationale doit être assurée entre la Corse et le continent comme ailleurs. Nous attendons de votre part l’engagement d’employer tous les moyens – dont la concertation entre l’autorité organisatrice, les pouvoirs publics, les entreprises de transport et les salariés – pour que les usagers qui ont besoin de transiter par la voie maritime puissent le faire, puisque – pour paraphraser un illustre prédécesseur de la Troisième République – « la Corse est une île, mais entourée d’eau de toutes parts » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Robert Lecou – Le droit de grève est gravé dans le marbre du Préambule de la Constitution de 1946. Nul ne songe donc à revenir sur ce droit qui remonte à 1864 et reste une conquête sociale et un symbole de progrès démocratique : nous y sommes tous attachés (« Prouvez-le ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

La continuité du service public est un principe général de notre droit. L’article 5 de la Constitution dispose que le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Concilier droit de grève et service public, tel est l’enjeu de ce texte. Le service garanti ne doit pas être considéré comme un remède miracle, mais comme un moyen ultime d’assurer la continuité du service public. Il doit donc être garanti au plus haut niveau possible et compatible avec l’exercice du droit de grève. Seule une telle démarche permettra de promouvoir un service public de qualité.

L’amendement 78 rectifié vise à inclure dans le champ d’application de la loi l’ensemble des services publics de transport terrestre de personnes (« On y est ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Je pense à ceux qui, usant de leur juste droit aux vacances, choisissent – ou sont contraints de le faire – d’emprunter les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de villégiature. Ne les décourageons pas : cela désengorge les routes et concourt à la sécurité routière et à la protection de notre environnement. Je pense aussi à la SNCF, qui doit assurer son équilibre financier. Je pense enfin à l’activité touristique, génératrice d’emplois.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – L’extension du champ d’application de la loi aux transports maritimes est vitale pour la Corse. Même M. le ministre reconnaît la nécessité de garantir une vraie continuité territoriale. Pour me convaincre de renoncer à ce combat, on m’oppose la nécessité du dialogue social. Je n’ai jamais nié son importance : les modalités d’application de la loi ou le nombre de rotations minimales seront évidemment déterminés après une large concertation avec les syndicats et les compagnies de transport concernées, qui devra être pilotée par la collectivité territoriale de Corse et le représentant de l’État. Mais pour que les Corses aient la garantie de la voir aboutir, le principe même de la continuité du service public dans les transports maritimes doit être dès aujourd’hui inscrit dans la loi. Tel est l’objet de l’amendement 7 rectifié (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces trois amendements…

M. Jacques Myard – Scandaleux !

M. le Rapporteur – …qui visent à étendre le dispositif du service garanti au-delà des seuls transports terrestres de voyageurs à vocation non touristique, afin de prendre en considération – notamment – la situation des habitants de nos îles, où les transports maritimes peuvent évidemment constituer des missions de service public. Une telle extension n’a, en effet, donné lieu à aucune véritable concertation. Le projet se fonde sur les bonnes pratiques existantes à la RATP ou à la SNCF. Le président de la commission défendra un amendement qui prévoit la présentation par le Gouvernement, au 1er juin 2008, d’un rapport au Parlement dressant un état des lieux du dialogue social dans les transports publics autres que terrestres. La commission tient à réaffirmer son attachement profond à nos concitoyens insulaires, dont elle mesure les problèmes quotidiens. Elle a d’ailleurs appelé à une accélération des processus de concertation menés sur ce point.

M. le Président de la commission spéciale – La question posée par nos collègues est légitime : il est tout à fait normal que les usagers et les élus s’interrogent sur la continuité du service public pour d’autres transports de voyageurs, en particulier les transports maritimes et côtiers, et finalement sur la continuité territoriale. Sur ce sujet, nous tenons néanmoins à ne pas brûler les étapes du dialogue social. L’amélioration de la continuité du service public pour les transports terrestres n’est possible que parce qu’il y a eu progrès dans le dialogue social. Nous demandons, par un amendement que la commission a adopté après l’article 11, que ces progrès soient aussi faits dans les autres secteurs de transports, et que le Gouvernement en rende compte dans un rapport. Certains de nos collègues présenteront, je crois, un sous-amendement à cet amendement pour s’assurer que ce rapport prendra bien en compte la problématique de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale. J’aimerais connaître l’état d’esprit du Gouvernement sur ce point.

M. le Ministre – Je comprends votre souci, Monsieur Lecou. Mais l’adoption de votre amendement nous contraindrait à revoir tout l’équilibre du texte et une bonne partie de ses dispositions. D’autre part, la France de 2007 n’est pas une société bloquée : le préalable indispensable à une telle réforme, c’est la concertation. Je n’ai pas mené cette concertation avec les professionnels du secteur touristique. Il ne me semble donc pas possible de modifier le texte sur ce point – qui fera l’objet de discussions dans les mois à venir – au détour d’un amendement. Le Gouvernement donne donc un avis défavorable à votre amendement.

Cela fait longtemps que l’on parle du service minimum. Voici enfin un texte ! Je sais, Messieurs de Rocca Serra et Gandolfi-Scheit, que les Corses s’en sont réjouis, pensant qu’il allait répondre à leurs difficultés quotidiennes. Je comprends donc votre démarche. Mais ce texte a été prévu pour les seuls transports terrestres réguliers de voyageurs. Nous n’avons certes pas voulu oublier la Corse.

La question m’a été posée de la même façon par des sénateurs bretons et vendéens lors du débat à la Haute assemblée, s’agissant de la desserte côtière des îles de la façade atlantique. Je leur ai alors fait la même réponse que celle que je vous ferai aujourd’hui. Le présent projet n’apporte pas la réponse qui convient à ces questions légitimes. À la suite du débat au Sénat, j’ai demandé à Dominique Bussereau qu’une concertation puisse être engagée le plus rapidement possible. En effet, le présent texte ne peut garantir la continuité territoriale – laquelle passe par les transports maritimes mais aussi aériens. Je ne vous opposerai pas que plusieurs compagnies maritimes assurent la desserte de la Corse car je n’ignore pas que la délégation de service public repose sur la seule SNCM.

Si nous avons réussi à avancer sur le service minimum dans les services publics de transports terrestres de voyageurs, c’est, je le reconnais, que nous ne sommes pas partis de rien. Il y avait eu les travaux de Robert Lecou, Hervé Mariton, Jacques Kossowski ou bien encore Patrick Ollier. De bonnes pratiques, comme l’alarme sociale, et un dialogue social de qualité existaient déjà dans les entreprises, qui ont rendu les choses plus faciles. C’est une telle concertation qu’il faut organiser préalablement s’agissant de la desserte de la Corse et des autres îles.

Le présent texte a trait aux déplacements quotidiens – qui pour aller à l’école, qui pour aller au travail. Certes, des usagers utilisent la SNCM pour de tels déplacements ou pour se rendre dans des établissements sanitaires – encore que, dans ce dernier cas, on procède à des évacuations beaucoup plus rapides en cas d’urgence. Mais chacun comprend bien que lorsqu’il sera question de « plan de travaux programmés », cela ne peut s’appliquer de la même façon à la desserte maritime. La question de l’indemnisation ne se pose pas non plus dans les mêmes termes, les enjeux financiers n’étant pas de même nature à la SNCM qu’à la SNCF ou à la RATP.

Avec ce texte, nous avançons quasiment au millimètre sur le plan juridique…

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Aveu !

M. le Ministre – Nous avons trouvé, nous, un bon compromis quand d’autres n’avaient même pas osé avancer sur le sujet ! Nous ne nous sommes pas dérobés devant nos responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Si nous devions traiter aussi de la continuité territoriale, il faudrait par exemple engager la concertation avec le port de Marseille. Aucun sujet n’est tabou mais, je le redis, la concertation est un préalable indispensable. Sur ce point, je laisserai la parole à Dominique Bussereau (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Alain Néri – On le croyait muet !

M. le Ministre – Ce n’est pas votre cas, Monsieur Néri (Sourires). Si nous avançons dans la concertation et le dialogue social, aussi bien sur l’organisation du service en cas de grève que sur le droit à l’information, tout sera possible. À ce sujet, je vous indique dès à présent que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement présenté par le président Mariton après l’article 11, de même qu’au sous-amendement de M. Verchère précisant que le rapport prévu tient compte aussi de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale.

Le Gouvernement n’oppose donc pas une fin de non-recevoir pure et simple à ces amendements sur un sujet, ô combien, important, puisque des concertations vont s’engager à l’initiative de Dominique Bussereau. En effet, le Gouvernement, sur ce sujet comme sur les autres, considère qu’il n’y a pas de tabou et que lorsqu’on peut renforcer le service public, on se doit de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Je vous prie par avance de m’excuser de devoir quitter cette séance avant la fin mais je dois représenter le Gouvernement à 18 heures 30 à la cérémonie organisée à la mémoire des quarante-quatre enfants morts en 1982 dans un tragique accident de car à Beaune. Vous le comprendrez, j’en suis sûr, surtout après l’accident de car survenu il y a quelques jours en Isère.

S’agissant de la desserte de la Corse, de l’outre-mer et des îles, qui me sont chères, de la façade atlantique, nous mènerons la concertation et il y aura dialogue social.

Pour ce qui est de la qualité du service de transports, abordée par de nombreux parlementaires, il convient en effet de traiter, au-delà des mouvements sociaux qui peuvent perturber le service, quantité d’autres problèmes. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement à venir, nous aurons à traiter du financement des transports publics dans les grandes agglomérations, les villes moyennes et les zones péri-urbaines, à trouver de nouvelles sources de financement pour les réseaux de bus, de tramways et de tous les transports en site propres, à réfléchir aux moyens d’améliorer les transports urbains. L’État devra en effet, Monsieur Rousset, appuyer au niveau des infrastructures les efforts méritoires consentis par les régions pour renouveler les matériels roulants. Il ne servirait de rien en effet que les régions mettent en circulation du matériel flambant neuf sur des lignes vétustes. Il ne se dérobera pas et travaillera en liaison avec l’ensemble de ses partenaires. Je me félicite ainsi de l’effort consenti par la région Midi-Pyrénées, en liaison avec l’État et RFF.

