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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 9 juillet 2008

1ère séance
Séance de 16 heures 30
12ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à seize heures trente.

OPPOSITION À UNE PROCÉDURE D’EXAMEN SIMPLIFIÉE

M. le Président – J’informe l’Assemblée que le groupe SRC a fait opposition à la discussion selon la procédure d’examen simplifiée du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS (deuxième lecture) (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, de modernisation des institutions de la Ve République.

ART. 10

M. Jacques Myard – Mon intervention sur l’article vaudra défense des amendements 90 et 91, car je devrai ensuite m’absenter brièvement, Monsieur le président, et je m’en excuse – mais vous ne vous en plaindrez pas !

M. Jean-Pierre Brard – Et M. Karoutchi encore moins ! (Sourires)

M. Jacques Myard – Cet article est loin d’être secondaire. La rédaction actuelle de l’article 25 de la Constitution frappe par la légèreté du style et la concision du propos : « La loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres et leurs indemnités ». Il est aujourd’hui proposé de le compléter par la création d’une commission – dont la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par la loi – chargée de statuer sur la délimitation des circonscriptions.

Or, cette création ne relève pas de la Constitution, mais de la loi organique ; je ne suis pas seul à le penser, puisque plusieurs de mes collègues ont déposé des amendements identiques. Pourquoi alourdir le texte constitutionnel, voué à définir les grands principes et à garantir l’équilibre des pouvoirs ?

À ce propos, l’article comporte également une disposition qui ne peut que nuire au fonctionnement de nos institutions : les députés devenus ministres pourront retrouver leur siège en quittant le Gouvernement. Regardons la réalité en face : si chacune des dispositions de ce projet apporte peu de changements, offrir cette possibilité aux députés, c’est revenir aux errements et aux vieux démons de la IVe République en favorisant, comme à l’époque, l’instabilité ministérielle.

La disposition proposée jouera dans les deux sens : un ministre en désaccord n’hésitera pas à « l’ouvrir », alors qu’il doit être solidaire du Gouvernement, si difficile cela soit-il ; comme le disait M. Chevènement, un ministre doit « la fermer »…

MM. Jean-Pierre Brard et Noël Mamère – La citation n’est pas exacte ! (Sourires)

M. Jérôme Chartier – Tout le monde la connaît ! (Même mouvement)

M. Jacques Myard – …ou démissionner. Réciproquement, et de manière plus subtile, un chef du Gouvernement ou un Président de la République pourra promettre à un député de devenir ministre pour six mois – donc de bénéficier de ce titre à vie –, puis de retrouver son siège, instrumentalisant ainsi le législateur.

Voilà pourquoi je propose, par l’amendement 90, de supprimer cet article qui menace notre équilibre institutionnel, ou, à défaut, par l’amendement 91, d’en supprimer le second alinéa, relatif à la création de la commission indépendante, car cela relève de la loi organique.

M. Bertrand Pancher – J’apprécie beaucoup M. Myard, mais je ne suis pas d’accord avec lui : cet article est particulièrement important, moins par son premier alinéa que par le second, relatif à la création d’une commission indépendante qui permettra de délimiter en toute transparence les circonscriptions servant à l’élection des députés.

Que n’a-t-on entendu à ce sujet, ces derniers jours ! La réforme du Sénat – à laquelle nous pourrions tous, progressivement, nous rallier – serait liée à celle de la carte électorale pour les élections législatives ; on a parlé de « bidouillage », dénoncé un manque de transparence. Pourtant, cet article garantit, à l’évidence, la transparence des décisions ! Comme pour tous les autres découpages électoraux, il appartiendra au Président de la République de trancher par voie d’ordonnance, mais une loi d’habilitation fixera les limites et la durée de l’action gouvernementale, et deux autres lois accompagneront la révision de la carte électorale, dont une loi organique qui, conformément à une promesse électorale, attribuera douze sièges aux représentants des Français de l’étranger. En outre, la création d’un collège se prononçant par avis public sur les projets ou propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs, ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs entre elles, constitue l’une des grandes nouveautés de ce projet. En le rejetant, c’est un principe essentiel que nous renoncerions à graver dans le marbre.

Qui pourrait s’opposer à un tel redécoupage électoral alors que la deuxième circonscription de la Lozère, la moins peuplée, compte 34 000 habitants, contre 188 200 pour la deuxième circonscription du Val-d’Oise ? Si ni la Constitution ni la loi n’obligent le législateur à revoir régulièrement la carte législative, l’égalité des citoyens devant le suffrage sera menacée, comme l’a maintes fois rappelé le Conseil constitutionnel, rejoint par le comité Balladur, dont le rapport, remis en octobre 2007 au Président de la République, préconisait un redécoupage transparent, impartial et périodique des circonscriptions.

M. Jean-Pierre Brard – Transparent… en eaux sales !

M. Bertrand Pancher – La réforme constitutionnelle permettra de graver cette transparence dans le marbre.

M. Jean-Pierre Brard – Un marbre bien friable !

M. Hervé de Charette - L’amendement 143 tend également à supprimer l’article. La notion de « commission indépendante », aujourd’hui communément admise, me laisse rêveur. Elle s’est substituée à la responsabilité personnelle des ministres devant nous ; en d’autres termes, désormais, l’anonymat garantit l’indépendance. Quel progrès ! En outre, comment la commission pourrait-elle être indépendante si c’est la loi, donc la majorité, qui en fixe la composition et les règles d’organisation ? Cette disposition, qui prétend accorder des garanties sur lesquelles tous pourraient se reposer, me laisse donc profondément sceptique.

Quant au premier alinéa, il permet aux ministres congédiés – ou à ceux qui ont donné leur congé au Président de la République ou au Premier ministre – de retrouver leur siège à l’Assemblée. Comme le remarquait hier un orateur, à juste titre, la pratique actuelle de nos institutions ne donne pas plus d’importance aux ministres qu’aux conseillers du Président, conformément à l’idée que le Président actuel se fait de la Constitution. Il faut bien en prendre acte, mais pourquoi en rajouter ? Sous couvert de protéger les parlementaires et d’offrir des garanties aux ministres, cette disposition affaiblit l’autorité du Gouvernement et rompt avec la solidarité nécessaire de ses membres sous la responsabilité du Premier ministre. Cette forme d’américanisation de nos institutions serait néfaste pour notre pays.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Soucieuse de maintenir la rédaction de l’article issue du Sénat, la commission est défavorable à tous les amendements dont elle fait l’objet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La création de la commission indépendante chargée de délimiter les circonscriptions a toute sa place dans la Constitution, car nous souhaitons constitutionnaliser l’impartialité du redécoupage électoral, qui a posé tant de problèmes dans les années 1980…

M. Julien Dray – Parlez-en à M. Marleix !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux En outre, un redécoupage régulier garantira l’égalité devant le suffrage par-delà l’évolution démographique. Ainsi évitera-t-on les deux écueils auxquels l’on s’est heurté en 1986.

M. Bernard Deflesselles – Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Désormais, les gouvernements pourront revoir régulièrement le découpage des circonscriptions.

M. Julien Dray – La mesure sera-t-elle rétroactive ? (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le retour au Parlement des ministres quittant leurs fonctions se justifie tout autant. Cette réforme avait d’ailleurs été envisagée en 1974, mais elle avait été repoussée à quelques voix près. Les électeurs choisissent leur député pour la durée du mandat. Ils ne comprennent donc pas pourquoi il leur faut voter à nouveau pour la même personne en cours de mandat.

M. Jean Glavany – Ils comprennent très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux C’est pourquoi le taux d’abstention dans les élections partielles est souvent important. Or, nous voulons réconcilier les électeurs avec le mandat de député. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

M. Noël Mamère – Je ne reviendrai pas sur la première disposition de cet article, à laquelle se sont opposés à juste titre quelques orateurs de la majorité. Pour ce qui est du redécoupage des circonscriptions, nous nous retrouvons dans une situation schizophrénique. En 2008, notre collègue Marleix, spécialiste des questions électorales à l’UMP, a rejoint le ministère de l’intérieur pour procéder à un redécoupage électoral suivant les principes de l’un de ses prédécesseurs – pour ne pas dire de ses parrains –, M. Pasqua (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui avait procédé en 1986 à un redécoupage à partir du recensement de 1982 ! Le Conseil constitutionnel exige pourtant que ce redécoupage soit conforme à l’évolution démographique de la population. Le Gouvernement a ensuite décidé de procéder par ordonnance ! En première lecture, nous avons été un certain nombre sur les bancs de la gauche à dénoncer ce procédé. Légiférer par ordonnance lorsqu’il s’agit des garanties fondamentales accordées aux citoyens en matière de libertés publiques est pour le moins contradictoire ! Et voilà que vous nous proposez, dans ce projet de réforme qui n’est qu’un leurre, la constitution d’une commission. Vous dites qu’elle est indépendante, mais nous ne savons rien de sa composition, que vous renvoyez à une loi – sans même dire s’il s’agira d’une loi ordinaire ou organique. Pour nous, il ne peut s’agir que d’une loi organique.

Hier soir, vous nous avez expliqué que la Constitution ne pouvait prévoir l’élection d’un dixième des députés à la proportionnelle, mais que le nombre des députés et des sénateurs devait y figurer. Vous pourriez donc y inscrire le principe d’un redécoupage des circonscriptions à opérer tous les dix ans.

M. Julien Dray – Très bien !

M. Jean-Pierre Brard – Il faut vous reconnaître un vrai talent, Madame la ministre : celui de pouvoir parler sans rire d’impartialité des découpages électoraux (Rires sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Chacun sait qu’on « ajuste » en coulisse ! Vous qui êtes membre du Gouvernement, vous savez bien que ses membres tremblent chaque mercredi de déplaire à Sa Majesté Impériale (Murmures sur les bancs du groupe UMP) et de tomber en disgrâce !

M. Myard et M. de Charette sont loin d’être des gauchistes. Vous ne nierez pas non plus que l’un et l’autre sont des hommes d’expérience et des exégètes de qualité. Ils ont passé votre texte à l’IRM…

M. Jacques Myard – La médecine fait des progrès !

M. Jean-Pierre Brard – …et tout vu. Avec tout le respect que je vous dois, Madame la ministre, vous-même et vos collègues n’êtes plus que les secrétaires de Sa Majesté Impériale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Avec ce texte, on demande à la Constitution d’instituer une ANPE pour les ministres congédiés. Comme chaque fois qu’il s’agit de choses importantes pour notre pays, les lignes de partage habituelles entre la gauche et la droite peuvent être transgressées. Reconnaissons donc que ces amendements sont tout à fait pertinents !

M. Jérôme Chartier – Quittons l’Empire pour revenir dans la République.

M. Jean-Pierre Brard – Avec Naboléon, cela va être difficile !

M. Jérôme Chartier – Les parlementaires de la majorité ne se reconnaissent pas dans les propos de M. Brard. Le Président de la République a été élu au suffrage universel…

M. Jean-Pierre Brard – Napoléon III aussi !

M. Jérôme Chartier – Même si l’on n’est pas d’accord avec lui, on lui doit le respect ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Le retour au Parlement des ministres qui quittent le Gouvernement est une disposition nécessaire : elle apporte de la souplesse. Le principe qui veut que l’on tremble devant le Président a vécu…

M. Jean-Pierre Brard – Demandez à Nathalie !

M. Jérôme Chartier – Mais les élections partielles sont un imbroglio qui justifie pleinement cette disposition. Il faut revenir à un rythme régulier pour la consultation des électeurs. Du reste, cette réforme avait déjà été adoptée dans son principe par les deux assemblées, même si elle n’est pas allée jusqu’au Congrès.

Venons-en à la commission indépendante. Certes, on ne fixe pas sa composition, mais pour la première fois sous la Ve République, nous aurons un redécoupage important alors même qu’il n’y pas de changement du mode de scrutin. Je rappelle que ce n’était pas le cas en 1987. Ce redécoupage va s’avérer d’une grande complexité ; chacun voudra faire valoir son point de vue. Si nous parvenons à prendre du recul et à nous en tenir aux résultats du recensement et aux logiques territoriales, nous ferons œuvre utile et nous privilégierons l’intérêt général. C’est bien ce que demandent notre pays et nos électeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard – Aspirant ministre !

M. Arnaud Montebourg – Nous avons nous-mêmes déposé un amendement de suppression du premier alinéa de cet article. La critique formulée par les défenseurs du temple de la Ve République rejoint partiellement la nôtre. Le fait qu’un ministre qui quitte son siège puisse retrouver son siège de parlementaire a des effets pervers qui ont été dénoncés par les fondateurs de la Ve République aussi bien que par les partis politiques de l’époque, qui dénonçaient le « régime du tourniquet » – dans lequel les postes passaient de l’un à l’autre sans aucun risque pour leurs titulaires. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Pour nous, cette disposition permet avant tout au Président de la République d’augmenter son pouvoir sur le Gouvernement. Le système actuel, dans lequel les ministres disposent de la plénitude de leurs compétences, leur donne la force de résister à certains arbitrages et leur permet de lutter au sein de la collégialité gouvernementale. Avec cette réforme, le poids de l’Élysée et des collaborateurs du Président – qui n’ont pas de statut constitutionnel – est renforcé. C’est la destruction lente des pouvoirs du Gouvernement : de plus en plus de ministres ne prendront plus eux-mêmes les décisions qu’ils doivent défendre devant le Parlement. C’est un affaiblissement du système parlementaire et un renforcement sans contrepartie de la surpuissance du pouvoir présidentiel.

M. Benoist Apparu – C’est exactement l’inverse !

M. Arnaud Montebourg – Cette disposition est donc condamnable, et c’est pourquoi nous rejoignons – une fois n’est pas coutume – les gardiens du temple.

Quant à la commission de redécoupage, Noël Mamère a tout dit. Le charcutier électoral, M. Marleix, opère déjà dans les arrière-cuisines – et il s’en vante ! L’un des vôtres, Jean-Pierre Grand, a même déclaré à l’AFP qu’il y avait là un moyen de pression pour obtenir les votes des députés de la majorité, notamment sur cette loi. Nous ne voyons pas en quoi cette commission dite indépendante y changera quelque chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Les amendements 90 et 143, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 214 est défendu.

L'amendement 214, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 91 a déjà été défendu.

M. Bernard Debré – L’amendement 124 rectifié vise à supprimer le premier alinéa de cet article. Le retour automatique au Parlement des ministres quittant leurs fonctions ne peut que mettre à mal la cohésion gouvernementale. On ne peut non plus créer à l’Assemblée une catégorie de députés temporaires en permettant de révoquer les députés remplaçants : ce serait contraire à la tradition républicaine et au statut même des députés.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur les amendements identiques 91, 124 rectifié et 249.

M. Jean-Jacques Urvoas – L’amendement 249 est identique. Nous avions déjà demandé au Gouvernement en première lecture en quoi cet article permettait de revaloriser le Parlement. En effet, ses dispositions ne concernent que le Gouvernement. Sur cette question du retour automatique au Parlement des ministres ayant perdu leur portefeuille ministériel, le comité Balladur écrivait d’ailleurs dans son rapport que « sans mettre à mal la solidarité gouvernementale, cette mesure permettra de renforcer l’autorité des ministres ». Il ne s’agit donc en rien de revaloriser le Parlement. Au contraire, cette mesure ne ferait que renforcer les pouvoirs du Président de la République, transformant les ministres encore un peu plus en « collaborateurs » du Président.

À la majorité de 58 voix contre 28 sur 86 votants et 86 suffrages exprimés, les amendements 91, 124 rectifié et 249, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 215 est défendu.

L'amendement 215, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Les réponses de la commission et du Gouvernement sont pour le moins lapidaires.

La création d’une commission chargée de se prononcer sur les projets de redécoupage des circonscriptions pourrait aller dans le bon sens. Ce redécoupage est en effet devenu une nécessité, tant elles sont aujourd’hui disparates et ne correspondent plus à la réalité démographique du pays. Nous n’avons, hélas, toujours pas reçu de réponse aux questions que nous vous avons posées en première lecture et encore lors de la discussion générale en deuxième lecture. Que vont devenir les auditions conduites par M. Marleix place Beauvau, dans son cabinet noir ? Quid de la composition de cette commission ? Vous nous dites, Madame la Garde des Sceaux, qu’elle sera composée « d’experts ». Mais qu’est-ce donc qu’un expert ? Est-ce une personne ayant appris son métier dans une chambre de dissection ou dans un bloc opératoire ?

M. Benoist Apparu – Pourriez-vous élever un peu le débat ?

M. Jean-Pierre Brard – Pour ce faire, il faudrait que vous-même preniez votre envol (Sourires)… Je ne doute pas que les « experts » auxquels vous pensez, Madame la ministre, soient apolitiques, pour tout dire objectifs…

M. Bernard Deflesselles – Tout à fait.

M. Jean-Pierre Brard – Que M. Deflesselles le confirme me conforte dans l’opinion que nous sommes bien là dans la dérision.

Il est urgent d’encadrer le redécoupage des circonscriptions afin qu’il réponde à leur évolution démographique, à la cohérence géographique des territoires, et quantité d’autres critères qui ne devraient pas être politiques, encore moins politiciens. Le meilleur moyen d’y parvenir serait d’y associer les parlementaires, représentés dans toute leur diversité. Tel est l’objet de l’amendement 159. C’est à l’aune de vos réponses que nous jugerons de votre sincérité.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le groupe Nouveau Centre avait déposé un amendement similaire en première lecture. Un redécoupage électoral est toujours sensible, non pour chacun d’entre nous, mais pour nos formations politiques.

M. Jean-Pierre Brard – Surtout à Drancy !

M. Jean-Christophe Lagarde – En effet, surtout à Drancy et Bobigny, circonscription qui avait été découpée pour être éternellement communiste, au bénéfice de M. Gayssot, qui devait alors devenir Premier secrétaire du parti communiste !

Pour lever tout soupçon, nous gagnerions à ce que les groupes politiques représentés au Parlement puissent observer comment travaillera cette commission. L’indépendance en effet ne se décrète pas, elle ne peut que se constater. Nous éviterions ainsi le soupçon permanent de tripatouillage électoral. Nous voterons donc cet amendement.

L'amendement 159, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 72 propose qu’une loi organique fixe la composition et les règles de fonctionnement de cette commission. Nous sommes en droit de nous inquiéter lorsqu’on nous affirme qu’elle sera composée « d’experts », alors que nous savons tous que de mauvais coups se préparent dans le cabinet noir du ministère de l’intérieur, sous la houlette d’un spécialiste du redécoupage électoral pour la droite.

M. Arnaud Montebourg – Le charcutier Marleix !

M. Noël Mamère – Avec l’élection de députés représentant les Français de l’étranger, dont nous avons longuement débattu hier soir, c’est un mauvais coup de plus porté au pluralisme démocratique. Ce Gouvernement, votre majorité, votre clan, devrais-je dire, ont bel et bien le projet de se maintenir au pouvoir, quels que soient les avis du peuple français.

L'amendement 72, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 190 vise à ce que la loi qui fixera la composition et les règles de fonctionnement de cette commission, soit adoptée à la majorité des trois cinquièmes, c’est-à-dire fasse consensus entre la majorité et l’opposition. C’est le meilleur moyen de garantir que cette commission proclamée indépendante le soit vraiment.

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. C’est notre commission elle-même qui a fait référence dans le texte à la composition de cette commission, de façon que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, puisse la contrôler.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis.

L'amendement 190, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 244 est défendu.

L'amendement 244, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 73 est défendu.

L'amendement 73, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 245 est défendu.

L'amendement 245, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Urvoas – Avec l’amendement 247, nous abordons un sujet rituel, sur lequel il convient de remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, celui du cumul des mandats (« Montebourg ! » sur les bancs du groupe UMP). En ce domaine, notre pays fait figure d’exception. La France est le seul pays où l’on peut ainsi cumuler les mandats en nombre et dans le temps. Pourtant, lorsque la décentralisation fut adoptée en 1982, il était évident que celle-ci allait à l’encontre du cumul. Il était logique que ceux qui avaient reçu des pouvoirs supplémentaires au niveau local puissent s’investir pleinement dans ce travail, de même que les représentants de la nation devraient se consacrer uniquement à cette fonction.

Or, aucune mesure ultérieure de revalorisation du rôle du Parlement – de la niche parlementaire à la session unique – n’a eu l’effet escompté. Dès lors, seule la constitutionnalisation du mandat parlementaire unique peut renforcer le pouvoir du législateur face à l’exécutif. Songez que l’Assemblée a voté 99 lois au cours de l’année écoulée ! Ne siégeant ni le lundi ni le vendredi, il n’est pas rare qu’elle légifère tard dans la nuit. Avec le mandat unique, les parlementaires auront davantage de temps à consacrer à leurs missions : le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale. Puisque aucune autre solution n’a porté ses fruits, donnons sa chance à celle-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde – Quelle hypocrisie !

Mme Aurélie Filippetti – S’en remettre à la vertu de chacun – quelle qu’elle soit – ne suffit pas (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu – Nous sommes bien d’accord !

Mme Aurélie Filippetti – C’est dans la Constitution qu’il faut inscrire le respect le plus élémentaire du mandat que nous a confié le peuple en nous donnant les moyens d’y consacrer tout notre temps (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Le débat mérite l’attention de tous, chers collègues. Veuillez laisser l’oratrice parler.

Mme Aurélie Filippetti – En effet, nos concitoyens y attachent une grande importance. Les enquêtes d’opinion montrent qu’ils sont en majorité favorables à la limitation du cumul des mandats. La concentration des travaux parlementaires sur deux jours de la semaine surcharge les agendas, et les réunions concomitantes se multiplient. À qui la faute, si les bancs de l’hémicycle sont déserts – comme le déplorent souvent les Français – dès lors que la séance publique se déroule en même temps qu’une réunion de groupe et une autre de commission ? La limitation du cumul des mandats permettrait de remédier pour partie à l’agenda trop chargé des députés.

En outre, une telle mesure favoriserait le renouvellement du personnel politique et, ce faisant, restaurerait l’image du Parlement. Nos concitoyens s’intéresseraient davantage à ses activités s’il reflétait mieux la diversité du pays. Or, pour renouveler le personnel politique, il faut empêcher certains élus d’accumuler les mandats. En somme, l’inscription dans la Constitution de l’interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec tout autre mandat – objet de l’amendement 246 – est indispensable.

M. François Rochebloine – Que ne vous l’appliquez-vous pas à vous-mêmes ?

M. Jean-Pierre Brard – Comment exiger la vertu de chacun dès lors que la limitation du cumul des mandats n’est pas inscrite dans la loi fondamentale ? Il va de soi que tout parti politique engagé dans la conquête d’un siège, quel qu’il soit, désigne celui ou celle qui, à tort ou à raison, lui semble le mieux à même de gagner. Or, le plus souvent, il s’agit d’une personne déjà élue dont la notoriété est un atout. Je laisse de côté les candidats parjures, qui se sont engagés avant l’élection à ne pas cumuler les mandats et qui changent d’avis une fois élus, sans doute visités par la grâce ! (« Voynet ! » sur les bancs du groupe UMP)

Le cumul des mandats ne s’est jamais aussi bien porté au Parlement, comme l’ont confirmé les dernières élections locales. Même les opposants à cette pratique unique en Europe ont rendu les armes, à droite comme à gauche. Pourtant, le cumul des mandats, plaie de notre système politique, favorise l’absentéisme des parlementaires – même si les plus absents ne sont pas toujours les plus occupés…

M. Ayrault, par exemple,…

M. le Président – Monsieur Brard, je vous en prie : vous n’êtes pas ici pour noter vos collègues.

M. Jean-Pierre Brard – Non, mais pour faire de la pédagogie, car certains de nos collègues de droite sont frappés d’autisme en la matière ! Je pourrais citer aussi M. Lagarde, à côté de M. Ayrault. D’autres critiquent l’absentéisme parlementaire, alors qu’ils ne siégeaient jamais lorsqu’ils étaient députés : rappelez-vous le député Sarkozy.

L’amendement 160 tend, conformément aux recommandations du comité Balladur, à interdire tout cumul entre mandat parlementaire et fonction exécutive locale, afin que le député exerce un mandat unique à plein temps. Une seule exception doit être faite pour les maires des petites communes de moins de 20 000 habitants.

Cela étant, le non-cumul des mandats doit être inscrit dans la Constitution, faute de quoi il ne cessera jamais – à Paris pas plus qu’ailleurs, Madame la garde des sceaux.

M. Jean Jacques Urvoas – L’amendement 248 est de repli.

M. Noël Mamère – La majorité des parlementaires qui siègent dans cet hémicycle sont titulaires de plusieurs mandats. Que cela ne nous prive pas de nous projeter dans l’avenir : en limitant strictement le cumul des mandats, nous distinguerons nettement entre fonctions exécutives locales et fonction législative et, ce faisant, nous renforcerons les pouvoirs du Parlement, dont le cumul constitue une exception française de plus. Le statu quo actuel ne peut que faire régresser l’État de droit. D’autre part, la limitation stricte du cumul des mandats peut contribuer au renouvellement du personnel politique.

Afin de quitter le domaine du populisme et de rendre la mesure efficace, il faut l’associer à l’introduction du scrutin proportionnel pour l’élection d’un dixième des députés, ce que vous n’avez hélas pas fait. De même, elle doit être adossée à la réforme du statut de l’élu. En effet, l’ombre de l’extrême droite plane toujours sur les esprits : nombre de Français estiment que les hommes politiques sont des pourris qui se remplissent les poches sur leur dos. Quelle victoire quasi posthume pour M. Le Pen !

Nos concitoyens doivent comprendre que la démocratie a un coût : consacrer une partie de sa vie au service de l’intérêt général doit être indemnisé justement, faute de quoi les élus chercheront à cumuler les postes pour mieux vivre, voire, pour certains, s’enrichir de manière illicite, comme l’a montré la multiplication des affaires de corruption.

Ainsi, l’amendement 212 rectifié tend à inscrire la limitation stricte du cumul des mandats dans la Constitution, sachant qu’elle devra s’accompagner de l’introduction d’une dose de proportionnelle et de la réforme du statut des élus.

M. le Président – Sur l’amendement 247, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Christophe Lagarde – On ne peut compter sur la vertu de l’homme ; les textes doivent encadrer ses comportements, nous dit Mme Filippetti. Elle-même semble être un modèle de vertu, puisqu’elle ne cumule pas de mandats. Néanmoins, n’a-t-elle pas été, en mars dernier, candidate aux élections cantonales ?

Mme Aurélie Filippetti – C’est faux !

M. Jean-Christophe Lagarde – Certes, le système actuel peut surprendre. Serait-il pour autant vertueux de mettre fin au cumul des mandats ? Ainsi, la plupart des circonscriptions électorales de France demeurent stables au fil des décennies, voire des siècles, et conservent leur couleur politique. Le non-cumul des mandats renforcerait les pouvoirs des partis politiques qui désigneraient leurs apparatchiks, souvent parachutés depuis Paris, pour mieux contrôler l’Assemblée.

M. Paul Giacobbi – Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde – Certains souhaitent distinguer entre maires des petites et des grandes communes. C’est oublier que les maires de petites communes n’ont qu’une toute petite administration à leur disposition et font presque seuls le travail du personnel beaucoup plus nombreux et qualifié que peuvent se payer les grandes villes. Leur charge de travail est au moins aussi importante que celle des maires des grandes communes.

Je ne peux pas laisser dire non plus qu’il ne serait pas possible de débattre sereinement dans cet hémicycle. Si seulement 30 % des lois que nous votons deviennent applicables, c’est que nous légiférons beaucoup trop, parce que notre ordre du jour est sous la pression constante de tous les gouvernements depuis vingt ans.

Enfin, je ne pense pas que cette disposition permettrait le renouvellement du personnel politique. Il y a vingt ans, il n’y avait pas de règle de cumul. Beaucoup de parlementaires exerçaient trois, quatre, voire cinq mandats. Depuis la limitation à deux mandats, trouvez-vous vraiment que la classe politique s’est renouvelée ?

M. François Rochebloine – Très bien !

Mme Aurélie Filippetti – Contrairement à ce qu’a dit M. Lagarde, je n’ai pas été candidate aux élections cantonales.

M. le Président – Voilà qui confirme qu’il vaut mieux éviter les mises en cause personnelles. Nous sommes ici pour légiférer à un niveau général.

M. Christian Vanneste – Au risque de choquer les oreilles laïques, je dois m’avouer croyant, mais non pratiquant. Je ne pratique pas le cumul, mais je crois en ses vertus. Car ce sont bien deux religions qui s’affrontent. La première est celle du scrutin uninominal, où l’on élit une personne précise, son Président de la République ou son député par exemple. Et il y a un lien manifeste entre un mandat de parlementaire et un mandat local : le cumul permet de créer une interaction, de nourrir au quotidien son travail parlementaire à l’expérience des problèmes rencontrés dans les circonscriptions (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

L’autre religion est celle du vote à la proportionnelle, où un parti désigne une liste et où l’on vote en fonction d’une étiquette politique. C’est là, Monsieur Lagarde, qu’on trouve des apparatchiks ! Dans ce système, ce n’est pas l’électeur qui reconnaît son candidat, mais le parti qui décide. Je pense que notre système est sain, parce qu’il repose sur le vote uninominal, et que le cumul des mandats est une condition de son équilibre. Mais je suis aussi d’accord avec M. Lagarde pour souhaiter approfondir à la fois le travail parlementaire et le travail local. Il faut un équilibre entre les deux, de même qu’il faut moins de présence dans l’hémicycle et plus de travail en commission (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Julien Dray – Il n’y a pas ici les bons députés et les mauvais, ceux qui cumulent ou non, ceux qui ont été désignés par les appareils et les autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il me semble que vous avez tous été bien heureux de trouver l’appui de votre parti politique pour faire campagne – excepté M. Debré ! Arrêtons donc de traiter les uns de cumulards et les autres d’apparatchiks.

La question est d’abord politique : quel type d’Assemblée voulons-nous, et quels moyens lui donnons-nous pour travailler ? Car il ne sert à rien d’aller à l’encontre de la logique du système. Pour avoir évité le cumul pendant dix ans, je sais qu’il arrive toujours un moment où vos électeurs vous demandent comment il se fait que certains maires siègent à l'Assemblée nationale et pas vous ! Ils vous disent que ceux qui sont députés font avancer leurs dossiers locaux plus vite que vous ! On ne pourra donc progresser sur ce sujet qu’en fixant une règle, la même pour tout le monde, qu’il faudra assumer devant l’opinion. On sait que les moyens donnés aux députés pour mener un dialogue permanent avec la population sont très insuffisants. Et là encore, la différence est flagrante entre ceux qui sortent péniblement une « lettre du député » de temps en temps, en prenant sur leurs crédits, et ceux qui cumulent les mandats et ont une organisation à leur disposition. La règle de non-cumul des mandats, si elle était votée aujourd’hui, donnerait tout son poids à la réforme constitutionnelle. Puisque vous cherchez une majorité des trois cinquièmes, voici une occasion de pratiquer l’ouverture comme d’améliorer le fonctionnement de nos institutions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

À la majorité de 84 voix contre 24 sur 108 votants et 108 suffrages exprimés, l’amendement 247, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

Les amendements 246, 160, 248 et 212 rectifié, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 10 BIS

M. Bertrand Pancher – L’amendement 62 est défendu.

L'amendement 62, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 132 est défendu.

L'amendement 132, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 131 est défendu.

M. Noël Mamère – L’amendement 216 est identique.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 243 aussi.

M. Noël Mamère – L’amendement 217 est défendu.

Les amendements 131, 216 et 243, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 10 bis demeure supprimé.

ART. 11

M. Hervé de Charette – Cet article est relatif à l’article 34 de la Constitution, qui est certainement l’un de ceux qui sont le moins appliqués. Il avait été conçu, avec l’article 37, pour établir la distinction entre la loi et le règlement, l’objectif étant clairement de limiter le travail du Parlement à la définition des principes législatifs, à la rigueur de certaines règles pour les sujets plus fondamentaux où il est légitime qu’il entre davantage dans les détails, et à laisser au Gouvernement la responsabilité des dispositions d’application. Force est de constater que cet article est dans la pratique tombé en désuétude. Nous en sommes responsables, par nos propres amendements et parce que nous laissons les gouvernements déposer des textes qui constituent des violations caractérisées de cette distinction. Il est absolument essentiel de revenir à cet élément de base de notre Constitution. Nous devrions, Monsieur le président, marquer plus d’exigence à ce sujet. Si nous siégeons nuit et jour, si nous demeurons, même avec des sessions extraordinaires, accablés par les projets de loi du Gouvernement, si le nombre des pages du Journal officiel dédiées à la publication des lois a triplé en vingt ans, c’est parce que cette disposition n’est pas respectée. Le rétablissement de cette distinction est une nécessité du bon fonctionnement législatif.

Se pose aussi dans cet article la question de la distinction des ordres juridictionnels. Je connais les combats qu’ils se livrent, aussi anciens que leur propre création, et je les ai vus de l’intérieur. Mais ce n’est pas au hasard du présent débat que nous pouvons discuter sérieusement de la nécessité de conserver ces deux ordres, administratif et judiciaire, au contraire par exemple des pays anglo-saxons. La disposition assassine qui nous est proposée annonce comment le judiciaire entend l’emporter sur l’administratif. Le sujet mérite sans doute discussion, mais au grand jour, pas à l’occasion d’un amendement glissé dans le débat constitutionnel.

M. Jean-Christophe Lagarde – Avec votre autorisation, Monsieur le Président, je défendrai ensemble les amendements 133, 2e rectification et 134, 2e rectification (Assentiment). Il est généralement admis que la loi ne doit pas avoir de portée rétroactive. Ce principe est strictement respecté en droit pénal, mais régulièrement bafoué dans d’autres domaines. Depuis des années, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État nous demandent de clarifier cette situation.

Afin de garantir la stabilité juridique des carrières professionnelles, des situations fiscales ou des contrats, notre assemblée avait accepté d’inscrire ce principe dans la Constitution. Je rappelle que le comité Balladur s’était lui aussi montré sensible à l’insécurité juridique qui résulte trop souvent de la rétroactivité.

La loi doit bien sûr pouvoir rétroagir dans certains cas, pour des motifs d’intérêt général, mais pas aussi souvent qu’aujourd’hui. Par exemple, nous savons déjà que le projet de loi de finances pour 2009 contiendra des dispositions rétroactives…

Dans une décision du 18 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a certes rappelé que le principe de non-rétroactivité n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière pénale, en application de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, mais il a également jugé que le législateur ne peut adopter des dispositions de portée rétroactive qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant. Afin de mettre un terme aux abus actuels, nous demandons que cette condition figure dans le texte même de la Constitution.

Le Sénat n’a pas retenu cette proposition, au motif qu’elle affaiblirait les capacités d’action du législateur, et qu’elle serait contraire aux principes du droit pénal. Mais c’est une erreur. De son côté, le rapporteur répondra certainement que les juridictions nous protègent déjà, mais ce n’est pas exact. Le rapport reconnaît d’ailleurs qu’il serait d’autant plus utile d’inscrire clairement ici le principe général de non-rétroactivité de la loi que, demain, le citoyen pourrait invoquer directement notre texte fondamental. La protection apportée par le Conseil constitutionnel, par les juridictions ordinaires et par la Cour européenne des droits de l’homme assurerait, toujours d’après le rapporteur, un « niveau satisfaisant de sécurité juridique », car les « situations les plus aberrantes » peuvent être sanctionnées. Mais quid des situations moins « aberrantes » ? Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle : la loi ne doit pas être facteur d’instabilité juridique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – En première lecture, l’Assemblée avait effectivement adopté une disposition en ce sens. Je rappelle toutefois que le principe de non-rétroactivité est déjà protégé en matière pénale en application de la Déclaration des hommes et de la Convention européenne des droits de l’homme : la jurisprudence n’admet la rétroactivité qu’en cas « d’impérieux motif d’intérêt général ». Dans sa décision du 18 décembre 1998, le Conseil constitutionnel exige également « un motif d’intérêt général suffisant ».

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce ne sont que des jurisprudences !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Est-il opportun d’aller plus loin en interdisant totalement la rétroactivité ? Des considérations d’équité ou d’efficacité imposent parfois d’y recourir.

Nous devons par ailleurs élaborer un texte accepté par les deux assemblées du Parlement. Or, la Chambre haute est très sensible à ce que nous préservions la marge de manœuvre du législateur dans ce domaine.

La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Noël Mamère – N’incitons pas le Conseil constitutionnel à faire preuve d’encore plus de dureté. Cet article 11 nous semble suffisamment dangereux : comme l’a fort justement indiqué notre collègue Hervé de Charrette, il n’est pas bon d’autoriser le législateur à modifier la répartition des compétences entre les ordres de juridiction, au motif – sans doute – que le juge administratif serait moins impartial que le juge judiciaire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cela n’a rien à voir avec les amendements en discussion !

M. Noël Mamère – Mais c’est tout de même dans l’article 11, qui nous semble inacceptable. Ce qui se cache derrière ce texte, c’est le transfert de compétences telles que le droit des étrangers…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Les propositions de M. Lagarde feraient peser une contrainte trop lourde sur le législateur, car aucune rétroactivité ne serait plus possible, sauf en matière pénale : la loi pénale plus douce est en effet d’application immédiate.

Dans certaines hypothèses, il me semble qu’une rétroactivité peut se justifier pour des motifs d’intérêt général, comme l’a d’ailleurs reconnu le Conseil constitutionnel. Je pense par exemple à l’annulation de certains actes, comme l’extension de conventions collectives. Il est parfois nécessaire d’adopter des dispositions rétroactives afin d’éviter des imbroglios juridiques. Restons-en donc à la situation actuelle. Avis défavorable à l’amendement 133.

J’en viens à l’amendement 134. Les débats au Sénat ont porté sur la question de savoir si la rétroactivité de la loi pénale plus douce serait remise en cause. La disposition adoptée en première lecture ne tombait pas sous le coup de cette critique, mais les difficultés d’articulation entre ce qui vous était proposé et l’article 8 de la CEDH ont jeté un certain trouble. Par conséquent, avis défavorable.

M. Dominique Perben – N’allons pas trop loin dans l’interdiction de la rétroactivité. Le principe est déjà posé en matière pénale et garanti par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel.

En matière économique et fiscale, laissons au Gouvernement et au législateur la possibilité d’instaurer une certaine rétroactivité lorsque l’intérêt général le justifie. Cela peut être utile. Il ne faudrait pas trop limiter les capacités d’action du législateur.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le Sénat a fait une erreur d’interprétation, comme la garde des sceaux l’a rappelé, mais je retire l’amendement 133.

En revanche, je maintiens l’amendement 134, 2e rectification. Comme l’exigent le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme, la loi ne dispose que pour l’avenir sauf motif déterminant d’intérêt général.

M. le Président – L’amendement a déjà été défendu…

M. Jean-Christophe Lagarde – La seule raison pour laquelle on vous demande de repousser cet amendement, c’est que le Sénat n’en a pas voulu. Nous qui représentons les citoyens, nous devons pourtant les défendre contre la rétroactivité excessive de certaines lois (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

L'amendement 133, 2e rectification est retiré.

L'amendement 134, 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann – L’amendement 9 est relatif à la dualité de juridictions. La répartition des compétences s’est solidifiée au fil des ans, au point que le législateur ne peut que la modifier à la marge.

En première lecture, l’Assemblée avait adopté un amendement permettant d’unifier les contentieux dans un souci de bonne administration de la justice, de simplification du droit et de lisibilité. Il n’y a pas de raison que les règles de compétences soient éternelles…

Certains craignent que ces dispositions permettent au législateur de supprimer un jour les juridictions administratives. Or, la rédaction du texte adoptée au Sénat consacre constitutionnellement l’existence de deux ordres distincts.

Cela étant, j’ai entendu le Premier ministre, et je veux, parce que j’aime le Parlement, que la révision réussisse. Or, le Sénat fait de cette disposition une raison de blocage, pour des motifs d’intérêt général, à n’en pas douter. Je fais donc un nouvel effort et je retire cet amendement.

L’amendement 9 est retiré.

M. Noël Mamère – Notre amendement 75 revient sur l’indépendance des médias. Le Président de la République a voulu, par un coup politicien, mettre la gauche dans l’embarras, en annonçant la suppression de la publicité sur le service public, pour offrir en réalité la manne publicitaire à de grandes chaînes privées qui sont la propriété d’entreprises répondant à des commandes publiques. Sans citer de nom, j’ai à l’esprit un propriétaire d’une grande entreprise de BTP, majoritaire dans le capital d’une grande chaîne dont le nom se termine par 1. Cette entreprise a également des marchés à l’étranger, par exemple au Maroc où la démocratie n’est pas évidente. Or, sur cette chaîne, vous ne verrez jamais de reportage critique sur ce pays. Il y a un problème de pluralisme et même de conflits d’intérêt.

Je regrette que la gauche, dans la loi sur l’audiovisuel, ne soit pas allée jusqu’au bout et n‘ait pas interdit à une grande entreprise répondant à des commandes publiques d’être majoritaire dans le capital d’une chaîne privée.

Le cadeau fait par le Président de la République à ceux qu’il appelle « ses frères », ses amis, chez qui il va passer quelques jours sur un yacht – d’autres sont de grands marchands d’armes et propriétaires de presse (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je vous rappelle au Règlement. Les remarques sur des personnalités ne sont pas admises. Restez-en au texte.

M. Noël Mamère – Je me suis déjà fait rappeler à l’ordre pour avoir cité le nom d’un Président de la République, de gauche celui-là, avec une connotation négative. Je me permets de dire que l’actuel Président de la République rend la monnaie à ceux qui lui ont permis d’accéder au sommet du pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et qu’il va tuer le service public pour renforcer la position dominante des chaînes privées. D’ailleurs un de ses fidèles n’a-t-il pas déposé un amendement à la loi de modernisation économique pour permettre d’élever le seuil de concentration afin de permettre à ces chaînes d’être diffusées sur la TNT ?

M. Jean-François Copé – Pas de procès d’intention !

M. Noël Mamère – Voter cet amendement est nécessaire pour introduire plus de démocratie dans les médias français.

M. le Président – Je vous rappelle l’article 73 du Règlement et j’espère ne pas avoir à le faire de nouveau.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Défavorable.

M. Patrick Roy – Je soutiens cet amendement. Un des critères incontournables de la démocratie est la liberté, l’indépendance, le pluralisme de la presse. Aujourd’hui, tout cela est mis à mal par les liens troubles entre quelques grandes entreprises liées à des marchés publics et les médias. En outre, la volonté du Président de la République de désigner lui-même les dirigeants des chaînes publiques est inquiétante, de même que ses liens avec le monde des affaires. L’Assemblée s’honorerait, gauche et droite confondues, de voter cet amendement pour préserver la démocratie de certaines dérives (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Julien Dray – Je le dis avec gravité, la situation est exceptionnelle. C’est la liberté et l’indépendance de la presse qui sont aujourd’hui en cause. Lorsqu’un présentateur d’une grande chaîne de télévision annonce qu’on a « eu sa tête », que dans certaines rédactions des journalistes annoncent qu’ils sont sur une liste, et qu’on a décidé dans la restructuration « d’avoir leur tête », quand un Président de la République…

M. Bernard Deflesselles – C’est Mitterrand en 1981 ?

M. Benoist Apparu – Vous cherchez à faire peur.

M. Julien Dray – Je ne cherche pas à faire peur, mais nous sommes dans une situation que nous n’avons jamais connue. Peut-être certains rêvent-ils d’en revenir aux chaînes au service d’une majorité. Votez cet amendement si vous voulez prouver votre volonté de préserver l’indépendance de la presse.

De plus, le Président de la République a annoncé des états généraux de la presse pour cet automne, et qu’il serait au cœur de la réflexion. Cela est inquiétant, car ce n’est pas son rôle. Nous demandons que le Parlement se saisisse de cette question et crée une commission d’enquête sur l’ensemble des restructurations qui ont lieu dans la presse écrite et dans la presse télévisée. Ce sera l’occasion pour vous de faire la preuve que des présentateurs n’ont pas été licenciés pour des raisons strictement politiques. Je le dis au nom du groupe socialiste et de tous ceux qui sont attachés à la liberté de la presse : il est nécessaire que la démocratie se ressaisisse (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Le Sénat a cru bon d’introduire la recherche dans les matières dont la loi fixe les principes fondamentaux. Cela n’est pas nécessaire et par l’amendement 10 nous proposons d’en rester à la situation actuelle.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Mon amendement 84 proposait de donner plus de cohérence à nos finances publiques en rapprochant l’examen de la partie recettes du budget de l’État de celui de la sécurité sociale. La commission des finances et celle des affaires sociales ont d’ailleurs décidé de mener une mission commune sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. J’ai constaté que les choses avancent, ici comme au Sénat, et j’espère que nous pourrons aboutir dans le cadre de la législature. Mais pour l’heure, je retire cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 11 supprime les dispositions introduites par le Sénat, selon lesquelles les exonérations d’impôt ou de cotisations sociales décidées dans une loi n’entreraient en vigueur qu’une fois validées par une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Je comprends que cela traduit des inquiétudes pour nos finances publiques et sur l’absence d’études d’impact. Mais ces dispositions contredisent le principe de l’égalité entre les lois. De plus, elles sont contraires à l’efficacité : après les dernières élections, le Gouvernement a pu faire voter tout de suite la loi TEPA pour appliquer sa politique. De même, en cas de crise immobilière au premier semestre 2009, il pourrait proposer un dispositif de relance sans attendre qu’une loi de finances le valide. Certes, le Gouvernement pourra toujours contourner le dispositif en déposant simultanément un projet de loi sur le logement et un projet de loi de finances rectificative ; mais la procédure en sera considérablement alourdie.

Enfin, il ne suffit pas d’ajouter trois lignes à la Constitution pour maîtriser nos finances publiques – sans quoi je lui adjoindrais volontiers trois tomes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis favorable.

M. Pierre Méhaignerie – Chaque semaine, le Premier ministre nous rappelle l’absolue nécessité de maîtriser la dépense publique…

Un député du groupe SRC – Il existe encore ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Méhaignerie – …car la confiance dans l’avenir de notre pays et la solidarité à l’égard des générations futures sont à ce prix. Si je comprends les arguments de M. Warsmann, n’oublions pas l’avalanche de déductions fiscales ou de réductions de cotisations sociales que feront déferler de nombreux projets en préparation, qu’ils portent sur le logement, la culture ou l’environnement !

M. Yves Bur – N’en jetez plus !

M. Pierre Méhaignerie – Faute de subventions, on réduit les recettes. Il y a péril en la demeure ! Quand mettra-t-on fin à cette course aux difficultés financières ? Tel est le sens de l’amendement 63, que j’ai cosigné avec MM. Migaud, Carrez et Bur. Il retarde certes de quelques mois l’application prolongée d’un texte, mais n’en va-t-il pas souvent de même des décrets ?

M. Yves Bur – Très bien !

M. Gilles Carrez – Je suis moi aussi très inquiet de voir se multiplier les niches fiscales – près de 500 pour le seul budget de l’État –, qui ont augmenté de plus de 20 % ces trois ou quatre dernières années…

M. Julien Dray – Il faut l’inscrire dans le compte rendu !

M. Gilles Carrez – …et atteignent aujourd’hui 70 milliards d’euros, contre 250 milliards de recettes.

MM. Julien Dray et Arnaud Montebourg – Le paquet fiscal !

M. Gilles Carrez – Face à ce phénomène, nous devons nous doter de règles de bonne gouvernance publique. J’espère en convaincre le président et rapporteur de la commission des lois, sur l’initiative duquel nous avons adopté il y a trois ans une règle analogue à propos de la dette de la CADES !

Nous proposons simplement de récapituler et de valider par un vote, lors de l’examen du PLF et du PLFSS, toutes les dépenses fiscales et exonérations de cotisations sociales incluses dans les différents textes adoptés au cours de l’année. Comme l’a souligné M. Warsmann, la rédaction du Sénat, que la commission des lois entend supprimer, pose deux problèmes : le fait qu’aucune loi « normale » ne puisse entrer en vigueur sans avoir été validée par un PLF ou par un PLFSS implique une supériorité des seconds sur les premières ; en outre, il oblige à attendre l’adoption d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative pour appliquer la loi, même lorsqu’il y a urgence – ainsi du texte sur les heures supplémentaires.

Notre amendement 63 répond à ces deux objections : des dérogations fiscales ou des exonérations sociales incluses dans une loi votée pourront entrer en vigueur immédiatement, mais devront être validées par le PLF ou par le PLFSS pour s’appliquer au-delà du 31 décembre. Ainsi créerons-nous un cercle vertueux qui canalisera ces dépenses.

Après avoir instauré un dispositif de régulation de la dépense publique qui, chaque année, donne satisfaction, nous devons désormais éviter de miner nos recettes fiscales et sociales par des mesures qui ne font l’objet d’aucune évaluation, ni préalable, ni a posteriori, et font obstacle à l’indispensable retour à l’équilibre de nos finances publiques (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud – Je comprends les objections de M. le président et rapporteur de la commission des lois : la rédaction du Sénat établit en effet une différence entre plusieurs types de lois – outre la différence entre loi organique et loi ordinaire –, et il est logique que des députés appartenant à d’autres commissions jugent cela inacceptable. Mais notre amendement répond à ces objections : l’application des mesures adoptées ne sera pas retardée dans l’attente du récapitulatif effectué lors du PLF et du PLFSS, mais une confirmation sera requise pour la prolonger après la fin de l’année.

Ainsi contribuerons-nous à la reconnaissance des pouvoirs du Parlement. S’il est vrai qu’il ne suffit pas de modifier un texte pour redresser nos comptes publics, des textes de bonne gouvernance peuvent contribuer à en améliorer la gestion. Loin de restreindre les droits des parlementaires, notre amendement leur permet de formuler des propositions en matière fiscale et sociale, mais en tenant compte de l’état de nos finances publiques, qu’ils connaîtront mieux.

Je demande donc à M. Warsmann de bien vouloir retirer son amendement, afin de ne pas faire tomber le nôtre, car il serait dommage de se contenter de supprimer la version sénatoriale alors que nous proposons un compromis satisfaisant.

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Benoist Apparu – Si nous partageons tous les analyses de MM. Migaud, Carrez et Méhaignerie, je ne suis pas convaincu par la solution qu’ils proposent, et qui consiste à confier à une loi le soin d’en valider une autre. Contrairement à ce que vous affirmez, vous remettez en cause, comme le Sénat, la hiérarchie des lois, puisqu’une loi que nous aurons votée pourra être invalidée six mois plus tard, lors de l’examen du PLF. Nous assumons la responsabilité des lois que nous votons, y compris lorsqu’elles incluent des dépenses fiscales !

En outre, c’est au Gouvernement qu’il appartient de prendre ses responsabilités et au Premier ministre, lorsqu’il présente un texte en Conseil des ministres avec le Président de la République, de s’assurer que les niches fiscales qu’il inclut sont compatibles avec l’équilibre des finances publiques.

Je regrette d’être sur ce point – une fois n’est pas coutume – en désaccord avec le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jean-Pierre Brard – Ce sujet est essentiel ; M. Méhaignerie, qui a longtemps présidé avec talent la commission des finances, ne saurait être insensible au consensus auquel nous sommes parvenus, sur ce sujet comme sur d’autres, et dont la LOLF – dont l’esprit n’est pas étranger à cet amendement – a déjà fourni un bel exemple.

Une loi de finances peut remettre en cause n’importe quelle imposition, puisqu’il lui appartient de décider de l’impôt ; l’argument de M. Apparu ne tient donc pas.

M. Benoist Apparu – Donc l’amendement 63 est inutile ?

M. Jean-Pierre Brard – Il serait fort dommage de ne pas prendre en considération la position de MM. Carrez et Migaud. La raison voudrait donc que la commission des lois retire son amendement, non pour se plier à la loi d’airain de la commission des finances, mais pour respecter le travail que nous avons accompli et l’esprit qui nous a animés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Sauf erreur de ma part, l’adoption de l’amendement 11 ne ferait pas tomber l’amendement 63.

Quant au fond, selon la rédaction du Sénat, une exonération de charges sociales ou une réduction d’impôt incluse dans une loi déjà votée ne s’appliquera pas avant l’examen du PLF ou du PLFSS ; en d’autres termes, le vote d’un projet de loi de finances rectificative évaluant le coût d’une mesure fiscale à 150 millions obligera le Gouvernement à prévoir une recette d’un montant équivalent, sauf à reconnaître qu’il creuse d’autant le déficit public. Aux termes de l’amendement 63, une mesure analogue votée par le Parlement peut s’appliquer immédiatement, mais seulement jusqu’au 31 décembre, si un PLF ou un PLFSS n’en permet pas la prolongation au-delà de cette date.

La commission est défavorable aux deux propositions, mais plus encore à la seconde – l’amendement 63 – qui risque d’ôter toute efficacité aux mesures décidées. Mettre en place une exonération de charges sociales ou une baisse d’impôt susceptible d’être supprimée au 31 décembre, c’est à coup sûr dissuader le contribuable de s’en servir ! À la limite, je préfère encore la proposition du Sénat… Quoi qu’il en soit, le problème de la hiérarchie des normes reste posé dans les deux cas.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement est favorable à l’amendement 11 et défavorable à l’amendement 63. Il peut certes être intéressant, en termes d‘équilibre budgétaire, que les règles relatives aux impôts et aux cotisations sociales ne s’appliquent au-delà du 31 décembre que si une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoit. Mais le Gouvernement redoute qu’un tel dispositif soit facteur d’insécurité juridique pour les particuliers et pour les entreprises, en les privant de tout pouvoir de prévision à moyen terme.

M. Yves Bur – Notre amendement 63 rejoint la proposition n° 22 du rapport de la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales. L’examen des différents dispositifs montre que les études d’impact proposées dans le cadre des projets de loi sont très insuffisantes. C’est ainsi qu’un certain nombre d’exonérations générales, et surtout ciblées, ont fait la preuve de leur inefficacité. Attendre une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale permettra peut-être de renforcer ces études d’impact et d’étudier plus avant l’utilité des propositions qui sont faites. On nous dit que notre responsabilité de parlementaires peut ici s’exercer sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans la Constitution. Vous savez pourtant l’impact qu’a eu l’amendement à la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale que nous avons voté à votre initiative pour « verrouiller » la CADES en 2005, Monsieur le rapporteur.

Notre proposition a l’avantage de responsabiliser et le Gouvernement et le Parlement. L’insécurité juridique est un faux argument, dans la mesure où il faut souvent plusieurs mois pour qu’une loi puisse être appliquée. Le fait que les décisions prises lors d’autres débats doivent être validées par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale obligera aussi l’administration à mieux préparer les décrets d’application et les circulaires. Trop de dispositions législatives n’ont pu s’appliquer aussi vite qu’il l’aurait fallu, simplement parce que l’administration n’était pas prête. Notre proposition est donc une proposition de responsabilité et de réalisme.

M. Didier Migaud – S’il ne fait pas tomber le nôtre, je n’ai pas de réserves sur l’amendement de la commission. La rédaction du Sénat pose en effet problème.

M. le Président – Pour clarifier le débat, je vous confirme que l’adoption de l’amendement 11 fera tomber le 63.

M. Didier Migaud – Il serait donc préférable de ne pas le voter. Je le répète, l’amendement 63 n’empêche pas de faire adopter des mesures fiscales ou d’exonération de cotisations sociales dans le cadre d’une loi. Il n’établit donc pas de hiérarchie entre les lois. En revanche, je veux bien entendre l’argument de l’insécurité juridique : en matière fiscale comme en matière d’exonération de cotisations sociales, il est important d’avoir une visibilité. Mais l’expérience nous montre que les dispositions votées dans ces matières doivent souvent être complétées dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale. Cela a été le cas pour la loi TEPA. Trop complexe, le dispositif d’origine a été modifié quelques semaines seulement après son adoption.

Faisons-nous confiance ! L’argument du président de la commission des lois témoigne d’un cruel manque de confiance dans la capacité du Parlement à confirmer une décision qu’il a prise quelques mois avant. Pourquoi considérer les parlementaires comme des gens désordonnés et irresponsables ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu – C’est ce que vous dites dans l’amendement, Monsieur Migaud !

M. Didier Migaud – Je suis toujours surpris de voir des députés restreindre d’eux-mêmes leurs propres pouvoirs. Notre proposition est de bon sens. Peut-être devra-t-elle encore mûrir : certains ne sont pas convaincus, et le président du groupe UMP va même s’exprimer contre. Je suis pourtant persuadé que s’il était encore ministre du budget, il l’aurait défendue, ne serait-ce que pour permettre au Parlement d’exercer sa pleine responsabilité ! Nous ne révisons pas si souvent la Constitution, et cette mesure serait utile pour rééquilibrer les pouvoirs du Gouvernement et du Parlement comme pour améliorer la gouvernance de nos finances publiques (Applaudissements sur divers bancs).

M. Jean-François Copé – Je vous ai écouté avec intérêt et plaisir, Monsieur Migaud. Je n’en répondrai pas moins avec la plus grande force sur chacun des points que vous avez évoqués.

La hiérarchie des normes d’abord. Il faut le redire, le seul fait de conditionner l’application d’une disposition fiscale adoptée dans le cadre d’une loi ordinaire à sa validation par une loi de finances introduit une hiérarchie des normes entre loi de finances et loi ordinaire, ce qui ne fait pas l’objet d’un consensus.

M. Didier Migaud - Ce n’est pas une conditionnalité !

M. Jean-François Copé – Il y a suffisamment de hiérarchie entre Constitution, loi organique et loi ordinaire pour ne pas en rajouter, d’autant que cela poserait d’insurmontables problèmes au Gouvernement comme au Parlement.

L’insécurité juridique ensuite. Votre exemple de la loi TEPA ne tient pas la route : dès lors que les agents économiques savent que rien de sérieux ne se fait avant la loi de finances, ils n’anticiperont pas les dispositions fiscales prises dans le cadre d’autres textes. Cela retardera d’autant les effets des réformes.

M. Didier Migaud - Je maintiens qu’on a modifié la loi TEPA !

M. Jean-François Copé – C’est donc un contresens majeur – je me permets de le dire au président de la commission des finances, qui sera peut-être un jour ministre des finances…

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Jean-François Copé – …soit dans un gouvernement socialiste, soit dans un gouvernement d’ouverture. Quel que soit le cas de figure, aucun gouvernement ne saurait accepter qu’une politique de conjoncture puisse être freinée par une norme juridique.

Cet amendement n’en a pas moins des vertus, mais il ne résout pas le problème de fond qui est celui du comportement des gouvernements successifs vis-à-vis du Parlement sur les questions fiscales. Il y a en effet trop de niches fiscales et de crédits d’impôt ; leur lisibilité mérite d’être revue de fond en comble. Je considère donc votre amendement comme un amendement d’appel. Nous en avons d’ailleurs parlé au Premier ministre, qui s’est engagé lors de notre réunion de groupe à mettre de l’ordre dans notre politique fiscale.

Vous nous parlez de confiance – et j’ai beaucoup aimé ce passage. Vous suppliez Jean-Luc Warsmann de faire confiance aux parlementaires – j’en ai eu la larme à l’œil : je me suis dit que vous étiez peut-être celui qui entraînerait quelques-uns de ses collègues socialistes à oublier – pour une fois – les consignes, et à voter ce texte qui donne tant de pouvoirs supplémentaires – et cette confiance que vous réclamez – au Parlement…

M. Jean-Marie Le Guen – De grâce, ne nous donnez pas de leçons, Monsieur Copé ! Vous n’ouvrez pas les portes, vous les fermez.

M. Jean-François Copé – J’appelle naturellement le groupe UMP à adopter l’amendement de la commission des lois pour les raisons que je viens d’évoquer. Et je vous invite tous, une nouvelle fois, à bien réfléchir à ce projet de loi constitutionnelle qui accorde tant de pouvoirs nouveaux au Parlement pour le plus grand bénéfice d’une démocratie modernisée (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie – Je reconnais les qualités d’avocat de notre président de groupe (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC). Pour ma part, après trente ans de vie parlementaire, je m’efforce d’être le plus concret et le plus pragmatique possible. Le danger qu’ont pointé Benoist Apparu, Jean-Luc Warsmann et Jean-François Copé est purement théorique. En effet, le Gouvernement, averti de ce risque, engagera un travail avec le Parlement avant la préparation des lois. Et c’est là un formidable moyen, cher Jean-François Copé, de parvenir à une véritable coproduction législative. Lorsqu’un gouvernement créera une niche fiscale ou instaurera une exonération de charges sociales, il sera au moins obligé de réaliser une étude d’impact préalable. Voilà des années que nous présentons des amendements d’appel sur le sujet, lesquels sont systématiquement repoussés par les ministres, à quelque majorité qu’ils appartiennent. Nous souhaitons qu’il y ait un réel débat contradictoire entre le Gouvernement et le Parlement lors de la préparation des textes, de façon à n’être plus mis devant le fait accompli, avec pour seule explication qu’il n’est plus possible de faire machine arrière parce qu’on a négocié avec les partenaires sociaux par exemple. Il n’y aurait, je le redis, aucun risque à adopter l’amendement 63. N’oublions pas que l’Allemagne est en train d’inscrire dans sa Constitution l’impératif d’équilibre budgétaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud – Pierre Méhaignerie mériterait aussi d’être inscrit au Barreau !

Monsieur Copé, il faut considérer un texte dans son ensemble. Je ne suis pas certain que celui qui nous est soumis comporte des progrès significatifs pour le Parlement. J’en veux pour preuve ce qui a été décidé concernant le Sénat ou bien encore les députés qui représenteront les Français de l’étranger, et ce qui pourrait l’être concernant le droit d’amendement avec en germe – en dépit de l’attention que vous portez au sujet, Monsieur le Président – la possibilité de remettre celui-ci en cause par une simple loi organique ou le Règlement intérieur des assemblées, ce qui constituerait un recul considérable des droits du Parlement et de l’opposition.

Les choses ne sont donc pas aussi simples que vous le dites, Monsieur Copé. Des pouvoirs nouveaux intéressants sont accordés au Parlement mais que pèsent-ils face aux reculs que peuvent constituer d’autres mesures ? Au total, ce texte présente plus d’inconvénients que d’avantages (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 63 tombe.

M. Manuel Valls – L’ombre de M. Marleix a plané sur ce vote !

M. Jean-Marie Le Guen – Rappel au Règlement. Lors de ce vote, on aura clairement vu ceux qui ont une véritable volonté de maîtrise des comptes publics et les autres. J’espère que nos collègues de droite ne nous lanceront plus d’anathèmes à ce sujet. C’est bien eux qui, en majorité, ont refusé les mécanismes proposés de maîtrise des comptes publics (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Cette intervention n’avait que peu à voir avec un rappel au Règlement.

M. Paul Giacobbi – L’amendement 258 tend à supprimer l’alinéa 12 qui dispose que des lois de programmation détermineront les objectifs de l’action de l’État. En effet, les lois de programmation n’intéressent ni ceux qui les proposent, qui les oublient aussitôt qu’ils les ont proposées, ni ceux qui les votent, qui les ont oubliées avant même de les avoir votées, ni le public qui s’en moque éperdument dans la mesure où elles n’ont aucune portée normative. Les lois de programmation ne sont donc d’aucune utilité. Par ailleurs, qu’entend-on par « objectifs de l’action de l’État » ? S’il s’agit des objectifs du Gouvernement, ils sont énoncés par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Quant au Parlement, il n’a pas « d’objectifs d’action », il légifère. Voilà pourquoi cet amendement propose de supprimer ces lois sans portée, d’autant que notre pays légifère déjà trop et n’applique pas assez les lois existantes à portée normative.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis.

L'amendement 258, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 262 est défendu.

L'amendement 262, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Arnaud Montebourg – Monsieur le Président, je souhaite faire un rappel au Règlement suite à la lettre que vous avez adressée aujourd’hui au président Ayrault – ainsi que, j’imagine, aux autres présidents de groupe –, dans laquelle vous faites part de votre souhait de réunir un groupe pluraliste en vue d’établir un nouveau règlement intérieur de notre assemblée où seraient prises en compte certaines des revendications que nous défendons depuis longtemps dans ce débat : droit de tirage pour les groupes parlementaires permettant d’obtenir la création de commissions d’enquête, fixation du temps de parole à égalité entre majorité et opposition pour les activités de contrôle et pour les questions au Gouvernement, droit de réplique pour les questions au Gouvernement, octroi d’un temps de parole plus important à l’opposition, attribution de droit de la présidence d’une commission permanente à l’opposition, attribution du poste de président ou de rapporteur d’une mission d’information à un membre de l’opposition – comme c’est le cas pour certaines commissions d’enquête –, attribution aux groupes minoritaires de moyens proportionnellement plus importants…

Je vous remercie solennellement, Monsieur le président, de nous avoir adressé cette lettre avant la fin de nos débats. Nous avons longtemps attendu des progrès concrets au travers d’amendements que nous avons défendus en commission de lois, laquelle vous a auditionné, puis en première lecture ici, puis au Sénat. Nous préférons certes tenir entre nos mains un courrier de votre part plutôt que de devoir nous contenter de déclarations apaisantes, qu’elles fussent prononcées par vous-même ou qu’elles émanent du Gouvernement.

