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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 8 juillet 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
11ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, de modernisation des institutions de la Ve République.

M. Le président – J’appelle dans le texte du Sénat les articles du projet de loi constitutionnelle sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois Monsieur le Président, je demande la réserve des amendements 305, 302, 250 rectifié et 303 jusqu’après l’examen de l’article 30 sexies, cela afin de regrouper les amendements sur les langues régionales.

M. Le président – La réserve est de droit. En conséquence, le vote sur l’article premier B est également réservé.

ARTICLE PREMIER B

M. Bernard Debré – L’amendement 121 tend à supprimer cet article. Je suis pour ma part favorable à la parité en matière de fonctions électives, mais elle est déjà mentionnée par la Constitution ; quant à la parité dans l’accès aux responsabilités professionnelles et sociales, je ne comprends pas comment elle pourrait s’appliquer. Demandera-t-on aux hôpitaux d’embaucher une moitié d’infirmiers et une moitié d’infirmières ? Cet article est superfétatoire, inutile, et inapplicable.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mars 2006, a demandé au constituant de prendre position ; c’est ce que fait cet article. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Même avis.

L’amendement 121, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 177, déjà défendu en première lecture et en commission des lois, propose de remplacer le mot « race » par « origines » – même si la position contraire a pu être défendue sur les bancs de la gauche au Sénat. Les scientifiques ont prouvé que la notion de race n’a aucun sens : seule l’espèce humaine existe ; dès lors, le mot « race » tend à installer une forme de discrimination que nous refusons. Nos collègues du parti communiste français ont d’ailleurs déposé une proposition de loi qui va dans le même sens.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 232 est identique.

M. Noël Mamère – L’amendement 64 propose de se conformer à la Convention européenne des droits de l’homme : il faut lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris celles liées au sexe et à l’orientation sexuelle. Il nous semble que cela pourrait figurer dans la Constitution, puisqu’on souhaite l’adapter à notre société telle qu’elle est aujourd’hui.

L’amendement 207 est défendu, ainsi que le 206.

M. Christian Vanneste – Mon amendement 83 n’est pas tout à fait identique au 177 défendu par M. Mamère : en effet, j’écris « origine » au singulier. J’avais, en son temps, combattu la proposition de loi de M. Vaxès : mais elle portait sur l’ensemble des textes juridiques qui reposent sur la notion de race.

La notion d’origine englobe celle de race, qui est une des formes de l’origine : constatons donc en premier lieu que l’article premier actuel est redondant. Ensuite, on peut reprendre l’argument de M. Robert Badinter au Sénat – le même au demeurant que j’avais opposé à la proposition de M. Vaxès : comment combattre le racisme si l’on supprime le mot « race » de tous nos textes ? Pensons au code pénal : il doit désigner le crime s’il veut le punir. Il faut donc maintenir le mot « race » dans l’ensemble des textes qui ont pour visée de combattre la discrimination ou de la sanctionner ; en revanche, sa présence dans la Constitution peut parfaitement être évitée, et doit l’être. Car, et c’est mon dernier point, la Constitution sacralise les termes ; or le terme de « race » n’y est pas employé de façon explicitement négative : la race est présentée comme l’une des caractéristiques d’une personne, au même titre que l’origine. J’estime qu’au sein de la Constitution, il est bon d’éviter ce terme sans fondement scientifique, dont la seule valeur est idéologique. Conservons-le dans les textes qui combattent le racisme, mais évitons de l’inscrire dans la norme suprême.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable de la commission sur tous ces amendements. La suppression du mot « race » de l’article premier ne le ferait en rien disparaître de notre ordre juridique, puisqu’il figure également dans le Préambule de la Constitution de 1946, dans l’article premier de la Charte des Nations unies, dans l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans l’article 3 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dans le Préambule de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – j’arrête là l’énumération pour ajouter que, depuis la première lecture, nous pouvons nous prévaloir du soutien de M. Robert Badinter, qui a indiqué qu’ « il serait incompréhensible que, de l’article premier, nous retirions d’un seul coup ce qui est la condamnation du racisme exprimée dans la Constitution ».

Mme Rachida Dati, garde des sceaux J’ajoute que, dans le contexte de la présidence française de l’Union européenne, une telle suppression risquerait de donner à nos partenaires l’impression d’un recul dans la lutte contre le racisme. Avis défavorable.

Les amendements 177 et 232, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 64, 207 et les amendements identiques 83 et 206.

M. Noël Mamère – L’amendement 208 reprend une revendication de longue date des Verts. L’adoption du mode de scrutin proportionnel donnerait un sens politique à cette réforme des institutions, en assurant une meilleure représentation de la diversité sociale et politique. Nous ne pouvons que constater l’opposition du Gouvernement et de la majorité ; cet amendement aurait pourtant permis…

M. Jacques Myard – …de détruire la République !

M. Noël Mamère – …que cette réforme soit autre chose que du bricolage !

L’amendement 208, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 65 concerne la question essentielle du vote des étrangers. Je rappelle à Mme la garde des sceaux et à M.  le secrétaire d’État que l’Espagne envisage le vote des étrangers non communautaires aux élections municipales et européennes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cette proposition a été formulée depuis longtemps – je pense à François Mitterrand en 1981 – et, au sein de notre Assemblée, la majorité de gauche a adopté une proposition de loi des Verts qui allait en ce sens. Il y a là une discrimination depuis le traité de Maastricht…

M. Jacques Myard – Il ne fallait pas le voter !

M. Noël Mamère – …car on peut être Espagnol, Italien ou Allemand et voter aux élections municipales comme ressortissant de l’Union européenne, mais on ne le peut pas quand on habite depuis quarante ou cinquante ans dans notre pays, que l’on n’a pas choisi la nationalité française, mais que l’on fait partie intégrante de notre pays.

M. Jean-Paul Garraud – Et la réciprocité ?

M. Noël Mamère – Nous ne pouvons accepter cette discrimination entre des citoyens à part entière et des citoyens de seconde zone. Ceux qui ne participent pas aujourd’hui à leur destin collectif, et qui pourtant sont comptabilisés pour déterminer le nombre de conseillers municipaux d’une ville et auxquels on demande de respecter les lois de la République, ne sont pas considérés de la même manière par les élus, bien conscients qu’ils ne pourront être sanctionnés par eux. Leurs enfants se considèrent souvent comme des étrangers de l’intérieur.

M. Jacques Myard – Scandaleux !

L’amendement 65, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Président – Je rappelle que, les amendements 305, 302, 250 rectifié et 303 ayant été réservés, le vote sur l’article premier B est également réservé.

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Myard – Aux termes de l’amendement 87, l’article 4 de la Constitution disposerait que les partis respectent le principe de laïcité, qui est aujourd’hui la clef de voûte de notre pacte républicain. Toutes les confessions peuvent s’exprimer librement ; mais dans la sphère publique, le principe de laïcité doit prévaloir. Les partis politiques sont des acteurs de la vie politique ; c’est pourquoi la Constitution devrait exiger qu’ils respectent non seulement les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie mais aussi celui de laïcité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurCe principe nous semble suffisamment protégé. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis.

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurL’amendement 4 est de précision.

M. François Bayrou – Cette présentation ne manque pas d’élégance … Il s’agit en réalité d’un amendement qui a fait l’objet, comme chacun le sait ici, d’une longue négociation entre certains parlementaires, groupes ou parties de groupes. D’aucuns auront ainsi le sentiment – ou l’assurance – que le pluralisme et l’équité de la représentation seront désormais mieux garantis. Un certain nombre de députés d’origine centriste et de sénateurs centristes avaient en effet déclaré que jamais ils n’adopteraient ce texte si un progrès n’était pas marqué en faveur d’une loi électorale plus juste. C’est ainsi qu’il nous est donné à examiner cette rédaction contournée et un peu étrange, à laquelle le Conseil constitutionnel aura à se référer chaque fois qu’une nouvelle loi électorale sera proposée.

Aujourd’hui, il n’existe pas de réelle indépendance du législatif par rapport à l’exécutif. Nous sommes nombreux à penser que rien ne sera substantiellement changé à cet égard tant qu’une loi électorale plus juste ne sera pas adoptée, une loi qui fortifie le lien entre la représentation nationale et les millions d’électeurs.

Je m’avance en disant qu’il peut s’agir d’une part seulement des sièges. J’ai défendu pour ma part l’idée qu’une proportion de 10 %, correctif du scrutin majoritaire, suffirait à changer les rapports entre l’exécutif et le législatif.

L’amendement 320 – ou le sous-amendement 328 à l’amendement de la commission – vise à inscrire dans la Constitution le principe du caractère équitable de l’expression et surtout de la représentation des partis.

Je souhaite interroger le rapporteur sur l’interprétation qu’il peut donner du très élaboré amendement 4 et des termes « les expressions pluralistes ». Je ne doute pas que sa réponse sera éclairante.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurCela signifie que chaque force politique peut s’exprimer. M. Bayrou a exprimé son souhait d’une loi électorale pour justifier le sous-amendement 328. Or, et c’est une position constante de la commission, nous ne voulons pas entrer dans ce genre de débats dans le cadre de l’examen d’un projet de loi constitutionnelle. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Avis défavorable : le sous-amendement 328 est en lien avec le mode de scrutin, qui n’est pas de niveau constitutionnel. Le Gouvernement est favorable à l’amendement 4, mieux rédigé que l’amendement 320.

M. Arnaud Montebourg – Nous faisons nôtres les déclarations de M. Bayrou. Nous avons défendu cette demande bien légitime au travers d’amendements plus concrets, mais la contribution de l’amendement 320 est intéressante en cela qu’elle aura une incidence sur le bloc de constitutionnalité.

