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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 3 juillet 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
7ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉMOCRATIE SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

ART. 16 (suite)

M. Roland Muzeau – L’amendement 261 vise à compléter l’alinéa 3 de manière à préciser un point de droit. En effet, l’article est ambigu sur le droit ouvert au repos compensateur à l’intérieur du contingent annuel.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Cette demande a déjà été satisfaite !

M. Roland Muzeau – Cela m’étonnerait !

En plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit, à l’intérieur du contingent annuel, dans les entreprises de plus de vingt salariés, à un repos compensateur actuellement fixé à la moitié des heures effectuées au-delà de la 41e heure. De plus, le repos compensateur de remplacement éventuellement mis en œuvre dans l’entreprise s’ajoute au repos compensateur obligatoire.

L’amendement 261 vise donc à préciser que la contrepartie obligatoire en repos compensateur due pour toute heure accomplie au-delà du contingent s’ajoute aux contreparties en repos dues au titre des heures supplémentaires effectuées à l’intérieur du contingent.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles La commission a donné un avis défavorable. Il y a en effet deux lectures possibles de cet amendement : soit il est redondant par rapport à l’amendement que nous avons adopté cet après-midi, soit il vise à réintroduire, en sus des contreparties obligatoires en repos définies par voie conventionnelle, d’autres contreparties équivalentes en repos obligatoire aujourd’hui en vigueur, auquel cas il s’opposerait à l’esprit du texte.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Même avis.

L’amendement 261, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Francis Vercamer – L’amendement 209 vise à tenir compte de la pénibilité des métiers dans la fixation des contingents d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. M. Poisson, qui vient de rendre un rapport sur ce sujet, l’appuiera certainement. Il est vrai que des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux, et j’ai vu, Monsieur le ministre, que vous leur aviez écrit la semaine dernière pour relancer le dialogue en la matière, mais il n’est peut-être pas inutile d’anticiper sur ces négociations.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Dans le souci de laisser les négociations entre les partenaires sociaux suivre leur cours, comme d’ailleurs la réflexion gouvernementale et parlementaire, la commission a repoussé cet amendement. Mais elle ne doute pas de sa pertinence.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Une nouvelle réunion au mois de juillet permettra de constater les points d’accord et de désaccord, cet amendement n’est donc pas opportun.

Je voudrais dire quelques mots de l’avancement de la réflexion sur la pénibilité au travail. En 2003, j’avais moi-même déposé l’amendement demandant aux partenaires sociaux de négocier en la matière. Le sujet n’est à l’évidence pas facile, mais d’autres pays européens auraient sans doute déjà su le traiter. Depuis trois ans, dix-sept réunions se sont tenues sans que nous sachions où ces discussions en étaient arrivées : c’est pourquoi j’ai effectivement écrit aux partenaires sociaux. Je sais que certaines organisations s’en sont émues – la belle affaire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quel mépris pour les syndicats !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail L’impatience est un vilain défaut ! (Rires sur les bancs du groupe SRC) Un tel sujet vous amuserait-il ?

Un député du groupe SRC – Vous manquez d’humour !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Le compliment vient d’un connaisseur !

Une nouvelle réunion est programmée, dont j’ignore – et cela ne m’intéresse pas – si c’est ma démarche qui l’a provoquée. L’essentiel est qu’avant l’été, nous sachions à quoi nous en tenir sur la prise en compte, mais aussi sur la prévention de la pénibilité. Aujourd’hui, en France, l’espérance de vie d’un ouvrier est de sept ans et demi inférieure à celle d’un cadre supérieur. Cette majorité a voté le dispositif sur les carrières longues : celles et ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou même 16 ans – Pierre Méhaignerie y a beaucoup insisté – peuvent ainsi partir à la retraite avant 60 ans et c’est sans doute pour cela que le problème n’a pas pris davantage d’ampleur dans le débat public. En effet, ce sont souvent ceux qui ont exercé des métiers difficiles, éprouvants physiquement, qui ont profité de ce dispositif. Mais il nous faut aller plus loin. Or le dialogue social n’a pas abouti. J’ai mes idées quant aux responsables de cet état de fait mais, quoi qu’il en soit, une chose est certaine : pour les entreprises qui refuseraient de jouer le jeu, il y aura forcément une participation financière.

Je tiens à saluer l’initiative du groupe UMP, qui a décidé de recevoir les acteurs concernés. Le Gouvernement et le Parlement sauront prendre leurs responsabilités sur ce dossier. L’excellent rapport de M. Poisson ouvre déjà des pistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je crois qu’il faut en la matière dépasser les clivages politiques ! Il faut définir ce qu’est la pénibilité au travail, et examiner comment elle évolue, comme elle est ressentie, et enfin comment nous pouvons non seulement la prendre en compte, mais aussi la prévenir. C’est pourquoi j’attends beaucoup de la réunion du mois de juillet, ainsi que de la réunion avec les parlementaires de la majorité ; je continuerai pour ma part à tout faire, en étroite liaison avec la représentation nationale, pour que ce travail aboutisse.

M. Francis Vercamer – Merci, Monsieur le ministre, vous avez été clair et précis sur ce sujet important. Je retire donc mon amendement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L’amendement 209 est retiré.

M. Christophe Sirugue – Les amendements identiques 471 et suivants visent réintégrer la contrepartie obligatoire en repos compensateur. Car – je pose là une vaste question – l’épanouissement de chacun passe-t-il exclusivement par le travail ?

M. Benoist Apparu – Nous n’avons jamais dit cela !

M. Christophe Sirugue – Si l’on répond oui, il n’y a aucune raison de s’arrêter dans le détricotage du code du travail. Si, au contraire, on considère que l’épanouissement peut aussi être trouvé ailleurs, alors il faut réfléchir à la question du repos compensateur. Elle est inséparable de celle des limites, humaines, de la force de travail, mais aussi de la longue histoire des conquêtes sociales. Autrefois, on vendait sa force de travail jusqu’à épuisement. Les luttes sociales ont fort heureusement changé cela mais si, aujourd’hui, nous ne risquons pas, bien sûr, d’en revenir au temps du servage, l’exacerbation de la concurrence fragilise de plus en plus la situation des salariés. Supprimer ou réduire le repos compensateur, c’est aggraver les conditions de travail au détriment de la santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 479 vise à rétablir la vocation originelle du repos compensateur, lequel doit être absolument obligatoire. Il propose donc d’ajouter que : « la contrepartie obligatoire est un repos compensateur obligatoire » pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures par semaine et que sa durée est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire à l’intérieur du contingent légal, et de 100 % au-delà.

Par une telle disposition, nous « bétonnerons » juridiquement le principe du repos compensateur : les accords collectifs ne pourront pas revenir en arrière. Si l’article 16 était voté en l’état, c’est en effet ce qui arriverait : les employeurs chercheraient à réduire le coût des heures supplémentaires en supprimant cette contrepartie due aux salariés. Le repos compensateur servirait de variable d’ajustement. C’est le piège de ce texte.

