Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques de la session > Compte rendu analytique de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 19 septembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
3ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à neuf heures trente.

MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

ARTICLE PREMIER (SUITE)

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 158 tend à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 2 de l’article premier, car l’introduction d’un délai supplémentaire à la procédure de regroupement familial porte une nouvelle atteinte au droit de mener une vie familiale normale, sans contribuer nullement à l’objectif d’intégration.

La procédure actuelle est déjà très longue. Le demandeur doit d’abord justifier d’une durée de séjour régulier d’au moins dix-huit mois. Une fois sa demande déposée, court ensuite un délai de six mois pour la décision du préfet, délai qui, en réalité, n’est guère tenu, en raison de la complexité de la procédure et des nombreuses transmissions du dossier, auprès du maire, de l’ANAEM, de la DDASS... Enfin, une fois l’autorisation délivrée, les démarches consulaires pour la délivrance de visas créent à nouveau des atermoiements exorbitants. Ainsi, il n’est pas rare que ces personnes attendent plusieurs années avant de pouvoir rejoindre leur famille.

L’évaluation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République et la formation prévue par l’article, auxquelles est subordonné l’octroi du regroupement familial, constitueront une étape supplémentaire avant la décision finale, laquelle ajoutera, au mieux, deux mois à la procédure, et en réalité bien davantage.

Ces dispositions de l’alinéa 2 sont anticonstitutionnelles, car elles ne satisfont pas l’exigence démocratique de conciliation équilibrée entre les intérêts individuels et l’intérêt général.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois – L’amendement est injustifié, et sa défense méconnaît la réalité : le respect du délai de six mois pour l’autorisation préfectorale est une obligation constitutionnelle, depuis une décision d’août 1993. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Lecoq – Cette obligation n’est pas respectée.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement  Je partage l’avis de la commission. Un délai maximal a une vocation protectrice ; il s’agit que le candidat à l’immigration n’attende pas indéfiniment.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 132 fixe un délai d’un mois pour la réalisation de l’évaluation, afin que la procédure ne s’étende pas outre mesure.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’amendement 167 donnera partiellement satisfaction à notre collègue.

M. le Ministre – Je demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons.

L'amendement 132 est retiré.

M. Bernard Lesterlin – Nous sommes contraints de présenter des amendements de repli, comme l’amendement 165, puisque les amendements de suppression de l’article ont été rejetés. Nous attendons pourtant du ministre une réponse sur le fond, et non, comme il s’est contenté de le faire jusqu’à présent, des interventions sur des propositions ponctuelles.

Nos services diplomatiques et consulaires sont dans l’incapacité totale d’appliquer les dispositions de cet article. Leurs personnels sont dépourvus de la formation nécessaire pour procéder au test ou organiser des formations, et ni le réseau de l’Alliance française, ni l’ANAEM, ni les centres culturels français, n’ont les moyens de le faire, à moins que le ministre n’annonce qu’il va décupler ces moyens. Les services consulaires n’arrivent déjà pas à faire face aux seules tâches administratives relatives aux demandes de visas ! Vous semblez méconnaître ces scènes, notamment en Afrique, où des candidats à l’émigration sont obligés de camper le soir sur les trottoirs devant nos consulats pour éviter de s’entendre dire, en fin de matinée, d’avoir à revenir le lendemain. Sauf à réactiver les missions des Pères maristes, je ne vois pas comment le ministre pourrait voir son action couronnée de succès ! Et même, Monsieur le ministre, si vous deviez y consacrer la totalité des moyens de votre ministère, vous en sortiriez-vous ?

J’ai passé trois ans de ma vie de fonctionnaire à apporter l’aide de la France à ces pays, comme le Bénin, type même de pays qui n’est guère source d’émigration. Ne pensez-vous pas que ce serait plutôt en renforçant les moyens de nos universités, pour rendre à la France sa vocation de formation des élites du Tiers monde, que vous rempliriez la mission que vous vous assignez ? Nous avons laissé le vide s’installer ; les universités américaines ont bien compris le bénéfice qu’elles pouvaient tirer d’une telle situation, et elles ne se contentent pas d’une formation à l’anglais de deux mois !

Le message que vous envoyez aux candidats à l’immigration est clair : « Ne comptez pas faire venir en France femme et enfants, car ce sera de plus en plus difficile ». L’autre message que vous êtes chargé d’envoyer, en cette session extraordinaire ouverte opportunément à six mois des élections municipales, est destiné, non aux immigrants, mais à un électorat populaire, à qui vous dites : « Rassurez-vous ; nous allons vous débarrasser de ces femmes en boubou, de ces gamins mal élevés qui traînent dans vos quartiers ». Car vous êtes resté un ministre des affaires intérieures, chargé de nettoyer le paysage des éléments qui y font tâche !

M. le Rapporteur – L’objet de l’amendement 165 est plus limité que le discours qui le présente, puisqu’il s’agit de porter à quinze jours la formation pour laquelle le projet de loi prévoit deux mois. Quinze jours, c’est un peu court pour apprendre les rudiments d’une langue. Avis défavorable.

M. le Ministre – Une formation qui s’échelonne de 80 à 180 heures, comme nous le proposons, n’est pas réalisable en quinze jours. Soit on fait les choses bien, soit on ne les fait pas ; la différence entre vous et nous, c’est que nous voulons faire les choses bien ! Vous avez eu raison de dire que nous nous préoccupons des catégories populaires ; peut-être ont-elles été abandonnées, et peut-être que cela explique le résultat des élections présidentielles (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – J’aimerais que le Gouvernement nous explique comment il va justifier auprès des 50 000 citoyens français qui épousent chaque année des conjoints étrangers, dont certains ne parlent pas notre langue, le fait de créer sur le chemin de leur amour un obstacle linguistique qui n’existe pas dans leur intimité.

Des témoignages, de tous les bancs, ont expliqué que, par tradition, la France accueillait souvent des étrangers ne maîtrisant pas la langue française et qui ne s’en sortiraient certainement pas à un examen.

Notre pays s’internationalise : 50 000 mariages mixtes y sont célébrés chaque année. Je pense en particulier à un premier adjoint au maire de ma circonscription, marié à une Camerounaise - entrée illégalement sur le territoire - parlant le français et parfaitement intégrée : il ne comprend pas que son épouse doive retourner dans son pays afin d’y obtenir un visa longue durée. C’est le genre d’humiliation que doivent subir nos compatriotes, objets de soupçons !

Des dispositifs existent pour prévenir les mariages blancs et vous avez prétendu, par vos lois presque annuelles sur l’immigration, éradiquer ce phénomène. Pourtant, vous usez une nouvelle fois de cet argument pour justifier ces mesures. Il vous faut, Monsieur le ministre, vous expliquer sur ces choix politiques, qui constituent, je le répète, une source d’humiliations pour nos concitoyens mariés à des étrangers.

M. François Goulard – Nos collègues socialistes ont, semble-t-il, mis en cause l’université française, et je ne peux le supporter. Je rappelle que 15 % des étudiants en France sont étrangers et que c’est l’honneur de notre pays que d’offrir, grâce à des droits d’inscription peu élevés, des études de grande qualité à des étudiants issus des pays les plus pauvres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 19 dit que l’organisme formateur évalue le niveau atteint par l’étranger à l’issue de sa formation, ce qui permettra de répondre aux besoins linguistiques de la personne après son arrivée en France, dans le cadre du volume horaire – pouvant atteindre 400 heures – proposé par le contrat d’accueil et d’intégration. Il est important de préciser que le résultat de cette évaluation n’est pas une condition pour obtenir le visa.

M. le Ministre – Cette initiative de la commission des lois, intéressante et utile, mérite d’être soutenue par le Gouvernement. Avis favorable.

Mme George Pau-Langevin – Petit à petit, le vrai visage de ce texte apparaît. Cette disposition est présentée hypocritement comme bénéficiant à l’étranger. Mais pourquoi évaluer le niveau de français d’une personne qui parvient à communiquer dans l’intimité avec son conjoint ? Je connais un Danois vivant à Bourges avec une jeune femme française, sa belle-famille communique avec lui en anglais et tout se passe très bien ! Cette intrusion dans la vie privée est insupportable !

Par ailleurs, nous n’avons pas dit, Monsieur Goulard, que l’université française pêchait dans l’enseignement du français ! Bien au contraire, nous trouvons absurde qu’il faille apprendre le français à l’étranger avant de le pratiquer en France. Cela est d’autant plus néfaste pour les femmes étrangères qui ne seront pas en mesure de quitter leur famille - dont elles ont la charge - pour aller apprendre le français pendant deux mois à la capitale !

Par ce dispositif, vous vous opposez clairement à ce que ces femmes puissent un jour rejoindre leur conjoint. Avec cet amendement, en apparence aimable, vous aggravez la situation des femmes étrangères.

M. le Rapporteur – Et les hommes ? Pourquoi toujours parler des femmes ?

Mme George Pau-Langevin – Vous savez bien que c’est pour elles que ce sera le plus difficile !

M. Christophe Caresche – Cet amendement n’a aucune portée normative.

M. Manuel Valls – C’est le cas des trois quarts du texte !

M. Christophe Caresche – Si l’UMP veut mettre un terme aux lois bavardes en les simplifiant, que M. Mariani fasse un premier geste en le retirant !

