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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 17 juillet 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
19ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

DROITS ET DEVOIRS DES DEMANDEURS D’EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi – Sans revenir sur tous les points qui ont été abordés, je m’efforcerai, Mesdames et Messieurs les députés, d’être le plus exhaustif possible, dans mes réponses à vos interventions.

Je remercie tout d’abord, après plusieurs d’entre vous, la rapporteure pour son travail, qui a permis d’apporter au texte, outre un soutien dont je lui sais gré, des clarifications utiles, en particulier sur deux points. Il s’agit tout d’abord de l’emploi des seniors, que permettra d’améliorer, dès le 1er janvier 2009, un amendement relatif à la dispense de recherche d’emploi. Sur ce point, le service public de l’emploi a déjà progressé, puisqu’il assure depuis le 1er janvier 2008 un accompagnement personnalisé des seniors visant à favoriser leur retour à l’emploi, et dont je présenterai les résultats à la représentation nationale.

Il s’agit ensuite du problème du temps partiel subi, dont souffrent particulièrement les femmes, comme l’a rappelé la rapporteure. Je l’ai dit devant le Sénat : il est hors de question d’améliorer l’emploi au prix d’un accroissement de la précarité. Voilà pourquoi nous avons veillé à instaurer des filets de sécurité afin d’éviter le dumping salarial et de ne pas imposer des contrats précaires et à temps partiel. Mais, au-delà des propos du ministre, c’est la loi, écrite et votée par le Parlement, qui en sera garante ; voilà pourquoi l’amendement de la rapporteure sur le temps partiel subi est particulièrement utile.

En complément, le rapporteur pour avis a tout d’abord insisté sur la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Celle-ci, j’y reviendrai, ne survient pas en terrain vierge, et je tiens à dénoncer avec force les propos caricaturaux selon lesquels, depuis deux ou trois ans, les agents du service public de l’emploi n’auraient rien fait pour améliorer la situation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

MM. Régis Juanico et Jean Mallot – Qui a dit cela ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Pour le savoir, il suffit de relire le compte rendu ! Vous sentiriez-vous concernés ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Voilà qui me rassure : pour ma part, je n’ai accusé personne !

M. Maxime Gremetz – C’est la majorité qui dit cela !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – M. Albarello a également rappelé, à juste titre, que le dispositif de sanction actuellement applicable aux demandeurs d’emploi qui ne recherchent pas activement un emploi est arbitraire (Exclamations sur les bancs du groupe GDR). Monsieur Gremetz, vous qui êtes sensible à l’exigence d’équité, vous ne sauriez en souhaiter le maintien tel quel ! Pour prendre un exemple simple, un demandeur d’emploi qui ne répond pas à une convocation de l’ANPE peut être radié pour deux mois, quels que soient les motifs pour lesquels il ne s’est pas rendu au rendez-vous ; mais celui qui refuse l’emploi qui lui est proposé – ce qui est bien plus grave – n’est radié que pour quinze jours. C’est parfaitement illogique ! Nous voulons améliorer ce système arbitraire et subjectif.

Enfin, le rapporteur pour avis a insisté sur le problème de la fraude aux allocations chômage. À cet égard, il faut distinguer plusieurs cas. Certains demandeurs d’emploi découragés sombrent progressivement dans le chômage de longue durée ; nous devons les aider et les accompagner, notamment en améliorant le fonctionnement du service public de l’emploi, car chaque jour compte, chaque jour perdu ne pouvant que rendre la recherche d’emploi plus difficile.

M. Régis Juanico – Il faut aussi du temps !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Bien sûr, mais le service public de l’emploi ne doit pas nous en faire perdre, et nous ne devons pas laisser les demandeurs d’emploi s’enfermer peu à peu dans l’illusion selon laquelle ils auraient du temps devant eux, car le compteur du chômage, lui, tourne ! Se croyant en sécurité, ils se trouvent ainsi, au bout de deux ans, dépourvus de toute protection.

Mais d’autres, issus de secteurs où ils pensent pouvoir retrouver facilement un emploi, considèrent que leurs allocations sont un dû et qu’ils peuvent laisser le compteur tourner pendant deux ans en profitant de leurs indemnités. C’est inacceptable. Ainsi La Croix citait-il récemment l’exemple d’une éducatrice spécialisée, qui, sûre de retrouver un emploi, avait décidé d’attendre l’offre qui lui conviendrait vraiment.

M. Régis Juanico – Elle ne disait pas tout à fait cela.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Si, et ces propos m’ont choqué…

M. Régis Juanico – Elle avait formulé des demandes précises !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Cette situation est particulièrement représentative (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)... Je vous ai écouté avec attention et respect, je vous demande de faire de même.

M. le Président – Mes chers collègues, seul le ministre a la parole.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – D’un côté, des personnes qui font tous les jours l’effort d’aller travailler et des demandeurs d’emploi qui cherchent désespérément des offres d’emploi ; de l’autre, une minorité – certes infime – qui se paye le luxe de profiter du système parce qu’elle peut retrouver facilement un emploi : nous devons remédier à cette situation.

Nous devons également nous attaquer aux fraudes massives et organisées, auxquelles M. Tian – comme l’a rappelé M. Albarello – a consacré un rapport publié en décembre 2006.

M. Maxime Gremetz – Il conclut qu’il faut s’attaquer aux filières !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – C’est ce que je viens de dire. Nous devons être particulièrement vigilants en la matière ; je sais que plusieurs d’entre vous le souligneront.

Forte de son expérience du terrain, Mme Rosso-Debord a insisté sur l’individualisation, essentielle à l’avenir du service public de l’emploi. Nous devons en effet passer d’une politique de l’emploi fondée sur l’indemnisation massive du chômage à une logique d’accompagnement individualisé du retour à l’emploi. J’ai bien noté, Madame, que votre soutien n’allait pas sans exigences et que vous serez particulièrement attentive à la mise en œuvre des différentes réformes du marché du travail.

M. Tardy a souligné la nécessité d’améliorer la collecte des offres d’emploi et le service rendu aux entreprises.

M. Régis Juanico – Il est reparti !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Comme d’autres, notamment dans vos rangs…

Sur le premier point, l’ANPE a déjà beaucoup progressé, puisque le nombre d’offres collectées a augmenté de 7 % en quatre ans ; mais nous pouvons faire mieux encore. Je m’engage à rendre compte à la représentation nationale de l’état d’avancement de la réforme du service public de l’emploi, qui ne naîtra pas ex nihilo le 1er janvier 2009, mais a déjà commencé à porter ses fruits grâce aux efforts quotidiens des agents de l’ANPE et des Assedic.

Je retiens surtout de l’intervention de M. Vercamer – expert en la matière…

M. Francis Vercamer – N’exagérons rien ! (Rires)

M. Maxime Gremetz – Le Congrès approche ! (Même mouvement)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – …, et qui s’intéresse depuis de nombreuses années, comme chacun sait, aux questions sociales et d’emploi – que ce projet mérite mieux que des accusations caricaturales, en particulier celle de stigmatiser les demandeurs d’emploi. En effet – vous l’avez dit –, la personnalisation du retour à l’emploi en est l’aspect principal. Malgré les efforts consentis par l’ANPE et les ASSEDIC, le déroulement du processus y demeure trop administratif. Au sein des ASSEDIC, l’entretien porte essentiellement sur les droits à l’indemnisation, et non sur le droit à la formation ou la vie familiale du demandeur. L’entretien qui s’ensuit à l’ANPE n’est pas davantage personnalisé, alors qu’en Suède, par exemple, le demandeur et l’agent définissent ensemble, dès leur premier échange – qui dure une heure –, le champ de la recherche, les engagements du service public de l’emploi et les obligations qui incombent en contrepartie au demandeur – rechercher activement un emploi et accepter une offre raisonnable.

La personnalisation du processus constitue donc bien, je vous le répète solennellement, l’apport principal du texte : d’emblée, le service public de l’emploi prendra le temps de considérer le demandeur non comme un numéro, mais comme une personne qui vit dans un lieu donné, possède une famille, un passé, des qualifications, et construit sa recherche de manière personnalisée.

Mme Valérie Rosso-Debord – Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Mme Hoffmann-Rispal n’est pas là…

M. Michel Issindou – Elle arrive !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Voulez-vous que je l’attende pour lui répondre ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC et rires sur divers bancs)

Je ne peux la laisser dire que l’approche de la flexicurité en France et en Europe se limiterait à la flexibilité (« En France ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Faut-il rappeler les actions entreprises en matière de formation ; le travail mené sur le terrain, notamment avec les agents de l’AFPA, sur la validation des acquis de l’expérience ; l’instauration progressive, entreprise par entreprise et en concertation avec les partenaires sociaux, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ; l’amélioration, enfin, de l’offre de service du futur opérateur unique et la mise en place d’un entretien qui ait lieu le plus possible le jour même ? On ne peut donc pas dire que rien n’a changé, ni que les agents n’ont travaillé que sur le volet de la flexibilité. Je vous rappelle, par ailleurs, que la mission Larcher-Spidla, qui s’est rendue en France en mai, vise à généraliser, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, les problématiques de la sécurité professionnelle.

Monsieur Gremetz, vous avez insisté sur la situation très douloureuse des salariés de Goodyear dans votre département, et je sais que vous êtes attentif à ce que la réponse de l’État soit à la hauteur des attentes. C’est dans des moments comme celui-ci que l’on a le plus besoin d’entretiens personnalisés. Je suis convaincu que nous ne pourrons conserver un système de protection sociale généreux que si nos concitoyens perçoivent que nous sommes attentifs à l’équilibre entre les droits et les devoirs, à une répartition équitable de la charge.

M. Tian a rappelé que de nombreux pays européens se sont dotés de systèmes similaires. Ce que nous proposons est beaucoup plus équilibré que ce que certains régimes socialistes ont établi. En Espagne, il est possible d’imposer au demandeur d’emploi de déménager dès le troisième mois. En Italie, l’obligation de mobilité porte sur 50 kilomètres. En Allemagne, le demandeur d’emploi est obligé dès le premier jour d’accepter un emploi, quel que soit le niveau de rémunération. Je n’ai pas voulu recourir à des dispositifs de ce type. Quant aux 30 kilomètres de distance que nous prévoyons pour la mobilité, c’est la réalité de plus de 70 % des Français qui travaillent.