S’agissant des lois électorales, la devise gouvernementale n’est-elle pas « ne pas en parler, mais y penser toujours » ? La modification des modes de scrutin est préparée en sous-main : M. Marleix est en train de consulter dans les couloirs aux tentures lourdes, la dague au côté (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Debré – Je lui ai prêté mon bistouri ! (Sourires)

M. Arnaud Montebourg – Pendant que nous discutons du sexe des anges, il s’apprête à charcuter la carte électorale.

Comment peut-on laisser Mme la garde des sceaux nous dire que ce projet n’a rien à voir avec les modes de scrutin alors que, précisément, la question du collège sénatorial a donné lieu à une bataille furieuse, d’abord au sein de l’exécutif ?

M. Benoist Apparu – M. Montebourg sait ce qui se passe au sein de l’exécutif, c’est une nouvelle preuve de l’ouverture !

M. Arnaud Montebourg – Il était mentionné dans l’avant-projet de loi constitutionnelle, avant qu’il ne passe en Conseil d’État, que le mode de scrutin sénatorial serait modifié. Après arbitrages gouvernementaux et passage au laminoir du Sénat, nous sommes revenus au statu quo. L’hypocrisie règne désormais, et c’est pourquoi nous soutenons les déclarations de M. Bayrou (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Soisson – Il y a une très grande constance dans la pensée de M. Bayrou et dans la défense de sa ligne politique : sans l’introduction d’une dose de proportionnelle, le centrisme ne peut être majoritaire.

Pour autant, ne pas mettre la loi électorale dans la Constitution est un principe qui a toujours été observé par les présidents de la République. La loi électorale la meilleure est celle qui permet à une majorité de survivre : elle n’a donc rien à voir avec la Constitution mais est liée à des contingences politiques. Nous nous efforçons les uns et les autres – avec plus ou moins de bonheur et en faisant appel à des appuis extérieurs – de déterminer le meilleur scrutin – celui qui nous renverra à l'Assemblée nationale ! (Sourires)

M. François Bayrou – Selon M. le rapporteur, l’amendement 4 permet aux forces politiques de s’exprimer. Monseigneur est trop bon ! Que je sache, ce n’est pas la Constitution mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui garantit la liberté d’expression !

La question qui se pose est de savoir si cette liberté d’expression débouche sur une représentation honnête – ou honorable – des courants politiques au sein de l'Assemblée nationale.

En première lecture, M. Soisson a cité la définition, admirable de clarté et de simplicité, que donnait Michel Debré de la Constitution devant le Conseil d’État : « Un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second. » Comment retrouver cette séparation, et donc l’équilibre des pouvoirs ? Le seul moyen, c’est que les principales forces politiques soient représentées au Parlement, non pas en fonction de leur rapport avec le Prince ou le principal parti d’opposition, mais du soutien de la population. Rappelons qu’aujourd’hui, le principe d’égalité du suffrage est bafoué.

Madame la garde des sceaux, affirmer qu’il n’y a aucun lien entre la Constitution et les modes de scrutin, c’est se moquer du monde ! (Plusieurs députés du groupe UMP et M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État, protestent) Les parlementaires sont encore libres de dire ce qu’ils veulent dans cet hémicycle et ils entendent le rester !

La question du caractère équitable de la représentation est déterminante pour le rééquilibrage des rapports entre le législatif et l’exécutif. Il ne s’agit donc pas d’une question secondaire ; elle est même sans doute plus importante que bien des sujets qui seront examinés ici. De son traitement dépendra la réponse de beaucoup d’entre nous à cette question : « Cette révision constitutionnelle contient-elle quelque chose ou rien ? »

M. Noël Mamère – M. Bayrou parle d’or. Il exprime ce que nous pensons, et bien au-delà des bancs de la gauche, ce que pense une bonne partie de l’opinion française, laquelle estime ne pas être représentée sur les bancs de cet hémicycle.

La question n’est pas de savoir s’il faut introduire la proportionnelle. Il s’agit d’une question de principe, qui dépasse largement celle de la représentation des expressions visée à l’amendement 4, objet d’un marchandage avec l’une des composantes de la majorité pour obtenir les trois cinquièmes tant recherchés. Et si, d’aventure, vous refusez cet amendement essentiel, votre réforme ne sera qu’un leurre, une illusion destinée à faire accroire au bon peuple de France que les pouvoirs du Parlement sont renforcés, alors que l’on étend ceux du Président de la République – qui, de surcroît, n’est pas responsable devant le législateur ! Cependant, nous continuons à débattre de questions déconnectées d’une douloureuse réalité : les Français souffrent d’autant plus que les promesses du Président de la République en matière de pouvoir d’achat n’ont pas été tenues.

Les citoyens sont sous-représentés au Parlement. Je ne pense pas qu’aux étrangers non communautaires, à qui l’on refuse le droit de participer à la construction de notre destin collectif, mais aussi aux Français qui déplorent la représentativité lacunaire du système électoral. Quelle ironie, dès lors, que les mânes de M. Mitterrand soient réveillées par un député de droite, qui fut son ministre ! Vous avez raison, Monsieur Soisson : l’ancien Président de la République n’a pas souhaité inscrire le système électoral dans la Constitution. Ce n’est pas non plus ce que propose M. Bayrou, dont l’amendement de principe permettrait de renforcer la diversité politique et sociale dans notre hémicycle, où elle fait cruellement défaut.

Le sous-amendement 328, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 320 tombe.

M. François Bayrou – L’amendement 318, de principe également, a trait à l’indépendance des médias. Si les partis politiques permettent la manifestation du suffrage, d’autres pouvoirs permettent la formation des convictions politiques et de l’opinion publique : les médias. Or, le problème de leur indépendance se pose avec force : ces derniers jours, ne vient-il pas d’être proposé de drainer l’ensemble de la publicité faite sur les chaînes publiques vers les chaînes privées – sur lesquelles s’exercera ainsi une influence sonnante et trébuchante – et, dans le même temps, de confier la désignation du président du service public de l’audiovisuel à l’exécutif ?

Dans ce contexte, l’amendement 318 vise à préciser la définition de l’indépendance des médias dans la Constitution. Il reprend un principe déjà énoncé par le Conseil national de la Résistance…

Mme Marie-Josée Roig – La référence est prétentieuse !

M. François Bayrou – …en vertu duquel notre système démocratique devrait garantir l’indépendance des médias à l’égard de l’État et des puissances d’argent. De même, je propose de garantir la protection constitutionnelle des médias, tant à l’égard des intérêts des actionnaires que des éventuels conflits d’intérêts qui ne manqueront pas de naître dès lors que certains groupes médiatiques sont clients ou fournisseurs de l’État.

M. Accoyer remplace M. Le Fur au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Bernard ACCOYER

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Je ne reprendrai pas les mots très durs de M. Bayrou pour qualifier son amendement, car je respecte toute proposition d’où qu’elle vienne. Je ne parlerai donc pas de rédaction hasardeuse : je me contenterai de rappeler à nos collègues que l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que la libre communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’homme et que, dès lors, tout citoyen est libre de parler, d’écrire et d’imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

M. François Bayrou – Dans quel monde vivez-vous ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis. Le Sénat a introduit une disposition prévoyant d’inscrire dans la loi la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias. Votre préoccupation est donc satisfaite par ce texte.

M. Bruno Le Roux – Et par la pratique présidentielle ?

M. Noël Mamère – L’amendement de M. Bayrou vient à point nommé, alors que le Président de la République s’attache à bouleverser les principes énoncés par le Conseil national de la Résistance sur l’indépendance des médias. Il réinvente la télévision d’État – et non la télévision publique – tout en multipliant les cadeaux à l’attention des puissances d’argent.

Il existe en France des grandes entreprises qui répondent à des commandes publiques alors même qu’elles détiennent une majorité du capital de chaînes privées telles que TF1 ou M6. Songez que l’une de ces chaînes détient à elle seule 45 % des parts de marché : encore une exception française… En outre, l’essentiel de la presse écrite est aux mains des deux plus grands marchands d’armes de France, qui se trouvent être de bons amis du Président de la République. Celui-ci n’a pas manqué de leur offrir de nouveaux cadeaux : la publicité, mais aussi, via un amendement défendu par l’un de ses porteurs d’eau, M. Lefebvre, l’élévation du seuil de concentration pour permettre à TF1 d’entrer par la fenêtre dans la TNT, elle qui n’avait pas souhaité y entrer par la porte.

En matière d’information, nous vivons dans une république bananière. Le Président de la République se fait l’arbitre des élégances, décidant quelles sont les bonnes émissions et celles qui ne lui plaisent pas. Il se voit en directeur des programmes et en conseiller du président de France Télévisions. C’est la chronique de la mort annoncée du service public audiovisuel qu’il écrit là ! D’ici peu, certaines voix de droite ne manqueront pas de s’élever pour déplorer son état lamentable et, en guise de remède, réclamer la réduction de son périmètre ! Soit : on vendra France 3 comme un immeuble à la découpe et l’on cèdera les stations locales aux grands groupes de presse régionale, qui n’attendent que cela. En somme, on tuera le service public de la télévision.

Aux États-Unis, il existe des lois anti-concentration dans les médias. La France doit inscrire l’indépendance des médias dans sa Constitution. Hélas, la pratique de l’exécutif est plutôt celle d’une très grande dépendance, au point que je me sens renvoyé au temps de mon adolescence, lorsque M. Peyrefitte, ministre de l’information, répondait à M. Zitrone lui demandant ce qui changerait au journal de vingt heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Daniel Garrigue – Je partage les préoccupations de M. Bayrou concernant le pluralisme des médias.