Vous ne semblez pas mesurer les conséquences qu’aura ce projet sur la vie des étrangers et des Français. Certaines situations deviendront ingérables et ce partout en France, y compris dans le XVIe arrondissement et dans les Hauts-de-Seine ! Quel sort réserverez-vous à un expatrié, travaillant pour une entreprise étrangère, qui ne pourra faire venir son conjoint en France que si celui-ci se soumet à un test de langue ? Cela donnera une image déplorable de la France, qui pourtant, se targue de faire venir les capitaux étrangers ! Par ailleurs, nos concitoyens français auront les pires difficultés pour faire venir leur époux étranger en France.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – Ce projet tend clairement à interdire l’accès au territoire national, en décourageant les candidats à l’immigration. Ceci est d’ailleurs dans la droite ligne des textes examinés pendant la précédente session extraordinaire, comme la loi sur le service minimum qui n’a d’autre but que de dissuader les personnes de faire grève.

D’autre part, cet article revêt un caractère anticonstitutionnel. Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a considéré que : « Les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale » et que « ce droit comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique, lesquelles revêtent le caractère d'objectifs à valeur constitutionnelle ». Par ailleurs, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme consacre, dans son article 8, le droit au respect de sa vie privée et familiale pour toute personne résidant dans un État partie.

C’est la raison pour laquelle l’amendement 159 propose de supprimer l’avant-dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 162 est identique. Il est en effet impossible d’ajouter une restriction à un droit garanti par la Constitution et par les textes internationaux. Nous vous demandons donc de renoncer à cette disposition qui condamnera à la solitude un grand nombre de Français, lesquels ont pourtant le droit à un foyer et à une vie familiale normale. Vous créerez des situations inextricables et contribuerez ainsi à renforcer l’immigration irrégulière.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. C’est une question de fond : nous voulons cette formation.

Cela dit, je demande, par avance, la réserve des articles 2 et 3, jusqu’après l’article 4, qui concerne également les conjoints.

M. le Ministre – Même avis. Je tiens à préciser que cette formation ne sera pas suivie d’une décision couperet.

Par ailleurs, M. Mamère a évoqué une diminution du nombre de postes consulaires. J’ai vérifié, puisque je ne suis pas au Quai d’Orsay…

M. Jean-Pierre Brard – Mais vous en rêvez !

M. le Ministre – D’autres portefeuilles, peut-être, mais pas de celui-là (Sourires) ! Un seul poste consulaire a été supprimé, il s’agit de celui du Rwanda, au printemps 2006.

M. Arnaud Montebourg – Le groupe socialiste ne fait que poser des questions à ce ministère dont je n’ose rappeler l’intitulé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Mais qui rappelle l’Allemagne de 1933 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg – Il nous semble que le durcissement du regroupement familial aura un impact direct sur le cas des Français qui épousent des citoyens d’une autre nationalité, quelle qu’elle soit, et aboutira à des brimades et humiliations. Nous voudrions connaître votre position sur ce sujet.

M. le Rapporteur – Il s’agit de l’article 4 !

M. Arnaud Montebourg – Ne passez pas votre temps à différer vos réponses ! Monsieur le ministre, que répondez-vous à ces citoyens, les premiers visés par cette loi tatillonne et bureaucratique qui s’ajoutera aux très nombreuses mesures de durcissement que vous avez déjà fait voter à la représentation nationale, sans d’ailleurs vous soucier de publier ensuite les décrets qui doivent suivre ?

M. Jean-Marc Roubaud – L’opposition biaise le débat en jouant à ne rien comprendre, mais il est vrai qu’ils n’ont jamais compris grand-chose ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Personne ici ne conteste le droit de mener une vie familiale normale. Nous cherchons seulement à en préciser les conditions. Est-il indécent d’exiger que les gens qui veulent vivre une vie familiale normale aient un logement, un emploi et parlent français ?

M. le Rapporteur – Si M. Montebourg est si pressé d’avoir une réponse, il suffit de ne pas retarder la discussion de l’article 4, qui traite des mariages. Nous n’allons pas réorganiser la discussion en fonction de ses disponibilités !

M. Jean-Pierre Brard – L’interprétation que vous nous proposez n’est pas conforme à la tradition républicaine, qui plonge ses racines dans la révolution et les grands combats de notre peuple.

En tant qu’instituteur, je suis attaché au sens des mots, et il me semble donc utile d’évaluer votre maîtrise du français et votre connaissance des valeurs républicaines. Parce qu’imaginez qu’un de nos fonctionnaires du corps diplomatique donne à lire à un postulant l’article 5 de notre Constitution, relatif aux prérogatives du Président de la République : comment voulez-vous qu’il l’interprète, connaissant les actes et les propos de notre propre président ? Vous lui refuserez son examen de passage, alors que notre Président de la République viole chaque jour notre loi fondamentale ! Il serait bien préférable d’en revenir à un certain respect de notre Constitution – c’est tout de même un paradoxe que ce soit nous qui soyons obligés de la défendre ! Mais il est un fait que vous reniez, que vous piétinez chaque jour l’héritage du général de Gaulle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). On ne peut qu’imaginer ce qui se serait passé si certains d’entre vous avaient été députés en 1940… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - C’est une honte ! Un scandale !

M. Bernard Carayon – Et vous, en 1939 ? De toute façon, vous avez toujours trahi la République, c’est dans votre culture politique !

M. le Ministre – Il me semblerait bénéfique, pour la sérénité des débats, d’éviter ce genre de propos. Il est des références qui gênent certains plus que d’autres et je vous suggère, Monsieur Brard, de ne pas évoquer au nom de votre famille politique certaine période de notre histoire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Carayon – Une histoire criminelle !

M. le Ministre – M. Montebourg a évoqué des décrets d’application qui n’auraient pas été publiés.

M. Arnaud Montebourg – Il en manque un tiers !

M. le Ministre - Vous vous trompez. Tous les décrets ont été publiés sauf un, qui est encore en cours d’examen au Conseil d’État et est relatif aux stagiaires étrangers. Cette affirmation est donc fausse.

Sur le fond, et si vous souhaitez vraiment anticiper le débat sur l’article 4, laissez-moi d’abord vous rappeler que ces sujets ont déjà été longuement évoqués hier soir. C’est sans doute à cause des importantes réunions qui avaient lieu dans votre famille politique que vous n’avez pas pu participer au débat, même si votre grand talent vous a sans doute permis de le suivre en même temps à la télévision.

M. Arnaud Montebourg – Où vous vous montrez vous-même éclatant !

M. le Ministre – Sur le fond donc, au nom de quoi voudriez-vous priver les conjoints de Français de la possibilité de commencer leur parcours d’intégration dans leur pays d’origine ? Seraient-ils des étrangers de seconde zone ? Je suis sûr que ce n’est pas votre intention, mais c’est ce qui ressort directement de votre raisonnement. Ces étrangers seraient ainsi privés d’un droit ouvert aux autres candidats au regroupement familial… Par ailleurs, il faut remettre un peu d’ordre dans vos idées. Vous nous reprochez d’être hostiles à l’immigration d’Afrique sub-saharienne, mais en même temps, vous voudriez exonérer l’immigration danoise ou des États-Unis de toute obligation de connaître le français ! Pour nous, tous les étrangers doivent être égaux devant la loi. C’est une différence entre nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Étienne Pinte – La question de l’évaluation des connaissances des valeurs de la République pose des problèmes réels. L’un de mes amis a épousé une Chinoise de Toronto, de nationalité canadienne. Lorsqu’ils se sont connus, elle ne parlait pas le français et ils ont communiqué longtemps en anglais. Ils se sont installés en France et y ont eu leurs enfants. Elle s’est parfaitement intégrée, et a progressivement appris la langue. Vous attendriez-vous, aujourd’hui, à ce qu’elle reste au Canada le temps d’apprendre le français ? Vos dispositions sont donc beaucoup trop strictes pour des cas où l’intégration se fait de la façon la plus naturelle, en vivant en France avec son conjoint français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Noël Mamère – Je suis entièrement d’accord avec M. Pinte. C’est l’esprit même de votre loi que nous critiquons. On voit bien qu’amendement après amendement, vous ajoutez des barrières au regroupement familial. Et avoir le culot d’affirmer qu’aujourd’hui, dans notre pays, tous les étrangers sont traités de la même manière, c’est croire la représentation nationale plus naïve qu’elle ne l’est ! Vous avez fait voter des lois qui instituent une véritable ségrégation entre les étrangers. Cela aussi, nous le combattons.

Les amendements 159 et 162, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – J’informe l’Assemblée, qu’en application de l’article 95 du Règlement, la commission demande la réserve de la discussion des articles 2 et 3 et des amendements portant articles additionnels après ces articles. Ils seront discutés après l’article 4 et ses articles additionnels. La réserve est de droit.

M. Jean-François Lamour – L’évaluation et la formation permettent aux candidats à l’émigration d’arriver dans les meilleures conditions possibles. Elles représentent souvent leur premier contact avec notre culture et leur permettent d’appréhender comment on vit en France. Par ailleurs, ce bagage leur permet de se mouvoir sur notre territoire en maîtrisant la base de notre langue – simplement la base – ou, par exemple, d’entreprendre des démarches administratives. Ne pas le faire provoquera des phénomènes d’enfermement et de communautarisme. En tant que ministre des sports, je me suis opposé avec la plus grande fermeté à Mme Aubry, maire de Lille, qui avait réservé des créneaux horaires aux femmes dans les piscines. Les femmes restaient entre elles, sans communication avec l’extérieur. Ce n’est pas cela, la République française. Il faut absolument lutter contre cela (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Quel est le rapport ?

M. Jean-François Lamour – Nous souhaitons que ces candidats à l’immigration soient, le plus rapidement possible, le plus autonomes possible sur notre territoire, alors que vous voulez qu’ils soient en permanence assistés. Par mon amendement 70, je propose que la formation soit à la charge de l’intéressé, puis remboursée en cas de succès à l’évaluation. C’est le bon sens, étant bien établi qu’il s’agit d’une formation de base.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, il me paraît en effet relever du bon sens ; il ne serait pas choquant de demander aux intéressés une participation financière.