J’ai été choqué par ce qu’a dit Mme Lemorton au sujet des salariés de zone rurale, qui n’auraient qu’à « prendre le tracteur ». Je trouve cette caricature scandaleuse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). J’habite moi-même en zone rurale, et je peux vous dire que même à la campagne il y a des voitures et que les gens s’en servent pour aller travailler ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)

Mme Delaunay s’est inquiétée d’un possible dumping salarial. Il faut être très vigilant à ce que l’offre raisonnable d’emploi ne tire pas les salaires vers le bas dans une région. C’est pourquoi nous avons créé un filet de sécurité, en prévoyant qu’il ne sera pas possible d’imposer une offre à des conditions salariales qui ne correspondent pas aux salaires pratiqués habituellement dans la profession et dans la région. C’est une protection qui nous a été demandée par les partenaires sociaux.

En ce qui concerne le risque de déqualification, nous n’avons pas souhaité introduire trop de critères dans la définition de l’offre raisonnable d’emploi, afin de ne pas tailler le même costume à tout le monde mais rendre possible une approche personnalisée. C’est pourquoi il n’y aura pas d’obligations en termes de type de contrat. Un jeune peut souhaiter des CDD pour accumuler de l’expérience ; un senior peut en revanche considérer qu’il ne peut accepter de CDD compte tenu de sa situation familiale. Il faut prendre en compte l’histoire de chacun. L’offre raisonnable d’emploi n’impose donc pas non plus de recherche dans un champ de qualification spécifique.

MM. Gille et Juanico ont rappelé que la situation de l’emploi en France était la meilleure depuis vingt ans. Cela ne se fait pas au prix d’une augmentation de la précarité, car les taux de CDD et de contrats à temps partiel sont restés constants.

M. Régis Juanico – Ils ont augmenté à partir de 2000 !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Ils ont augmenté entre 2000 et 2002 et sont ensuite restés constants.

Mme Lemorton a évoqué la concertation sur le projet de loi. Les partenaires sociaux avaient été sollicités en 2000, puis, dans le cadre de la campagne présidentielle, ce projet avait été mis sur la table par M. Sarkozy. Le Premier ministre en a saisi les syndicats, par lettre en date de juin 2007 ; ils n’ont pas souhaité s’en saisir dans le cadre de leurs différentes négociations. Ils nous l’ont indiqué au cours d’une réunion de concertation.

M. Maxime Gremetz – Non ! Ce n’est pas à ce moment-là.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Nous avons malgré tout eu une concertation, qui nous a permis, sur un certain nombre de points, d’améliorer notre projet.

Ce projet de loi comporte deux améliorations. Le premier consiste à passer, dans la relation entre le service public de l’emploi et le demandeur d’emploi, d’une logique administrative à une logique personnalisée. Les agents de l’ANPE et des ASSEDIC ont entamé ce mouvement et montré que c’était possible. Le projet de loi sanctuarise cette approche. En outre, il se donne les moyens de mieux contrôler la petite minorité qui abuse du système. Il s’agit d’une réalité ; elle est insupportable, car notre système repose sur la solidarité nationale, et je serais choqué que certains la nient. Il est légitime de contrôler la bonne affectation des sommes dépensées dans le cadre de cette solidarité.

Ensuite, vous avez, les uns et les autres, fait référence à d’autres réformes : celle de la formation professionnelle, de l’ANPE et des ASSEDIC, de l’emploi des seniors… Certaines de ces réformes sont déjà opérationnelles, les autres le seront en janvier 2009. La politique de l’emploi se réforme sur l’ensemble de ses composantes.

M. Régis Juanico – Et la pénibilité ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – M. Bertrand a ouvert le dossier. Nous menons un travail de fond pour moderniser notre marché de l’emploi.

Un tel sujet mérite mieux qu’un débat d’obstruction. La discussion générale a permis de poser les questions appelant clarification. Le Sénat a mené un vrai débat sur ce texte ; nous donnerions, au moment où nous nous apprêtons à réformer nos institutions, une image constructive en en faisant autant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean Mallot – Cela dépendra de vous !

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Sandrier et des membres du groupe GDR une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Martine Billard – Il y avait longtemps que nous n’avions pas eu droit au discours sur les chômeurs qui ne font pas assez d’efforts pour retrouver un emploi ! Discours qui avait été laissé de côté depuis les dispositifs de contrôle des demandeurs d’emploi de la loi Borloo de 2005.

Malgré vos grandes envolées sur le dialogue social, vous vous êtes une fois de plus passés de négocier avec les partenaires sociaux et les associations de chômeurs. Ces dernières n’ont même pas été auditionnées par la commission, et c’est une première raison pour adopter la motion de renvoi. Ces associations n’ont eu d’autre recours que d’envoyer des contributions écrites, qui ne sont du reste pas parvenues aux membres de la commission.

En outre, avant de discuter des droits et devoirs des demandeurs d’emploi, il faudrait une étude sur la situation du marché du travail, qui fait défaut. Le rapport apporte peu d’éléments, et ceux qui sont fournis sont discutables. La baisse du chômage y est affirmée comme un fait absolu, alors que c’est grâce à l’augmentation des départs en retraite que le chômage a diminué ces dernières années. En outre, seules 45 % des offres d’emploi de l’ANPE sont des CDI ou des CDD de plus de six mois. Selon l’INSEE, les créations d’emplois ont été trois fois moins nombreuses au premier trimestre 2008 qu’au premier trimestre 2007 ; le nombre de chômeurs a augmenté pour la première fois depuis 2005. Il ne faudrait donc pas croire trop vite qu’il n’est plus besoin de lutter contre le chômage.

Le rapport néglige étrangement les tensions du marché du travail – qui constituent pourtant votre principal argument. Or, selon l’INSEE, les effectifs du secteur marchand n’augmenteraient que de 145 000 postes en 2008 contre plus du double l’an passé. En outre, l’emploi industriel pourrait régresser davantage encore car la cherté de l’euro fragilise les exportations et incite certaines entreprises – Airbus, par exemple – à délocaliser. Quant aux créations d’emploi dans la construction et le secteur tertiaire, elles diminueraient de deux tiers environ.

Les emplois les plus difficiles à pourvoir sont soit très spécialisés – les métiers de la médecine ou de l’informatique, par exemple –, soit pénibles, comme les métiers de bouche ou du bâtiment. La loi sur le temps de travail que vous nous avez récemment soumise en urgence ne les rendra pas plus attractifs, bien au contraire.

L’évolution de ces secteurs, de même que l’impact de la crise économique mondiale, de la politique monétaire européenne et de la politique du Gouvernement – en matière de temps de travail notamment – méritent un examen plus approfondi. Légiférer dans une telle incertitude frise l’arbitraire.

Le titre même du projet pose problème : la notion de « droits et devoirs » confère aux demandeurs d’emploi un statut à part. Pourquoi, dès lors, ne pas légiférer de même pour les dirigeants d’entreprise ? Leurs salaires sont exorbitants et ils ne paient pas toujours les heures supplémentaires – dont 74 % restent sans contrepartie, et qui constituent le gros des recours présentés aux prud’hommes. Pourquoi ne pas s’intéresser aux stock-options, vendues par certains – je pense à EADS – alors que leur société est en difficulté, ou encore aux parachutes dorés et les résidences fiscales exotiques ? Que dire des responsabilités des chefs d’entreprise en matière de formation, de délocalisations, de licenciements, de santé au travail ?

M. Maxime Gremetz – Et des patrons voyous !

Mme Martine Billard – Dès qu'il s'agit de droits des salariés, le Gouvernement aime à transférer les mesures de protection sociale de la loi au règlement, au motif de simplifier le droit. Pour les chômeurs, en revanche, il fait l’inverse.

Ce projet de loi s’attache surtout aux devoirs des demandeurs d’emploi, et peu à leurs droits. Pourquoi donc avoir mis ce projet personnalisé d’accès à l’emploi dans le domaine de la loi, alors que vous refusez de lui conférer un caractère contractuel. Il est « élaboré et défini conjointement », et il ne lui manque que d’être signé par les parties pour être un contrat synallagmatique avec échange d’obligations. Sans doute le contentieux des « recalculés » vous a-t-il laissé un trop mauvais souvenir…

Dans la crise sociale et économique que nous traversons, n'aurait-il pas été plus indiqué de légiférer sur la solidarité à l'égard des chômeurs ? Je remarque d’ailleurs que vous ne parlez jamais des chômeurs, vous parlez du chômeur au singulier, comme pour marquer davantage, s'il était possible, le caractère individuel de la situation de chômage – alors même que le chômage de masse perdure depuis plus de trois décennies. Ce ne sont pourtant pas les salariés qui sont en charge de la gestion des entreprises !

Chacun sait que le niveau de l'emploi est directement lié à la santé de l’économie. Vous bombez le torse à la moindre baisse des chiffres du chômage, expliquant qu’elle n’est due qu’à votre politique économique. Jamais vous n’évoquez d'autres facteurs, comme la volonté accrue des chômeurs de retrouver du travail. En revanche, quand la situation se dégrade, tout est de la faute des chômeurs : ils ne se mobiliseraient pas assez pour trouver un emploi, dites-vous !

La grande majorité – 95 % – des demandeurs d'emplois cherchent activement du travail. Seuls 5 % d’entre eux ont besoin d'être « soutenus et remotivés ». Le chômage n'est pas une situation de facilité ! Il conduit souvent ceux qui le subissent au repli sur soi et à la perte de confiance. Ce n’est pas de sanctions que les chômeurs ont besoin, mais d'accompagnement.

L'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, outre qu’il comporte des mesures de flexibilisation qui, elles, ont été aussitôt transcrites dans la loi, prévoyait l'engagement de négociations entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou encore le bilan d'étape sur l'assurance chômage. Les questions du retour à l'emploi et de la sécurisation des parcours professionnels devaient être traitées avec les partenaires sociaux. Dès lors, il est inopportun de débattre du présent texte sans avoir pu dresser en commission le bilan de ces négociations.

L’élaboration du projet personnalisé d'accès à l'emploi est au cœur de ce projet de loi. Il contraint les demandeurs d'emploi à accepter les offres dites « raisonnables », sous peine de sanction. Le travailleur demandeur d'emploi doit-il donc porter seul la responsabilité de sa réinsertion professionnelle ? De surcroît, la notion d'offre raisonnable se fonde sur une vision purement marchande du marché du travail qui fait fi de la formation professionnelle, des compétences acquises ou encore de la personnalité et des envies mêmes des travailleurs, comme si chacun était interchangeable.

Ensuite, vous renforcez le contrôle des demandeurs d'emploi avant même la mise en œuvre de leur accompagnement. Or, le suivi mensuel personnalisé, qui existe depuis 2006, semble poser problème. En théorie, un conseiller doit recevoir 11 chômeurs par demi-journée. Il ne peut donc consacrer que dix-neuf minutes d'entretien à chacun d’entre eux. L’objectif est d’atteindre une moyenne nationale de 80 demandeurs d'emploi par référent. Pourtant, près d'un quart des conseillers ANPE du Nord-Pas-de-Calais suivent 130 demandeurs d’emploi ou plus, et plusieurs centaines de dossiers ont été attribués à des agents inexistants, qu’ils aient été mutés ou qu’ils aient pris leur retraite.

M. Régis Juanico – Ou qu’ils soient décédés !

Mme Martine Billard – En effet. L'ANPE elle-même reconnaît es difficultés de sa mission. Il nous faut davantage d'informations sur les capacités de l'ANPE à affecter le nombre de référents adéquat, et ce dès l'entrée en vigueur de la loi – raison supplémentaire de reprendre nos travaux en commission pour, par exemple, auditionner de nouveau le directeur de l’ANPE.

Quels seront les moyens affectés par la puissance publique à l'accompagnement vers l'emploi ? Ils ne représentent aujourd’hui que 2,52 % du PIB, contre 4,26 % au Danemark et 3,32 % en Allemagne.

Le niveau de qualification est l’autre critère essentiel du retour à l’emploi. Seuls 11 % des jeunes de moins de 25 ans ayant fait des études supérieures sont à la recherche d'un emploi, contre 42 % pour ceux qui sont peu ou pas diplômés – et cette tendance se confirme à d’autres âges de la vie. Quant à l'intérim et aux CDD, s'ils offrent souvent un tremplin pour les jeunes diplômés, ils précipitent les autres dans une spirale de l'échec.

Chacun sait qu’une réforme de la formation professionnelle est indispensable. Certes, la question du chômage ne se réduit pas à celle de la formation mais, à une époque où il faut s'adapter à un marché du travail en constante évolution, n’est-il pas paradoxal de ne pas traiter ce sujet dans le cadre des droits et des devoirs des demandeurs d'emploi ? En 2007, seuls 5 % des chômeurs ont suivi un programme de formation. L'UNEDIC reconnaît n'avoir utilisé que la moitié du budget de formation dont elle dispose. Reprendrez-vous les préconisations du rapport Boulanger, paru en avril dernier, et qui considère que la formation n’offre pas une réponse de première intention au problème du chômage, même si elle peut à terme en réduire la récurrence ? Pourra-t-on, dès lors, refuser une formation qualifiante aux techniques de haute qualité environnementale à un ouvrier du bâtiment, sous prétexte qu’il peut prendre un emploi immédiatement disponible mais peu qualifié?

Ce n’est pas le principe du PPAE que nous réprouvons, car il permettra d’accélérer le retour à l’emploi de ceux qui y souscrivent, mais les modalités de son application. Au fond, vous voulez contraindre les chômeurs à accepter des emplois quels qu'ils soient, où qu'ils soient et quelle que soit leur rémunération. Ils n’auront donc aucune garantie que le travail proposé ne soit pas un CDD sans lendemain ou un travail à temps partiel. Privés de leur droit à indemnisation, les travailleurs se retrouveront sur le carreau. La loi Borloo a déjà aggravé le régime des sanctions, puisque 22 603 sanctions ont été prises en 2004, et 40 932 en l’an dernier. Dans le même temps, le nombre des radiations a bondi de 441 846 à 625 505, soit une hausse de plus de 40 % !

Cette envolée est due pour partie à de nombreuses radiations que l'on peut qualifier d'abusives puisque, en cas d'intervention des associations de chômeurs, les demandeurs d'emploi sont réintégrés dans leurs droits. Les motifs sont variés : légers retards à des rendez-vous, absences pour non-réception de convocations… En outre, la sanction s’applique sur-le-champ, laissant le demandeur d'emploi sans revenu et en proie à l’exclusion sociale.

Tordons le cou aux rumeurs de fraude généralisée ! M. Christian Charpy, en charge de la fusion de l'ANPE avec les ASSEDIC, a récemment affirmé que le nombre de fraudes est infime et sans commune mesure avec la fraude fiscale dans les milieux d'affaires, par exemple, ou encore celle des employeurs qui s’abstiennent de payer les heures supplémentaires…

Certes, le PPAE offrira une aide au chômeur, mais il constitue surtout un outil de sanction. Or, avant de renforcer les sanctions, il faut examiner en commission les conditions d'accueil des demandeurs d'emplois par le service public de l'emploi, dont les agents vont avoir un rôle double : d'une part, ils aideront les demandeurs d'emploi et, de l'autre, ils les sanctionneront s'ils refusent un poste. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les associations de chômeurs refusaient le guichet unique et la fusion des instances : ceux qui aident ne doivent pas être ceux qui sanctionnent. Cette double casquette n'aura-t-elle pas comme conséquence d'inciter le demandeur d'emploi à penser qu'il est obligé de tout accepter lors de l'élaboration du PPAE, pour ne pas courir le risque de perdre son indemnisation ? Malheur à ceux qui n’oseront pas défendre à ce moment leur droit au refus d’un emploi à temps partiel ou d’un CDD de courte durée : ils paieront cher tout PPAE défini trop largement.

Vous êtes-vous déjà demandé pour quel motif les chômeurs refusaient un emploi ? Sachant que seulement la moitié des demandeurs d’emploi sont indemnisés et que, parmi eux, seulement la moitié encore perçoivent plus de mille euros par mois, ils doivent bien avoir des raisons valables – et à ce propos, votre texte ne se préoccupe en rien des chômeurs qui se voient refuser toute embauche pour des raisons d’âge, de handicap, d’origine ou de quartier d’habitation. Parmi ces raisons, les deux principales sont la garde des enfants et le trajet entre le domicile et le lieu de travail. Tous les amendements proposés sur ces deux points ont été rejetés en commission, de quelque groupe qu’ils émanent. Vous considérez comme raisonnable un trajet de soixante kilomètres ou de deux heures aller et retour. Mais si le travail proposé commence à quatre heures du matin, il n’est pas possible, même si ce n’est pas très loin, de prendre les transports en commun ! Que fera le service public de l’emploi si le demandeur n’a pas les moyens de posséder un véhicule, ou de remplir le réservoir ? Sera-t-il radié des listes pour refus d’une « offre raisonnable » ? Cette situation est assez commune, en Île-de-France par exemple. Il n’est que de voir les emplois proposés par la nouvelle chaîne Monop, dont les magasins sont ouverts jusqu’à minuit. Comment une femme va-t-elle rentrer dans sa lointaine banlieue ? Pourra-t-elle refuser ce type d’emploi ?

Mme Valérie Rosso-Debord – Vous proposez un garde du corps ?

Mme Martine Billard – Avec l’envolée des prix du pétrole, le transport est devenu le deuxième poste de dépense des ménages, derrière le logement mais devant l’alimentation. Les déplacements domicile travail en voiture deviennent exorbitants. Le prix de l’immobilier ayant entraîné le départ des classes populaires des pôles d’activité, le budget transport atteint 20 à 25 % du budget des travailleurs payés au SMIC. À quoi bon imposer aux demandeurs d'emploi des conditions difficiles pour un salaire modique alors que le service public de l’emploi ne pourra tout simplement pas constituer une liste d’offres raisonnables, notamment dans les bassins qui connaissent des difficultés économiques ? Étant donné que les entreprises n’ont pas obligation de déclarer leurs offres au service public de l’emploi et que l’ANPE vient de perdre le monopole du placement, elle n’a pas accès à la majorité des offres, notamment pour ce qui est des cadres. Nombre d’embauches se font par des candidatures spontanées ou par internet, et les employeurs n’ont souvent recours à l’ANPE que lorsque les autres voies ont échoué. Ainsi, 20 % des nouvelles offres de l’ANPE concernent l’hôtellerie-restauration ou le bâtiment, avec beaucoup de temps partiel, des rémunérations faibles et des conditions de travail difficiles.

L’alinéa 9 de l’article premier n’a pas pour objet d’aider les chômeurs à retrouver un emploi, mais de créer une pression à la baisse sur les salaires. Dès le quatrième mois, le demandeur devra accepter une baisse de rémunération, avec une offre simplement compatible avec ses qualifications, et après un an, il n’est plus question que du niveau de revenu de remplacement. Or le débat en commission n’a pas écarté la possibilité que cela puisse être un emploi avec une rémunération inférieure au SMIC. Par ailleurs, vous n’avez pas prévu d’accompagnement du demandeur d’emploi pour l’établissement du projet personnalisé. Ce serait pourtant normal si le contenu du PPAE devait lui être opposable, de même qu’en cas de sanction. Une circulaire d’octobre 1998 prévoyait un tel accompagnement, mais elle n’est que très peu respectée.

Le système français de protection contre le chômage a été créé fin 1958. Le général de Gaulle et les partenaires sociaux l’ont fondé sur une logique assurantielle. Il prémunit chaque travailleur contre les incertitudes du marché du travail. C’est cette philosophie qui est remise en cause par le texte. L’UNEDIC est une caisse de droit privé et, jusqu’à preuve du contraire, le Gouvernement n’a jamais remis en cause le principe du revenu de remplacement assurantiel pour perte d’emploi, même si certains membres de l’UMP le font. Les droits à indemnisation sont constitués par les cotisations des salariés. Dans ce cadre, nous sommes surpris par un interventionnisme étatique auquel vous ne nous aviez guère habitués. Il n’a en fait d’autre but que de casser le niveau des salaires. Vous allez radier à tour de bras, et la pauvreté va s’accroître. Si ce projet de loi est adopté, il condamnera deux millions de nos concitoyens à la précarité. Nous ne pouvons accepter cette insécurité sociale permanente.

Cela pose une fois de plus la question du projet de société que nous souhaitons. Votre logique est d’aligner l’économie française sur ce qui se fait de pire dans le monde. Toutes les réformes, depuis 2002, ont été orientées dans ce sens, et le présent texte constitue une immense régression en termes de salaires et de conditions de travail. Cette logique est le résultat d’une erreur d’analyse : vous croyez que le salut de l’économie française nécessite la remise en cause de nos droits sociaux. Mais plus de 80 % de l’activité nationale est à l’abri de cette concurrence, et 80 % de ce que nous consommons provient de moins de 80 kilomètres alentour. Une autre logique est possible. Chacun doit pouvoir vivre décemment de son travail. L’objectif ne doit pas être de travailler toujours plus : le progrès, c’est de parvenir à un travail moins pénible. C’est une question de santé publique. Il faut créer une société équitable et solidaire, dans laquelle le salaire d’un patron ne puisse être 500 fois supérieur au SMIC. Le dogme du productivisme, avec son idéal archaïque d’une croissance toujours plus forte, est un non-sens. Nous consacrons déjà une part importante de notre activité à réparer ses dégâts sur notre santé et sur la planète. Il est plus que temps de s’interroger sur nos besoins réels. À défaut, nous courons à la catastrophe économique, sociale et écologique.

Votre ambition est bien différente : elle n’est pas de permettre aux salariés de bénéficier d’un CDI à temps plein, qui est pourtant le contrat de droit commun, mais de faire sortir les chômeurs indemnisés des statistiques – les autres ont déjà disparu, ainsi que les allocataires du RMI. Vous voulez les contraindre à accepter n’importe quel emploi, sans garantie sur sa nature, sa qualification ni sa rémunération. Pour ces raisons, les députés du groupe GDR proposent de retourner en commission pour étudier une proposition qui permette une amélioration de la situation des demandeurs d'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Mme Valérie Rosso-Debord – J’aime beaucoup vous écouter, Madame Billard, car vous me donnez toujours l’impression que nous ne vivons pas dans le même pays (Exclamations et rires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Plusieurs députés GDR – Ça, c’est certain !

Mme Valérie Rosso-Debord – Mais c’est à nous que les Français ont choisi de faire confiance. Ce projet de loi n’est pas un texte de stigmatisation, mais d’accompagnement des chômeurs. Notre axe de travail est l’intérêt des demandeurs d'emploi et la volonté de faire baisser la durée du chômage. Il faut trouver un équilibre entre rapidité du retour à l’emploi et qualité de cet emploi, car la durée du chômage est trop longue en France. Notre système n’accompagne pas assez les personnes à la recherche d’un emploi et est peu propice aux réallocations de main-d’œuvre. Il nous faut mieux protéger chacun des chômeurs, en faisant porter l’effort sur l’accompagnement personnalisé.

Vous avez avoué, Madame Billard, que vous étiez hostile à l’accompagnement personnalisé.

Plusieurs députés GDR – Pas du tout !

Mme Valérie Rosso-Debord – C’est ce que vous avez dit, et ce qui découle de votre dogme collectiviste (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Vous vous méfiez toujours des individus et de leur liberté. Vous leur préférez le groupe.

Mme Martine Billard – Quelle caricature !

M. Maxime Gremetz – Vous n’avez rien écouté !

Mme Valérie Rosso-Debord – Plus que vous, je pense. Tous ces éléments vont être très largement discutés à l’occasion des 1 500 amendements dont nous allons débattre ensemble, après le travail que nous avons déjà effectué en commission. Le groupe UMP ne se laissera pas abuser par cette motion misérabiliste en trompe-l’œil et votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  La commission des affaires culturelles s’est réunie deux fois. Elle a approuvé quarante amendements, dont vingt-deux du groupe SRC et un de Mme Billard. Le débat contradictoire a donc eu lieu. La rapporteure a procédé à une dizaine d’auditions et a recueilli plusieurs contributions écrites de la part des associations. L’avant-projet est disponible depuis six semaines. Il a été adopté par le conseil des ministres le 11 juin et par le Sénat le 25. Il ne me semble donc pas opportun de reprendre le travail en commission. Mme Billard, qui travaille beaucoup et connaît parfaitement ses dossiers, sait parfaitement que tous les pays européens, qu’ils soient libéraux, conservateurs ou sociaux-démocrates ont pris des mesures équivalentes pour accélérer le retour à l’emploi, dans l’intérêt des demandeurs d'emploi et de la croissance de leur pays.

Quant aux tensions sur le marché de l’emploi, elles existent, même si les situations sont éminemment variables.

Ce qui constitue à l’évidence une spécificité française, c’est la prolifération des structures chargées de traiter la situation des demandeurs d’emploi. Le Gouvernement s’est attaqué au problème en fusionnant l’ANPE et l’UNEDIC, mais si l’on tient compte des agences d’intérim et autres opérateurs, il est probable que le nombre d’interlocuteurs possibles reste largement au-dessus de la moyenne.

S’il est un point sur lequel je suis en accord avec Mme Billard, c’est lorsqu’elle dénonce les indemnités excessives car je les considère moi aussi comme choquantes. J’ai accueilli avec beaucoup de plaisir les déclarations de M. Obama à ce sujet, de même que celles de M. Juncker, et je sais que la Chancelière allemande envisage des mesures pour sanctionner les abus. Dans ce contexte, je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous vous fassiez notre interprète auprès du Président de la République pour lui demander de mettre à profit la présidence française de l’Union européenne pour formaliser une réaction commune contre ces dérives, à la convergence des positions américaine et européenne (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Il faut trouver des réponses socialement acceptables à ce problème (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Issindou – Merci, Monsieur le président Méhaignerie, d’avoir reconnu que Mme Billard travaillait beaucoup. Il faut aussi remarquer que, pour avoir été elle-même au chômage pendant un temps, elle sait mieux que d’autres de quoi elle parle ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC)

Autant le dire d’emblée : ce texte est bâclé. Dans notre pays, le problème de l’emploi reste majeur puisque 53 % des Français ont été, sont ou seront chômeurs. En ce domaine, l’urgence existe depuis trente ans et l’on voit mal, dès lors, pourquoi la majorité se réveille brutalement, au cœur de l’été, alors qu’elle est au pouvoir depuis plus de six ans. Quel fait nouveau justifie de présenter ce texte à la hâte, alors même qu’il n’a pas été suffisamment débattu en commission ?

Au reste, le président Méhaignerie a été extrêmement clair : nous disposons déjà de tout l’arsenal juridique nécessaire pour sanctionner les 2 % de chômeurs qui fraudent ! Dans ces conditions, est-il raisonnable de stigmatiser l’ensemble des demandeurs d’emploi alors que 98 % d’entre eux n’aspirent qu’à retrouver rapidement un travail ? Si le Gouvernement et la majorité avaient fait leur boulot depuis six ans, nous n’en serions pas là ! Il est temps de vous y mettre, Monsieur le ministre ! Même en admettant qu’il y a 500 000 emplois non pourvus dans des secteurs en tension, notre pays compte encore 1,9 million de chômeurs ; dans l’hypothèse où le problème des secteurs en tension serait résolu, cela fait encore 1,4 million de demandeurs d’emploi à accompagner, alors que le Gouvernement se révèle totalement inapte à relancer la croissance.

Dangereux, ce texte l’est aussi en ce qu’il tend à rompre l’équilibre entre droits et devoirs des demandeurs d’emploi – et je note au passage que nous préférons le terme d’ « obligations » à celui de « devoirs », car toute connotation morale est ici malvenue. Il y avait plus de droits pour les chômeurs dans le Plan d’aide au retour à l’emploi des années 2000, puisqu’il prévoyait notamment des actions de formation plus poussées sur la base d’un bilan de compétences.

À écouter le ministre, les agents du service public de l’emploi ne feraient pas leur boulot !

Mme Valérie Rosso-Debord – Pas du tout !

M. Michel Issindou – Pour avoir présidé une mission locale pendant longtemps, je puis témoigner que rien n’est plus faux. Ce qui est par contre évident, c’est qu’ils manquent cruellement de moyens. Peut-on demander à un seul conseiller de suivre en permanence 150 à 160 dossiers en même temps ?

Dans votre texte, si les nouvelles obligations qui incombent aux chômeurs sont bien finalisées, il n’en est pas du tout de même de leurs hypothétiques droits nouveaux. C’est aussi pour cela qu’il faut prendre le temps de le retravailler. M. le ministre nous dit : « La formation professionnelle, cela va venir. » Attendons de voir ! Pourquoi se précipiter ? Quant à la fusion ANPE-UNEDIC, laissons-là produire ses premiers effets. Et je ne m’attarde pas sur les négociations sur la pénibilité : manifestement, quand c’est le MEDEF qui coince, le Gouvernement est plus embarrassé !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Pas du tout.

M. Michel Issindou – Renvoyons ce texte en commission et, s’il y a lieu, reparlons-en dans six mois !

M. le Président – Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Francis Vercamer – Monsieur le ministre, j’ai trouvé votre intervention particulièrement intéressante (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Il est bon que le projet soit axé sur le retour à l’emploi et tienne compte du fait que certains demandeurs n’ont pas besoin d’un accompagnement spécifique dans la mesure où ils peuvent se débrouiller tout seuls. L’accompagnement social n’est pas toujours nécessaire et il faut toujours éviter de basculer dans l’assistanat.

J’ai écouté Mme Billard avec beaucoup d’attention et je dois dire qu’à la différence d’elle, je fais confiance au service public de l’emploi pour définir et suivre des projets personnalisés…

M. Régis Juanico – C’est le Gouvernement qui ne lui fait pas confiance !

M. Francis Vercamer – À vous entendre, les conseillers de l’ANPE ne font rien.

M. Maxime Gremetz – Caricature !

M. Francis Vercamer – Ce sont pourtant des fonctionnaires, particulièrement scrupuleux…

M. Régis Juanico – Ils sont plus nombreux aux ASSEDIC et ils ont des contrats de droit privé !

M. Francis Vercamer – Là où ce texte tape juste, c’est en proposant de traiter en priorité la situation des personnes les plus éloignées de l’emploi, plutôt que de faire de l’allocation chômage un droit de tirage (Murmures sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), au bénéfice de ceux qui ne cherchent pas réellement un emploi. Les fraudeurs grèvent les chiffres du chômage et distraient les agents du service public de l’emploi de leurs missions prioritaires.

Le groupe Nouveau centre considère que le texte a été suffisamment étudié en commission et il ne votera pas la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés SRC – Cela finit toujours de la même manière !

M. Maxime Gremetz – Madame Rosso-Debord, vous êtes une jeune députée et je vous en félicite. Mais, de grâce, ne prenez pas les mauvaises habitudes de vos anciens… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié – Surtout les vôtres !

M. Maxime Gremetz – Plutôt que de les déformer, relisez les propos de Mme Billard tels qu’ils paraîtront aux comptes rendus. Mme Billard n’a jamais dit que nous étions défavorables par principe au projet personnalisé d’accès à l’emploi. Qui peut-être opposé à tout ce qui peut faciliter un retour rapide dans l’emploi ? Ce que nous contestons, ce sont les modalités que vous proposez et les finalités sous-jacentes du dispositif.

Mme Michèle Delaunay – Exactement !

M. Maxime Gremetz – Disons, Madame Rosso-Debord, que vous avez mal entendu. Mais, rassurez-vous, cela arrive à tout le monde.

Somme toute, Mme Billard s’est montrée moins sévère que le président Méhaignerie. Monsieur Méhaignerie, ne vous êtes-vous pas demandé devant nous pourquoi on nous faisait débattre de ce texte ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission  C’est un peu schématique…

M. Maxime Gremetz – Ah bon ? N’avez-vous pas déclaré qu’il existait déjà assez de mesures pur punir les « faux chômeurs » ?

Au fond, s’il y a des fraudeurs, le pire scandale ne tient-il pas à l’existence de patrons voyous ? Est-ce moi qui ai inventé l’expression ? Le président Sarkozy n’a-t-il pas repris à son compte le concept, forgé par le président Chirac ? Qu’attendez-vous pour légiférer à ce sujet alors que les scandales industriels et financiers se multiplient et que certains s’en mettent plein les poches en toute impunité tout en continuant de licencier à tour de bras ? Las, vous ne proposez rien et vous préférez vous en prendre aux prétendus fraudeurs aux allocations chômage.

Ce texte n’est pas bienvenu. D’accord pour renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi les plus désorientés mais pourquoi proposer de nouvelles sanctions ? Votre premier objectif n’est-il pas de réduire artificiellement la statistique du chômage ?

Quelles mesures allez-vous prendre contre Goodyear qui ne respecte pas le droit français ou Whirlpool qui licencie après avoir bénéficié de fonds publics ? Cela va en créer des demandeurs d’emploi, y compris des seniors, dont on voudrait qu’ils travaillent davantage ! Nous soutenons pleinement la motion de renvoi.

À la majorité de 69 voix contre 20 sur 89 votants et 89 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.

M. Jean Mallot – Rappel au règlement, fondé sur l’article 54. Avant que nous entamions l’examen des articles, je voudrais rappeler certaines règles afin que le ministre évite de se livrer de nouveau à la dérive à laquelle nous avons assisté. Avec quelques autres, il déforme les propos des membres de l’opposition en prétendant répondre à ce que nous n’avons pas dit. La caricature, c’est chez lui qu’on la trouve.

En second lieu, parler d’obstruction, c’est nous faire un procès d’intention. Députés de l’opposition, c’est notre droit d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour défendre notre point de vue. Vous avez déjà, dans certains débats, essayé de limiter le droit d’amendement. Ce n’est pas acceptable.

M. le Président – Je ne suis pas sûr, mon cher collègue, que vous ayez fait référence au bon article du règlement.

AVANT L'ART. 1ER

Mme Martine Billard – Un certain nombre de branches ont des minima inférieurs au SMIC. Certes, celui-ci s’impose, mais cette situation a des conséquences sur l’échelle des salaires dans la branche. Sur cette question déjà ancienne, le Gouvernement, si pressé parfois de passer outre aux accords entre partenaires sociaux, va plutôt à l’allure de l’escargot endormi. Par l’amendement 1490, nous proposons donc qu’il impose des négociations salariales de branche sur les minima sociaux d’ici le 30 juin 2009.

La faiblesse des salaires est une des raisons qui limitent le retour à l’emploi. On nous dit qu’il faut aider plus ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi et régler le cas de ceux qui profitent du système. Mais pour profiter vraiment d’un système, il faut avoir une indemnité qui le permette : avec 600 ou 700 euros par mois, par les temps qui courent on ne profite pas de grand-chose. L’indemnité dépendant du dernier salaire, il faut donc avoir eu un salaire élevé. Si vous trouvez que le fait de toucher une forte indemnité n’incite pas à reprendre un emploi, proposez donc de plafonner cette indemnité ! Mais vous n’osez pas, bien sûr, vous attaquer à cette partie de l’électorat – vous préférez vous en prendre aux demandeurs d’emploi auxquels on ne propose qu’un SMIC. Il serait plus important de relever les minima de branche.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et socialesLa commission a repoussé cet amendement, qui est hors sujet. La question sera traitée dans la future loi en faveur des revenus du travail dont l’avant-projet a été présenté il y a quelques semaines.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Avis défavorable également. Le problème est traité dans le projet relatif à la conditionnalité des allègements de charge qui sera présenté au conseil des ministres cet été. J’observe que vous proposez une mesure d’autorité, qui pose d’ailleurs un problème juridique, alors que nous voulons responsabiliser les partenaires sociaux.

Mme Martine Billard – Il y a vraiment deux poids et deux mesures. Dans certains cas, vous imposez – y compris la caducité des accords en cours. Mais quand cela ne vous arrange pas, ou que le MEDEF ne le demande pas, vous incitez…

L'amendement 1490, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionel Tardy – La loi du 13 février 2008 portant réforme de l’organisation du service public de l’emploi a remplacé le Conseil supérieur de l’emploi par un Conseil national de l’emploi qui coordonne l’action des services de l’État, de France Emploi et de l’AFPA. L’existence d’un organisme de coordination est une très bonne chose, à condition qu’il couvre l’ensemble des intervenants. Or, ce n’est pas le cas pour les instances consultatives, et en particulier pour le Conseil d’orientation pour l’emploi. Créé en 2005 par décret, celui-ci est chargé de missions, notamment de prospective, dont certaines sont redondantes avec celles du nouveau Conseil supérieur. La meilleure solution serait de les fusionner, car le Conseil d’orientation coûte 800 000 euros par an pour une activité assez limitée même si elle est de qualité – trois rapports, trois avis et un colloque. Notre amendement 17 est un appel à la rationalisation.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteureLa commission a repoussé cet amendement. Des organismes comme les syndicats étant représentés dans les deux conseils, il n’a pas paru nécessaire de créer un niveau supplémentaire de coordination.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Le Gouvernement s’est engagé dans la voie de la rationalisation des organismes consultatifs. Mais, s’agissant du Conseil d’orientation pour l’emploi, je préférerais le retrait de l’amendement, tout en m’engageant à faire un travail de rationalisation. En effet il a un rôle prospectif très important alors que le conseil national a un rôle opérationnel. Lors de la réforme du service public de l’emploi, nous avons justement préservé ce rôle. Je suis donc bien d’accord pour éviter la multiplication des comités Théodule, mais en l’espèce nous avons besoin de cet organe prospectif.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission  M. Tardy pose une vraie question. Nos politiques publiques ne manquent pas de moyens, mais sont victimes d’un empilement de structures et de la complexité des procédures, qui font fuir nombre d’entreprises étrangères. Comprendre la politique de l’emploi, pour un citoyen, relève de la mission impossible. Monsieur le ministre, vous avez pris un engagement. J’espère que vous allez le mettre en œuvre car il y a beaucoup à faire, s’agissant de la politique de l’emploi.

L’amendement 17 est retiré.

Mme Martine Billard – L’amendement 1491 crée une « taxe de précarité ». Beaucoup d’entreprises utilisent tous les emplois précaires possible, ce qui concourt à la dégradation des conditions de travail et à l’appauvrissement des salariés. De plus, le financement des aides à ces salariés précaires pèse sur les autres salariés ou sur la solidarité nationale. Il serait donc équitable que les entreprises de plus de onze salariés qui recourent beaucoup au travail précaire soient soumises à cette taxe.

On ne peut pas se contenter d’expliquer que les demandeurs d’emploi ont des devoirs vis-à-vis des salariés – qui ne comprennent pas que les chômeurs « profitent du système », comme disent certains – sans exiger le même comportement des entreprises. Il n’est pas normal que certaines d’entre elles aient un comportement prédateur sur le marché du travail.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – La commission n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis défavorable à titre personnel. Le Gouvernement a déjà fait beaucoup pour lutter contre le travail précaire. Le CDI est la forme normale et générale du contrat de travail, dites-vous dans votre exposé sommaire. Permettez-moi de vous rappeler que c’est notre majorité qui a inscrit cette formule dans le code du travail en votant la loi de modernisation du marché du travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Même avis. Cet amendement pose une vraie question, mais je ne suis pas sûr que le dispositif proposé soit la meilleure façon d’y répondre. Il faut bien sûr lutter contre les différentes formes de travail précaire et veiller à ce que la croissance de l’emploi se fonde sur des emplois durables. Mais ne cédons pas à la caricature, notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi. Il y a du temps partiel subi, mais il y a aussi du temps partiel choisi – je pense aux seniors qui souhaitent finir leur carrière en aménageant leur temps de travail, ou aux jeunes parents. J’ai récemment rencontré, lors d’une visite à l’ANPE de Lille, un demandeur d’emploi qui souhaitait un temps partiel pour des raisons familiales.

Par ailleurs, les CDD jouent un rôle important pour l’insertion des jeunes dans l’emploi. Plusieurs études de l’INSEE l’ont montré.

S’il faut lutter contre la précarisation de l’emploi, la toise ne doit pas être uniforme : cela aboutirait à supprimer des temps partiels choisis et le rôle d’insertion que jouent les CDD. Les partenaires sociaux eux-mêmes ont reconnu dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier que même si le CDI demeurait l’objectif, il fallait maintenir la possibilité de recourir aux CDD et aux contrats de travail temporaire.

M. Jean Mallot – Mme Dalloz a la mémoire courte. N’a-t-elle pas participé à nos débats sur la loi de modernisation du marché du travail, qui transcrivait notamment l’ANI du 11 janvier – bien plus ardemment, comme nous l’avons dit alors, pour sa partie relative à la flexibilité que pour celle relative à la sécurité ? Elle attribue la paternité de la disposition de cette loi qui fait du CDI « la forme normale et générale du contrat de travail » à l’UMP ; mais faut-il lui rappeler que c’est grâce à nos amendements que l’intégralité de la formule de l’ANI a été reprise ? En effet, le projet du Gouvernement disposait seulement que le CDI était « la forme normale » du contrat de travail. Compléter cette disposition nous a semblé nécessaire compte tenu des nombreuses mesures de cette loi – rupture conventionnelle, contrat à objet défini – qui amélioraient la flexibilité du marché du travail.

M. Francis Vercamer – Tout le monde avait déposé cet amendement !

M. Jean Mallot – Pas l’UMP.

M. Maxime Gremetz – Il y a là un vrai problème. On trouve tout de même des entreprises – dont j’ai déjà parlé – qui s’apprêtent à licencier, mais emploient 200 intérimaires en l’absence de tout pic de production. Je suis sans arrêt obligé d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur ce qui s’y passe ! Rien d’étonnant à ce que la Picardie soit en tête des régions françaises pour le taux de travail précaire.

Je ne partage cependant pas la position de Mme Billard. Mieux vaut renforcer le code du travail pour mieux empêcher ces entreprises de prendre des intérimaires à tout va et de renouveler sans fin les contrats précaires.

La proposition de ma collègue relève de la même approche que l’obligation d’embaucher 6 % de travailleurs handicapés : l’intention est louable, mais les entreprises préfèrent payer plutôt que d’appliquer ce quota. Je ne crois pas à ce type de dispositif. Là encore, les entreprises payeront pour pouvoir continuer à faire ce qu’elles veulent.

L'amendement 1491, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 11 heures 10, est reprise à 11 heures 15.

ART. 1ER

M. Jean Mallot – Les amendements 24 et 31 à 51 tendent à supprimer l’article. Plusieurs orateurs, issus notamment de l’opposition, l’ont souligné au cours de la discussion générale : ce texte ne traite pas les problèmes actuels du monde du travail, car il instaure un mode de sanction des demandeurs d’emploi, alors que si les salariés sont au chômage, c’est parce qu’il y a moins d’emplois disponibles que de personnes pour les occuper.

Ainsi, selon les statistiques de l’ANPE, le nombre d’offres d’emploi a baissé au premier trimestre 2008, pour la première fois depuis 2006, mais les demandes ont augmenté de 1,6 % : l’écart se creuse. En outre, selon l’ACOSS, la croissance des intentions d’embauche de plus d’un mois a fléchi au second trimestre et ne dépasse pas 2,8 % en un an. Selon la dépêche de l’AFP qui fait état de ces statistiques – c’est-à-dire selon la presse indépendante…

M. Régis Juanico – M. Lefebvre va faire un communiqué pour dénoncer cela ! (Sourires)

M. Jean Mallot – …c’est dans la moitié ouest de la France que les embauches de plus d’un mois sont les plus dynamiques. Vous prétendez définir l’offre raisonnable en fonction de la situation du chômeur, alors que le nombre d’emplois disponibles et les chances de retrouver un emploi varient selon les bassins d’emploi ! Cette inégalité de traitement compliquera l’application de votre dispositif, entraînera des injustices et donnera lieu à des contentieux.

M. Régis Juanico – À nos yeux, la priorité, pour les demandeurs d’emploi, est de retrouver un emploi de qualité : voilà ce qui nous sépare de la majorité et du Gouvernement. M. le ministre niait en début de séance que l’amélioration des chiffres du chômage implique une hausse de la précarité : il est l’un des seuls à le faire dans notre pays, puisque tous les économistes sérieux – issus de l’IRES, de l’OFCE ou du CEE – affirment le contraire !

55 % des emplois que retrouvent les chômeurs indemnisés sont des CDD ou des contrats d’intérim. Le nombre de ces contrats temporaires est passé de 5 à 25 % de l’emploi salarié en vingt ans et de 10 à 15 % depuis les années 1990 ! Monsieur le ministre, cette situation n’a pas changé depuis que vous êtes au Gouvernement ; irez-vous jusqu’à soutenir que les emplois précaires sont de moins en moins nombreux ? L’emploi à temps partiel est passé, en dix ans, de 12 à 17 % de l’emploi salarié ; au sein des 350 000 emplois créés en 2007, le nombre de journées d’intérim atteint 2 millions – record historique !

Quant à l’accompagnement et au suivi individualisé, auxquels est consacré l’article 1er, Mme Rosso-Debord nous en a proposé hier soir une version pour enfants ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) À l’entendre, tout irait bien…

Mme Valérie Rosso-Debord – Cela ne fait que commencer. Laissez donc une chance au dispositif !

M. Régis Juanico – L’accompagnement personnalisé n’est pas nouveau : il a été instauré en 2001 sous la forme du plan d’aide au retour à l’emploi. Le service public de l’emploi en a donc l’expérience. Mais, dans une étude fort intéressante publiée en juin, la CFDT se montre très critique à l’égard du suivi mensuel personnalisé instauré en 2006 : les plannings des conseillers de l’ANPE, en nombre insuffisant pour suivre les demandeurs d’emploi, seraient surchargés. De fait, comment assurer ce suivi lorsque l’on enchaîne, comme le rappelait Mme Billard, onze rendez-vous de dix-neuf minutes chacun ? Vous n’avez pas conscience des réalités : il y a huit mois, Mme Lagarde a soutenu devant les membres de la commission des affaires culturelles – estomaqués, qu’ils soient de droite ou de gauche – qu’un conseiller de l’ANPE s’occupait en moyenne de 60 demandeurs d’emploi ! Comme le lui ont répondu ceux d’entre nous qui connaissent le terrain, le chiffre est en réalité de 120 ou 130 demandeurs. Il y a donc un problème de moyens.

Nous sommes d’accord avec vous : il faut tout faire pour que les chômeurs retrouvent le plus vite possible un emploi. Mais leur situation n’est pas identique et pour certains, qui rencontrent plus de difficultés que d’autres, cela peut prendre un peu de temps. Or ce projet traite tous les chômeurs de la même manière, les soumettant tous à l’épée de Damoclès que constitue l’« offre raisonnable » (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP), alors que ceux d’entre eux qui sont en difficulté devraient pouvoir bénéficier d’un parcours de formation.

M. Michel Issindou – Il y a beaucoup à dire sur cet article, qui constitue le cœur du projet et nous semble particulièrement dangereux. Le film commence bien, donnant au demandeur l’impression que l’on va s’occuper de lui et bâtir avec lui un projet personnalisé… avant de le livrer à lui-même et de ne lui imposer que des obligations ! La relation entre celui qui vient solliciter un emploi et celui qui en possède un n’étant pas égale, le projet ne peut que défavoriser le premier. Comme l’a dit M. Gille, celui-ci entre dans la nasse : une fois le projet signé, tout se complique. « Dites-moi ce que vous savez faire et je vous trouverai quelque chose qui vous intéressera », lui a-t-on dit ; mais avec le temps, faute d’emploi disponible, le scénario change. Nous le constatons dans nos permanences : même dans le secrétariat, ou dans d’autres secteurs traditionnels, l’ANPE ne propose rien ! Vous méconnaissez cette réalité.

Les articles suivants organisent une descente progressive aux enfers : les trois premiers mois, il ne se passe pas grand-chose ; au bout de six mois, le projet est requalifié et la compétence initiale gommée. « Vous vouliez être secrétaire dans une entreprise ? Il n’y a pas d’emploi de secrétaire, voyons ce que vous savez faire d’autre ».

M. Régis Juanico – Secrétaire d’État, par exemple ! (Rires)

M. Michel Issindou – C’est en effet un beau métier…

Mme Valérie Rosso-Debord – Ce n’est pas un métier !

M. Michel Issindou – Et s’il n’y a pas d’emploi près du domicile du demandeur, on l’envoie plus loin ; mais un trajet quotidien de 60 kilomètres en voiture revenant à 820 euros par mois, que restera-t-il pour vivre à quelqu’un qui gagne le SMIC ?

Enfin, au bout de douze mois, le demandeur n’a plus droit à rien et est obligé d’accepter n’importe quoi. Vous affirmez le contraire et vous vous montrez rassurant, prétendant par exemple que nul ne sera forcé d’accepter un CDD ; mais le manque chronique d’emplois, que tous s’accordent à reconnaître, obligera les demandeurs, au fil des actualisations successives de leur projet, à accepter un emploi dans les secteurs qui en proposent, c’est-à-dire dans les métiers sous tension ! Pourquoi les employeurs de ces secteurs se précipiteraient-ils ? Ils pourront embaucher dans les conditions les plus défavorables, au SMIC, les demandeurs qui viendront à eux une fois les douze mois écoulés pour ne pas être radiés. Si respectables que soient ces métiers, le renouvellement constant du personnel n’y est pas dû au hasard – contrairement à ce que vous disiez hier soir, Monsieur le ministre. Ceux qui connaissent l’hôtellerie ou la restauration en témoigneront !

Telles sont les raisons de notre opposition à cet article, qui durcit les conditions imposées aux demandeurs d’emploi.

M. Jean-Patrick Gille – Je souhaiterais des précisions sur le statut juridique et les conséquences de la généralisation du parcours personnalisé d’accès à l’emploi.

Monsieur le ministre, vous êtes revenu sur ceux qui abuseraient de l’assurance chômage. Si tel est le problème, il aurait plutôt fallu demander aux partenaires sociaux d’envisager une forme de dégressivité, car la question est de leur ressort. Depuis 2000, ils ont fait le choix de contractualiser le retour à l’emploi. La tentative a avorté à cause des incertitudes juridiques, et nous en sommes restés à une version intermédiaire, avec le PAP, qui a ensuite été généralisé sous la forme du PPAE. L’outil ne fonctionne pas très bien, faute pour l’ANPE de disposer des moyens nécessaires, mais aussi d’une culture appropriée, puisqu’elle continue de pratiquer des accueils de groupe ou, lorsqu’elle assure un suivi individualisé, le fait souvent par téléphone.

Vous faites à présent du PPAE une obligation légale. Le demandeur d’emploi sera ainsi obligé de souscrire un contrat par lequel il s’engage à réduire ses prétentions au fil du temps. Il y a là un problème juridique : peut-on obliger quelqu’un à signer un tel contrat sous la menace de perdre le bénéfice de services et d’indemnités pour lesquels il a cotisé ? C’est votre bataille idéologique pour passer du régime assurantiel à celui de l’assistance, dans lequel chacun aura le sentiment de bénéficier de l’assistance de la collectivité publique, oubliant qu’il a lui-même cotisé au cours de son activité.

Je souhaiterais en outre des précisions concernant l’élargissement de l’élaboration du PPAE aux co-traitants ainsi que les litiges auxquels pourront donner lieu les négociations entre le demandeur d’emploi, d’une part, et l’agent de l’ANPE ou, demain, de l’organisme privé responsable, d’autre part : devant quelle juridiction auront lieu ces contentieux ?

Mme Catherine Lemorton – Monsieur le ministre, vous avez été choqué de ce que j’ai dit sur les tracteurs en milieu rural. Je pensais pourtant emprunter la voie ouverte par Mme Lagarde, qui a préconisé le vélo comme alternative à l’augmentation du prix des produits pétroliers !

Ce projet de loi entraînera de fait du dumping social. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’être chômeur pour le subir. Lorsqu’hier, M. Gremetz a évoqué la situation des 400 salariés de Goodyear qui se retrouvent sur le carreau, nos collègues de la majorité ont ri ! Ces salariés ont fait grève, avec l’énergie du désespoir, parce que leur employeur les plaçait devant le dilemme cornélien de l’emploi contre le travail au 4 x 8. En proposant ce type de modification aux contrats, l’entreprise pratique du dumping social !

Ce projet vise à répondre aux besoins des secteurs en tension. Or, les services à la personne sont bien un tel secteur, et pourtant les offres d’emploi sont rarement des CDI de 35 heures sur le même lieu de travail. Comment ces personnes n’auraient-elles que deux heures de trajet aller-retour ? Cela ne peut concerner que les milieux que vous fréquentez et auxquels vous avez accordés le cadeau fiscal de 15 milliards !

Enfin, ce texte concerne, selon vous, une minorité de 1 à 2 % de demandeurs d’emploi, or nous bénéficions déjà des outils réglementaires pour réguler ces personnes. M. Méhaignerie nous a même dit en aparté que ce projet ne changerait pas grand-chose. Pourquoi perdre notre temps ?

M. Marc Dolez – Monsieur le ministre, je vous reconnais un réel savoir-faire de communication pour présenter un texte inutile, dangereux et inacceptable. Ce texte, qui vise en réalité à stigmatiser les demandeurs d’emploi, repose sur le postulat que ce sont les chômeurs qui ne feraient pas tout ce qu’il faudrait pour être embauchés. Vous voulez faire croire que les demandeurs d’emploi se complaisent dans le chômage, tandis que le Gouvernement ne voudrait que leur bien et que les entreprises leur tendraient les bras. Dans votre logique libérale, le chômeur est lui-même responsable de sa situation. Votre texte s’attaque aux chômeurs, non au chômage !

M. Jean-Patrick Gille – Eh oui !

M. Marc Dolez – La meilleure façon de s’attaquer au chômage, c’est de favoriser la création d’emplois là où il y a des besoins ; or, votre politique, prise dans son ensemble, tourne le dos à cette préoccupation.

Vous faites l’amalgame entre la fraude, pratiquée par une infime minorité, et le refus d’accepter un emploi. Les demandeurs d’emploi qualifiés et diplômés, qui ont consenti de gros efforts pour acquérir les compétences professionnelles nécessaires, seront particulièrement touchés, car ils devront accepter n’importe quel travail, à n’importe quel prix.

En outre, ce texte est destiné à faire pression sur l’ensemble du salariat afin de faire baisser artificiellement le chômage, parce qu’il va peser à la baisse sur les salaires. C’est, sous couvert de bon sens, un texte de classe, dirigé contre les demandeurs d’emploi et les salariés. Nous sommes solidaires de ceux-ci ; ils sont victimes, et non acteurs, du système.

CONVOCATION DU CONGRÈS

M. le Président – Le Président de la République a fait savoir au Président de l'Assemblée nationale qu’il avait convoqué le Congrès du Parlement le lundi 21 juillet, afin de lui soumettre le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions. Le Congrès sera convoqué à Versailles, à 15 heures 30. Il est donné acte de cette convocation.

DROITS ET DEVOIRS DES DEMANDEURS D’EMPLOI (suite)

ARTICLE PREMIER (suite)

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Selon les propres chiffres du Gouvernement, il y a 50 000 offres d’emploi pour 1,9 million de demandeurs. Comment les autres – 1,4 million ! – pourront-ils échapper à des sanctions ? Un suivi adéquat des demandeurs d’emploi pourrait porter ses fruits. Cela suppose d’y consacrer les moyens humains nécessaires : voilà qui serait bien plus efficace que de renforcer les sanctions !

On reproche au Parlement de trop légiférer. Et soudain, on introduit un dispositif très lourd dans le code du travail, qu’une ordonnance de mars 2007 vise pourtant à alléger. La mesure relative aux déplacements me paraît pourtant ne pas devoir entrer dans ce cadre. Quant à la sanction, elle est malvenue.

Mme Létard a récemment rappelé que le temps partiel concernait les femmes à 90 %, et qu’un tiers d’entre elles ne l’ont pas choisi. Aidez-les à retrouver un emploi à temps plein ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – La loi est une chose, son applicabilité en est une autre – pas moins importante. Cela étant, soyons francs : nul n’ignore que la fraude à l’assurance chômage existe, de même que la fraude au RMI ! M. Guérini, président du conseil général des Bouches du Rhône, n’est-il pas le champion de la lutte contre les faux RMistes ? Assez de caricatures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Dolez – C’est insupportable !

M. le Président – Nous en venons aux amendements.

M. Michel Issindou – L’amendement 24 tend à supprimer l’article premier, bien trop précoce puisque l’accord national interprofessionnel n’est pas encore mis en œuvre.

La loi du 25 juin dernier, trop préoccupée de flexibilité, négligeait les mesures de sécurisation de l’emploi. Vous renvoyez ce volet à la nouvelle convention UNEDIC, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à la négociation en matière de formation. En attendant, vous introduisez un engagement réciproque : soit. Ainsi, le nouveau service public de l’emploi s’engagera à tout mettre en œuvre pour accompagner le demandeur d’emploi. Pourquoi, néanmoins, confondre de la sorte vitesse et précipitation ? Attendez au moins que la fusion soit accomplie !

Quant à la notion d’« offre raisonnable », elle ne peut masquer le fait qu’en l’absence de croissance économique, les emplois quels qu’ils soient sont en nombre insuffisant. Certaines agences ne pourront pas même proposer deux offres à chacun des demandeurs ! Ce texte n’aura aucun effet sur l’emploi, même s’il résoudra certains problèmes marginaux – la fraude n’est rien de plus que cela.

Le demandeur d’emploi, quant à lui, sera tenu d’accepter toute offre, même précaire, au risque de voir sa situation se dégrader. L’article 1er est culpabilisateur, car il laisse entendre que les chômeurs ne s’activent pas assez dans leur recherche d’emploi, voire, pour certains, qu’ils fraudent. Au contraire : la situation de l’emploi est mauvaise, et l’offre ne correspond pas à la demande. Hélas, cette réforme ne fera qu’aggraver la précarité de l’emploi en augmentant la rotation des postes, au détriment de l’épanouissement des travailleurs. Le chômage n’est pas une tare ; c’est un drame ! Nous voulons garantir à chacun le libre de choix de son emploi et de sa formation.

M. Jean Mallot – En commission, le président Méhaignerie a observé que les textes en vigueur n’étaient guère appliqués, ce qui lui a valu les applaudissements des commissaires socialistes, tandis que M. Perrut s’est félicité que ce texte renforce les mesures de radiation et de sanction – c’est précisément ce que nous lui reprochons ! Sans doute pour se rabibocher avec ses collègues de l’UMP, M. Méhaignerie vient d’intervenir sur la fraude au RMI. En 1993 déjà, certains de nos collègues s’étaient emparés de la question dans un rapport qui le tarda pas à faire pschitt : en réalité, la fraude ne concerne pas plus de 3 % des chômeurs, et encore s’agit-il pour les deux tiers de personnes qui touchent une aide d’une autre nature – l’AAH, par exemple. Ainsi, seuls 1 % des chômeurs sont de vrais fraudeurs !

M. Marc Dolez – Très bien.

M. Jean Mallot – L’association « Solidarités nouvelles face au chômage » nous demande de différer l’examen de ce texte, en attendant la nouvelle offre de service par le futur opérateur unique. La priorité, souligne-t-elle, doit être donnée à l’offre d’emplois de qualité et en nombre suffisant, plutôt qu’au renforcement des sanctions. À défaut de faire des réformes efficaces, respectez-en au moins la cohérence chronologique ! Ladite association juge, à raison, que les travailleurs ne doivent pas être contraints d’accepter des offres qui leur imposent un temps de trajet supérieur à un certain pourcentage de leur temps de travail, non plus qu’à des frais supérieurs à un certain pourcentage de leur rémunération. Le coût des transports érode parfois largement le salaire : on travaille plus, mais on gagne moins !

Nous déplorons que vous n’ayez pas tenu vos engagements en matière de dialogue social : les syndicats n’ont pas pu se prononcer sur ce texte, et les négociations prévues par l’ANI n’ont pas eu lieu. Il importe donc de supprimer l’article 1er.

M. Jean-Patrick Gille – L’engagement réciproque prévu par le PPAE est-il un contrat ? Si oui, par qui sera-t-il signé ? Le demandeur d’emploi pourra-t-il être assisté lors de la négociation ? En cas de litige, s’il n’est pas parvenu à un accord, quelles seront ses possibilités de recours ? Repousseront-elles d’autant le déclenchement des mesures ? Et si le PPAE n’est pas un contrat, comment pourra-t-il être signé avec un cotraitant du service public de l’emploi, une mission locale par exemple ? Vous n’avez pas discuté du dispositif avec le réseau des missions locales. Comment un cotraitant, organisme privé, pourra-t-il déclencher la procédure de sanction ? Tant que nous n’aurons pas de réponses, le texte restera inapplicable. En tout cas, il multipliera les litiges, sans qu’on sache en outre quelle instance doit les traiter. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Monsieur le président de la commission, et malgré tout le respect que j’ai pour vous, je suis choquée de voir sans cesse pointer du doigt les chômeurs alors que les fraudeurs ne représenteraient que 3 ou 4 % d’entre eux. Faut-il faire une loi pour 4 % de 1,9 million de personnes ? Ne pourrait-on pas plutôt s’efforcer de respecter ces gens qui souffrent ? Vous avez tous eu des mandats locaux et avez tous siégé en commission locale d’insertion. Vous avez vu ces gens cassés par des années de chômage, parfois en larmes. Vous ne pouvez pas dire qu’ils ne recherchent pas d’emploi. J’ajoute qu’il serait souhaitable de parler d’ « allocataires » – du RMI, du RMA, du RSA – plutôt que de « RMistes », ce qui revient à les pointer du doigt. Ce sont des personnes humaines.