M. le Président – Si vous pouviez conclure, Monsieur Le Bouillonnec…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Même si le Gouvernement ne le souhaite pas, c’est là que nous risquons d’en arriver au terme des négociations. On pense toujours qu’on a les capacités physiques de travailler un peu plus, et en fin de compte, c’est la santé des travailleurs qui en pâtit.

M. Roland Muzeau – Très juste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Toute l’histoire sociale le montre : l’impératif de santé a été nié pendant des années.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Dès qu’on écarte les repos compensateurs, c’est la santé des salariés qui s’en trouve dégradée.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements. Vous demandez que l’on reprenne les dispositions en vigueur. Or, c’est ce que fera le décret qui s’appliquera à défaut d’accord.

On peut certes imaginer que, en matière de repos compensateur, les partenaires sociaux négocient des accords moins favorables aux salariés que les règles actuelles ; mais j’aimerais qu’on m’explique quel en serait l’intérêt pour eux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce sera la contrepartie financière…

M. Roland Muzeau – Les salariés n’auront pas le choix !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – S’il n’y a pas d’accord, le décret s’appliquera et vos amendements seront donc satisfaits. S’il y a un accord, je pense que les salariés sont suffisamment avisés pour qu’il leur soit favorable.

Les amendements identiques 471 et suivants, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Régis Juanico – Je regrette que M. Vercamer ait retiré son amendement relatif à la prise en compte de la pénibilité dans les contingents d’heures supplémentaires. À l’issue de la mission sur la pénibilité, dont M. Poisson était le rapporteur, on nous avait pourtant annoncé que des dispositions sur la prévention et la réparation de la pénibilité seraient intégrées aux textes qui nous seraient soumis par la suite.

Qu’est-ce donc que le repos compensateur, sinon le repos des braves ? Or, vous voulez transformer cette mesure de protection des travailleurs, qui appartient à l’ordre public social, en objet de négociation collective (« Très juste » sur les bancs du groupe SRC).

Revenons sur l’application de la loi TEPA : la part des entreprises qui utilisent les nouvelles heures supplémentaires est plus élevée dans certains secteurs, notamment l’industrie, le BTP, le commerce, l’hôtellerie et la restauration ou encore les transports. Ce sont des activités pénibles, où l’amplitude horaire est la plus élevée et où l’on compte le plus d’accidents du travail, même si leur nombre diminue globalement. C’est aussi dans ces secteurs qu’il y a le plus de maladies professionnelles, dont le nombre augmente et dont les trois quarts sont des troubles musculo-squelettiques.

Il y a un lien manifeste entre organisation du travail, temps de travail, conditions de travail et santé des travailleurs. Or c’est précisément dans les secteurs où le repos compensateur permettrait aux salariés de récupérer que les contreparties disparaîtront. Ceux qui effectueront des heures supplémentaires bénéficieront de moins de garanties. L’article 16 aura donc pour effet de dégrader la qualité de vie au travail de millions de personnes, notamment de ceux qui travaillent la nuit ou font du travail posté – respectivement 1,6 et 2 millions de salariés en France.

Les amendements 486 et suivants tendent à conserver la qualité de contrepartie obligatoire qui doit être celle du repos compensateur. Ce repos devra être pris sous forme de journée entière ou de demi-journée. C’est une question de bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement rigidifierait les règles que ce texte vise à assouplir. Je répète également que ces règles ont vocation à être reprises dans les accords collectifs.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même position. Cet amendement est inutile. Tout cela figurera dans le décret, qui s’appliquera à défaut d’accord.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est une question de méthode. Je n’accuse pas le ministre de vouloir détruire le repos compensateur, mais j’aimerais tout de même qu’il reconnaisse que ce mécanisme est nécessaire pour préserver la santé du salarié. Je souhaiterais qu’il s’engage à ce que le décret reproduise l’intégralité du droit applicable.

Il ne faudrait pas que les accords à venir remettent en cause le repos compensateur. Il ne suffit pas de faire un renvoi au décret.

Les amendements identiques 486 et suivants, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Mallot – Les amendements 501 et suivants disposent que la contrepartie des heures supplémentaires au-delà du contingent est un repos assimilé à une période de travail effective pour le calcul des droits des salariés.

En effet, le mode de prise en compte de cette contrepartie n’est pas sans effet sur la rémunération des salariés, par leurs droits à formation – on a récemment appris que 44 % des salariés n’avaient reçu aucune formation au cours des deux dernières années – ou encore sur leurs prestations d’assurance vieillesse. Le Gouvernement envisage en effet de porter la durée de cotisation à 41 annuités, et il ne faut oublier la question de pénibilité, sur laquelle portait un rapport de M. Poisson.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Excellent rapport !

M. Jean Mallot – Je n’irai pas jusque là, car nous avons voté contre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce rapport insiste beaucoup sur la nécessité d’un effort de prévention, nécessité effectivement indéniable même si nous nous interrogeons encore sur les modalités de son financement, mais il ne dépasse pas le stade de la contradiction pour ce qui est de la réparation et de la compensation. La contradiction peut-être stimulante, sauf lorsqu’elle tourne à l’incohérence… Or, dans son rapport, M. Poisson écrit que le recours aux cessations anticipées d’activité n’est pas la bonne façon de traiter les conséquences de la pénibilité, même s’il faut trouver un moyen de la compenser. Comprenne qui pourra ! Il se dit également défavorable aux retraites anticipées ou à l’augmentation des droits à pension des travailleurs exposés à la pénibilité. Comment s’étonner que les organisations de salariés ne soient pas d’accord ?

Sous la pression, M. le rapporteur a fini par envisager une réduction du temps de travail en fin de carrière. L’ouvrier, dont l’espérance de vie est inférieure d’environ sept années à celle d’un cadre, aura-t-il donc le droit de mourir à temps partiel ? Et dans les dernières pages de son opuscule, M. le rapporteur consent même à ce que les salariés ne pouvant plus exercer correctement leur travail prennent une retraite anticipée ! Quelle incohérence au total !

J’invite donc l’Assemblée à adopter nos amendements 501 à 515 tendant à assimiler la contrepartie obligatoire en repos à une période de travail effectif.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Une telle disposition a vocation à figurer dans l’accord collectif ou, à défaut, dans le décret – sous réserve de la confirmation du ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail En effet.

M. Alain Vidalies – J’aurais plutôt attendu que vous nous opposiez l’inutilité de ces amendements, tant ils vont de soi. Hélas, vous nous indiquez que même le repos compensateur sera soumis à la négociation : c’est inacceptable ! En outre, le décret étant pris en cas de défaut d’accord, celui-ci pourra contenir tout et son contraire.

La manœuvre est limpide : ces dispositions figurent aujourd’hui dans la loi. Les partenaires sociaux n’étant pas habilités à négocier des dérogations à la loi, vous déclassez la disposition en la faisant passer au niveau du règlement pour ouvrir la voie à la négociation sur le sujet. Peut-être croyez-vous que tout est négociable, Monsieur le ministre, mais ce sujet ne devrait pas l’être ! M. le rapporteur lui-même a hésité, estimant comme nous que ces amendements ne sont qu’une précision qui va de soi. Votre position est donc bien inquiétante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Les amendements identiques 501 à 515, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements 516 à 530 sont défendus.