Pour ce qui est du réseau francilien, Madame Lepetit, le STIF, la région et l’État ont contractualisé leur effort respectif dans le contrat de projet. Nous profiterons de la dynamique du Grenelle de l’environnement pour déterminer les efforts supplémentaires à consentir pour le développement des transports de proximité.

Enfin, Monsieur Paul, je suis parfaitement conscient, ainsi que la direction de la SNCF d’ailleurs, des faiblesses sur certaines dessertes, en particulier de la Basse et de la Haute Normandie. Vous avez cité l’axe Paris-Rouen-Le Havre et l’axe Paris-Granville. Vous auriez pu citer l’axe Paris-Caen-Cherbourg, Mme Ameline l’aurait apprécié… Oui, Madame Lebranchu, beaucoup reste à faire en ce qui concerne les trains Corail-Intercités. Le présent texte relatif au service minimum n’exclut nullement, bien au contraire, un effort sur les matériels et les infrastructures de la part des entreprises, de l’État et des collectivités. Le Grenelle de l’environnement donnera l’occasion de proposer une nouvelle politique de transports au service du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – Devant ces trois amendements en discussion commune, émanant tous trois de collègues de la droite ultra souhaitant restreindre, voire supprimer, le droit de grève bien au-delà des services de transports terrestres de voyageurs, j’observe que M. Mariton et M. Kossowski, pourtant auteurs chacun d’une proposition de loi sur le service minimum, dans laquelle ils n’avaient jamais évoqué d’étendre leurs propositions au-delà n’ont pas émis la moindre protestation. S’ils n’avaient pas cru bon à l’époque d’envisager une telle extension, il devait bien y avoir une raison ! Sans doute redoutiez-vous alors davantage une opinion publique aujourd’hui formatée par les médias qui, à la botte du Président de la République et de la majorité présidentielle (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), publient au moment opportun des sondages cousus main pour justifier la politique conduite… (M. Myard s’exclame) Monsieur Myard, je préférerais vous entendre sur l’Europe !

Je suis surpris, disais-je, du silence de MM. Mariton et M. Kossowski. Car pour ce qui est de vous, Monsieur le ministre, vous cédez dès l’article premier en annonçant qu’à l’article 11, vous donnerez satisfaction aux ultras de la majorité.

M. Jean-Marc Ayrault – Je souhaitais répondre à M. Bussereau, mais il est parti (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je ne lui en fais pas le reproche car il s’en est expliqué ; il reste que, s’agissant d’un texte qui concerne les transports, il aurait été normal que le ministre fût présent du début jusqu’à la fin. Ou alors avouez tout de suite que c’est un projet destiné à limiter le droit de grève, beaucoup plus qu’à traiter de la continuité du service public des transports ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Bussereau a répondu à toutes les interpellations sur la qualité de notre service de transport par une déclaration de principe, mais on se demande de quels moyens il va pouvoir disposer dans la loi de finances pour 2008 pour financer les investissements, alors que vous avez fait partir en fumée 15 milliards ! Il n’y a plus d’argent, donc il faut s’attendre au pire. Foin des discours hypocrites, quand chaque jour qui passe montre la réalité de votre politique ! Dans ce débat, d’ailleurs, on sent l’énervement monter sur les bancs de la majorité parce que la vérité est en train d’apparaître ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Camille de Rocca Serra – Au bénéfice des explications qui ont été données (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)… Écoutez d’abord, chers collègues, vous ne serez pas déçus ! Je suis cohérent : je ne peux pas appeler une ou plusieurs entreprises de transports maritimes, dans le cadre d’une délégation de service public, à pratiquer le dialogue social et ne pas accepter moi-même la concertation préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Permettez-nous d’essayer, vous qui n’avez rien fait pendant des années ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Oui, vous avez laissé une entreprise nationale se dégrader et ne plus assurer un service public.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Et vous ?

M. Camille de Rocca Serra – Cela fait vingt-cinq ans que cela dure !

Il y a urgence. Au nom de l’égalité des citoyens devant la loi, il faut un calendrier et un engagement précis sur les transports maritimes de voyageurs, ainsi que sur le fret : cela fait trop longtemps que la Corse attend.

Au bénéfice de vos réponses, je suis prêt à retirer mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Robert Lecou – Le débat qui a eu lieu ici et ailleurs depuis quelques années a provoqué une prise de conscience, qui a permis de limiter le recours à la grève. À l’instar de l’Allemagne, où elle est considérée comme un échec, il faut tout mettre en œuvre pour l’éviter.

La concertation est la bonne démarche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), parce que nous croyons, chers collègues, à la possibilité de concilier le droit de grève et la continuité du service public. Puisque vous la souhaitez, Monsieur le ministre, je retire mon amendement, en demandant qu’on se préoccupe des transports à vocation non touristique : il ne faudrait pas concentrer les grèves sur certaines périodes.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Je rejoins la position de mes collègues, sous la condition que, faute d’aboutissement dans le délai imparti, une loi soit votée pour garantir un service minimum dans les transports maritimes.

Les amendements 80, 78 rectifié et 7 rectifié sont retirés.

M. le Président de la commission spéciale – La question du transport maritime mérite en effet d’être traitée. L’attitude de nos collègues de l’opposition est assez curieuse : quand il leur semble que la majorité veut durcir le texte, ils critiquent, et quand il leur apparaît qu’elle cherche une voie d’équilibre en prônant le dialogue, ils critiquent aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est votre démarche qui est mauvaise !

M. le Président de la commission spéciale – Le dialogue social ne se proclame pas, il se travaille, et les rapports seront utiles pour faire un point d’étape. Si l’amendement de notre commission après l’article 11 est voté, un bilan sur l’amélioration du dialogue social sera fait au 1er mars 2008 – et non au 1er juin comme nous l’avions initialement pensé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Je comprends bien dans quel esprit les auteurs de ces amendements les ont retirés. Concernant le rapport, le Gouvernement est favorable à la date du 1er mars car M. Bussereau entamera les concertations dès le mois de septembre, en liaison avec les élus concernés – qui disposeront ainsi d’une base juridique pour engager les discussions.

Monsieur Muzeau, vous avez une bien curieuse conception du dialogue social si pour vous il s’agit de céder…

Monsieur Ayrault, vous qui disiez que la présence du ministre du travail était sans doute liée à la question du droit de grève, savez-vous que les sujets du droit du travail sont aussi la négociation collective, les institutions représentatives du personnel ou les conditions de rémunération des salariés ? Le dialogue social est une idée profondément moderne, et j’aurais aimé que nous en partagions la même conception. Mais peut-être est-ce parce que vous ne l’avez pas toujours pratiqué que vous êtes restés l’opposition… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Roland Muzeau – Pas vous, pas ça, Monsieur le ministre ! Nous sommes nombreux à être attachés au dialogue social. Mais vous auriez pu évoquer aussi l’attitude scandaleuse de l’Union des transports publics – UTP –, qui pendant deux ans a tout fait pour faire capoter les discussions avec les organisations syndicales, afin que la loi impose ses propres vues : il y avait bien là une volonté politique.

Monsieur le ministre, vous devriez stigmatiser l’UTP pour avoir fait échouer les négociations alors que sept fédérations syndicales étaient disposées à les faire aboutir. En réalité, nous touchons là au cœur du débat sur la concertation et le dialogue social. M. Mariton vient d’annoncer que le rapport serait remis le 1er mars. Comment, alors même qu’il est impossible que les négociations avec les autorités organisatrices de transport soient achevées au 1er janvier 2008, prétendre produire au 1er mars un rapport sur les résultats des expériences menées ? On croit rêver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Alain Vidalies – Ce débat fort intéressant est propre à modifier la nature de nos échanges. En effet, le refus de la majorité et du Gouvernement d’étendre les dispositions du texte au transport maritime, notamment vers la Corse, est fondé sur l’insuffisance du dialogue social – indispensable, assure-t-on, à une mise en œuvre réussie du texte – sur ce sujet. Mais pourquoi l’égalité de traitement entre citoyens n’imposerait-elle pas non seulement d’appliquer aux Corses ce qui vaut pour l’ensemble des Français, mais aussi d’étendre aux Français les mesures concernant les Corses, donc de reporter l’application du texte, sur l’ensemble du territoire, à l’aboutissement du dialogue social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Car le texte n’a réussi qu’à fédérer contre lui, à l’unanimité, les sept organisations syndicales ; quant aux collectivités organisatrices, l’Association des régions de France, par la bouche de son président, et l’Association des départements de France ont exprimé leur opposition au projet, le GART se déclarant pour sa part extrêmement réservé ; les centaines de milliers d’entreprises représentées par l’UPA redoutent un texte qu’elles savent ne pouvoir appliquer ; bref, seul le Gouvernement est favorable au texte – on ne peut pas même lui adjoindre l’ensemble de l’UMP, compte tenu de la position de M. Gandolfi-Scheit sur la Corse. Dans le souci de ne pas enfreindre le principe constitutionnel de l’égalité de traitement des citoyens, la sagesse commande de s’en tenir au point de vue qu’a soutenu la majorité, par l’intermédiaire de M. Perben, jusqu’en mai 2006 : faute d’accord, renoncer à rendre le texte immédiatement applicable.

Cela dit, notre amendement 113 tend à exclure du champ d’application du texte les réseaux couvrant des périmètres de moins de 100 000 habitants, mais, si la lucidité dont vous faites preuve au sujet de la Corse vous amène à le voter, nous pourrons en déposer d’autres portant, par exemple, le seuil à 300 000, de telle sorte que rien ne subsiste finalement du texte – ce que, comme vous, nous souhaitons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Le Rapporteur  – Un rapport a été demandé sur la Corse et sur les îles ; il n’y a pas eu de changement à cet égard et cette disposition n’est en rien contraire à l’égalité de traitement des citoyens.

