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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 19 septembre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
5ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente.

MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

APRÈS L'ART. 5

M. le Président – Nous en arrivons à l’amendement 36 portant article additionnel, proposé par la commission. La discussion se déroulera dans les conditions prévues à l’article 95, deuxième alinéa, de notre Règlement.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois – Je vous propose cet amendement 36, dont beaucoup de gens ont parlé, sans parfois se donner la peine de le lire, pour répondre à un problème réel : celui de la fraude documentaire, dont un récent rapport du vice-président du Sénat Adrien Gouteyron a fait apparaître qu’elle était devenue un phénomène endémique. Trente à quatre-vingts pour cent des actes d’état civil effectivement vérifiés – il ne s’agit pas de fantasmes ! – se sont avérés frauduleux dans des pays tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, les deux Congo, le Togo, Madagascar ou les Comores. La fraude est due le plus souvent à la déliquescence des administrations nationales. Le rapport souligne que la vérification des documents prend énormément de temps à notre administration consulaire. L’une de ses recommandations, pour raccourcir les délais du regroupement familial, est de proposer des expertises sur la base de tests ADN ou de recherches menées par des experts privés à la demande et à la charge des demandeurs.

Le problème étant constaté, une douzaine de pays européens y ont apporté la solution que je vous propose, qui donne visiblement satisfaction. L’amendement 36 ne mérite donc pas les excès d’honneurs ou d’indignité qu’on lui a prêtés, si ce n’est qu’il a le malheur d’aborder un sujet qui ne sied pas aux arbitres de l’élégance et de la morale qui occupent un certain côté de l’hémicycle, dont on sait que tout ce qui les choque est forcément scandaleux.

M. Manuel Valls – Croyez bien qu’on va prendre notre temps, dans ce débat !

M. le Rapporteur – Je vous en prie. Depuis deux jours que je supporte les épithètes de M. Mamère, je vous assure que je suis blindé, y compris contre vos leçons de morale. Mais les électeurs, eux, n’ont certainement pas voté pour nous en pensant que notre côté de l’hémicycle n’avait aucune morale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le sujet est donc tabou, et si la pensée unique le considère ainsi, c’est sacrilège que de l’aborder ! Même si je ne fais que reprendre une solution mise en place ailleurs par des gouvernements socio-démocrates, comme dans l’Allemagne de M. Schröder. Il ne s’agit en fait que d’un outil supplémentaire : on n’enlève aucune possibilité à ceux qui veulent continuer à procéder comme aujourd’hui pour demander un regroupement familial. Mais il faut aussi régler des cas comme celui de cette femme citée dans le Monde d’hier en page 3 et qui, puisque l’état civil n’existe pas dans son pays, attend ses enfants depuis huit ans ! Je vous propose donc d’ajouter un droit, une liberté qui consiste, pour ceux qui le souhaitent, à demander une analyse ADN – en bref, à comparer leur salive avec celle de leur enfant. C’est tout !

Mais cette liberté vous gêne. Vous voulez l’interdire, parce que vous la trouvez amorale. Pourtant, elle permettrait à ceux qui veulent l’utiliser d’aller plus vite. Elle donnerait une solution à tous ceux qui ne fraudent pas, qui sont originaires d’un pays où l’état civil est corrompu ou a été détruit et qui, pour l’instant, en sont réduits à attendre. Mais qu’importe, si c’est pour protéger votre sens de la morale ! Ces personnes pourraient choisir d’utiliser la liberté que je veux leur accorder. Cette disposition permettra aussi d’endiguer la fraude au regroupement familial, en permettant à nos fonctionnaires de se concentrer sur les cas qui ne sont pas prouvés par ADN – en donnant évidemment une réponse favorable à ceux qui ne fraudent pas, mais qui n’auront pas voulu faire les tests. D’autant que nous connaissons un afflux de demandes frauduleuses : sachant que les consulats allemand, italien, belge, anglais, suédois ou norvégien peuvent demander un test ADN, où croyez-vous qu’on vienne présenter de faux papiers ? Au consulat français, bien sûr…

M. Richard Mallié – CQFD !

M. le Rapporteur – Et ce sont les dossiers des personnes honnêtes qui prennent encore un peu plus de retard. Enfin, cette solution présente l’avantage d’établir plus aisément la filiation des demandeurs de bonne foi originaires de pays à l’état civil défaillant.

Dans d’autres pays, la gauche s’est ralliée aux principales mesures que nous proposons dans ce texte, telles que l’apprentissage obligatoire de la langue nationale lorsqu’on vient vivre sur un territoire. Vos amis hollandais ou allemands l’ont fait. Vous êtes la seule gauche européenne à tenir des positions aussi sectaires, repliée sur les groupuscules qui vous soutiennent au moment des élections. C’est votre droit. Vous avez trouvé un sujet de caricature, exploitez-le tant que vous voulez (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Manuel Valls – Vous êtes un provocateur ! Un apprenti sorcier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié – Quel scandale ! C’est cela, pour vous, la République ?

M. le Rapporteur – Et l’on nous dit que M. Valls représente la gauche moderne !

M. Manuel Valls – Vous êtes en train de perdre, sur ce sujet, n’en faites pas trop !

M. le Président – Monsieur Valls, s’il vous plaît ! Nous avons une soirée chargée devant nous.

M. le Rapporteur – Je vous demande donc de ne pas céder à la pensée unique qui veut nous imposer nos positions. Je vous présente une mesure pratique, qui donne un droit supplémentaire à tous ceux qui attendent un regroupement familial et qui leur fait gagner du temps, ainsi qu’à de nombreux fonctionnaires. Voilà ce qui choque la gauche. Voilà la mesure que je vous demande d’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Françoise Hostalier – Le ton avec lequel s’engage ce débat me désole : ce n’est pas une question de droite ou de gauche. C’est un problème de conscience, et je souhaite sincèrement que nous puissions aller au fond du débat.

Je comprends que cet amendement puisse poser des questions d’éthique et qu’il paraisse à certains, de tous bords, contraire à nos valeurs républicaines et humanistes. Je me suis moi-même posé beaucoup de questions, et je voudrais éclairer le débat d’un modeste témoignage. Le 9 mars 2006, la commission nationale consultative des droits de l’homme a adopté mon rapport sur la polygamie en France, contenant des propositions pour lutter contre ce phénomène et protéger les femmes qui en sont victimes sur notre territoire. Lors des auditions que j’ai menées, le directeur de la circulation des étrangers et le chef de la section des familles de réfugiés m’ont fait part des difficultés qu’avaient certains de nos consulats à valider des documents d’état civil et à délivrer des visas. Certaines décisions sont arbitraires. Certains consulats opposent des refus systématiques, d’autres acceptent sans fondement objectif. Bref, tout le monde est mal à l’aise avec cette question, mais sans savoir quoi faire. Aujourd’hui, les termes de la question sont différents : faut-il faire reposer la décision sur l’ultime conviction de l’employé du consulat, ou utiliser, comme cela se fait dans douze autres pays européens, un moyen moderne de prouver une filiation ?

Je me suis posé la question. Et puis, je ne peux pas oublier le cas de cette jeune fille, entrée en France comme fille de l’homme dont elle est finalement devenue la deuxième ou la troisième épouse. Alors, oui, lorsque l’état civil du pays est défaillant, le recours aux tests génétiques pourra apporter un progrès.

Enfin, ces mêmes directeurs m’ont fait valoir que certains demandeurs avaient déjà proposé de se soumettre à cette recherche de preuves de filiation car ils savaient que cela se pratiquait dans plusieurs pays européens. Bien entendu, en l’état actuel de notre droit, il n’a pas été donné suite à leur initiative.

Au final, je suis favorable à cet amendement sous plusieurs conditions. D’abord, il est impératif que cela se passe sur la base du volontariat et que les demandeurs eux-mêmes le proposent…

Plusieurs députés UMP - C’est ce que dit l’amendement !

Mme Françoise Hostalier – Ensuite - et je me félicite que l’un des sous-amendements du Gouvernement semble le confirmer -, il est essentiel qu’après la délivrance du visa, aucun autre usage ne puisse être fait des résultats du test. Enfin, j’appelle l’attention du Gouvernement sur le coût de ces opérations, généralement évalué entre 200 et 500 euros.

J’ai cru entendre, Monsieur le ministre, qu’il était envisagé d’expérimenter le dispositif, notamment pour les ressortissants de pays qui le pratiquent déjà. Je suis favorable à cette démarche, de sorte qu’à l’issue d’une première phase d’expérimentation, le recours aux tests ADN soit évalué de manière systématique, et aménagé dans le cas où sa généralisation serait jugée opportune. Il doit rester possible d’y renoncer si l’expérience n’est pas concluante (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Très bien.

M. Bruno Le Roux – Sur ce sujet important, je vais m’efforcer d’adopter la même tonalité que Mme Hostalier car j’ai apprécié sa mesure, qui tranche avec la véhémence d’autres interventions. La représentation nationale a déjà eu l’occasion d’aborder la question délicate de l’usage des empreintes ADN, pas dans un texte sur l’immigration mais dans le très riche débat sur les lois de bioéthique, amorcé en 1992. Je n’étais pas député à l’époque…

Mme Françoise Hostalier – Moi, si.

M. Bruno Le Roux – Mais je sais que sur ces enjeux qui mettent en cause non pas des questions matérielles ou de bon sens, mais la réflexion d’ensemble que nous devons avoir, les uns et les autres, sur l’évolution de notre société et la manière de rester maîtres de l’avancée des connaissances scientifiques, des points d’accord ont pu se dégager qui dépassaient les clivages politiques traditionnels. Je souhaite donc que nous puissions avoir une discussion morale, sur les valeurs, afin de dire ensemble et de la manière la plus consensuelle possible, ce qui ne doit pas être fait.

Subir un test ADN n’est pas, mes chers collègues, un geste anodin. Pour ma part, je n’en ai jamais fait, comme du reste la très grande majorité des Français. En 1992, une étape essentielle a été franchie avec la décision de bien différencier les tests à usage strictement médical – visant, pour l’essentiel, à dépister la probabilité de survenue d’une pathologie – et les prises d’empreintes destinées à identifier un individu ou une filiation, lesquelles ne peuvent être pratiquées que sur saisine d’une autorité judiciaire.

L’amendement dont nous débattons porte une conception de la famille radicalement contraire à toutes nos valeurs. Et il en va de même du sous-amendement 268 du Gouvernement, qui vise explicitement à discriminer les migrants africains en confiant au pouvoir réglementaire le soin d’arrêter par décret la liste des pays concernés : on imagine bien que ne seront pas considérés comme des pays à état civil défaillant la Suède ou les États-Unis et que la démarche visera donc en priorité le continent africain.

J’ai été très touché par le cri du généticien Axel Kahn et je souscris à son analyse : pourquoi demander aux familles étrangères d’être de « vraies familles » par le sang alors que, dans nos propres approches, la famille n’a jamais été réduite à sa seule dimension biologique ? Notre droit est fondé sur la reconnaissance et l’on est donc libre d’élever des enfants qui ne sont pas les nôtres comme d’en adopter. Au reste, cette conception large et généreuse de la famille est largement partagée dans le monde, notamment dans les pays qui connaissent une émigration massive. Votre amendement, Monsieur le rapporteur, crée donc une discrimination injustifiée.

Et puis, pour qui légifère-t-on ? Pas même pour les 23 000 étrangers qui ont bénéficié d’un titre de séjour au titre du regroupement familial en 2005, mais, seulement, pour les 9 000 enfants ayant reçu un titre cette même année au titre du regroupement. Il s’agit donc de débusquer d’éventuels fraudeurs dans cet effectif très restreint de 9 000 personnes. Convenez qu’on est loin des hordes d’envahisseurs dénoncées par certains !

Enfin, ce débat met en jeu l’honneur des parlementaires que nous sommes. Réduire la filiation à sa seule composante biologique, c’est nier les liens d’amour qui se tissent au sein des familles, c’est laisser peu de place à l’approche du cœur. Est-ce honorable ? Je ne le crois pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Pensons à une mère de famille de quatre enfants dont les tests ADN révèleraient que l’un d’entre eux est un « bâtard », ce dernier ne pouvant donc pas bénéficier du regroupement pour ce seul motif : a-t-on mesuré toutes les conséquences d’une telle situation ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

À la base des principes universels de la République, il y a l’idée que l’on ne doit pas vouloir pour les autres ce que nous n’accepterions pas pour nous-mêmes. C’est à ce titre que nous refusons cet amendement indigne, de notre histoire comme de notre peuple (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme George Pau-Langevin – Introduire un tel amendement dans un projet de loi, c’est faire franchir à notre débat une étape bien particulière. On peut toujours discuter des aménagements techniques à apporter aux procédures ou des documents supplémentaires qui pourraient être exigés pour rendre les démarches plus sûres. Mais il est d’une toute autre nature d’exiger des familles étrangères des justifications que l’on n’oserait jamais demander à des familles françaises. Votre obsession du tri, du fichage et de la fraude vous aveugle au point d’oublier que l’on traite de situations humaines, concernant de vrais gens.

Et puis, certains arguments ne sont pas recevables. Il faudrait recourir aux tests ADN sous prétexte que cela est moderne, facile à mettre en œuvre et déjà pratiqué dans nombre de pays européens. Pour nous, la question n’est pas de savoir s’il faut suivre l’exemple de tel ou tel pour faire moderne, mais de vérifier que les valeurs de notre République nous autorisent à procéder de la sorte à l’égard d’autres êtres humains. Il faut se libérer du fantasme de la modernité à tout prix et regarder les situations avec humanité.

Au reste, durant le mois qui a précédé nos débats, M. le rapporteur s’est bien gardé de nous faire auditionner un représentant de l’un de ces pays qu’il cite aujourd’hui si volontiers, pour qu’il nous explique comment cela se passait et les problèmes que ces pratiques pouvaient soulever. Excellent spécialiste des questions d’immigration, M. Mariani a rendu un rapport aussi détaillé qu’instructif sur bien des points. Curieusement, s’agissant des empreintes génétiques destinées à vérifier la filiation, les indicateurs se font moins précis : en Allemagne, les tests seraient pratiqués sans fondement juridique ; en Autriche et en Belgique, il n’y serait recouru que dans des cas exceptionnels ; au Danemark, cela relèverait d’une simple pratique ; au Royaume Uni, il n’y a pas de texte… Bref, on ne peut pas dire que les peuples d’Europe ont admis cette pratique.

En outre, vous n’avez pas levé nos inquiétudes concernant le sort des femmes en cas de test négatif : ira-t-on jusqu’à les laisser encourir la lapidation pour avoir attenté à l’honneur de leur mari ? Envisage-t-on de laisser au pays l’enfant adultérin tout en faisant venir en France le reste de la famille ? Ce sont là des questions très graves, sur lesquelles vous devez nous éclairer.

Enfin, ayant été avocate, je répondrai à Mme Hostalier que l’inceste existe dans notre pays et qu’on ne l’empêchera pas, pas plus que les mariages avec des barbons, par l’instauration de tests ADN ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Julien Dray – Ce débat me rappelle celui que nous avions eu en 1996, à l’occasion de la révision des lois Pasqua par M. Debré, alors ministre de l’intérieur. Des députés emmenés par Mme Sauvaigo s’étaient livrés à une surenchère à propos des hordes d’immigrés qui s’apprêtaient à envahir la France. Le Gouvernement avait été débordé par sa majorité, qui avait proposé la mise en place de contrôles génétiques. Les mesures adoptées ont suscité une telle résistance dans le pays que quelques mois plus tard, il a fallu revenir dessus. Le sort électoral de ceux, tel M. Philibert, qui s’étaient prêtés à cette surenchère a d’ailleurs été funeste. D’autres qui n’étaient pas de gauche, et qui parfois ont occupé par la suite de hautes fonctions, avaient eu le courage de résister, et c’était tout à leur honneur.

On peut avoir beaucoup de débats sur les questions posées par l’immigration, mais on ne saurait déroger à certains principes. En réalité, ce à quoi nous assistons n’est pas un débat sur la maîtrise des flux migratoires, mais un débat interne à la majorité pour régler d’autres conflits. Mais il n’est pas acceptable que vous régliez vos propres conflits sur le dos des populations d’origine étrangère ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Pourquoi l’actuel Président de la République n’avait-il pas, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, introduit cette disposition dans ses projets de loi ? Parce qu’il savait très bien que ce serait adresser un message désastreux à l’ensemble des populations étrangères, et qu’en outre ce serait totalement inefficace ! Et pourquoi cette disposition n’a-t-elle pas été retenue par le Gouvernement dans le texte qu’il nous a soumis ? Pour les mêmes raisons. Monsieur le ministre, je vous reproche de ne pas nous livrer aujourd’hui votre conviction profonde.

Nous ne pouvons pas laisser la France émettre un signal aussi grave. La bataille que nous livrons ici aura lieu aussi dans le pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) ! Si vous voulez empêcher les inévitables dérapages, il faut retirer cet amendement !