M. François Goulard – C’est d’ordre réglementaire.

M. le Rapporteur – Aux Pays-Bas, le test coûte 350 euros et en Allemagne, 50 euros ; dans les deux cas, les candidats doivent se débrouiller, et financer le cas échéant leur formation.

M. Manuel Valls – Et ça empêche le communautarisme aux Pays-Bas !

M. le Rapporteur - Une participation financière serait le gage d’une volonté d’intégration et un moyen de responsabiliser les personnes qui suivent une formation ; cependant elle pourrait être considérée comme un obstacle à l’exercice du droit au regroupement familial, protégé par la Constitution, donc écartée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable donc, à regret. Il apparaît une fois de plus que si nous voulons aller plus loin sur ce sujet, il faudra une réforme constitutionnelle.

Mme George Pau-Langevin – Décidément !

M. le Ministre – Trois options s’offraient à nous. Celle que présente M. Lamour est assez ingénieuse mais nous ne pouvions pas la retenir, en raison du risque de sanction par le Conseil constitutionnel. La deuxième, que nous ne pouvions pas accepter non plus, est le financement intégral par les contribuables. Nous avons choisi la troisième : par voie réglementaire – comme le souhaite M. Goulard –, nous augmenterons les droits de timbre sur les visas afin de mutualiser les coûts. En conséquence, avis défavorable.

M. Jean-François Lamour – Je retire cet amendement, de même que celui que j’ai déposé à l’article 4.

L'amendement 70 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Monsieur le Président, il est très important que nos débats se déroulent dans la transparence et que nous éclairions l’opinion. Pour cela, il faut mesurer la sincérité de nos collègues.

Moi qui ai la chance d’avoir dans ma ville le premier club d’athlétisme de notre pays, je puis témoigner de l’aide que M. Jean-François Lamour, alors ministre des sports, m’a apportée pour faire naturaliser des sportifs qui ne parlaient pas un traître mot de français mais qui réalisaient de bonnes performances.

M. le Président – Ce n’est pas un rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Brard – Ah si !

M. le Président – Non !

M. Jean-Pierre Brard – Je rappelle à la majorité qu’il faut accorder ses paroles et ses actes !

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 163 tend à exclure les mineurs de l’obligation de produire une attestation de suivi de la formation. On ne saurait en effet en aucun cas les priver de la possibilité de retrouver leur famille.

Quel paradoxe que dans notre pays, qui fut pendant si longtemps capable de faire rayonner sa langue et ses valeurs à travers le monde, l’on devienne frileux au point de dresser des obstacles et concevoir des soupçons à l’égard de ceux qui ont envie d’apprendre notre langue et de venir chez nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous faites du mal à la France en réclamant qu’on fasse payer la formation au français ! Soutenir la francophonie, c’est faire en sorte que le plus de gens possible puissent apprendre notre langue. On s’élève contre le fait que les congrès scientifiques se déroulent essentiellement en anglais, mais avec une telle politique, les ingénieurs que vous voulez attirer en France préféreront aller avec leurs femmes dans les pays anglophones ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Rapporteur – L’adoption de cet amendement exclurait les 16-18 ans, qui lorsqu’ils arrivent en France peuvent avoir des problèmes d’intégration…

M. Manuel Valls – Cela n’a rien à voir ! C’est scandaleux !

M. le Rapporteur – L’adoption de votre amendement, disais-je, exclurait les 16-18 ans de la formation gratuite.

M. le Ministre – Madame Pau-Langevin, je ne comprends pas votre raisonnement : proposer une formation à la langue française, n’est-ce pas soutenir la francophonie ? D’ailleurs, à l’Assemblée générale de la francophonie qui s’est tenue à Libreville en juillet, j’ai présenté cette proposition, qui a été très bien accueillie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Manuel Valls – M. Mariani, comme d’ailleurs M. Lamour, fait une confusion entre immigration et intégration. Les problèmes que nous rencontrons dans nos quartiers concernent presque toujours des jeunes Français ! Cela n’a rien à voir avec le sujet dont nous traitons aujourd’hui. Quant aux Pays-Bas, je rappelle qu’ils sont particulièrement confrontés au problème du communautarisme…

Ce qui est en cause, c’est beaucoup plus la diminution des subventions aux associations qui travaillaient sur l’apprentissage de nos valeurs et de notre langue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Noël Mamère – J’irai plus loin. Je suis choqué par l’amalgame auquel procède, apparemment sans s’en rendre compte, M. Lamour. Cette histoire de piscine n’a rien à voir avec le sujet dont nous traitons !

M. le Président – J’ai peur que votre intervention n’ait rien à voir avec l’amendement.

M. Noël Mamère – Mais si : ce projet, lui aussi, procède à un amalgame, et assimile tous ceux qui demanderaient le regroupement familial à des tenants du communautarisme, ce qui ne serait pas compatible avec la démocratie. On essaye aussi de les assimiler aux clandestins, alors que ce sont des immigrés régulièrement installés, qui payent des impôts et contribuent à créer la richesse dans notre pays. De même, les émeutes de novembre n’ont rien à voir avec l’immigration. C’est un problème français (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Alors pourquoi obliger des gens très pauvres à faire des kilomètres pour aller apprendre le français dans un consulat ou une alliance française ? Pourquoi avoir diminué de façon drastique les subventions aux associations qui permettent l’intégration dans notre pays ?

M. Benoist Apparu – C’est faux !

M. Noël Mamère – Cela, c’est votre responsabilité, et vous essayez de la masquer. Ce que vous voulez, en fait, c’est empêcher ceux qui veulent vivre ensemble chez nous de se retrouver, parce que vous n’aimez pas les couleurs de cette nouvelle immigration (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Président – Monsieur Mamère, vous vouliez aller plus loin, vous êtes surtout allé très loin de l’amendement.

L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Remiller – En présentant l’amendement 84, je défends également mon amendement 83. En tant que maire d’une ville de 32 000 habitants qui compte 10 000 immigrés, je suis obligé, bien souvent, de recourir à un interprète pour recevoir le demandeur de regroupement. On imagine ce qu’il en sera pour ceux qu’il fait venir. On leur demande donc d’apprendre les fondements de notre langue. Je propose que l’on ne se contente pas d’imposer une évaluation, mais la réussite à un test. Faire acte de présence ne suffit pas, il faut que le niveau soit sanctionné par un examen qui serait organisé par l’Éducation nationale, et qui serait le même dans tous les consulats.

Ensuite, rembourser le coût de cette formation, ce serait faire peser une charge nouvelle sur les contribuables français. Je demande donc que le coût de cette formation soit à la charge du candidat. Il peut payer le prix du billet, il a donc des revenus et il est tout à fait normal qu’il paye la formation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

En quoi une telle disposition serait-elle anticonstitutionnelle ?

M. Claude Bodin – Mon amendement 64 a le même objet. Ces amendements sont de cohérence avec l’amendement 19 que nous avons adopté, et de bon sens : si l’on fait une évaluation, c’est pour en tirer une conclusion. Si le résultat n’est pas probant, il faut recommencer la formation.

M. le Rapporteur - Effectivement, les Pays-Bas et l’Allemagne demandent la réussite à un test de langue et la Commission européenne estime que c’est compatible avec la directive du 25 novembre 2003. Cependant, notre objectif n’est pas de limiter le regroupement familial mais de favoriser l’intégration des personnes qui en bénéficient. D’autre part, ajouter une condition supplémentaire au regroupement familial est risqué au point de vue constitutionnel. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Manuel Valls – Si Mariani est le modéré, cela en dit long sur l’état d’esprit de l’UMP !

M. le Ministre – Je rends d’abord hommage à votre réflexion… (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jean-Pierre Brard – Ça, une réflexion ?

M. le Ministre - …car vous êtes tous deux attentifs aux réalités du terrain. Mais nous sommes ici sur une ligne de crête.

M. Manuel Valls – Un chemin de croix !

M. le Ministre – Aller dans votre sens subordonnerait la délivrance du visa à la réussite au test de français, non à la simple assiduité. Le Conseil constitutionnel censurerait très certainement une disposition qui porterait ainsi atteinte au droit au regroupement familial. Je suis donc défavorable aux deux amendements.

M. Jacques Remiller - Avant de retirer mon amendement, je voudrais que le ministre m’assure que, à l’avenir, on pourra examiner cette possibilité.

M. le Ministre – Si ce que vous souhaitez, c’est un débat, il peut effectivement avoir lieu, car il n’y a pas de sujet tabou.

M. Jacques Remiller - Dans ce cas, l’amendement 84 est retiré.

M. Claude Bodin – L’amendement 64 également.

M. Jean-Pierre Brard – Je reprends l’amendement 84.

Mariani, Pinte, Fenech, Asensi, Bartolone, Benisiti, Bianco, Censi, Cathala, Cinieri, Devedjian, Fenech, Filipetti, Franco… Vont-ils renier leurs ancêtres ?

M. Serge Blisko – Et moi !

M. Jean-Pierre Brard – Il n’y a là ni cohérence ni réflexion. Vous-même êtes homme de réflexion, Monsieur le ministre, même si c’est la plus mauvaise. C’est de la xénophobie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Avec d’autres, je m’honore de défendre les valeurs de la République. Ses trois couleurs sont celles que portait l’étendard de nos soldats à Valmy quand on fonda la République…

M. François Goulard – À ne pas confondre avec celle de l’Armée rouge !

M. Jean-Pierre Brard – …celles que défendaient Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet face à leurs fusilleurs !