Les amendements 516 à 530, identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer – En l’absence d’accord collectif, un décret déterminera le contingent annuel d’heures supplémentaires. L’amendement 223 vise à ce qu’il fixe également le « plafond maximal » de ce contingent.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le droit commun, qui limite le volume hebdomadaire à 48 heures par semaine.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

M. Francis Vercamer – Je ne suis pas d’accord : le droit commun prévoit une durée hebdomadaire, alors que le présent texte vise un contingent annuel. Je maintiens mon amendement.

L'amendement 223, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Les amendements 531 à 545 sont défendus.

Les amendements identiques 531 à 545, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roland Muzeau – L’amendement 1681 est défendu.

L'amendement 1681, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – En l’état, l’accord de modulation entraîne une réduction du contingent annuel d’heures supplémentaires. L’amendement 118 tend à maintenir ce mécanisme pour les entreprises qui adopteront la répartition des horaires sur une période comprise entre une semaine et un an, répartition appelée à remplacer l’accord de modulation.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Nous avons déjà adopté un amendement qui permet la réduction du contingent par voie conventionnelle.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer – L’amendement 211 tend à intégrer le contingent annuel d’heures supplémentaires et son éventuel dépassement à l’agenda de la négociation même s’il a fait l’objet d’un accord collectif.

Mme Jacqueline Fraysse – Le paiement des heures supplémentaires – souvent non déclarées – pose problème dans bien des cas, de même que le respect des dispositions relatives au repos compensateur. Dans votre précipitation à « libérer » le travail, vous omettez de renforcer les mécanismes de contrôle et de sanction en cas de carence – au point de vous débarrasser de l’inspection du travail et de l’information des représentants du personnel !

Au contraire, l’amendement 262 soumet l’utilisation du contingent et son éventuel dépassement à la consultation annuelle des représentants du personnel, conformément à votre vœu – pieux ? – de renforcer la démocratie sociale. Je ne doute pas que la majorité aura à cœur de l’adopter.

Mme Martine Billard – L’amendement 119 a le même objet. Un texte consacré au dialogue social ne fournit-il pas l’occasion idéale de renforcer l’information des délégués du personnel ou du comité d’entreprise en matière d’heures supplémentaires ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable : un amendement ultérieur satisfera ces demandes à une place plus adaptée du texte.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

Les amendements 211, 262 et 119, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements 546 à 560 sont défendus.

Les amendements 546 à 560, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – En l’état, l’inspecteur du travail ne sera pas habilité à accorder son feu vert au dépassement du contingent d’heures supplémentaires dans les entreprises dépourvues d’instances représentatives des salariés.

La présence dans la loi de ce garde-fou n’a évidemment pas pour objet d’embêter l’employeur, mais de protéger les salariés. N’est-il pas indispensable que l’administration, dont c’est la raison d’être, contrôle les pratiques de dépassement afin d’éviter tout abus et tout risque pour la santé des salariés qui, faut-il le rappeler, n’ont pas la possibilité de refuser les heures supplémentaires ? C’est un mécanisme qui va tellement de soi que vous-mêmes n’avez jamais songé à le supprimer – jusqu’à ce texte qui marque une rupture brutale avec le passé.

C’est pourquoi nous devrions avoir pour souci que, dans cette situation particulière, une personne objective et représentant la puissance publique – l’inspecteur du travail – puisse s’assurer que la santé des salariés n’est pas menacée. Ce serait, plus que le laisser-faire, la marque d’une société civilisée.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Nous avons déjà longuement discuté de l’inspection du travail et de la suppression de l’autorisation préalable.

Les amendements identiques 561 et suivants, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 80 rectifié demande que les heures supplémentaires, qu’elles soient dans le contingent ou au-delà, fassent l’objet d’une information au comité d’entreprise ou au délégué du personnel, qui donneront leur avis.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avis favorable. Dès l’entrée en vigueur de la loi, il sera possible d’effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent, avec la nécessité de consulter les instances représentatives du personnel lorsqu’elles existent. C’est l’une des avancées majeures de ce texte.

Mme Martine Billard – Je défendrai en même temps les deux sous-amendements 162 et 163. Le premier prévoit que l’inspection du travail est informée des heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contingent. Le second vise à réintroduire l’autorisation de l’inspection du travail pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent. Il est normal que l’entreprise souhaitant recourir à des heures supplémentaires au-delà du contingent en démontre la nécessité, à savoir la survenue d’une charge de travail imprévue et momentanée qui ne lui laisse pas la possibilité d’embaucher en intérim ou CDD. C’est aussi la situation des femmes et des familles qui devrait nous préoccuper dans cette affaire. Les familles doivent s’adapter dans l’urgence à ce travail supplémentaire, avec les grosses difficulté que cela ne peut manquer d’occasionner, par exemple pour la garde des enfants. Les heures supplémentaires hors contingent ont souvent lieu le soir ou le week-end. La vérification par l’inspection du travail est donc particulièrement importante pour s’assurer que l’employeur n’a pas d’autre recours.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je m’étonne de la suspicion dont vous faites preuve à l’endroit des inspecteurs du travail, considérés par vous comme des empêcheurs de tourner en rond. L’inspection du travail représente une protection pour tout le monde, employeurs autant que salariés, car l’autorisation qu’elle émet écarte la possibilité d’attaquer ultérieurement la décision de l’employeur. C’est d’ailleurs pour cela qu’un certain nombre d’organisations patronales ont toujours considéré comme positive l’intervention de l’inspection du travail.

Le renvoi au décret pour la compensation des heures supplémentaires vise en fait à rendre possible des dérogations à l’ordre public social. Il n’y aura plus de cadre légal pour les rapports conventionnels dans l’entreprise. C’est le fond du problème. Vous êtes au bout du processus de démantèlement du code de travail. Mais vous aurez à payer les additions, en termes de santé des salariés, de contentieux, de conflits dans les entreprises, car même si l’autorisation de l’inspection du travail est contraignante pour les employeurs, elle les protège également, parce que ce qu’elle protège, en réalité, ce sont les rapports sociaux. Le nier, et prétendre que l’inspection du travail ne répond qu’à l’intérêt des salariés, c’est être dans l’idéologie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Les sous-amendements 1703 à 1713 sont ainsi défendus.

M. Alain Vidalies – Les sous-amendements 1714 à 1724 sont également défendus.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – L’amendement 103 rectifié est identique à l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Nous collègues essaient de réintroduire l’inspection du travail par la bande, mais je ne voudrais pas que l’on se prenne les pieds dans le tapis (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). J’ai entendu attribuer à l’inspection du travail des missions, par exemple pour la protection de la vie de famille, qui ne ressortissent pas du tout à sa compétence. La commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble des sous-amendements.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Monsieur Le Bouillonnec, je vous mets au défi de me citer une seule mesure que vous ayez votée en faveur de l’inspection du travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Le plan de modernisation de l’inspection du travail – portant le nombre d’agents de 1 300 à 2 000 agents en quatre ans – a été une initiative de M. le ministre Larcher. La fusion des inspections au profit de l’inspection du travail, c’est aussi une mesure de notre majorité, tout comme la création du Conseil national de l’inspection du travail, que j’ai moi-même installé. Il y a les grands discours et il y a les faits ! (Même mouvement)

M. Régis Juanico – Il s’est passé des choses avant 2002 !

M. Alain Vidalies – En mettant l’opposition au défi de démontrer qu’elle a voté pour votre politique, vous ne prenez pas un grand risque ! (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Nous reprendrons ce débat au moment du vote des crédits de votre ministère, si vous le voulez bien.