M. Patrick Roy – Votez donc son amendement !

M. Daniel Garrigue – Il est vrai que ce pluralisme n’est pas toujours évident, à observer certains organes de la presse quotidienne régionale (Applaudissements sur divers bancs). Pour autant, en 1986, le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au principe de pluralisme des médias, et particulièrement de la presse. Le principe étant dans la Constitution, son application dépend de la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – Nous défendons l’amendement de M. Bayrou avec empressement, d’autant que nous avons un amendement semblable. En effet, il va bien au-delà de ce que le droit actuel prévoit, puisqu’il dispose que la loi protège impérativement les médias contre les conflits d’intérêts et les atteintes à leur indépendance. Dès lors, le législateur a obligation d’organiser cette protection. Mme Dati rétorque que la loi fixe déjà les règles relatives au pluralisme : il ne s’agit que d’une mention formelle…

M. Jacques Myard – Non !

M. Arnaud Montebourg – …alors que dans le cas présent, l’amendement organise une protection impérative et constitutionnelle des médias. Je comprends que vous l’esquiviez d’un négligent revers de main : son adoption briderait les efforts de M. Sarkozy pour reprendre France Télévisions en main. Or, dans sa turpitude, le pouvoir ajoute au contrôle des médias le monopole de la parole publique. De fait, la perte d’indépendance est telle que le pluralisme n’est plus garanti depuis plusieurs mois en France ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La Constitution ne permet pas aujourd’hui d’empêcher le pouvoir de commettre des abus. Voilà pourquoi il est détestable de traiter aussi légèrement l’amendement qui mettrait M. Sarkozy dans l’impossibilité de prendre le contrôle des médias, ce qui aurait de graves conséquences sur le pluralisme, sensibles dans notre vie quotidienne. Nous voterons l’amendement de M. Bayrou pour ne pas laisser croire qu’on peut jouer avec le système médiatique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'amendement 318, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Jacques Myard – L’amendement 88 vise à supprimer ce dangereux article, qui n’est qu’un copier-coller de la Constitution américaine dont vous semblez faire l’ultime référence. Si l’on sait que les présidents ne peuvent exercer plus de deux mandats consécutifs, ce n’est plus qu’un demi-président qui exercera le pouvoir au cours de la huitième année – ce que les Américains appellent un canard boiteux – et les affaires de l’État vont en souffrir. Ce n’est pas à la Constitution de dire si un Président de la République doit faire deux, un ou trois mandats, c’est au peuple. Et les circonstances peuvent être telles que le troisième mandat soit la meilleure solution.

L'amendement 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 67 est défendu.

L'amendement 67, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3 BIS

M. Hervé de Charette – Cet article a trait au référendum d’initiative populaire. On sait que, lorsque l’exécutif prend l’initiative d’un référendum, il s’expose à ce que les électeurs, plutôt que de répondre à la question, manifestent leur insatisfaction à l’égard de l’action gouvernementale. Le référendum d’initiative populaire ouvre une hypothèse nouvelle, dont je ne suis toutefois pas sûr qu’elle trouve un jour une traduction dans la réalité tant le système est compliqué – pour être protecteur. En tout état de cause, il est de la plus haute importance de maintenir la disposition issue du Sénat selon laquelle la proposition de loi soumise à référendum n’est adoptée que si la participation des électeurs atteint un certain seuil. Il est simplement regrettable que ce seuil soit déterminé par une loi organique : il serait plus simple de le fixer dans la Constitution. Mais il est bel et bien indispensable de s’assurer d’un minimum de participation. Prenons l’exemple des OGM : lors d’un référendum d’initiative populaire, à coup sûr ceux qui sont contre se mobiliseront, alors que les autres resteront chez eux !

M. Noël Mamère – Le peuple vous fait peur ?

M. Hervé de Charette - Loin de là ! Ce que je souhaite, c’est que la démocratie fonctionne de façon légitime, et ne se résume pas à des mécanismes juridiques qui permettront à certains de parvenir à leurs fins.

M. Jean-Christophe Lagarde – Cet article est effectivement d’une grande importance, car il permet à nos concitoyens d’intervenir dans le processus législatif. Aujourd’hui, ils élisent une partie de leurs représentants au Parlement, les députés, puis n’ont plus leur mot à dire pendant cinq ans, après quoi ils sont censés nous juger sur nos votes. Le dispositif proposé par le comité Balladur est équilibré : il nécessite l’intervention à la fois de 20 % des parlementaires, ce qui le rend accessible bien sûr à l’opposition, et de 10 % des électeurs, ce qui constitue une incitation à s’inscrire sur les listes électorales, pour bénéficier de ce droit de pétition, en même temps qu’un instrument de mobilisation citoyenne. Ce dispositif n’a pas été dénaturé au Sénat, si ce n’est que la proposition de loi soumise à référendum ne pourrait être adoptée qu’au prix d’une participation minimale des électeurs – seuil que nous, constituants, ne connaîtrons d’ailleurs pas au moment de voter puisqu’il sera fixé par une loi organique. Il est pour le moins curieux d’exiger un tel seuil après que 10 % des électeurs auront fait la démarche de signer une pétition, laquelle aura été approuvée par 20 % des parlementaires… Si l’on appliquait le même principe aux élections nationales ou locales, on aurait parfois bien du mal à trouver des élus ! Lors des élections, il y a ceux qui s’expriment et ceux qui ne s’expriment pas, et ces derniers, dans la République française, laissent les autres décider à leur place. Ce seuil doit être supprimé.

M. Arnaud Montebourg – La proposition du comité Balladur était tout à fait acceptable : c’était un bon compromis, puisque le référendum était d’initiative à la fois populaire et parlementaire et qu’un verrou garantissait que les grands partis d’opposition pouvaient le déclencher avec le soutien de la population. Au fil des lectures, nous en sommes arrivés à une impossibilité pratique,…

M. Jean-Christophe Lagarde – Laquelle ?

M. Arnaud Montebourg – …à une organisation systématique du découragement civique. Face à l’addition des conditions qui sont imposées, les citoyens se demandent de qui on se moque : soit on instaure un référendum d’usage facile, comme il en existe dans tous les pays européens, soit on fait semblant !

M. Jean-Christophe Lagarde – Comme on fait semblant de s’opposer !

M. Arnaud Montebourg – Par ailleurs, le quorum que souhaite M. de Charette n’a aucun sens. Sur ce point, je suis d’accord avec M. Lagarde : s’il fallait vérifier la présence des élus à chaque vote, on pourrait s’interroger sur la vitalité de notre démocratie ! Le dispositif original est une incitation à la participation. L’amendement 186 demande donc le rétablissement, dans sa simplicité, du dispositif imaginé par le comité Balladur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Notre assemblée avait voté à la quasi-unanimité un dispositif issu du comité Balladur. Le Sénat y a apporté deux modifications. La première est que, en cas d’échec d’un référendum, il ne sera pas possible de recommencer le processus dans les deux années suivantes. La commission vous proposera de la conserver. En revanche, il lui est apparu complètement incohérent d’exiger un seuil de participation pour le référendum d’initiative populaire alors qu’il n’en existe pas pour les autres, par exemple d’origine présidentielle. Elle vous proposera de supprimer ce seuil. Sur tous les autres points, la commission souhaite le retour au dispositif voté en première lecture à l’Assemblée.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – L’essentiel du dispositif est issu d’un amendement proposé par l’opposition, auquel le Gouvernement avait donné un avis favorable. Le Sénat y a apporté quelques ajustements techniques. L’amendement 186 propose un autre dispositif, que le groupe socialiste avait proposé en première lecture mais qu’il avait retiré au bénéfice de celui qui avait été adopté. Nous y sommes défavorables.

M. Hervé de Charette – Vous me permettrez d’ajouter quelques mots, puisque M. Montebourg trouve ma position absurde ou incohérente – je ne sais plus quel terme il a employé…

J’avoue entretenir les plus grandes réserves à l’égard du référendum d’initiative populaire. Il en résultera des combats politiques incessants, qui ne revaloriseront pas notre Parlement et ne feront pas progresser la vie démocratique dans notre pays. Le débat politique deviendra totalement incompréhensible pour nos concitoyens.

Par ailleurs, je persiste à penser qu’une telle consultation est d’une autre nature qu’un référendum organisé à l’initiative du Président de la République. C’est pourquoi nous souhaitons un seuil minimal de participation. Sur cet article plutôt nocif, il faut suivre la position adoptée par le Sénat.

L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste – L’amendement 54 a pour objet d’étendre le champ d’application du référendum d’initiative populaire aux propositions « d’importance nationale », formule inspirée de la constitution d’un pays dont il a beaucoup été question : l’Irlande (M. Jacques Myard s’exclame).

Cette disposition a permis à cette démocratie beaucoup plus vivante que la nôtre de soumettre à la population des questions de société telles que la place de l’Église catholique dans l’État, le droit des parents adoptifs, le droit à la vie de l’enfant à naître ou encore la législation sur l’avortement. Sur tous ces sujets, nous croyons détenir la solution, alors que c’est à la population d’en décider en fonction de ses évolutions, de sa sociologie et de ses croyances profondes.

En adoptant le référendum d’initiative populaire, nous moderniserons nos institutions conformément aux inspirations du fondateur de la VRépublique, le général de Gaulle. En effet, il n’y a rien de plus gaulliste que le recours au peuple. Le général de Gaulle a non seulement fait adopter l’élection du Président de la République au suffrage universel, mais il a également recouru au référendum à de nombreuses occasions. J’ajoute que le peuple est aujourd’hui mieux informé qu’hier, et souhaite davantage participer à la vie démocratique.

C’est la rareté des référendums qui en a affaibli la valeur. Il est vrai que l’on répond, de plus en plus souvent, à une autre question que celle qui est posée. En faisant appel au peuple avec régularité, sur le modèle des votations suisses, nous rendrons au référendum toute sa validité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

L'amendement 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 209 est défendu.

L'amendement 209, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 151 est également défendu.

L'amendement 151, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Je défends les amendements 184 et 233.

Les amendements 184 et 233, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 234 tend à en revenir à la rédaction initiale.

L'amendement 234, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai déjà défendu l’amendement 5.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 152 est identique.