M. Alain Néri – Et l’égalité de traitement des territoires ?

Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – La Corse, c’est la France !

M. le Rapporteur - Merci de le rappeler !

D’autre part, la commission a repoussé l’amendement qui méconnaît le principe constitutionnel de l’égalité de traitement et qui s’insère mal dans le projet. En effet, si les transports terrestres de voyageurs ne sont assurément pas confrontés aux mêmes difficultés dans les petites agglomérations que dans les grandes, l’esprit du projet est d’assurer un service minimum sur l’ensemble du territoire.

M. le ministre – Même avis. Votre position, Monsieur Vidalies, est cohérente dans la mesure où vous cherchez à vider le texte de sa substance et où vous vous opposez à la mise en place d’un service minimum qu’attendent 80 % de Français – choix que vous revendiquez, alors que l’occasion se présentait de transcender les clivages politiques –,… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – De transcender ce qui vous arrange !

M. le ministre – …mais elle est incohérente dans la mesure où vous êtes assez attaché à la constitutionnalité du texte, et assez peu confiant dans votre capacité à nous convaincre de la pertinence de vos amendements, pour annoncer le dépôt de recours devant le Conseil constitutionnel – vous voyez que je vous ai bien écouté ; peut-être aurez-vous du reste, au sujet de certains amendements, de bonnes surprises ! Comment pouvez-vous dès lors rompre le principe constitutionnel d’égalité de traitement entre les habitants de certaines agglomérations et les autres ? Ainsi, alors que le projet s’appliquera, en Corse, aux transports terrestres, votre amendement ferait qu’il ne s’y appliquerait pas, puisque Bastia ou Ajaccio, par exemple, constituent des réseaux de moins de 100 000 habitants.

En ce qui concerne l’UPA, je précise que les accords de branche permettent de couvrir l’ensemble des entreprises, notamment celles de moins de 50 salariés – nous en avons discuté avec le secrétaire général de l’UPA –, qui ne feront donc l’objet d’aucune discrimination de la part des autorités organisatrices de transport et ne seront pas, contrairement à ce que craignent certains, exclues des appels d’offre.

M. Yanick Paternotte – Je vous remercie des explications fournies à propos de la Corse et des agglomérations de moins de 100 000 habitants, anticipant ainsi sur mon intervention. Le groupe UMP se félicite de la perspective de l’amendement 92 après l’article 11 et de son sous-amendement, ainsi que des précisions apportées sur la date. L’inscription du principe d’évaluation dans le texte est essentielle, car une politique qui n’est pas évaluée se réduit à une déclaration d’intentions ; mais si, malgré tous les efforts du Gouvernement, le rapport ne pouvait être disponible le 1er mars, le groupe UMP serait prêt, à l’unanimité, à soutenir la proposition de loi que déposeraient MM. Rocca Serra et Gandolfi-Scheit.

M. François Brottes – Nous venons d’entendre une prise de position en faveur de la menace…

M. Yanick Paternotte – …de la démocratie !

M. François Brottes – Monsieur le ministre, vous qui êtes ministre du travail, vous cherchez – chacun l’a compris – à porter atteinte au droit du travail, mais vos compétences en matière de transports publics et d’aménagement du territoire sont pour le moins contestables. En effet, l’égalité de traitement s’applique à l’ensemble des agglomérations de moins de 100 000 habitants, où les prélèvements sur les versements aux transports sont déjà différents de ceux des agglomérations plus importantes !

M. Alain Néri – Eh oui !

M. François Brottes – Si les charges sont égales, les agglomérations de moins de 100 000 habitants ne peuvent les assumer de la même manière que les agglomérations plus peuplées. Elles ne peuvent donc être traitées de la même façon. D’ores et déjà, la LOTI n’assure pas l’égalité de traitement ! Mais M. Bussereau n’est pas là pour vous le souffler. Bref, tout ceci pour souligner la pertinence de l’amendement de M. Vidalies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L’amendement 113, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Alain Vidalies – L’amendement 103 propose de supprimer les alinéas 2 à 6 de l’article. Pourquoi, dans un projet de loi contenant par ailleurs des mesures d’une grande gravité, faire référence à des principes constitutionnels, si ce n’est à des fins d’habillage ? Comme l’a souligné M. de Charette, il est juridiquement curieux, de la part du législateur, de se rappeler lui-même au respect de la Constitution !

M. François Brottes – C’est redondant !

M. Alain Vidalies – Voilà qui est original et témoigne d’une certaine détresse intellectuelle, pour rester modéré !

M. Guy Geoffroy – C’est un peu exagéré !

M. Alain Vidalies – Non : je vous renvoie aux propos de M. de Charette !

La démarche est plus pittoresque encore lorsque le législateur va jusqu’à inventer purement et simplement des principes constitutionnels pour parvenir à ses fins, ou à les travestir. Les juristes s’en arracheront les cheveux ! De fait, sauf à supposer que notre interprétation du droit constitutionnel est totalement désastreuse, il est bien difficile de s’y retrouver.

Comment expliquer que l’on en arrive à cette situation ? De ce point de vue, je partage vos interrogations, Monsieur de Charette, sinon vos conclusions.

Vous êtes partis du résultat, et vous avez fait le montage juridique qu’il fallait pour l’obtenir. Mais lorsqu’on veut justifier l’injustifiable, on se retrouve vite dans la pure imagination et vos dispositions n’échapperont pas à la censure du Conseil constitutionnel. Si vous les retirez, il restera d’autres dispositions inconstitutionnelles dans le texte et si vous les laissez, elles ne cacheront plus que votre texte a pour réel objet de s’attaquer au principe, constitutionnel celui-ci, du droit de grève (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement car la référence aux libertés introduite par le Sénat lui semble utile et en toute hypothèse conforme au droit : certaines sont mentionnées dans le préambule de la Constitution de 1946 et toutes figurent dans le bloc de constitutionnalité fondé par notre tradition juridique et qui reprend l’ensemble des libertés fondamentales visées à l’article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi pu admettre la liberté d’entreprendre comme liberté constitutionnelle dans une décision de 1982, ou instaurer la liberté d’aller et venir dans une décision de 1981.

M. le Ministre – Même avis. Ce projet n’érige ni ne hiérarchise aucun principe constitutionnel. Il ne fait qu’en rappeler certains pour assurer la conciliation entre eux. L’amendement du Sénat a pour auteur Hugues Portelli, professeur de droit constitutionnel… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Et alors ?

M. le Ministre – Ne comptez pas sur moi pour entrer dans les querelles entre l'Assemblée nationale et le Sénat ! Je rappelle seulement que les principes à valeur constitutionnelle sont soit issus des textes constitutionnels – la Constitution, le préambule de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme – soit dégagés par le Conseil constitutionnel. Ainsi, celui-ci a consacré la liberté d’aller et venir dans une décision du 19 janvier 2006 sur la loi de lutte contre le terrorisme, la liberté du travail dans une décision de 2002 sur la loi de modernisation sociale et la liberté d’entreprendre…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais où cela est-il marqué ?

M. le Ministre – Je comprends que ce soit un souvenir douloureux, puisqu’il s’agit de la décision de 1982 sur les nationalisations !

M. Hervé de Charette – Par solidarité avec mon groupe, je vais voter contre cet amendement mais je tiens à dire que, et quelle que soit la qualité de l’auteur de l’amendement au Sénat, il est de mauvaise pratique parlementaire de confondre l’exposé des motifs avec le texte de la loi. Non seulement cette disposition n’ajoute rien, mais elle nous expose à quelques risques juridiques. Mais n’en faisons pas une histoire.

M. François Brottes – Ce si talentueux sénateur a évoqué la liberté de l’industrie. Qu’est-ce donc que la liberté de l’industrie ? Pourquoi pas la liberté de l’agriculture ou de la restauration, pendant qu’on y est ? La liberté du commerce, c’est la faculté pour chacun de faire des affaires. Mais la liberté de l’industrie ? Monsieur le ministre, s’il vous plaît, il vous faut répondre.

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Il me semble que nos débats intéresseront beaucoup le Conseil constitutionnel, le moment venu. La question de M. Brottes devrait attirer votre attention sur les difficultés que M. de Charette a évoquées avec tant de diplomatie. Si vous pensez que la liberté de l’industrie mérite de devenir un principe constitutionnel, le maraîchage et la pêche ne vont pas tarder à se manifester !

L’amendement 155 consiste à exclure les entreprises de moins de 50 salariés du champ d’application de la loi. Vous nous avez rappelé, Monsieur le ministre, votre attachement au dialogue social et vos résultats impressionnants en la matière. Je vais donc parler moi aussi d’un de vos exploits historiques. Personne n’a en effet jamais pu expliquer que vous ayez donné un coup d’arrêt à cet extraordinaire message d’espoir que représentait pour tous ceux qui croient au dialogue social l’accord de 2001 entre l’Union professionnelle artisanale et l’ensemble des syndicats salariés, relatif à une présence syndicale dans les petites entreprises, financée par elles : si les patrons veulent offrir des conditions semblables à celles des grandes entreprises à leurs salariés, ils doivent leur assurer le dialogue social et des syndicats pour les défendre – un principe reconnu par la Constitution ! Mais cet accord commun à 800 000 entreprises et à des millions de salariés n’est pas entré en application, depuis six ans, parce qu’il ne plaît pas au Medef et que vous avez donc décidé de ne pas le généraliser. Alors, ne nous parlez plus de vos exploits en matière de dialogue social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Lors de son audition, que vous retrouverez dans le rapport, le président de l’UPA Pierre Martin a indiqué qu’il n’avait pas d’objection majeure à l’encontre du texte mais que les entreprises de moins de 50 salariés devaient être exclues d’un dispositif qui, pour être souhaitable, était trop contraignant pour elles. Ce ne sont pas les petites entreprises, souvent en milieu rural, qui posent problème et M. Martin regrette que cela n’ait pas été pris en considération. Il a aussi rappelé que l’accord du 12 décembre 2001 dans le secteur de l’artisanat permettait de résoudre un certain nombre de problèmes et qu’il était très dommage qu’il ne soit pas appliqué à la totalité du secteur.