M. Le Bouillonnec a eu raison de rappeler que l’inspection du travail protège non seulement les salariés, mais aussi les employeurs. Aujourd’hui, si un salarié est victime d’un accident du travail dans le cadre d’heures supplémentaires hors contingent et si l’autorisation de l’inspection du travail fait défaut, le chef d’entreprise est condamné pour faute inexcusable, sanction qui entraîne des majorations d’indemnisation et des surcoûts de cotisation pour l’entreprise. Or, si la décision est prise par l’administration, on ne peut plus imputer de faute à l’employeur ! L’objectivité de l’administration constitue donc une protection pour tout le monde. Le jour où les contentieux se multiplieront, même ceux qui réclament le plus fort la liberté se rendront compte qu’ils la payent chèrement.

Le sous-amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 1703 et suivants, 163 et 1714 et suivants.

Les amendements 80 rectifié et 103 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Martine Billard – Le ministre ne jure que par la négociation, au détriment de la loi. C’est un recul significatif. Au moment de la recodification du code du travail, l’article L. 3121-28 avait été maintenu dans la partie législative, et non déclassé au niveau réglementaire, ce qui montre son importance. Mais si l’on étend par trop le champ de la négociation, il ne restera plus rien dans le code du travail ! Le Medef ne réclame rien d’autre depuis des années avec le contrat civil de travail, qui ferait disparaître les contrats et les droits collectifs des salariés. Ce projet de loi ajoute à la démolition que vous avez entreprise, petite pierre après petite pierre, depuis 2002 et qui sera poursuivie jusqu’à écroulement total du code du travail. Pourquoi sinon refuser que la contrepartie soit prise par demi-journée ou journée, et surtout que le repos soit assimilé à une période de travail effectif, ce que propose l’amendement 164 ? Car vous réduisez également d’autant les droits à la retraite du salarié, ses indemnités journalières en cas d’arrêt maladie et ses indemnités chômage. Ce refus entraînera une régression très forte de ses droits. Vous en seriez restés à la négociation de branche, il y aurait des garde-fous, mais en passant à l’accord d’entreprise, voire d’établissement, les salariés seront forcément perdants. Si l’on fait le bilan de ces différents textes, l’addition risque d’être lourde.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Nous comprenons bien votre intention – que le repos compensateur ne leur soit pas accordé par tranches de dix minutes, par exemple ! – mais les salariés peuvent vouloir prendre leur repos selon d’autres modalités que celles que vous mentionnez dans l’amendement.

L'amendement 164, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 165 concerne les cas où le contrat est rompu, y compris par licenciement, avant que le salarié ait pu bénéficier du repos compensateur obligatoire. Dans ces cas, le compte épargne temps qu’a évoqué le ministre n’est pas une solution. En effet, si l’on ne rétablit pas ce qui figurait dans la loi – je rappelle qu’il s’agit de l’article L. 3121-21, qui n’avait pas été déclassé non plus lors de la recodification – le repos est alors perdu. En cas de décès du salarié, ses ayants droit ne bénéficieront plus non plus de ses droits accumulés. C’est donc une nouvelle régression. Les salariés ne gagnent pas à cette réforme, ils y perdent.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement mais à titre personnel, il me semble que les salariés doivent bénéficier de ce type de garanties. Je suppose que le ministre va nous dire qu’elles figureront dans le décret.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est le cas. Avis défavorable, donc.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Les amendements identiques 576 à 590 sont défendus.

Les amendements identiques 576 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements identiques 591 à 605 visent à réintroduire une précision utile pour les cas de modulation du temps de travail. De tels accords de modulation imposent déjà aux salariés un régime atypique du fait de l’activité de leur entreprise : ils peuvent avoir des semaines très chargées et d’autres très peu. Dans de tels cas, l’article L. 3121-13 du code du travail prévoyait de réduire le contingent d’heures supplémentaires afin qu’il ne s’ajoute pas à la modulation, ce qui conduirait à des extrêmes. Cette mesure de protection a toujours été admise mais vous ne la reconduisez pas, alors même que les entreprises ne semblent pas demandeuses. Lorsqu’un accord de modulation a été conclu dans l’entreprise, rien ne sert de prévoir une souplesse supplémentaire ! Avec votre texte, les salariés auront la double peine. Nous ne comprenons pas pourquoi vous n’avez pas maintenu cette exception.

Les amendements identiques 591 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements 606 à 620 sont défendus.

Les amendements identiques 606 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Le 120 est un amendement de cohérence.

M. Francis Vercamer – L’amendement 212 est identique.

M. Christian Eckert – Les amendements identiques 621 à 635 le sont aussi.

Les amendements 120, 212 et 621 à 635, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 274 est rédactionnel.

L'amendement 274, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – La réécriture de toute la partie du code concernant la réduction du temps de travail a fait disparaître l’article L. 3121-32 relatif aux activités saisonnières, qui disposait qu’à défaut d’accord entre les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national, un décret déterminait les modalités d’application de la contrepartie obligatoire en repos. Le salarié dont le contrat s’achevait pouvait demander la conversion de ses droits à repos compensateur en indemnités afin de pouvoir accepter un autre emploi ou une formation. Mais il n’y a plus rien dans le texte. Que va-t-il advenir du repos compensateur pour ces salariés s’il n’y a pas d’accord dans l’entreprise ? L’amendement 166 propose de rétablir cet article du code.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Il n’y a pas lieu de prendre des dispositions particulières pour les activités saisonnières, qui sont déjà couvertes.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Là encore, s’il n’y a pas d’accord, c’est un décret qui s’appliquera.

L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer – Pour que travailler plus permette de gagner plus, l’amendement 217 supprime la possibilité de rémunérer les heures supplémentaires en dessous du taux légal. Toutes les heures supplémentaires doivent être rémunérées au même niveau.

L'amendement 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – La loi TEPA avait rétabli un premier taux de majoration des heures supplémentaires à 25 %. Vous voulez l’abaisser à 10 %. Or, lorsque des minima existent, on a tendance à les utiliser… Je suis donc d’accord, ce qui n’est pas si fréquent, avec M. Vercamer. Si vous refusez, c’est que tous vos discours depuis un an sont nuls et non avenus, ainsi d’ailleurs que toutes les exonérations que vous avez votées – à moins que vous ne vous soyez rendu compte qu’elles coûtaient cher et que, plutôt que de remettre en cause la loi TEPA, vous n’essayiez discrètement d’en réduire le coût !

L’amendement 121 propose donc qu’il puisse y avoir une négociation sur la rémunération, mais sur la base d’un minimum de 25 %.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Je serais ennuyé de contredire un amendement, voté à l’initiative du groupe socialiste, qui consacrait cette disposition à l’article 3121-22.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 81 vise à supprimer les alinéas 7 à 10 de cet article inutiles, dans la mesure où il est déjà possible de prévoir un repos compensateur en lieu et place du paiement des heures supplémentaires.