Les amendements 5 et 152, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Patrick Braouezec – M. Sarkozy aurait bien fait de s’inspirer de notre amendement 182 au lieu de s’employer à faire passer en force le traité de Lisbonne. Heureusement que nos amis irlandais ont bien compris que ce texte n’était qu’une pâle copie du traité constitutionnel proposé en 2005…

Il est regrettable que la majorité cherche à faire revenir par la fenêtre ce que nos concitoyens ont fait sortir par la porte, c’est-à-dire par la voie du référendum. Nous demandons, par l’amendement 182, qu’un texte soumis à cette procédure ne puisse plus être adopté par la voie parlementaire.

M. Noël Mamère - C’est une question de transparence et de respect à l’égard de nos concitoyens. J’avais certes voté « oui » à la constitution européenne, mais il me semble que nous aurions dû revenir devant les Français au lieu de recourir à un traité dit « simplifié » dans le dos des Français.

En adoptant l’amendement 210, identique au précédent, nous garantirons la vitalité de notre vie démocratique et nous assurerons le respect des décisions de nos concitoyens.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Avis défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Même position.

M. Jean-Christophe Lagarde – Ces amendements ont l’apparence de la logique : quand le peuple s’est prononcé dans un sens, il lui revient, à lui seul et non à ses représentants, d’aller éventuellement en sens contraire. Toutefois, nous commettrions un contresens en inscrivant cette disposition dans la Constitution.

M. Braouezec reproche au Président de ne pas avoir soumis à référendum un texte rejeté par cette même voie. Mais c’est oublier que Nicolas Sarkozy a été élu après avoir promis qu’il ferait adopter un « mini » traité qui ne serait pas soumis à une consultation populaire. Si les Français avaient voulu un référendum, ils auraient pu ne pas élire Nicolas Sarkozy…

Ce que vous proposez contraindrait le Président à ne pas tenir ses promesses électorales. C’est peut-être votre habitude personnelle, mais on ne saurait prendre un engagement et faire le contraire dès le lendemain.

M. Jean-Pierre Brard – Cela fait un an que vous entonnez la même rengaine : le Président de la République a été élu pour faire ceci, il a été élu pour faire cela… Il reste pourtant quelques gaullistes sur ces bancs. Oh, je sais qu’ils sont bien peu nombreux !

M. le Président – Pas de polémiques personnelles, Monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard – Mais pas du tout ! Cette remarque est tout à l’honneur de MM. Bernard Debré, Jean-Pierre Grand et de quelques autres encore…

Faut-il rappeler que Nicolas Sarkozy avait également promis d’être le président du pouvoir d’achat ? Cessez donc de nous servir ces faux arguments ! Je sais bien que le général de Gaulle avait coutume de faire trancher plusieurs questions à l’occasion d’un seul référendum, mais avec vous, c’est une centaine de questions qui auraient reçu une réponse unique l’an dernier.

Je sais bien que vous ne croyez pas un mot de ce que vous affirmez, Monsieur Lagarde…

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais si !

M. Jean-Pierre Brard – Comment peut-on se prétendre démocrate et imposer un bâillon au peuple ? En 2005, 90 % des parlementaires avaient approuvé le traité constitutionnel, mais ils ont été désavoués par 55 % du peuple français. Quelle que soit la position du Parlement, c’est la seule voix du peuple qui compte.

M. Jean-Christophe Lagarde – Et le respect des engagements ?

M. Jean-Pierre Brard – On ne saurait dénier au peuple le droit de s’exprimer sur son avenir sous prétexte qu’une question serait trop difficile à comprendre.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je n’ai jamais rien dit de tel…

M. Jean-Pierre Brard – Pas vous, mais vos cousins de l’UMP ! Pour ma part, je trouve que les deux amendements qui nous sont proposés coulent de source. Par respect pour la démocratie, nous devons les adopter.

M. Patrick Braouezec – Il faudrait cesser de faire référence aux promesses du Président de la République…

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais à quoi servent donc les engagements ?

M. Patrick Braouezec – Le Président a fait bien des promesses qu’il a visiblement du mal à tenir, notamment en matière de justice sociale, de droits de l’homme, de pouvoir d’achat ou encore d’inégalités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous ne vous souvenez que de ce qui vous arrange.

D’autre part, lorsque j’ai défendu une proposition de loi de notre groupe en février, un certain nombre d’élus de la majorité m’ont dit qu’ils la voteraient si elle n’avait pas un aspect opportuniste, à savoir remettre en cause le traité de Lisbonne. M. Mariani par exemple, m’avait dit que si cette proposition était faite dans un contexte différent, il la voterait des deux mains. C’est le cas maintenant : qu’il le fasse.

Les amendements 182 et 210, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Dans ce projet, on renvoie souvent à la loi organique, qui ne nécessite pas la même majorité qualifiée et donc le même consensus qu’au Congrès. L’article 3 bis opère trois renvois à la loi organique, notamment pour l’organisation d’un référendum que nous appellerons d’initiative populaire. C’est inacceptable. Notre amendement 185 complète l’article par l’alinéa suivant : « la loi organique déterminant les conditions d’exercice du référendum mentionné au quatrième alinéa est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de chaque assemblée ».

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 bis modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. François Bayrou – Cet article qu’on a présenté comme apportant un changement profond est en fait un leurre. Le vrai changement aurait été de soumettre les propositions de nomination du Président de la République à l’adoption par le Parlement, à une majorité qualifiée obligeant à trouver un consensus. Nous étions certains à le défendre pendant la campagne présidentielle.

Ce qu’on propose ici d’inscrire dans la Constitution, c’est que les nominations effectuées par le Président de la République ne puissent être rejetées que par une majorité des trois cinquièmes, impossible à atteindre sans l’accord du parti présidentiel. La dépendance du législatif par rapport à l’exécutif est telle que l’on peut bien transférer des responsabilités de ce dernier à la majorité présidentielle, en pratique cela ne changera rien. Je défendrai donc un amendement qui demande le minimum, c’est-à-dire un avis conforme du Parlement à une majorité simple.

M. Jacques Myard – Mon amendement 89 est de suppression. Sous couvert de consensus, ce qui est l’alibi de l’immobilisme, on pratique le mélange des genres. Le Président de la République est élu au suffrage universel et tient sa légitimité du peuple. Et l’on va demander à une commission d’entériner ses décisions ! Qui plus est, il s’agit d’une commission mixte paritaire, ce qui mettra le Sénat, qui ne procède pas du suffrage universel direct, sur le même plan que l’Assemblée. Cet affaiblissement des prérogatives du Président de la République est contraire à la tradition de la Ve République et à l’équilibre des institutions.

M. Bernard Debré – Notre amendement 122 est également de suppression. D’abord, s’il faut une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à une nomination, on ne l’obtiendra jamais. C’est donc un leurre. En revanche, Monsieur Bayrou, s’il faut une majorité simple, ce sera une nomination politique. La première chose à faire, c’est de diminuer le nombre de nominations qui dépendent du Président de la République. Pour celles qui seront maintenues, restons-en à la situation actuelle.

M. Hervé de Charette – L’amendement 140 est également de suppression. Le Président de la République avait, pendant sa campagne, annoncé cette réforme.

M. François Bayrou – Pas celle-là.

M. Hervé de Charette - Quelque chose d’approchant. Je l’ai soutenu et je le soutiens, mais je suis contre cette proposition très fâcheuse. En second lieu, si le Président de la République procède à un nombre invraisemblable de nominations, le responsable en est M. Mitterrand qui, en février 1986, prévoyant l’arrivée d’un Gouvernement de droite et du centre, a allongé de façon inconsidérée cette liste pour conserver le maximum de pouvoirs. Depuis vingt ans, il aurait fallu réduire cette liste aux grands postes mentionnés dans la Constitution. Enfin, l’intervention du Parlement ne sera nullement un progrès de la démocratie, mais au contraire une occasion de manœuvres en tous genres pour les candidats qui feront ce qu’il faut pour obtenir la majorité requise.

Cela ne signifie pas que le Parlement ne doit jamais intervenir – il le fait d’ailleurs dans certains cas. Mais puisqu’on renvoie à une loi organique, il sera toujours temps, pour des nominations précises, de recourir à des procédures parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – En première lecture, nous avons voulu éviter plusieurs écueils. Plutôt qu’une commission politique spécialisée dans les nominations, nous avons choisi le renvoi aux commissions spécialisées de chaque assemblée. Et il n’y aura pas parité, Monsieur Myard, car la commission de l’Assemblée est plus nombreuse que celle du Sénat. Nous n’avons pas voulu ôter son pouvoir de nomination au Président de la République mais fait intervenir un avis du Parlement pour, préventivement, ôter toute idée à un futur Président de la République de nommer à un poste important quelqu’un qui se distinguerait pour services rendus plutôt que par ses compétences…

M. Jean-Pierre Brard – Cela n’arrive jamais.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Et ce n’est jamais arrivé, je vous le concède.

Quand à la majorité des trois cinquièmes, elle suppose un vote unanime de l’opposition et d’un tiers de la majorité. Ce n’est pas impossible, mais il s’agit surtout de prévenir. Nous avons déjà appliqué une telle procédure pour le poste de contrôleur général des prisons, avec audition en commission des lois et vote à bulletin secret.

M. Bernard Debré – On n’a pas changé la Constitution pour cela.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission des lois proposera de revenir au texte adopté en première lecture, avec cette nuance que chacune des commissions de l’Assemblée et du Sénat pourra entendre les candidats et voter séparément, les votes étant additionnés pour obtenir l’avis. Ainsi chaque commission pourra inscrire cette question à l’ordre du jour de sa réunion habituelle. Avis défavorable sur les amendements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Cet article vise à encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, et non pas à le transférer au Parlement. La disposition, que M. Sarkozy s’était engagé à prendre durant sa campagne, reprend une proposition du comité Balladur, qui avait été formulée par nombre des personnes auditionnées. Toutes les nominations ne sont pas concernées : les directeurs d’administration centrale, par exemple, ne sont évidemment pas visés.