M. Richard Mallié – Comme beaucoup de mes collègues l’ont fait, je voudrais citer un exemple – et il me concerne.

L’an dernier, je devais me rendre dans un pays d’Afrique avec un autre député et un fonctionnaire de l’Assemblée pour une mission. Une quinzaine de jours avant le départ, nous avons donné nos passeports pour obtenir des visas. Mais lorsque le fonctionnaire a voulu aller les chercher à l’ambassade, les passeports n’étaient plus là. Il nous a donc fallu partir avec des sauf-conduits signés de la plume de l’ambassadeur… Cinq mois plus tard, j’ai reçu un coup de téléphone du commissariat de police pour me signaler qu’on avait retrouvé mon passeport mais qu’il avait servi à commettre divers actes délictueux. Ce que je retiens de cette histoire, c’est que tous les pays n’ont pas un service des visas qui fonctionne correctement !

Quant aux tests ADN, ce sont des moyens scientifiques modernes, que nous proposons d’utiliser sur la base du volontariat. Il n’y a pas de honte à faire ce que d’autres pays européens font déjà.

M. Patrick Braouezec – Parfois, si !

M. Richard Mallié – Et pendant qu’on parle de cela, on ne parle pas des conflits au PS, Monsieur Dray…

M. Noël Mamère – Cet amendement nous pose un problème de conscience et un problème de droit.

Selon le code civil, la filiation n’est pas biologique, mais fondée sur la reconnaissance. La jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé cette conception de la famille. Mais notre rapporteur, dans une surenchère démagogique et populiste, est en train de porter un coup de poignard à cet état de droit. On l’a souligné à plusieurs reprises dans la presse, cet amendement réduit la famille à une entité biologique. Or, en 1994 et en 2004, l’accord s’est fait ici pour utiliser les tests à des fins judiciaires ou médicales, mais pas pour établir la filiation.

Cet amendement instaure donc une discrimination, une ségrégation entre les familles françaises soumises au code civil et les familles étrangères, et des conjoints de Français, soumis à un droit d’une autre nature. Peut-on l’accepter dans une société démocratique ? Il s’agit d’éviter la fraude, dites-vous, et de faciliter le regroupement familial. J’aurais plutôt tendance à rapprocher cette disposition d’autres mesures que des collègues de la majorité ont proposées naguère, pour introduire l’idée que la colonisation était un bienfait pour les colonisés. C’est la même vision de bien des pays d’Afrique. Vous nous dites qu’on y triche, qu’on ne peut pas vérifier l’état civil. Les anciens pays colonisés sont des pays de tricheurs, y compris – M. Mallié l’a raconté de façon presque obscène – autour de l’ambassade. Prétendre recourir aux tests d’ADN pour éviter la fraude aux documents, c’est pratiquement recourir à un chantage sur les demandeurs de ces pays, les pousser à recourir à ces tests.

Au nom de notre conscience, de la République, où le droit du sol prime le droit du sang et où la citoyenneté de résidence l’emporte, et où d’autres veulent venir parce qu’ils partagent nos valeurs et veulent échapper à la tyrannie et au sous-développement, je considère qu’accepter les tests génétiques, c’est une nouvelle humiliation et une nouvelle forme de colonisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié – Ne provoquez pas !

M. Jean Leonetti – Je voudrais intervenir avec la plus grande sincérité et en toute sérénité. Ce n’est pas ici un débat médiocre, et, au-delà d’un simple amendement, il nécessite une réflexion approfondie.

D’abord, est-ce une insulte que de dire que dans certains pays l’état civil est inexistant, l’administration bien moins développée que chez nous ? Pour y remédier, on essaye alors de demander une autre preuve de filiation, qui permettra le regroupement d’une famille. C’est juste, pragmatique et même généreux.

Mais dès lors, à quel type de preuve recourir ? S’agissant des tests génétiques, en 2004 nous avions eu un débat approfondi sur ce à quoi ils pouvaient servir. À la science ? Oui. À la justice ? Oui, dans un cadre strict. À la médecine ? Certainement. Encore faut-il que ce soit par un acte volontaire, libre et éclairé. Or nous allons devoir revenir dans peu de temps sur les lois de bioéthique. Et nous reposerons alors la question. Aussi sommes-nous un certain nombre à souhaiter qu’on ne prenne pas de décision définitive qui nous empêche, le moment venu, de poser un regard averti sur cette disposition.

Après tout, on y recourt dans douze pays démocratiques. Dès lors, comment considérer que c’est une infraction à la démocratie, une atteinte aux droits de l’homme ? N’est-ce pas plutôt – et, sur ce point seulement, je partage l’avis de Julien Dray – que la France n’est pas un pays comme les autres ? Les Pays-Bas, pays démocratique, pratiquent l’euthanasie, la Suisse, pays démocratique, reconnaît le suicide assisté ; la France n’a pas décidé d’aller dans ce sens. Sur le plan éthique, nous avons donc à nous interroger.

Ensuite, ce moyen qu’on veut donner aux migrants de faire reconnaître un droit, n’est-il pas à la marge de notre législation sur la paternité ? Qui est le père ? Le géniteur ou celui qui a fait d’un enfant un homme ? Dans la République, c’est celui qui a fait d’un enfant un citoyen français. Dans cette optique, si le test génétique a pour objet de faciliter la reconnaissance d’un droit, il peut être expérimenté ; s’il a pour objectif de limiter les droits de la personne, il devrait être écarté.

M. Patrick Braouezec – Belle démonstration !

M. Jean Leonetti – Enfin, je m’interroge sur les motivations du regroupement familial. Ce n’est pas la conception de la famille qui est ici en jeu, mais le fait qu’il s’agit de migrants économiques. Dès lors, le test vient ajouter une barrière à celles qui existent déjà. Et la vraie question que nous devons nous poser, c’est comment cette mesure, qui a été adoptée par douze démocraties, peut être utile aux migrants et non constituer pour eux un obstacle supplémentaire.

J’ai bien écouté le ministre, et aujourd’hui encore le Premier ministre. Mais tout bien débattu, le doute subsiste. Il faut donc peut-être expérimenter, non prendre une décision définitive. Et si on expérimente il faut aussi évaluer, non de façon interne au ministère, mais par un organisme indépendant : c’est un comité national d’éthique qui doit vérifier que cette mesure est bien dans l’intérêt du migrant, non un obstacle supplémentaire pour lui.

Dès lors, lorsque nous examinerons les lois de bioéthique, nous pourrons nous servir de cette évaluation pour voir si nous devons – ce n’est pas mon avis – accepter que les tests génétiques servent à autre chose que la médecine, la science, la justice, qu’à la défense de la personne, qui est l’élément essentiel de notre philosophie.

C’est pourquoi je le dis en toute amitié à Thierry Mariani, qui connaît parfaitement ces sujets et a une vision mondiale des réalités de l’immigration, cet amendement, initialement inacceptable à mes yeux, ne peut être envisagé que dans la mesure où il y aura évaluation indépendante, où il sera revu à la lumière des lois de bioéthique, où il ne fera pas peser la charge financière sur le migrant mais sur le pays d’accueil, où il permettra d’affirmer que les migrations sont aussi affaire de solidarité et qu’il y va de la mission de la France et des valeurs de la République (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du Nouveau centre et quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Serge Blisko – Je me range volontiers à ce qu’ont dit, avec des approches différentes, aussi bien M. Le Roux et M. Dray que M. Leonetti. Nous voyons bien qu’ici, le débat change de nature. Quand vous durcissez les conditions de ressources, nous disons que cet obstacle supplémentaire est injuste, rend les choses plus difficiles. Quand vous demandez des justificatifs supplémentaires, nous sommes contre, mais nous essayons d’adoucir la mesure par amendement. Nous sommes dans le rôle de l’opposition, face à une majorité qui impose sa loi.

Mais le débat qui nous occupe maintenant est de nature différente : vous mettez gravement en cause la tradition française et le travail formidable que droite et gauche ont accompli sur les lois de bioéthique pour, au fil des gouvernements et des majorités, aboutir à un consensus sur l’éthique française. Certes, les Pays-bas, pays démocratique, ont légalisé l’euthanasie active, et la Grande-Bretagne, autre démocratie, autorise les recherches sur les cellules souches. La France, elle, refuse de mettre la science au service de causes non scientifiques – sauf de manière très encadrée dans le domaine judiciaire.

À qui annoncera-t-on le résultats des tests ADN que vous envisagez ? Qu’en sera-t-il des femmes qui, victimes d’un viol, risqueront la lapidation pour avoir eu cet enfant illégitime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Que dire des enfants adoptés, y compris ceux de la kafala ?

M. le Rapporteur – Cela n’a rien à voir !

M. Serge Blisko – Ces tests ADN feront d’innombrables dégâts. J’ajoute pour finir que vous ne serez pas à l’abri de la fraude. Il existe aujourd’hui des sites internet qui, pour 199 euros, testent la filiation sur 19 régions chromosomiques, voire 23 pour un peu plus cher ! Tout cela est pourtant interdit en France, mais possible en ligne. Demain, les tests génétiques circuleront un peu partout. Comment pourrez-vous vérifier leur authenticité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Manuel Valls – Nous savons tous ici, malgré nos divergences, que la question des flux migratoires est essentielle dans le monde actuel…

M. Richard Mallié – Exactement !

M. Manuel Valls – …et qu’aucune solution miracle n’existe pour y répondre. Nous adhérons tous au principe de la maîtrise de ces flux. Hélas, cette question qui empoisonne notre vie politique depuis tant d’années a trop souvent été utilisée, de part et d’autre, à des fins politiciennes. Nous pouvons, nous devons continuer d’en débattre, même lorsqu’il s’agit de sujets complexes comme les quotas ou les statistiques d’origine.

Cependant, c’est à autre chose que nous avons à faire ici. Il y va de la vision de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains. M. Leonetti a justement rappelé les grandes lignes du débat bioéthique. Croire qu’un simple amendement résoudra cette question si vaste n’a aucun sens ; croire que de simples tests génétiques élimineront la fraude en a encore moins ! Mieux vaudrait consacrer nos efforts à aider les pays d’émigration, notamment à construire leur état civil, et redorer ainsi l’image qu’ils se font de la France !

Le code civil prévoit qu’un test génétique ne peut être effectué qu’à des fins scientifiques et sous réserve que la personne concernée ait donné son consentement écrit, préalable et révocable à tout instant. Il peut également être exigé dans le cadre d’une enquête judiciaire. L’adoption de l’amendement de M. Mariani assimilerait donc l’immigré à un malade ou à un délinquant.

M. le Rapporteur – Pas du tout !

M. Manuel Valls – C’est une proposition inacceptable, même à titre expérimental. Saisissez éventuellement le comité national d’éthique, mais ne légiférez pas ainsi dans la hâte, en dépit des principes du code civil, des lois de bioéthique et des valeurs de la République !

Oui, la France, au nom de laquelle nous parlons tous ici ce soir, porte un autre message, projette une autre image. Retirez cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jacques Myard – Voici quarante-huit heures que M. Mariani a déposé son amendement, et j’ai été depuis sollicité par plusieurs médias étrangers surpris de voir une telle mayonnaise prendre à son sujet.

M. Patrick Braouezec – La Révolution française aussi les a surpris !

M. Jacques Myard – Ils s’étonnent de ce qu’un simple moyen de preuve devienne une véritable calamité ! J’étais moi aussi, comme M. Valls ou M. Leonetti, très prudent lors de l’examen des lois de bioéthique, car ce sont en effet des sujets fondamentaux. Pour autant, il y a des limites au chantage à l’éthique ! Il ne s’agit pas ici d’imposer quoi que ce soit, mais d’ouvrir une simple possibilité. Et l’on vient nous parler d’image de la France… Un peu de modestie, chers collègues !

M. Julien Dray – La modestie n’est pas de mise lorsqu’il s’agit d’aimer la France !

M. Jacques Myard – On a entendu les mêmes arguments fallacieux lorsque nous débattions des empreintes digitales…

M. Gérard Bapt – Vous étiez déjà là ?

M. Jacques Myard – …puis sur l’introduction de photos sur les papiers d’identité. Je comprends le souci exprimé par mon collègue Leonetti, qui souhaite que l’on sache s’entourer de toutes les précautions nécessaires, mais je lui demande de ramener la disposition proposée à ses justes proportions : un moyen de preuve, et rien de plus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Julien Dray – M. Myard n’est plus souverainiste : il va chercher ses références en Angleterre !

M. Jacques Myard – Depuis le 18 juin 1940 ! (Exclamations et rires sur divers bancs)

M. Patrick Braouezec – Sur la forme, j’observe que cette proposition est apparue il y a 48 heures seulement… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – C’est inexact. L’amendement a été déposé il y a une semaine.

M. Patrick Braouezec – Soit. Le fait est que l’amendement porte sur un texte dont nous ne partageons pas la philosophie, car il y a des valeurs de droite et des valeurs de gauche, qui ne sont pas les mêmes. Cela étant, je considère, comme Mme Hostalier, qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un débat droite-gauche, mais d’un débat de conscience. Nous avons la responsabilité de ne pas mettre à mal le consensus ancien selon lequel les dispositions d’ordre éthique sont adoptées à l’unanimité. C’est peu de dire que je partage les préoccupations exprimées par Jean Leonetti. Jusqu’à présent, les textes portant sur des questions morales étaient mûrement préparés ; pourquoi ne pas inviter le Comité national d’éthique à se prononcer au lieu de légiférer dans la précipitation et donc dans les pires conditions ? Écoutons les personnalités éminentes qui parlent de ce texte comme d’une bombe, Axel Kahn au premier chef… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano – Il n’a aucune légitimité politique !

M. Patrick Braouezec – Cela ne vous a pas empêchés de le citer en d’autres occasions ! Je ne veux pas la polémique (Exclamations sur les mêmes bancs), je demande seulement que l’on écoute les chercheurs, dont Alain Trautmann, qui parlent de cette disposition en des termes identiques et qui s’effrayent de son effet. Elle suscite une rupture dans l’hémicycle, elle en susciterait une autre dans la société française.

À notre collègue Myard, dont j’ai écouté les arguments avec attention, je souhaite faire observer qu’au plus, ce sont 300 enfants à la filiation incertaine qui arrivent chaque année sur notre territoire (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP). Cela justifie-t-il les drames que peuvent provoquer les conclusions de tests ADN ? (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. Jacques Myard – Ne me faites pas la morale !

M. Patrick Braouezec – L’exemple personnel d’un être cher me permet de vous dire quel traumatisme c’est d’apprendre, quand on a quatorze ans, que celle que l’on croyait être sa mère est en réalité sa tante, et vice-versa – car, il y a quatre-vingt-deux ans, il ne faisait pas bon être fille-mère… Rendez-vous compte de ce que ces tests vont provoquer dans certaines familles, des drames dont cet amendement aux conséquences irréfléchies sera le responsable. Je vous en conjure, ne votez pas cette disposition. En votant le reste du texte après avoir repoussé cet amendement, vous ne vous déjugerez pas – au contraire, vous vous grandirez (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Pierre Dufau – Le débat auquel donne lieu cet amendement, introduit récemment et dans l’impréparation, montre que la réflexion doit être largement approfondie, sur tous les bancs, pour en mesurer l’exact impact. Le rapporteur a beau parler de « liberté », je n’ai pas le sentiment que cette prétendue liberté laisse quelque choix que ce soit, et ce n’est pas aborder la question sous le bon angle que de stigmatiser ainsi ceux que l’on considère comme des fraudeurs potentiels. Qui peut être certain de sa filiation réelle ? Quelles seront les conséquences des conclusions, parfois inattendues, de ces tests pour les enfants concernés ? S’il est vrai que la faible fiabilité de l’état civil de certains pays pose problème, la solution que vous choisissez n’est pas la plus adaptée. Le Gouvernement ne l’avait d’ailleurs pas envisagée dans le texte initial et, si l’on en croit la presse, le ministre ne lui apportait pas, il y a quelques jours encore, un soutien fervent. Mais les choses ont évolué et, au lieu de s’en remettre comme on aurait pu l’espérer à la sagesse de l’Assemblée, le Gouvernement s’apprête à présent à assortir cette proposition d’origine parlementaire de diverses conditions. Comment pourrait-on se satisfaire d’un tel pis-aller ? C’est le principe qui est en cause, et non ses modalités d’application ! Cette disposition présentée dans la précipitation, sans que la nécessaire réflexion éthique ait eu lieu, ne peut être adoptée. Qu’adviendra-t-il, par exemple, des orphelins dont les oncles et tantes se sentent entièrement responsables ? Ce type de « rupture » serait dommageable pour l’image de la France.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Dufau – Puisque nous devons rediscuter de bioéthique en 2010, mettons ce délai à profit pour réfléchir à ces questions, écoutons Axel Kahn et Albert Jacquard, et n’oublions pas que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Mme Sandrine Mazetier – Pendant la campagne des législatives, le Premier ministre nous a accusés de ne pas « oser aimer la France », puis, dans son discours de politique générale, il a convoqué le « génie français ». Eh bien, prenons cet amendement pour ce qu’il est, étranger au génie français et à la tradition républicaine.