M. Roland Muzeau – L’amendement 263 est identique.

M. Alain Vidalies – Les amendements 636 à 650 également.

Mme Martine Billard – Le rapporteur sauve ainsi élégamment la face en supprimant le gré à gré.

M. Régis Juanico – Il sauve son honneur !

Les amendements 81, 263 et 636 à 650, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – L’adoption, à l’unanimité je le souligne, de ces amendements fait tomber les amendements 122 rectifié, 176, 224 et 123 à 127.

M. Daniel Goldberg – Le projet de loi rend caducs tous les accords d’entreprise et de branche concernant l’organisation du temps de travail au plus tard le 31 décembre 2009. Les amendements identiques 651 à 665 visent à supprimer cette date-butoir et à maintenir en vigueur les accords collectifs signés antérieurement à la promulgation de la loi.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Ces amendements iraient à l’encontre de l’ensemble du dispositif.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

M. Christian Eckert – Pourquoi des accords majoritaires deviendraient-ils soudain caducs pour être remplacés par des accords d’entreprise dont nous avons toujours souligné le danger pour ce qui est de la hiérarchie des normes ? Pourquoi cette précipitation ? Cache-t-elle quelque chose ?

Mme Catherine Coutelle – La fixation ici de cette date-butoir est surprenante. En effet, alors que la première partie du projet de loi, qui résulte de la position commune et fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux, entrera en vigueur de façon si lente qu’il ne faudra pas moins de quatre ans pour que toutes ses dispositions s’appliquent, la deuxième partie, que les partenaires sociaux contestent, devrait, elle, s’appliquer au plus tard au 31 décembre 2009.

Alors que les accords sur les 35 heures ont requis de longues négociations pour parvenir à un équilibre, voilà qu’aucun d’entre eux ne sera plus valable au-delà du 31 décembre 2009, alors même que de nouveaux n’auront pas été signés.

Je regrette de plus que les TPE soient les grandes oubliées de notre débat. Elles constituent pourtant la très grande majorité des entreprises – 95 % dans le territoire où j’étais élue avant d’être députée. Or, comme il n’y existe ni représentants ni délégués du personnel, c’est là que risquent de se multiplier les accords de gré à gré, dans un face à face inégal entre patron et salarié.

Les amendements identiques 651 à 665, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Plusieurs députés du groupe SRC – Nous n’avons toujours pas eu de réponse du ministre.

Mme Martine Billard – L’amendement 167 vise à substituer aux mots « au plus tard jusqu’au 31 décembre 2009 » les mots « jusqu’à la conclusion de conventions ou accords sur le fondement de l’article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction introduite par la présente loi ».

Il faut en effet laisser le temps à la négociation. Dans les grandes entreprises, où existent un DRH et des délégués syndicaux, il est envisageable d’aboutir à un accord dans un délai de dix-huit mois – encore que cela puisse être plus difficile qu’il n’y paraît. Mais il n’en ira pas de même dans les très petites entreprises et dans toutes celles où il faut passer par un salarié mandaté. Les mandatements utilisés pour la négociation des 35 heures étant devenus caducs, des salariés devront de nouveau se faire mandater par des confédérations syndicales, ce qui prend beaucoup de temps, vu les moyens limités de celles-ci – je le sais pour l’avoir vécu dans l’entreprise où je travaillais. Cette date-butoir du 31 décembre 2009 ne pourra dont être respectée dans les petites entreprises. Il ne s’agit pas ici d’idéologie, mais de pragmatisme. Vous qui invoquez sans cesse la nécessité de prendre en compte la réalité des entreprises en faites fi en l’espèce. Il aurait fallu, à tout le moins, prévoir une date plus lointaine, 2010 par exemple.

M. Alain Vidalies – Monsieur le ministre, que se passera-t-il le 1er janvier 2010 dans les entreprises où aucun accord n’aura été signé ? Est-ce le décret qui s’appliquera ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Oui.

M. Alain Vidalies – Vous aurez réussi le tour de force, vous qui vous vantez d’être des libéraux, de faire passer d’un accord résultant de la négociation à un dispositif résultant du décret. Je ne vous savais pas à ce point converti à l’économie administrée !… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Les amendements 681 à 695 sont défendus.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé ces deux amendements qui pourraient conduire à des situations où il n’y aurait jamais d’accord (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). En outre, Monsieur Vidalies, d’ores et déjà, là où il n’y a pas d’accord, c’est le décret qui s’applique (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) Enfin, un délai de dix-huit mois paraît suffisant pour parvenir à un accord, d’autant que nous avons adopté à l’article 2 un amendement demandant que la négociation dans les petites entreprises soit close au 30 juin prochain (Interruptions sur les mêmes bancs). Les partenaires sociaux eux-mêmes ont considéré que la date du 31 décembre 2009 était cohérente.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avis défavorable. Monsieur Vidalies, il nous faut concilier deux exigences. D’une part, laisser le temps à la négociation de prendre en compte la nouvelle législation, au nom même du principe constitutionnel de liberté contractuelle. D’autre part, permettre une entrée en vigueur assez rapide de la réforme. Le délai du 31 décembre 2009 nous paraît les concilier toutes deux. Enfin, vous n’ignorez pas que si un décret intervient et qu’aussitôt après, un nouvel accord collectif est signé, c’est l’accord qui bien évidemment s’applique.

M. Alain Vidalies – Si les chefs d’entreprise ou les salariés veulent se situer dans le nouveau cadre législatif, ils peuvent dénoncer les conventions ou accords qu’ils avaient conclus ; mais vous, vous ne respectez pas leur liberté contractuelle : vous leur imposez de renégocier, et s’ils n’aboutissent pas, c’est le décret qui s’appliquera ! De quoi se mêle donc le pouvoir politique ? En quoi cela vous gêne-t-il que certains restent sous l’empire d’un ancien accord, s’ils en sont contents ?

M. le Président – Je suis saisi de demandes de scrutin public sur l’amendement 167 et sur les amendements 681 à 695.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Nous avons un motif d’intérêt général, qui est de permettre d’augmenter la quantité de travail. Mais dans le même temps, en accordant un délai, nous préservons la liberté contractuelle. 

Mme Martine Billard – Quand nous avons parlé du contenu du décret, Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le contingent d’heures supplémentaires resterait fixé à 220 heures. On ne va donc pas augmenter le nombre d’heures travaillées…

Comment voulez-vous qu’en seize mois, des accords d’entreprise puissent être conclus dans nos petites entreprises, qui forment l’essentiel de notre tissu économique – et où, en général, il n’y a pas de directeur des ressources humaines ? Le chef d’entreprise devra commencer par assimiler la nouvelle loi, et il faudra le temps de mandater des salariés… On tombera ainsi, comme l’a dit M. Vidalies, dans l’économie administrée : le décret va venir casser des accords qui avaient été négociés entre partenaires sociaux. C’est absurde ! Je doute que vous reculiez aujourd’hui, mais essayez au moins de réfléchir avant la discussion au Sénat…

À la majorité de 44 voix contre 25 sur 69 votants et 69 suffrages exprimés, l’amendement 167 n’est pas adopté.