Monsieur Bayrou, nous ne demandons pas un avis conforme car cela reviendrait à transférer le pouvoir de nomination au Parlement.

Avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Arnaud Montebourg – Nous discutons là d’un point névralgique de la réforme. Ce que nous voulions, Madame la garde des sceaux, c’était reprendre strictement les propositions du comité Balladur, qui n’organisaient pas le transfert du pouvoir de décision au Parlement, mais la codécision, de manière à garantir la neutralité des personnalités nommées – dans des fonctions qui ne sont pas des fonctions d’exécution politique, mais des fonctions quasi-juridictionnelles, lesquelles exigent indépendance, neutralité et objectivité.

Telle qu’elle est proposée, cette réforme n’aura aucun effet : le fait majoritaire fonctionnera pleinement. On veut donner des apparences d’encadrement, mais le Parlement ne détiendra pas un pouvoir de codécision, à l’instar de celui qui est reconnu au Parlement européen sur les sujets importants. Serait-ce un drame que majorité et opposition se mettent d’accord pour les nominations au Conseil constitutionnel ou au Conseil supérieur de l’audiovisuel ? C’était pour nous un point très important, mais vous n’avez pas voulu nous entendre. C’est dommage : cela aurait pu nous convaincre d’avancer vers vos positions. Nous sommes au regret de constater que le rendez-vous a été manqué.

M. Daniel Garrigue – Je voudrais dire à MM. Bayrou et Montebourg que la procédure proposée est une vraie révolution : demander l’avis d’une commission pour des nominations, c’est se soumettre à un contrôle ! Si une nomination est un tant soit peu contestable, il est plus facile que vous ne croyez de réunir la majorité des trois cinquièmes ; en revanche, la codécision introduit le risque de marchandage politique, poison bien plus dangereux que la non-consultation du Parlement !

M. Pierre Lequiller – Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde – M. Myard demande qu’on laisse le Président de la République procéder aux nominations comme il l’entend ; à l’autre extrême, certains demandent que les nominations soient validées par une majorité des trois cinquièmes, ce qui revient en réalité à donner un droit de veto à l’opposition.

La solution retenue nous paraît raisonnable, et s’il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher à cet article, c’est de ne rien changer. Les choses vont changer, d’abord du fait des auditions, qui permettront aux parlementaires de juger si la personne est ou non compétente et si elle se comporte ou non de manière partisane. Quant à l’argumentation contre la majorité des trois cinquièmes, elle ne tient pas : si la majorité simple d’une commission s’élève contre la nomination d’un juge constitutionnel, il ne sera pas possible, non pas juridiquement, mais politiquement, de le nommer.

M. Bernard Debré – C’est absurde !

M. Jacques Myard – Scandaleux !

M. François Hollande – Nous sommes là sur l’un des points majeurs de la réforme, dont il faut débattre car le vote final en dépend.

Il est normal de laisser le pouvoir exécutif mettre en œuvre la politique pour laquelle il a été élu ; pour cela, il faut que la plupart des nominations aux emplois dans l’administration centrale relèvent du Président de la République ou du Premier ministre. Cette question ne fait pas débat entre nous.

Ce qui est en cause, ce sont les nominations au sein des autorités indépendantes. Si elles sont appelées ainsi, c’est précisément parce que leur composition résulte d’un régime de nomination différent.

Le Conseil constitutionnel, en vertu du texte qui nous est soumis, va être amené à jouer un rôle majeur ; comment comprendre que le mode de désignation de ses membres reste inchangé ? Il en va de même pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel, afin que les citoyens puissent avoir la plus grande confiance dans les décisions prises.

La bonne manière de faire serait que les nominations recueillent une majorité des trois cinquièmes. Pour cela, il faut l’accord de l’opposition – alors que pour avoir une opposition des trois cinquièmes, il faut avoir l’accord de la majorité…

J’ajoute que si, comme c’est le cas depuis plusieurs années, la majorité présidentielle est la même que la majorité à l'Assemblée nationale et que la majorité sénatoriale, au bout de quelque temps tous les membres des autorités indépendantes se trouvent avoir été nommés par la même famille politique.

M. Bernard Debré – Ce n’est pas pour cela qu’ils ne sont pas indépendants !

M. François Hollande – Nous en sommes là pour le Conseil constitutionnel et pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cela ne peut pas durer.

Le Président de la République vient de dire qu’il nommera le président du futur ensemble public de l’audiovisuel ; je fais le lien avec ce dont nous débattons.

M. François Bayrou – Bien sûr !

M. François Hollande – Ce ne serait pas un problème de supprimer l’intervention du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour désigner le président de ce futur ensemble si, au Parlement, cette nomination était approuvée par une majorité des trois cinquièmes. Mais si là-dessus nous ne trouvions pas de compromis, comment pourrions-nous considérer qu’il y a progrès des droits du Parlement et affirmation du pluralisme dans l’audiovisuel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Il revient au Président de la République, au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat de nommer au Conseil constitutionnel des personnalités qualifiées, pour un mandat long et non renouvelable, précisément conçu pour assurer l’indépendance de la personne nommée, qui ne pourra plus rien attendre à l’avenir de la personne qui l’a nommée. Dès lors, sa seule préoccupation sera de remplir comme il convient sa fonction !

D’autre part, je souhaite rectifier une inexactitude. Jamais un Président de la République n’avait proposé de soumettre ces nominations à un avis. Le comité Balladur avait suggéré qu’une commission mixte ad hoc composée de membres de l’Assemblée et du Sénat procède à des auditions publiques et émette un avis, mais que cet avis ne soit pas public et ne lie en rien l’autorité qui nommait.

M. Jacques Myard – Balladur avait raison !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Grâce aux auditions de la commission des lois, nous avons fait un pas supplémentaire, et le veto des trois cinquièmes est une véritable avancée par rapport aux propositions du comité Balladur.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Vous pouvez estimer cette avancée insuffisante ; mais reconnaissez, en toute bonne foi, que jamais sous la Ve République on n’avait envisagé un avis, parlementaire qui plus est, et susceptible de se transformer en veto. Monsieur Hollande, voilà qui va dans la direction que vous souhaitez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu – Je voudrais donner un exemple de l’avancée majeure que représente la proposition du Gouvernement et du rapporteur.

Plusieurs députés SRC – Une avancée timide !

M. Benoist Apparu – Ce qui changera, c’est la publicité préalable donnée à la nomination. Prenons l’affaire de la Villa Médicis : la tradition aurait voulu que l’on découvrît le nom du nouveau directeur un mercredi matin, par un décret du Président de la République. Nous n’aurions rien pu changer. Mais que s’est-il passé ? Un nom a circulé, la presse et les milieux culturels ont protesté, et la transparence organisée autour de la nomination a tout changé. C’est d’institutionnaliser cette publicité, cette transparence, que nous vous proposons ; et c’est cela qui changera le processus même de nomination par le Président de la République.

M. Hervé de Charette – Il faut reconnaître que M. Hollande a été convaincant sur certains points. Le texte qui nous est soumis ne mentionne pas explicitement les autorités administratives indépendantes : il renvoie à une loi organique, qui déterminera les « emplois ou fonctions » concernés. Pourraient être concernés les présidents de l’Autorité des marchés financiers, du Conseil de la concurrence, du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; mais aucune liste limitative ne nous est présentée aujourd’hui.

M. Jacques Myard – C’est la république des marchandages et de la confusion !

M. Hervé de Charette – Si une telle liste, limitative, comprenant les autorités administratives indépendantes – qui ont un pouvoir quasi juridictionnel – nous était proposée, alors le texte prendrait une tout autre tournure. Mais ce que nous lisons, c’est un texte flou ; la liste n’est pas limitative, alors même que les intentions du Gouvernement ne sont en rien connues.

Pensons au président d’EDF. Son sort sera-t-il – appelons les choses par leur nom – marchandé au Parlement, négocié entre la commission des affaires économiques de l’Assemblée et celle du Sénat ? Il s’agit d’un chef d’entreprise qui gère des milliards, qui dispose d’un pouvoir sur le territoire ; il sera évidemment en campagne pour obtenir le poste. Le risque de marchandage est réel.

Sur ce point, nous estimons nécessaire que des précisions soient apportées.

M. Charles de Courson – Nous avons le choix entre la monarchie absolue et la monarchie tempérée ; je préfère la seconde à la première ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC et du groupe UMP)

Plusieurs députés SRC – Vive la République !

M. Jean-François Copé – Je voudrais dire à l’ensemble des députés socialistes qu’il faut prendre la mesure des avancées très importantes qui sont proposées : les lignes bougent ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) La meilleure preuve n’en est-elle pas les interrogations de parlementaires du groupe UMP lui-même ? Certains se demandent si l’on ne donne pas trop de pouvoir au Parlement.

Le droit de veto des trois cinquièmes que nous proposons est une avancée inédite…

M. Jean-Luc Warsmann – Une avancée historique !

M. Jean-François Copé – …et il faut prendre date : on ne peut pas dire à la fois que le texte ne va pas assez loin, et récuser des progrès aussi significatifs (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Hollande, je n’ignore pas vos réticences, mais je les comprends de moins en moins car le Parlement se voit reconnaître davantage de prérogatives ! L’exemple du veto est typique : voilà des années qu’un certain nombre de parlementaires, de toutes les sensibilités politiques, l’ont demandé ; voilà des années qu’ils ont dénoncé des nominations partisanes. Et cette avancée est proposée par le Président de la République, dont certains de vos amis disent tant de mal…

M. Patrick Roy – Ils ont raison !

M. Jean-François Copé – dans des termes souvent troublants…

Plusieurs députés SRC – Lesquels ?