Nous proposons donc une mesure qui permettra de relancer le dialogue social et d’écouter, pour une fois, les entreprises artisanales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le souci de moduler le dispositif est compréhensible. Nous sommes nous aussi soucieux des réalités, puisque le projet de loi fait largement confiance aux partenaires sociaux et aux acteurs locaux. L’audition a permis de montrer la situation spécifique des petites entreprises du secteur, mais il nous semble qu’adopter cet amendement risque de rompre l’égalité entre les citoyens.

M. le Ministre – Même avis. Monsieur Vidalies, cela ne fait pas six ans que je suis ministre du travail et je ne mettrai pas six ans pour faire connaître ma position sur le sujet. Par ailleurs, vous savez parfaitement que les partenaires sociaux, y compris l’UPA, sont en ce moment sur le chantier de la représentativité et de la démocratie sociale. Chacun est libre d’employer le ton qu’il veut, mais je préfère pour ma part ne pas être désagréable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il ne s’est pas montré désagréable, il vous a seulement contredit !

M. le Ministre – On peut porter la contradiction de façon agréable, surtout lorsqu’on va au fond et qu’on a des arguments.

Quant à la liberté du commerce et de l’industrie, je vous laisse vous référer aux écrits d’un commissaire du gouvernement du Conseil d’État : Léon Blum.

M. François Brottes – Sans vouloir vous être désagréable, Monsieur le ministre, je répète que la liberté de l’industrie ne semble pas avoir beaucoup d’applications concrètes et que je ne vois donc pas bien en quoi elle peut être un principe fondamental.

Vous vous dites soucieux du dialogue social. L’amendement 155 prend justement en compte la demande à la fois des salariés des petites entreprises et de leurs employeurs. M. Vidalies vous l’a exposé de façon posée, mais Pierre Martin, lors de son audition, était autrement virulent contre les gens qui ne voulaient jamais écouter personne, ni les salariés, ni les employeurs. Vous avez donc l’occasion de répondre à une exigence d’organisation des transports et d’aménagement du territoire, puisque les entreprises concernées sont souvent en milieu rural ou en zone de montagne, dans un secteur où les intérêts des usagers, des employés et de l’employeur ne font qu’un. Vous allez semer la zizanie dans un dispositif qui marche bien. Là est votre capacité d’écoute : lorsque tout le monde est contre, vous êtes tout de même pour !

M. le Ministre – Je ne peux pas laisser passer de telles contrevérités. Dans la démarche initiale du Gouvernement, les accords de branche n’étaient pas prévus. Les organisations syndicales les ont demandés, repris par les parlementaires, et le Gouvernement a donné un avis favorable. Nous avons donc su évoluer et le projet a été enrichi grâce à l’écoute et au dialogue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Néri – Par souci de réalisme, l’amendement 154 tend à exclure les entreprises de transport scolaire du champ d’application du texte. Comme chacun le sait, la responsabilité du transport scolaire revient aux départements et, à ce jour, je n’ai connaissance d’aucunes difficultés dans ce secteur. J’ajoute que, dans le départements, quatre-vingt pour cent des services de transport concernent le transport scolaire, qui permet donc à de très petites entreprises de transport de survivre et qui participe de l’aménagement du territoire, singulièrement en zones rurales. Pourquoi donc parler de service minimum là où la continuité du transport public est assuré ? Pourquoi créer des difficultés là où il n’y en a pas alors même que si une grève était déclarée, aucune alternative n’existerait ? Par ailleurs, comment les conseils généraux définiraient-ils les dessertes prioritaires en cas de grève ? Comment choisirait-on quels élèves peuvent monter dans l’autocar – ceux de sixième parce qu’ils sont petits ? Ceux de troisième parce qu’ils préparent le brevet ? Et qu’adviendra-t-il des collégiens de quatrième et de cinquième laissés à terre ? Tout cela n’est ni utile ni sérieux, et la position de l’UPA dit assez que les entreprises des territoires ruraux, épargnées par les conflits, savent que le texte en l’état créera plus de difficultés qu’il n’en résoudra. Le bon sens devrait s’imposer à la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement car la loi s’applique à tous les transports terrestres de voyageurs.

M. le Ministre – Même avis, pour la même raison.

M. Marcel Rogemont – Même informées quarante-huit heures à l’avance d’un mouvement de grève, ni les entreprises, ni les AOT n’auront le temps d’informer tous les parents. Ces seules considérations matérielles devraient dissuader d’intégrer les entreprises de transport scolaire dans le dispositif.

L'amendement 154, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 17 est rédactionnel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes – Les dispositions proposées peuvent fausser les appels d’offres relatifs à l’attribution des délégations de service public. En effet, certaines entreprises pourraient faire des promesses inconsidérées, s’affirmant capables, pour emporter un marché, de garantir un service minimum alors même que ce ne sera pas le cas. Par l’amendement 156, nous précisons donc que, dans le cadre de tels marchés, le cahier des charges ne peut fixer une condition obligatoire de service minimum organisé, ce qui laissera toutes leurs chances aux très petites entreprises et dissipera le rideau de fumée qui risquerait d’obscurcir la vue des délégants.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement.

M. le Ministre – Le texte prévoyant que la procédure de prévention des conflits s’appliquera à toutes les entreprises, il n’y aura pas de distorsion de concurrence. Avis défavorable.

M. François Brottes – Les entreprises seront, bien sûr, tenues de respecter la loi qui risque d’être votée. Ce que nous voulons éviter, c’est que certaines prétendent pouvoir organiser un service minimum garanti – ce qui, étant donné le dispositif prévu, ne se pourra –, berçant ainsi d’illusions les collectivités concédantes que nous voulons protéger contre des promesses fallacieuses. C’est faire œuvre de salubrité publique d’éviter ce piège aux AOT.

M. le Ministre – Cette approche témoigne d’une divergence profonde entre nous ; que je tiens à souligner. Pour ma part, je considère qu’il revient à chaque entreprise de s’adapter à la nouvelle donne. Il sera donc intéressant de voir comment l’application du dispositif influera sur les relations entre elles et les AOT.

M. Hervé de Charette – Contrairement à ce que voudrait nous faire croire M. Brottes par cette présentation benoîte, l’amendement n’a rien d’anodin et je remercie M. le ministre de l’avoir souligné. D’évidence, certains veulent défendre la continuité du service, et d’autres le droit des organisations syndicales à perturber le service public des transports (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul – Les organisations syndicales ne cessent d’alerter sur les conséquences des suppressions de postes dans de nombreuses régions, mais la SNCF poursuit sa politique de réduction des coûts, entraînant ainsi la dégradation de la qualité du service public ferroviaire en région, en dépit des efforts d’investissement réalisés par les conseils régionaux. Toutes les régions sont concernées. En Midi-Pyrénées, mille emplois de cheminots ont été supprimés en cinq ans. En Languedoc-Roussillon, 156 emplois ont été supprimés en 2006 seulement, et l’hémorragie se poursuit. À Sète, à Montpellier, partout, on bataille contre les réductions d’effectifs. C’est une politique globale puisque, depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés à la SNCF. Les conséquences en sont l’allongement de l’attente aux guichets et la baisse de la sécurité des trains. J’avais demandé, lors de la précédente législature, la constitution d’une commission d’enquête sur les conséquences de l’ouverture des services publics, notamment ferroviaires, à la concurrence mais votre majorité avait fermement repoussé cette demande. Il est vrai que vous êtes partie prenante à cette politique puisque les députés européens issus de vos bancs ont approuvé les vagues successives de libéralisation dont les usagers et les régions font aujourd’hui les frais. En effet, la SNCF, pour faire face à la concurrence, ne cesse de tailler dans son budget, sans que les régions puissent pallier les carences de l’entreprise publique.

Pour cette raison, nous proposons, par cet amendement, d’installer une procédure de concertation entre la direction de la SNCF, les organisations syndicales et les AOT, de manière à ce que la décision de supprimer des postes dans toute direction régionale soit soumise à l’avis conforme des élus des syndicats siégeant au conseil d’établissement et à celui des représentants de l’AOT concernée. Il faut bien rapprocher les réductions d’effectifs décidées par la SNCF des exigences figurant au contrat qui la lie avec l’autorité organisatrice. Il faut prendre en compte les situations où, faute de moyens matériels et humains, la SNCF n’est plus en mesure de respecter le contrat qu’elle a signé avec l’AOT.

C’est en s’opposant aux suppressions de postes injustifiées que l’on mettra fin à la politique de casse du service public ferroviaire menée depuis plusieurs années. Il faut mettre la SNCF et l’État face à leurs responsabilités. C’est ainsi que l’on assurera la continuité du service dont vous parlez tant à défaut de la garantir !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’amendement correspond à une vraie préoccupation, mais nous avons reçu Mme Idrac et elle s’est félicitée du fait que les organisations syndicales aient rendu hommage à la qualité du dialogue social à la SNCF. Faisons confiance à Mme Idrac pour continuer à bien faire fonctionner le dialogue social dans l’entreprise.

M. Jacques Desallangre – Soyons sérieux ! Si l’on raisonne ainsi, le projet de loi n’a plus lieu d’être.

M. le Rapporteur – Il faut se tourner vers Mme Idrac. On voit bien – vous l’avez vous-même reconnu – que c’est grâce à la qualité du dialogue social à la SNCF que le nombre de grèves a diminué.