À la différence de beaucoup, qui laissent les scientifiques innover en toute liberté, notre pays légifère sur la bioéthique. Ici, la science ne se suffit pas à elle-même, l’éthique délimite les domaines que la connaissance humaine peut défricher. Les lois bioéthiques – qui ont fait l’unanimité sur ces bancs – ont justement, dans leur grande sagesse, déterminé strictement les domaines dans lesquels on peut faire appel aux tests ADN.

La France se distingue aussi par sa vision originale de la famille, pas forcément composée d’un père et d’une mère officiels ou d’enfants légitimes. C’est ainsi qu’au plus haut sommet de l’État, on a pu voir une enfant née hors mariage assister aux obsèques de son père ou une famille recomposée fouler le tapis rouge du Palais de l’Élysée (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Voilà ce qui fait le génie français. Monsieur le ministre de l’identité nationale, penchez-vous donc sur notre histoire et notre présent ! N’insultez pas la France, rejetez l’amendement Mariani ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Plusieurs députés UMP - C’est honteux !

Mme Nadine Morano – La majorité, exprimée par des voix diverses, comme celle de M. Leonetti, est parvenue à montrer qu’il existait des points de convergence. Mais l’opposition s’est distinguée par son monolithisme et il me vient à l’esprit la citation de votre Madone – que vous avez tendance à brûler – : « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » ! S’agissant de l’immigration, vous êtes constamment dans l’excès. Cela va de la régularisation massive, privant les immigrés de conditions d’existence dignes…

Mme George Pau-Langevin – Cela n’a rien à voir !

M. Julien Dray – Vous avez gouverné cinq ans ce pays !

Mme Nadine Morano – Du fait de votre politique, à quoi assiste-t-on ? Des enfants vivent dans des squats, y meurent brûlés, comme le 26 août 2005 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Patrick Braouezec – Vous détournez le débat sciemment !

Mme Nadine Morano – Pour notre part, nous avons décidé de prendre « à bras-le-cœur » le problème de l’immigration, afin de retrouver la dignité de l’accueil et un équilibre entre immigration économique et immigration familiale…

Mme George Pau-Langevin – Ce n’est pas le sujet !

Mme Nadine Morano – Vous vous égarez entre la bombe, évoquée par M. Braouezec, la conscience de M. Mamère ou la morale de M. Dray. Pourtant, notre excellent rapporteur M. Mariani…

M. Manuel Valls – Il aurait mérité un portefeuille !

Mme Nadine Morano – …ne fait que proposer un outil supplémentaire pour accélérer les procédures, sur la base du volontariat. Mais vous vous perdez dans des débats abyssaux, quand nous ne pensons qu’à permettre à des familles séparées de se retrouver plus rapidement !

Mme George Pau-Langevin – Non, vous perpétuez cette séparation !

Mme Nadine Morano – C’est le cas de cette femme, cité dans la presse, qui, depuis cinq ans, ne parvient pas à faire venir ses enfants à cause d’un état civil défaillant. Cet amendement est bien plus humaniste que vous ne le croyez, puisqu’il permettra de mettre un terme à l’attente de familles séparées.

Tentons l’expérimentation, dressons un bilan. Mais vous ne voulez même pas essayer, préférant vous cantonner à des excès insupportables aux yeux des Français. Ne comprenez-vous donc pas que c’est une telle attitude qui vous fait perdre tant d’élections ?

M. Julien Dray – Vous avez obtenu ce siège de justesse !

M. Pierre-Alain Muet – De ce côté-ci de l’hémicycle, nous sommes profondément choqués. Mais certains à droite, se montrent embarrassés, à l’image du Gouvernement, qui a déposé pas moins de quatre sous-amendements.

Toutefois, s’ils atténuent cet amendement, ils n’en changent pas le fond, inacceptable à plusieurs titres. Il est contraire à l’esprit des lois de bioéthique qui ont circonscrit les tests ADN aux recherches scientifiques et à certaines procédures judiciaires. Par ailleurs, cet amendement remet en cause le concept même de filiation. Dans notre pays, lorsqu’un père vient déclarer la naissance de son enfant, il ne se munit pas d’un test ADN. Pourquoi faire une différence entre les enfants nés en France et les enfants nés à l’étranger ? Et au nom de quels principes écarterait-on les enfants adoptés ou les enfants issus de familles recomposées ? Avez-vous mesuré les ravages sur les familles que provoquerait une généralisation des tests ADN ?

Cet amendement intervient après une longue litanie de textes qui, depuis 2002, ont visé à réduire les droits des immigrés, notamment au regroupement familial. Cela est d’autant plus choquant que pour un immigré plongé dans la solitude et l’angoisse de l’exil, la famille est souvent un réconfort. Plutôt que de chercher à atténuer cet amendement indigne de notre pays, le Gouvernement s’honorerait à le rejeter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Mme Chantal Brunel – Après les propos forts de nos collègues Leonetti, Dray et Valls, je veux dire pourquoi je voterai cet amendement. Le dispositif proposé constituera certainement un moyen de venir en France pour les plus démunis, qui ne peuvent s’offrir les services de filières d’immigration mafieuses. Il permettra aussi d’éviter que des personnes fassent passer pour leur enfant légitime des jeunes filles qu’ils cèderont ensuite à des réseaux de prostitution. Cette disposition, limitée, pourra être ainsi utile à quelques-uns.

M. Daniel Garrigue – Reconnaissons que l’évolution des sciences du vivant justifierait que l’on réexamine les lois de bioéthique plus souvent !

Je crains surtout qu’en se drapant dans les principes, on aboutisse à jouer contre ceux que l’on prétend défendre. Dans un certain nombre de pays où les états civils sont presque inexistants, nos services consulaires, à juste titre, ne donnent pas suite et laissent s’écouler des délais considérables. Nous avons tous eu connaissance, dans nos permanences, de ces cas douloureux où les personnes, pourtant de bonne foi, ne voient pas leur dossier aboutir, faute de preuves. Cet amendement permettra de débloquer de telles situations.

Bien sûr, il faut veiller à ce que le test ne devienne pas le seul élément qui puisse être invoqué. Cette réserve mise à part, je rappelle que la plupart des autres pays européens l’ont adopté. Les Pays-Bas, que je sache, ont démontré pendant la dernière guerre au moins autant de sens des libertés et du respect des personnes que la France ! Certains débats sont donc déplacés. Donner un nouveau moyen de preuve permettra de débloquer des situations difficiles et douloureuses (Applaudissements sur certaines bancs du groupe UMP).

M. Étienne Pinte – Le recours au test génétique est très strictement encadré par la loi française, et est placé sous le contrôle des juges lorsqu’il est question de filiation. Cette responsabilité n’a jamais été confiée à une administration. Les innombrables réflexions et discussions qui ont accompagné les lois de 1994 et de 2004 ont permis de dégager une position unanime, sur un sujet pourtant extrêmement complexe. Cela n’a pas été, et de loin, une tâche facile pour le législateur. Ce n’est donc pas parce que douze pays permettent les tests génétiques que nous devons jouer les moutons de Panurge. Même des pays voisins peuvent avoir des cultures, des éthiques différentes, et je ne vois pas pourquoi nous ne trouverions pas notre propre voie.

Certains des pays qui ont été cités pratiquent ces recherches sans aucun dispositif législatif, et donc sans protection pour les citoyens. D’autres les appliquent à leurs propres ressortissants comme aux candidats à l’immigration. La pratique est donc variable et souvent trop peu protectrice des personnes. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter une telle disposition, qui remet en cause l’esprit comme la lettre de notre droit, par le biais d’un amendement à un texte sur l’immigration. Cela ne peut être fait que dans le cadre d’une réflexion approfondie sur les règles de la filiation.

Comme vous l’avez proposé, Monsieur le ministre, il faut prendre le temps de la réflexion. Il faut approfondir la question, bien trop grave pour légiférer à la va-vite. Vous avez proposé la création d’un comité ad hoc, mais le comité national d’éthique est tout indiqué pour réfléchir à la question et proposer des pistes de réformes, que nous pourrions tester par une expérimentation suivie d’une évaluation. C’est à lui qu’il faut confier le soin de trancher nos débats (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Mme Delphine Batho – La majorité nous assure que seuls ceux qui le veulent subiront le test, mais Mme Morano explique que cela accélérera leur dossier : les autres seront donc désavantagés. Quant à M. Mariani, tout emporté par sa démonstration, il a dit une fois que leur choix n’aurait aucune conséquence et une autre que ceux qui ne feraient pas le test n’auraient pas de visa.

M. le Rapporteur – Je n’ai pas dit cela !

Mme Delphine Batho – À quoi bon pratiquer un test, s’il ne démontre rien ? S’il ne permet pas de distinguer ceux qui doivent obtenir un visa des autres ? Il ne s’agit donc pas d’une faculté, mais bien d’une règle nouvelle.

Laissez-moi citer l’article 16-13 du code civil : « Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques. » Trier des candidats au regroupement familial en vertu de caractéristiques génétiques, qui établissent ou non une filiation biologique avec le demandeur, est une discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques. Quant à notre définition de la filiation, je rappelle que le code Napoléon, qui distinguait entre enfants légitimes et naturels, n’est plus en vigueur sur ce point, et que le législateur a abouti, de loi en loi, à reconnaître une égalité totale des enfants au regard de leur filiation, qu’elle soit biologique ou non, dans le cadre du mariage ou non, fondée sur la génétique ou non – une égalité inscrite dans une ordonnance de 2005, signée d’un certain Pascal Clément ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Dominique Raimbourg – Indépendamment des questions de principe, qui ont été largement évoquées, il faut savoir si la mesure que vous proposez est adaptée aux objectifs que vous visez. Or, il me semble que non. D’abord, nous n’avons aucune idée de l’ampleur de la fraude. S’il ne s’agit véritablement que de neuf mille enfants, dont un grand nombre qui ne posent aucun problème, cette législation extrêmement complexe et sujette à caution ne servira à régler que peu de cas. Ensuite, on entend beaucoup parler des douze pays qui ont adopté cette mesure, mais nous n’avons pas étudié leur pratique réelle. Par ailleurs, la question du coût n’est pas réglée : qui va payer le test ADN, ou avancer les frais ? Est-il possible aux ressortissants d’un pays très pauvre d’avancer 200, 300 ou 400 euros ? On ne sait pas non plus quels sont les laboratoires qui vont opérer les tests, ni d’ailleurs qui va effectuer les prélèvements, qui doivent respecter une procédure scientifique. Y aura-t-il des personnes agréées, et par qui ? Le ministre, avec une grande honnêteté intellectuelle, a indiqué qu’il était dans l’impossibilité de délivrer certains visas dans les délais. Si les consuls sont en outre chargés d’agréer laboratoires et préleveurs…

Par ailleurs, il est à craindre que la fraude ne se déplace des documents d’état civil aux prélèvements : il n’est pas impossible, avec des complicités, de substituer une personne à une autre. Rien de ceci n’est réglé, pas plus que vous n’apportez de réponse à ce qu’il faut bien appeler les dégâts collatéraux. On sait que trois à huit pour cent des enfants français ont une paternité différente de celle de leur état civil. Votre dispositif va causer des situations extrêmement douloureuses, et le principe du volontariat n’y change rien : que vont bien pouvoir dire les femmes qui savent que le père biologique de leur enfant est un autre pour refuser le test ? Enfin, quelle image allons-nous donner en établissant une liste de pays fraudeurs ? Comment maintenir des relations diplomatiques et commerciales calmes et sereines avec eux ?

Du point de vue de la simple logique donc, cette mesure constitue un outil inadapté. La sagesse serait de retirer cet amendement et de réfléchir à d’autres moyens de combattre la fraude pour trancher ultérieurement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. Serge Letchimy – Monsieur le président, je vous remercie d’avoir laissé tout le monde s’exprimer sur ce sujet. C’est un grave problème de conscience qui est posé, et je suis sûr que chacun est mal à l’aise, en proie à des doutes légitimes. Il n’y a pas si longtemps que l’Assemblée reconnaissait les aspects positifs de la colonisation, dans ce que j’ai appelé, à Fort-de-France, la loi de la honte. J’ai mobilisé toute la Martinique pour, avec les Algériens, faire reculer cette affirmation niant l’esclavage et les destructions, qui a été retirée par le président Chirac. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que, comme alors, nous ne prenons pas la mesure de ce qui est soumis à notre vote. Mais nous nous prononcerons tous en conscience, sur un problème d’éthique et non de politique.

Alors, permettez-moi de revenir à l’éthique après la brillante intervention de notre collègue Raimbourg, pour inviter notre rapporteur à méditer cette exhortation d’Aimé Césaire aux « nègres » victimes de discriminations : « Du fond de la fosse, un pas, puis un autre pas, et tenir chaque pas gagné ». Je vous le dis très respectueusement, Monsieur le ministre et Monsieur le rapporteur, vous dont je perçois le malaise : évitez que la France ne redescende au fond de la fosse au moment où elle commence enfin à s’extirper de l’abîme. Vous ne pouvez pas écrire des choses et dire le contraire en séance. Vous parlez de volontariat…

M. le Rapporteur – Tout à fait.

M. Serge Letchimy – Mais c’est un leurre ! Le fait déclencheur du test, ce n’est pas la volonté de l’enfant ou de la mère, c’est le doute – qualifié dans le texte de « sérieux » – de l’agent diplomatique ou consulaire qui instruira le dossier. Peut-on croire que le demandeur sera en situation de refuser de se soumettre au test si l’agent consulaire le lui propose à cause des doutes que lui inspire le dossier ?

Et puis, M. Blisko l’a dit, il ne faudra pas un seul test – réalisé dans le pays de résidence, avec les risques de trafic qui s’y attachent – mais deux, puisqu’il faudra bien comparer l’ADN recueilli avec celui du parent accueillant.

À travers ce texte, l’objectif est quantitatif : il s’agit de réduire le nombre d’arrivants comme l’on diminue celui des enseignants. Le problème, c’est que l’on ne peut pas régler des situations humaines de cette façon et prendre le risque de stigmatiser un continent entier, car votre projet vise en priorité les populations africaines. Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer cet amendement (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean Mallot – Le moment est grave. Jusqu’à présent, nous avons discuté d’un ensemble de dispositifs compliqués visant à édifier une véritable usine à gaz pour décourager les migrants de faire valoir leur droit au regroupement familial. Nous sommes convaincus que ces lourdeurs administratives, en fin de compte, auront pour seul effet de développer l’immigration clandestine que l’on prétend combattre.

Avec l’amendement Mariani, repris et habillé par le Gouvernement, on franchit une nouvelle étape. On se souvient que M. Sarkozy avait, au cours de la campagne présidentielle, tenu certains propos sur le caractère génétique de certaines déviances et que M. Hortefeux n’avait pas hésité à monter en première ligne pour flatter l’électorat du Front national. Dans le droit fil de ces positionnements, l’amendement du rapporteur tend à assimiler l’immigré à un délinquant potentiel. Et même s’il est proposé de recourir à des méthodes sophistiquées, l’initiative est vivement critiquée au sein même de la majorité, le sénateur honoraire Claude Huriet ayant fait part de son opposition catégorique à l’amendement Mariani.

Aussi avons-nous été un peu surpris d’entendre hier le rapporteur citer un article du Monde pour trouver des justifications a posteriori à sa démarche hasardeuse : l’amendement, finalement, ne viserait qu’à faciliter le regroupement familial en accélérant le traitement de certains dossiers incertains. Permettez-nous d’exprimer les plus grands doutes sur vos intentions réelles, sur la faisabilité technique du dispositif et sur ses effets pervers.

Cela nous conduit à demander que cet amendement soit réexaminé en commission, sur la base de ce qui a été dit ce soir. Cela permettrait aussi à la majorité de se mettre enfin d’accord sur une position commune, entre les apprentis sorciers, les pousse-au-crime, les courageux qui tiennent bon et ceux qui s’apprêtent à avoir mauvaise conscience une fois l’amendement voté !