M. le Président – Monsieur Vidalies, vous considérerez sans doute que ce vote vaut aussi pour vos amendements 681 à 695 ? (M. Vidalies opine)

Les amendements 681 à 695 ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – L’amendement 666 et les suivants, identiques, tendent à remplacer l’année 2009 par l’année 2098, qui paraît un bon choix : ce sera le centième anniversaire de la loi sur les 35 heures ; en outre, cela fera exactement 86 ans que vous serez dans l’opposition ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Les amendements identiques 666 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements 696 et suivants sont défendus.

Les amendements identiques 696 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Mon amendement 128 est défendu.

M. Roland Muzeau – L’amendement 264 est identique.

M. Alain Vidalies – De même que les amendements 711 et suivants.

Les amendements 128, 264 et 711 à 725, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – Les amendements 726 et suivants sont défendus.

Les amendements identiques 726 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Mon amendement 130 est défendu.

L'amendement 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Vidalies – Au nom de mon groupe, je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 h 10, est reprise à 23 h 30.

ART. 17

M. Alain Vidalies – Nous en arrivons donc à l’article 17. Vous prenez l’initiative de généraliser les conventions de forfait, soit en jours, soit en heures, ou tout au moins d’augmenter considérablement le nombre de salariés concernés. Ce mode de calcul du temps de travail était à l’origine dérogatoire : prévu dans la loi Aubry II, il était le fruit des négociations tenues dans le cadre de la loi Aubry I. Il ne concernait que certains cadres, dont le temps de travail ne pouvait pas être prédéterminé, et qui occupaient des fonctions particulières.

Alors que vous avez déjà étendu ce type de dispositions aux itinérants et à des salariés qui ne sont pas cadres, vous nous proposez d’aller plus loin encore.

Comme je l’ai déjà indiqué en défendant une motion de procédure, il est étonnant que vous poussiez dans ce sens au moment où vous devenez le ministre de référence dans l’Union européenne en matière sociale, Monsieur Bertrand : les mesures que vous voulez étendre ont été sanctionnées par le Conseil de l’Europe pour violation de la charte sociale européenne. Cette décision, peu médiatisée, n’emporte que des conséquences limitées au plan normatif, mais elle revêt une forte portée politique. L’absence de décompte et l’amplitude horaire qui résultent des forfaits ont été jugées contraires à nos engagements internationaux.

La situation est également très particulière en droit interne. Par une décision du 31 octobre 2007, la Cour de cassation a transformé le forfait jours en cadeau empoisonné pour les entreprises, puisqu’elle a reconnu, en application d’un article du code du travail issu d’un amendement que j’avais déposé, la possibilité de reconstituer le travail horaire des salariés.

Nous dénonçons par ailleurs l’absence de tout véritable seuil dans la loi : on pourrait être obligé de travailler jusqu’à 280 jours par an, ce qui est absolument invraisemblable.

Comme nous n’arrivons pas à vous convaincre avec nos propres arguments, permettez-moi de citer M. Larcher, ancien ministre du travail de la majorité : « les sénateurs de la commission sont à l’écoute ; il y a de réelles possibilités d’amendement. Je pense que nous pouvons adopter des verrous supplémentaires pour garantir le respect de la santé et de la sécurité au travail. » Nous ne demandons rien d’autre depuis trois jours, mais en vain.

M. Jean Mallot – Il résultera de l’article 17 une déréglementation sans précédent de l’organisation et de la durée du travail en France. On pourrait en effet recourir aux conventions de forfait pour tous les salariés, et les plafonds légaux pourraient atteindre 280 jours par an dans le cadre du forfait jours.

Ces dispositions ouvrent la voie à des conventions individuelles pour tout salarié, cadre ou non cadre, en matière de temps de travail. Il y a d’ailleurs un lien avec d’autres textes que nous avons récemment adoptés, notamment la loi TEPA. Ce n’est pas vous qui les défendiez, Monsieur le ministre, c’est vrai. Mais « si ce n’est toi, c’est donc ton frère » : avec la notion d’auto-entrepreneur, M. Novelli nous engageait déjà dans la voie de l’individualisation.

J’ajoute qu’il y aura des effets de contagion au plan international : les normes sociales seront nivelées vers le bas. Je pense notamment à la dispense d’affiliation à l’assurance vieillesse que nous avons récemment adoptée par voie d’amendement. Tout salarié étranger cotisant dans un autre pays pourra en bénéficier pendant une durée de trois années, renouvelable une fois. Qu’est-ce d’autre que la directive Bolkestein ? J’avais pourtant cru comprendre que vous y étiez opposé, Monsieur le ministre. Avez-vous changé d’avis ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Mais non !

M. Jean Mallot – Comme l’avait expliqué notre collègue Pierre-Alain Muet, les entreprises françaises pourront désormais employer des salariés étrangers pendant six ans sans verser un euro de cotisations au titre des retraites. Mme Lagarde l’avait d’ailleurs confirmé. J’aimerais savoir ce que vous en pensez, Monsieur le ministre.

M. Christophe Sirugue – Cet article est probablement l’une des pires dispositions de ce texte. Vous allez banaliser un dispositif qui n’avait de sens que pour les cadres ou les professions dont l’organisation justifie des règles particulières. Tout salarié pourrait désormais y être soumis.

Cette mesure est très préoccupante, car elle consacre le principe d’individualisation en matière de durée du travail. Si la négociation de gré à gré est un facteur de souplesse pour les employeurs, elle prive les salariés de toute possibilité de prévoir leur activité. En outre, il manque dans ce texte des précisions concernant les catégories de salariés visés et les limites des forfaits. L’amplitude pourrait être très forte, avec pour seuls garde-fous les durées maximales hebdomadaires et annuelles, potentiellement très élevées.

Bien que les forfaits heures et les forfaits jours soient très similaires, je rappelle que ces derniers ont le défaut supplémentaire de ne pas permettre le décompte du temps réellement travaillé. Un jour de travail peut aussi bien représenter 8 heures de labeur que 13, ou davantage encore.

Alors que le forfait jour repose prétendument sur les principes d’autonomie et de liberté des salariés, et doit faciliter l’organisation du travail dans les cas peu assimilables à des horaires déterminés, ce type de disposition s’est traduit dans les faits par des conséquences extrêmes pour une partie des salariés. En dix ans, le législateur n’a pas su adopter un encadrement adéquat. La souplesse autorisée par ce type de forfaits a poussé certaines entreprises à y recourir massivement, y compris en modifiant le statut de leurs salariés.