Il ne suffit pas d’invoquer leurs noms pour faire vivre les valeurs qui les faisaient vibrer. Ces trois couleurs encadrent aussi le certificat de parrainage républicain qui sert à protéger les enfants à la chasse desquels vous vous êtes lancés ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous revendiquons ces valeurs de la République qui ont assuré le rayonnement de notre pays…

M. le Président – Vous avez le droit de reprendre l’amendement. À titre exceptionnel, je vous ai laissé le défendre. Mais tout le monde a compris votre message.

M. Jean-Pierre Brard – Cet amendement, j’en demande le rejet.

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Perruchot – Nous améliorons le dispositif avec ces dispositions sur l’apprentissage de notre langue et de nos valeurs. Mais nous savons que les réponses de l’État parviennent lentement. Mon amendement 133 fixe donc un délai d’un mois pour la délivrance de l’attestation de suivi de la formation. Sinon il risquerait d’y avoir des inégalités de traitement entre les demandeurs de regroupement familial, et nous serions peut-être obligés de revenir un jour sur ce point.

M. le Rapporteur – Avis favorable. J’espère même que le délai sera inférieur à un mois.

M. le Ministre – Il s’agit d’une contrainte supplémentaire, mais j’en comprends la raison. Favorable.

L'amendement 133, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Remiller - L’amendement 83 est retiré.

M. Serge Blisko – La défense de l’amendement 166 vaut pour l’amendement 167. Un décret en Conseil d’État précisera la durée de la procédure, qui doit rester raisonnable. Nous voulons qu’il fixe un délai maximal et des modalités bien précises. Sinon ce délai pourra être très long dans des pays où il y aurait peu de demandes, ou pour l’habitant de Tombouctou, distante de 1 000 km de Bamako.

Si vous voulez dissuader les candidats, il suffira de ne rien faire en prétendant attendre que les conditions matérielles ou climatiques leur permettant de venir se présenter à l’examen d’évaluation soient réunies ! Afin que cette formation soit effective et ne se résume pas à une contrainte supplémentaire, à un énième document incompréhensible pour le candidat, fixons un délai raisonnable et maximal – deux termes à propos desquels nous sommes ouverts à la discussion -, condition pour que le mécanisme outrancier que vous proposez ne constitue pas un obstacle dirimant.

M. Noël Mamère – L’amendement 92 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux amendements 166 et 92, qui feraient tomber un amendement adopté par la commission, sur lequel nous reviendrons, et qui porte sur le contenu des valeurs de la République. Je précise toutefois que la commission émettra un avis favorable à l’amendement 167.

M. le Ministre – Même avis. L’amendement 166, en prévoyant un certain nombre d’hypothèses de dispense, remet en fait en question le principe même d’une formation. Le Gouvernement ne saurait donc lui être favorable.

En outre, le risque d’un délai excessif est inexistant, le projet précisant déjà le délai - un à six mois - imparti au préfet pour statuer sur la demande de regroupement familial.

Mme George Pau-Langevin – Je ne suis pas d’accord. Vous avez vous-même pris en compte la situation troublée de certains pays d’origine, notamment lorsque vous avez justifié le recours à des tests ADN par l’absence d’état civil dans certaines régions. De telles situations obligent à fournir aux familles des garanties quant aux délais auxquels seront soumises les formations suivies sur place. En outre, elles peuvent empêcher l’administration ou le consulat d’organiser les formations requises. Il est donc indispensable de prévoir des dispenses.

Les amendements 166 et 92, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 227 est défendu.

L'amendement 227, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 167 a été présenté par M. Blisko en même temps que l’amendement 166.

L'amendement 167, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Cet amendement 20 vise à préciser que le pouvoir réglementaire devra non seulement encadrer le délai maximum dans lequel la formation sera proposée à l’étranger si le besoin en est établi – en pratique, six mois -, mais aussi le délai maximum dans lequel l’évaluation de son niveau sera organisée.

M. le Ministre – Favorable.

M. Nicolas Perruchot – Que se passera-t-il si, par malheur, le préfet ne répond pas à la demande dans les six mois ?

M. le Ministre – Son silence équivaudra à un refus.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Si l’article premier dispose que la formation ne peut excéder deux mois, il convient en outre de préciser par décret le nombre minimum d’heures que doit compter cette formation : c’est l’objet de l’amendement 21 rectifié.

Mme George Pau-Langevin – Il faut également préciser que la formation est gratuite et ne pénalisera pas le demandeur – d’où notre sous-amendement 188.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné le sous-amendement, auquel je suis, à titre personnel, défavorable.

M. le Ministre – Avis favorable à l’amendement, défavorable au sous-amendement.

Le sous-amendement 188 mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 21 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Lesterlin – C’est ignorer les capacités réelles de nos services consulaires que de laisser croire qu’ils seront à même d’organiser l’évaluation et la formation que vous proposez. Si le ministre ne nous assurait pas de la volonté de son collègue des Affaires étrangères de dégager les moyens nécessaires pour remplir cette mission, se trouverait ici confirmé le fait que ce texte ne vise en fait qu’à créer des obstacles au regroupement familial.

M. le Rapporteur – Défavorable à l’amendement 168. L’amendement 22 que je vais présenter est préférable.

L'amendement 168, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – La connaissance des valeurs de la République sera évaluée au même titre que la maîtrise du français, mais son évaluation est plus complexe à mettre en œuvre, et il convient de confier à une commission ad hoc la liste des questions permettant de la tester. L’idée est de parvenir, comme en Hollande (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), à un corpus d’une centaine de questions, à charge pour la commission d’élaborer celles-ci. Cela préviendrait l’arbitraire et les différences d’appréciation entre consulats, en mettant fin au flou actuel. Tel est l’objet de l’amendement 22.

Mme George Pau-Langevin – Vous entendez subordonner la venue des familles à la connaissance des valeurs de la République, mais vous êtes dans la perplexité dès qu’il s’agit de savoir comment évaluer cette connaissance. Et se demander, dans notre pays, si nous devons définir nos valeurs par QCM, c’est tout de même une régression étonnante !

Lorsqu’on parle de l’organisation de l’État, les choses sont claires ; lorsqu’il est question des valeurs, elles sont infiniment plus difficiles : il faudrait faire intervenir des philosophes et des intellectuels, mais pendant ce temps, les gens attendent, bloqués aux portes de notre pays.

Nous considérons que, s’agissant des valeurs de la République, on dépasse le cadre du seul ministère de l’intégration. Nous proposons par le sous-amendement 175 que la commission soit placée sous la direction du Premier ministre, car les ministres de l’éducation nationale, de la culture, des affaires sociales ont tout autant de choses à dire sur ces valeurs.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé le sous-amendement, car le ministre de l’intégration est pleinement compétent dans ce domaine.

M. le Ministre – Avis favorable à l’amendement de la commission. L’objectif est que cette commission soit rapidement mise en place, avec des effectifs restreints pour éviter les lourdeurs d’un organe pléthorique, et qu’elle parvienne à des résultats dans les meilleurs délais. Défavorable au sous-amendement.

Mme George Pau-Langevin – Dommage, si vous aviez accepté d’associer d’autres ministres au fonctionnement de cette commission, nous aurions voté l’amendement du rapporteur !

M. Serge Letchimy – Cette formation est assortie d’une double sanction : la première tient à la nature du test, à l’article premier ; la seconde est introduite par l’amendement 19 de M. Mariani. Il faut que ce soit bien clair.

Vous dites ensuite que cette formation est gratuite. Cependant, vous repoussez l’amendement de M. Mamère, et les frais de dossier ne sont pas pris en charge.

Enfin, en ce qui concerne les valeurs de la République, la France est une société multiculturelle, même si elle ne le sait pas, aujourd’hui. Les valeurs des sociétés d’où proviennent les immigrés participent aussi de l’universalité de la philosophie humaine (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Noël Mamère –Mme Pau-Langevin demande au Premier ministre d’être garant des valeurs de la République – mais avons-nous encore un Premier ministre ? (Sourires) Le Président parle d’un « collaborateur » : peut-être faudra-t-il que ce collaborateur demande à M. Sarkozy la permission d’être garant des valeurs de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais quelle conception a-t-il des valeurs de la République, ce président qui fait des escapades aux États-Unis et sur le yacht de M. Bolloré ? (Même mouvement) Et quelle image donne-t-il de notre pays à l’étranger ? Que peut bien se dire le candidat au regroupement familial en provenance d’un pays pauvre quand il voit cela ? Du reste, le titre de votre ministère, Monsieur le ministre, nous éclaire sur la notion que vous vous faites des valeurs républicaines.

Quant à cette commission, c’est un comité Théodule de plus ! Plus nous avançons dans l’examen de ce texte, plus vous relevez la barre. Bientôt, il faudra être agrégé pour entrer en France ! Vous n’avez, de fait, d’autre volonté que de freiner l’immigration liée au regroupement familial.

M. Étienne Pinte – Une commission pour construire un corpus des valeurs de la République, cela serait superfétatoire. Ce corpus figure déjà dans les contrats d’intégration et dans les procédures de naturalisation. Mme Pau-Langevin a raison, ne faisons pas attendre davantage à nos frontières les candidats à l’immigration.

Mme Pascale Crozon – J’ai souligné hier les problèmes que vont rencontrer les femmes, qui sont, je le rappelle, les principales bénéficiaires du regroupement familial. 60 à 70 % des femmes – 90 % des Ivoiriennes – sont analphabètes. La plupart supportent seules la charge de leur famille, vivent loin des centres consulaires, et occupent des emplois précaires. Comment voulez-vous qu’elles puissent se rendre au test et répondre à une centaine de questions ? Votre loi fait bien le tri entre les bons et les mauvais immigrés, entre les hommes et les femmes, entre les riches et les pauvres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme George Pau-Langevin – Très bien !