Enfin, je salue la cohérence de l’approche de M. Mariani, puisqu’il proposera d’insérer après l’article 18 un article additionnel destiné à permettre de recueillir des données faisant apparaître les origines raciales ou ethniques, pour les besoins d’études ayant pour finalité de mesurer la diversité des origines des personnes. Par glissement progressif, vous vous affranchissez des valeurs de la République que vous prétendez faire apprendre aux immigrés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marylise Lebranchu – Il y a, dans l’hémicycle, des moments de vérité, et je crois pouvoir dire que nous sommes en train d’en vivre un. Cet amendement suscite bien des interrogations et un certain malaise. Posée depuis longtemps, la question n’avait jamais franchi le seuil de l’hémicycle : c’est désormais chose faite. Il y a quelque temps, en effet, que l’on se demande s’il ne serait pas finalement plus simple de substituer aux empreintes digitales les empreintes génétiques. Lorsque j’étais garde des sceaux, la question était déjà évoquée et j’avais alors perçu la différence de nature fondamentale entre les deux traces : alors que l’empreinte digitale n’appartient qu’à une personne, la signature génétique met son détenteur en relation avec ses origines, dessine une filiation et retrace une histoire personnelle qui ouvre la voie à tous les rapprochements possibles.

M. Serge Blisko – Absolument !

Mme Marylise Lebranchu – Et je suis dès lors convaincue qu’il faut absolument faire obstacle à l’utilisation des empreintes génétiques par l’autorité administrative. Aujourd’hui, les tests ADN ne sont utilisés que dans des situations graves – viols, enlèvements, contentieux de la filiation – et sous le strict contrôle de l’autorité judiciaire. Il me semble plus sage de ne pas s’aventurer dans une voie dont on ne peut mesurer par avance toutes les conséquences. Si l’on admet l’hypothèse qu’une autorité administrative puisse utiliser des empreintes ADN, qui les stockera ?

M. le Rapporteur – Elles ne seront pas conservées.

Mme Marylise Lebranchu – Alors, il faut faire un amendement pour préciser les modalités de leur destruction.

Au plan humain, qu’adviendra-t-il si le test révèle des situations qui ne peuvent que fragiliser l’équilibre familial ? Mme Morano a évoqué la détresse de cette femme qui souffre de ne pas pouvoir faire venir ses enfants. Il y a un moyen simple d’y remédier : faisons-lui confiance et laissons-là accueillir sur notre sol ceux qu’elle considère de toute façon comme ses enfants ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme Nadine Morano – Allons, vous savez bien qu’il y a des abus.

Mme Marylise Lebranchu – Dans ce cas, reconnaissez que votre texte est essentiellement défensif et que l’objectif est d’instaurer un climat de défiance générale. Mais réfléchissez bien à ce que vous faites et n’esquivez pas les questions de fond : l’empreinte génétique n’appartient pas à la seule personne qui en est porteuse dans la mesure où elle témoigne aussi de toute son histoire personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Nicolas Perruchot – J’ai beaucoup apprécié la manière dont M. Leonetti a posé le débat, et je le remercie d’avoir su prendre la hauteur nécessaire.

Nous sommes tous amenés à constater les défaillances de l’état civil dans certaines régions du monde, particulièrement en Afrique. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut éviter la fraude organisée, dont les premières victimes sont les plus démunis. Nous sommes tous favorables à la transparence, sur le regroupement familial comme sur d’autres sujets. Et l’arrivée de quatre sous-amendements conduit plusieurs de mes collègues du Nouveau centre, jusqu’alors dubitatifs, à soutenir cet amendement. Voilà pour le fond.

Sur la forme, il y a beaucoup à dire. Nous sommes nombreux à avoir été surpris par le dépôt de cet amendement, qui dans mon souvenir ne correspond pas à un engagement présidentiel précis. De plus, le débat sur ce point occulte tout le reste, ce qui est fort dommage car ce projet contient beaucoup d’éléments positifs, dont certains ont reçu le soutien de collègues de l’opposition. On ne peut aller jusqu’à dire que cela met en difficulté le Gouvernement, mais cela sème le trouble : on a vu M. Kouchner, puis M. Hirsch, prendre leurs distances.

Lorsque nous allons regagner nos circonscriptions, quel message allons-nous adresser à nos concitoyens ? Allons-nous expliquer que nous avons voté cet amendement pour donner un droit nouveau, ou allons-nous dire, comme M. Soisson tout à l’heure, que ce texte vise à limiter le regroupement familial ? La majorité est troublée par cette ambiguïté ; si l’amendement a pour ambition de limiter le regroupement familial, il faut le dire. En tout cas, il divise le groupe du Nouveau centre en trois – un tiers en faveur de l’abstention, un tiers pour l’amendement et un tiers contre. Pour ma part, je ne le voterai pas.

M. le Ministre – J’ai souhaité entendre les arguments de chacun des vingt-cinq orateurs qui se sont succédé, le rapporteur ayant eu raison de dire qu’il ne devait pas y avoir de sujet tabou ou de débat interdit. Je regrette que certains aient employé à son égard des qualificatifs déplacés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et je rappelle que des amendements identiques ont été déposés par M. Diard, par M. Mallié, par M. Goasguen, ainsi que par Mme Brunel et M. Joyandet.

De quoi s’agit-il ? Non de pratiquer on ne sait quel fichage génétique, mais simplement de permettre à une personne, si elle le veut, de recourir à une technologie moderne pour apporter une preuve de sa filiation lorsque les documents d’État ne le permettent pas.

Certains nous ont dit : ce n’est pas parce que douze pays proches du nôtre se sont engagés dans cette voie qu’il faut faire pareil. Mais l’argument n’est-il pas réversible ? Sommes-nous toujours, nous Français, les meilleurs, les plus humains, les plus respectueux des droits, et les autres ne peuvent-ils que recevoir de nous des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Adopter ce dispositif, ne serait-ce pas aussi aller dans le sens de l’harmonisation européenne ? Pourquoi faudrait-il écarter d’un revers de main ce qui est pratiqué par les travaillistes britanniques, les socialistes espagnols, la gauche italienne ou la grande coalition allemande ?

Chaque année, des milliers de personnes ne peuvent entrer en France parce qu’elles ne parviennent pas à prouver leur lien de filiation, faute de disposer d’un document d’état civil fiable. La France aide d’ailleurs un certain nombre de pays à améliorer leurs services de l’état civil. Nous ne pouvons fermer les yeux sur le fait que, comme l’a souligné le rapport du sénateur Gouteyron, dans certains pays 30 à 80 % des documents sont frauduleux ; ces défaillances d’État pénalisent les demandeurs de bonne foi.

Dans certains cas, la situation de ces personnes est réellement dramatique. Je pense aux réfugiés politiques, dont la famille est bien souvent dans l’incapacité de prouver le lien de parenté. Mais le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans une note de mai 2007, constate que « les tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen d’établir les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial ».

Il n’est en aucun cas envisagé d’obliger quelqu’un à faire un test ADN pou obtenir son visa. L’amendement ne fait que définir une faculté.

Ensuite, le fait que le père ou la mère prenne l’initiative d’un test génétique n’a aucune incidence pour les enfants adoptés dans des conditions régulières : ils continueront, comme c’est le cas actuellement, à pouvoir entrer en France si les actes d’état civil sont probants.

Enfin, il n’est aucunement question de pratiquer un fichage génétique.

Cela dit, il est vrai que l’amendement, pour être acceptable, doit s’accompagner de garanties assurant le volontariat des intéressés et une mise en œuvre progressive et transparente. C’est l’objet des sous-amendements que propose le Gouvernement.

Le sous-amendement 266 est très important. Il dispose que c’est à l’initiative du demandeur de visa ou de son représentant légal que le test est utilisé, et avec pour seul objet d’établir la filiation ; le consentement des personnes concernées doit expressément être recueilli au préalable.

Le sous-amendement 267 règle la question du coût, qui est de 80 à 150 euros par test. Il nous paraît logique de le rembourser quand le visa est accordé, car il n’est nullement dans notre intention de créer un obstacle financier.

M. Bruno Le Roux – Pour le parent comme pour l’enfant ?

M. le Ministre – Au Danemark, en Finlande et en Norvège, l’État assume ce coût ; en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, il reste à la charge du demandeur. La Suède le rembourse si le test apporte bien la preuve recherchée. C’est cette solution d’équilibre que nous avons choisie.

Le sous-amendement 288 dispose que le test génétique sera expérimenté d’abord dans quelques pays, avant sa généralisation. C’est ainsi que nous avons procédé pour la biométrie, en équipant d’abord quelques consulats ; il y en avait 29 à la fin 2006, il y en aura 69 à la fin de cette année, tous le seront en 2008. Nous pourrons tirer profit de l’expérience de nos partenaires européens dans certains pays, et aller ainsi vers une harmonisation.

Enfin, c’est en pensant à M. Leonetti, qui a su non seulement nous intéresser, mais nous émouvoir, que je propose un sous-amendement 274 pour tenir compte de la nécessité d’une évaluation. Le Parlement sera donc éclairé par un rapport établi non par le Gouvernement, mais par une commission composée de deux députés, deux sénateurs, le vice-président du Conseil d’État, le premier Président de la Cour de cassation, le président du comité consultatif d’éthique et deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre, et qui rendra ses conclusions en 2010.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement souhaite vous proposer une démarche simple, compréhensible, progressive, transparente, protectrice, contrôlée et évaluée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Sur chacun des sous-amendements et sur l’amendement 36, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

M. Manuel Valls – Face à cette avalanche de sous-amendements, nous souhaitons une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 0 heure 10 le jeudi 20 septembre est reprise à 0 heure 20.

M. le Président – Nous en venons au sous-amendement 266 du Gouvernement, que M. le ministre a défendu, comme les suivants, dans son intervention liminaire.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

Mme George Pau-Langevin – Chacun a pu constater le malaise qui se répand sur tous les bancs, malgré les efforts consentis par M. le ministre pour redonner à l’objet non identifié dont nous discutons une allure juridique un peu plus acceptable. Toutes ces accommodations seront pourtant inutiles face à la prétention vicieuse qu’il y a à vouloir soumettre l’entrée en France à la génétique. Ce n’est qu’en proie à un péril immense et imminent que l’on peut se résoudre à mettre sous le boisseau la lumière de nos valeurs. Il ne s’agit ici que de se débarrasser de quelques malheureux enfants que leurs familles veulent retrouver. Est-ce pour les en empêcher que vous ferez fi des principes qui fondent notre société ? Voilà un acte bien disproportionné au regard de ces quelques cas de regroupement familial. Vous allez mettre en marche une mécanique infernale que vous ne saurez pas arrêter. Comprenez-le enfin : il n’y aura pas de libre consentement à se soumettre au test, puisque la délivrance du visa en dépendra. Le demandeur, de fait, n’aura pas le choix !

M. Richard Mallié – Il n’est pas obligé de faire sa demande…

M. Patrick Braouezec – M. le ministre lui-même, auteur de nombreux sous-amendements, sait que l’amendement de M. Mariani est inacceptable. En soulevant une question éthique, une question de conscience, il nous met tous dans une situation difficile.

Il manque d’ailleurs un sous-amendement à votre série, Monsieur le ministre : celui qui préciserait le sort des tests une fois utilisés. En l’état, rien ne dit qu’ils ne peuvent pas être réutilisés ! J’ajoute que de tels tests seront peut-être un encouragement à contester plus souvent la fiabilité de documents d’état civil.

Mettez-vous un instant à la place de ces personnes qui devront s’y soumettre. Quant à moi, j’hésiterais ! Songez aux enfants et aux femmes dont ils pourront briser la vie !

Enfin, les pays où la fiabilité des documents fait défaut ne sont pas si nombreux. Ne serait-il pas plus efficace – et plus économique – de les aider à mettre sur pied un service d’état civil fiable et compétent, plutôt que d’avoir recours à une traçabilité honteuse ? Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce sous-amendement.

À la majorité de 83 voix contre 50 sur 137 votants et 133 suffrages exprimés, le sous-amendement 266 est adopté.

M. le Président – Nous examinons maintenant le sous-amendement 267.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. Noël Mamère – L’amendement comme les sous-amendements sont inacceptables, car ils vont faire de l’exception la règle. Certes, le ministre a fait preuve d’une certaine ouverture en nous présentant quelques aménagements de la mesure. Hélas, nul ne saurait bricoler avec des valeurs aussi essentielles ! Il ne s’agit que d’une humiliation de plus pour ces damnés de la Terre, et nous la refusons !

M. Jean-Pierre Soisson – Je suis défavorable à la prise en charge des tests par l’État.

Des douze pays européens qui se sont engagés dans cette voie, trois au plus ont décidé le remboursement. Pour ce qui nous concerne, j’y suis opposé, car l’État ne pouvant rembourser sans pièces justificatives, les tests ne seraient plus anonymes. Par ailleurs, les crédits destinés à cette dépense n’étant pas définis, je comprends mal comment la mesure proposée pourra être appliquée.

M. Patrick Braouezec – Vous avez parfaitement raison, Monsieur Soisson, et il ne faut donc pas voter l’amendement !

M. Jean-Pierre Soisson – Sur le plan politique, j’accepte le principe du test ADN et je vais donc dans votre sens, Monsieur le ministre, qui n’est pas celui d’hier, mais il faut s’en tenir là.

À la majorité de 79 voix contre 54 sur 139 votants et 133 suffrages exprimés, le sous-amendement 267 est adopté.

M. le Président – Le sous-amendement 28 a été défendu par le Gouvernement.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

Mme Delphine Batho – Pour d’autres tests, par exemple ceux qui sont effectués dans des affaires de délinquance, les modalités de prélèvements et de conservation des données sont très précisément fixées. On nous explique que les tests pratiqués en vue du regroupement familial ne donneront pas lieu à un fichage, mais il n’est dit nulle part que les données ne seront pas conservées, précision qui serait pourtant très bienvenue. De même, l’article 4 de la loi de bioéthique encadre strictement l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne qui, s’agissant du fichier national des empreintes génétiques, « ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique », sa finalité devant être expressément précisée. Enfin, le rapport relatif à l’application de la LOLF par la chancellerie indique que, faute de moyens humains et de ressources suffisantes, les officiers de police judiciaire se trouvent dans l’incapacité de faire procéder aux actes techniques, et notamment aux prélèvements d’ADN chez les délinquants sexuels, prévus par les textes. Le même rapport dit aussi qu’en raison de ce manque de moyens, la justice n’a pas encore achevé l’enregistrement dans le fichier national des empreintes génétiques de l’identité ADN des délinquants sexuels incarcérés. Aussi, plutôt que de dépenser des sommes considérables pour pratiquer des tests sur des enfants qui aspirent au regroupement familial, mieux vaudrait consacrer ces moyens à lutter conter la délinquance.

À la majorité de 88 voix contre 45 sur 139 votants et 133 suffrages exprimés, le sous-amendement 268 est adopté.

M. le Président – Le sous-amendement 274 a également été défendu par le Gouvernement.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. Manuel Valls – L’amendement 36, dans sa version finale, symbolisera le bricolage auquel vous avez dû vous livrer pour trouver une solution politique acceptable par toutes les composantes de la majorité, sans répondre ni à la question de principe ni aux questions précises qui vous ont été posées sur les modalités d’application de l’amendement du rapporteur dans le cadre de cette expérimentation. Vous avez essayé de trouver un accord impossible entre les principes que nous avons défendus et l’amendement de M. Mariani, contre lequel nous voterons, au terme d’un débat sur un thème essentiel qui aurait pu donner lieu à une discussion ouverte. Votre démarche tient de la fuite en avant, et vous le paierez cher (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

À la majorité de 88 voix contre 46 sur 140 votants et 134 suffrages exprimés, le sous-amendement 274 est adopté.

À la majorité de 91 voix contre 45 sur 142 votants et 136 suffrages exprimés, l’amendement 36, ainsi sous-amendé, est adopté.

La séance, suspendue à 0 heure 35, est reprise à 0 heure 40, sous la présidence de M. Le Fur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 194 est défendu.

L'amendement 194, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Étienne Pinte – Lorsqu’un conjoint de Français est admis au séjour en France, la loi prévoit que les victimes de violences conjugales ne peuvent obtenir le renouvellement de leur titre de séjour que si elles ont elles-mêmes mis fin à la communauté de vie. Par l’amendement 127, je propose de modifier cette situation pour que le renouvellement soit également possible lorsque c’est l’auteur des violences qui prend l’initiative de la séparation.

L'amendement 127, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 195 est défendu.

L'amendement 195, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Étienne Pinte – Actuellement, aucune disposition n’est prévue pour protéger les victimes de violences conjugales lorsque les violences et la séparation interviennent avant la délivrance du premier titre de séjour. Mon amendement 128 rectifié vise à remédier à cette situation.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 242 propose aussi de délivrer le premier titre de séjour aux femmes étrangères, mariées à un Français ou venues dans le cadre du regroupement familial, victimes de violences conjugales.

M. le Rapporteur – Avis favorable à l’amendement 128 rectifié et défavorable à l’amendement 242, qui procède du même esprit, mais dont le caractère est automatique.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 128 rectifié, mis aux voix, est adopté. L’amendement 242 tombe.

M. Yves Jego – L’amendement 72 vise à créer une carte de résident permanent, comme s’y était engagé le Président de la République. Cela permettra de soulager l’administration et de simplifier la vie de ceux qui aspirent à rester longtemps en France.