M. Jean-François Copé – Mme Royal, par exemple, a établi ce soir un lien grotesque entre ses mésaventures personnelles – un cambriolage, que je déplore – et les propos désobligeants qu’elle aurait tenus à l’endroit du Président de la République : voilà qui est bien éloigné de ce que l’on attend d’un débat démocratique moderne ! Je regrette profondément votre attitude, car l’histoire ne repassera pas les plats. Ces avancées sont suffisamment considérables pour que la gauche en tire profit, dans l’intérêt de la République ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je précise à l’intention de M. de Charette que ce sont bien les présidences des autorités administratives indépendantes, ainsi que des entreprises publiques, qui sont ici concernées. Nous avons voté en première lecture un amendement qui a changé la formulation initiale, car la présidence du CSA, par exemple, n’est pas un emploi : les termes d’« emplois et fonctions » permettent de mieux englober les nominations concernées.

Les amendements 89, 122 et 140, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Brard – Il serait bon que cette discussion reste d’un bon niveau ; mais M. Copé se prépare sans doute un avenir de chroniqueur de faits divers. Quant au dilemme de M. de Courson, il est bien étrange : pour ma part, je refuse de choisir entre la peste et le choléra. Ce que nous voulons, c’est la République !

L’amendement 154 s’inscrit dans ce même débat sur les nominations. Ce qui bloque tout – et vous le savez bien – c’est le fait majoritaire. Vos propositions, si bonnes soit-elles, ne sont que cautère sur jambe de bois. Je vais vous raconter une anecdote toute fraîche, qui vous prouvera que M. de Courson se trompe : nous n’allons pas vers une monarchie tempérée, mais bien vers une monarchie absolue, voire absolutiste !

J’ai rencontré, tout à l’heure, sous la houlette de MM. Didier Migaud et Gilles Carrez, la direction de la SNCF. M. de Courson a lui aussi assisté à cette discussion passionnante, et tout s’est très bien passé ; mais il est intéressant de comprendre comment la lettre de mission du président de la SNCF a été écrite. Celui-ci a été successivement reçu par le Président de la République, par le Premier Ministre, par M. Borloo, enfin par M. Bussereau ; ensuite – c’est mon interprétation – il a mis tout ce qu’il a entendu dans un shaker, il a agité, et de là est sortie une proposition de lettre de mission. Et qui, selon vous, signa cette lettre ? Je vous le donne en mille : c’est le seul qui n’avait pas la compétence pour le faire, et qui pourtant, violant la Constitution, le fit ! C’est le Président de la République. Nous ne sommes plus là dans un système républicain.

Notre amendement est simple : plutôt qu’une majorité négative des trois cinquièmes, nous suggérons que ces nominations soient obligatoirement acceptées par une majorité positive des trois cinquièmes. M. Hollande aura lu cet amendement avec attention : son argumentation est la même que la nôtre. Certains pays que vous considérez comme de grandes démocraties exemplaires – je pense aux États-Unis – exigent une approbation à la majorité, simple ou qualifiée. Si vos intentions sont honnêtes et sincères, il vous est facile d’adopter cet amendement ; et le fait majoritaire ne jouera plus.

L'amendement 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 187 prévoit que la loi organique est adoptée par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes. Sans cela, l’article 4 constituera une épée de Damoclès lorsque nous serons revenus au pouvoir, alors que ce veto, structurellement, ne pourra s’appliquer à votre majorité. Cette disposition dissymétrique et injuste nous ramène, de fait, à la question du mode de scrutin sénatorial.

Nous sommes obligés de considérer que cette réforme constitue une régression car elle ne nous place pas à égalité devant l’exercice du pouvoir. M. Copé, invoquant l’Histoire, nous renvoie à nos responsabilités ; nous les assumons. Nous nous opposerons à cette disposition qui vous exonère de vos responsabilités, ce qui provoquera le rejet de ce texte. L’occasion manquée l’est de votre fait, et vous porterez la responsabilité de cet échec.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurLe seul rôle de la loi organique est de déterminer la liste des emplois et fonctions. Toute la procédure est dans la Constitution. Cet avis public est une avancée considérable. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

L'amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 235 est défendu.

L'amendement 235, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Bayrou – La garde des sceaux a indiqué que si l’on demandait un avis positif à la majorité simple ou qualifiée, cela constituerait un transfert au Parlement du pouvoir de nomination. C’est faux, puisque cet avis ne peut être exprimé que sur la proposition du président de la République.

L’amendement 309 vise à transformer le droit de veto en avis positif.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 236 est défendu, de même que l’amendement 188.

M. Gérard Charasse – Chacun sait qu’une commission mixte paritaire est composée d’un nombre identique de députés et de sénateurs, ce qui ne permet pas de connaître l’avis de chacune des chambres.

L’amendement 252 prévoit que les commissions permanentes rendent un avis public à la majorité des trois cinquièmes sur les nominations prévues à l’article 13 de la Constitution. Si l’une des assemblées s’oppose à la nomination, celle-ci ne peut avoir lieu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurL’amendement 6 a été défendu, et la commission est défavorable aux autres amendements

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, qui devrait satisfaire M. Charasse, et défavorable aux autres amendements.

Les amendements 309, 236 et 252, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 188 tombe.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Hervé de Charette – Faut-il supprimer le droit de grâce ? L’améliorer ? Le soumettre à certaines conditions ? Le Président de la République vient de nous démontrer qu’il était inutile de réformer la Constitution sur ce point, puisqu’il a annoncé qu’il ne ferait pas usage du droit de grâce collective.

Certains moments de l’histoire peuvent rendre nécessaire le droit de grâce, qu’elle soit individuelle ou collective. Il est normal que chaque président puisse en faire usage, en toute responsabilité. Il n’est pas nécessaire de modifier le texte fondamental.

M. Philippe Folliot – Certains proposent de supprimer l’article 17, d’autres souhaitent l’encadrer ou le restreindre à la grâce individuelle.

L’utilisation du droit de grâce a évolué depuis le début de la Ve République, dans un sens de plus en plus restrictif. Il est vrai aussi que cette prérogative, parce qu’elle permettait de résoudre le problème de la surpopulation carcérale, a été dévoyée. Aussi, me paraît-il important que le Président de la République exerce ce droit avec parcimonie et à bon escient.

Pour autant, j’estime que l’amendement de la commission – qui vise à supprimer le droit de grâce collective – liera le Président de la République actuel et ses successeurs, au cas où des circonstances exceptionnelles surviendraient. Faut-il rappeler que cette prérogative avait été prévue afin de permettre au Président de la République de faire face à certaines « blessures de l’Histoire » ? Tout le monde a en mémoire les événements d’Algérie. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il serait plus sage d’en rester au texte actuel.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Noël Mamère – L’amendement 69 vise à supprimer purement et simplement cette survivance monarchique. Si l’on entend renforcer la démocratie parlementaire, il n’est pas concevable de laisser ce pouvoir discrétionnaire au Président de la République.

J’entends ce qui a été dit par M. Folliot, mais ce n’est pas l’exercice du droit de grâce qui permet de faire avancer la société au sortir de certaines périodes de l’histoire, ce sont les décisions que prennent les parlementaires. Cette prérogative ne fera que conforter les pouvoirs de ce « super-président » que nous promet cette réforme constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Brard – À chaque élection présidentielle, cette question est remise sous les projecteurs. Rappelons que l’amnistie va au-delà de la grâce puisqu’elle supprime l’infraction. Un sondage de la SOFRES a démontré, à l’approche de la dernière présidentielle, que les mauvaises habitudes reprenaient le dessus : 52 % des Français déclaraient ainsi rouler en ville à 65 km/h, contre 48 % deux ans auparavant.

En 1981, ces mesures individuelles étaient réservées aux personnalités qui s’étaient illustrées dans les domaines scientifiques, culturels et humanitaires, et aux résistants. Elles ont été progressivement étendues pour concerner aussi en 2002, certains de nos collègues s’en souviendront, les sportifs de haut niveau – je ne citerai pas de noms…

Nous proposons, par l’amendement 155, de supprimer cette prérogative, héritée d’un autre temps et qui demeure, dans un régime républicain, le fait du prince.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 7 tend à supprimer le droit de grâce collective et à maintenir le droit de grâce individuel, sans pour autant constitutionnaliser l’avis de la consultation d’une commission ad hoc.

M. Jean-Pierre Brard – Je cite : « L’ingérence de l’exécutif dans le judiciaire est inacceptable. Quelle légitimité le Président de la République a-t-il à décréter qu’un jugement ne doit pas être exécuté ? Lorsque la décision d’amnistie est nécessaire, c’est à la Cour de cassation de la prendre. Je souhaite que cette proposition soit inscrite au programme de réforme de l’UMP ». C’est signé : Patrick Devedjian, grand ami de M. Copé ici présent…

L’amendement 156 tend à ce que toute décision de grâce soit prise après avis des bureaux de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil supérieur de la magistrature, et soit contresignée par le Premier ministre et le garde des sceaux – dont le rôle gagnerait à être ainsi réhabilité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le droit de grâce est un instrument indispensable qui permet de régler des situations dépassant l’application stricte de la règle de droit, pour des raisons humanitaires par exemple. Une société qui s’en priverait risquerait, dans certains cas, de rendre inhumaine la rigueur de la loi.

Pour autant, les conditions d’exercice de ce droit doivent être encadrées. Avant l’abolition de la peine de mort, il était soumis à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature. De façon analogue, pour atténuer sa connotation monarchique, l’amendement 239 tend à ce qu’il s’exerce aujourd’hui après avis d’une commission ad hoc.

M. Philippe Folliot – L’amendement 129 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis favorable à l’amendement de la commission et défavorable à tous les autres. Nous supprimerons ainsi le droit de grâce collective, dont le seul objet était de réguler la population carcérale – avec les résultats que l’on sait. En revanche, le droit de grâce individuel est rétabli, notamment pour des raisons humanitaires. Le bureau des grâces de la Chancellerie instruira les dossiers avant de les transmettre au Président de la République.