M. Nicolas Perruchot – Je serais étonné que les questions imaginées par la commission ne soient pas rendues publiques dans la presse, ce qui introduira un biais. Il existe déjà, sur Internet, des kits de réponses types pour le test d’entrée aux Pays-Bas. Par ailleurs, cela ne manquera pas d’alimenter le réseau mafieux des passeurs.

Veut-on, en outre, avec ces QCM, transformer les consuls en Julien Lepers locaux, animant Questions pour un champion de l’immigration ? Nous sommes beaucoup, comme l’a souligné Étienne Pinte, à avoir mis en place dans les mairies des auditions, permettant, dans la discussion, d’appréhender la bonne connaissance des valeurs de la République. Je doute qu’avec un QCM, l’objectif initial soit atteint.

M. Patrick Roy – Je ne parviens pas à comprendre le raisonnement du Gouvernement. Certes, il existe des connaissances objectives, et à la question « combien font 1 + 1 ? », il doit être répondu « 2 ». Mais l’approche des valeurs de la République est très personnelle et je doute que tous ici, parlementaires, républicains, démocrates, nous fournissions tous les mêmes réponses à une centaine de questions. Cela demeure évidemment très subjectif !

Le sous-amendement 175, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 90 est défendu.

L’amendement 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 91 vise à répondre aux propos tenus tout à l’heure par M. le ministre – je n’ose, comme mon collègue Montebourg, prononcer l’intitulé de son ministère, tant il me fait honte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous avons été élus pour exprimer un certain nombre de convictions et pour représenter l’opinion d’une partie des Français, qui, si elle n’est pas pour l’instant majoritaire, le redeviendra un jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Plusieurs députés UMP - Nous aussi, nous avons été élus !

M. Noël Mamère – Nous n’hésiterons donc pas à dire ce que nous pensons de cet intitulé aux relents nauséabonds (protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le ministre a affirmé que tous les étrangers devaient être traités de la même manière. C’est justement là l’objet de mon amendement, s’agissant de familles qui ont besoin de se retrouver afin de mieux supporter leur exil et de mieux s’intégrer dans le pays d’accueil. Je l’ai dit hier soir : l’obligation d’apprendre la langue et les valeurs de ce dernier dans le pays d’origine est extrêmement compliquée à respecter pour les pays les plus pauvres, constituant ainsi une véritable barrière économique. Je rappelle que M. le ministre est aussi le ministre du co-développement ; or le texte ne dit rien de l’aide économique apportée aux candidats au regroupement familial. 40 % du continent africain vit avec moins de un dollar par jour, ce qui signifie qu’une vache européenne est bien mieux lotie qu’un Africain, puisqu’elle bénéficie, grâce aux subventions de la PAC, de 2,50 euros par jour. Si l’on poursuit dans cette voie, demandeurs d’asile et candidats à l’immigration ne manqueront assurément pas.

Nous contenterons-nous longtemps d’un élan de compassion généralisée lorsque nous voyons à la télévision des candidats à l’immigration s’échouer, à Gibraltar ou ailleurs, et y perdre la vie ? Ou, au contraire, aiderons-nous ceux qui fuient à la fois le sous-développement et la tyrannie pour tenter de rejoindre des régions plus démocratiques et plus clémentes où ils pourraient vivre dignement ? Cela fait partie des impératifs qui s’imposent à la quatrième puissance mondiale.

Vos mesures reviennent à faire payer aux candidats, sans le dire, la formation requise ; nous proposons, quant à nous, que l’État en assume le coût. Je rappelle pour mémoire que l’une des lois adoptées au mois de juillet dernier fait un cadeau de 13 milliards d’euros aux plus riches…

M. Jean-Marc Roubaud – C’est faux !

M. Noël Mamère – Essayez d’aider aussi les plus pauvres d’entre les pauvres.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. N’encadrons pas excessivement le décret, même si certains cas de dispense doivent être envisagés, liés notamment à l’éloignement géographique ou à la situation politique temporaire du pays.

M. le Ministre – Même avis. Je ne reviens pas, Monsieur Mamère, sur les qualificatifs que vous employez depuis hier soir et auxquels vous continuerez sans doute de recourir jusqu’à la fin de nos débats. Les Français ont tranché, et il est de règle de s’incliner devant le verdict du suffrage universel, ce qui n’empêche nullement l’opposition (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Mais si vous voulez être schématique ou caricatural, voire pire encore, c’est votre droit !

M. Noël Mamère – Faudra-t-il donc, Monsieur le ministre, que nous nous taisions ?

M. le Ministre – Au contraire ! Mais c’est d’une opposition constructive que nous avons besoin.

Vous dites que tous les étrangers doivent être traités de la même manière ; c’est précisément ce à quoi s’emploie ce projet. Mais il y a bien une différence de position entre nous : selon nous, ce n’est pas le contribuable français qui doit financer la formation, ni le contribuable étranger installé en France, mais la mutualisation des candidats à la venue en France. Voilà qui est juste et clair.

Mme Élisabeth Guigou – Il s’agit là d’une question de principe : veut-on s’abriter derrière une multitude de principes visant en réalité à empêcher le regroupement familial, droit pourtant protégé par la Constitution ? (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Car, si les candidates et les candidats au regroupement familial doivent payer une formation…

M. le Rapporteur – Non, elle est gratuite !

Mme Élisabeth Guigou – …et être soumis à une évaluation de leurs connaissances, nombre d’entre eux ne pourront manifestement pas faire face à ces dépenses. Que cela soit donc clairement dit devant la représentation nationale !

En outre, un amalgame est constamment fait entre regroupement familial et immigration clandestine, alors qu’il s’agit de permettre à des familles de rejoindre soit un étranger en situation régulière – parce que nous avons estimé qu’il pouvait apporter quelque chose à notre pays –, soit un Français né français ou devenu français par naturalisation.

Enfin, comme l’a dit Jean-Pierre Brard, si de telles dispositions étaient aujourd’hui en vigueur, non seulement bien des collègues talentueux d’origine étrangère, aujourd’hui français, ne seraient pas ici, mais le Gouvernement ne bénéficierait pas des compétences de Mmes Dati, Yade et Amara ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Nicolas Perruchot – Il s’agit d’une discussion de fond intéressante : on voit trop souvent des familles peiner à payer la cantine scolaire et des collectivités se substituer à l’État.

J’aimerais d’autre part revenir sur un complément d’information fourni par M. le rapporteur quant au délai maximal de six mois pour le regroupement familial. Ma question est la suivante : l’objectif poursuivi est-il, à terme, une harmonisation de la durée de réponse s’appliquant également aux demandes d’asile ? Car le délai de réponse de l’État est un problème récurrent.

M. le Ministre – Bonne question, à laquelle j’ai déjà apporté quelques éléments de réponse. Le délai global – délais de l’OFPRA et de la commission des recours cumulés – est approximativement de neuf à dix mois. S’agissant de l’OFPRA, le délai me semble incompressible, mais je m’engage à faire un effort en ce qui concerne la commission des recours.

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Françoise Hostalier – Je regrette que notre débat parte un peu dans tous les sens du fait de la propension de certains orateurs à faire des digressions.

Je m’inquiète de la faisabilité pratique des opérations d’évaluation, et, le cas échéant, de formation. Dans nombre de pays, il est en effet difficile de trouver un lieu pour apprendre le français. La carte de notre réseau culturel international montre en effet que s’il est dense en Europe et dans les pays francophones, la situation est bien moins favorable dans certaines régions du monde, au Bélarus, en Tchétchénie, en Libye…

M. Jean-Pierre Brard – Ah, mais là, il y a Cécilia ! (Sourires)

Mme Françoise Hostalier – On peut aussi penser à Cuba, ou à la Nouvelle-Zélande. Même dans les pays où nous sommes représentés, la structure d’accueil se trouve généralement dans la capitale : comment être sûr que les demandeurs pourront se rendre régulièrement à la capitale pendant les deux mois que pourrait durer la formation ?

Mon amendement 105 ouvre une fenêtre en proposant que, si les conditions matérielles rendent impossibles la mise en place ou le suivi de la formation, l’étranger puisse en être dispensé, à condition de s’engager à la suivre dès son admission sur notre territoire. Cela rejoint l’amendement 19 du rapporteur et j’ai aussi tendance à considérer que l’efficacité de la formation s’en trouverait renforcée.

Par ailleurs, la référence constante au « pays de résidence » me semble trop restrictive, dans la mesure où il est peut être plus facile, dans certains cas, de suivre la formation dans un pays limitrophe, en particulier s’il est francophone ou plus sûr. Pour parler d’un pays que je connais bien, un Afghan trouvera plus de sécurité au Pakistan qu’à Kaboul !

M. François Goulard – Elle a raison !

M. Serge Blisko – En effet, et notre amendement 170 va dans le même sens. Prenons un exemple concret pour montrer à quel point le dispositif sera difficilement applicable. Je pense à l’Irak, pays que M. Mariani connaît bien…

M. Jean-Pierre Brard – Et M. Julia mieux encore !

M. Serge Blisko – Nous avons, en région parisienne, une communauté de réfugiés irakiens issus d’une minorité assyro-chaldéenne. Imaginez qu’une de ces familles veuille faire un regroupement : ce serait mettre en danger de mort le membre concerné que de lui demander de se rendre à Bagdad pour subir le test, puis la formation ! Je note au passage que bien peu d’Irakiens obtiennent le statut de réfugié alors que le nombre de personnes potentiellement concernées demeure très élevé, plus de deux millions de personnes fuyant le pays.

J’ai conscience du caractère un peu extrême de mon exemple au regard de la dangerosité particulière qui règne dans ce pays, mais il montre bien qu’il vous faut renoncer, Monsieur le ministre, à votre vision idyllique d’un monde où les consulats se tiennent à la disposition des candidats à l’émigration et où les alliances françaises sont prêtes à bouleverser leurs programmes pour organiser des formations à la demande ! Revenez sur terre !