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 141 procède du même esprit.

M. le Ministre – L’amendement 263 vise à créer une carte de résident permanent, de durée illimitée, délivrée aux étrangers qui en font la demande, sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’ils satisfassent à la condition d’intégration républicaine. Cette carte facilitera la vie des étrangers qui séjournent depuis longtemps en France et qui ont accompli un parcours d’intégration exemplaire.

M. le Rapporteur – Avis favorable à l’amendement 263, et défavorable aux amendements 72 et 141, dont la rédaction est moins précise.

Les amendements 72 et 141 sont retirés.

L'amendement 263, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 196 est défendu.

L'amendement 196, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – Nous cherchons à pallier les effets de la rigueur manifestée à l’égard des étrangers. L’administration a tendance à tirer très rapidement les conséquences de l’introduction d’une demande de divorce. Toutefois, un couple peut traverser une crise et reprendre ensuite une vie commune. L’amendement 197 propose donc que le séjour ne puisse être interrompu qu’une fois le jugement de divorce rendu.

L'amendement 197, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L’ART.6

M. le Rapporteur – L’amendement 37 vise à informer systématiquement les demandeurs d’asile, auxquels l’administration a opposé une décision administrative de refus d’entrée sur le territoire français, du droit de contester la légalité de celle-ci en introduisant un recours suspensif.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Serge Blisko – Nous voterons cet amendement, en regrettant toutefois la brièveté du délai. Mais nous reviendrons sur cette question.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

ART.6

Mme Françoise Hostalier – Cet article permet d’adapter notre législation aux recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme après l’arrêt Gebremedhin c.France du 26 avril dernier. Il s’agit de permettre à l’étranger s’étant vu opposer un refus à sa demande d’entrée sur le territoire national de faire un recours au fond et pas seulement sur la procédure.

Toutefois, la définition des délais « objectifs » continue de poser problème. Pour ne pas risquer une nouvelle condamnation, je propose que le délai de 24 heures prévu pour le dépôt du recours, soit porté à 48 heures.

Par ailleurs, je m’interroge sur l’audience par communication audiovisuelle. Certes, elle permet un gain de temps, mais, dans le cadre spécifique des demandes d’asile, formulées par des personnes fragiles, dont le passé est douloureux et la maîtrise du français peu assurée, le contact direct, plus humain, est indispensable. Cette technique risque en outre d’être une source d’angoisse supplémentaire pour l’étranger qui joue à quitte ou double. Je souhaiterais qu’une évaluation de cette nouvelle pratique puisse être réalisée, particulièrement au regard de l’égalité des droits.

M. Jean-Paul Lecoq – L’article 6, loin de viser l’application de la Convention relative au statut des réfugiés, constitue un recul et remet substantiellement en cause l’effectivité du droit d’asile. Notre amendement 150 vise donc à supprimer cet article.

Le Gouvernement se limite en effet aux seules demandes d’asile à la frontière. Pourtant, la directive « Procédures » – que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007 – prévoit dans son article 39 que les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit de recours effectif devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d’asile. Cet article, combiné à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 avril 2007, fait que devraient être instaurés des recours suspensifs.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’article 6 apporte de nouvelles garanties aux étrangers et doit, à ce titre, être maintenu.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 150, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 38 rectifié vise à améliorer la transposition en droit interne de la jurisprudence Gebremedhin résultant d’un arrêt du 26 avril de la Cour européenne des droits d’homme. C’était déjà l’objet de l’article 6, mais le principe du référé liberté suspensif, approuvé par les juges administratifs, n’est pas jugé suffisant par les magistrats judiciaires. Afin que la nouvelle procédure ne soit immédiatement privée de sa portée par la jurisprudence judiciaire, je propose de permettre au demandeur d’obtenir, le cas échéant, l’annulation de la décision de refus d’entrée, au moyen d’un recours au fond exclusif de tout autre. Cet amendement important réécrit presque entièrement l’article.

M. le Ministre – Cet amendement prend acte de l’évolution de la jurisprudence. Le Gouvernement y est favorable.

M. Noël Mamère – Le sous-amendement 142 propose de porter le délai de 24 à 96 heures. La modification que vous proposez est censée répondre à la condamnation de la CEDH, mais il va sans dire qu’il est presque impossible pour un demandeur d’asile d’exercer son recours en 24 heures, compte tenu de la barrière de la langue, du stress et de l’ensemble des conditions de sa venue en France. Cette disposition, en retrait par rapport à la convention de Genève sur les réfugiés, se situe en fait dans la droite ligne de vos positions : souvenons-nous des restrictions au droit d’asile proposées par M. de Villepin, ou des barrières posées par M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur…

Les conditions dans lesquelles peut agir le juge administratif sont draconiennes. Je rappelle que dans cette affaire, la requête de M. Gebremedhin avait été rejetée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise mais qu’il s’était finalement vu reconnaître la qualité de réfugié par l’OFPRA après avoir été admis sur notre territoire sur injonction des juges européens. C’est faire preuve de simple humanité que de laisser le temps nécessaire pour exercer le recours. D’ailleurs, les personnes qui ont vécu plusieurs années dans notre pays et que vous voulez expulser ont déjà droit à 48 heures. Un délai de 96 heures pour les demandeurs d’asile semble tout à fait convenable.

M. Serge Blisko – Il est évident que le droit d’asile doit être mieux protégé, et je trouve navrant que ce que vous présentez comme une avancée soit dû à une – nouvelle – condamnation de la France par la CEDH. D’autre part, il est quelque peu désagréable de s’entendre dire comment légiférer sous peine d’être une nouvelle fois condamnés.

Sur le fond, il est clair qu’un délai de 24 heures est beaucoup trop court. On sait que les audiences sont des moments difficiles, sans compter l’étape de la traduction, et que le référé liberté est d’une grande complexité. Par ailleurs, il faut pouvoir individualiser les recours, afin que les juges administratifs ne se voient pas présenter des séries de requêtes identiques dont ne changeraient que le nom du demandeur et son pays d’origine.

Pour que le droit que vous proclamez soit effectif, notre sous-amendement 219 propose de porter le délai à deux jours ouvrables, ce qui permet de résoudre le problème du dimanche, où l’on ne trouve pas de traducteur et où il faut convoquer le juge de permanence, dans des conditions qui ne favorisent pas une justice sereine.

M. Étienne Pinte – Le sous-amendement 78 va dans le même sens. Enfermer le référé dans un délai aussi bref ne permet pas au demandeur d’exposer son argumentation juridique, alors qu’il n’y a pas de permanence d’avocats dans les zones d'attente. Seuls les bénévoles de l'ANAFE assistent les étrangers, mais ils sont absents en soirée et en fin de semaine. Un délai de deux jours rendrait plus aisé le recours aux services d’un juriste et d’un interprète pour mieux faire valoir le risque qu’encourt le demandeur à retourner dans son pays d’origine. Il ne sert à rien que le recours soit suspensif si la loi fixe un délai intenable.

Mme Françoise Hostalier – Le sous-amendement 111, identique, est défendu.

M. le Rapporteur – La commission est défavorable à ces sous-amendements. Le quadruplement du délai de recours conduirait à pouvoir maintenir les étrangers en zone d’attente durant 25 jours, ce qui me paraît excessif. Un délai de 24 heures est suffisant pour saisir le juge dans le cadre d’une procédure d’urgence, d’autant que le refus d’entrer est assorti d’une information en ce sens.

L’opposition nous reproche souvent les lois qui s’accumulent, mais dans le cas présent, il faut saluer la rapidité du Gouvernement : la condamnation date de fin avril, et il nous présente déjà des dispositions législatives pour y remédier. Raison de plus prouvant que cette loi était indispensable.

M. le Ministre – Même avis. Merci de souligner que le texte permet de régulariser cette situation. Par ailleurs, M. Blisko a évoqué des difficultés pratiques bien réelles. À cette occasion, je voudrais adresser un coup de chapeau à la Croix Rouge, qui fait un gros effort de présence et d’écoute – même lorsque les membres de l’ANAFE ne sont pas là, le dimanche par exemple.

Le sous-amendement 142, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 219, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les sous-amendements 78 et 111, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Le sous-amendement 114 vise à allonger le délai accordé au juge pour examiner le recours en annulation déposé par un étranger placé en zone d’attente contre le refus de son admission au titre de l’asile. Un délai de 48 heures semble trop bref pour se prononcer sereinement au fond. Un délai de 72 heures paraît mieux adapté. C’est d’ailleurs celui qui a été retenu pour le recours en annulation de l’obligation de quitter le territoire français déposé par les étrangers placés en centre de rétention administrative. Adopter ce sous-amendement améliorerait donc l’homogénéité du dispositif.

Le sous-amendement 114, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – Le sous-amendement 223 est défendu.

Le sous-amendement 223, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 38 rectifié indique qu’« aucun autre recours ne pourra être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile. » Il me paraît utile de préciser que les voies de recours contre la décision prise par le juge administratif sont celles du droit commun. C’est l’objet du sous-amendement 112 : ce qui va sans dire va mieux en le disant.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement Même avis

Mme Françoise Hostalier – Mais pourquoi ?

Le sous-amendement 112, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko – Le sous-amendement 215 introduit une référence, pour le déroulement de l’audience, à l’article L. 522-1 du CJA car nous sommes très inquiets de la disparition du commissaire du gouvernement, fonctionnaire indépendant chargé de dire le droit applicable et d’éclairer la décision du juge.

M. le Rapporteur – Défavorable. L’intervention du commissaire du gouvernement à l’audience n’est pas exigée par la CEDH et risquerait de l’allonger à l’excès alors que le contentieux des étrangers représente déjà une charge très lourde pour les tribunaux administratifs. En outre, cette non présence est même demandée par le SJA.

M. le Secrétaire d'État – Même avis.

Le sous-amendement 215, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – Le sous-amendement 143 rectifié tend à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’amendement. Le demandeur d'asile doit pouvoir jouir de toutes les garanties d'une procédure équitable, en tout temps et en toutes circonstances. Or ces alinéas ne garantissent pas des audiences où les conditions des procédures équitables seront respectées.

Il n'est pas suffisant que le demandeur d'asile soit informé dans une langue qu'il comprend pour exercer son droit à l'opposition à la visioconférence. Il existe en effet un vrai renversement, car le point de départ est la présomption de l'accord du demandeur. Le principe selon lequel l'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent et en présence du juge se trouve bafoué par la présomption de l'accord du demandeur d'asile. Plus qu’à protéger ce dernier, cet article vise plutôt à restreindre sa possibilité d’exercer un recours effectif et d’autres droits.

M. le Rapporteur – Rejet. Le recours à la visioconférence ou à la délocalisation des audiences dans les zones d’attente permet d’éviter des déplacements pénibles et coûteux. Cela ne porte pas atteinte aux droits de l’étranger qui se trouvent intégralement maintenus.

M. le Secrétaire d'État – Défavorable.

Mme George Pau-Langevin – Ces audiences par vidéo nous semblent inacceptables. On a vu, dans un procès récent très médiatisé où un témoin a comparu à distance, que le dialogue s’établissait difficilement. Qu’en sera-t-il pour des étrangers qui ne maîtrisent pas notre langue et sont souvent traumatisés par une situation personnelle extrêmement fragile ? Ce n’est pas un service à rendre à notre justice que de s’engouffrer dans de telles innovations techniques.

M. Noël Mamère – J’abonde dans le sens de Mme Pau-Langevin. Les arguments du rapporteur montrent bien que rien n’est fait pour que justice soit rendue dans de bonnes conditions. L’équité commande qu’un dialogue d’homme à homme puisse s’établir, afin que les demandeurs, souvent très vulnérables, puissent présenter leurs arguments dans un climat apaisé.

Le sous-amendement 143 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko – Les sous-amendements 216 et 217 sont défendus.

Les sous-amendements 216 et 217, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Serge Blisko – Le sous-amendement 218 vise à revenir sur la forme dégradée de rendre la justice que constitue à nos yeux la tenue des audiences par visioconférence. L’audience doit se tenir dans les locaux du tribunal administratif, être publique et se dérouler en présence de l’intéressé dûment convoqué, assisté de son conseil. Nos collègues Pau-Langevin et Mamère ont eu raison d’insister sur les aspects subjectifs liés au stress ou à la barrière de la langue ; il faut tenir compte aussi des problèmes techniques liés à la réalisation de la visioconférence. Par le jeu des plans de coupe ou des difficultés de liaison, le dialogue ne s’établit souvent qu’avec difficulté et il ne se crée pas un climat psychologique propice à un bon déroulement de l’audience. N’étant pas mises en présence les unes des autres, les parties ne communiquent pas directement. Or l’asile représente un enjeu trop important pour être traité de manière expéditive. Souvent, les demandeurs ont à faire part d’expériences intimes, de situations de torture ou de persécutions qui ne peuvent pas être décrites par le truchement d’une visioconférence. Le médium est trop froid et nous éloigne à l’excès de l’idéal de la justice de proximité.

Le sous-amendement 218, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je rappelle que dans cette série de sous-amendements à l’amendement 38 rectifié, seul le sous-amendement 114 a été adopté.

L'amendement 38 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté, et l’article 6 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 6

M. le Rapporteur – L’amendement 39 vise à simplifier la procédure applicable pendant la phase administrative du maintien en zone d’attente. Actuellement, l’administration peut prononcer le maintien en zone d’attente, par décision écrite et motivée, pour une durée maximale de 48 heures, et ce maintien peut être renouvelé dans les mêmes conditions. En vue de simplifier la procédure, il est proposé, sans allonger aucunement la durée globale du maintien en zone d’attente, d’autoriser d’emblée l’administration à décider de maintenir l’étranger en zone d’attente pour une durée maximale de quatre jours.

M. le Secrétaire d'État – Avis très favorable.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 151 vise à supprimer cet article. Pour les demandeurs d’asile et les migrants, de très nombreuses procédures de référé liberté sont rejetées par simple ordonnance, sans que les intéressés n’aient été audiencés. De telles pratiques contreviennent aux exigences de la CEDH, laquelle garantit le droit d’exercer un recours effectif. L’effectivité du recours devrait prévaloir pendant toute la durée de la procédure et non pas seulement en première instance.

M. le Rapporteur – Défavorable. L’article 7 doit être maintenu. Il ne concerne pas le recours contre le refus d’entrée au titre de l’asile mais seulement la prorogation d’office du maintien en zone d’attente de l’étranger qui a déposé son recours tardivement.

M. le Secrétaire d'État – Même avis que la commission.

L'amendement 151 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 40 vise à permettre au juge des libertés et de la détention de prolonger, pour une nouvelle période de huit jours, le maintien en zone d’attente lorsque l’étranger s’est délibérément opposé à son rapatriement. Cela concerne principalement les refus de monter dans l’avion.

M. le Secrétaire d'État – Favorable.

Mme George Pau-Langevin – À mesure qu’avance la discussion, on aggrave le texte initial et nous pouvons constater que le rapporteur est contraint de remanier avec une certaine fébrilité des dispositifs essentiels. Cela témoigne d’une improvisation d’autant plus inquiétante qu’il s’agit toujours de charger la barque au détriment des étrangers. Cela n’est pas acceptable.

M. Serge Blisko – Il devient en effet extrêmement difficile de se faire une idée claire de ce qui est proposé. L’ensemble du texte ne vise qu’à rendre ineffectif le droit d’asile, suite à la déconvenue de l’arrêt Gebremedhin. Je désapprouve formellement ces improvisations successives, faites pour coincer les demandeurs d’asile en les maintenant en zone d’attente de plus en plus longtemps alors que l’on pourrait aller beaucoup plus vite.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 41 est de précision.

L'amendement 41, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Mon amendement 68 est de coordination. Il fait l’objet d’un sous-amendement 113 de M. Philippe Cochet, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. le Secrétaire d'État – Même position.

M. Noël Mamère – L’heure avançant, vous voulez aller très vite, mais les demandeurs d’asile en font les frais : amendement après amendement, par des dispositions que vous présentez comme purement techniques, vous faites disparaître les garanties dont ils devraient pouvoir bénéficier. Pour vous, en effet, ce sont des indésirables !

Le sous-amendement 113, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 68 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Jean-Paul Lecoq – Notre amendement 152 tend à supprimer cet article, qui remet en cause l’effectivité du droit d’asile. Avec ce texte, incompatible avec la Convention relative au statut des réfugiés, la France viole ses obligations internationales.

L'amendement 152, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 42 est rédactionnel.

L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 est ainsi rédigé.

ART. 9

Mme Françoise Hostalier – Je me réjouis de la clarification du rôle de l’ex-commission de recours des réfugiés ; l’appellation « cour nationale du droit d’asile » me paraîtrait la meilleure. Nous prenons acte, Monsieur le ministre, de votre volonté de rendre indépendante cette instance, mais cela devra se concrétiser dans la loi de finances.

S’agissant de l’OFPRA, la nomination d’un député européen me paraît une excellente chose car il est urgent d’accélérer l’harmonisation de la délivrance des visas dans l’Union européenne.

Mme Chantal Berthelot – Je voulais intervenir sur l’article 15, mais mon avion devant décoller dans six heures, je me suis inscrite sur cet article.

La Guyane est historiquement une terre d’accueil, et pas seulement pour les immigrés. Elle a accueilli la France, elle a accueilli le bagne, la base spatiale, et elle vient d’accueillir le plus grand parc national, le parc amazonien. L’immigration n’est pas en elle-même dramatique pour les Guyanais ; ce qui est dramatique, c’est l’amalgame entre l’immigration et l’insécurité dont nous souffrons. Des moyens nous ont été promis, nous les attendons…

J’avais proposé un amendement, qui a été écarté, pour défendre les services de l’État. En effet jusqu’à présent, aucun contrat d’accueil et d’intégration n’a été signé en Guyane ; la loi de 2006 n’y est toujours pas applicable.

Quant au regroupement familial, qui est la première condition de l’intégration, non seulement il doit être facilité, mais il doit être considéré comme un geste d’accueil.

Enfin, Monsieur le ministre, la situation géopolitique de la Guyane vous donne tout loisir pour expérimenter le codéveloppement – seule façon de permettre aux gens de rester sur leur territoire.

M. Noël Mamère – Cet article place l’OFPRA sous la tutelle du ministère de l’immigration, lequel a été chargé de mettre en œuvre la politique de « l’immigration choisie ». L’asile, en effet, c’est la quintessence de l’immigration « subie ». Du fait des textes précédemment adoptés, il était déjà largement moribond en France, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’Union européenne.

Ce changement de tutelle a au moins le mérite de tordre le cou à la légende de l’indépendance de l’OFPRA. En réalité, l’affaire était entendue depuis longtemps puisqu’en 1993, M. Pasqua, prenant prétexte de la transposition de la Convention de Dublin, avait astreint les demandeurs d’asile à l’obligation d’obtenir une autorisation de séjour auprès des préfectures… Cet article ne fera que rendre claire une situation qu’il ne changera guère, tant le ministère de l’intérieur a déjà assis son autorité sur l’asile.

M. Serge Blisko – Cet article introduit un profond changement car demain, si ce funeste projet devient loi, l’OFPRA sera rattaché au ministère de l’immigration. N’y voyez pas une attaque personnelle, Monsieur le ministre, mais cette innovation nous préoccupe.

C’est d’abord pour une raison de principe : le droit d’asile a un caractère très particulier. Tous les gouvernements craignent d’en être victime – M. Rocard le fut en sont temps – et d’être contraints par une crise internationale à en augmenter les effectifs. Or aujourd’hui, avec la perspective du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, que se passera-t-il en cas de crise politique grave, pour ne rien dire de la crise climatique ?

C’est aussi pour une autre raison de fond : l’OFPRA, qui a eu des moyens, travaille bien. Je rends hommage aux officiers de protection qui assument leur tâche dans des conditions parfois éprouvantes, y compris sur le plan humain, et dans un cadre fixé en 1952 quand il y avait peu de demandeurs, presque tous issus des pays de l’Est. Au-delà des moyens, il leur faut connaître de façon fine les pays d’où proviennent les demandes – il s’agit parfois d’un État démocratique. Les notions de protection subsidiaire, d’autorité non étatique, de pays sûr, traduisent la complexité de leur tâche. Dès lors, les mettre sous la tutelle d’un ministère qui se met tout juste en place et ne possède pas encore cette connaissance fine est une mauvaise chose. Les liens ne seront peut-être pas coupés, mais du moins distendus avec le ministère des affaires étrangères. Peu à peu, ils s’affaibliront encore – jusqu’au jour où l’on se demandera s’il ne faut pas rétablir la tutelle de ce dernier. L’asile, en effet, est une affaire régalienne, pas une affaire de police.

M. Étienne Pinte – Représentant l’Assemblée au conseil d’administration de l’OFPRA, je veux à mon tour rendre hommage aux officiers de protection. Le Gouvernement a consenti des efforts importants pour en augmenter le nombre, et on a pu ainsi « déstocker » les dossiers, qui sont passés de 100 000 il y a quelques années à 20 000 en 2005 et 14 000 en 2006. Le stock étant en grande partie régulé, il est normal que les effectifs diminuent. Mais le Gouvernement a conscience, j’en suis certain, qu’en cas d’afflux de réfugiés, il faudrait y consacrer les moyens nécessaires. Ce travail est réellement très difficile. Par exemple, les agents de l’OFPRA s’interrogent sur la notion de pays sûr. Récemment, l’office et la commission de recours ont refusé l’asile à un tamoul du Sri Lanka qui, de retour chez lui, a été assassiné quelques mois plus tard. De même, je m’étonne qu’on n’ait pas accédé à la demande de la famille du petit Ivan, dont la mère était tchétchène, et à laquelle le ministre a accordé un droit de séjour.

Encore une fois, rendons hommage au travail remarquable des officiers de protection et des magistrats de la commission de recours pour conserver à la France son image de pays des droits de l’homme.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 153 de suppression est défendu.

M. Serge Blisko – L’amendement 222 a le même objet.

Les amendements identiques 153 et 222, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 43 rectifié vise à ajouter un député européen aux membres du conseil d’administration de l’OFPRA.

L'amendement 43 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 251 tombe.

M. Serge Blisko – Notre amendement 221 rectifié vise à porter à deux députés et deux sénateurs le nombre de parlementaires siégeant au conseil d’administration de l’OPFRA, ce qui permettrait de donner une représentation à l’opposition comme à la majorité.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Défavorable.

M. Étienne Pinte – Ce serait pourtant utile pour assurer une représentation parlementaire lorsque mon collègue sénateur ou moi-même ne pouvons être présents.

L'amendement 221 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 44 est rédactionnel.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 257 est défendu.

L'amendement 257, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. le Rapporteur – L’amendement 45 rectifié – et l’amendement 56 rectifié identique présenté par M. Cochet – transforment la commission des recours des réfugiés en cour nationale du droit d’asile. En effet, la dénomination actuelle ne reflète pas son caractère de juridiction indépendante, qui devrait avoir prochainement son autonomie budgétaire. D’autre part, parler de « réfugiés » est ambiguë puisque les demandeurs d’asile n’ont pas encore ce statut lorsqu’ils saisissent cette instance. Son président approuve le changement proposé.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Serge Blisko – Le groupe socialiste ne peut que soutenir ces amendements tant l’ancienne dénomination était ambiguë, de même qu’il est préférable d’appeler demandeurs d’asile les personnes qui saisiront cette juridiction essentielle.

Néanmoins, pour que le droit d’asile soit effectif, il faudrait que la future CNDA, actuelle CRR, dispose de meilleurs moyens matériels. M. Goasguen nous décrivait en commission les conditions ubuesques dans lesquelles elle travaille. Et vous lui avez supprimé 125 postes l’an dernier ! S’il faut se féliciter du raccourcissement des délais d’instruction par l’OFPRA, les dossiers s’entassent en revanche à la CRR, qui manque de magistrats capables de présider des audiences longues et pénibles. Ce sympathique changement de nom ne suffit donc pas : il faut plus de moyens !

M. Étienne Pinte – En effet, ces excellents amendements lèvent toute ambiguïté sur ce qu’est vraiment la CRR : une cour, et non une commission. L’accord de l’ensemble de cette juridiction importait d’ailleurs plus que celui du seul président.

Les amendements identiques 45 rectifié et 56 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

Mme George Pau-Langevin – Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 2 heures 5, est reprise à 2 heures 10.

M. le Rapporteur – L’amendement 69 vise à réduire à quinze jours le délai autorisé pour introduire un recours devant la CRR lorsque la demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA, comme c’est le cas ailleurs en Europe. Le délai actuel d’un mois allonge les procédures et nuit au bon accueil des demandeurs d’asile.

M. le Secrétaire d'État - Sagesse.

M. Noël Mamère – Le Gouvernement a raison de ne pas se déclarer favorable à cet amendement qui, sous son allure technique, est en fait de nature très politique, car il réduira davantage les faibles droits de recours des demandeurs d’asile. Vous ne pouvez marchander sur ce délai, souvent crucial. Le Parlement avait d’ailleurs déjà voté contre une telle mesure en 2006. Le droit de recours est garanti par la Convention européenne des droits de l’homme ; cette mesure le remet en cause.

M. le ministre de l’asile nous disait hier vouloir faire respecter la tradition d’accueil de notre pays et conforter les demandeurs dans leur procédure. J’espère que l’Assemblée aura cette sagesse, comme vous l’y invitez !

M. Serge Blisko – Un droit n’est rien s’il n’est pas effectif. Or, ce droit inaliénable hier encore ne sera plus applicable demain. En effet, le délai en question comprend le temps d’acheminement au greffe – souvent quelques jours – soit un peu moins d’un mois, sans compter qu’il ne s’agit pas d’arriver une minute en retard !

M. le Rapporteur – C’est toujours comme cela, pour les élections comme pour les trains.

M. Serge Blisko – Par ailleurs, le recours ne consiste pas en une simple lettre : il faut étoffer le dossier refusé par l’OFPRA. Il arrive que des pièces nouvelles doivent être fournies, par exemple pour attester la réalité des mauvais traitements subis. Pour les rassembler et les faire traduire, il faut du temps. Autant dire que cette mesure, présentée comme de bon sens, est bien plutôt une chausse-trape, un guet-apens pour ceux qui veulent introduire un recours. Restons-en au délai actuel d’un mois – la loyauté voudrait même que ce délai commence au moment où la lettre informant de la décision de première instance de l’OFPRA est reçue, le cachet de la poste faisant foi.

M. Éric Ciotti – Le groupe UMP est très favorable à cet amendement. La France se caractérise par sa tradition d’accueil des persécutés. Cette vocation doit être réaffirmée, et les dispositions de ce texte y contribuent en renforçant son intangibilité, à laquelle nous sommes, comme vous, attachés. Encore faut-il que les demandes d’asile ne soient pas détournées de leur objet. Or, la procédure est devenue, on le sait, un vecteur d’immigration. Grâce aux mesures adoptées depuis 2003, le délai d’instruction des demandes d’asile est passé de vingt mois à quatorze mois en 2006. La France est le pays européen dont la législation en matière d’accueil est la plus généreuse. Nous nous en réjouissons, mais il faut tendre à l’harmonisation ; en Grande-Bretagne, le délai de recours est fixé à dix jours ; personne ne prétendra que cela en fait un pays au régime liberticide. L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’asile…

M. Patrick Braouezec – Vous semblez la regretter…

M. Éric Ciotti – Du tout, c’est une bonne chose, mais cela aura pour effet mécanique d’accroître le nombre de recours, et d’effacer de ce fait le raccourcissement du délai d’instruction des demandes que l’action du précédent ministre de l’intérieur a rendu possible. C’est une autre raison qui nous fait approuver la proposition des rapporteurs.

M. Étienne Pinte – Je suis très défavorable à cet amendement, qui remet en cause l’un des fondements du droit d’asile. À l’heure actuelle, le délai de quinze jours est insuffisant. Peut-être ne le sera-t-il plus après l’entrée en vigueur de l’aide juridictionnelle, mais nous n’y sommes pas encore, et le fait que les délais d’instruction des demandes aient été réduits à quatorze mois devrait inciter à la prudence. Puis-je vous rappeler la procédure ? Après que l’OFPRA a rejeté une demande d’asile, le demandeur doit prendre connaissance de cette décision, et beaucoup habitent en province. Il leur faudra ensuite trouver un avocat, rédiger un recours et, pour les non francophones, trouver un interprète. On peut, certes, faire référence aux dispositions en vigueur dans d’autres pays, mais la Déclaration des droits de l’homme de 1789 a été rédigée en France, et nulle part ailleurs ! L’asile est une tradition qui fait honneur à notre pays, et cette disposition, qui a suscité la stupeur et l’indignation du Haut Commissariat pour les réfugiés, lui porte une atteinte grave. À Villeurbanne, vous avez, Monsieur le ministre, visité le centre de transit de l’association Forum réfugiés dirigée par mon ami Olivier Brachet : vous avez dit qu’il n’était pas question de « faire du chiffre » à propos des réfugiés et que vous respecteriez le droit d’asile et protégeriez les réfugiés. Ce serait pourtant un très mauvais signe que de réduire à quinze jours le délai de recours.

M. Patrick Braouezec – M. Pinte est votre Jiminy Cricket, Messieurs…

L'amendement 69, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – C’est catastrophique !

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 136 est retiré.

M. Serge Blisko – La procédure prioritaire est une procédure d’examen accéléré de la demande d’asile. En cas de rejet de leur demande par l’OFPRA, les personnes concernées peuvent former un recours devant la CRR mais ce recours n’est pas suspensif. Par l’amendement 258, nous plaidons en faveur d’un recours suspensif. Cette procédure particulière vaut pour les étrangers provenant de l’un des pays portés sur la liste des pays dits « sûrs » et la réponse que leur fait l’OFPRA est, de ce fait, le plus souvent négative. Or, bon nombre des pays prétendument sûrs le sont si peu que la commission de recours a réformé 700 des mille refus qui avaient été formulés de cette manière… Si nous insistons sur la nécessité d’un recours suspensif, c’est que l’on ne peut juger une demande d’asile si le demandeur n’est pas présent sur le territoire national. En privant les personnes dont la demande d’asile est examinée en procédure prioritaire de recours suspensif, la législation actuelle laisse perdurer leur renvoi vers des pays dans lesquels elles courent les plus grands risques, cependant que la commission des recours, celle-là même qui a réformé plus des deux tiers des refus d’asile opposés dans ce cadre, est juridiquement dans l’impossibilité d’examiner leur cas. Le problème est réel.

L'amendement 258, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 10

M. Patrick Braouezec – Au lieu de viser l’application de la Convention relative au statut des réfugiés, cet article constitue en lui-même un recul car il remet substantiellement en cause l'effectivité du droit d’asile, ce qui justifie en soi sa suppression. C’est l’objet de l’amendement 154.

L'amendement 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. Philippe Goujon – Par l’amendement 81, nous proposons que l’étranger qui n’a pas respecté l’obligation de s’enregistrer en mairie dans le délai de trois mois suivant son entrée en France soit réputé être présent sur le territoire depuis moins de trois mois.

L'amendement 81, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Goujon – L’amendement 80 est défendu.

L'amendement 80, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – L’amendement 220 est défendu.

L'amendement 220, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Philippe Goujon – L’amendement 79 est retiré.

ART. 11

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART.11

M. Noël Mamère – L’amendement 104 est défendu.

Mme George Pau-Langevin – Vous supprimez une disposition qui avait pour intérêt d’informer sur la lutte contre les discriminations et parallèlement, vous ajoutez un article additionnel après l’article 18 qui, au motif de lutter contre les discriminations, introduit de manière subreptice la mention de statistiques ethniques. C’est pour le moins paradoxal !

L'amendement 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART.12

M. Bernard Reynès – L’amendement 4 vise à permettre aux agriculteurs d’embaucher des salariés saisonniers agricoles étrangers dans les métiers en tension et sur des productions qui s’étendent sur des délais supérieurs à six mois consécutifs. Il s’agit notamment de l’arboriculture fruitière et des cultures maraîchères intensives.

Nous souhaiterions revenir à la législation antérieure à la loi du 24 juillet 2006, qui permettait d’embaucher des saisonniers étrangers sur huit mois. Cette main d’œuvre, je le rappelle, n’est sollicitée que dans les cas où la main d’œuvre française manque.

Rappelons que le monde agricole est dans une situation délicate. Depuis 2002, 30 % des exploitations agricoles ont cessé leur activité, laissant 40 à 50 % des terres en friche. Le monde agricole, et en premier lieu les producteurs des Bouches-du-Rhône, principaux employeurs, attendent cette mesure. L’argument selon lequel il y aurait une différence de qualification d’emploi entre des contrats de six mois et des contrats de huit mois n’est pas valable ; le passage à huit mois ne crée pas de droits supplémentaires. Quand à la crainte qu’un contrat de travail de huit mois conclu tous les ans puisse être requalifié en contrat de travail permanent par le tribunal des prud’hommes, aucun élément chiffré ne la justifie.

M. le Rapporteur - Malgré l’attachement de M. Reynès à cette question, l’avis est défavorable, car le risque de requalification du contrat de travail est réel et amplifié par un contrat de huit mois. En matière de droit des étrangers, la décision du tribunal administratif de Marseille du 18 septembre 2006 a reconnu le droit pour un travailleur saisonnier marocain travaillant en France depuis vingt-trois ans d’être reconsidéré comme un travailleur permanent et d’obtenir à ce titre une carte de résident. Les syndicats et les associations locales ont fait savoir qu’ils s’appuieraient sur ce jugement en faveur d’autres saisonniers agricoles.

M. le Ministre – Même avis. M. Reynès s’est fait l’écho des organisations agricoles de son département, qui, pourtant, apparaissent divisées sur ce sujet. Tout en lui donnant acte de son énergie et de sa mobilisation, je lui demande de retirer cet amendement.

M. Bernard Reynès – Je le maintiens.

M. Serge Blisko – Je ne sais que penser de cet amendement. Mais si les situations que vivent certains étrangers n’étaient pas si dramatiques, je serais saisi d’un grand éclat de rire ! Vous inventez une usine à gaz pour empêcher des immigrés de rester sur le sol français et, parallèlement, des employeurs vous supplient de laisser venir les ouvriers saisonniers pour sauver leurs exploitations ! À quoi riment toutes ces barrières, alors même que les députés de votre majorité, qui connaissent le terrain, vous demandent d’être davantage en phase avec la réalité économique ?

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 46 rectifié est défendu.

L'amendement 46 rectifié , accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 47 est défendu.

L'amendement 47, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 12 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART.12

M. le Rapporteur – L’appel formulé contre la libération d’un étranger maintenu en rétention ou en zone d’attente par le juge des libertés et de la détention n’est pas suspensif, sauf si cet appel émane du ministère public et que celui-ci demande au président du tribunal de maintenir l’étranger à disposition de la justice jusqu’au jugement d’appel. L’amendement 48 rectifié vise à permettre au préfet de demander également au président du tribunal de déclarer son appel suspensif.

M. le Secrétaire d’État – Sagesse.

M. Serge Blisko – Même si ce n’est pas le préfet qui fait appel, on se trouve dans la confusion entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif ! Cet amendement constitue une atteinte aux libertés fondamentales et à ce titre, nous voterons contre.

L'amendement 48 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Frédéric Lefebvre – L’amendement 184, de bon sens, est une conséquence logique des deux principes qui nous guident en matière d’immigration, le refus de toute régularisation automatique et massive et le principe de l’immigration choisie, à destination des secteurs caractérisés par une pénurie de main-d’oeuvre. Il vise donc à permettre de régulariser un étranger, sous la réserve qu’il exerce un métier correspondant à ces secteurs.

M. le Rapporteur – Rien n’est modifié quant aux conditions de l’admission exceptionnelle au séjour : l’existence d’une promesse d’embauche constitue l’un des moyens de faire valoir l’existence de motifs exceptionnels. Avis favorable.

M. le Ministre – Avis favorable, dès lors que cette possibilité est utilisée à titre exceptionnel et au cas par cas.

Mme George Pau-Langevin – Cet amendement semble aller dans le bon sens, puisqu’il s’agit de régulariser des travailleurs. Mais concevez tout de même que votre politique est illisible ! Vous mettez des tas de barrières pour empêcher des personnes vivant en France d’y rester, vous renvoyez des conjoints de Français chercher des visas hypothétiques à l’autre bout du monde et, parallèlement, vous envisagez des possibilités de régularisation ! Reconnaissez que tout cela ne fait pas une politique très claire.

L'amendement 184, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – La loi du 24 juillet 2006 a profondément modifié le contentieux administratif du droit des étrangers, en fusionnant les décisions de refus de séjour et d’éloignement. L’administration peut désormais assortir toute décision de refus de séjour non plus d’une simple invitation à quitter le territoire, mais d’une obligation – l’OQTF – exécutoire d’office au bout d’un mois si l’étranger n’a pas obtempéré. Il pourra alors être placé en centre de rétention et reconduit à la frontière sans qu’il soit besoin de le lui notifier. Cette réforme ne saurait s’interpréter comme une simple mesure de simplification administrative donnant un même support au refus de séjour et à sa conséquence exécutoire, comme le font certains tribunaux administratifs. Dès lors, la motivation doit porter sur le seul refus de séjour : l’obligation de quitter le territoire n’en constitue qu’une modalité d’exécution qui en tant que telle n’appelle pas de justification particulière.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Noël Mamère – Cet amendement est contraire au principe de motivation des décisions administratives posé par la loi de juillet 1979. On ne peut pas considérer l'obligation de quitter le territoire comme une simple modalité d’exécution du refus de séjour qui n'appelle aucune justification particulière : c’est une mesure distincte, et le droit applicable n'est pas le même. Le CESEDA protège par exemple de l'éloignement certaines catégories d'étrangers, qui peuvent toutefois se voir refuser un titre de séjour parce qu'ils ne remplissent pas les conditions. Ainsi, un conjoint de Français marié depuis plus de trois ans est protégé, mais peut se voir refuser la délivrance d'un titre s’il n’est pas entré régulièrement. Dans ce cas, la décision de refus de séjour serait légale, mais certainement pas l’obligation de quitter le territoire français. Les deux décisions étant distinctes, il est logique que chacune soit motivée. En outre, dans les cas de rétention administrative, le CESEDA prévoit de disjoindre le contentieux du refus de séjour et celui de l'OQTF, le juge délégué ne devant se prononcer dans les 72 heures que sur l'OQTF et l'arrêté fixant le pays de destination. Si l’OQTF n'est pas motivée, le juge ne peut pas exercer son contrôle. Le défaut de motivation des décisions d’obligation de quitter le territoire paraît donc, sur le principe comme dans la pratique, incohérent et inapplicable.

Mme George Pau-Langevin – Ce Gouvernement n’accepte tout simplement pas que les magistrats fassent leur travail – en l’occurrence, la protection des libertés individuelles et des droits de l’homme. Lorsque les magistrats lui opposent une résistance en refusant qu’une décision d’éloignement du territoire puisse ne pas être motivée, il essaye de les y contraindre, réduisant d’autant leur faculté d’apprécier le droit.

L'amendement 49, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 208 répond à une simple difficulté d’application pratique concernant les OQTF.

L'amendement 208, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 137 vise à permettre aux primo-migrants de bénéficier de contrats de travail temporaires, un secteur d’activité très dynamique. Les CDD étant ouverts aux travailleurs étrangers, les entreprises de travail temporaire doivent elles aussi pouvoir faire appel à ces primo-migrants. Cette disposition permettra en outre de résoudre de nombreux problèmes de précarité liés au statut de primo-arrivant.

M. le Rapporteur – Excellent amendement. Avis favorable.

M. le Ministre – Même avis. Je remercie le groupe Nouveau centre pour cette réflexion concernant l’immigration de travail.

L'amendement 137, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Je crains que l’amendement 50 rectifié ne marque un désaccord avec le Gouvernement. Partons d’un cas concret : un viticulteur a écopé d’une amende de 7 500 euros parce qu’il avait embauché, et bien sûr déclaré, un Équatorien en le prenant en toute bonne foi pour un Espagnol. J’ai donc fait adopter en 2006 un amendement prévoyant que c’est à l’administration de procéder au contrôle : les agriculteurs n’ont pas à être spécialistes en titres de séjour. L’idée était d’envoyer la copie du titre à la direction départementale du travail et d’embaucher le travailleur immédiatement, sous réserve de sa réponse. Mais une circulaire d’interprétation demande dorénavant à l’agriculteur d’attendre ladite réponse. Il n’est donc plus possible d’embaucher d’un moment sur l’autre pour assurer un travail saisonnier.

La procédure prévoit que l’employeur demande à la préfecture si le titre de séjour qui lui a été présenté est valable. En l’absence de réponse dans les deux jours, son obligation est considérée comme remplie. Mais dans le cadre du travail saisonnier, pour les vendanges ou le maraîchage par exemple, ce délai de deux jours peut être particulièrement handicapant. L’amendement 50 rectifié propose donc une exception : pour le travail saisonnier, l’embauche pourra être effective dès la transmission de la copie du titre valant autorisation de travail à la préfecture. Si celle-ci fait savoir qu’il est faux, l’employeur devra immédiatement mettre fin au contrat de travail, mais ne pourra pas être poursuivi pour embauche sans titre de travail. C’est à l’administration de s’adapter au rythme de l’économie, pas l’inverse. Il est des secteurs où l’on doit embaucher tout de suite : le contrôle peut attendre 48 heures.

M. le Ministre – J’entends bien vos arguments, mais le Gouvernement s’est engagé dans une action vigoureuse contre le travail illégal et clandestin. La procédure de déclaration préalable à l’embauche prévoit que la préfecture répond dans les 48 heures. L’adoption de votre amendement créerait une dérogation qui serait inéluctablement suivie de demandes pour tous les autres corps de métiers. Nous ne pouvons pas mettre le doigt dans cet engrenage. L’efficacité de toute notre politique serait compromise. Avec beaucoup de regret, et en espérant que vous surmonterez votre déception, j’émets donc un avis défavorable.

L'amendement 50 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 13

M. Philippe Goujon – Cet article tend à faciliter le recours à la visio-audition, ce qui permettrait de limiter les transferts des étrangers, qui s’effectuent dans des conditions qui peuvent porter atteinte à leur dignité. C’est un progrès certain, mais selon cet article, la personne concernée peut toujours s’opposer à la visio-audition. Il conviendrait de mettre le dispositif en cohérence avec les dispositions du code de l’organisation judiciaire, applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, et celles du code de justice administrative, valables pour tout l’outre-mer, qui permettent à un magistrat de présider depuis un autre point du territoire de la République en étant relié en direct à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle. Ces dispositions garantissent bien sûr le respect des droits de la défense, mais n’impliquent pas le consentement de l’intéressé. Votre dispositif fait au contraire dépendre le recours à la visio-audition de la bonne volonté des personnes retenues, dont il est à craindre qu’elles n’aient pas très envie de faciliter la tâche des autorités administratives… Cet amendement permettrait en outre de réduire de moitié la charge des policiers et gendarmes concernés et de diminuer les risques d’incident ou d’évasion liés à ces déplacements. L’amendement 271 vise donc à supprimer la condition du consentement.

M. le Rapporteur – Cet amendement ne me paraît pas constitutionnel. Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

Mme George Pau-Langevin – Il est bien décevant que M. Goujon estime devoir encore trouver des dispositions contraignantes. On sait que vous êtes familiers des mesures qui rallongent indéfiniment les difficultés des familles, mais je remarque que dès lors qu’il s’agit de mettre les gens le plus vite possible au travail, ou de les ramener plus vite à la frontière, les dérogations ne vous font plus peur, quoi qu’il advienne des droits de la défense… Il y a tout de même des limites à ne pas dépasser !

M. Philippe Goujon – Je ne sais pas où Mme Pau-Langevin peut voir une tentative d’attenter aux droits des étrangers, puisqu’il s’agit au contraire de leur éviter des transferts dont les conditions sont souvent pénibles. Mais je comprends qu’il soit nécessaire d’approfondir la réflexion et je retire par conséquent mon amendement.

L'amendement 271 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 51 est rédactionnel.

L'amendement 51, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 13, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

Mme Jeanny Marc – À cette heure et à ce stade de la discussion, je ne souhaite entretenir aucune polémique tendant à mettre en cause l’économie générale du texte. Pourtant, le message global qu’il véhicule me heurte viscéralement. Je regrette votre volonté de fermer la France et de détourner le regard de la misère qui nous environne. Je regrette que vous renonciez à défendre les valeurs qui ont forgé la France des droits de l’homme.

S’agissant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial, les frontières de l’acceptable sont atteintes et vous n’avez pas choisi la bonne méthode pour lutter contre la fraude documentaire. Ce qu’il aurait fallu faire, en Haïti, au Surinam, aux Comores et dans tous les pays qui s’affrontent aux mêmes difficultés, c’est aider ces États à se doter d’un état civil plus fiable. C’est en renforçant la coopération que l’on aurait traité efficacement le problème.

Monsieur le ministre, mes origines ne me permettent pas d’accepter votre démarche. La Guadeloupe s’est construite à partir de mouvements migratoires, forcés ou volontaires. Ce sont eux qui ont donné à notre société insulaire son visage de diversité et de métissage, ce visage d’un « Tout monde » cher à Édouard Glissant.

Cependant, notre attachement aux principes ne nous empêche pas d’être réalistes et pragmatiques et c’est notre réalité locale qui définit en permanence notre ligne de conduite. La Guadeloupe est soumise à une pression migratoire renforcée par la perméabilité de nos frontières et l’apparente attractivité de notre niveau de vie. De fait, les reconduites à la frontière opérées outre-mer correspondent à la moitié du chiffre national. C’est dire si je ne suis pas plus partisane de je ne sais quelle théologie du tout-migratoire que de l’immigration zéro !

Mais force est d’admettre que la boîte à outils répressive que vous avez constituée outre-mer ne se révèle pas d’une très grande efficacité. Vous courez après des objectifs chiffrés de reconduite à la frontière alors qu’il faudrait s’attaquer aux causes et conséquences de l’immigration en outre-mer. En réalité, c’est le plus souvent le désespoir qui constitue le principal moteur du candidat à la migration.

C’est en renforçant la politique d’aide au développement – et en la « ciblant » mieux – que l’on apportera de vraies réponses. Les solutions, il faut les trouver en permettant à nos collectivités de mobiliser le produit des comptes épargne codéveloppement dans le cadre d’opérations bilatérales de coopération décentralisée, notamment – je l’ai déjà dit -, en matière d’état civil. Cela passe aussi par un renforcement des moyens de nos collectivités, pour tenir compte de nos contraintes particulières et des dépenses induites par la charges des infrastructures sanitaires ou scolaires.

Monsieur le ministre, il faut donner du cœur et de l’humanité à la politique de maîtrise de l’immigration.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

Mme Jeanny Marc – L’amendement 122 vise à rendre plus opérationnel l’observatoire de l’immigration dans les outre-mers.

M. le Rapporteur – Favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement 273. Nous réglons ainsi un vrai problème.

M. le Ministre – Même avis.

Le sous-amendement 273, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 122 ainsi modifié.

Mme Jeanny Marc – L’amendement 123 est défendu.

M. le Rapporteur – Favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement 275.

M. le Ministre – Même avis.

Le sous-amendement 275, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 123 ainsi modifié.

Mme Jeanny Marc – Les amendements 120, 121, 117, 118, 119, 115, 126, 125, 124 et 116 sont défendus.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

Les amendements 120, 121, 117, 118, 119, 115, 126, 125, 124 et 116, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Lefebvre – L’amendement 181 vise à créer le livret d’épargne codéveloppement – le LED. Chacun sait que tout étranger qui quitte sa terre natale ressent comme une déchirure, et que lorsque l’on réussit loin de sa famille, il est naturel de vouloir faire preuve de solidarité. 80 % des sommes transférées par les étrangers dans leurs pays d’origine sont consacrées à la consommation courante. Notre amendement a pour objet qu’une part de ces sommes soit utilisée à des fins d’investissements productifs. Cela deviendrait un levier de développement majeur des pays sources d’immigration. Notre proposition fait suite à l’important dispositif adopté dans la loi de juillet 2006 : le compte épargne codéveloppement, malheureusement limité aux étrangers payant l’IR. Nous allons plus loin, en visant aussi ceux qui n’acquittent pas l’IR.

Le LED permettra, sur le modèle du plan épargne logement, de bénéficier, si l’épargne reste bloquée pendant au moins trois ans, d’une prime d’État, qui ne serait versée que si le bénéficiaire contracte un prêt avec une banque locale. Les banques verseront chaque année une rémunération, un taux d’intérêt étant librement proposé aux clients. Bien entendu, nous attendons du Gouvernement qu’il puisse mobiliser les organismes bancaires autour de cette initiative, de sorte que les taux soient les plus attractifs possible.

Étant limités par l’article 40, nous avons souhaité que le Gouvernement dépose un sous-amendement visant à décliner l’ensemble du dispositif financier, et j’ai constaté avec plaisir qu’il avait été déposé.

Nous espérons que cet amendement sera adopté à l’unanimité, car cela permettrait d’adresser un signal fort en faveur du codéveloppement, et, en particulier, aux étrangers qui souhaitent préparer un éventuel retour dans leur pays ou aider leurs proches.

M. le Rapporteur – Avis très favorable.

M. le Ministre – Tout à fait favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement 262 du Gouvernement, lequel crée une prime d’État, selon la logique du plan épargne logement.

M. Nicolas Perruchot – Le groupe Nouveau centre votera cet amendement important, qui permettra de débloquer bien des situations en donnant un support à ceux qui veulent participer activement à l’effort de codéveloppement. C’est une excellente initiative que nous soutiendrons sans réserve.

M. Philippe Goujon – Je tiens à mon tour à souligner la très grande portée de cet amendement. En tant que sénateur, j’ai participé aux débats sur la loi du 24 juillet 2006, avec le regretté Jacques Pelletier et je puis témoigner que la création du CED avait fait l’objet d’un consensus. Le LED permettra d’aller beaucoup plus loin et nous en attendons des effets très bénéfiques.