Les amendements 69 et 155, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté, et l’article 6 est ainsi rétabli.

En conséquence, les amendements 156, 239 et 129 tombent.

ART. 9

M. François Bayrou – L’inscription du nombre maximal de députés dans la Constitution serait ridicule, plus ridicule encore serait celle du nombre maximal de sénateurs, alors qu’il vient d’être augmenté. Respectons la dignité du texte constitutionnel en le dépouillant de ce type de précisions à l’unité près. Certes, le nombre d’élus doit être limité, mais n’enfermons pas l’avenir dans un carcan si dérisoire !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 8 précise que le Parlement, outre qu’il vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. Voilà qui permet de définir clairement ses trois missions. La commission souhaite un vote conforme sur le reste de l’article, afin de ne pas rouvrir le débat sur les modes de scrutin.

M. Jean-Pierre Soisson – Bravo pour cette rédaction simple et claire qui fait honneur à notre Constitution !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement Avis favorable à cette rédaction synthétique.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 241 revient sur deux points longuement débattus en première lecture : la fixation du nombre maximum de députés et leur représentativité.

Le premier est juridiquement douteux et politiquement hypocrite, puisque la fixation d’un plafond coïncide avec la création de douze sièges de députés représentant les Français de l’étranger – autant dire douze sièges supplémentaires pour la droite. À la manière olympique, une part de la représentation nationale subira donc, aux prochaines élections, un handicap de départ de douze points : c’est d’autant plus inacceptable que ce handicap, ajouté au redécoupage des circonscriptions qu’envisage le Gouvernement, dessine une réorganisation qui n’a d’autre raison d’être que de limiter les dégâts électoraux de votre politique actuelle.

Aucune démocratie ne s’honore à bricoler les règles du suffrage universel. La plupart d’entre nous avons toujours refusé toute manipulation des suffrages, et défendu la loyauté des scrutins. Et voici qu’à l’occasion d’une révision constitutionnelle, cette pudeur disparaît chez certains… Nous proposons donc de préciser qu’un dixième des députés « sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi ». Ainsi, loin d’instaurer un handicap, la représentation nationale reflètera toute la diversité de l’électorat : tel est le sens de la démocratie !

M. Noël Mamère – Afin de rendre plus juste la représentation des familles politiques au sein de l’Assemblée, l’amendement 70 tend à introduire une part de proportionnelle.

En fixant le nombre de députés, vous transformez la réforme constitutionnelle en calcul d’épicier. L’artifice est limpide : il va de soi que la création de sièges de représentants des Français de l’étranger pénalisera la gauche. Selon vous, l’introduction d’une dose de proportionnelle dans notre système électoral serait inconstitutionnelle. En quoi l’est-elle davantage que la fixation du nombre de parlementaires ? Répondez-nous autrement que par des arguments politiciens !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je n’en utilise jamais !

M. Gérard Charasse – Autant nous sommes hostiles à la fixation dans la Constitution d’un nombre maximum de députés et sénateurs, autant il nous paraît important d’y préciser que les députés sont élus selon un mode de scrutin mixte, à la fois majoritaire et proportionnel, afin de permettre enfin une meilleure représentativité des différents courants politiques. En revanche, notre amendement 254 laisse à la loi ordinaire le soin de décider comment se combineront les deux modes de scrutin.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Fixer dans la Constitution un nombre maximum de parlementaires – ce que M. Mamère qualifie de calcul d’épicier – est la solution retenue par la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, la Finlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Croatie, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal.

M. Noël Mamère – Et alors ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ces démocraties apprécieront.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis défavorable.

M. Philippe Folliot – Le Nouveau Centre est favorable à ces amendements, car l'Assemblée nationale ne représente pas, aujourd’hui, la diversité des opinions. Certes, le scrutin majoritaire permet d’obtenir des majorités et de garantir ainsi l’efficacité du système, mais l’instillation d’une modeste dose de proportionnelle permettrait à certains autres courants de pensée d’être représentés, et redonnerait ainsi toute sa signification à la représentation nationale. On nous dit qu’elle permettrait aussi à l’extrême droite ou gauche d’être présente ? Chiche ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous préférons les combattre ici plutôt que les laisser prospérer ailleurs. Ces amendements sont raisonnables, puisqu’ils consacrent le fait majoritaire. À l’inverse, favoriser le bipartisme, ou même le quadripartisme, n’est pas forcément un progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Patrick Roy – Avec une dose de 10 %, on ne risque pas le bouleversement ! En revanche, ce serait une première avancée, non négligeable. On sait bien que toutes les familles politiques ne sont pas représentées dans cet hémicycle et que si l’on ne fait rien, le fait majoritaire continuera d’y être prédominant. Par ailleurs, la réponse du rapporteur à M. Mamère a été quelque peu méprisante, puisqu’il s’est contenté de donner une liste – bien mince – des pays qui ont choisi de limiter dans leur Constitution le nombre des parlementaires, alors que celle des pays, tout aussi démocratiques, qui ne l’ont pas fait, est plus longue encore. Au demeurant, une décision n’est pas forcément juste parce que d’autres l’ont prise. Il arrive que des voisins prennent des initiatives malheureuses, que la France s’est parfois honorée de combattre.

M. François Hollande – Lors de la campagne présidentielle, l’actuel président s’était dit favorable à l’introduction d’une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Nous étions donc en droit d’attendre une proposition en ce sens. La nôtre, avec une proportion de 10 %, a pour vertu de ne pas altérer le principe majoritaire, tout en permettant à certaines sensibilités d’être représentées à l'Assemblée nationale. Si elle est repoussée, il faudra renforcer la part de proportionnelle dans ce mode d’élection du Sénat, part qui a été réduite au cours des dernières années. Mais rien de tel n’est prévu. Ma question est simple : pourquoi refusez-vous que l’Assemblée tienne, ce soir, un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Les amendements 241, 70 et 254, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Hervé de Charette – M. Bayrou a exprimé tout ce que je pense de l’introduction dans la Constitution d’un nombre maximal des parlementaires. Il n’est donc pas utile que j’y ajoute quoi que ce soit pour défendre l’amendement 141, ni le142 qui suivra.

M. Jean-Jacques Urvoas – L’amendement 189 est identique au 141. Le rapporteur, partisan de la simplification de la loi, se déclare souvent pour une Constitution aussi allégée que possible. Or, notre fort longue histoire constitutionnelle n’a pas pour tradition de mentionner le nombre des parlementaires. Cela ne s’est fait que sous trois régimes, qui ont tous trois mal fini : même s’il n’y a pas de lien de cause à effet : la première Constitution de 1791, celle de l’an III et celle de 1848, qui prévoyaient d’ailleurs toutes trois des assemblées bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. Par ailleurs, le nombre de 577 est absolument conjoncturel, le nombre des députés ayant régulièrement changé depuis 1958. Il n’y a aucune raison de se priver de cette liberté, même si je comprends bien que le rapporteur souhaite jouer à somme constante. En outre, cette disposition nous met à la merci d’un vote du Sénat si nous souhaitions un jour être plus nombreux.

M. Noël Mamère – L’amendement 213 est identique.

M. Gérard Charasse – L’amendement 253 aussi.

M. François Bayrou – L’amendement 310 également. Si un chiffre devait figurer dans la Constitution, il faudrait au moins qu’il soit compréhensible par nos concitoyens : un chiffre rond serait plus approprié. J’insiste en outre sur le fait que cela donnerait au Sénat un droit de veto pour une éventuelle augmentation du nombre de députés – qui sera donc impossible si les majorités ne concordent pas. Il est donc imprudent de se lancer dans cet exercice.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  M. Bayrou a dit tout à l’heure que le Sénat avait profité de la réforme pour accroître ses effectifs. C’est inexact : c’est la réforme de 2003 qui a prévu le passage à 348 sénateurs.

Les amendements 141, 189, 213, 253 et 310, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Braouezec – Depuis sa création, le Sénat joue un rôle politique de contrepoids à la volonté populaire. Cette assemblée, structurellement à droite, bloque toute velléité de transformation de la société, résistant à toutes les pressions, y compris les plus cordiales puisque plusieurs présidents de la République ont souhaité voir évoluer son mode de scrutin et son collège électoral, et que cela figurait aussi dans les propositions du comité Balladur. C’est pourquoi notre amendement 158 précise que le Sénat doit assurer la représentation des collectivités territoriales non pas « en tenant compte », mais « en fonction » de leur population, ce qui n’est plus contraignant.

M. Arnaud Montebourg – La réforme du Sénat est un vieux serpent de mer qu’il faudrait enfin sortir de l’eau. La rédaction de l’avant-projet de loi, inspirée des travaux du comité Balladur, était intéressante, car évolutive. Depuis le début de nos débats, nous nous battons pour rétablir cette formulation, qui n’engage à rien, sauf à modifier la composition des collèges sénatoriaux.

Las, le Gouvernement est revenu en arrière, puis le Sénat a tout détruit. Nous ne pouvons accepter que le conservatisme sénatorial continue à prélever de tels « péages » à l’occasion des révisions constitutionnelles. Nous sommes dans la main du Sénat, institution que Lionel Jospin avait qualifiée d’« anomalie » parmi les démocraties – et c’était un euphémisme !

Même M. de Raincourt, président du groupe UMP au Sénat, allait plus loin que ce texte dans sa proposition de loi relative à l’« auto-réforme » de la Haute assemblée : c’est tout dire… Au moins y était-il question de modifier les collèges sénatoriaux.

En précisant que la représentation du Sénat doit être « en fonction de la population », nous rendrons cette réforme impérative : le législateur organique devra organiser une certaine proportionnalité. Tel est l’objet de l’amendement 242.