Mme Michèle Delaunay – Bravo !

M. le Rapporteur – La commission a estimé que l’amendement 105 de Mme Hostalier n’était pas nécessaire dans la mesure où des cas de dispense de la formation dans le pays de résidence sont déjà prévus. Par ailleurs, je le sais pour m’y être rendu, la France dispose d’un consulat au Bélarus, commun avec d’autres pays de l’UE, et la Tchétchénie est couverte par nos représentations en Russie, où nous ne comptons pas moins de huit Alliances françaises.

Avis également défavorable sur le 170. Si peu d’Irakiens obtiennent l’asile en France, Monsieur Blisko, c’est d’abord parce qu’ils sont peu nombreux à le demander, une grande part des personnes concernées préférant aller en Suède.

M. Serge Blisko – Nous en reparlerons.

M. le Ministre – Mêmes avis que votre rapporteur, bien que ces amendements témoignent de préoccupations humanitaires auxquelles nous avons naturellement réfléchi et que nous partageons. Comme je l’ai déjà indiqué, un décret précisera les cas de dispense de formation dans le pays de résidence, pour tenir compte, principalement, des situations de maladie et de la situation intérieure particulière de certains États. S’agissant des conditions matérielles dans lesquelles se dérouleront les tests et les formations, je redis que l’État s’engage à ce qu’elles soient satisfaisantes. Nous faisons confiance à notre réseau, à l’ANAEM, aux Alliances françaises et, le cas échéant, aux organismes extérieurs auxquels nous délivrerons un agrément.

Enfin, si nous faisons mention du pays de résidence plutôt que du pays d’origine, c’est pour introduire de la souplesse, en n’obligeant pas, par exemple, un ressortissant irakien résidant au Liban à se rendre à Bagdad.

Je considère par conséquent que vos préoccupations sont satisfaites.

M. Serge Blisko – Merci pour ces précisions, mais il y aura toujours des situations dangereuses pour lesquelles vous ne proposez pas de solution. Je maintiens donc mon amendement.

Mme Françoise Hostalier – J’hésite à retirer le mien car, si j’entends les assurances que donne le ministre, je suis encline à considérer que mieux vaut dire les choses dans la loi…

M. Jean-Pierre Brard – En réalité, vous ne le croyez pas ! Et vous avez parfaitement raison !

Mme Françoise Hostalier – Si vous pouviez, Monsieur Brard, réfréner votre misogynie naturelle et cesser de m’interrompre à tout bout de champ…

Je souhaiterais, Monsieur le ministre, pouvoir être associée à la rédaction du décret sur les cas de dispense.

M. le Ministre – Tout à fait d’accord, avec plaisir.

Mme Françoise Hostalier – Dans ces conditions, je retire l’amendement 105.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends !

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 170, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Lesterlin – L’amendement 169 propose que la mise en place de la formation suspende le délai de deux mois à partir duquel un refus peut être prononcé. En toute hypothèse, le défaut de formation sommaire ne saurait justifier le refus d’un visa. En repoussant cet amendement, la majorité prouverait qu’elle est bien plus attachée à la complexification du regroupement familial qu’à sa simplification.

M. le Rapporteur – La question des délais a déjà été évoquée. Défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART.4

Mme George Pau-Langevin – L’article 4 est encore plus incompréhensible et scandaleux que l’article premier. Par cet article, vous entamez le droit absolu de se marier et de vivre avec la personne de son choix. Vous avez déjà voté une loi qui permet de vérifier la validité du mariage, et même, comme me l’ont confirmé les fonctionnaires du XXe arrondissement en charge de cette vérification, sa « consommation ». Une fois ce mariage reconnu valable, vous imposez un test flou sur les valeurs de la République et une formation, dont on ne sait pas comment elle se déroulera.

Avec ce texte, beaucoup s’inquiéteront de vivre sous un régime totalitaire. Mais quelles que soient les restrictions, les difficultés ou les entraves que vous mettrez au regroupement familial, vous ne parviendrez pas à empêcher les Français de se marier avec qui ils veulent !

Votre tentative, qui me révulse, est vaine : de tous temps, l’amour entre Roméo et Juliette ou entre noirs et blancs d’Afrique du Sud est parvenu à franchir les barrières.

M. Patrick Braouezec – L’amour prend toujours le dessus !

M. Jean-Pierre Brard – Rappelez-vous, Monsieur Mariani, lorsque vous étiez jeune !

Mme Chantal Berthelot – Je reçois dans ma permanence guyanaise beaucoup de Français confrontés aux difficultés d’obtention des visas pour leurs conjoints venus des pays voisins. Mon sentiment est étrange : non seulement vous jetez l’opprobre sur les étrangers, mais aussi sur les Français qui choisissent d’épouser un étranger. Êtes-vous opposés aux mariages mixtes ou vous faites-vous porteurs de relents…

M. Serge Blisko – Xénophobes !

Mme Chantal Berthelot – Je rejette entièrement cet article, contraire aux valeurs universalistes de la France et au respect de la vie privée des individus.

M. Christophe Caresche – Cet article nous place au cœur de ce que propose le texte. En proposant d’élever de 7 % à 50 % la part de l’immigration économique, vous comprimez la part de l’immigration liée au regroupement familial.

Dans l’immigration familiale, la part du regroupement familial est restée stable – vingt à vingt-cinq mille personnes par an – depuis dix ans. Ce qui a augmenté de façon très sensible, c’est le nombre des conjoints de Français, qui représentent aujourd’hui environ cinquante mille personnes par an. Il est clair que ce sont eux que vous visez, et il est important que la représentation nationale sache que ce texte concerne en premier lieu des Français.

L’augmentation du nombre des mariages mixtes est tout simplement due au mouvement d’internationalisation dans lequel se trouve la France. Les Français, qu’ils soient d’origine étrangère ou non, ont de plus en plus de relations avec l’étranger. Il me semble que ce mouvement est assez irrépressible et qu’il est positif, mais vos mesures vont le contrecarrer. Il me semble aussi que vous ne mesurez pas réellement leurs conséquences. Les parlementaires vont bientôt se trouver saisis de nombreuses demandes de Français qui n’arriveront pas à faire venir leur époux ou épouse, alors même que leur mariage est parfaitement régulier puisque notre législation devrait dorénavant nous prévenir contre les mariages abusifs. Je ne sais pas ce qu’ils leur répondront. Par ailleurs, les barrières que vous créez étant à la fois incomprises et insupportables, vous savez bien qu’elles n’aboutiront qu’à faire gonfler l’immigration irrégulière. Les Français arriveront toujours à faire venir leur conjoint, nous le savons tous ! Vous n’arriverez pas à juguler l’immigration par de telles mesures.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons donc pas accepter ce texte.

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, vous participez d’un régime liberticide. Le droit au mariage et celui de vivre ensemble quand on est marié sont imprescriptibles. Je vais vous donner l’exemple d’un couple qui s’est marié à Montreuil le 6 novembre 2004. Le conjoint étant de nationalité algérienne, il lui a été demandé de retourner dans son pays pour régulariser sa situation. Il a obtempéré. Depuis, son épouse a fait deux demandes de regroupement familial. Elle a attendu la première réponse onze mois et la seconde quatre, et les deux sont négatives. Au nom de quelle loi, de quel principe fondamental leur interdit-on de vivre ensemble ? Au nom de ce que la préfecture estime que les conditions d’habitabilité ne sont pas réunies ! De quoi se mêle l’administration d’État ?

M. le Rapporteur – Ce n’est pas le même article !

M. Jean-Pierre Brard – Mais vous allez procéder de la même façon pour les Français ! Vous allez renvoyer les gens dans leur pays d’origine pour qu’ils demandent un regroupement familial, les soumettre à vos examens… Le signal que vous envoyez est très clair : chez nous, les étrangers ne sont pas bienvenus, même s’ils sont mariés. Pour ma part, ma première épouse était allemande. Elle ne parlait pas un traître mot de français lorsque nous nous mariâmes. Je n’ose penser à ce qui se serait passé si vous aviez été au pouvoir à cette époque ! Vous vous mêlez de la vie privée des gens. Vous voulez les empêcher de vivre ensemble, parce que vous voulez promouvoir la haine de l’étranger, la méfiance et la xénophobie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pendant que vous occupez l’espace avec ces questions, vous réglez d’autres petites affaires plus discrètement, et pour des raisons pas forcément avouables.

L’article 4 étend le dispositif du contrat d’accueil et d’intégration créé par le projet Sarkozy sur « l’immigration choisie ». Où est donc l’évaluation de ces lois que vous avez fait voter ? Le président d’Emmaüs France, Christophe Deltombe, vient de rappeler qu’avant d’adopter toute nouvelle loi, il faudrait évaluer avec précision les effets des précédentes. Mais tout cela ne vous intéresse pas. Dès lors qu’il s’agit de choses importantes, le dialogue, c’est à la hussarde que vous le menez.

Cet article remet en cause des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme – mais il est vrai que l’exemple vient de haut, puisque le Président de la République viole chaque jour l’article 5 de la Constitution.

M. le Président – Nous en arrivons à l’article 4.

M. Noël Mamère – L’amendement 148 vise à supprimer cet article. Votre dispositif modifie la loi CESEDA sur l’entrée et le séjour des étrangers et demandeurs d’asile et met les conjoints de Français dans une situation incroyablement compliquée. Ils devront apprendre le français dans leur pays d’origine au lieu de le faire tout naturellement avec leur conjoint, sur notre territoire. Cela montre bien l’esprit de ce texte, qui va en outre créer des ségrégations entre les demandeurs. Par ailleurs, la formation proposée est totalement inutile. Aucune précision n’est apportée non plus sur les modalités du contrôle : quelle autorité procédera à l’évaluation ? Sur quels critères reposera l’obligation de se soumettre à la formation ? La grille d’évaluation sera-t-elle la même pour tous ?