M. Jacques Desallangre – Dans ces conditions, il n’y a pas besoin d’une loi !

M. le Ministre – Tout cela relève de la gestion interne de l’entreprise et n’est pas directement lié à l’objet du texte. Avis défavorable.

M. Hervé de Charette – La lecture de cet amendement suffit à en montrer le caractère corporatiste : la décision de supprimer des postes devrait être soumise à l’avis conforme des organisations syndicales. Tout de même ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Nulle part on n’oserait présenter une telle disposition ! (Même mouvement)

Plusieurs députés UMP – Même Gayssot n’a pas osé !

M. Daniel Paul – Il faut être de bonne foi. Cet amendement demande la création d’une structure permettant de confronter les exigences figurant au contrat avec la réalité. Aujourd’hui, dans toutes les régions, la SNCF n’a de cesse de réduire les effectifs, ce qui met toutes les AOT en difficulté. Dans plusieurs régions, compte tenu de la priorité donnée par la SNCF aux grandes lignes, les exécutifs locaux en sont réduits à sommer l’entreprise de maintenir les TER. Nous proposons par conséquent que l’on vérifie annuellement que les termes du contrat liant la SNCF et l’AOT sont réalisables, compte tenu de la politique interne de l’entreprise ferroviaire en termes d’évolution des moyens humains et financiers. Et la réunion de concertation que nous préconisons ne concernerait pas, Monsieur de Charette, que les syndicats puisqu’elle mettrait autour de la même table la SNCF, les élus locaux et, en effet, les organisations syndicales.

Ce qui vous gêne, c’est que la situation n’en finit pas de se dégrader et que la SNCF n’est plus en mesure de garantir aux passagers qu’elle transporte qu’ils arriveront à l’heure prévue. La gêne principale ne vient pas des grèves, mais de la vétusté du réseau et de l’incapacité dans laquelle a été mise l’entreprise publique de tenir les objectifs figurant dans les contrats.

M. François Brottes – Le respect du contrat est fondamental. M. le ministre a essayé de nous faire croire qu’il était, lui, à la différence de la gauche, dans le camp de ceux qui ne bafouent pas les droits des usagers, et M. de Charette l’a aidé à défendre cette ligne… Je regrette, mais bafouer les droits de l’usager, c’est notamment le tromper, en lui faisant croire que le service sera garanti dès lors qu’on aura passé un marché stipulant qu’il n’y aurait pas de grève – ce qui revient à supprimer de fait le droit de grève. Nous refusons qu’une entreprise puisse s’engager, en répondant à un appel d’offres, à ce qu’il n’y ait jamais de grève en son sein. Une telle clause serait proprement extravagante. Respecter l’usager, c’est d’abord écarter de telles clauses des contrats liant les AOT aux entreprises de transport. Et les exigences liées aux emplois doivent être appréhendées de la même façon : si le contrat ne dit rien sur les moyens mis en œuvre, les promesses sur le maintien du service ne valent rien.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M.  Daniel Paul – La maladie la plus grave qui affecte le service public, c’est le manque d’investissements et les suppressions de postes depuis ces dernières années. J’ai déjà pris plusieurs exemples régionaux pour illustrer le manque de moyens dont pâtit le service public ferroviaire. Je renvoie sur ce point au rapport de l’école polytechnique de Lausanne, qui dresse un constat inquiétant du piètre état de certaines lignes secondaires et du besoin de rénovation de nombreux ouvrages d’art. Depuis 2002, vous avez constamment favorisé le transport routier…

M. le Président de la commission spéciale – C’est faux.

M.  Daniel Paul – …en décidant par exemple, en 2005, de doubler le dégrèvement de la taxe professionnelle pour les véhicules de plus de 7,5 tonnes. À elle seule, cette mesure a rapporté plus d’un milliard aux employeurs. Parallèlement, l’effort en faveur du service public ferroviaire est de plus en plus limité. Alors que le déficit ferroviaire pour 2005 était présenté comme stable, la contribution aux charges d’infrastructures a reculé de 85 millions, soit moins 6,4 %...

M. le Président de la commission spéciale – Raisonnement tronqué !

M.  Daniel Paul – Et il faut tenir compte de la dotation destinée à la gestion de la dette de RFF et de la suppression de crédits pour le service annexe d’amortissement. Élu d’une région portuaire, je rappelle aussi votre décision d’autoriser la circulation des poids lourds de 44 tonnes, dont 29 tonnes de charge utile : 29 tonnes sur un camion, c’est un wagon en moins pour la SNCF ! Conséquence de vos choix budgétaires, cette politique pèse lourdement sur les capacités d’investissement de la SNCF et de RFF, pour lesquelles le poids de la dette représente une charge considérable.

La SNCF est endettée à hauteur de 40 milliards et supporte des frais financiers de l’ordre de 300 millions par an. Pour RFF, les frais financiers s’élèvent à 1 300 millions. Un soutien financier de l’État, via l’annulation de la dette, est donc indispensable pour libérer les capacités d’investissement des entreprises ferroviaires. Il ne faut pas se raconter d’histoires : si l’on ne fait rien, avec des frais financiers de ce niveau, les deux entreprises ne s’en sortiront pas ! Sans doute vous cacherez-vous derrière les consignes communautaires relatives à l’encadrement des aides d’État. Mais la Commission européenne n’a-t-elle pas autorisé le sauvetage d’Alstom par l’État français ? Il convient donc d’ouvrir la négociation avec Bruxelles au sujet de la dette ferroviaire, au moment où il est question d’un Grenelle sur l’environnement qui ne peut manquer de favoriser le rail, moins émetteur de gaz à effet de serre.

Lorsqu’on prétend promouvoir la continuité du service, c’est la qualité quotidienne du service rendu qu’il faut avoir en vue. En refusant de vous attaquer au problème de la dette, vous ignorez le facteur essentiel de discontinuité du transport ferroviaire. C’est pourquoi notre amendement 3 vise à libérer la SNCF et RFF du poids du remboursement de la dette et de ses intérêts, afin de dégager les fonds nécessaires aux investissements pour le réseau et les équipements.

M. le Rapporteur – Rejet. Cette proposition trouverait mieux sa place dans la discussion annuelle du budget des transports.

M. le Ministre – Même avis.

M. le Président de la commission spéciale – Il ne faudrait pas que l’effet de répétition finisse par donner une allure de vérité aux propos de nos collègues de l’opposition. Franchement, d’autres parlementaires que ceux de vos groupes sont aussi attachés à la qualité des infrastructures, des matériels et du service public ferroviaire.

M. Alain Néri – Alors, il ne faut pas voter des budgets en baisse !

M. le Président de la commission spéciale – Nous avons parfaitement compris qu’une meilleure gestion des faits de grève n’est pas la seule solution pour améliorer le service rendu. Mais, dans la mesure où elle fait l’objet du présent texte, il est naturel que nous nous concentrions sur cette dimension du problème. Quand vous dites des choses fausses, elles méritent d’être corrigées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Et mon seul tort est d’avoir des éléments précis sous la main. Vous dites que la contribution aux charges d’infrastructures de RFF a baissé : c’est exact, mais dans la stricte mesure de l’augmentation des péages payés à l’entreprise. De ce fait, les moyens de RFF n’ont pas baissé.

J’ai dit hier – et je redis aujourd’hui – que nous avons voté, dans le budget pour 2006, une augmentation du financement de la régénération des voies, par un amendement parlementaire abondant cette ligne de 70 millions. Et nous avons fait plus au titre du budget pour 2007, en ajoutant 2  millions.

Vous dites que les infrastructures ferroviaires sont désavantagées : c’est faux ! En 2007, dans le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, légèrement supérieur à 2 milliards, la part des infrastructures nouvelles atteint 800 millions, dont 77 % consacrés au ferroviaire et au fluvial.

Enfin, le financement des investissements ferroviaires des contrats de plan et des projets d’infrastructures nouvelles pris en charge par l’AFITF est passé de 800 à 900 millions d’euros en 2007. Vous pourrez donc nous répéter vingt fois que le financement des infrastructures ferroviaires a été sacrifié : c’est faux, c’est faux, c’est faux ! Vous avez su faire passer dans l’opinion l’idée qu’il ne suffisait pas d’améliorer la continuité du service public lorsqu’il y a grève – et vous n’avez pas tout à fait tort. Mais nous améliorons la situation, et grâce aux budgets que nous avons votés, nous avons aussi amélioré le financement des infrastructures ferroviaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri – C’est faux, c’est faux, c’est faux !

M. Daniel Paul – Je vous renvoie à ce qu’a dit Mme Idrac lors de la réunion à laquelle elle a participé : dans notre pays, 1 500 kilomètres de voies – ceux-là mêmes qui avaient été signalés par l’Ecole polytechnique de Lausanne – sont dans un état qui permet à peine de rouler à 50 kilomètres à l’heure. Malgré les efforts qui sont faits pour rattraper les insuffisances de crédits, ce kilométrage est incompressible : à mesure qu’on répare des voies, c’est l’état d’autres voies qui devient critique. En réalité, le réseau ferré régional a atteint un niveau de dégradation préoccupant.

On parle aujourd’hui du budget 2008. Il paraît qu’il n’y a plus de lettres de cadrage, ni d’ailleurs de chiffres, puisque le ministre des transports nous a fait un brillant exposé, mais sans le moindre chiffre, ni le moindre engagement financier ! Heureusement qu’il y a le Grenelle de l’environnement, sans quoi il n’y aurait rien eu ! Le journal Les Échos nous apprend aujourd’hui que le nombre des priorités budgétaires, au premier rang desquelles l’enseignement supérieur et la recherche, sera limité, d’autant que les gains attendus de la révision générale des politiques publiques ne pourront intervenir qu’après 2008, tandis que du côté des recettes, le projet de loi « travail, emploi et pouvoir d’achat » ; budgété à quelque 11 milliards d’euros l’an prochain, a lui aussi asséché les marges de manœuvre. Il faut donc que le reste des dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement adopte une évolution proche de zéro en valeur, c'est-à-dire soit presque stable en euros courants. Ce n’est ni la CGT, ni les communistes qui le disent, mais Les Échos – dont je salue le personnel en lutte pour la préservation de son journal (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 4 tend à insérer après l’article premier un article ainsi rédigé : « Le Parlement réalise, avant le 1er janvier 2008, un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d’exercice du droit de grève en France dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, notamment au regard des dispositions prévues à l’article L. 521-1 du code du travail. »

Le droit de grève est une liberté fondamentale, garantie par la Constitution et protégée par les conventions 581, 583 et 587 de l'Organisation internationale du travail. Or sous couvert de défendre les droits des usagers, vous avez en ligne de mire les salariés grévistes, les syndicalistes et le droit de grève, dont l'exercice mettrait en péril le service public et dont les salariés abuseraient.

La réalité est foncièrement différente. Les conflits dans les transports sont en baisse. Les salariés n'abusent donc pas de ce droit. En revanche, le droit de grève est menacé par les stratégies d'intimidation et la répression anti-syndicale qui sévissent dans de nombreuses entreprises publiques et privées. La presse n'a pas manqué de rapporter plusieurs « incidents » – qui peuvent tout de même aller jusqu’au suicide – et des cas de harcèlement, de blocage de carrière, de licenciement ou de mise à l'écart de salariés syndicalistes.

L'exercice du droit de grève et du droit syndical est un élément essentiel à la survivance de la démocratie sociale. Sans droit de grève, il n’y a plus de droit d’expression des salariés, car les grévistes se battent pour l'amélioration de leurs conditions de travail et la défense du service public, victime des politiques libérales qui rognent ses moyens.

Puisque la majorité est « très attachée au droit de grève », je ne doute pas qu’elle votera cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ces informations figurent déjà dans nombre de rapports établis par exemple par la DARES, le CNRS ou le Centre d’études de l’emploi. Pourquoi créer de nouveaux rapports, qui sont autant de nouvelles charges ?

M. le Ministre – Même avis, d’autant que l’objet du texte est d’éviter les conflits. Et puisque c’est M. Desallangre qui a pris la parole, je n’aurai pas la cruauté de rappeler ce qui a été dit au sujet des rapports !

M. Roland Muzeau – Vous avez eu tort de ne pas venir rencontrer les organisations syndicales avec nous tout à l’heure. Elles nous ont remis un document qui donne une idée des atteintes qui pourront bientôt être portées au droit de grève. Des militants de la CGT ont distribué il y a peu aux voyageurs de la ligne de tramway T3 des tracts qui remettaient en cause les affirmations de la RATP sur la vitesse de circulation sur la ligne. Vous parlez d’une atteinte à la dignité de l’entreprise ! Et pourtant les militants qui ont distribué le tract sont tous sanctionnés ! C’est le droit d’opinion qui est réprimé !

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L’ART. 2

M. Jean-Claude Viollet – La spécificité du service public de transport de voyageurs conduit à rechercher la meilleure adéquation entre les besoins des usagers, les contraintes économiques des entreprises et des autorités organisatrices et les conditions de vie et de travail des salariés. Or les contrats passés entre les autorités organisatrices et les entreprises fixent les niveaux de rémunération de ces entreprises pour le service demandé, dont découlent directement les conditions d’organisation de la production et d’utilisation des salariés qui font l’objet des négociations d’entreprise.

Pour nourrir le dialogue social et prévenir les conflits, il serait utile d’instituer une concertation entre les autorités organisatrices, les entreprises et les organisations syndicales représentatives avant la conclusion ou la révision du contrat. Tel est l’objet de l’amendement 157. Le rapport de la commission spéciale montre en effet que la présence syndicale et le rôle joué par les délégués syndicaux sont facteur d’apaisement dans l’entreprise. Si 60 % seulement des entreprises soumises à la négociation annuelle satisfont à cette obligation, 56 % concluant un accord, ces chiffres s’élèvent respectivement à 75 % et 80 % dans les entreprises ayant un délégué syndical. Notre amendement offre donc une garantie supplémentaire de dialogue social et de prévention des conflits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le contrat de transport est soumis aux règles générales prévalant en matière de relations du travail. S’il est important qu’une concertation ait lieu aussi avec les autorités organisatrices, celle, tripartite, que vous proposez rendrait la procédure plus complexe, au risque de pénaliser finalement les usagers.

M. le Ministre – Ce qui me gêne fondamentalement dans cet amendement, outre qu’il est hors sujet, c’est que les priorités de desserte n’ont pas à être établies par l’autorité organisatrice après consultation de l’entreprise de transport, qui est son fournisseur, mais en concertation avec les usagers.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Daniel Paul – Cet article pose le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport, qui doit aboutir à la signature d'un accord-cadre avant le 1er janvier 2008. Celui-ci, en prévoyant l’organisation obligatoire d’une négociation préalablement au dépôt d’un préavis de grève, permettrait, nous dit-on, de limiter les risques de grève.

La mise en place d'une procédure de prévention des conflits par la négociation instaure deux périodes de préavis successifs ayant en réalité le même objet. Lors des auditions de la commission spéciale, vous avez vous-mêmes reconnu que l'obligation de négociation pendant la période de préavis n'était aujourd’hui pas respectée. En quoi la procédure bureaucratique que vous introduisez améliorera-t-elle la qualité du dialogue social ? Avec les nouvelles dispositions, avant de pouvoir se mettre en grève, les salariés devront attendre treize jours : huit au titre du préavis « d'intention de grève » et cinq au titre du préavis de grève, conformément sur ce point à l’article L. 521-3 du code du travail. C’est un obstacle caractérisé au droit de grève. Loin de favoriser le dialogue social, cet allongement des délais risque de créer une ambiance délétère pendant de longues périodes, sans pour autant diminuer le nombre de conflits. Il s’agit en réalité de mettre à profit ce délai plus long pour dissuader les salariés de faire grève.

En effet, les entreprises ne mettront pas pour autant la période à profit pour négocier réellement, puisque 55 % d’entre elles s'affranchissent déjà de la négociation annuelle obligatoire pourtant prévue par l’article L. 132-27 du code du travail. Preuve que les questions des salaires, des contrats et des conditions de travail ne sont pas au cœur de leurs préoccupations – alors même que ces sujets sont souvent à l'origine de la mobilisation des salariés. L’employeur est tenu d'engager une négociation annuelle sur les salaires, la durée effective du travail et l'organisation du temps de travail, les objectifs en matière d'égalité professionnelle… Cette négociation annuelle est aussi l'occasion d'examiner l'évolution de l'emploi dans l'entreprise, notamment le nombre de CDD, le nombre et le volume horaire des missions de travail temporaire, ainsi que les prévisions annuelles ou pluriannuelles d'emploi. Elle peut porter également sur la formation ou la réduction du temps de travail.

Ces négociations devraient être la norme dans toutes les entreprises de transport, surtout quand on sait les conditions de travail dans nombre d’entre elles. L'intérim y a progressé de 15 % en 2006 après 9 % les deux années précédentes ; le temps partiel y représente 33,6 % ; la sous-traitance a crû de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et de 8,5 % à la SNCF en 2006.

Quant à l'obligation de conclure des accords de prévention des conflits avant le 1er janvier 2008, elle est irréaliste compte tenu de la brièveté des délais. Les organisations syndicales auditionnées se sont même demandé si le Gouvernement et sa majorité avaient une quelconque idée de la réalité des négociations dans les branches et dans les entreprises !

Au vu de tous ces éléments, comment ne pas nourrir de sérieux doutes sur les prétendus effets bénéfiques de cette loi sur le dialogue social ? Comment ne pas voir que les enjeux sont ailleurs, dans la mise à mal du droit de grève ?

M. Alain Vidalies – Cet article important soulève plusieurs problèmes. Tout d’abord, de constitutionnalité. Le législateur s’est toujours efforcé de concilier les deux principes ; reconnus par la Constitution, du droit de grève et de la continuité des services publics. Un compromis équilibré a été trouvé, dont témoignent les dispositions spécifiques de la loi de 1963 relatives au préavis de grève dans les entreprises de transport. Les syndicats qui déposent un préavis de grève dans ces entreprises doivent respecter un délai de cinq jours. Or, voilà que souhaitez maintenant obliger à une négociation préalablement au dépôt du préavis, si bien que le délai se trouvera allongé de cinq à dix-sept ou dix-huit jours ! Le Conseil constitutionnel sera amené à se demander si l’équilibre qu’il a lui-même institué dans notre droit positif n’est pas rompu par cet allongement inconsidéré des délais et si celui-ci ne porte pas atteinte à l’exercice du droit de grève, garanti par la Constitution. Nous considérons, pour notre part, qu’il y a là un profond déséquilibre et que deux principes constitutionnels d’égale valeur ne sont plus respectés de même façon. Tel est votre choix, exprimé d’ailleurs parfois de manière bien imprudente, comme quand le porte-parole du Gouvernement a déclaré hier que des sanctions financières pourraient être appliquées aux grévistes – ce qui l’a contraint à un rectificatif dès l’après-midi ! En réalité, comme le résume fort bien un journaliste dans une tribune de Libération de ce jour, ce texte ne vise nullement à défendre un service minimum mais à dissuader les salariés de faire grève (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. François Brottes – Nous avons tout à l’heure rencontré assez longuement les organisations syndicales, unanimes dans leur lutte contre cette atteinte à l’exercice du droit de grève mais aussi du droit syndical. À l’occasion de cette rencontre, j’ai d’ailleurs pu constater que le président Mariton, contrairement à ce qu’il a affirmé, ne les avait pas rencontrées avant le début de cette séance (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Tous les délégués regrettaient de ne pas vous avoir vu, Monsieur Mariton…

M. le Président de la commission spéciale – J’ai rencontré la base !

M. François Brottes – …considérant que vous aviez sans doute plus d’influence sur la majorité de cet hémicycle que nous-mêmes !

Tous déplorent que ce texte porte atteinte non seulement au droit de grève mais aussi au droit syndical. Vous faites fausse route. Dès lors que le dialogue social n’aura plus de raison d’être, la loi ou le décret se substituant à la négociation entre partenaires sociaux, dès lors que le délai est considérablement allongé avant qu’une grève ne puisse être déclenchée, il n’y a plus aucune raison que les représentants syndicaux organisent la mobilisation et la négociation. Or, il est important pour les directions d’entreprise d’avoir des interlocuteurs organisés et responsables. Dès l’instant où vous ôtez à ces derniers toute capacité à exister, vous prenez le risque de mouvements spontanés, de grèves sauvages, de situations inextricables mais aussi d’ambiance délétère entre collègues. En vérité, vous êtes des pompiers pyromanes. Au prétexte de garantir les droits des usagers, vous allez créer un climat détestable dans toutes nos entreprises de transport, où vous niez le rôle de la représentation syndicale. C’est pourquoi au-delà de l’atteinte qu’il porte au droit de grève, ce texte pèsera lourdement sur la qualité des rapports sociaux dans notre pays. Cet article 2 est décidément l’un des plus liberticides de votre texte, puisqu’à terme, il privera les usagers de la liberté de bénéficier d’un service public de transport de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Maxime Bono – Cet article témoigne de votre volonté, non pas de promouvoir le dialogue social, mais de rendre plus difficile l’exercice du droit de grève. Tout d’abord, on ne peut laisser un délai aussi court aux partenaires sociaux pour s’accorder : la date butoir du 1er janvier 2008 bloquera la négociation plus qu’elle n’aidera à la développer. De même, les dispositions imposées aux salariés répondent davantage à la volonté de leur rendre plus difficile l’exercice du droit de grève qu’à celle d’encourager le dialogue social et d’éviter les conflits.

M. Marc Dolez – Sous couvert de dialogue social, cet article vise à faire obstacle à l’exercice du droit de grève. On instaure en effet deux périodes de préavis successifs – la deuxième étant le délai de cinq jours avant le déclenchement de la grève, prévu à l’article L. 521-3 du code du travail. Il serait plus opportun de veiller à l’application de la loi du 19 octobre 1982, selon laquelle, pendant la durée du préavis, les parties sont tenues de négocier.

J’aimerais par ailleurs que vous nous confirmiez, Monsieur le ministre, que cette procédure restrictive s’applique seulement si les motifs sont liés au fonctionnement de l’entreprise, et ne concerne pas les cas de grève interprofessionnelle – car, vous en conviendrez, cela n’aurait pas beaucoup de sens.

M. le Ministre – Qui va le dire ?

M. Marc Dolez – L’idée sous-jacente de cet article est que les salariés abusent du droit de grève, ce qui ne correspond évidemment pas à la réalité. Dans plus de la moitié des cas, l’obligation instaurée par la loi de 1982 n’est pas respectée, et presque toujours c’est parce que l’employeur décide d’aller à l’épreuve de force.

Enfin, comme l’ont dit mes collègues, la date butoir du 1er janvier 2008, beaucoup trop rapprochée, exprime votre volonté de procéder par décret.

M. Jean-Claude Viollet – Un mot sur l’amendement 157 : j’ai été un peu surpris de la réponse du rapporteur car le but doit être de prévenir le conflit social. Mais j’en viens à cet article 2.

Ce texte a vocation à s'appliquer indistinctement dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, jusqu’aux entreprises artisanales de transport scolaire. En l'absence d'une présence syndicale dans bon nombre d’entre elles, il ne manquera pas de déboucher sur de fortes inégalités, préjudiciables aux salariés concernés, ainsi qu’aux usagers et aux autorités organisatrices.

En outre – nous y reviendrons à l'article 5 –, les petites entreprises, faute de pouvoir mettre en place l'accord collectif de prévisibilité du service, pourraient être pénalisées dans leur accès aux marchés publics et ainsi menacées dans leur existence même.

Pour remédier à cette difficulté, et comme cela a déjà été fait, sous des majorités différentes, en 1998 puis en 2005, il faudrait qu’en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel, l’accord puisse être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale représentative au plan national, départemental dans le cas de l’outre-mer. De même, comme dans l'accord conclu à la RATP en 1996, complété en 2001 puis en 2006, il faudrait inciter d’abord à conclure un accord sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise. En effet, la présence syndicale est seule de nature à assurer un dialogue social efficace, parce que construit dans le temps.

Enfin, il me semble important de s'assurer que l'accord d'entreprise soit en cohérence avec l'accord de branche et les accords interprofessionnels applicables, ainsi qu’avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur – dans le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, qui structurait notre droit du travail jusqu'à ce que vous lui portiez les premiers coups en 2004 avec la loi sur la formation professionnelle.

Si vous ne rétablissez pas les équilibres nécessaires à l'avènement d'une véritable démocratie sociale dans l'entreprise, il vous faut renoncer à votre projet, qui en l’état est provocateur et donc inopérant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean Mallot – Armons-nous de patience, nous entrons dans l’usine à gaz, dont les tuyaux sont longs et enchevêtrés ! Il faut en outre les raccorder au droit existant ; or la deuxième phrase du I reprend la substance de l’article L. 121-3… Une disposition inutile, donc.

La date butoir du 1er janvier 2008 étant intenable, il est clair que le Gouvernement veut faire usage du décret. Vous ne nous ferez jamais croire, Monsieur le ministre, que vous n’avez pas commencé à le rédiger ; nous en avons demandé le projet à plusieurs reprises en commission spéciale, mais nous n’en connaissons toujours rien ! Or, comme l’a brillamment rappelé M. Vidalies hier, le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, et selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, cette réglementation par la loi ne se délègue pas au pouvoir exécutif. Vous faites en sorte que le droit de grève soit limité par le décret : le Conseil constitutionnel jugera, mais pour l’heure nous attendons vos explications.

M. Alain Néri – Rassurez-vous, Monsieur le ministre, nous sommes pour le développement du dialogue social ! Mais dans des conditions qui respectent la dignité et les droits des salariés.

M. le Ministre – Nous aussi !

M. Alain Néri – Alors pourquoi cette menace du père fouettard Bertrand (Protestations sur les bancs du groupe UMP) d’utiliser un décret, dont vous n’êtes même pas en mesure de nous fournir la première mouture ? Le chantage au décret, c’est tout le contraire d’un véritable dialogue social ! Et ce dialogue est d’ores et déjà expressément prévu par la loi, pendant le préavis de cinq jours. Or, nous constatons quotidiennement que ce préavis de cinq jours n’est presque jamais mis à profit pour engager de véritables négociations. Vous prétendez vouloir instaurer une période au cours de laquelle organisations syndicales et salariés pourraient expliquer pourquoi ils envisagent de faire grève. Mais, dans toute entreprise, le dialogue a cours, au moins dans une certaine mesure, de telle sorte que tout patron qui s’intéresse à son entreprise perçoit les prémices d’un malaise social qui appelle une discussion, fût-elle informelle, permettant d’éviter un conflit – à supposer qu’il le désire.

Si toute grève gêne les usagers, les salariés n’y participent jamais de gaieté de cœur, car ils en sont, avec leurs familles, les premières victimes. En effet, contrairement à ce que vous affirmez, les journées de grève ne leur sont pas payées, ce qui met parfois en péril l’équilibre de familles dont les ressources sont souvent modestes. Cela devrait vous toucher, vous qui ne parlez que de charité et de compassion, alors que ce n’est ni pour la charité ni pour la compassion que les ouvriers se battent, mais bien pour la justice en matière de conditions de travail et de salaires !

Nous vous demandons donc de retirer la disposition relative au préavis supplémentaire qui porte le délai obligatoire à 16 jours, ce qui est beaucoup trop long : lorsque l’on veut véritablement négocier, l’on peut et l’on doit résoudre un conflit en 5 jours.

J’ai été témoin de plusieurs grèves à Clermont-Ferrand, dans le quartier de Montferrand, où se trouvent les usines Michelin, et, notamment, lorsque je fréquentais l’école primaire, des grandes grèves de 1949, qui ont duré des mois parce que le patron ne voulait rien entendre : les élèves devaient apporter un sou à l’école pour que la soupe populaire puisse être servie aux ouvriers sur la place voisine ! Lorsque l’on a vécu cela, mes chers collègues, l’on ne se permet pas d’insulter les salariés en prétendant qu’ils font grève pour le plaisir, alors que la grève constitue l’ultime recours pour faire valoir leurs revendications (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme Annick Lepetit – L’inquiétude de la délégation syndicale que j’ai reçue avec d’autres députés, comme l’a indiqué notre collègue François Brottes, était palpable. En effet, les syndicats ne croient pas à cette loi, qu’ils ne comprennent pas : pourquoi, face aux dysfonctionnements des transports, qui empêchent – ainsi qu’ils le constatent eux-mêmes – de respecter le contrat passé avec les usagers, ne pas avoir proposé une loi portant sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les conditions de transport des voyageurs ? En outre, les organisations syndicales savent que cette loi n’est qu’un début, et que d’autres viendront entamer petit à petit le droit de grève, même si M. le ministre et M. le rapporteur assurent que la loi n’y portera pas atteinte.

Au-delà de ce droit, qui est essentiel, les syndicats insistent sur le dialogue social, qui a connu d’indéniables progrès au cours des dix dernières années : à cet égard, la loi est en quelque sorte en retard, comme si le Gouvernement et la majorité – ainsi, peut-être, que le Président de la République – ne la défendaient que parce qu’ils regrettent qu’elle n’ait pas été faite il y a dix ou quinze ans.

Les organisations syndicales nous ont également fait part de leur crainte de voir apparaître des grèves sauvages qu’elles ne pourraient maîtriser, alors qu’elles ont pour fonction de rassembler les salariés afin d’améliorer les transports et de respecter le contrat conclu avec les usagers.

Entendez leur inquiétude, afin d’assumer vos responsabilités au cours des mois et des années à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Roland Muzeau – Après l'intervention de notre collègue Daniel Paul, et en raison des doutes qui persistent sur les réelles motivations du Gouvernement en matière de dialogue social et de prévention des conflits – sujets servant d'alibi pour encadrer davantage le droit de grève, en en assimilant l’exercice à une forme de terrorisme –, vous ne serez pas surpris que nous proposions, par l’amendement 55, la suppression de l'article 2.

Nous sommes attachés, autant que vous, voire davantage, à un dialogue social permanent, effectif et constructif, « à froid », afin de garantir la paix sociale, mais aussi « à chaud », afin de mettre fin aux conflits au plus vite et dans les meilleurs conditions possibles. En revanche, nous sommes en désaccord s’agissant des moyens de mettre en œuvre ce dialogue. De fait, l’on est en droit de vous reprocher de ne pas avoir cherché à créer les conditions d'un dialogue apaisé entre les salariés, leurs organisations syndicales et les employeurs, en particulier dans le secteur des transports. De nombreuses personnalités auditionnées estiment que ce projet de loi constitue une source potentielle de conflits supplémentaires et une incitation à négocier de mauvaise foi.

Ainsi, vous imposez autoritairement une négociation préalable entre certains partenaires sociaux avant le dépôt de tout préavis de grève. Certes, vous renvoyez aux accords-cadres d'entreprise et, le cas échéant, aux accords de branche le soin de définir les modalités de cette nouvelle phase. Mais l’échéance fixée pour satisfaire à cette obligation de résultat est si irréaliste que vous vous réservez le droit d'intervenir par décret pour fixer l'ensemble des règles de déroulement de la négociation préalable. En outre, vous généralisez certaines pratiques d'alarme sociale, ainsi que la mise en œuvre d'un service minimum, sans tenir compte de la spécificité de l’activité de certaines entreprises – je songe en particulier au transport scolaire –, de leur taille et de leur culture.

Au delà des problèmes techniques qui résulteront assurément de ces choix, deux aspects rendent « le préavis préalable au préavis » particulièrement discutable. En premier lieu, les délais ajoutés à ceux qui existaient déjà n'offrent aucune garantie supplémentaire aux salariés, ni du reste à l'employeur, quant à la loyauté et à l'efficacité de la négociation préalable, faute d’exigences portant sur le contenu de cette obligation de négocier et sur sa qualité. Pourquoi ne pas avoir ainsi pris en considération les dispositions en vigueur dans le code, en particulier l’obligation faite aux parties de négocier durant le préavis de droit commun de 5 jours ? Rien n'est prévu, par exemple, pour éviter l'enlisement des conflits attribuable, bien souvent, à la partie patronale, qui attend de jauger les forces en présence avant de proposer la discussion. Lorsque deux jours de négociation manifestent des désaccords si profonds qu’il est inutile de poursuivre, pourquoi attendre pour permettre le dépôt d'un préavis, sinon afin de gagner du temps et de dissuader le plus grand nombre possible de salariés de faire grève ?

En second lieu, imposer une phase dite de négociation préalable revient à soumettre la légalité du droit de grève à une condition supplémentaire, c’est-à-dire à en restreindre les conditions d'exercice, et à modifier la fonction du préavis, qui servira désormais à neutraliser les effets d’une grève éventuelle plutôt qu’à négocier réellement afin de l'éviter.

M. Alain Vidalies – L’amendement 104 est lui aussi un amendement de suppression. Lors de la discussion générale, le Gouvernement et la majorité ont opposé l’exception française à la législation des autres pays d’Europe et à la paix sociale qu’elle leur garantit. À les entendre, on eût cru que nous vivions dans une région où une horde contestataire sévit en permanence et que le dialogue social s’arrêtait à nos frontières. Ces descriptions, qui relèvent de la politique racontée aux enfants, sont bien fidèles à l’esprit de l’époque.

Permettez-moi de vous faire part, en réponse, de trois dépêches récentes de l’AFP. L’histoire commence le 5 juillet 2007 : « depuis le lundi 2 juillet, la Deutsche Bahn, société allemande de chemins de fer, est touchée par un important mouvement social qui offre, en pleine période estivale, des images d’usagers en colère, de quais de gare bondés et d’embouteillages sur les routes ». Le 11 juillet, « le trafic ferroviaire est quasiment paralysé en Allemagne à la suite du mot d’ordre de grève isolé du syndicat des conducteurs de train, qui réclame une hausse des salaires de 31 % ». Le 25 juillet, quelques jours avant que nous ne commencions à débattre, « les vacanciers allemands risquent de rester sur le quai des gares au moment des grandes migrations estivales, le syndicat brandissant la menace d’une grève début août après un nouvel échec des négociations ». Voilà la réalité ! La grève est normale lors de conflits auxquels l’on ne parvient pas à trouver une solution. Mais pourquoi vouloir copier un modèle allemand dont ce mouvement social montre qu’il ne permet pas un fonctionnement différent du nôtre ? En réalité, le dialogue social ne repose pas sur l’encadrement politique, mais sur la confiance accordée aux partenaires sociaux. Votre démarche eût été plus compréhensible si le taux de conflictualité avait connu une hausse, mais, puisqu’il est au contraire en diminution, pourquoi désorganiser ainsi ce qui fonctionne bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’article 2 prévoit des négociations ayant pour objet d’organiser la prévention des conflits, qui doivent être engagées à la fois au niveau de l’entreprise et à celui de la branche. Il cherche à renforcer le dialogue social dans les entreprises de transport en généralisant les expériences positives qui ont été mises en œuvre à la RATP ou à la SNCF. La loi se fait donc le moteur de la négociation collective, et son intervention est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’organiser la phase préalable au préavis de grève. Cet article n’est pas, loin s’en faut, contraire aux règles de la bonne négociation : au contraire, il encourage la négociation et se fonde sur elle. Par ailleurs, le décret en Conseil d’État n’empêchera en rien la conclusion, même postérieure, d’accords collectifs – et il sera aussi précisé, à la demande du groupe socialiste, que le décret n’intervient que « le cas échéant » : ce sera l’objet de mon amendement 21.

Je vous écoute bien sagement depuis tout à l’heure, mais j’en ai assez d’entendre dire que vous êtes les seuls à savoir ce qu’est la grève. Nous ne sommes pas tous des nantis, dans cet hémicycle ! Nous avons connu des difficultés, nous avons eu des pères ou des mères au chômage, nous avons eu du mal à trouver du travail. Comment pouvez-vous dire que nous sommes contre les syndicats ? Nous travaillons avec eux, c’est cela qu’on appelle la concertation ! Alors je vous en prie, arrêtez de nous donner des leçons (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – Tout est dit. En revanche, j’ai bien peur de ne pas avoir très bien compris l’argumentation de M. Vidalies, qui a cité l’Allemagne en exemple. En Allemagne, le personnel qui a le statut de fonctionnaire n’a pas le droit de grève. Est-ce ce que vous souhaitez ? Il n’y a qu’au moment des conventions collectives que le droit de grève existe. Ce n’est pas ce que nous prônons, pour notre part… En tout état de cause, si l’on veut encourager le dialogue social, il faut voter l’article 2 et le Gouvernement s’oppose donc à ces deux amendements.

M. Hervé de Charette – On entend parler d’usine à gaz ou de dispositions antisyndicales… La simple lecture de l’article 2 fait au contraire apparaître un dispositif très simple : des accords-cadres qui prévoient une procédure de négociation préalable au préavis de grève, et un décret qui pallie l’absence d’accord-cadre. Je ne vois pas la difficulté. Ce qui est plus extraordinaire, c’est qu’alors qu’on nous demande de supprimer entièrement l’article 2, l’amendement suivant prévoit un dispositif quasi identique, où l’on retrouve notamment les termes de négociation préalable et d’obligation de négociation… Finalement, ce dispositif n’est pas si mauvais, que vous le repreniez ! Cela montre bien que le débat qui a lieu depuis maintenant trois quarts d’heure n’a pas d’autre raison d’être qu’une opposition de principe. Ce dispositif est raisonnable, réaliste et fera avancer la vie collective (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies – M. le ministre fait semblant de ne pas comprendre, mais je n’ai pas cité l’Allemagne en référence. J’ai fait observer qu’au moment où vous voulez modifier la loi en urgence, il y a un pays d’Europe où les gens sont partis en vacances à l’heure, dans des trains supplémentaires, avec des agents du service public et des entreprises privées qui ont rempli leurs missions de manière remarquable. Ce pays, c’est la France, avec sa législation actuelle. Et alors que vous dites qu’ailleurs, cela se passe mieux, un autre pays avec un autre système, est arrivé à un blocage total (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Roland Muzeau – Le rapporteur a oublié de donner quelques éléments de réponse. Par exemple, le fait que vous soyez dans la logique de la loi Fillon de 2004, qui a bouleversé la hiérarchie des normes et qui fait que ce que vous appelez un accord-cadre, et qui est un accord d’entreprise, peut déroger aux accords de branche même s’il est moins favorable. Avec les mêmes mots mais pas dans le même ordre, on aboutit à des résultats très différents… Tant que nous ne reviendrons pas sur cette loi de 2004, tant que ce ne seront pas les accords les plus favorables qui s’appliqueront à la place des moins favorables, le tout fondé sur le socle du code du travail, nous pourrons toujours employer le mot « négociation » cinq fois dans la même phrase, cela ne garantira rien du tout ! Avec votre texte, lorsqu’un accord de branche plus favorable que les accords-cadres sera adopté, ce sont ces derniers qui s’appliqueront.

Les amendements 55 et 104, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 h 30.

La séance est levée à19 h 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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