Je souhaiterais cependant savoir si la majorité partage la même volonté que vous, Monsieur le Président, d’avancer sur ces points et si un engagement peut être pris. Des déclarations convergentes nous permettraient d’évoluer.

M. Copé avait exprimé le souhait, lors de son audition en commission, de disposer du texte des lois organiques, à la virgule près. Nous le souhaiterions aussi. On ne cesse en effet de renvoyer nos revendications aux règlements intérieurs des assemblées, ô combien hypothétiques, à des lois organiques dans lesquelles le Sénat vient d’ailleurs systématiquement mettre son grain de sel, ce qui nous amène à nous interroger sur la force et la portée des promesses qui nous sont faites.

Pourquoi n’avons-nous pas profité du débat sur ce projet de loi constitutionnelle pour parvenir à un consensus sur ces points ? Pouvez-vous nous le dire, Monsieur le Président ? Cela a de l’importance avant la clôture du débat dans cet hémicycle. Je souhaite de même que M. Copé, ou tout autre dûment mandaté à cet effet, nous fasse connaître la position du groupe UMP sur ces promesses et sur les conditions dans lesquelles un nouveau règlement intérieur pourrait ou non être approuvé.

Depuis le début de ce débat, nous jugeons aux actes. Nous avons désormais entre les mains un courrier qui reprend nombre de nos amendements qu’il est donc parfaitement possible de faire adopter avant la fin du débat. Pourquoi ne pas inscrire sur-le-champ cette lettre si importante dans le marbre ? Peut-être nous en serions-nous même contentés, eût-elle été envoyée plus tôt !

M. Jean-Marie Le Guen – Cela, c’est un rappel au Règlement !

M. le Président – En effet, Monsieur Le Guen (Sourires). Le courrier que j’ai adressé aux présidents des groupes parlementaires comporte un certain nombre de propositions d’ordre règlementaire, et dont certaines répondent à des attentes de l’opposition. Elles ne sont pas de portée constitutionnelle, mais peuvent très bien faire l’objet d’une modification consensuelle de notre Règlement intérieur. Je ne peux en dire plus à ce stade.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Depuis les premières auditions en commission, nous avons progressé en plusieurs domaines tels que le droit de tirage. Après le passage du texte au Sénat, assimilé à une régression par certains d’entre vous, l’Assemblée a, en deuxième lecture, rétabli son architecture initiale.

En commission, M. Montebourg m’a demandé des actes, plus que de simples paroles.

M. Arnaud Montebourg – Nous attendons toujours !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je vous ai répondu que les engagements pris seraient tenus. Cela étant, je le répète, les mesures d’ordre règlementaire ne peuvent figurer dans la Constitution.

Le courrier de M. le Président comporte plusieurs engagements essentiels relatifs au statut de l’opposition. Nous allons lever l’obstacle que pose la décision du Conseil constitutionnel en la matière afin de prendre des mesures concrètes. Ainsi, chacun pourra envisager clairement la manière dont nous travaillerons dans les années à venir.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement S’il n’a pas vocation à intervenir dans votre groupe de travail, le Gouvernement est favorable à l’initiative et à la proposition de modification du Règlement intérieur présentée par M. le Président. Les propositions de ce dernier seront rendues possibles par la révision constitutionnelle, à l’article 51-1.

M. Manuel Valls – M. Karoutchi déploie de louables efforts pour aboutir au consensus le plus large. M. Copé, quant à lui, a tenu des propos empreints de cynisme. Hier encore, soucieux de régler les problèmes internes à son groupe, concernant la Turquie par exemple, il a clairement dit qu’il fermait toutes les portes à l’opposition en vue d’un consensus indispensable à la révision constitutionnelle.

Il est vrai que les droits de l’opposition relèvent du Règlement intérieur mais, à voir certaines dispositions déjà adoptées, certains pourraient aussi bien être intégrés à la Constitution. M. le Président a été très tôt auditionné par la commission des lois. Pourtant, ce n’est qu’en fin de seconde lecture que nous arrive cette lettre bien tardive.

De même, nous n’avons obtenu aucune garantie sur d’autres sujets tels que le redécoupage électoral ou le rééquilibrage des temps de parole de la majorité et de l’opposition, malgré les initiatives annoncées. Nous attendons que le temps de parole du Président de la République soit intégré à celui de la majorité, a fortiori lorsqu’il s’exprime en tant que chef de celle-ci, comme il l’a encore fait récemment.

Hélas, sur tous ces sujets, les portes se ferment ou les réponses arrivent in extremis. Or, nous voulons des actes concrets qui seuls pourront nous convaincre de votre bonne foi, au-delà des supplications qui nous sont faites en vue du vote sur ce texte.

M. Jean-Marie Le Guen – L’initiative de M. le Président répond à certaines de nos attentes, bien qu’elle soit tardive. S’agit-il d’un engagement, ou d’une intention ? Le Gouvernement semble la partager, mais qu’en est-il de la majorité ? M. Copé doit se prononcer au nom de son groupe, sans l’accord duquel aucune modification de notre Règlement intérieur n’est possible.

S’agissant du temps de parole du Président de la République, les relations qu’entretient le pouvoir avec les médias ne nous rassurent pas. Nombreux sont ceux qui se sont déjà exprimés sur le sujet, y compris vous-même, Monsieur le Président, et M. Balladur, mais c’est du premier concerné, le Président de la République lui-même, que nous attendons une expression plus solennelle

À quoi sert d’annoncer des mesures, si judicieuses soient-elles, si elles ne doivent jamais s’appliquer ? Dans le même temps, vous adoptez des mesures dangereuses, comme l’élection de douze députés des Français de l’étranger. Que le Parti socialiste lui-même l’ait autrefois proposée ne suffit pas à nous rassurer : aujourd’hui, nous sommes contre (Rires sur les bancs du groupe SRC) !

M. Jean-Christophe Lagarde – Que M. Hollande vienne donc se prononcer !

M. Jean-Marie Le Guen – En somme, la majorité doit s’exprimer, même s’il nous faut suspendre la séance quelques instants pour attendre l’arrivée de M. Copé.

M. Noël Mamère – Je ne mets pas en cause votre sincérité, Monsieur le Président, mais votre lettre s’apparente à une dernière tentative de séduction des quelques députés de gauche susceptibles de s’abstenir ou de voter en faveur de la révision constitutionnelle. Or, lier un vote sur une réforme aussi large à la modification de notre Règlement intérieur n’est pas sain.

En outre, vos propositions, pour intéressantes qu’elles soient, ne peuvent occulter le fait que nombre de nos amendements ont été rejetés d’un revers de main, alors que leur adoption est indispensable à notre acceptation de l’ensemble du texte. Cette tentative de la dernière heure ne saurait donc séduire ceux que le mirage tentait.

L’amélioration de notre Règlement intérieur, que nous vous sommes reconnaissants de proposer, fait partie des responsabilités du Président, garant de la bonne marche de notre assemblée. Cela étant, elle n’est qu’une infime partie de la réforme des institutions. Ne succombons pas à cette tardive opération de séduction, quelle que soit la sincérité de son auteur !

M. le Président – Ainsi que M. Le Guen et Mme Billard pourront en témoigner, cette lettre n’est que la synthèse de l’ensemble des points qui ont été évoqués par le groupe de travail, qu’il a considérés comme relevant du Règlement. Je rappelle que ce groupe de travail s’est réuni dès les premiers jours de la législature et que tous les groupes parlementaires y ont été associés. Le courrier qui a été envoyé visait à rappeler l’avancement d’un sujet auquel nous sommes tous attachés, puisqu’il s’agit des conditions de travail des groupes minoritaires et d’opposition.

M. Jean-Christophe Lagarde – Cette lettre, Monsieur le Président, marque une évolution importante, fruit d’un travail que vous avez entrepris depuis longtemps. Il est évident que nos moyens de fonctionnement ne sont aujourd’hui pas bien répartis, qu’il s’agisse des droits de parole ou d’initiative, commissions d’enquête ou missions d’information. Ce travail a été utile et la lettre marque une avancée. Le Nouveau Centre est favorable à certaines de ces évolutions, qui ne seront rendues possibles que par l’adoption de la réforme constitutionnelle puisque sans article 51-1, notre Règlement, qui sera évidemment soumis au contrôle de constitutionnalité, ne pourra pas prévoir ces droits spécifiques. Nous souhaitons en outre bien évidemment que l’esprit de la réforme soit respecté, qu’il s’agisse des moyens mis à la disposition des groupes minoritaires, ce que vous avez commencé à faire, Monsieur le président, ou de la répartition des temps de parole, même si, par définition, le partage à égalité entre majorité et opposition réduira le temps de parole de la majorité, et d’autant plus celui des partis minoritaires de la majorité. J’espère que nous pourrons aboutir à une réforme du Règlement constructive, mais ce ne sera possible que si, et seulement si, la réforme constitutionnelle est adoptée à Versailles.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 h 20, est reprise à 19 h 30.

M. Jean-François Copé – Rappel au Règlement. Le courrier adressé par le Président de notre assemblée à chacun des présidents de groupe contient des propositions très intéressantes. Je les examinerai dans un authentique esprit d’ouverture.

Dans l’hypothèse d’une adoption de cette révision constitutionnelle, qui transformera profondément le mode de fonctionnement du Parlement, en renforçant les pouvoirs accordés à ses membres, il est tout à fait légitime de réfléchir aux modalités de notre travail en commun (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC).

Il faudra examiner ces ouvertures qui correspondent aux souhaits de l’opposition. L’UMP est tout à faite ouverte à la discussion sur ces différents points, et même sur d’autres encore (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Glavany – Les grandes manœuvres commencent !

M. Arnaud Montebourg – M. Copé se dit « ouvert ». Encore faudrait-il être sûr qu’il ne s’agit pas d’une fausse ouverture : le sens de ce terme s’est quelque peu dégradé au cours des derniers temps.

D’autre part, ce n’est pas d’une « ouverture » que nous avons besoin, mais d’engagements. Dites-nous si vous approuvez ou non les propositions du Président de l’Assemblée. Si ce sont des engagements partagés, tout cela a un sens ; en revanche, si vous n’allez pas plus loin qu’une simple « ouverture », cela n’augure rien de bon de la sincérité et de la force de cette lettre.