Votre projet va également abroger la disposition permettant aux conjoints de Français entrés régulièrement en France et pouvant se prévaloir d’une vie commune d’au moins six mois de demander un visa long séjour sans avoir à retourner dans leur pays d’origine. Cette abrogation, qui les prive de toute possibilité de régulariser leur situation administrative sur place, figurait déjà dans la première version de votre projet de loi de 2006. À l’époque, au cours des débats, cette possibilité d’obtenir un visa en France était apparue devoir atténuer la rigueur du dispositif, notamment dans des cas humanitaires. Je rappelle enfin qu’il existe un droit de mener une vie familiale normale, comme le dit l’article 8 de la CEDH, avec lequel votre article 4 semble, par les barrières qu’il pose, difficilement compatible.

M. Serge Blisko – L’amendement 176 est identique. Il est clair qu’avec votre dispositif, les ressortissants français qui auront eu la mauvaise idée de se marier avec un étranger devront courir un véritable marathon, passant par l’obligation du conjoint de repartir dans son pays d’origine pour obtenir son visa.

M. Jean-Pierre Brard – Qui ne sera pas accordé !

M. Serge Blisko – À une époque où des dizaines de milliers de jeunes Français et Françaises voyagent, font des stages et travaillent à l’étranger, vous allez ainsi punir ceux qui choisissent un conjoint étranger – et qu’on ne saurait soupçonner de mariage de complaisance après les verrous que vous avez institués l’an dernier contre les mariages blancs. C’est de la folie. De plus, c’est faire de nos nationaux des sous-citoyens dans l’Union européenne, puisqu’un ressortissant de l’Union peut faire venir sans aucune difficulté son conjoint étranger. Vous donnez de notre pays une image repoussante. Ne nous forcez pas à conseiller à ceux de nos compatriotes qui épousent une personne étrangère de quitter la France !

M. le Rapporteur – L’article 4 sur les conjoints est le pendant de l’article premier sur le regroupement familial. Il n’est pas question de punir les couples binationaux (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Mon propre conjoint n’est d’ailleurs ni Français, ni Européen.

Ce que nous proposons, ce n’est ni plus ni moins que ce qui a été accepté par les députés de gauche comme de droite en Allemagne et aux Pays-Bas.

Mme George Pau-Langevin – Nous sommes en France !

M. le Rapporteur – La toute petite formation linguistique demandée – de niveau A1.1 – permet notamment à des personnes victimes de mariages forcés de pouvoir s’exprimer.

Voilà pourquoi je suis opposé à ces deux amendements, comme je le serai à tous ceux qui reprennent des amendements que nous avons repoussés à l’article premier.

M. le Ministre – En 2006, afin de faciliter la vie des conjoints de Français, le Parlement a permis qu’à titre exceptionnel, le visa de long séjour soit délivré en France. L’idée était intéressante, mais à l’usage, ce dispositif s’est révélé une usine à gaz.

Mme George Pau-Langevin – Il n’y a pas eu d’évaluation !

M. le Ministre – Une circulaire de quinze pages a été préparée par les services, et après un an le système s’avère inapplicable.

C’est pourquoi nous proposons de revenir à la règle de droit commun, c’est-à-dire à la nécessité d’obtenir à l’étranger le visa de long séjour, comme cela se fait en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni, par exemple. Mais il va de soi que les conjoints de Français qui résident déjà régulièrement dans notre pays à un autre titre ne seront pas soumis à l’obligation de visa de long séjour. Ainsi un étudiant étranger, déjà installé sur notre territoire, et qui épouse une Française ne sera pas contraint de repartir dans son pays d’origine pour obtenir un nouveau visa.

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas dans le texte !

M. Patrick Roy – On ne cesse d’adopter des lois sur l’immigration afin de donner à nos concitoyens l’impression que l’on s’occupe du sujet, mais cette loi-ci va perturber la vie familiale de milliers de Français ! Elle porte atteinte à la vie privée, et revient à interdire l’amour entre un ressortissant français et une personne étrangère (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Génisson – Monsieur le ministre, vous affirmez que le dispositif de la loi de 2006 n’a pas bien fonctionné, alors qu’aucune évaluation n’a été réalisée. Nous sommes souvent confrontés à la situation ubuesque de conjoints étrangers, vivant en France depuis longtemps, contraints de repartir dans leur pays d’origine pour obtenir un visa.

Mme George Pau-Langevin – Rappel au Règlement. Cet article a quelque chose d’inadmissible : alors que c’est le rôle du Parlement de faire la loi, le Gouvernement revient périodiquement à la charge pour lui soumettre à nouveau des dispositions précédemment repoussées ! Curieuse conception de l’institution parlementaire…

Les amendements 148 et 176, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – Je défends l’amendement 239.

L’idée sous-jacente de vos dispositions, c’est que les conjoints de Français sont en général des fraudeurs. Or les statistiques montrent que les mariages de complaisance sont extrêmement marginaux : d’après le rapport du 15 mars 2006 de la commission des lois, sur les 45 000 mariages franco-étrangers célébrés à l’étranger en 2005, le parquet de Nantes a enregistré 1 353 signalements pour mariage blanc, lesquels ont donné lieu à 687 décisions d’assignation – soit 1,5 % du total.

M. Jean-Pierre Gorges – C’est énorme !

M. Noël Mamère – Sous ce faux prétexte des mariages de complaisance, vous supprimez le dispositif introduit en 2006. La CIMADE cite pourtant un exemple ubuesque des conséquences catastrophiques que cela peut avoir pour la vie familiale, celui de M. T., Algérien marié à une Française depuis un an et demi. S’étant vu refuser un titre de séjour par la préfecture au motif de son entrée irrégulière sur le territoire, il part solliciter un visa de long séjour auprès du consulat de France à Alger, laissant seule sa compagne enceinte. Le temps passant, celle-ci se rend à Alger mais on refuse de la recevoir au consulat. Arrive le refus, sans motivation, alors que la loi l’exige dans le cas d’un conjoint de Français, les seuls motifs de refus possibles étant le trouble à l’ordre public, la fraude ou l’annulation du mariage. Un nouveau voyage de Mme T. ne sert à rien, et une nouvelle demande de visa reste sans réponse. Il faut le recours de la CIMADE auprès du ministère des affaires étrangères pour que le consulat délivre enfin un visa à M. T., après trois mois d’angoisses et des allers-retours inutiles. De telles situations vont se multiplier, car les mariages mixtes sont de plus en plus nombreux – ce qui est très bon pour construire une société multiculturelle et ouverte. Vous préférez le repli, un pays qui refuse l’amour.

M. le Rapporteur – Cet amendement concerne en réalité une incompatibilité avec une directive européenne. Or, la Commission a fait savoir au gouvernement des Pays-Bas que rien dans la directive ne s’opposait à cette disposition.

M. le Ministre – Même avis.

M. Serge Letchimy – Je vois une contradiction entre le texte de l’article et l’exposé des motifs. Ce dernier précise en effet que, si la possibilité pour un conjoint de Français d’obtenir en France un visa de long séjour est abrogée, « ceux des nouveaux conjoints de Français qui sont titulaires d’une carte de séjour temporaire, comme étudiant ou visiteur par exemple, pourront changer de statut sans avoir à solliciter un visa de long séjour. L’étranger en situation irrégulière qui épouse en toute bonne foi un ressortissant français et se trouve dans l’impossibilité évidente de faire l’aller et retour avec son pays d’origine pour y solliciter un visa de long séjour pourra solliciter une admission exceptionnelle au séjour. ». C’est un esprit d’ouverture intéressant. Mais pourquoi ne pas l’écrire dans la loi elle-même ?

Mme Delphine Batho – Je soutiens l’amendement de M. Mamère. Il s’agit ici de personnes qui sont en France et qui sont mariées à des Français.

En premier lieu, je souhaiterais que le ministre réponde à l’observation de Mme Pau-Langevin sur les conditions dans lesquelles nous travaillons. L’alinéa 3 supprime une disposition votée en 2006 et qui a fait l’objet d’une circulaire le 19 mars 2007. Le ministre nous dit qu’elle serait inapplicable, ou du moins inappliquée : mais on ne le sait pas, puisque la commission des lois n’a eu connaissance d’aucune évaluation. On fait et défait tous les six mois.

Ensuite, Mme Génisson a souligné que des personnes qui sont en France devront rentrer dans leur pays d’origine demander un visa de long séjour, sans aucune certitude sur les délais. A-t-on pensé aux femmes enceintes, aux parents d’enfants scolarisés ? C’est une atteinte à la vie familiale.

On crée en quelque sorte une nouvelle catégorie, les étrangers venus en France avec un visa de tourisme, qui y ont rencontré l’amour, se sont mariés, et ne sont ni expulsables ni régularisables désormais, alors qu’ils ont vocation à l’intégration et à la nationalité. Le Gouvernement le sait parfaitement, puisqu’il envisage des admissions à titre exceptionnel. Nous allons donc retrouver ces personnes dans nos permanences et être obligés d’intervenir pour elles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'amendement 239, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 30 traite de la dispense pour les conjoints de plus de 65 ans.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes humain, mais sur le tard !

Mme George Pau-Langevin – Même si nous sommes opposés à l’ensemble du texte, nous voterons cet amendement qui l’adoucit.