Il est donc impératif que la loi encadre le recours aux forfaits aussi bien du point de vue des salariés concernés que des limites de durée. Si nous ne le faisons pas, il y aura un impact sur la santé dans les entreprises, mais aussi un coût humain et économique pour l’ensemble de la société. Il serait très préjudiciable de déréglementer brutalement des dispositions qui ne se justifient que pour les cadres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous arrivons probablement au bout du processus de déréglementation. C’est d’ailleurs l’immense mérite de l’article 17 : il est sincère dans ses objectifs. Vous voulez que les règles du droit du travail se construisent de gré à gré, dans le cadre d’une relation individuelle au sein de l’entreprise. Or, c’est là qu’il est le plus difficile de s’appuyer sur le rapport entre les employeurs et les employés…

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – C’est là où ce rapport est le plus vrai.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Dites plutôt : le plus orthogonal, pour parler comme M. le rapporteur. Ce rapport n’est « vrai » qu’au sens libéral où vous l’entendez : vous voulez empêcher qu’une construction collective vienne protéger les deux parties. J’y insiste : le droit social protège et les employeurs et les salariés. Vous verrez à quel point les contentieux vont augmenter. Las, j’oubliais que les socialistes ne connaissent rien à l’entreprise…

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – C’est vous qui le dites !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je le dis pour vous éviter d’avoir à hocher la tête – ce que certains dans cet hémicycle, qui ne sont ni députés ni ministres, devraient aussi cesser de faire… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Les salariés, cadres ou non, deviendront individuellement responsables de leurs propres conditions de travail. La limitation dans la loi du nombre de jours travaillés par an constitue une régression sociale sans nom : le plafond des 218 jours disparaît pour devenir un seuil de déclenchement des jours supplémentaires, dont la rémunération est généreusement majorée de 10% ! Seuls seront préservés les dimanches – sauf dans le secteur du commerce – et les congés payés qui, en cas de travail du samedi, sont réduits à quatre semaines. En outre, la journée de travail pourra dépasser treize heures, puisque la dérogation à la journée de neuf heures prévue par décret demeure applicable.

Un véritable démantèlement du droit du travail : voilà ce que contient cet article 17 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Christian Eckert – En effet, nous atteignons le sommet de la dérégulation. Les conventions de forfaits, autrefois réservées aux seuls cadres, sont généralisées à tous les salariés. La priorité accordée à l’accord d’entreprise ouvre la voie à toutes les dérives, puisque 80% des entreprises françaises sont dépourvues de représentation syndicale. Le plafond de 218 jours est transformé en seuil de déclenchement des jours de travail supplémentaire dont vous proposez, magnanimes, d’augmenter de 10 % la rémunération.

Plusieurs députés du groupe SRC – Quelle générosité !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Cette majoration existe-t-elle aujourd’hui ?

M. Christian Eckert – Pire encore : désormais, le salarié « qui le souhaite » pourra travailler au-delà de la durée annuelle fixée par la convention. Vous inversez l’ordre des choses : un salarié pourrait donc exiger de travailler davantage, quels que soient les besoins de l’entreprise ? Cette rédaction de l’alinéa 19 est cynique.

Voilà qui éclaire votre intention d’autoriser le travail dominical. Ajoutons-y la dérogation à la durée légale hebdomadaire pour les salariés ayant souscrit la convention de forfait…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – C’est déjà le cas aujourd’hui !

M. Christian Eckert – …et nous avons là une esquisse du monde que vous nous préparez, digne d’Apocalypse Now (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Catherine Coutelle – En dérégulant le temps de travail, avec un délai de prévenance de huit jours seulement, vous compliquez considérablement l’organisation de la vie familiale et sociale des salariés. En outre, vous ne faciliterez en rien la résorption du chômage puisque vos mesures sur les heures supplémentaires s’adressent aux salariés à temps plein. Or, le temps partiel subi et découpé se développe, avec son impact sur la vie personnelle, en particulier celle des femmes. Il est vrai que c’est dans les pays où la dérégulation du travail est la plus forte – aux Pays-bas, au Royaume-Uni – que le temps partiel croît le plus vite, entraînant une réduction opportune et biaisée du taux de chômage. De même en France, quelques heures hebdomadaires de services à la personne suffisent à exclure une personne des statistiques du chômage.

En augmentant le nombre d’heures et de jours travaillés, en développant la flexibilité, vous allez réduire le temps de loisir et le pouvoir d’achat, donc la capacité à consommer et, partant, l’activité économique et l’emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre-Alain Muet – L’année dernière à la même époque, vous dilapidiez 15 milliards d’euros sans la moindre analyse de la situation économique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Trois mois plus tard, vous nous annonciez que les caisses étaient vides…

Aujourd’hui, après avoir ressassé votre attachement à la négociation, vous contournez un accord entre les partenaires sociaux pour démanteler le droit du travail et enclencher une spirale descendante aux plans social et économique. La dérégulation totale du temps de travail prévue à l’article 17 avec la généralisation du forfait ne préservera plus d’autre limite à la durée du travail que les dimanches, les congés et le 1er mai.

M. Le Bouillonnec a parfaitement expliqué combien la hiérarchie des accords est essentielle. Pour qu’un accord soit efficace, il doit être équilibré. Or, seul l’accord de branche peut garantir cet équilibre, car l’accord d’entreprise est fondé sur une relation de dépendance du salarié à l’employeur. Voilà pourquoi tous les pays qui privilégient la négociation encadrent les accords d’entreprise par des accords de branche.

Peut-être les députés de la majorité pourront-ils mettre la fin de semaine à profit pour méditer cette maxime de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Et entre l’UMP et le PS, les Français ont choisi !

Mme Martine Billard – Les conventions de forfait ont été créées pour les cadres par la loi Aubry II – j’avais à l’époque protesté contre cette mesure. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté deux résolutions, le 4 mai 2005, confirmant deux décisions du comité européen des droits sociaux et concluant à la violation par la France de la Charte sociale européenne, qu’elle a pourtant ratifiée. Celle-ci prévoit un droit aux conditions de travail équitables et impose aux États de fixer une durée raisonnable de travail journalier et hebdomadaire. Elle déclare que le régime de forfait, qui ne prévoit pas de durée maximale du travail, implique une durée manifestement trop longue pour être qualifiée de raisonnable, en précisant que « la situation des cadres avec forfaits jours constitue une violation de l’article 2, paragraphe 1, de la Charte sociale révisée en raison de la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé ainsi que de l’absence de garanties suffisantes ».

Malgré cela, vous avez, dans une précédente loi, étendu l’utilisation des forfaits jours aux non-cadres. Or, si nous retranchons des 365 jours que compte une année 52 dimanches – ou 52 jours de repos en cas de dérogation au repos dominical, un jour de repos par semaine restant tout de même obligatoire –, ainsi que le premier mai et 24 jours ouvrables – puisqu’il est possible de transférer sa cinquième semaine de congés payés sur le compte épargne temps –, un forfait jours peut compter jusqu’à 288 jours de travail.

À quoi s’ajoute que la journée de travail peut atteindre treize heures, la seule limite étant apportée par le respect de onze heures de repos. Or, vous avez souhaité, à cet égard, que les temps de déplacement chez les clients ne soient plus inclus dans le temps de travail. Une personne peut ainsi faire dans sa journée treize heures chez les clients, les temps de transport étant pris sur son temps de repos.

Enfin, le projet de loi introduit le gré à gré pour travailler au-delà du nombre de jours prévus dans la convention de forfait. C’est une grande nouveauté.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Non !

Mme Martine Billard – Comme cela est royalement rémunéré 10 % de plus, la CGC a prévu d’introduire un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme pour discrimination entre cadres et non-cadres.