M. le Président – Naturellement, nous n’avons pas entendu certains propos que vous avez tenus à l’égard de l’autre Assemblée du Parlement, Monsieur Montebourg…

Les amendements 158 et 242, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Hervé de Charette – J’ai déjà défendu l’amendement 142, qui tend à supprimer l’alinéa 5.

M. Gérard Charasse – L’amendement 255 est identique.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il serait inutile et dangereux de limiter le nombre de députés et de sénateurs. Le projet initial du Gouvernement tendait à limiter le nombre de membres du Gouvernement, mais cette disposition n’a pas été retenue. Pourquoi accepter de plafonner le nombre des députés, à moins de penser que son augmentation serait impopulaire ? Il me semble que la hausse du prix du pétrole l’est bien davantage…

Faut-il également rappeler que le nombre des sénateurs est passé de 323 à 348, ce qui a augmenté le poids du Sénat au sein du Congrès ? Le seuil des trois cinquièmes est devenu plus difficile encore à atteindre, ce qui complique toute révision des institutions. Nous affaiblissons l'Assemblée nationale, pourtant élue au suffrage universel, au profit d’un Sénat dont tout le monde reconnaît que sa légitimité est moindre…

Il serait déraisonnable de figer le nombre des parlementaires dans la Constitution. En effet, nous dépendrions du Sénat pour une éventuelle modification du nombre de membres de notre assemblée. Nous ne pouvons accepter les conséquences de cette modification de la Constitution.

M. Philippe Folliot – Très bien !

M. Bertrand Pancher – Pour ma part, je suis tout à fait favorable à cette disposition. J’avais voté en faveur du plafonnement du nombre des ministres et des secrétaires d’État afin d’arrêter l’inflation des portefeuilles gouvernementaux, et je reste en faveur de la limitation du nombre des parlementaires.

Nous sommes en effet trop nombreux alors même que nous ne disposons pas d’assez de pouvoirs. Quand on explique à nos électeurs combien nous sommes et combien d’entre nous siègent effectivement dans l’hémicycle, cela provoque la stupeur…

Sur le fond, je rappelle que l’essentiel est de renforcer le rôle du Parlement.

M. Jacques Myard – Le plafonnement du nombre des parlementaires ne fera qu’alourdir la Constitution. C’est plutôt à la loi organique de régler cette question.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très juste !

M. Jacques Myard – Mais le principal problème est ailleurs : cette disposition déséquilibrera nos institutions. Sans rabaisser le Sénat, dont le rôle est fort utile dans nos débats législatifs, nous devons donner la primauté à l'Assemblée nationale. Ce serait une erreur de continuer, au fil des ans, à voter des dispositions qui tendent à mettre les deux chambres sur un pied d’égalité. Chacun sait que c’est une des raisons du blocage des institutions italiennes. Or, nous allons dans ce sens. Vous comprendrez que je ne puisse voter l’article 9 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe NC).

Les amendements 142 et 255, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – Il n’y aura pas de véritable réforme des institutions tant que nous ne modifierons pas le mode d’élection du Sénat, qui demeure, sinon, un verrou. Vous essayez de nous faire croire que nous pourrons contrôler certaines nominations, au CSA ou au Conseil constitutionnel par exemple, mais nous savons très bien que nous en resterons à un accord entre la majorité du Sénat, qui est et restera à droite, et celle de l’Assemblée. Si vous étiez sincères, vous accepteriez nos amendements relatifs au mode d’élection du Sénat, et en particulier l’amendement 71.

L'amendement 71, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 157, de repli, tend à renforcer la représentativité du Sénat. Nous demandons que l’élection ait lieu au scrutin majoritaire dans les départements ne comptant pas plus de deux sièges de sénateurs, et au scrutin proportionnel – suivant la règle de la plus forte moyenne, sans possibilité de panachage ni de vote préférentiel – dans les départements comptant au moins trois sénateurs, et que les conseils municipaux élisent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes. Nous pourrions ainsi revenir sur votre choix d’une représentation sénatoriale « tenant compte de la population » et non « en fonction » de celle-ci.

L'amendement 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Hollande – Il est légitime de prévoir une représentation des Français de l’étranger, qui sont au nombre d’un million et demi. C’est déjà le cas au Sénat. Toutefois, on ne saurait introduire cette mesure à l’Assemblée sans modifier le nombre des députés, car le « redécoupage » des circonscriptions en sera rendu plus délicat encore.

Comment nous demander de créer 12 circonscriptions pour les Français de l’étranger sans nous fournir de carte ni préciser l’organisation du scrutin ? Une telle disposition n’a pas sa place dans la révision de la Constitution (« Très bien » ! sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Gérard Charasse – Notre amendement 157 est identique. Nous souhaitons que les Français de l’étranger continuent à n’être représentés que par des sénateurs. Ces citoyens sont inscrits sur les listes électorales des circonscriptions métropolitaines et peuvent voter par procuration. J’ajoute que chaque député est le représentant de la nation tout entière.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis évidemment défavorable.

M. Patrick Braouezec – Pourquoi ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Cette idée de créer des députés représentant les Français de l’étranger se retrouve d’ailleurs dans deux propositions de loi constitutionnelle déposés par des parlementaires socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Didier Migaud - C’était une erreur.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Non : cela correspond bien à un besoin (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère – Pour notre part, nous n’avons jamais proposé de proposition en ce sens. Mais imaginez ce qui se passerait si un député français de l’étranger parlait une langue régionale… (Sourires)

En vérité, cette disposition est un mauvais coup, un bidouillage, un moyen supplémentaire d’affaiblir la gauche. Vous ne nous avez rien dit sur la façon dont seraient découpées les circonscriptions élisant ces nouveaux députés. Cela ne répond à aucun besoin puisque les Français de l’étranger sont déjà inscrits dans des circonscriptions de métropole et peuvent voter par procuration. Avec M. Marleix, vous avez enfilé vos tabliers de charcutiers et sorti vos grands couteaux. Toutes ces pratiques relèvent d’une république bananière !

M. Jean-Christophe Lagarde – Vous détestez les Français de l’étranger !

M. Patrick Braouezec – Vous, vous préférez les Français de l’étranger aux étrangers en France !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Votre réforme est un paquet bien ficelé, mais quand on l’ouvre, on trouve des choses inavouables. En l’occurrence vous manipulez le suffrage universel.

M. Benoist Apparu – Arrêtez !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Arrêter, quand vous limitez le nombre de sièges à 577, que vous refusez la moindre dose de proportionnelle, et que vous créez 12 nouveaux sièges de députés qui s’imputeront sur les 577, et dont on sait que, pour des raisons évidentes, ils n’appartiendront jamais à l’actuelle opposition ? On ne va quand même pas vous dire merci ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Au-delà, ce sont les Français eux-mêmes que vous trahissez en trafiquant le suffrage universel ! (Protestations sur les même bancs) On s’indigne quand il y a des fraudes électorales, et on accepterait sans s’en offusquer que ce soit la loi constitutionnelle qui rompe la loyauté républicaine dans l’expression du suffrage universel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Christian Vanneste – Revenons au plan des principes. Nous n’avons pas à nous partager la France en circonscriptions qui seraient de toute éternité de gauche ou de droite. J’ai toujours été contre la représentation des Français de l’étranger à l'Assemblée nationale, car elle ouvre la voie, tout naturellement, à la proportionnelle. Le suffrage uninominal par circonscription est un vote de proximité, un vote pour quelqu’un que l’on connaît, que l’on peut juger – et réélire ou non. Pour les Français de l’étranger, ce ne peut être le cas, du fait de l’étendue des futures circonscriptions. Je m’associerai donc à ces amendements, sans pour autant partager certains arguments qui ont été avancés.

Mme Marylise Lebranchu – Voilà un homme courageux !

M. Bertrand Pancher – Avec les socialistes, une idée, c’est automatiquement une dépense : ils n’imaginent pas représenter les Français de l’étranger sans augmenter le nombre de députés. Or, il y en a déjà plus en France qu’aux États-Unis, et ils ont nettement moins de moyens. À qui ferait-on croire qu’on ne peut en répartir différemment le nombre ?

M. Jean-Pierre Soisson – L’Assemblée a fixé de son côte, en première lecture, un nombre maximal de députés, le Sénat en a fait autant pour lui-même. Quant aux Français de l’étranger, qui élisent des sénateurs, pourquoi ne pourraient-ils pas élire aussi des députés ?

M. Christian Vanneste – Ils sont déjà inscrits dans des circonscriptions de métropole !.

M. Jean-Pierre Soisson – Comme tous les Français, ils ont le droit d’être représentés dans les deux chambres du Parlement.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il est surprenant de voir une partie des députés vouloir empêcher un million et demi de nos concitoyens d’être représentés…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ils le sont : par nous !

M. Jean-Christophe Lagarde – Vous nous dites que l’élection de leurs représentants serait jouée d’avance : êtes-vous donc si peu sûrs de vous pour ne pas vous croire capables de les convaincre ? En Europe, où ils sont les plus nombreux, Ségolène Royal n’a pas fait un si mauvais score…

On prétend aussi que l’éloignement géographique empêcherait qu’ils soient représentés par des députés de proximité. Mais savez-vous que nos deux collègues de Polynésie française représentent des électeurs dispersés sur une zone géographique plus vaste que l’Union européenne ?

M. Christian Vanneste – Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Christophe Lagarde – S’agissant enfin du vote par procuration, savez-vous quelle proportion de ces Français qui vivent à l’étranger, souvent pour des raisons professionnelles, y recourent ? Ils sont bien peu, car il leur faut trouver une personne de confiance, et qui réside dans leur commune de rattachement. Désormais, ils pourront faire entendre leur voix à l’Assemblée.

Les amendements 240 et 257, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 130 est défendu.

L'amendement 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, mercredi 9 juillet à 16 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 45.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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