L'amendement 30, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 177 dispose que, pour le conjoint de Français retournant dans son pays chercher un visa de long séjour, la formation sera facultative et gratuite. La question n’est pas mineure. Vous sous-estimez la situation réelle. Pensez aux hommes des campagnes, qui sont souvent heureux d’épouser une étrangère. Vous les condamnez à la solitude. Pensez à Amélie Nothomb, partie au Japon et qui a rencontré l’amour. Si elle était en France, aujourd’hui, vous lui compliqueriez beaucoup la vie.

M. le Rapporteur – Avis défavorable puisque cet amendement rendrait la disposition facultative.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 177, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 178 est défendu.

L'amendement 178, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 261 est un amendement de repli, qui nous permettra de mettre votre bonne foi à l’épreuve. Nous proposons en effet que la formation puisse se dérouler aussi bien dans le pays de résidence qu’en France et que le lieu de résidence du couple soit pris en considération. Si le candidat est déjà sur le territoire français, il n’aura donc pas besoin de repartir dans son pays d’origine, ce qui limitera les frais. Cette disposition respecterait le droit à la vie familiale tout en s’inscrivant dans le cadre de votre projet de loi.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Soyons cohérents : nous tenons à ce que la formation ait lieu à l’étranger et que la venue en France soit suspendue à l’obtention d’un niveau minimal.

M. le Ministre – Même avis. Vous avez parlé d’une mise à l’épreuve de notre bonne foi, mais vous n’en faites guère preuve vous-même, puisque vous cherchez à démanteler l’ensemble du mécanisme !

M. Patrick Braouezec – Mais que faire si le candidat est déjà en France ?

L'amendement 261, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 237 est défendu.

L'amendement 237, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 100 est défendu.

L'amendement 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 264 est défendu. Vous êtes favorable aux droits de l’homme, mais uniquement à l’étranger ! Ce qui est en question, ce sont les libertés dans ce qu’elles ont de plus intime, et c’est là que vous portez le fer. Décidément, vous aimez à désigner l’autre comme celui dont il faut se méfier – ce qui nous rappelle les pires heures de notre histoire, en particulier les années 1930.

La mesure rendant obligatoire une évaluation des connaissances linguistiques des conjoints de Français qui sollicitent un regroupement familial ne pourra qu’exposer à des difficultés matérielles et techniques considérables les consulats et les ambassades dont la charge de travail est déjà lourde. Nos diplomates ont beau être discrets, ils nous confient, lors de nos déplacements en mission à l’étranger, qu’ils n’en peuvent plus, tant leurs crédits ont été amputés par le Gouvernement. Les conditions d’accueil sont par conséquent extrêmement dégradées, même pour l’accomplissement d’une simple formalité ; ainsi, à l’ambassade de Dakar, les personnes qui sollicitent un visa sont accueillies par le personnel d’une entreprise de gardiennage, non dans les locaux de l’ambassade, mais à l’extérieur ! On ne peut donc que s’interroger sur les conditions dans lesquelles se dérouleront les évaluations. La tentation sera grande – d’autant plus que c’est chez vous une pente naturelle – d’en déléguer l’organisation au privé, alors qu’il est indispensable qu’elles soient confiées à des personnels compétents de la fonction publique – selon notre amendement, à des fonctionnaires de catégorie A ou B.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Vous proposez, parce que les fonctionnaires seraient surchargés, de leur imposer d’autres tâches…

M. Patrick Braouezec – Il faut en embaucher !

M. le Rapporteur – Le dispositif prévoit que la formation puisse être confiée au personnel des Alliances françaises, susceptibles d’être plus accessibles au candidat que ne l’est le consulat. Votre proposition serait donc contre-productive.

M. le Ministre – Même avis. Nous souhaitons que la formation ne soit pas confiée aux seuls fonctionnaires, mais aussi, par exemple, au personnel des Alliances françaises ou à des organismes associatifs agréés. Votre proposition trop limitative risque de nuire aux objectifs d’efficacité et de protection.

M. Noël Mamère – Il est un peu étrange de vous entendre tenir ces propos alors même que, sur le territoire français, le Gouvernement a drastiquement réduit les subventions allouées aux associations qui oeuvrent en faveur de l’intégration et de l’apprentissage de la langue française.

D’autre part, s’il est légitime de souhaiter que l’enseignement de la langue soit confié à des fonctionnaires spécifiquement formés, l’objectif est difficile à atteindre, étant donné les mesures de suppression d’un fonctionnaire sur deux annoncées par le Président de la République !

L’amendement 100 proposait en outre une solution assez aisée : le recours à l’ANAEM. Pourquoi ne pas utiliser et développer cet outil, qui n’a du reste toujours pas été évalué ?

M. Jean-Pierre Brard – J’ajoute que, contrairement à des affirmations tout à fait inconsidérées, la surcharge de travail des fonctionnaires doit conduire non pas à confier une tâche régalienne à des non-fonctionnaires, mais bien à accorder des moyens supplémentaires à nos diplomates. Pour la première fois, on a fait grève dans nos ambassades il y a deux ans : voilà le résultat de votre politique.

M. le Rapporteur - C’était du temps de Villepin.

M. Jean-Pierre Brard – M. le ministre nous a également déclaré d’un ton patelin que c’était pour le bien des candidats qu’il proposait de recourir aux Alliances françaises, plus proches de chez eux. Mais, prenons l’exemple du Mali, dont les ressortissants sont nombreux à venir à Montreuil : ils ne trouveraient pas dans leur pays d’origine d’Alliance française proche de leur lieu de résidence. En outre, vous avez diminué les moyens des Alliances françaises comme ceux de nos ambassades. Il ne s’agit donc là que de faux nez ; Monsieur le ministre, lorsque vous quitterez vos fonctions, on vous proposera certainement de devenir sociétaire de la Comédie-Française !

M. le Ministre – Vous oubliez les ambitions de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement…

M. Jean-Pierre Brard – Il fait déjà du théâtre !

M. le Ministre – Le Mali fournit un bon exemple : l’ANAEM y est implantée et le pays dispose également d’un centre culturel français.

M. Patrick Braouezec – Mais à Bamako !

M. le Ministre – D’autre part, si je suis tout à fait attentif aux déclarations de l’opposition et notamment à celles de M. Mamère, encore faudrait-il qu’elles soient fondées. Il nous a dit ce matin que les décrets d’application n’avaient pas été pris ; vérification faite, ils l’ont tous été, sauf un. De même, il a évoqué la baisse des crédits alloués par l’État aux associations : mais lesquelles ? Vous avez également mentionné la disparition de consulats, sous-entendant qu’elle en concernait plusieurs ; je vous l’ai dit, un seul a disparu, au Rwanda. La langue française nous permet d’être précis, soyons-le tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Permettez-moi de vous répondre puisque vous avez la courtoisie de vous adresser à moi. Je n’ai pas parlé de disparition de consulats, mais d’une baisse de 4 % des représentations diplomatiques françaises en Afrique – qui ne se réduisent pas aux consulats. Mais sans doute cela relève-t-il de la logique de « rigueur » évoquée par Mme la ministre de l’économie et des finances. D’autre part, les maires ici présents savent bien que, dans le cadre de la politique de la ville, un certain nombre d’associations de soutien scolaire et d’apprentissage du français ont vu leurs subventions diminuer. Je vous en fournirai la preuve écrite dès que possible.

M. Jean-Pierre Brard – M. Karoutchi n’a pas de raisons d’être jaloux de M. Hortefeux, car c’est la même politique, également liberticide, que vous soutenez ! Monsieur le ministre, lorsque vous êtes embarrassé, vous éludez la question : ainsi, vous ne m’avez pas répondu sur la réduction des moyens des représentations diplomatiques comme des Alliances françaises. Prenons l’exemple de Yénimané, ville que connaissent bien les Maliens vivant en France, située à 150 kilomètres à l’est de Kayes et à 150 kilomètres à l’ouest de Nioro du Sahel, juste en dessous de la frontière mauritanienne. Comment l’époux ou le futur époux d’une jeune Française formée en France – éventuellement d’origine malienne –, s’il maîtrise peu la langue française, moins en tout cas que le soninké, et s’il gagne 10 ou 15 euros par mois, pourrait-il se rendre de Yénimané à Bamako pour y apprendre le français ?

Ainsi envoyez-vous un signal clair : vous ne voulez pas de mariages mixtes, voilà pourquoi vous faites du parcours de regroupement familial une véritable course d’obstacles. La République française, celle de la fraternité, celle de 1789 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dont vous refusez de cultiver l’héritage, ne saurait se reconnaître dans cette démarche. Déjà, en 2002, nous avions commencé de changer de régime ; c’est désormais chose faite, depuis l’élection à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy, qui, chaque jour, viole la Constitution. Ne vous indignez pas, Monsieur Karoutchi : vous le savez bien, vous qui êtes chargé des relations avec le Parlement. Hier encore, M. le ministre a osé affirmer qu’il était chargé d’une mission par le Président de la République : c’est là un viol caractérisé de l’article 5 de la Constitution. Nous assistons bien à une dérive autoritaire : il faut karchériser le petit voyou mais laisser le premier personnage de l’État violer la loi fondamentale !

M. Patrick Braouezec – Eh oui ! Le Président de la République ne connaît pas la Constitution !

M. Nicolas Perruchot – Un mot pour rappeler que les années de la gauche plurielle au pouvoir, celles de M. Jospin, entre 1997 et 2002, ont été les pires pour les associations présentes dans les cités. Alors que le Parlement avait voté des crédits pour la politique de la ville, les gels budgétaires successifs ont plombé les associations. En 2002, nous avons trouvé les populations dans un état de détresse très alarmant, et je suis convaincu que cela explique pour une large part la montée du vote populaire en faveur de la droite.

L'amendement 264, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale