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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 15 juillet 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
16ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DROIT D’ACCUEIL DANS LES ÉCOLES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire.

M. Jean-Michel Clément – Ce projet de loi est démagogique, car inapplicable dans la majorité des communes. Il est idéologique parce qu’il oppose les parents aux enseignants et les enseignants aux fonctionnaires territoriaux, en prévoyant que les dépenses des collectivités locales seront précomptées sur les retenues de salaire des grévistes. Il est également dangereux pour les élus qui, n’ayant pas les moyens de le mettre en œuvre, risquent de voir leur responsabilité pénale mise en cause.

Le service d'accueil est une nouvelle compétence que l’article 3 confie aux communes en cas de grève des enseignants. Pourtant, l'article 2 contient une définition plus large : l’élève bénéficierait d’un service d'accueil gratuit en cas d’absence non remplacée de son professeur habituel. L’État semble ainsi se défausser sur les collectivités locales des conséquences de son impéritie. De quel droit ?

On nous dit que le service d'accueil est une compétence de la commune, et non du maire en tant qu'agent de l'État. La situation initiale est claire : la grève de plus de 20 % des enseignants – mais elle est considérablement élargie par l'article 2. Cette nouvelle disposition ne va-t-elle pas à l’encontre du principe de libre administration des communes ? Elle remet en tout cas en cause le mécanisme de compétences partagées de l'école communale, qui repose sur la complémentarité des actions – le temps scolaire relevant de l'État et le temps périscolaire relevant, facultativement, des communes – et sur le strict respect des responsabilités de chacun.

Quant au seuil de 20 % d'enseignants déclarés grévistes, il revient à rendre le service d'accueil obligatoire dès qu'un instituteur est en grève dans une école de cinq classes, soit le cas le plus fréquent en zone rurale… Aux difficultés que connaissent les communes rurales pour trouver du personnel qualifié alors qu’elle ne peuvent leur offrir que des temps partiels va s'ajouter celle de trouver le personnel susceptible d’assurer ce service d'accueil. Peut être, Monsieur le ministre, le personnel de votre cabinet pourra-t-il s'en charger dans les cas les plus difficiles ? À moins que vous ne cherchiez en fait à justifier la fermeture des écoles rurales…

On nous dit aussi que l'autorité administrative informera chaque maire du nombre d'enseignants par école se déclarant grévistes. Mais, le maire devant disposer d’une information distincte pour les écoles maternelle et primaire, comment l'information pourrait-elle rester non nominative ? En outre, le maire disposera de 48 heures, au mieux, pour organiser le service d'accueil. Ce n’est pas suffisant pour trouver les personnes adéquates, surtout s’il s’agit d’une grève de la fonction publique, car les employés communaux seront également en grève. Ce n’est pas suffisant non plus pour consulter le fichier des personnes pouvant s'occuper des enfants, ni pour joindre les parents pour apprécier le nombre d'enfants qui devront être accueillis. Faudra-t-il demander aux élus locaux d'assurer l’accueil ? C’est à l’évidence ce que le texte suggère…

On nous dit enfin que le maire peut organiser le service d'accueil dans les locaux scolaires y compris lorsque des enseignants non grévistes continuent d'enseigner. Il pourrait ainsi y avoir utilisation des locaux par la commune pendant le temps scolaire, ce qui est une innovation et soulève des questions de responsabilité. Enfin, l’article 7 bis précise que le maire établit la liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil. En commission, le rapporteur a dit qu’elles ne seraient pas forcément titulaires des diplômes requis pour assurer le service périscolaire, puisqu’il ne s’agirait que de « courts moments ». Le service d'accueil pourra donc être assuré, dans les locaux et sur le temps scolaires, par un quidam, réquisitionné à bref délai et faisant fonction de réserviste de l'Éducation nationale, de l'intégrité et de la moralité duquel on se sera assuré comme on peut, puisque c’est pour un « court moment » !

L'exercice plein et entier de cette nouvelle compétence ne laisse pas planer de doute sur la responsabilité de la commune et du maire. L'article 8 bis nouveau, qui prévoit que la responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune pour tous les faits dommageables commis ou subis durant le service d'accueil, est insuffisant. Il n'exonère de leur responsabilité ni les communes, ni les maires. Au contraire, il élargit le spectre des contentieux susceptibles d’atteindre personnellement ces derniers.

Notre société tend à une mise en cause quasi-systématique de la responsabilité des acteurs locaux et à une judiciarisation de la vie sociale. Les victimes souhaitent être indemnisées et obtenir une sanction pénale contre un coupable. La loi du 10 juillet 2000 a redéfini les contours de la responsabilité pénale en matière de délits non intentionnels, dans l’espoir de parvenir à la fois à responsabiliser les acteurs sociaux et à éviter un excès de pénalisation de la vie sociale, mais elle n'a pas tout réglé. Le juge doit tout d'abord établir un lien de causalité indirecte, puis déterminer la faute de la personne. La causalité indirecte est établie soit par la violation manifestement délibérée d'une obligation légale ou réglementaire, soit par une faute caractérisée exposant à un risque grave qui ne pouvait être ignoré par l’auteur de la faute. Dans ce dernier cas, la loi exige à la fois que la faute soit caractérisée, que le risque ait été d’une particulière gravité et que l'auteur de la faute n’ait pu ignorer l'existence de ce risque. Le but est d’éviter de soumettre à des sanctions pénales des personnes qui n'étaient pas en mesure de connaître le risque encouru.

Dans les affaires relevant du service d'accueil, les présomptions seront telles que cette exigence légale sera considérée comme remplie lorsque la personne ne parviendra pas à démontrer son ignorance totale du risque. Certes, le juge procédera à une analyse au cas par cas, mais le risque est grand, compte tenu des conditions dans lesquelles les maires vont mettre le service d'accueil en place, que leur responsabilité soit mise en cause dans les cas les plus graves, d’autant qu’on sait les parents prompts à surréagir. Les maires, les agents territoriaux, les personnes chargées d'assurer le service pourront faire l’objet d’une mise en examen et, le cas échéant, d'un renvoi devant une juridiction de jugement. À n'en pas douter, le maire sera toujours en première ligne. Ce sera une nouvelle occasion d'élargir le champ de la responsabilité des maires, que la loi Fauchon avait voulu encadrer.

La mise en examen d’élus est toujours un affaiblissement pour notre démocratie. Après le renvoi aux collectivités locales des missions régaliennes de l’État en matière d'éducation, l'élargissement du champ de la responsabilité des élus est un nouveau coup porté à notre pacte social – à moins qu'il ne s'agisse d'opposer cette fois l'État aux collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-François Lamour – Ce très bon texte élabore un dispositif pragmatique, qui apporte une réponse aux attentes de nos concitoyens et fait reculer les idéologies d’un autre temps.

M. Marc Dolez – C’est la méthode Coué !

M. Jean-François Lamour – Il protège les enfants, en garantissant qu’ils seront accueillis dans de bonnes conditions les jours de grève. Il protège les familles, assurées de ne pas rester en carafe devant la porte de l'école. Il protège la liberté de travailler des parents et protège enfin le bon exercice du droit de grève.

M. Patrick Roy – On voit que vous ne connaissez pas l’école !

M. Jean-François Lamour – Je regrette vivement que la gauche n'ait pas souhaité nous suivre dans ce mouvement de modernité sociale. L'exemple le plus marquant en est la situation inacceptable de l'académie de Paris.

M. Guy Geoffroy – Et même scandaleuse !

M. Jean-François Lamour – La capitale concentre, plus que toute autre ville, les familles aux problèmes les plus divers, pour qui tout est plus compliqué (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Doivent-elles, en plus, subir les conséquences des décisions dogmatiques de leurs responsables politiques ? (Mêmes mouvements) Refuser de voir leurs difficultés quotidiennes n'est pas admissible. Laisser des centaines de parents et d’enfants devant les portes d’écoles fermées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), comme cela s’est malheureusement produit il y a quelques semaines, l'est encore moins.

M. Patrick Roy – Mais non !

M. Jean-François Lamour – Le 15 mai dernier, 160 écoles sur 660 étaient fermées à Paris !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois – C’est scandaleux !

M. Jean-François Lamour – M. Delanoë, qui affûte ses ambitions nationales au lieu de s'intéresser aux dossiers majeurs de notre capitale… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Patrick Roy – Hors sujet !

M. Jean-François Lamour – …a refusé pour des raisons idéologiques d’assurer l’accueil des enfants, infligeant ainsi une double peine aux Parisiens. Et les élus parisiens de gauche, dont certains siègent ici, comme le verbiage de Mme Mazetier l’a rappelé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) nous ont expliqué que la grève était par nature un rapport de force, et que le service minimum d’accueil risquait de remettre en cause ce rapport de force. Quelle vision surannée des relations sociales ! Nous avons beau être intervenus plusieurs fois au Conseil de Paris pour demander au maire de revenir sur sa décision, rien n’y a fait, il a campé sur ses positions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Collègues socialistes, quand le temps viendra pour vous de désigner un nouveau leader, vous n'aurez pas besoin d’instaurer un service minimum idéologique et démagogique – vous l’avez en stock ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Yves Durand – C’est minable ! C’est indigne d’un ancien ministre !

M. Jean-François Lamour – Paris, et je le regrette, est exemplaire du refus total de la gauche française de prendre ses responsabilités (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Avec plusieurs de mes collègues parisiens, j'ai déposé des amendements qui tendent à une meilleure prise en compte des acteurs de terrain – à Paris, les maires d’arrondissement. Nous ferons ainsi en sorte, Monsieur le ministre, que la loi, toute la loi, soit appliquée à la rentrée prochaine (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ). Soyez assuré que la majorité prendra ses responsabilités en se plaçant, comme vous, du côté des familles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Le projet qui nous est soumis, en session extraordinaire et dans le cadre d'une procédure d'urgence, prétend concilier deux droits fondamentaux : la continuité du service public, en instaurant un service d'accueil dans les écoles maternelles et élémentaires, et le droit de grève inscrit dans notre Constitution. Le Gouvernement a souhaité en passer par la loi, ce qui en dit long sur sa conception du dialogue social, en généralisant un dispositif fondé sur le volontariat qui n'a pas, c'est le moins que l'on puisse dire, suscité l'enthousiasme des maires. Les expérimentations se sont soldées par des échecs : lors du mouvement de grève du 24 janvier, 2 000 communes seulement ont organisé un service d'accueil sur les quelque 22 500 où existe une école publique et lors de la grève du 15 mai, seules 2 871 l'ont mis en place.

Curieuse conception de la concertation et du dialogue social que celle de la majorité quand, au soir d'une journée d'action dans la fonction publique, le Président de la République annonce son intention de demander au Gouvernement de déposer un projet de loi à ce sujet avant l’été, sans organiser une quelconque concertation avec les représentants des maires ou des enseignants.

M. Pierre Lellouche – Il a eu bien raison !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Non : c’était de la provocation !

M. Pierre Lellouche – Pas du tout ! C’est le sens des responsabilités.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Vous vous attachez à diviser les Français, en présentant le droit de grève comme une menace pour le droit de travailler. Les parents d'élèves seraient donc les victimes des méchants enseignants grévistes.

M. Pierre Lellouche – Tout à fait !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Il y aurait d'un côté les bons travailleurs, et de l'autre les enseignants. L'obsession du Gouvernement à restreindre le droit de grève fait passer à la trappe les demandes légitimes des parents : que l'éducation de leur enfant soit assurée dans les meilleures conditions possibles. L’urgence devrait plutôt être de garantir la qualité du service public de l'éducation, sérieusement mis à mal par votre politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy – Non ! Par la vôtre !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Comment défendre la continuité du service public quand, dans le même temps, le Gouvernement supprime 11 200 postes en 2008 dans l'éducation et annonce qu’il en supprimera 13 500 en 2009 ?

M. Pierre Lellouche – Il y a de la marge…

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Vous soumettez le service public à une cure d'austérité, allant jusqu’à supprimer des postes du réseau d'aide aux élèves en difficulté. N’aviez-vous pas dit vouloir les aider ? Des classes sont même supprimées dans les écoles classées en ZEP et en zones de revitalisation rurale, sans qu'aucune structure d'accueil n'existe pour les tout-petits. Mais dans ma circonscription, le tribunal administratif vient de condamner l'État à suspendre la décision de supprimer un poste d'enseignant en classe maternelle.

Il existe au moins trois raisons de refuser ce texte en l'état. La première, c'est que le Gouvernement se défausse, une fois de plus, sur les collectivités territoriales, cette fois pour organiser un service public d'accueil des élèves. Les députés radicaux de gauche considèrent qu’il appartient à l'État d'assumer l'accueil des élèves les jours de grève, parce que c'est sa responsabilité.

M. Guy Geoffroy – Vous ne l’avez jamais fait !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – L'Éducation nationale est de la compétence exclusive de l'État. Comment accepter qu'il impose aux communes un service d'accueil dans un secteur dont il a la seule responsabilité ?

M. Guy Geoffroy – Ce n’est pas un service d’enseignement !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – À cela s’ajoute le fait que l’instauration d'un service d'accueil s’analyse comme une nouvelle compétence confiée aux communes, puisqu'elles n'en ont pas la charge actuellement. Les ressources allouées en compensation de cette nouvelle charge devraient donc être déterminées par la loi. Or, l'article 8 renvoie à un décret le soin de déterminer librement le montant que l'État attribuera aux communes. Si l’on en juge par l'expérience de l'acte II de la décentralisation, on peut craindre que cette compensation ne se fasse pas à l'euro près. L'État n’hésite pas à faire supporter de nouvelles charges aux communes, déjà contraintes de financer les écoles privées par la loi du 13 août 2004.

M. Guy Geoffroy – Arrêtez la guerre scolaire !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Par ailleurs, l'article 2 précise que le service d'accueil serait mis en place quand l'enseignement ne pourrait être dispensé, autrement dit pour n’importe quelle raison. Nous refusons qu'un système d'accueil soit mis en place lors des mouvements de grève, et davantage encore s’il s’agit de remplacer des enseignants absents.

Enfin, nul ne peut nier que l’organisation du droit d'accueil créera de réelles difficultés aux maires, notamment dans les communes rurales qui disposent de peu de personnel. Le président UMP de l’Association des maires de France, estime d’ailleurs que ce dispositif sera inapplicable…

M. Guy Geoffroy – Laissez-le parler ! Il s’expliquera.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – …et s'interroge sur la faisabilité d'un tel service d'accueil dans les 20 000 communes de moins de 2 000 habitants qui comptent une école. L'Association des maires ruraux de France ne s'y est pas trompée non plus qui, dans un communiqué, estime le dispositif « tout simplement inapplicable dans leurs communes ».

J'aborderai pour conclure l'aspect le plus contestable de votre projet. II n'aura échappé à personne que ce texte durcit les conditions d'exercice de la grève des personnels enseignants du premier degré. Il multiplie les contraintes sans rapport avec l'objet de la loi, dont l’obligation de se déclarer 48 heures à l'avance auprès de sa hiérarchie…

M. Guy Geoffroy – C’est la moindre des choses !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Il est évident que l'objectif inavoué de ce texte est d'empêcher la grève. Le Président de la République n’a–t-il pas scandaleusement déclaré : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit » ?

M. Benoist Apparu – Ce n’est pas tout à fait ce qu’il a dit.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Le Gouvernement aurait été mieux inspiré de s’attacher à résoudre les problèmes auxquels est confrontée l'école : élèves trop nombreux dans les classes, manque de remplaçants, trop nombreux élèves sortant en échec du système scolaire. Là est l’urgence, et non pas d’instaurer un système de garderie les jours de grève !

Faute d’améliorations notables, nous rejetterons ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Frédéric Reiss – Le fonctionnement de l'école ne laisse aucun Français indifférent, et il est des mesures à l'impact financier raisonnable qui améliorent le service rendu aux familles et la perception du système scolaire. Le principe qui guide votre projet, Monsieur le ministre, se retrouve ailleurs : c’est celui qui a conduit à organiser une remise à niveau en mathématiques et en français pour les élèves de cours moyen pendant les vacances…

M. Patrick Roy – Ce avec quoi nous ne sommes pas d’accord.

M. Frédéric Reiss – …un dispositif qui rencontre un réel succès, ou encore à rendre les programmes de l'enseignement primaire de nouveau compréhensibles par tous. Toutes ces mesures permettent aux familles, souvent les plus démunies, de retrouver confiance en l'école. Combien de parents ont dû prendre un congé, assorti d’une perte de salaire, lorsque leur enfant rentrait avec un billet annonçant que son maître serait en grève le lendemain ? Sans parler de ceux qui l’apprenaient le jour même !

Les témoignages sont nombreux en faveur d'un service d'accueil à l'école. Je ne citerai que celui de cette maman mécontente d'avoir perdu deux jours de salaire en mai dernier et qui disait : « Les gens des beaux quartiers ont des nounous, de l'argent et peuvent s'offrir des leçons particulières ; et nous, nous avons des professeurs absents et l'obligation de garder nous-mêmes nos enfants ».

Je remercie le rapporteur d’avoir précisé que le service d'accueil ne s'applique qu'en cas de grève des enseignants ou en cas d'absence fortuite et imprévisible. Dans les autres cas, le remplacement restera la règle.

Les changements qu’implique ce projet désarçonnent un peu les enseignants, les parents d'élèves et les élus locaux, comme c'est souvent le cas dans des situations nouvelles dont l’application doit être peaufinée. Pour les enseignants, quel problème y a-t-il à se déclarer gréviste 48 heures à l'avance ? Il faut avoir le courage de dire : « Ma classe sera fermée, je suis gréviste ». Ainsi, le dispositif pourra être activé, sans que les non-grévistes soient pénalisés, eux qui, dans l'intérêt supérieur du service, acceptaient souvent dans leur classe les élèves des collègues grévistes. Il n'y a là aucune atteinte au droit de grève. Les parents qui travaillent sauront que leurs enfants sont accueillis en toute sécurité, et leur liberté de travailler est ainsi préservée.

La difficulté essentielle du projet tient à la crainte exprimée par les maires. Mais ils contribueront à rendre ce nouveau service aux familles en bonne intelligence avec l'État, et le texte ne porte aucune atteinte à la libre administration des communes. Les deux préoccupations majeures des élus locaux sont la responsabilité en cas d'accident et la qualification des personnes habilitées à surveiller les élèves. Le débat au Sénat a permis de rassurer les élus, la responsabilité administrative de l'État se substituant à celle de la commune. Les dommages causés aux enfants ou aux locaux mis à la disposition par la commune dans le cadre du dispositif d'accueil sont couverts.

La disposition adoptée, en accord avec l’AMF, sur la responsabilité pénale entraînera l'adhésion du plus grand nombre.

M. Pascal Deguilhem – C’est loin d’être sûr !

M. Frédéric Reiss – Je suis certain que les communes n'auront aucune difficulté à constituer une liste de personnes pour assurer l’accueil. La validation des candidatures par les inspections académiques et l'information des conseils d'école sont des garanties pour les familles et les collectivités locales.

Enfin, Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé fermement à apporter les financements nécessaires à la mise en œuvre du texte. C'est donc sans hésitation que je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Martine Aurillac – Quels parents, en particulier les plus modestes, n’ont pas dû, dans l’angoisse, organiser tardivement la garde de leurs enfants lors d’une grève de professeurs ? Les grands-parents peuvent eux-mêmes travailler, être éloignés, bref ne pas être disponibles – sans oublier que certains enfants n’ont pas de grands-parents.

Le Gouvernement, conformément au souhait du Président de la République, présente un projet qui devrait résoudre ce problème en conciliant deux principes tout aussi respectables, la liberté de cesser son activité et la liberté de continuer à travailler.

Ce dispositif affirme clairement le droit d’accueil dans les écoles lors des grèves importantes, le préavis de 48 heures minimum des enseignants et , avec l’article 3, institue un mécanisme intéressant de prévention des conflits par la négociation, qui sera, espérons-le, efficace.

Les communes sont tenues d’accueillir les enfants lorsque les intentions de grève atteignent un certain seuil – de 10 % initialement, il a été relevé à 20 %. Elles pourront pour cela utiliser les locaux scolaires ou déléguer par convention ce service d’accueil à une autre commune. L’État compensera les dépenses engagées en fonction du nombre d’élèves accueillis, avec un forfait minimal de 200 euros pour les petites communes. Il serait bon que les très petites communes bénéficient d’un statut particulier. À l’opposé, il est regrettable que le maire de la plus importante, Paris, ait décidé de ne pas appliquer la réforme, malgré l’attente des familles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Benoist Apparu – Un maire qui n’applique pas la loi, ce n’est pas très républicain !

Mme Martine Aurillac – Les amendements de Jean-François Lamour ne peuvent que l’inciter à prendre ses responsabilités.

Le Sénat a apporté des modifications utiles concernant la suppression de la référence au temps scolaire, le remplacement des professeurs absents, à laquelle la nouvelle agence veillera…

M. Patrick Roy – Une agence, mais sans professeurs ! À quoi bon ?

Mme Martine Aurillac – …et la substitution de la responsabilité juridique de l’État à celle des communes. Il a également introduit un article additionnel permettant de vérifier que les personnes assurant l’accueil n’ont pas d’antécédents judiciaires. C’est utile, mais peut-être difficile à mettre en œuvre. Dans les écoles privées, les OGEC interviendront.

Ce dispositif était déjà expérimenté dans certaines communes, et avec succès (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Plusieurs députés UMP – Eh oui !

Mme Martine Aurillac – Vous n’avez pas voulu, monsieur le ministre, laisser subsister cette inégalité…

M. Guy Geoffroy – Très bien !

Mme Martine Aurillac – …et avez voulu simplifier la vie des jeunes parents. Je voterai bien volontiers ce texte qui s’appliquera dès la rentrée prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Marc Goua – Ce texte se veut la transposition des déclarations provocatrices du Président de la République qui, le soir même d’une grève des enseignants, avait annoncé la généralisation d’un dispositif expérimenté dans certaines communes de façon peu convaincante.

M. Benoist Apparu – Très convaincante, au contraire.

M. Marc Goua – Au lieu de répondre aux craintes des enseignants et des parents d’élèves devant la suppression de 11 000 postes à la rentrée, le chef de l’État a, une fois de plus, recouru à la démagogie. Il a essayé d’opposer entre eux enseignants, parents et élus avec ce concept de service minimum inefficace et dangereux. Pour ce faire, il entretient le cliché d’enseignants qui seraient sas arrêt en grève et pendraient les parents et les élus en otages.

M. Benoist Apparu – Vous avez entendu cela où ?

M. Marc Goua – Il n’est pas dans son rôle de rassembleur, c’est le moins qu’on puisse dire.

Je ne nie pas les difficultés des familles… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP – Quelle est votre solution ?

M. Marc Goua – …mais ce dispositif créera plus de problèmes qu’il n’en résoudra. Ou, comme le service minimum dans les transports, il restera sans effet. Mais peu importe pour vous : ce texte élaboré sans concertation, examiné dans l’urgence, ne vise qu’à accélérer le démantèlement du service public de l’éducation.

M. Benoist Apparu – Rien que ça !

M. Marc Goua – La vraie question, c’est la continuité et la qualité du service public de l’éducation.

D’abord, rétablissons certaines vérités. Les enseignants ne font pas grève si souvent, et quand cela leur arrive, ils font tout pour aider les parents à s’organiser.

M. Benoist Apparu – Justement, on va les y aider.

M. Marc Goua – Ensuite, les parents d’élèves se préoccupent bien plus du non-remplacement des professeurs absents que des grèves (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Vous annoncez la création d’une agence de remplacement à la rentrée 2009, mais en même temps, vous supprimez 13 000 postes ! Si les remplacements ne sont pas assurés, c’est en raison des restrictions budgétaires. C’était cela, le problème qu’il fallait régler en urgence.

Vous instaurez un droit d’accueil qui serait même « opposable ». Mais accueillir, ce n’est pas éduquer (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Ce texte porte en germe le renoncement à une éducation de qualité. C’est une imposture et une régression considérable, puisque l’Éducation nationale sera dégagée du principe de continuité du service public.

Le but ne serait-il pas, justement, de faire assumer par les collectivités locales les manques d’un service public de l’éducation que vous saignez à blanc ? L’État continue à se désinvestir de l’école. Vous transférez la charge de l’accueil sur des communes qui n’en ont pas les moyens. Dans les plus petites, est-ce le garde-champêtre qui gardera les enfants ? Cet accueil sera impossible à organiser sur le plan matériel.

Mais vous n’écoutez pas les élus, même ceux de la majorité, qui ont constaté que les expérimentations du 24 janvier et du 15 mai n’étaient pas concluantes. Il est prévu d’organiser l’accueil quand il y aura 20 % de grévistes déclarés. Mais comme 95 % des écoles ont moins de dix classes, ce devra être quasiment systématique.

Ce dispositif est donc inopérant et dangereux. Vous prenez le risque de décevoir les parents d’élèves, de braquer les enseignants et de créer de redoutables difficultés aux maires, en accélérant le démantèlement du service public de l’éducation. Nous nous y opposons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Claude Mathis – Ce projet fait suite à une proposition de loi de 2003, signée par bon nombre d’entre nous, et qui concilie la liberté de faire grève et celle de travailler.

Aujourd’hui, en cas de grève des enseignants, de nombreux parents doivent organiser eux-mêmes la garde de leurs enfants. C‘est compliqué, cher, et ressenti comme une injustice. Les familles n’ont pas à être les otages d’un conflit social (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Jusqu’à présent, les dispositifs palliatifs dépendaient de la bonne volonté des communes, sont à leur charge et sous leur entière responsabilité. Face à ces inégalités territoriales et sociales, il importe de mieux faire respecter le principe d'égalité.

Ce projet de loi définit un cadre juridique et financier afin que les communes puissent accueillir, en cas de grève, les élèves dans les meilleures conditions. Il prévoit que les enseignants devront signaler leur intention de faire grève quarante-huit heures au plus tard avant le début du mouvement. Est-ce un délai suffisant pour interroger les parents et prévoir le plus justement possible le nombre de personnels d’encadrement ?

Lorsque le nombre de professeurs ayant transmis cette déclaration d'intention préalable dépasse 20 % du personnel enseignant d’une école, la commune devra mettre en œuvre ce service. L'État assume la compétence de principe en matière de service d'accueil, la compétence de la commune n'étant que d'attribution, ce qui signifie que la responsabilité administrative de l'État se substitue à celle de la commune dans le cas d'un dommage commis ou subi par un élève. Je me félicite que cet amendement, qui répond à une inquiétude forte des maires, ait été adopté par le Sénat.

Un grand nombre de communes organisent déjà l'accueil des enfants dans le premier degré avant et après les cours.

Un député du groupe SRC – Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Claude Mathis – Elles ont donc toute légitimité pour organiser ce service, pour lequel elles recevront une compensation financière de l'État au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de l'accueil des élèves.

Lors des débats au Sénat, vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre, sur un forfait minimal pour les communes rurales quel que soit le nombre d'élèves accueillis, et sur un montant par tranche de 15 élèves. Ces garanties me semblent de nature à satisfaire les maires concernés.

Enfin, je souhaite qu'une attention toute particulière soit portée aux conditions d'inscription sur la liste des personnels volontaires pour exercer cette mission et que ce nouveau service soit sécurisé sur le plan médical, social et sanitaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Christian Eckert – Des tests ADN ?

M. Jean-Claude Mathis – Ce projet de loi, conciliant respect du droit de grève, réponse aux besoins des familles et responsabilité des communes va dans le bon sens. Je vous invite donc à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lellouche – Nicolas Sarkozy et François Fillon s'y étaient engagés. Monsieur le ministre, vous l'avez concrétisé. Mes chers collègues, nous allons le voter : les Français bénéficieront enfin d'un droit nouveau, longtemps réclamé, celui de voir leurs enfants accueillis pendant les jours de grève dans les écoles maternelles et élémentaires.

Je veux surtout parler politique et m’adresser à ceux qui, à gauche, s’élèvent contre ce projet de loi au nom du sacro-saint droit de grève. Ce faisant, ils commettent une triple erreur.

La première est de falsifier grossièrement la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Le droit d’accueil ne remet pas en cause le droit de grève, sauf à considérer que celui-ci est un droit exorbitant à la prise en otage de catégories entières de Français, en l’occurrence les familles d’enfants en bas âge (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

La deuxième erreur est de ne pas voir que le droit d'accueil met le doigt sur le divorce désormais patent entre les syndicats d'enseignants – qui utilisent la grève de façon presque pavlovienne comme un mode normal, anodin, d'expression de tel ou tel mécontentement – …

M. Jean-Pierre Brard – C’est un expert qui parle !

M. Pierre Lellouche – …et les parents excédés d'être pris en otages par une minorité d’activistes, souvent bien mieux lotis.

Plusieurs députés du groupe SRC – Encore !

M. Pierre Lellouche – Rien que pendant l'année scolaire 2007-2008, les enseignants se sont mis en grève le 20 novembre, le 18 mars et le 24 mai contre la suppression de postes, le 24 janvier pour la défense du pouvoir d'achat, le 15 mai contre la réforme du primaire, le 22 mai contre la durée de cotisation de retraites, le 10 juin pour la défense de la fonction publique et le 17 juin pour les retraites et les 35 heures.

70 % des arrêts de travail des fonctionnaires d'État sont le fait des enseignants !

M. Christian Eckert – Ils y perdent leur salaire !

M. Pierre Lellouche – Ceux-ci prennent à chaque fois en otage entre 2 et 4 millions d’enfants (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Cela n’a pas grand-chose à voir avec l’école de Jules Ferry qui avait pour mission d’accueillir, et d’éduquer les jeunes Français et non d’être l’arène politique d’un certain nombre d’activistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est une honte !

M. Pierre Lellouche – Votre troisième erreur est d’ignorer le fait que les Français n'en peuvent plus, surtout les plus modestes. 7 % des foyers ayant un enfant de moins de 6 ans sont des foyers monoparentaux ; dans 59 % d’entre eux, les parents travaillent tous les deux. Ne soyez donc pas surpris que 80 % des Français soutiennent notre initiative.

Dans les grandes villes, les grèves créent des difficultés de garde inextricables, surtout pour les foyers les plus modestes. Il est bien dommage que le maire de Paris – qui prétend être au fait des évolutions sociétales – n'ait pas compris le besoin des parents ; n’a-t-il pas déclaré qu’il ne pouvait pas « demander aux fonctionnaires municipaux de casser la grève des enseignants » avant de fermer d'autorité les écoles parisiennes ? Curieux lock-out de gauche !

M. Yves Durand – Il a été élu, lui !

M. Pierre Lellouche – Vous êtes en train de commettre les mêmes erreurs que par le passé – Monsieur Valls, vous qui réfléchissez à l’avenir de votre parti, cela devrait vous intéresser (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Vous avez ainsi refusé, au nom de la culture de l’excuse et de la prévention, de reconnaître la dégradation de la sécurité sous MM. Jospin et Vaillant, alors que l’augmentation sensible de la criminalité pénalisait d'abord les plus modestes.

M. Yves Durand – Rien ne nous sera épargné !

M. Pierre Lellouche – Vous avez ensuite voulu diminuer le taux de chômage en partageant le travail, avec l’idée que les Français, à l’image de vos « bobos » favoris, préféraient les RTT plutôt que de travailler plus pour gagner plus, comme le font les Français les plus modestes.

En vous érigeant en avocat des syndicats les plus conservateurs et en défenseurs autoproclamés d’un service public, vous ignorez les parents et leur refusez un droit qu’ils sont 80 % à réclamer. Vous pénalisez ainsi les plus modestes. Cet aveuglement vous a desservi jusqu’ici, gageons que cela continuera.

Nous avons pris l'engagement devant les Français de faire de l'école un lieu de transmission des savoirs, qui garantisse la réussite de tous les élèves. Grâce à l'action du ministre de l'éducation nationale, la rentrée scolaire 2008 verra la mise en place de nouveaux programmes recentrés sur les disciplines fondamentales.

M. Yves Durand – Cela ne veut rien dire !

M. Pierre Lellouche – Les samedis matins seront consacrés au rattrapage pour les enfants en difficulté et ce nouveau droit à l’accueil protégera les familles les plus modestes.

M. Jean-Pierre Brard – Vous ne pouvez croire à ce que vous dites !

M. Pierre Lellouche – Je voterai avec plaisir ce texte souhaité par de très nombreux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Beaucoup d’orateurs l’ont dit : l’école est une priorité pour notre pays.

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est vrai !

M. Patrick Roy – J’ai du mal à comprendre, Monsieur le ministre, que vous puissiez affirmer une telle vérité et, dans le même temps, supprimer chaque année des postes par milliers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il faut mettre en conformité ses paroles et ses actes.

Ce texte est une supercherie. Le droit d’accueil existe déjà ; pour avoir exercé vingt-cinq ans en école primaire, je sais de quoi je parle !

M. Benoist Apparu – Et combien de jours de grève ?

M. Patrick Roy – Les élèves français n’ont pas besoin d’un droit à l’accueil, mais d’un droit à l’enseignement ! C’est ce que le Gouvernement devrait leur donner.

M. Benoist Apparu – C’est ce qu’il fait !

M. Patrick Roy – Pour préparer leur avenir, il faut éduquer les élèves, et non les accueillir.

M. Benoist Apparu – Et pour les éduquer, il faut les accueillir en cas de grève !

M. Patrick Roy – Or, le Gouvernement est incapable de préserver le droit à l’enseignement. L’absence d’un professeur titulaire ou remplaçant dans les salles de classe est due à la grève dans 3 % des cas seulement. Pour le reste, il s’agit d’absences dues à une maladie, une formation, une maternité, qu’aucun remplacement ne pallie. D’innombrables établissements attendent en vain les professeurs aptes à exercer ces remplacements.

M. Méhaignerie arguait en commission que, les pics de maladie se situant en décembre et en janvier, nombre de remplaçants se trouveraient oisifs en septembre ou en juin.

M. Benoist Apparu – Personne n’a présenté les choses de cette façon !

M. Patrick Roy – Pourtant, ils pourraient utilement satisfaire les besoins en soutien scolaire, et ce tout au long de l’année !

M. Guy Geoffroy – Parlons donc des jours des grève !

M. Patrick Roy – Un véritable soutien scolaire, en effet, ne peut se limiter à quelques stages de vacances inefficaces.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Au contraire, ils sont très efficaces !

M. Benoist Apparu – N’insultez pas les enseignants qui en ont la charge !

M. Patrick Roy – Tout enseignant sait que seul un soutien en petits groupes et pendant le temps scolaire peut porter ses fruits.

M. Yves Nicolin – Baratin !

M. Patrick Roy – La différence est nette entre ceux qui connaissent et aiment l’école et les autres…

Vous tentez de faire accroire que ce texte ne répond qu’au problème de la garde des enfants en cas de grève. Supercherie !

M. Benoist Apparu – Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. Patrick Roy – Non : l’article principal de ce texte – l’article 2 – instaure un droit d’accueil les jours où le professeur est absent, quel qu’en soit le motif.

M. Guy Geoffroy – Vous auriez dû lire le projet jusqu’à l’article 4 au moins !

M. Patrick Roy – Ce ne sont donc pas seulement les jours de grève qui sont concernés, mais toutes les absences, pour cause de formation par exemple.

M. Benoist Apparu – C’est faux !

M. Patrick Roy – Dans ce cas, indiquez-le clairement !

M. Christian Eckert – Et supprimez l’article 2 !

M. Patrick Roy – En l’état, vous mentez : au motif d’instituer un droit d’accueil les jours de grève, vous ouvrez la porte à des pseudo-remplacements qui auront lieu en dépit du bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Le service d’accueil des élèves en cas de grève est une avancée considérable, comparable à la création de l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire par Jules Ferry. À l’époque, cette rupture consacra le droit de chacun à recevoir une instruction et l’école devint le lieu privilégié de socialisation.

Aujourd’hui, une nouvelle rupture a lieu, voulue par le Président de la République. Nulle gesticulation partisane ou démagogique ne saurait en masquer la nature véritable. Les familles, qui sont au cœur du projet, apprécient cette solution à la fois respectueuse du droit de grève et propre à garantir la continuité d’un service public auquel elles sont attachées.

Une nouvelle fois, le Gouvernement répond aux inquiétudes de nos concitoyens par une mesure pragmatique, en garantissant un service minimum dans l’intérêt de tous, comme il l’avait fait l’an passé dans les transports. C’est un engagement conforme au vœu de certains maires dont les communes pallient d’ores et déjà toute interruption du service public de l’enseignement en assurant l’accueil et la garde des élèves. Dans certains quartiers de ma commune du Moule, par exemple, les écoliers sont accueillis avant et après les cours. Les jours de grève, un service d’accueil est offert à tous les élèves dont les parents n’ont pas profité d’une journée de solidarité nationale, ou qui ne peuvent se permettre de perdre une journée de salaire. Cet accueil, qui permet aux enfants de goûter et de participer à des animations, est assuré par des fonctionnaires territoriaux qui ont suivi une formation adaptée.

M. Jean-Pierre Brard – Vous n’avez donc pas besoin de la loi !

Mme Gabrielle Louis-Carabin – L’école n’est pas qu’un lieu d’enseignement ; dans une société où l’activité des deux parents est la règle, c’est aussi un lieu d’accueil et de garde. L’école, en effet, répond à un besoin social croissant. Pendant le temps scolaire, l’enfant n’est plus à la charge de ses parents, dont l’activité professionnelle pâtit de toute interruption du service public de l’enseignement. Dans ce contexte, les collectivités locales, qui gèrent les locaux scolaires et disposent d’un personnel qualifié, sont les plus aptes à s’adapter rapidement à la demande des familles.

C’est pourquoi, Monsieur le ministre, je soutiens ce texte qui fixe un cadre juridique propre à encadrer la généralisation du dispositif à toutes les écoles. Je le soutiens d’autant plus que la responsabilité administrative de l’État se substitue à celle de la commune en cas de dommage subi ou commis par un élève dans le cadre du service d’accueil. En outre, la compensation financière – formule plus pertinente que la contribution – respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales, conformément à l’article 72 de la Constitution.

Ensuite, au-delà du seul droit d’accueil, ce texte favorise la prévention des grèves en instaurant une procédure de négociation préalable pour l’enseignement du premier degré, où les grèves et les conflits sont trop fréquents. D’autre part, il interdit la pratique des préavis glissants, afin de mieux prévoir la date et l’heure de la grève.

Soucieux de développer la culture du dialogue social, dont ma région a bien besoin, le Gouvernement évite de s’enfermer dans une logique conflictuelle qui pénalise le citoyen et ralentit l’économie. Une grève, aussi légitime soit-elle, ne doit plus être un préalable automatique à la négociation. Dans l’intérêt des usagers, il est urgent d’apaiser les relations de travail. Le droit de grève doit demeurer, mais ne peut empêcher ceux qui le souhaitent d’exercer leur droit au travail.

Enfin, ce droit d’accueil profitera d’abord aux familles les plus déshéritées. Je l’approuverai, d’autant qu’il permettra de déterminer le nombre des grévistes, et donc de les identifier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Durand – Les pendra-t-on haut et court ?

M. Jacques Grosperrin – À l’occasion des mouvements de grève du 24 janvier et des 21 et 28 mai derniers, l’expérimentation du droit d’accueil a connu un certain succès dans les communes – entre deux et trois mille, dont plusieurs de plus de 100 000 habitants – et même un franc succès dans les communes qui en ont elles-mêmes pris l’initiative. Les parents avaient enfin une solution de garde.

Dans 59 % des couples français, les deux parents exercent une activité professionnelle. La moindre interruption du service public de l’enseignement provoque d’innombrables contraintes. À défaut de pouvoir solliciter la famille, l’un des deux parents – la mère, le plus souvent – prend un jour de congé, ou recourt à un mode de garde payant. Nulle égalité en la matière : certaines familles sont plus défavorisées que d’autres – par exemple les parents seuls et actifs, qui représentent 5 % des familles.

Le service d’accueil répond à une attente manifeste des Français. Je regrette qu’il soit devenu polémique, certaines communes refusant de l’expérimenter au motif de sa provenance politique. La loi étendra bientôt ce droit à l’ensemble de notre territoire, au profit des parents bien sûr, mais aussi des élèves et des enseignants, grâce à la procédure de prévention des conflits qui facilitera le dialogue social.

Le service minimum d’accueil s’est mué en droit d’accueil. Cette modification terminologique n’est pas anodine : le service minimum n’avait pas pour objet la continuité du service public de l’enseignement, contrairement au droit d’accueil qui privilégie la transmission des savoirs.

L’instauration de ce service minimum, à laquelle 72 % des Français sont favorables, profitera gratuitement à l’ensemble des parents d’élèves, qui n’auront plus à pâtir de l’interruption du service. En outre, l’instauration d’une négociation préalable permettra de limiter ces interruptions et, partant, le recours au service d’accueil. Le recours à la grève n’aura lieu qu’une fois la négociation épuisée. Le service d’accueil n’a vocation ni à se substituer au service de l’enseignement, ni à anéantir le rôle de la cessation collective du travail, bien au contraire. Il permettra simplement à de nombreux conflits d’être résolus avant l’étape de la grève – renforçant du même coup l’impact de cette dernière.

Enfin, ce texte constitue une avancée importante pour les enseignants eux-mêmes. En effet, à compter de sa notification par les syndicats, l’autorité administrative disposera d’un délai de trois jours pour les réunir. Au terme de la négociation, qui ne pourra excéder huit jours, les enseignants grévistes devront se déclarer 48 heures avant la cessation de travail auprès de leur autorité administrative.

C'est à partir de ce moment-là que le service d'accueil s’organisera. Le dispositif est tout entier tourné vers le dialogue et la gestion des conflits en amont, comme c’est le cas pour les salariés puisque l’article L. 2513-2 du code du travail prévoit l'obligation de négocier lorsqu'un préavis de grève est déposé. Cette obligation de négociation sera efficace, car elle est organisée de manière précise.

J'entends bien sûr les mécontentements qui s'expriment ; nous avons tous été sollicités par les syndicats d’enseignants dans nos circonscriptions respectives. Cela dit, je ne considère pas que ce texte limite le droit de grève : il redonne au contraire tout son sens à la grève. C'est un progrès significatif pour le corps enseignant – et c'est un enseignant qui vous parle.

M. Jean-Pierre Brard – Il est relaps !

M. Jacques Grosperrin – Parmi les réticences qui se sont exprimées, j'ai été particulièrement attentif à celles qui viennent des communes, et notamment les plus petites d'entre elles. Mais, qu’il s’agisse des difficultés de mise en œuvre, du manque de moyens humains, de la question de la responsabilité, du style de l'accueil, vous avez su, Monsieur le ministre, proposer un texte de qualité et lever les inquiétudes.

En effet, le seuil d'intervention de la commune a été relevé, il doit être supérieur à 20 % de grévistes déclarés dans l'école. Cela permet d'alléger la charge pesant effectivement sur la commune.

Un vivier de personnes capables de participer au service d'accueil sera constitué avant même un éventuel mouvement de grève. Ces personnes devront présenter toutes les garanties nécessaires pour encadrer des enfants ; la consultation du Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apportera une garantie supplémentaire. Cette liste pourra être mutualisée par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale.

L'État assurera la responsabilité liée à la mise en œuvre de ce service : les maires ont été rassurés par vos propos liminaires.

Il s'agira enfin d'un simple accueil : il n'y aura pas d'activités éducatives organisées et structurées – on peut le regretter, mais je pense que les enseignants sont très attachés à leur enseignement. Il ne s'agit pas d'un accueil périscolaire avec activités, dont la réglementation impose des taux d'encadrement stricts. Toutes ces modifications sont de nature à apaiser les craintes des enseignants.

Ainsi, le projet de loi reconnaît le droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et primaires pendant le temps scolaire, sans porter atteinte ni au droit de grève, ni à la libre administration des collectivités territoriales. Nous arriverons à concilier, je crois, les libertés de chacun et les droits fondamentaux. C'est en tout cas tout l'enjeu de ce texte, que je voterai avec plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Deguilhem – Pourquoi ce texte au cœur du mois de juillet, quinze jours après la sortie des classes ? Pourquoi inscrire dans la loi des dispositions qui seront applicables dès la rentrée scolaire prochaine ? Cette hâte, cette urgence, Monsieur le ministre, ne trompent personne sur la dimension réelle de votre projet de loi. Si l'intérêt des enfants, si la liberté des parents, si les droits des enseignants et la libre administration des collectivités locales sous-tendaient réellement ce texte, alors vous auriez pris le temps de la concertation avec l'ensemble de la communauté éducative. Le temps des vacances scolaires n'y est vraiment pas propice.

L'école que nous aimons, parfois avec une certaine passion, mérite – vous en conviendrez – un autre traitement que cet habillage hâtif et hasardeux d'une pénurie de moyens que vous, et d’autres avant vous, avez organisée. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ce texte de loi déposé en catimini, vous le présentez aux Français comme une garantie pour chaque enfant scolarisé en maternelle ou en primaire de recevoir les enseignements prévus par les programmes. Or il n'en est rien : votre projet de loi crée un service d'accueil sans aucun lien avec la mission d'enseignement scolaire.

C'est habile de votre part : vous faites croire aux Français que vous créez quelque chose, alors qu'en réalité vous vous défaussez seulement de votre responsabilité de ministre de l’éducation nationale sur les collectivités territoriales, les communes et les groupements de communes.

D'un côté vous supprimez massivement des postes d'enseignants, et vous vous mettez dès lors dans l'incapacité d'assurer les remplacements nécessaires – ceux qui sont prévus comme ceux qui ne le sont pas ; de l'autre vous affirmez un droit d'accueil pour les élèves en chargeant les communes de mettre des personnels devant les classes. La belle affaire ! Vous utilisez l’argument de la grève pour maquiller cette opération : nous atteignons là des sommets de démagogie.

Toutes celles et ceux qui s'intéressent de près à l'école le savent bien – et les parents en particulier : les absences pour cause de grève sont rares, et les familles sont, dans l'immense majorité des cas, informées très en avance, afin qu'elles puissent s'organiser. Il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de remplacer les enseignants absents, et c’est là qu’est la véritable gêne pour les familles. Comme maire d'une petite commune rurale, combien de fois ai-je été amené à interroger l’inspection d’académie pour m'inquiéter du non-remplacement de l'un ou l'autre des enseignants du regroupement pédagogique inter-communal ? La réponse est toujours la même : « tous nos remplaçants sont affectés, débrouillez-vous, prévenez les familles ». Là est le véritable problème, et les suppressions massives de postes ne feront qu'aggraver une situation déjà dégradée. Et ce n'est certainement pas l'Agence nationale de remplacement que vous proposez de créer, et qui emploiera des personnels précaires, contractuels, qui viendront pallier ce déficit.

Vous faites retomber une responsabilité qui devrait être la vôtre sur les communes, en faisant croire à la continuité du service public d'éducation. Il fallait y penser ! Cette procédure est déloyale, dangereuse sur le plan des principes, et inapplicable – cela a été dit à plusieurs reprises – dans l'immense majorité de nos communes, qui sont dans l'incapacité de fournir des personnes susceptibles de participer à l'organisation de ce service d'accueil.

Je ne doute pas que, sur les bancs de la majorité, nombre de nos collègues, maires ruraux, ne manqueront pas d'attirer votre attention sur ce point.

Mais admettons que ce service soit organisé dans les conditions prévues par votre texte. Comment expliquer qu'au cours de la même journée, des enfants soient accueillis dans le cadre d’un service périscolaire organisé par la commune ou la communauté de communes, sous réserve de la présence de personnes titulaires du BAFA et du BAFD, puis gardés en classe, en l’absence de l’enseignant, par des personnes dont les compétences sont pour le moins floues ? D'un côté, l’État impose des règles strictes en matière d'accueil péri-scolaire – et c'est heureux, dès lors qu'il y va de la qualité de l'environnement éducatif de l'enfant – et de l'autre, il s'en exonère pour ce qui relève de sa compétence directe : votre note du 15 janvier aux recteurs y fait clairement référence.

En réalité vous imposez aux communes l'organisation de l'accueil des enfants dans les écoles à la place du ministère, dans des conditions peu compatibles avec la qualité du service public d'éducation auquel vous faites – à juste titre – si souvent référence, tout en le privant des moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

Votre service minimum d'accueil est un service « Canada dry ». Vous tentez de faire passer une garderie pour de l'école : ça a la couleur de l’école, mais ça n’est pas de l’école. Vous essayez avec subtilité de faire disparaître le droit au remplacement par un droit de garde. Nous y sommes résolument opposés, et ce d’autant plus qu’en prenant les communes en otages et en laissant croire aux familles que vous avez réglé la question de l'accueil de leur enfant, vous opposez enseignants et fonctionnaires territoriaux, notamment en finançant le service d’accueil par le biais de retenues sur le traitement des enseignants grévistes ; les maires en mesureront les dégâts dans leurs communes respectives.

Rien de ce qui concerne l'école ne peut se concevoir sans relations privilégiées, apaisées, entre les élus et les enseignants, dans une collaboration étroite fondée sur la confiance. À n'en pas douter, ce projet de loi entraînera des conflits entre les différents partenaires de l'école. Il n'est pas acceptable qu'en raison d'un entêtement idéologique – qui est le vôtre et non le nôtre – vous fassiez un terrain d'affrontement d’un espace qu’il conviendrait au contraire de protéger. Les maires l'ont bien compris, qui ne vous ont pas suivis lors des deux journées d'expérimentation ratées. Vous persistez en pensant flatter l'opinion. Mais à trop vouloir restreindre le droit de grève, le droit d'expression des salariés, le Gouvernement s'expose inutilement.

M. Christian Vanneste – C’est le droit de nuisance que nous limitons !

M. Pascal Deguilhem – Comme vous, Monsieur le ministre, je connais bien le milieu enseignant, et j’ai toute la légitimité pour en parler (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – comme vous, comme d’autres, comme tous ici dans cet hémicycle. Ces mesures sont provocatrices pour les enseignants des écoles ; elles constituent une véritable régression du service public d'éducation. En l'état, parce que notre ambition pour l'école est tout autre, dans le respect des élèves, des familles, des enseignants et des partenaires de l'école, votre texte n'est pas acceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Yves Nicolin – Cette loi est à la fois sociale et juste ; elle met toutes les familles sur un pied d’égalité face à la perte de journées d’enseignement. C’est une loi juste socialement (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) car face à la grève, les Français ne sont pas tous logés à la même enseigne : ce que nous voyons, c’est une France à deux vitesses. Certaines familles bénéficient d’un dispositif d’accueil dans leur commune, d’autres n’en bénéficient pas ; certaines familles peuvent avoir recours à un mode de garde payant, d’autres ne le peuvent pas ; certaines familles ont la chance de s’appuyer sur la solidarité familiale, d’autres ne l’ont pas ; et pour les familles, souvent les plus isolées et les plus modestes, qui n’ont ni moyens financiers, ni famille disponible, la seule solution est de prendre un jour de congé ou d’aménager leur temps de travail. C’est une journée perdue pour l’enfant comme pour les parents. La loi vient redresser cette injustice.

C’est aussi une loi juste pour le personnel enseignant, dont le droit de grève n’est nullement remis en cause. Nous tentons en revanche d’éviter la grève, en organisant la négociation. Les enseignants restent seuls aptes à transmettre les connaissances et le savoir : les jours de grève, aucun enseignement ne sera assuré puisqu’il ne s’agit que d’un service d’accueil. Désormais, le code de l’éducation crée une obligation de négociation préalable entre l’État et les organisations syndicales ; la gauche devrait s’en réjouir, elle le combat : c’est fort dommage. Ces rencontres permettront à n’en pas douter de désamorcer, par le dialogue et l'échange, de nombreux conflits naissants.

Nous proposons aussi que l'hypocrisie cède la place à la franchise, en instituant l’obligation de se déclarer gréviste 48 heures avant le début éventuel d'un conflit. Qui peut avoir peur ou honte de se déclarer gréviste si la cause est juste ?

Enfin ce texte est une avancée pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Contrairement à ce que dénoncent les démagogues socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), l'État ne se défausse pas sur les communes. Il leur verse une compensation financière au titre des dépenses engagées pour la rémunération des personnes chargées de l'accueil des élèves ; et aux communes rurales il alloue un forfait minimal de 200 euros, quel que soit le nombre d'élèves, puis une enveloppe supplémentaire par tranche de 15 élèves, et qui pourra monter jusqu'à 110 euros. Enfin, l’État se substitue à la commune et assume la responsabilité administrative en cas de dommage subi ou commis par un élève.

J’entendais tout à l’heure quelqu’un, à gauche, arguer de l’élection de M. Delanoë. Eh bien, que cela vous plaise ou pas, M. Sarkozy a été élu, et cette loi honore l’une de ses promesses : nous voyons-là, encore une fois, la concrétisation d’un engagement du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

C’est ainsi que nous réhabiliterons le politique : en tenant les engagements pris. Si la gauche veut défendre un pré carré de soutiens électoraux, libre à elle ! Nous sommes là, quant à nous, pour défendre l’intérêt des familles françaises et de leurs enfants. Vous dites défendre le droit de grève ; souffrez que nous défendions le droit à l’éducation !

Quant à vous, Monsieur Brard, je vous entends moins, depuis quelque temps, sur Mme Betancourt…

Un député SRC – Cela n’a rien à voir !

M. Yves Nicolin – Cela n’a rien à voir, mais comme M. Brard intervient sur tout et n’importe quoi, cela me permet de le lui dire ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard – C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Gérard Gaudron – L’école est au cœur de la vie quotidienne et porte en elle l’accès à la connaissance et l’espoir de l’égalité des chances. Tous les enfants doivent accéder aux mêmes valeurs et à la même culture, à la socialisation. Nous sommes, sur tous les bancs, sensibles à la qualité du travail très souvent difficile des enseignants, et à leurs préoccupations. Or, l’école a changé, les besoins des familles aussi, et en cas de grève dans l’Éducation nationale, l’accueil des enfants pose de sérieux problèmes aux parents qui, jusqu’à présent, devaient prendre une journée de congé pour garder leurs enfants ou se débrouiller comme ils pouvaient. Il ne faut plus que la grève reporte les problèmes sur les familles.

C’est pour cela qu’un service minimum d’accueil faisant appel au volontariat des communes, en contrepartie d’un financement de l’État, a été proposé par le ministre de l’Éducation nationale dans une circulaire du 8 janvier, et organisé par certaines municipalités. Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion de vous recevoir dans ce cadre à Aulnay-sous-Bois, le 24 janvier, et les parents et les enfants ont pu vous exprimer leur satisfaction d’un tel dispositif. Ensuite, à l’occasion des grèves de mai, un peu moins de 3 000 communes ont mis en place un tel service d’accueil. D’autres ont refusé pour des raisons politiciennes et au grand dam des parents, en invoquant une prétendue atteinte au droit de grève. Or, comme le rappelle la circulaire, « aucune forme de remise en cause » de ce droit n’est envisagée. Il n’est d’ailleurs question de la grève dans le présent texte que lorsqu’il s’agit de connaître le nombre de grévistes !

Le 15 mai, le Président de la République a annoncé le dépôt d’un projet de loi instituant un droit d’accueil pour les enfants des écoles maternelles et élémentaires publiques. Les jours de grèves importantes, ce droit se traduira par un service d’accueil par les communes. Selon un sondage, près de 80 % des parents soutiennent ce projet, et personne ne peut contester l’opportunité de légiférer dans ce domaine. Quoi de plus normal que chaque famille, dans n’importe quelle partie du territoire, se voie offrir les mêmes services ? Ce projet respecte les principes de liberté, d’égalité et de fraternité.

Il instaure en outre une véritable culture du dialogue social dans l’enseignement primaire, à l’instar de ce que le Gouvernement a fait dans les transports.

M. Jean-Pierre Brard – On a vu comment cela a marché !

M. Gérard Gaudron – Une procédure de prévention des conflits est ainsi créée, avec en outre l’obligation de déclarer un mouvement de grève à l’autorité administrative 48 heures au plus tard avant le début de celle-ci.

Le Sénat a adopté le projet de loi le 26 juin, après y avoir porté plusieurs précisions importantes, notamment en ce qui concerne la responsabilité administrative, transférée à l’État, ainsi que la compensation financière de ce celui-ci aux communes au-delà de 20 % de grévistes.

Parce qu’il instaure une nouvelle dynamique entre l’école, les familles et les enseignants, parce qu’il traduit le principe d’égalité entre toutes les familles et tous les enfants, ce texte ne peut que recueillir notre adhésion, et nous le voterons donc tout naturellement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Delphine Batho – Selon un sondage, 60 % des Français sont pour le service minimum à l'école...

Plusieurs députés UMP – 80 % !

Mme Delphine Batho – Qui donc oserait aller contre le bon sens ? Monsieur le ministre, cette lapalissade se heurte à la réalité de votre texte et de votre politique. Vous nous parlez de l'intérêt des familles et des parents qui travaillent. Avez-vous pris en compte l’intérêt des familles avant de supprimer une demi-journée d'école par semaine ? Dans mon département, de nombreuses écoles fonctionnaient sur quatre jours et demi, avec école le mercredi matin. Et voilà que, le 15 mai, votre décret sur la semaine de quatre jours est paru. Depuis lors, toutes les demandes de dérogations pour continuer à faire classe le mercredi matin, pourtant autorisées par votre décret, ont été refusées dans ma circonscription.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Eh bien, ce n’est pas normal !

Mme Delphine Batho – À la pagaille semée par la semaine de quatre jours dans les communes où les élus locaux s'arrachent les cheveux pour préparer la prochaine rentrée, entre diminution des heures des ATSEM – voire leur licenciement –, désorganisation des transports scolaires, et j'en passe, s'ajoute la pagaille semée dans les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les chefs d'entreprises doivent faire face à un afflux de demandes de temps partiel à 80 %, car de nombreux parents n'ont d'autres choix que d’arrêter de travailler le mercredi. Un chef d’entreprise m’a demandé s’il devait interrompre ses activités le mercredi ! Quant aux parents, ils travailleront et gagnerons moins. Ces difficultés, les parents n’y seront pas confrontés deux ou trois jours par an, pour cause de grève, mais toutes les semaines !

M. Patrick Roy – Elle a raison !

Mme Delphine Batho – Cet exemple suffit à montrer que l’intérêt des familles n’est pour vous qu’accessoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) J'en profite pour vous poser une question : répondrez-vous à l'appel de l’ensemble des associations d'élus, qui vous demandent de reporter d'un an l'application de cette réforme ?

Vous parlez encore de l'intérêt des enfants, mais nul ne sait quelles seront les compétences des personnels devant assurer le service d'accueil. La seule chose à ce sujet, à l'article 7 bis, c’est que ce ne seront pas des délinquants sexuels. Nous voilà rassurés !

Je ne parle pas des conséquences de votre projet pour les communes, en particulier pour les 89 % d’entre elles qui sont équipées d’écoles primaires et comptent moins de 3 000 habitants. On voit bien l’embarras de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui a déposé de nombreux amendements de dernière minute. Voudriez-vous faire croire qu’après être passés en force pour soumettre les élus locaux à vos desiderata, vous les auriez rassurés ? Au demeurant, ces amendements ne règlent ni le problème de la responsabilité, ni aucun autre.

Chacun l’a compris, nous ne sommes pas ici dans un débat sur l'avenir de l'éducation, tenant compte des besoins des enfants et des familles, de la situation des communes. Nous sommes réunis pour donner l’onction à la nouvelle croisade idéologique de l'UMP contre l'éducation, les enseignants, le service public, le droit de grève (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous passez votre temps à supprimer des postes, et vous cherchez à cacher ces suppressions derrière une loi idéologique.

Si vous aviez sincèrement à cœur les désagréments que connaissent les parents ou le respect des enseignants, vous auriez négocié avec les organisations syndicales. Ces négociations auraient pu déboucher sur un mécanisme d'alerte sociale. Voilà qui aurait été une conception moderne des relations sociales. Au lieu de cela, vous avez choisi, par l’affichage d’une limitation du droit de grève, d’opposer les parents aux enseignants pour diviser la communauté scolaire (Même mouvement).

Monsieur le ministre, vous pouvez croire que vous marquez aujourd’hui un point. Après le vote de ce projet, vous pourrez même, comme le Président de la République, faire rire aux réunions de l'UMP, en fanfaronnant que « désormais, quand il y aura une grève, personne ne s'en apercevra ». Mais prenez garde ; certains de vos prédécesseurs en ont fait l’amère expérience : l'histoire sociale de notre pays montre qu'à force de tirer sur la corde, elle finit par casser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Madame Batho, je n’ai jamais demandé que l’on passe à la semaine de quatre jours. Ce que j’ai fait, c’est demander aux conseils d’école, soit d’adopter la semaine de quatre jours, soit de demander une dérogation, tout en donnant instruction formelle aux inspecteurs d’académie et recteurs d’accepter toutes les demandes de dérogation. Je ne comprends donc pas ce qui a pu se passer dans les Deux-Sèvres. Dans la commune de Brioux, où la dérogation a été acceptée,…

Mme Delphine Batho – Non !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – …ce sont finalement les enseignants qui n’ont pas voulu de la semaine de quatre jours et demi. Je suis si peu favorable à la semaine de quatre jours que, dans la commune dont j’ai été maire pendant douze ans, elle n’existait pas. Il n’est donc pas possible de me faire ce procès. Les conseils d’école sont libres de choisir quatre jours ou quatre jours et demi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Delphine Batho – C’est faux !

M. Régis Juanico – Commençons par une question simple : pourquoi sommes-nous là ? (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles de La Verpillière, rapporteur – C’est à désespérer !

M. Régis Juanico – Pourquoi devons-nous examiner ce texte de loi en plein mois de juillet ? Parce que le Président de la République l’a voulu. Le 15 mai, à l’issue d’une manifestation contre les suppressions de postes dans l’éducation nationale et d’une grève suivie par 65 % des enseignant du premier degré, Nicolas Sarkozy a soudain décidé qu’un texte sur le service d'accueil dans les écoles maternelles et élémentaires serait voté avant l’été, sans concertation avec les organisations syndicales ni avec les élus, qui ont vécu cette décision comme une véritable provocation. Ce comportement étant devenu comme la marque de fabrique du Gouvernement, nous ne sommes pas étonnés sur la forme mais plutôt sur le fond, puisque le Président a aussi déclaré, dans ce lieu de défoulement qu’est apparemment devenu le conseil national de l’UMP, que désormais, lorsqu’il y a une grève dans ce pays, personne ne s’en aperçoit. Pourquoi donc légiférer sur l’accueil des enfants les jours de grève ? Il ne s’agit en fait que d’un énième texte d’affichage, destiné à assouvir les fantasmes de la frange la plus conservatrice de l’électorat UMP.

M. Frédéric Lefebvre – 82 % des Français : l’UMP a de beaux jours devant elle !

M. Régis Juanico – Pourquoi légiférer alors que l’expérimentation de cette mesure est un échec cuisant et que ce texte sera inapplicable dans de nombreuses communes, en particulier les plus petites ? Mais ce droit d’accueil posera également d’importants problèmes dans les grandes villes, Saint-Étienne par exemple, puisque les réformes simultanées que vous avez engagées vont désorganiser toute l’école primaire. Diminution des heures de cours, nouveaux programmes… Après le travailler plus pour gagner moins pour les salariés, vous inventez pour les élèves l’apprendre plus en travaillant moins. Un soutien de deux heures par petits groupes est mis en place, mais la répartition de ces heures est laissée à l’appréciation de chaque école. Tous ces changements mettent en jeu les horaires de cantine, d’étude, de nettoyage des locaux, de transports scolaires, et donc in fine le personnel municipal,…

M. Benoist Apparu – Il ne fallait donc rien faire !

M. Régis Juanico – …mais les collectivités locales n’ont pas été associées à la réflexion. Il s’agit pourtant de l’organisation du temps de l’école, des enfants, des familles et de la société. Bref, c’est le grand bazar à l’école primaire. Vous êtes, Monsieur Darcos, le ministre de la pagaille scolaire !

Pourquoi légiférer, encore, alors qu’il y a en moyenne 0,3 jour de grève par an et par enseignant dans le primaire depuis les années 2000 ? Nous avons entendu des propos extravagants tout à l’heure.

Plusieurs députés UMP – Les vôtres ne le sont pas ?

M. Régis Juanico – MM. Lellouche ou Lefebvre ont parlé de prise d’otage. Je suis parent d’élève, et je sais d’expérience que les enseignants prennent le soin de prévenir les parents, souvent une semaine à l’avance, et qu’il n’y a en moyenne que 37 % d’enseignants grévistes lors des mouvements sociaux. Je sais aussi qu’il ne faut pas mésestimer la solidarité entre parents d’élèves – oui, ça existe, y compris chez les manifestants ! – et surtout que les enseignants non-grévistes accueillent les élèves à l’école. Dans la réalité, c’est ainsi que cela se passe !

Ce texte est un signe supplémentaire du désengagement de l’État de ses missions de service public, et en particulier de son devoir de remplacer les enseignants absents par d’autres enseignants. Le droit d’accueil est en fait le cache-sexe de vos carences, de votre incapacité à assurer le droit à l’éducation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jacques Pélissard – Ce projet de loi se situe au croisement de préoccupations partiellement antagonistes : les attentes des parents, qui sont à 80 % favorables au droit d’accueil, le respect du droit de grève des enseignants et la définition du rôle des communes. Plusieurs orateurs m’ayant fort aimablement cité, je voudrais dire ma vérité.

Après le 15 mai, j’ai appelé l’attention du Gouvernement sur les problèmes qui allaient se poser aux communes. Je suis favorable au principe du service minimum, que j’ai voté pour les transports et qui fonctionne bien. L’un des éléments fondateurs du service public à la française auquel nous sommes tous attachés et que nous défendons à Bruxelles est la continuité, que le service minimum me paraît tout à fait apte à garantir, y compris à l’école. En revanche, un droit suppose un créancier et un débiteur. Les créanciers légitimes sont les familles, et le débiteur principal devrait être l’Éducation nationale. Le Gouvernement a plutôt opté pour que ce soient les collectivités locales. Les maires sont des républicains : ils respectent ce choix, mais il nous appartient de rendre le texte le plus acceptable possible.

Des progrès ont été enregistrés au Sénat et en commission des lois, et j’en remercie le ministre et les rapporteurs, en ce qui concerne l’article 4, le délai de prévenance ou les modalités de compensation au profit des communes. En revanche, deux points restent à améliorer. Le premier concerne la responsabilité. En matière de responsabilité administrative, le Sénat a fait œuvre utile en substituant celle de l’État à celle de la commune. C’est une solution claire et parfaitement acceptable. Il en va différemment de la responsabilité pénale. Pour commencer, que les choses soient claires : une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006 rend l’exonération de la responsabilité pénale impossible. Cependant, deux lois ont largement organisé la responsabilité pénale des maires : celles du 13 mai 1996 et du 10 juillet 2000. Pour que leur responsabilité soit engagée, il faut établir une faute caractérisée, qui fait l’objet d’une appréciation concrète : on prend en compte les moyens concrets de la commune. Outre ces deux lois, un amendement de Frédéric Lefebvre apporte un réel progrès en matière de protection juridique des maires.

Le second point est la question du seuil à partir duquel les communes devront organiser le service d'accueil : de 10 % dans le texte initial, il a été porté à 20 % au Sénat. La commission des lois a adopté un amendement disant qu’il sera « supérieur à 20 % ». Ce seuil déclenche, de façon trop systématique à mon sens, la procédure du droit d’accueil. Songez que pour une école de quatre classes – il y a en a 7 000 en France –, il faudra organiser le service d’accueil dès lors qu’un seul enseignant sera gréviste, alors que les enfants pourraient parfaitement être répartis dans les trois autres classes ! J’ai insisté auprès du ministre et des rapporteurs pour que ce seuil soit relevé et nous sommes ensemble convenus de le porter à 25 %. C’est une avancée remarquable. En fixant le point de déclenchement à un quart des enseignants grévistes, on atteint un seuil significatif de « conflictualité », qui permet de circonscrire le risque pour les communes.

Les maires ont vocation à être des partenaires de l’État, pas des exécutants. Par cette négociation pour parvenir à un seuil raisonnable, nous avons démontré la réalité de ce climat de partenariat. Dès lors, je voterai ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de La Verpillière, rapporteur – La question du seuil de déclenchement de l’intervention des communes est en effet au cœur de nos débats. À force de tâtonner, nous approchons petit à petit d’une bonne solution. Nous étions déjà passés de 10 % à 20 % au Sénat. Les deux commissions de l’Assemblée ont voulu qu’il soit « supérieur à 20 % ». M. Pélissard a souhaité aller plus loin et je suis prêt à le suivre.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – J’ai entendu de nombreux avis – beaucoup d’erreurs et d’approximations, aussi, sur les bancs de l’opposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Ainsi, plusieurs orateurs de celle-ci ont dit que le droit d’accueil aurait vocation à se substituer au droit à l’enseignement. Il n’en est rien, et seule l’honnêteté intellectuelle nous a conduits à spécifier que dans le cas, rarissime, où le remplacement d’un enseignant ne pourrait être assuré, nous nous chargerions si nécessaire d’assurer l’accueil. Je vois là, en fait, une garantie supplémentaire.

Est-il exact, comme M. Durand l’a dit, que les dispositions prévues sont inapplicables ? Non, comme l’ont démontré les communes qui ont organisé, fort bien, cet accueil à titre expérimental. Elles étaient peu en nombre, c’est vrai, mais la population scolaire concernée était loin d’être négligeable, elle. Des expériences ont donc eu lieu en grandeur nature, qui ont montré que le dispositif est applicable.

J’ai aussi entendu présenter le projet comme je ne sais quelle agression contre l’école. Je ne peux laisser dire pareille chose et je ne pense pas, à l’inverse de M. de Rugy, que plus une grève est gênante, plus fort est le progrès social. Je ne m’appesantirai pas sur l’exercice de politique-fiction auquel s’est livré M. Goua, mais je regrette que l’opposition ne nous ait pas dit quelle réponse elle apporterait aux familles. M. Roy a rappelé le droit à l’éducation, mais sans me dire comment je devrais procéder : par réquisition ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Plusieurs orateurs de l’opposition ont insisté sur le fait que le dispositif est proposé dans un contexte de réduction budgétaire. Or cette réduction ne concerne pas l’école primaire, où les emplois augmenteront. C’est, avez-vous dit, que la population scolaire a augmenté. Tel n’est pas le cas, puisque, alors que nous nous étions organisés pour accueillir 45 000 élèves supplémentaires, nous en avons eu 950 en moins ! Contrairement donc à ce qui a été avancé, nous n’avons pas réduit la voilure pour ce qui est de l’encadrement pédagogique.

Je salue en revanche la clairvoyance des députés de la majorité (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui ont fait entendre la voix des familles (Exclamations sur les mêmes bancs). Chacun a su trouver les arguments montrant que ce n’est pas agresser l’école que vouloir l’améliorer sans porter atteinte au droit de grève.

Je salue particulièrement l’intervention de M. Pélissard. Nous nous sommes expliqués, de manière parfois rugueuse, mais nous avons pu avancer. Voilà ce qu’est l’opposition constructive, dont d’autres pourraient s’inspirer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Si, comme l’a laissé entendre votre rapporteur, vous présentez, Monsieur le président de l’Association des maires de France, un amendement à l’article 5 tendant à porter le seuil, actuellement fixé à 20 % à, mettons, 25 %, je vous donnerai mon accord. Ainsi serons-nous parvenus à un équilibre qui, j’en suis persuadé, permettra, si vos rapporteurs en sont d’accord, de voter ce texte sans encombre.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Manuel Valls – Au terme de la discussion générale, les arguments échangés justifient d’évidence le renvoi en commission du projet instituant un droit d'accueil dans les écoles. Placée au coeur de notre modèle républicain depuis les lois de Jules Ferry, l'école publique demeure l’indispensable creuset dans lequel sont enseignés les savoirs fondamentaux, les chemins de l'autonomie et les règles du « vivre ensemble ». Si l'importance de cette tâche n'en fait pas un sanctuaire fermé à toutes les innovations, elle suppose que chacune de celles-ci soit mûrement concertée et réfléchie avant d'être mise en œuvre. Or le projet ne répond pas à cette exigence. Alors que ses dispositions concernent de multiples acteurs, aucune consultation préalable n'a été réellement engagée. Le Gouvernement n’a entendu aucun syndicat d'enseignants, aucune association de communes, aucune fédération de parents, avant l'élaboration de ce texte.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Bien sûr que si.

M. Manuel Valls – À cela s'est ajoutée une provocation gratuite puisque vous avez choisi, Monsieur le ministre, d'annoncer votre projet le soir même d'un mouvement social. Le Président de la République peut bien considérer que « désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit », mais cette souveraine indifférence relève de l’aveuglement pur et simple.

À la concertation et à la réflexion, vous avez préféré la confrontation et l'exhortation. Il n'est donc pas surprenant que les dispositions de ce texte d'affichage portent les stigmates d'une genèse précipitée tout en tentant de masquer les objectifs d'un dessein inavouable.

Conçu à la hâte et soumis à la procédure d'urgence pour être applicable dès la rentrée prochaine, le projet souffre d'abord des circonstances de son élaboration. Faute que le temps nécessaire ait été consacré à leur rédaction, de nombreuses mesures sont inapplicables, et d'autres entachées d'inconstitutionnalité.

M. Claude Goasguen – On verra.

M. Manuel Valls – En janvier et en mai derniers, le Gouvernement a enjoint à tous les maires d’organiser un service minimum d'accueil dans les écoles de leurs communes. Le bilan sans appel de ces tentatives aurait dû vous alerter sur le caractère impraticable d'un tel dispositif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Au contraire ! Cela a très bien marché.

M. Manuel Valls – Sur les 23 000 communes théoriquement susceptibles de l’appliquer, moins de 3 000 ont finalement risqué l'expérience…

M. Frédéric Lefebvre – Vous auriez dû essayer.

M. Manuel Valls – …et, alors que la France compte 50 000 écoles publiques, 1 000 seulement ont offert un service d'accueil dans des conditions, par ailleurs, très contestables.

M. Benoist Apparu – Mais non ! Vous ne l’avez pas fait, vous ne pouvez pas savoir !

M. Manuel Valls – À gauche, chacun de nous, et notamment les maires, est conscient des difficultés que connaissent les familles en cas de grève. Nous cherchons, et nous trouvons, les meilleures solutions possibles pour leur permettre d’y faire face (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff – Lesquelles ?

M. Manuel Valls – À l'inverse, de très nombreux élus de votre majorité n'ont pas été en mesure de fournir ce service minimum, et la commune d'un membre du Gouvernement a été souvent citée en exemple à ce propos.

L'adoption d'une loi modifiera-t-elle la réalité ? Le volontarisme affiché aux micros suffira-t-il à lever les obstacles ? De l'avis presque unanime des associations de communes, la réponse est négative. Ainsi les maires ruraux de France ont-ils fait valoir que « rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l'est pas ».

M. Claude Goasguen – Mais il n’y a pas de sanctions !

M. Manuel Valls – Les communes n’ont pas les moyens nécessaires à l’application du dispositif et, sans même poser la question de la qualification, elles n'ont pas assez d'agents pour assurer un service d'accueil. Dans la majorité des écoles publiques, les seuls fonctionnaires sont des enseignants. Comment croire que les maires pourront y affecter d'autres agents sans porter préjudice aux missions municipales ? Comme l'a déclaré M. Pélissard, président de l'AMF, qui était plus incisif il y a quelques jours, « nos agents ne sont ni des supplétifs ni des intérimaires. Quand nous avons à faire face à une grève, nous ne demandons pas aux enseignants de ramasser les poubelles ».

La mutualisation des moyens envisagée à l'article 9 n'aura aucun impact dans les milieux ruraux où les écoles sont souvent distantes de plusieurs dizaines de kilomètres et, comme l’a souligné à raison l’Association des maires ruraux, « ce n'est pas en mettant cinq pauvres ensemble que l'on fait un riche». Voilà un propos qui aurait dû faire réfléchir.

Par ailleurs, le délai de 48 heures que vous prévoyez ne suffira pas pour mobiliser le personnel nécessaire. D’évidence, ce laps de temps est trop court. Lors de son audition, l'Association des petites villes de France a signalé avoir besoin de deux semaines au minimum pour trouver des personnes qualifiées… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff – N’importe quoi !

M. Manuel Valls – …et l’établissement d’une liste préalable prévue à l’article 7 bis ne suffira pas à régler le problème. À Évry, où sont scolarisés 7 000 enfants, une telle liste devrait comprendre 500 noms… Sauf à penser que le service d'accueil puisse être offert sans garantie de compétences ou sans respecter les règles sur le taux d'encadrement, ce que nous nous refusons à croire, aucune commune ne sera en mesure d'établir une liste satisfaisant à des exigences minimales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'analyse de votre projet montre qu'il s’agit avant tout d’un texte d'affichage. La plupart de ses dispositions sont purement déclamatoires et pourraient, à ce titre, encourir la censure du Conseil constitutionnel. Mais votre texte souffre de motifs d'inconstitutionnalité plus graves encore. Son article 4 pose en effet que, par dérogation au droit commun, l'organisation d'un service d'accueil est une obligation à la charge des communes lorsqu'il est assuré dans le cadre d'une grève. Un tel transfert de compétences heurte de plein fouet le principe de libre administration des collectivités locales.

Mme Claude Greff – Mais non !

M. Manuel Valls – Certes, de nombreuses villes sont prêtes à assumer plus de responsabilités dans le domaine de l’éducation. Évry, dont je suis maire, mène des actions ambitieuses d’accompagnement scolaire pour les familles populaires et monoparentales, dont vous parlez beaucoup, mais qui subissent votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Tous les enfants inscrits dans les écoles primaires bénéficient du soutien du soir. Malheureusement, les moyens nécessaires à ce dispositif risquent d’être absorbés par l’accompagnement éducatif piloté par l’État. Les communes ne refusent pas toute nouvelle mission, mais ne veulent pas devenir de simples courroies de transmission de la volonté gouvernementale. Selon Didier Maus, on ne peut leur imposer l’organisation de service d’accueil sans un motif d’intérêt général comme la sécurité. Dans le cas présent, dit-il, le Gouvernement prend un risque. Guy Carcassonne fait le même diagnostic : Il ne va pas de soi que l’État puisse se défausser ainsi d’une compétence qui est strictement la sienne. Et en effet, pourquoi, dans les circonstances les plus difficiles, le service d’accueil incomberait-il aux communes ?

Surtout, alors que l’article 72-2 de la Constitution exige que toute extension de compétence s’accompagne de ressources déterminées par la loi, obligation confirmée par le Conseil constitutionnel le 13 janvier 2005, l’article 8 du projet renvoie la fixation du montant minimal de la compensation à un décret. Tant qu’elle sera fonction du nombre d’élèves accueillis et non des dépenses engagées, il y a fort à craindre que les communes ne rentrent jamais dans leurs frais. Les maires devront donc toujours choisir l’estimation maximale des besoins. Cela diminuera leur marge financière, donc leur liberté d’administration. C’est d’autant moins acceptable que les communes ont à souffrir d’autres décisions du ministère de l’Éducation nationale, comme la suppression de l’école du samedi et la semaine de quatre jours, qui accroîtront forcément le besoin d’activités périscolaires. Vous seriez donc bien inspiré, comme vous le demandent des élus et, je crois, le président de l’AMF, de repousser d’un an l’application de cette réforme.

Il est si évident que ce projet, rédigé dans la précipitation, manquera son objectif proclamé, qu’on peut se demander quel est le dessein véritable du Gouvernement Il s’agit surtout de détourner la responsabilité de l’État et de gérer la pénurie d’enseignants.

Dès l’annonce du projet, les associations de maires ont demandé qui serait responsable en cas de dommage subi ou causé par un enfant accueilli dans le cadre du service minimum. Le problème de la responsabilité pénale reste entier, même avec l’amendement de M. Lefebvre – nous proposerons de le sous-amender. Le Gouvernement a, habilement, réglé au moins celui de la responsabilité administrative. Mais il entend bien laisser aux communes la responsabilité politique des désagréments causés aux parents et aux enseignants par les grèves dans l’éducation. Depuis 2002, les suppressions de postes massives, sans projet réel, ont provoqué un profond malaise chez les seconds et entraîné de nombreux mouvements sociaux. Malgré cela, les maires ont pu maintenir des rapports confiants avec la communauté enseignante dans les conseils d’école. Avec le service minimum d’accueil, vous allez, comme l’a dit M. Pélissard en janvier 2008, détourner la responsabilité de l’État sur des acteurs étrangers au conflit, et, en quelque sorte, leur faire endosser le rôle de casseurs de grève. Libre au Gouvernement de répondre aux revendications par des provocations, mais qu’il n’attende pas des maires qu’ils soient ses auxiliaires ! C’est avec sa majorité qu’il doit assumer ses décisions.

Vous-même avez opposé les bons maires, soucieux de l’intérêt des familles, et les mauvais, obsédés par l’intérêt de leur parti.

M. Richard Mallié – Nous, nous sommes le parti des familles.

M. Manuel Valls – Ayant été rangé parmi les seconds, je veux vous dire que ce propos relève de la démagogie.

M. Claude Goasguen – Assumez !

M. Manuel Valls – Et je le fais aussi au nom de maires de petites communes, comme ce maire de Haute-Savoie qui a écrit à l’inspecteur d’académie qu’ainsi les familles pourront s’en prendre aux élus proches si l’accueil que l’État a si généreusement préconisé n’est pas en place.

Mme Claude Greff – Nous avons tous des exemples à citer !

M. Manuel Valls – Vous défausser sur les maires des désagréments dus aux conflits que vous provoquez par votre politique est inacceptable et dangereux. Pis encore, vous risquez d’éroder la confiance dans les maires, qui reste un des liens les plus forts de la démocratie. Et je suis indigné lorsqu’on ose parler de prise d’otages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Frédéric Lefebvre – Qu’a fait Delanoë ?

M. Manuel Valls – Ne cherchez pas la revanche des élections municipales !

D’autre part, l’article 2 exige que le droit d’accueil s’applique quelle que soit la cause de l’absence du professeur habituel, donc en dehors des grèves. De fait, les enseignants font en moyenne moins de trois jours de grève par an et cela représente moins de 3 % des absences. En outre, les premières expériences ont montré que le droit d’accueil ne répond pas à une attente forte des parents. En janvier dernier par exemple, Béziers n’a accueilli que 9 élèves lors de l’expérience de service minimum. Enfin, plusieurs dispositions aménagent déjà les conditions d’accueil des élèves lors des conflits sociaux.

Le véritable objectif du texte, moins avouable, est de traiter la pénurie permanente créée par votre politique !

M. Patrick Roy – C’est cela le problème !

M. Manuel Valls – De 2002 à 2007, vous avez supprimé 30 000 postes dans l’Éducation nationale et, obnubilés par la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, vous entendez poursuivre avec zèle…

M. Benoist Apparu – Pas dans le premier degré !

M. Manuel Valls – …et, après les 11 200 postes non renouvelés en 2008, ce sera le tour de 13 500 autres en 2009.

M. Patrick Roy – Scandaleux !

M. Manuel Valls – Pourtant déjà, dans la Sarthe et l’Ille-et-Vilaine, il faut faire appel à des vacataires et à des retraités pour pallier les absences.

M. Richard Mallié – Et alors ? Ils ne sont pas bons, les retraités ?

M. Manuel Valls – Pire, dans une école du XVIIIe arrondissement, des élèves sont restés trois semaines sans remplaçant. C’est cela votre vision : une école de la pénurie ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Ce n’est pas la nôtre ! Les réductions de postes sont particulièrement inacceptables dans le primaire…

M. Benoist Apparu – Il n’y en a pas !

M. Manuel Valls – …où, selon le ministre, les effectifs sont en hausse de 7 500 élèves. Ces familles modestes, ces familles monoparentales dont vous parlez, ce sont elles qui ont besoin du soutien scolaire, d’une école de qualité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, protestations sur les bancs du groupe UMP) À l’évidence, l’objectif de ce projet est d’accompagner la baisse des effectifs enseignants d’une diminution des contraintes qui pèsent sur l’Éducation nationale.

Mme Françoise de Panafieu – Cessez de dire aux familles de se débrouiller en cas de grève !

M. Manuel Valls – Les familles, je les représente autant que vous, et je n’ai pas de leçon à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Ce n’est pas vous, et encore moins Monsieur Lellouche, député du VIIIe arrondissement, qui représentez les familles les plus en difficulté !

À défaut de pouvoir assurer un droit à l'enseignement à tous en toute circonstance, ce texte aménage un recul sur la garantie minimale d'un droit à l'accueil.

Le rapporteur, lui-même, n’a-t-il pas jugé indispensable de proposer un amendement visant à préciser que le dispositif ne peut être mis en place qu’en cas de grève ou d’absence imprévisible d’un enseignant ? De toute évidence, nous ne sommes pas les seuls à craindre que ce service devienne l'outil de régulation des choix budgétaires du Gouvernement !

M. Benoist Apparu – Lisez l’article 4 !

M. Manuel Valls – Nous découvrirons bientôt le sort réservé à cet amendement, mais nous restons convaincus que, dans son application, l'obligation d'accueil servira de palliatif à l'obligation d'enseignement.

Monsieur le ministre, vous avez souhaité il y a peu dans un quotidien national que l’on ne vous accuse pas de « réformer l'École uniquement pour supprimer de l'emploi». L’usage de cet adverbe montre que vous reconnaissez que vos contradicteurs n’ont pas tout à fait tort. L’examen de ce projet de loi montre qu’ils ont tout à fait raison !

En opposant les familles aux enseignants, votre texte contribue à dégrader la confiance mise par nos concitoyens dans l'Éducation nationale. J’invite tous ceux qui sont soucieux de restaurer cette confiance et de préserver les missions de l'Éducation nationale à voter le renvoi de ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Le talent ne peut se substituer à la vérité. Il n’est pas exact de dire que le Gouvernement a pris des décisions de nature à réduire l’emploi ou le service dans le primaire. Soutenir que l’organisation du droit à l’accueil procéderait d’un calcul inavouable visant à réduire l’emploi public est une contre-vérité.

À la rigueur, nous aurions dû prendre conscience plus tôt de certains chiffres. Comme je l’ai dit, nous tablions sur 45 000 élèves de plus à la rentrée 2008 ; ils seront 900 de moins. De ce fait, le taux d’encadrement est en augmentation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Non, il n’y a pas eu rupture épistémologique en 2002 ! Ce n’est pas de cette année que datent l’échec des élèves issus de milieux défavorisés, le taux de 15 % d’enfants ne sachant pas lire à l’entrée en sixième, ou le fait que les fils de cadres supérieurs ont neuf fois plus de chance de lire à dix ans que les fils d’ouvriers. Ce n’est pas en 2002 que l’on a découvert que l’école française, bien qu’accueillant les enfants depuis l’âge de trois ans et consacrant 20 % d’heures d’enseignement en plus compte davantage d’enfants en difficulté que celle des autres pays européens.

Non, il n’y a pas de complot de la droite. Toute l’action que j’ai conduite est guidée par cette question obsédante : comment vaincre l’échec scolaire, qui frappe les plus faibles ? Nous avons organisé des cours de rattrapage, des stages en CM1 et en CM2 – qui donnent des résultats, ne vous en déplaise, Monsieur Roy –, un accompagnement des élèves dans les zones d’éducation prioritaire.

Les programmes que nous avons réformés, et que vous caricaturez en « programmes Jivaro », renferment non pas tout ce qu’un élève doit savoir, mais tout ce qu’il n’a plus le droit d’ignorer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de La Verpillière, rapporteur M. Valls nous a livré une synthèse brillante des arguments avancés par l’opposition.

Plusieurs députés du groupe UMP – Ah non !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur Si, il faut le reconnaître. Mais sur un ton aussi virulent que ses craintes sont grandes de se voir taxer de modération. Auriez-vous quelque chose à vous faire pardonner, Monsieur Valls ?

M. Benoist Apparu – Reims approche !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur Vous étiez censé justifier le renvoi de ce texte en commission, mais vous ne l’avez pas fait. La commission des lois a examiné 102 amendements ; ceux qu’elle a adoptés répondent à la plupart des objections que vous avez soulevées.

S’agissant du remplacement des enseignants, un amendement à l’article 2 met les points sur les i en précisant que le droit d’accueil ne peut être exercé qu’en cas de grève ou d’absence imprévisible et de courte durée de l’enseignant.

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est flou !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur Un autre amendement relève le seuil d’intervention des communes, un troisième concerne les contreparties financières. Enfin, un quatrième a pour objet de protéger les maires en cas de mise en cause de leur responsabilité. Je propose à nos collègues de rejeter cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Mothron – N'en déplaise aux socialistes, qui préfèrent, dans l’attente d’un mois de novembre tragico-comique, se cantonner à une contestation aussi inutile que futile – démontrant ainsi un marasme idéologique encore aggravé par les déclarations hallucinantes de Ségolène Royal –, nous allons enfin donner aux parents le service auquel ils ont droit et qu’ils attendent depuis si longtemps.

Il n'est pas question ici de revenir sur le droit de grève, mais de rappeler que si la grève est un droit, le droit au travail l'est également et se doit d'être respecté. Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre du pacte présidentiel. Les Français ne sont pas égaux face à la grève des personnels de l'Éducation nationale.

Lorsque j’étais maire d’Argenteuil, j'ai souhaité instaurer un droit à l'accueil des enfants en cas de grève des enseignants et ce, malgré la très forte pression syndicale. Cette opération a été une grande réussite, grâce à la mise à disposition de personnels municipaux vacataires aguerris ; le bien des enfants a prévalu sur les querelles politico-syndicales.

Ce sont pas moins de 500 familles argenteuillaises qui ont pu bénéficier de ce droit d'accueil ; les parents ont pu se rendre normalement à leur travail, en toute tranquillité. Ils ont été nombreux à nous remercier d'avoir eu le courage de nous élever contre les résistances socialo-communistes et nous ont encouragés à maintenir ce service lors des mouvements sociaux suivants.

D'ailleurs, malgré le changement de couleur politique de la ville – que j'espère temporaire –, mon successeur n’a pas souhaité revenir sur cette décision. Même si, pour des raisons partisanes, aucune communication n’a été faite sur ce service, de nombreuses familles ont pu à nouveau en profiter.

Si notre majorité a souhaité légiférer dans ce domaine, c'est là encore par la faute des socialistes et des communistes, dont la contestation stérile a empêché la mise en place de ces dispositifs dans les collectivités dont ils ont la charge. C'est aussi par la faute des syndicats qui n'ont pas souhaité prendre part à la discussion sur le délai de déclaration d'intention de 48 heures pour les enseignants grévistes.

Peut-être la gauche aura-t-elle la mauvaise idée de dire qu’il s’agit là d’un nouveau désengagement de l’État ? Je rappelle donc que les communes, qui organisent déjà l’accueil des enfants avant et après les cours, ont toute légitimité pour assurer ce service d’accueil, en contrepartie duquel elles recevront une compensation financière de la part de l’État. C’est à ce dernier qu’échoira la charge d’organiser l’accueil des enfants et le remplacement des cours en cas d’absence d’un enseignant pour toute autre raison que la grève. Quant au délai de déclaration de 48 heures, loin de constituer une remise en cause du droit de grève, il n’est qu’une exigence indispensable à l’organisation du service d’accueil.

Nous avons entendu les arguments de l’opposition en faveur d’un renvoi en commission. Aucun n’étant recevable, le groupe UMP votera contre cette motion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je suis saisi par les groupes SRC et UMP d’une demande de scrutin public sur le vote de la motion de renvoi en commission.

M. Jean-Jacques Candelier – Les députés communistes et républicains soutiennent cette motion de renvoi en commission tant sont nombreuses les lacunes et les incohérences d’un projet de loi élaboré à la va-vite et sans concertation. Son application ne résistera pas à l’épreuve du terrain. Les expérimentations menées dans de rares communes ont d’ailleurs échoué : moins de 10 % des parents ont eu recours au service d’accueil. Quant aux élus locaux de la majorité, ils se sont comportés en croyants non pratiquants.

En outre, ce texte contrevient au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le passage en force que vous tentez ne convaincra pas les Français qui ont un sens critique bien plus aigu que ne le laisse entendre votre récente campagne publicitaire, organisée à grands frais.

Semant la confusion sur les objectifs, votre projet de loi met sur le même plan le droit à l’enseignement et le droit à l’accueil, qui pourra désormais pallier toute absence, quel qu’en soit le motif. Votre argumentation oscille entre la nécessité de garantir la continuité du service de l’enseignement et la création toute démagogique d’un service d’accueil – autant dire une garderie bas de gamme assurée par des personnels non qualifiés.

La stigmatisation des enseignants grévistes de l’école publique est une provocation pour tous ceux qui entendent défendre le service public de l’éducation contre sa privatisation et sa marchandisation. Aucun travailleur ne fait grève par plaisir !

Les députés du groupe GDR soutiennent donc cette motion, car ils sont partisans d’un service public de l’éducation de haut niveau qui garantit à tout enfant son émancipation dans la France du XXIe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Christian Eckert – Si la pédagogie était l’art de la répétition, Monsieur le ministre, vous seriez excellent pédagogue !

M. Jean Proriol – Il l’est !

M. Christian Eckert – En revanche, vous fuyez le véritable débat en nous soumettant ce texte au cœur de l’été, en urgence et sans concertation. Vous opposez les communes urbaines et rurales, les riches et les pauvres. Plus grave encore : vous stigmatisez les enseignants. La seule journée de grève du 24 janvier dernier leur a pourtant coûté 21 millions d’euros !

Plusieurs députés du groupe UMP – Et alors ?

M. Christian Eckert – Alors, les enseignants qui font grève sont les premiers à en pâtir !

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est la moindre des choses !

M. Christian Eckert – Je pense par exemple au courage des plus jeunes de nos collègues qui exercent en zone d’éducation prioritaire.

Le renvoi en commission est tout à fait légitime, tant ce texte est mal ficelé. Ainsi, ne prétendez pas que les transferts de charges seront compensés à l’euro près, car le texte renvoie à un décret pour la fixation de la contribution financière de l’État et ne prévoit nullement la compensation intégrale des frais engagés par les collectivités.

S’agissant des personnes habilitées, aucun stage de formation n’est prévu – contrairement à ce qui se pratique par exemple pour les accompagnateurs de sorties scolaires. Tout juste leur liste devra-t-elle être établie « en bonne intelligence » par les maires. Une protection légale conviendrait bien mieux !

L’organisation de la négociation est également renvoyée à un décret. Qu’arrivera-t-il lorsqu’il s’agit de mouvements nationaux, comme la mobilisation contre le CPE, ou encore de grèves spontanées faisant suite, par exemple, à une agression ? Prévoyez-vous des sanctions en cas de non-respect du délai de 48 heures ?

Quant à la responsabilité pénale, le Conseil constitutionnel a estimé qu’en exonérer contrevenait au principe d’égalité et à celui de légalité des délits et des peines. M. Lefebvre oserait-il revenir sur cette décision ?

Enfin, nous avons assisté à une véritable discussion de marchands de tapis : le taux de grévistes nécessaire à la mise en place du service d’accueil dans une commune, d’abord fixé à 10 %, est devenu supérieur ou égal puis strictement supérieur à 20 %, et même désormais supérieur ou égal à 25 % – en attendant mieux. Le professeur de mathématiques que je suis ne peut que relever avec amusement ces détails… Hélas, c’est une véritable usine à gaz que vous créez.

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Christian Eckert – Comme toute usine, elle a besoin de réglages. Saisissez cette chance de renvoyer le texte en commission pour en peaufiner le fonctionnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Yvan Lachaud – Ce texte vous dérange, Monsieur Valls, parce qu’il contient des mesures que vous auriez aimé proposer vous-même. Il permettra aux enseignants de faire grève sans subir le courroux des parents dont les enfants ne sont pas accueillis et, ce faisant, libèrera le droit de grève. Hélas, votre position en matière d’éducation est figée. Errare humanum est, sed perseverare diabolicum ! Il est temps de passer à l’examen des amendements ; le groupe Nouveau Centre votera donc contre la motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

À la majorité de 125 voix contre 33 sur 158 votants et 158 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.

Mme Sandrine Mazetier – Je demande une suspension de séance afin que mon groupe se réunisse avant d’entamer la discussion des articles du texte.

La séance, suspendue à 0 heure 25, le mercredi 16 juillet, est reprise à 0 heure 35.

M. le Président – J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Claude Goasguen – Je voudrais livrer quelques réflexions sur le débat qui vient d’avoir lieu – et ce n’est pas ici le député du XVIe arrondissement qui parle, mais quelqu’un qui a exercé de nombreuses fonctions dans l’Éducation nationale, notamment au niveau de l’inspection générale et du rectorat, quelqu’un qui aime l’Éducation nationale et qui la défend passionnément. Certains des discours de l’opposition m’ont profondément attristé ; le procès fait à ce texte est indigne. Les problèmes matériels des enseignants sont bien réels, mais les enseignants ne sont que l’une des nombreuses catégories de personnels de l’Éducation nationale ; et leur droit de grève n’est nullement remis en cause.

À côté de ce qui fait la noblesse de l’Éducation nationale, à côté du scolaire, mais aussi du périscolaire, nous créons un nouveau droit : le droit d’accueil. Ce texte sera soumis au crible des tribunaux : il est donc utile de souligner que nous ne sommes pas dans le cadre d’une obligation, au sens de l’obligation scolaire ou de la gratuité, ne serait-ce que parce que ce droit n’est assorti d’aucune sanction. Ce que nous mettons en place, c’est simplement une nouvelle compétence des collectivités territoriales : le cadre est le même que pour les activités périscolaires. La législation comme la réglementation n’imposent en rien aux communes et aux collectivités d’organiser ces dernières ; de la même manière, ce texte n’impose pas l’organisation du droit d’accueil.

Mme Sandrine Mazetier – Vous ne l’avez pas lu !

M. Claude Goasguen – Mais quel maire s’aventurerait aujourd’hui à ne pas organiser d’activités périscolaires ? La sanction des électeurs serait immédiate. Il en ira de même pour le droit d’accueil.

Votre combat est perdu ; mais il y a plus grave : ce combat dénature le rôle de l’Éducation nationale. Vous voulez la cantonner à son rôle de transmission des savoirs – mais il y a belle lurette qu’elle n’est plus seulement le lieu de la transmission des savoirs ! C’est un vieux débat, que j’ai souvent avec mon collègue de l’inspection générale Xavier Darcos. Vous avez ignoré la dimension sociale de l’éducation nationale, qui est pourtant à l’origine de l’invention du périscolaire ; et c’est pour cela que nous avons la noblesse de dire que l’on ne ferme pas une école. Vous vous prétendez les gestionnaires de l’Éducation nationale ; mais pouvez-vous prétendre que dans l’éducation nationale, qui est un atout majeur pour notre société, il serait juste de laisser les enfants à la porte parce qu’un certain nombre d’enseignants auraient des revendications syndicales ? Soyez sérieux ; l’Éducation nationale vaut mieux que ça.

Vous avez perdu, vous le savez ; le droit d’accueil sera organisé et il sera de plus en plus sophistiqué, comme ce fut le cas du périscolaire ! Celui-ci a, en son temps, dû rencontrer quelques oppositions d’enseignants, réactionnaires, comme vous l’êtes aujourd’hui. Franchement, ce ne sont pas ici les familles qu’il faut défendre, mais l’Éducation nationale ; et votre défense m’attriste. Pour une fois, soyez dans le sens de l’histoire et votez sans arrière-pensée cet article premier !

Mme Sandrine Mazetier – Puisqu’il faut le redire, l’accueil figure déjà en toutes lettres au code de l’éducation ; je vous en relis le deuxième alinéa de l’article L. 113-1 : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. »

L’accueil est un présupposé ; il n’y a pas de droit à créer.

M. Frédéric Lefebvre – Il y a une rupture de l’accueil !

Mme Sandrine Mazetier – C’est précisément parce que vous créez ce droit, parce qu’on ne change pas tous les jours le titre premier du code de l’éducation, que nous nous méfions de vos intentions.

M. Guy Geoffroy – Nous ne parlons pas de la même chose, voilà tout !

Mme Sandrine Mazetier – Vous venez de nous éclairer plus encore : vous le dites, la communauté scolaire comprend les enseignants, les élèves, les parents d’élèves…

M. Claude Goasguen – N’oubliez pas les personnels non enseignants !

Mme Sandrine Mazetier – …et je crois qu’aucun d’entre nous n’a contesté aux collectivités locales leur rôle de partenaires de la communauté éducative. Ceux qui parmi nous sont maires ont au contraire expliqué, je crois, qu’ils essayent d’organiser l’accueil dans les écoles au mieux, dans l’intérêt des élèves et des familles.

La possibilité d’accueil des enfants avant trois ans, ouverte par ce même code, n’est pas appliquée – vous qui êtes député de Paris, Monsieur Goasguen, vous savez qu’il n’est pas possible d’y inscrire un enfant en école maternelle avant trois ans, alors que dans la capitale, les quatre cinquièmes au moins des femmes travaillent.

M. Claude Goasguen – À Paris, vous avez fermé des écoles !

Mme Sandrine Mazetier – Si vous voulez écouter les familles, prendre en compte leurs aspirations et leurs modes de vie, assurez l’accueil des enfants de moins de trois ans prévu par le code de l’éducation ! Alors seulement, nous pourrons reconsidérer notre avis sur ce curieux changement que vous proposez.

M. Yves Durand – Je remercie M. Goasguen de ses déclarations : je l’ai cru un instant sur la voie de ceux qu’avec beaucoup de mépris certains de ses collègues appellent les pédagogues. Sans se rendre compte, ferait-il du Philippe Meirieu ou du Alain Savary ?

M. Claude Goasguen – Mais pourquoi pas ?

M. Yves Durand – Vous êtes sur la voie de la rédemption !

Vous avez fait un lien entre le scolaire pur, qui est la mission de l’école, et ce que vous appelez le périscolaire. Je vous approuve et c’est un vrai débat : dans nos communes, nous organisons d’ailleurs très souvent – je l’ai fait dans la mienne, je sais que Manuel Valls l’a fait à Évry – ce partenariat entre le scolaire et le périscolaire, par les plans éducatifs globaux établis entre 1997 et 2002, par les contrats éducatifs locaux ; nous avons essayé de créer, puis d’améliorer, ce partenariat. Mais s’il s’agit bien d’un partenariat, qui associe à égalité les communes et l’Éducation nationale en essayant d’accompagner l’école hors du temps scolaire par ce que nous appelons le périscolaire, c’est toujours avec l’idée que la mission première de l’école est la transmission des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être. Or, ce que vous préparez, avec l’article premier, n’a rien à voir, car vous mettez au même niveau deux droits qui ne sont pas de même nature : le droit d’accueil et le droit à l’éducation. Le périscolaire s’insère dans le droit à l’éducation, et n’est pas seulement de l’accueil ; nous ne faisons pas que de la garderie, avec les plans éducatifs globaux ! L’école n’est pas là pour accueillir, mais pour éduquer.

M. Claude Goasguen – Elle est là aussi pour accueillir !

M. Yves Durand – L’article premier, davantage encore en combinaison avec l’article 2, ouvre la possibilité d’une substitution d’un droit à l’autre, et c’est pour nous inacceptable (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Michel Liebgott – Pris isolément, ce projet pourrait paraître anodin, s’il ne s’ajoutait aux autres textes concernant la continuité des services publics, et qui conduisent tous ensemble au détricotage de l’ensemble de ces services.

Plusieurs députés UMP – Mais non !

M. Michel Liebgott – Le Gouvernement propose d’abord un service minimum dans les transports, puis un service minimum pour les demandeurs d’emploi, qui seront obligés, au bout de quelques mois, d’occuper n’importe quel emploi. Puis vous développez un droit du travail a minima. Aujourd’hui, vous proposez de même un droit à l’éducation a minima, qui, petit à petit, se retrouvera à la marge du périscolaire, alors qu’il est l’un des plus emblématiques de notre service public.

Les tribunaux administratifs ont déjà condamné l’État à payer des cours privés, certains enseignements n’étant pas assurés par l’Éducation nationale. Vous ne voulez pas prendre le risque d’être à nouveau condamnés au moment où vous supprimez les postes de fonctionnaires et où, tôt ou tard, les enseignants du premier degré y passeront eux aussi. Vous avez donc imaginé de transférer la responsabilité vers les collectivités territoriales et, ainsi, vous aurez certes failli au devoir suprême d’éducation, mais la responsabilité politique en reviendra aux collectivités, et en particulier aux communes.

Nous ne pouvons l’accepter, et ce d’autant moins que ce n’est pas la première fois que vous vous défaussez sur les collectivités : nous pourrions parler des emplois jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui apportaient d’utiles concours aux collectivités locales, par exemple pour aider les enfants à traverser la rue à la sortie des écoles.

Ce qui vous dirige, dans le détricotage de tous ces droits, c’est uniquement votre idéologie, qui consiste à laisser se concentrer les richesses dans un nombre de mains toujours plus restreint. Ainsi aurez-vous réussi, en quelques années, à nous faire passer d’une République dont nous étions fiers, parce qu’elle était celle des services publics, à une République de régression, notamment en remettant en cause un droit de grève remontant à 1864.

M. Marc Dolez – C’est vrai !

M. Michel Liebgott – Vous n’avez malheureusement pas fini de détricoter ; il suffit de voir les textes à l’ordre du jour pour s’en rendre compte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Patrick Roy – Dès l’article premier, nous entrons dans le vif du sujet, puisqu’il modifie le vocabulaire, en parlant de l’éducation et de l’accueil comme de deux droits équivalents et également intangibles. Je suis en total désaccord avec cela.

Même si je conçois que la grève peut occasionner une gêne pour certaines familles, je déplore que vous refusiez de nous entendre lorsque nous rappelons qu’un élève se retrouve dans une infime partie des cas sans professeur à cause d’une grève, et que c’est dans tous les autres cas parce que le ministère n’est pas capable de pourvoir aux besoins. La grève n’est donc pour vous qu’un alibi !

Monsieur le ministre, vous m’avez répondu qu’il était exceptionnel qu’un professeur ne soit pas remplacé. Je dois donc vivre dans une circonscription particulièrement mal lotie – et j’en demande réparation ! (Sourires) –, car des professeurs absents pendant des semaines, dans mes collèges et lycées, cela n’a rien d’exceptionnel. Hier, une principale de collège me racontait qu’elle avait attendu des mois un professeur d’anglais, que le recteur lui rétorquait sans cesse : « Je ne peux pas, car je n’en ai pas », et qu’elle a donc dû recourir à un vacataire étudiant…

J’ai entendu M. Goasguen dire que les enseignants étaient réactionnaires, en regardant de notre côté de l’hémicycle.

M. Guy Geoffroy – Il a raison !

M. Patrick Roy – Quand je dirai cela à mes collègues enseignants du primaire, qui acceptent, bénévolement, d’organiser et de conduire des sorties culturelles ou sportives, en dehors des heures de travail, et qui font cela parce qu’ils aiment leur métier, je ne doute pas qu’ils apprécient !

M. Frédéric Lefebvre – Il parlait des députés !

M. Patrick Roy – Enfin, à Mme Mazetier, qui faisait remarquer qu’on ne pouvait accueillir des enfants de moins de trois ans, M. Apparu a répondu que nous n’avions qu’à créer des crèches. C’est toute la différence entre nous qui éclate là, car dans les crèches, on n’a pas l’éducation que l’on a à l’école ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu – Allez-y : instituez l’obligation scolaire dès six mois ! Pas de problème.

M. Patrick Roy – La garderie nationale, ce n’est pas la même chose que l’éducation, et nous ne voulons pas de la première, mais de la seconde. S’il y avait un droit réel à l’éducation, il n’y aurait pas besoin de créer un droit à l’accueil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Claude Goasguen – Il fallait demander à Mme Royal d’ouvrir l’accès aux écoles maternelles dès l’âge de deux ans !

M. Robert Lecou – J’ai commis sous la précédente législature un rapport comparant les différents services publics au niveau européen. Cette analyse documentée concluait à la nécessité de faire évoluer le débat sur le sujet en France, et ce débat a évolué. L’appellation de service minimum ne me paraissant pas adaptée, je préfère évoquer l’assurance de la continuité du service public. Le débat a évolué, disais-je : nous nous sommes orientés vers la recherche d’une conciliation entre l’exercice du droit de grève, constitutionnel, et cette continuité du service public, de manière à apporter aux familles des garanties auxquelles elles ont bien droit.

De ce rapport sont issus plusieurs propositions et projets de loi. Aujourd’hui, Monsieur le ministre, vous nous permettez d’avancer encore sur cette voie, tout en restant dans le cadre de ce service public à la française qui nous est cher. Cette loi nous paraît bonne, juste et équitable : elle fait appel au dialogue social et tient compte de la nécessité pour l’État d’assumer ses responsabilités.

Cette loi était nécessaire, en premier lieu parce que c’est la loi qui peut encadrer le droit de grève. Elle est également équitable. Dans ma commune, j’avais maintenu le service d’accueil organisé par mes prédécesseurs à la demande des enseignants et des parents d’élèves, et qui fonctionnait à la satisfaction générale. Puis le ministre nous a proposé, à titre expérimental, de faire assumer cette charge par l’État. Malheureusement, la municipalité de gauche qui a pris les rênes en mars a, de façon parfaitement idéologique, annulé la délibération qui le permettait…

Cette loi permettra donc de faire prévaloir l’équité et d’étendre à toutes les communes ce qui était rendu possible par le pragmatisme de certains élus. Elle constitue un progrès. Si nous la votons, nous pourrons éviter aux familles les plus en difficulté de prendre sur leur temps de travail et nous œuvrerons pour la promotion du service public. Il faut dépassionner le débat et en revenir à l’intérêt des familles et à l’équité. Je souhaite que nous fassions ce pas en avant tous ensemble et je demande à la gauche de bien réfléchir, car je ne vois pas les raisons qui devraient l’en empêcher (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sandrine Mazetier – L’amendement 92 vise à supprimer le premier alinéa de cet article, qui met l’accueil au même rang que l’obligation et la gratuité scolaire. En raison de l’obligation scolaire, les parents qui n’envoient pas leurs enfants à l’école sont passibles de sanctions lourdes. Que se passera-t-il donc si des parents refusent d’envoyer leur enfant à l’école pour un service d’accueil organisé dans des conditions baroques, par des personnes non diplômées et avec un taux d’encadrement parfaitement aléatoire, même si – ou parce que ! – ce service est assuré par des parents d’élèves qu’ils connaissent ?

M. Claude Goasguen – On ose à peine imaginer les sanctions qu’ils encourent !

Mme Sandrine Mazetier – Ce qui nous amène à réaffirmer que l’obligation scolaire devrait s’imposer dès l’âge de deux ans, et être articulée avec le service public de la petite enfance.

Plusieurs députés UMP – Ce n’est pas le sujet !

Mme Sandrine Mazetier – Puisque Benoist Apparu veut couvrir la France de crèches, je lui rappelle que Nicolas Sarkozy s’y est fermement refusé au cours de la campagne présidentielle. Vous ne voulez pas de l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles. Allez donc au bout de vos opinions et abolissez la disposition qui donne cette possibilité ! La discussion sur l’article premier aura au moins servi à cela.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur – La commission est défavorable à cet amendement, et le sera aux trois suivants pour les mêmes raisons. L’obligation scolaire et la gratuité sont des notions bien différentes de celle d’accueil. Je rappelle à Mme Mazetier que l’âge de l’obligation scolaire est fixé à six ans, et que c’est l’accueil qui commence à deux ans. Il faut bien distinguer les deux notions.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Même avis.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Candelier – L’amendement 25 vise à marquer le refus du groupe GDR de mettre sur le même plan le service d'accueil et les principes fondamentaux qui fondent le service public de l'éducation. Les objectifs premiers de l'enseignement public sont l'obligation scolaire et la gratuité. L’éventuelle création d'un droit d'accueil ne doit pas avoir pour conséquence de modifier l'intitulé du titre III du livre premier du code de l'éducation, lequel définit les principes généraux de l'éducation. L’accueil scolaire n’en fait pas partie. L’objet de ce projet de loi est de régler le problème ponctuel de l'accueil des enfants en cas d'absence des enseignants. La loi a un caractère général et cette nouvelle mission ponctuelle n'a pas vocation à y être inscrite. Nous refusons de voir changer les principes d’un système qui a fait ses preuves. Les ambitions éducatives doivent continuer à primer.

L'amendement 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Candelier – Le simple accueil des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires ne peut faire l'objet d'un chapitre du code de l'éducation. Celui-ci regroupe l'ensemble des lois en vigueur dans le domaine de l'éducation. Or, l’accueil des enfants n'a pas de rapport avec la dispense d'enseignement. L’amendement 26 propose donc de supprimer l’alinéa 2 de l’article premier.

Mme Sandrine Mazetier – L’amendement 93 est identique. Selon le code de l’éducation, l’accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé – par exemple les zones urbaines, rurales ou de montagne et les régions d'outre-mer. Mais alors qu’on en était à 40 % il y a quelques années, cette proportion a diminué de moitié. L’accueil des enfants de moins de trois ans est en voie d’extinction ! Au lieu de créer un droit d’accueil de même rang que l’obligation et la gratuité scolaires, qui sont des piliers de l’éducation, pourquoi ne pas commencer par appliquer les dispositions qui existent déjà ?

Les amendements 26 et 93, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 16 juillet, à quinze heures.

La séance est levée à 1 h 10.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

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