Enfin, pour les forfaits heures à l’année, une nouvelle catégorie est créée : celle des salariés disposant d’une réelle autonomie, ce qui aboutira, comme pour les forfaits jours, à la possibilité du forfait heures à l’année pour tous. Deux nouveautés importantes, donc, qui vont dégraderont davantage encore le temps de travail des salariés. À vouloir pousser le bouchon trop loin, il y aura, comme pour le CNE, un retour du bouchon ! Ces dispositions seront déclarées illégales au niveau européen (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Jacqueline Fraysse – L’article 17 assouplit les possibilités de recours au forfait jours. Vous commencez par élargir les catégories de salariés concernés par les forfaits en heures sur la semaine ou le mois. Il est vrai que, depuis la loi Aubry de 2000, la liste n’a cessé de s’élargir : de certaines catégories de cadres, nous sommes passés à l’ensemble des cadres dits autonomes, puis aux salariés non cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée.

Mais le texte introduit une autre nouveauté, et elle est de taille. Alors que le forfait annuel en jours devait être mis en place par la voie d’un accord collectif fixant le nombre maximal de jours dans la limite de 218, le texte prévoit qu’il sera désormais loisible à l’employeur, à défaut d’accord, de fixer lui-même ce nombre de jours après une simple consultation du comité d’entreprise. Quel intérêt aurait dès lors l’employeur à négocier sur le nombre de jours travaillés, puisqu’il peut le fixer unilatéralement ? Le salarié sera renvoyé à une relation déséquilibrée de face à face avec l’employeur. Je rappelle à mon tour que la France a été condamnée par le Comité européen des droits sociaux pour le régime dérogatoire du forfait annuel en jours au motif que celui-ci permettait des durées de travail trop longues.

Nous nous doutons bien quels sont les intérêts puissants qui vous dictent une telle attitude, mais nous la condamnons, tant elle est irresponsable et contraire à l’intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. le Président – J’appelle les amendements à l’article 17.

M. Roland Muzeau – La majorité a soudainement eu à coeur, la semaine dernière, de « rabibocher tout le monde », comme l’a dit M. Copé. Propos qui soulignent les excès auxquels s'est livré le Gouvernement sur ce texte, au point de susciter la colère des partenaires sociaux dans leur ensemble, signataires ou non.

Les amendements proposés par la majorité ne suffiront cependant pas à nous convaincre d'un rééquilibrage. Un de ces amendements vise à plafonner le nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait jours. Celui-ci est actuellement fixé à 218 jours par an. Le texte du Gouvernement ne prévoit aucun plafond, ce qui signifie, compte tenu des contraintes européennes, un maximum de 245 jours. La majorité envisage un nouveau plafond de 235 jours, soit tout de même 17 jours de plus que le plafond actuel. Un autre amendement vise à mieux définir le statut de salarié autonome. Il s’agit de répondre ainsi à M. Grignard, en charge du temps de travail à la CFDT, qui a judicieusement fait remarquer qu’à peu près tout le monde pouvait être considéré comme un salarié autonome, aujourd’hui.

Ces deux amendements ne règlent pas la question du repos compensateur, qui sera supprimé du code du travail et négocié entreprise par entreprise. Ils n'apportent aucune réponse non plus aux questions soulevées par le gré à gré, qui affaiblit la négociation collective, ou par l'augmentation de la durée du travail, alors que le Conseil de l'Europe a considéré que « la situation des cadres avec forfaits jours constitue une violation de l'article 2, paragraphe 1, de la Charte sociale révisée en raison de la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé ainsi que l'absence de garanties suffisantes ».

Nos préoccupations portent sur les conséquences de l'élargissement des forfaits annuels en heures à tous les salariés, sur les risques pour leur santé et leur sécurité qu’elle entraînera, sur les conséquences en termes d'articulation de la vie privée et de la vie professionnelle et, partant, de promotion de la cohésion sociale. Je pourrais citer l’adresse à l'Assemblée nationale de la CGT du Technocentre Renault, qui rappelle les conclusions du cabinet d’expertise agréé par vous-même, Monsieur le ministre, évoquant une « culture du surengagement liée à la combinaison de la passion pour son métier, de l’ambition professionnelle et d’un système managérial qui s’appuie sur ces leviers ». Enfin, le secrétaire national de la CFE-CGC considère qu’avec ce projet de loi, 78 heures par semaine étaient désormais possibles pour les cadres, et il déposera donc un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de voter l’amendement 265 de suppression.

Mme Martine Billard – L’amendement 129 est également de suppression. La différence entre l’alinéa 19 et l’actuel article L. 3121-46 du code du travail, c’est que, dans ce dernier, une convention ou un accord collectif est prévu préalablement, tandis que la nouvelle rédaction de l’article L. 3121-42 est rédigée de telle manière qu’un accord préalable n’est même plus nécessaire. Les dépassements du nombre de jours contenus dans le forfait pourront être négociés individuellement. Vous voyez que vous vous êtes trompé, Monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je vous renvoie à la loi de 2005 et à celle sur le pouvoir d’achat.

M. Christophe Sirugue – Je défendrai l’ensemble des amendements de suppression 741 à 755. L’article 17 est entaché de quatre fautes graves. La première est de considérer que l’on peut ouvrir à l’ensemble des salariés les conventions de forfait, comme s’ils disposaient tous de l’autonomie de leur emploi du temps ; cela n’est pas du tout le cas, notamment dans de nombreuses petites entreprises. La deuxième est d’instaurer l’accord d’entreprise en tant que cadre de ces conventions, alors que 80 % des entreprises sont dépourvues de représentation syndicale. La troisième est de supprimer le plafond de 218 jours travaillés, qui pourrait dès lors atteindre 280, voire 286 jours de travail par an. La quatrième faute, enfin, est d’instituer le gré à gré par la mise en œuvre de conventions individuelles ; il est tout de même cocasse que vous fassiez cette proposition alors que vous avez permis au plan européen de faire valider l’opt out, qui représente le grand frère du gré à gré (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Sur la plupart des points que vous avez soulevés, l’article 17 reprend le droit existant, comme les conventions de forfait en heures sur la semaine ou le mois, la subordination de la mise en œuvre des conventions de forfait annuel à la conclusion d’accords collectifs de travail ou le respect des règles de droit commun relatives au repos et aux maxima. Il apporte en outre trois innovations. D’abord, il consacre certaines dispositions jurisprudentielles concernant les forfaits hebdomadaires et mensuels. La commission a tenu à préciser ce régime par voie d’amendement. Il précise ensuite que les conventions en heures sur l’année peuvent être conclues par tout type de salarié autonome, la commission ayant également précisé cette notion d’autonomie. Il pérennise enfin un dispositif de la loi du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat en permettant à un salarié de travailler au forfait annuel jours au-delà de 218 jours. Là encore, la commission, comme chacun le sait d’ailleurs, a veillé à apporter des garanties en cas d’absence d’accord collectif. Pour toutes ces raisons, je vous demande de repousser ces amendements de suppression.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

Les amendements 129, 265 et 741 et suivants, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 7 juillet à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 20 le vendredi 4 juillet.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

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