J’observe enfin que ce qui nous est proposé pourrait déjà être appliqué sans modification de la Constitution. En matière de constitution des commissions d’enquête, par exemple, nous sommes sous l’empire d’une ordonnance organique de 1959. Il est possible de nous mettre immédiatement au travail, indépendamment de cette loi constitutionnelle.

De la même façon, nous pourrions reconnaître tout de suite le principe d’égalité de temps de parole entre la majorité et l’opposition, et rétablir un droit de réplique lors des questions au Gouvernement, comme cela avait été décidé en 1981. Quant à l’attribution d’une présidence de commission à l’opposition, chacun sait que nous en avons déjà une.

On peut donc se demander s’il n’y a pas là un début de chantage, ou bien un leurre ? Je me souviens des propos que M. Copé avait tenus en commission, et je rappelle que, nous aussi, nous voulons connaître à la virgule près le contenu des futures lois organiques. C’est le cadre de la confiance, la condition d’une rencontre entre nous.

Vous dites que vous voulez faire preuve d’ouverture, mais nous savons bien à quel point nous aurions pu déjà avancer. Qui voulez-vous donc emmener dans ce bateau, Monsieur Copé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-François Copé – Accepteriez-vous de retirer le terme de chantage, Monsieur Montebourg ?

M. Arnaud Montebourg – Je le retire volontiers. Ce mot allait au-delà de ma pensée.

M. Jean-François Copé – Si vous ne l’aviez pas retiré, je n’aurais pas résisté à la tentation de vous l’appliquer…

Il y a un moment où il faut se parler franchement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). On m’a demandé, sur les bancs où vous siégez, de me prononcer sur la lettre du Président de l’Assemblée. Je suis tout à fait ouvert à une discussion sur ces propositions, dont le contenu découle au reste de la révision constitutionnelle, et non l’inverse. Mais que puis-je faire de plus à ce stade ?

Je répète que nous sommes très ouverts à ces propositions parce qu’elles contiennent des dispositions qui sont tout à fait dans le sens que nous souhaitons. Si vous n’acceptez pas cette main tendue, c’est que vous n’avez décidément pas envie de voter cette révision. Je souhaite que vous acceptiez de considérer le message d’ouverture que je vous adresse comme un gage de notre volonté de moderniser ensemble notre Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Ueberschlag – L’ordre du jour qui nous réunit est la modernisation de nos institutions. J’ai l’impression que nous sommes complètement hors sujet (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC). J’ajoute que nous discutons d’une lettre que la plupart d’entre nous n’ont pas lue.

Face aux tentatives du groupe socialiste de faire de l’obstruction en recourant à des digressions, je demande que l’on revienne à l’ordre du jour.

M. Jean-Marie Le Guen – Qui peut penser que tout cela n’a pas de rapport direct avec le texte ? Nous sommes au cœur du sujet, bien que très tardivement… Cela fait des semaines que nos demandes sont rejetées au motif qu’elles n’ont pas à figurer dans la Constitution, et qu’il faut donc attendre.

Nous avons enfin des engagements. Toutefois, les propos du président du groupe UMP ne nous rassurent pas quant à l’existence d’une volonté partagée de faire évoluer le mode de fonctionnement de nos institutions. Nous n’avons rien entendu d’autre que des promesses. Si notre collègue Jean Ueberschlag trouve que nous sommes à côté du sujet, c’est bien que nous n’avons pas la même approche.

Après avoir commencé par un dialogue entre l’opposition et la majorité, les discussions se résument désormais à un débat entre la majorité de l’Assemblée et celle du Sénat. On est donc contraint de s’interroger sur la psychologie et la dynamique politiques de nos discussions. Si des propositions nous sont faites, un peu tardivement – et c’est une litote –, elles ne sont pas vraiment portées par la majorité.

M. Julien Dray – L’essentiel de ce que propose la lettre pourrait être appliqué indépendamment de cette révision. Le Président de l’Assemblée a d’ailleurs reconnu qu’il travaillait à ces propositions depuis le début de la législature. Si nous pouvons faire avancer le règlement intérieur en vue de renforcer l’équilibre entre la majorité et l’opposition et de redonner au Parlement la plénitude de sa représentativité, chacun y travaillera. Je rappelle au demeurant qu’un bon règlement ne peut être adopté que par consensus. Vous aurez à cœur de respecter cette tradition.

Cela étant, on peut légitimement s’interroger. Vous avez pris la responsabilité de vous adresser à nous, Monsieur le Président, dans le but de faire avancer la révision constitutionnelle, ce que je comprends parfaitement. Vous souhaitez sans doute susciter une réflexion nouvelle. Mais pourquoi cette lettre arrive-t-elle à ce moment précis ? Sans aller jusqu’à parler de chantage ou de marchandage, on peut tout de même se demander si vous ne cherchez pas à obtenir un vote en souscrivant des engagements dépourvus de tout sens, puisqu’ils n’ont rien à voir avec ce texte. Pourquoi ne pas avoir fait ces propositions plus tôt ?

M. le président – Nous en revenons à l’examen du projet de loi.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS (deuxième lecture) (suite)

ART. 12

M. Bertrand Pancher – Dans sa grande sagesse, le Sénat a rétabli la possibilité pour le Parlement d’adopter des résolutions. C’est une avancée essentielle qui nous permettra d’affirmer collectivement notre point de vue ou d’inviter le Gouvernement à l’action.

En effet, de quels outils disposons-nous aujourd’hui ? Nous avons le choix entre cette arme atomique qu’est la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement, et quelques pistolets à eau, comme le droit de modifier à la marge les textes présentés par le Gouvernement. Ajoutons à cela que nous n’avons pas la maîtrise de notre ordre du jour et que nous n’avons pas le temps de réfléchir et de travailler sur les textes – deux points que va changer la révision constitutionnelle. Dans ces conditions, qui peut s’étonner que l’hémicycle soit souvent à peu près vide ?

Le Sénat a eu la sagesse de rétablir cette disposition. Il a aussi amélioré le texte, dans d’autres domaines, par exemple le souci de l’environnement puisqu’il a prévu que l’on prendrait l’avis des grands acteurs représentés dans un Conseil économique et social et, désormais, environnemental. Cela doit satisfaire ceux qui, pendant la campagne, ont juré leurs grands dieux qu’ils voulaient satisfaire les vœux de Nicolas Hulot.

Renoncer à la réforme de la Constitution, c’est se priver de résolution pour, par exemple, faire le point sur la stratégie nationale de développement durable, de concertation avec les acteurs dans le nouveau Conseil, de référendum populaire. Que diront alors à Nicolas Hulot ceux qui l’ont tant soutenu ?

M. Christian Vanneste – Mon amendement 56 supprime cet article, comme l’Assemblée l’avait fait en première lecture. Le Sénat l’a malheureusement rétabli. Mais cet article est un trompe-l’œil. Montrer de la résolution, c’est être résolu à agir. Pour cela, nous avons la loi. Pourquoi nous contenter de parler ? Et si résolution renvoie à résoudre, là encore, nous avons la loi.

Le texte du Sénat comporte cependant une limitation, car la résolution présente un danger pour le Gouvernement. Si nous avions voté une résolution hostile à la Chine au moment de la traversée de Paris par la flamme olympique, cela aurait mis en difficulté le Président de la République. De ce fait, on nous propose désormais une résolution anesthésiée, qui n’a plus de portée réelle. La résolution est une immixtion du législatif dans l’action de l’exécutif, comme le disait M. Habib-Deloncle en 1959, et maintenant une immixtion impuissante.

Continuons, comme le souhaitait la mission Balladur, à exercer notre fonction tribunicienne. Mais quand les tribuns du peuple à Rome n’avaient que le pouvoir de la parole, nous avons celui de faire la loi. Nous avions le pouvoir d’intercession ; nous allons le perdre au profit d’un médiateur de la République aux pouvoirs élargis. Mais ne nous replions pas sur celui de la parole. La République laïque n’a pas pour vocation d’émettre des vœux pieux. Si le Parlement doit être plus efficace, c’est en évaluant la loi et en en contrôlant l’exécution.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Chacun connaît mes très grandes réticences sur le vote de résolutions. À mes yeux, l’action du Parlement est d’abord d’évaluer et de contrôler. L’excès dans les résolutions entraîne des dérapages, et peut amener à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, ou celle d’un ministre réformateur.

En deuxième lecture, l’Assemblée a beaucoup de pas à faire vers le Sénat. Le Gouvernement a déposé l’amendement 306, qui ne permet pas, par le biais d’une résolution, de donner des injonctions au Gouvernement ni de mettre en cause un Gouvernement ou un ministre, puisque c’est le Gouvernement qui jugera de la recevabilité. La commission estime que de la sorte, les résolutions seront suffisamment encadrées. Elle a donc émis un avis défavorable sur l’amendement de suppression et un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Le Gouvernement a souhaité, en introduisant les résolutions, mode d’expression politique courant dans la plupart des parlements européens, combler une lacune. C’est aussi un moyen de décharger nos lois de dispositions qui n’ont pas de portée normative.

En première lecture, des craintes se sont exprimées sur les abus qu’on pourrait en faire, et l’Assemblée y a renoncé. Le Gouvernement y est sensible et, après le rétablissement par le Sénat, présente donc l’amendement 306 pour encadrer les résolutions, de sorte qu’on évite les mises en cause du Gouvernement telles qu’elles pouvaient avoir lieu sous la IVe République. Cette solution assure un équilibre entre un droit nouveau et la limitation de possibles dérives. Le Gouvernement est défavorable aux deux sous-amendements 329 et 330 que présentera M. Montebourg.

M. Jean-Christophe Lagarde – Pour le groupe du Nouveau Centre, la possibilité de voter des résolutions est essentielle. Nous avions regretté que l’Assemblée la supprime, nous nous réjouissons que le Sénat l’ait réintroduite. Les résolutions ne sont pas forcément négatives, elles peuvent influer sur l’action gouvernementale, et l’appuyer. La plupart des démocraties occidentales y recourent. On veut les encadrer, soit. Mais si nous n’adoptions pas l’amendement 306 du Gouvernement, il serait difficile de parler de revalorisation du rôle du Parlement.

M. Arnaud Montebourg – Rétablir les résolutions, comme le souhaite le Gouvernement, est un progrès. La loi ne peut tout faire et la résolution est un moyen d’expression politique. Certes, la résolution ne peut tenir lieu de procédure de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, mais nous n’acceptons pas que le Gouvernement en soit seul juge. S’il estimait qu’une résolution le mettait directement en cause il pourrait s’y opposer, s’il se prononçait pour, le Parlement aurait en quelque sorte à s’exécuter. Cela n’a rien à voir avec la revalorisation du Parlement. Si l’on crée un droit, c’est par une instance objective que son usage doit être apprécié. Nous défendons donc avec force, un sous-amendement – et je demande que le président de la commission nous confirme le soutien qu’il nous avait accordé – qui laisse au Conseil constitutionnel le soin de dire s’il y a mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. S’il n’est pas adopté, nous voterons contre l’amendement 306.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

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Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
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