Mme George Pau-Langevin – Le codéveloppement, c’est bien, mais on aurait pu avancer plus vite sur le sujet. Je regrette aussi que nous soyons passés si vite sur les propositions de Mme Marc en direction des départements d’outre-mer – qui sans doute n’intéressent pas grand monde… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Il semble en effet que l’attention portée aux amendements varie en fonction de leurs auteurs… J’apprécie la proposition faite par M. Lefebvre, mais je déplore que vous ayez attendu cette heure avancée de la nuit pour parler de codéveloppement. Pour notre part, c’est déjà la voie que nous avons proposée en suggérant, plutôt que de recourir à des tests ADN, d’aider les administrations défaillantes à tenir des registres d’état civil.

M. Éric Ciotti – Nous le faisons déjà, Monsieur Mamère ! Mais je comprends que vous soyez gêné par cet amendement, dont je veux souligner la qualité et l’importance. Il fera date, et j’en félicite M. Lefebvre. Je tiens aussi à saluer le sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement 262, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 181, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Fréderic Lefebvre – Le 182 est un amendement d’appel : j’aimerais avoir, d’ici à la discussion de la loi de finances, des chiffres sur l’impact qu’aurait l’extension du compte épargne codéveloppement aux binationaux.

M. le Ministre – Je peux vous répondre dès aujourd’hui : d’après le ministère des finances, la population éligible passerait de 1,4 à 2,4 millions de personnes, et le coût du dispositif en année pleine serait très lourd puisqu’il passerait de 15 à 26 millions.

L'amendement 182 est retiré.

Mme George Pau-Langevin – Pour tenir compte du fait que les Antilles et la Guyane attirent beaucoup d’étrangers, notre amendement 224 tend à y majorer la DGF afin de pouvoir réaliser les infrastructures nécessaires.

M. le Rapporteur – Avis défavorable car cette question relève d’une loi de finances, non d’un texte sur l’immigration.

L'amendement 224, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – Par notre amendement 225, nous proposons que le Gouvernement dépose chaque année sur le bureau de l’Assemblée un rapport sur l’aide au développement apportée aux pays frontaliers des collectivités d’outre-mer.

L'amendement 225, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 226 est défendu.

L'amendement 226, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. le Ministre – Le Gouvernement défend l’amendement 276.

L'amendement 276, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. le Rapporteur – L’amendement 52 est de cohérence.

L'amendement 52, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

Mme Annick Girardin – L’amendement 214 demande au Gouvernement de déposer, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l’adaptation du régime d’entrée et de séjour à Saint-Pierre-et-Miquelon des ressortissants canadiens. Notre clientèle touristique est en effet essentiellement canadienne, et professionnels du tourisme comme élus locaux ont découvert avec mécontentement en mai dernier la décision du ministère des affaires étrangères de revenir sur la possibilité jusque-là offerte aux touristes canadiens de présenter une simple pièce d’identité avec photographie pour entrer dans l’archipel. Désormais, le passeport est obligatoire. Les conséquences sur la fréquentation touristique ne se sont pas fait attendre. Cette mesure est d’autant plus surprenante qu’une dérogation équivalente demeure pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon qui veulent aller au Canada.

Nous ne demandons pas que l’on aille aussi loin que l’a fait le Canada. Mais une telle situation met en cause l’intégration régionale qui conditionne le développement de l’archipel et les investissements dans l’industrie naissante du tourisme. Je vous demande donc d’adopter l’amendement 214 pour résoudre cette question.

M. le Rapporteur – Avis favorable, sous réserve de remplacer « promulgation » par « publication ».

L'amendement 214, ainsi rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. le Rapporteur – L’amendement 53 est rédactionnel.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 18, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 18

M. Éric Ciotti – L’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrants accorde des aides au retour importantes. Mais les fraudes le sont aussi, car beaucoup reviennent ensuite en France. L’amendement 54 prévoit donc la mise en place d’un système d’informations biométriques concernant les bénéficiaires de cette aide.

M. le Rapporteur – La commission l’a adopté. Le HCR, je le souligne, a utilisé la biométrie en 2003 dans le cas de l’aide au retour des réfugiés afghans.

M. le Ministre – Favorable.

M. Noël Mamère – Jusqu’au bout vous allez donc les poursuivre, les soupçonner des pires turpitudes, les accuser d’être des tricheurs, des profiteurs, des parasites qu’il faut fiche dehors ! Surtout, il faut les humilier encore un peu plus. Et le bouquet final, ce sera l’amendement sur les statistiques ethniques qu’on va nous présenter maintenant. L’opposition demandera une suspension de séance auparavant.

L'amendement 54, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – Avant d’aborder l’amendement 55, je demande une suspension de séance au nom de mon groupe.

M. le Président – Elle est de droit.

La séance, suspendue à 3 heures 35 est reprise à 3 heures 45.

M. Serge Blisko – Rappel au Règlement ! Le débat que nous avons eu, essentiellement centré autour de la question du fichage génétique…

M. le Rapporteur – Il n’y a aucun fichage !

M. Serge Blisko – …n’aura pas permis à la société civile de prendre toute la mesure de l’amendement que vous vous apprêtez à adopter après le dernier article d’un projet de loi où il n’a pas sa place, et ce alors que l’aube vient. Que viennent faire les statistiques ethniques dans un texte sur le droit d’asile ? Il s’agit d’un véritable cavalier législatif : la méthode est détestable et nuit considérablement à la qualité du travail parlementaire.

Mme Michèle Tabarot – L’amendement 55 reprend fidèlement une recommandation de la CNIL visant à faciliter la mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l’intégration. La loi « informatique et libertés » de 1978 interdit la mesure de données dites sensibles, bien que de nombreuses dérogations très encadrées existent déjà, en matière médicale par exemple. Dans le même esprit, nous proposons un dispositif de mesure de la diversité. Pour mieux lutter contre les discriminations, il faut pouvoir les mesurer !

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Noël Mamère – Nous n’avons aucune opposition de principe à l’utilisation de statistiques permettant de mesurer les discriminations : le débat est en cours, en France comme ailleurs en Europe. Certains termes de votre argumentaire me semblent néanmoins déplacés : c’est le cas de l’origine dite « raciale » des individus. Le concept de race, purement idéologique, ne repose sur aucune base scientifique.

J’ajoute que la présentation d’un tel amendement en fin de parcours est un procédé détestable, comme l’est son insertion dans un texte sur l’immigration. Cet amalgame inacceptable ne sert qu’à rassurer vos électeurs les plus conservateurs. Pourquoi ne pas avoir proposé cette mesure dans un texte sur la HALDE, par exemple ? Comme de coutume, vous préférez l’instrumentalisation. L’un de vos anciens collègues vous avertissait de ne pas « enfumer » la CNIL : vous ne l’avez pas écouté !

M. Serge Blisko – Le débat sur la meilleure manière d’appréhender les discriminations est légitime, et votre exposé des motifs commence d’ailleurs plutôt bien. Hélas, la chute en est rude : vous ne traitez cette question que très partiellement. Les discriminations ne se réduisent pas à leur seul aspect ethnique ! La montée en puissance de la HALDE est là pour en témoigner.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois C’est nous qui l’avons créée !

M. Serge Blisko – Au fond, ce ne sont pas les discriminations qu’il vous importe de connaître, mais les statistiques concernant l’origine « raciale ou ethnique » des migrants. Le mot « race » est ancien, et nombreux sont ceux qui souhaitent aujourd’hui son retrait de la Constitution tant il ne correspond plus aujourd’hui qu’au souvenir de funestes théories.

Et qui sait, n’ajoutera-t-on pas demain le critère religieux à cette statistique ? Cette opération politicienne – nul n’ignore que le CRAN est proche de l’UMP – est un véritable brûlot : vous allumez un feu que vous ne saurez pas éteindre.

J’ajoute que cette déclaration d’origine plongera bien des gens dans l’embarras, qui ne se définissent pas par leur origine ethnique. La France, d’ailleurs, ne se définit ni par l’appartenance ethnique, ni par la couleur de la peau, ni par la confession ; c’est une communauté de destin. Ce n’est pas en compilant des statistiques que vous « ferez France ». Si votre intention est louable, l’effet sera inverse : vous lancez là une politique discriminatoire.

M. Patrick Braouezec – Il est profondément choquant de lire, au premier paragraphe de l’exposé des motifs, des considérations sur l’« origine raciale » alors que l’on sait que le concept de race n’a aucune valeur scientifique. La moindre des choses serait que ces termes disparaissent. Par ailleurs, alors que la CNIL a formulé dix recommandations qui forment un tout, vous en extrayez une et une seule, par opportunité…

M. le Président de la commission – Non : parce que c’est la seule qui soit législative.

M. Patrick Braouezec –Vous ne mesurez pas la gravité de la disposition que vous prenez, alors que vous mettez le doigt dans un engrenage. Mieux vaudrait retirer cet amendement et examiner comme il se doit les recommandations de la CNIL dans leur ensemble

M. le Ministre – M. Blisko a évoqué le risque d’un cavalier législatif. Il n’en est rien, car l’amendement est directement lié au texte, relatif à l’intégration. Comment combattre les discriminations si nous ne les mesurons pas ? Que M. Mamère et M. Braouezec le sachent : si l‘amendement avait eu pour objet d’instituer un recensement ethnique ou racial, jamais le Gouvernement n’aurait émis un avis favorable. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de conduire des études dûment autorisées par la CNIL.

L'amendement 55, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’article 4 de la loi DALO a institué un droit au maintien en hébergement d’urgence, pour trois mois au plus. Ce type d’hébergement, qui constitue une transition avec une solution de logement plus pérenne, ne peut être accessible qu’à des personnes en séjour régulier, sous peine d’alimenter un flux d’immigration motivé par le souhait de bénéficier de ce dispositif comme prélude au droit au logement opposable. L’amendement 209 a donc pour objet de mettre en cohérence les dispositions de la loi, et le droit pour toute personne présente en France de bénéficier d’un hébergement de très courte durée, par exemple pendant l’application du plan d’urgence hivernale, n’est pas mis en cause.

M. le Ministre – Avis favorable.

Mme George Pau-Langevin – Et voilà qui complète brillamment le tableau ! Même pour le droit au logement, on est dans un véritable délire, en vertu duquel il faudra prouver et prouver encore que l’on est titulaire de la carte de séjour. Quels droits fondamentaux reste-t-il, qui ne soient pas suspendus à la possession d’une carte de séjour ?

L'amendement 209, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. Patrick Braouezec – Nos amendements 253 et 254 sont défendus.

Les amendements 253 et 254, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l’article 101 du Règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 du projet. La seconde délibération est de droit. Je rappelle que le rejet de l’amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

ART. 2

M. le Ministre – L’amendement 107 de Mme Hostalier que votre Assemblée a adopté ne vise que les personnes retraitées, et non les personnes handicapées. L’amendement 1 corrige cette omission.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Éric Ciotti – Le texte dont nous achevons l’examen est équilibré, mesuré, pragmatique et juste, qui nous offre des outils propres à améliorer l’intégration des étrangers présents sur notre territoire. C’était son objet principal, et la motivation première du Gouvernement et de la majorité. Il contient aussi des propositions courageuses, audacieuses et novatrices, notamment en matière de codéveloppement. En mettant l’accent sur l’apprentissage du français et des valeurs de la République, le projet permettra aux immigrés de s’intégrer plus facilement dans la société française. Nous avons donc fait œuvre utile, et je regrette l’attitude parfois caricaturale des membres de l’opposition…

M. Patrick Braouezec – Aucunement !

M. Éric Ciotti – …alors que ce grave sujet devrait pouvoir être débattu, comme dans les autres démocraties européennes, en dépassant les clivages partisans. Les difficultés sont réelles, et tout l’enjeu de la politique voulue par le Président de la République et validée par deux fois, au printemps, par la majorité des Français, est de les résoudre. Avec ce projet, la majorité et le Gouvernement montrent, une fois encore, qu’ils tiennent les engagements pris, qui sont aussi de lutter contre l’immigration clandestine. Notre politique repose en effet sur deux piliers : l’humanisme pour favoriser l’intégration, la fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine, inacceptable et contre laquelle nous serons intransigeants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Perruchot – Mes remerciements vont aux ministres, avec lesquels nous avons pu travailler en amont, et dont l’ouverture d’esprit a permis l’adoption de nombreux amendements. Les débats, denses, ont permis d’expliquer les choix faits pour favoriser l’intégration de ceux qui aspirent à s’établir sur notre sol.

Monsieur le ministre, je souhaite qu’à la différence des précédentes lois sur l’immigration, les décrets d’application paraissent rapidement, et que les députés, qui sont restés fort tard pour voter ce texte, en soient tenus légitimement informés. La France demeure un pays d’accueil, qui a toujours mis ses valeurs au service de ceux qui veulent les adopter ; faisons en sorte que l’intégration soit la marque de fabrique de la République.

Mme George Pau-Langevin – Vous devriez réfléchir avant de voter ce texte car vous allez introduire, avec toutes ces mesures, un changement significatif dans notre système juridique.

J’aurais aimé que vous n’imposiez pas aux étrangers, en plus des humiliations et des restrictions, un discours faussement compatissant, dans lequel vous leur expliquez que c’est pour leur bien que vous les empêchez de vivre en famille, que vous leur imposez des obligations sans fin et que vous révélez à leurs enfants la vérité sur leurs origines.

Ce texte empêchera les immigrés de vivre une vie familiale normale, séparera les enfants de leurs parents. En outre, les tests ADN entrent dans la loi, ainsi que le fichage génétique, au motif de lutter contre les discriminations, et ce de manière incidente, à 4 heures du matin.

La constitutionnalité de ce texte me semble entachée et le groupe socialiste ne manquera pas de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander si, effectivement, il est normal de défigurer ainsi le visage d’un pays tant aimé de par le monde !

M. Patrick Braouezec – Nous serons vingt-trois à voter à 4 heures 30 du matin pour ou contre ce texte, qui aura des conséquences graves pour des dizaines de milliers de personnes. Nous n’étions que quinze à décider de l’adoption de la loi Pasqua, qui a créé tant de sans-papiers.

Je suis satisfait qu’un débat de qualité, sans caricatures, ait pu se dérouler dans cet hémicycle, notamment sur les tests ADN. Je regrette que vous n’ayez pas entendu la voix de la raison, exprimée par certains sur vos bancs.

Avec ce texte, vous imposez à la société française un modèle basé sur l'exclusion et le renfermement. Toujours plus d'interdictions, toujours plus d'injonctions, toujours plus de dureté à l'égard de ceux que vous ne voulez plus subir, au prétexte – jamais prouvé – qu'il y a trop de migrants, a priori fraudeurs et coûteux pour l’État.

Pour les choisir, vous imposez un apprentissage du français et des valeurs de la République, vous exigez des ressources modulables selon la taille de la famille, vous faites obligation aux parents d'avoir des enfants exemplaires, sous peine de se voir retirer les prestations familiales, vous autorisez le recours aux tests ADN. S’agissant des demandeurs d’asile, vous remettez en cause leur droit à un procès équitable, le référé liberté et vous réduisez leur délai de recours. Vous vous attaquez aux migrations de droit, motivées souvent par l’amour.

Vous n’avez pas entendu ceux d’entre vous qui se sont élevés contre certaines propositions, les jugeant liberticides et discriminatoires. Rien n’a été cédé. Ce gouvernement ne manifeste aucune volonté d'assurer la mixité et la cohésion sociales, pas plus d'ailleurs que de lutter contre les discriminations.

Ne sachant comment régler les problèmes sociaux, vous fustigez, vous dénoncez et vous pointez du doigt les mêmes personnes depuis des années : les migrants, leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, les jeunes. Qu’irez-vous inventer lorsque le Gouvernement, faute d’avoir résolu les problèmes sociaux, voudra encore réduire les possibilités de migration ? Le pire est à craindre !

Cependant, aucune loi, aucune politique, aucun gouvernement ne pourra jamais maîtriser le droit de tout être humain à chercher un horizon meilleur. Migrer est un droit fondamental, mais vous l’avez nié, en usant d’arguments simplistes, teintés d'une identité nationale primaire, qui ignorent l'apport dynamique des migrants. Ce projet contient des dispositions contraires aux pactes garantissant le respect des droits humains et place la France en situation de violation constante du cadre international de protection de ces droits.

Il vaudrait mieux s’attacher à faire reculer la misère, les guerres, le sous-développement, œuvrer à l'émergence d'une citoyenneté ouvrant des droits sociaux pour tous et construire des relations de solidarité entre les peuples. Ce projet est fondé sur une approche répressive, liberticide, discriminatoire, sur une logique de criminalisation des migrants. Nous ne voterons pas un texte qui déstructure le droit, les liens sociaux, les relations humaines, et institue deux catégories de Français.

L’ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance mardi 25 septembre, à 15 heures.

La séance est levée à 4 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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