Au premier trimestre de cette année, les offres d’emploi collectées par l’ANPE ont diminué de 3,3 % par rapport au trimestre précédent, et le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 1,6 %. L’écart se creuse, et les chômeurs auront encore plus de difficultés à retrouver un emploi. Il y a un an, nous travaillions ici sur le projet de loi TEPA, supposé faire reprendre la croissance. Un an plus tard, on sait que la croissance n’est pas au rendez-vous. Or, l’emploi ne peut pas reprendre sans la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Catherine Lemorton – Le Gouvernement semble atteint d’une nouvelle variété de trouble obsessionnel compulsif : le TOC à la fraude sociale. Il élabore une politique générale en s’appuyant sur 1 ou 2 % de personnes, en passant sur tout ce que cela entraîne en matière de dumping social, d’irrespect et pour finir d’indignité. C’est pourquoi nous demandons le retrait de cet article.

Mme Aurélie Filippetti – Il est bien difficile, dans notre beau pays, d’être un jeune qui débute dans la vie : on ne peut pas tomber amoureux d’un étranger sans être soupçonné de faux mariage, habiter un HLM sans être un faux bénéficiaire de logement social, chercher un emploi sans être un faux chômeur et tomber malade sans bénéficier de faux congés maladie… Qu’est-ce que c’est que cette paranoïa ?

Ce texte, que vous présentez comme équilibré, repose sur ce que Bourdieu appellerait la révolution néo-conservatrice. Vous voulez restaurer le passé tout en vous présentant comme progressistes. Vous rendez les chômeurs responsables de leur situation. C’est un discours de stigmatisation, bien loin de l’accompagnement des chômeurs. Il repose sur les théories du chômage volontaire, des trappes à inactivité et sur tous ces concepts ultralibéraux qui ne reposent sur aucune vérité statistique, puisque même le directeur de l’ANPE reconnaît que la fraude au chômage est extrêmement limitée. L’urgence, pour vous, n’est pas d’améliorer le service public de l’emploi mais de renforcer la lutte contre la fraude. Que n’employez-vous la même énergie contre la fraude fiscale ! Mais dans ce domaine, vous préférez compatir avec les gens qui n’osent pas demander à bénéficier du bouclier fiscal parce qu’ils auraient peur d’un contrôle…

Vous voulez amoindrir les solidarités professionnelles et déconstruire méthodiquement les protections des salariés – c’est une véritable vente à la découpe du droit du travail (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Rosso-Debord – Hors sujet !

Mme Aurélie Filippetti – Vous voulez affaiblir la position du salarié et le laisser seul face à son employeur.

Mme Valérie Rosso-Debord – Que n’étiez-vous là hier soir ? C’est un débat d’amendements, pas une session de rattrapage !

Mme Aurélie Filippetti – Vous transformez la régression en progrès par un simple effet dialectique. Les effets, eux, sont bien réels : la paupérisation, la précarisation des gens qui ont le malheur d’être au chômage, bien qu’ils se battent tous les jours pour s’en sortir. Ce projet de loi aurait dû être examiné après l’adoption des réformes de la formation professionnelle, de l’ANPE et de l’insertion professionnelle. Les devoirs que vous imposez sont la contrepartie de nouveaux droits – que l’on cherche toujours !

L’un des principaux objectifs de ce texte est de fournir de la main-d’œuvre bon marché à des secteurs sous tension. Mais c’est de main-d’œuvre qualifiée qu’ils ont besoin, pas de main-d’œuvre bon marché !

M. Lionel Tardy – On n’est plus dans la discussion générale !

Mme Aurélie Filippetti – Plutôt que de vous attaquer au chômage en profondeur, vous voulez exonérer les entreprises de leurs responsabilités. Vous ignorez totalement les questions de gestion prévisionnelle des emplois, de formation et de prévention de la précarité, qui ont été sous-évalués dans une entreprise comme Arcelor-Mittal à Gandrange pendant des années, d’où le licenciement de 775 personnes.

D’après une enquête de la DARES…

M. le Président – Il faut conclure, chère collègue.

Mme Aurélie Filippetti – …seuls 2 % des chômeurs ne souhaitent pas travailler à nouveau, le plus souvent pour des raisons de santé. Qui plus est, la majorité des chômeurs sont déjà prêts à faire des concessions.

Ce texte n’est qu’une stigmatisation, voire une criminalisation des chômeurs et de la pauvreté. Il s’inscrit dans votre logique de précarisation de l’ensemble de la société française.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – La commission a rejeté ces amendements de suppression.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – J’ose espérer que la discussion pourra prendre un tour un peu plus constructif. C’est ce que voulait M. Mallot, mais peut-être a-t-il déjà renoncé puisqu’il a quitté l’hémicycle. Je voudrais d’abord assurer à Mmes Lemorton et Filipetti qu’elles ne sont pas une obsession compulsive du Gouvernement – ni un TOC, ni même une tocade. Je regrette que Mme Filipetti n’ait pas assisté à la discussion générale, puisque beaucoup des thèmes qu’elle a évoqués y ont été traités.

Mme Aurélie Filippetti – J’ai un vrai congé de maladie !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Mais je fais le pari que vous parviendrez à résister à la caricature compulsive. Je vais donc vous répondre en m’en tenant le plus possible aux faits, en espérant nous orienter ainsi vers un débat plus à la hauteur de ce que mérite l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Protestations sur les bancs du groupe SRC). Pour répondre à M. Juanico sur l’évolution du marché de l’emploi, nous comptions 77 % de CDI à la fin du premier trimestre 2006 et 77,2 % à la fin de l’année 2007. La proportion est donc stable – je parle en stocks, ainsi que je l’avais annoncé. La part des emplois à temps complet est également restée constante sur cette période, à 82,8 %, ce qui place la France dans la meilleure moitié de l’Union européenne.

Plusieurs d’entre vous pensent, comme M. Issindou, qu’il n’y a pas d’emploi et qu’il n’y a donc rien à faire contre le chômage (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il est vrai qu’il n’y a pas assez d’emplois, mais cela ne doit pas être présenté comme une « dégradation » de la situation puisque nous connaissons aujourd’hui notre meilleur taux de chômage depuis vingt ans. Ce qui ne nous empêche naturellement pas de rester préoccupés et vigilants.

Le problème, c’est que dans un même bassin d’emploi, il peut y avoir des salariés dans l’impasse après avoir été licenciés et des secteurs où l’on n’arrive pas à recruter, notamment dans les services à la personne ou dans la santé. C’est pourquoi nous faisons tout pour pousser à l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi.

M. Régis Juanico – Mais vous savez bien qu’il faut du temps pour se reconvertir.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Certes, mais le fait de se donner du temps peut être à double tranchant : d’accord pour prendre le temps de se reconvertir mais attention à ne pas basculer dans le chômage de longue durée !

Je ne conteste pas que le PARE ait constitué une première étape dans la voie de l’accompagnement personnalisé. Mais il faut rappeler que son principal défaut était d’être réservé aux seuls chômeurs indemnisés, soit aux demandeurs les moins éloignés de l’emploi. Notre ambition est d’étendre le suivi personnalisé à tous.

Quant à la diatribe de la CFDT contre l’ANPE, je la trouve particulièrement injuste. Dans le Nord Pas-de-Calais, les agents de l’ANPE ont accompli d’énormes efforts et cela mérite d’être salué. Les effectifs de l’ensemble du service public de l’emploi mobilisés sur l’accompagnement personnalisé et le suivi mensuel sont passés de 17 000 au moment du lancement du PARE, en 2000, à 26 000 aujourd’hui. L’effort de mise à niveau a donc été conséquent.

M. Michel Issindou – Mais cela ne marche pas !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Bien sûr que si ! Voyez la situation des seniors. Depuis le 1er janvier, le taux de retour dans l’emploi des seniors a progressé de 20 %...

Mme Marisol Touraine – Sur combien d’intéressés ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Tous les seniors sont concernés, puisque tous font l’objet d’un accompagnement personnalisé. Mais comme l’a dit M. Vercamer, nous devons être attentifs à cibler en priorité ceux qui rencontrent les plus vives difficultés pour revenir dans l’emploi, comme l’ont fait le Danemark et l’Espagne de M. Zapatero.

Oui, la relation entre le demandeur d’emploi et le service public est forcément inégalitaire, dans la mesure où tout chômeur est aussi une victime. Mais cela empêche-t-il un conseiller de tendre la main à celui qui s’adresse à lui, une fois le partage des responsabilités clairement établi ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Vercamer – Je suis un peu surpris de la manière dont le groupe SRC argumente sa demande de supprimer l’article premier. Cela fait plus de six ans que je suis attentivement tous les textes relatifs à l’emploi et s’il est bien une constante, c’est qu’il faut privilégier l’accompagnement personnalisé, seul à même de sortir du chômage les personnes les plus éloignées de l’emploi. Supprimer l’article premier, chers collègues de l’opposition, c’est supprimer le projet personnalisé d’accès à l’emploi sur lequel se fonde toute la démarche de recherche d’emploi. Les plus pénalisés seraient les plus précaires. Le groupe Nouveau centre défendra des amendements pour améliorer cet article mais il serait à ses yeux inconséquent de le supprimer.

Les amendements 24 et 31 à 51, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Monsieur le ministre, vous avez raison d’insister sur l’importance du suivi personnalisé pour tous les demandeurs d’emploi mais vous ne pouvez pas ignorer qu’il faut du temps pour que cela porte ses fruits. Après la fermeture brutale de La Samaritaine, le groupe LVMH a fait des efforts indéniables pour qu’aucun des 750 salariés directs de l’enseigne ne reste sur le carreau. Mais il a fallu deux ans pour qu’une solution – qui a souvent consisté en un départ à la retraite très précoce – soit trouvée pour chacun d’entre eux, même dans un bassin d’emploi aussi large que celui de l’Île-de-France. Dès lors, envisager de sanctionner les demandeurs d’emploi au bout de trois mois est parfaitement irréaliste.

Notre amendement 1472 demande que tout demandeur d’emploi puisse bénéficier d’un accompagnement dans sa recherche d’emploi, qu’il soit ou non indemnisé. M. Wauquiez a critiqué le PARE en rappelant qu’il était réservé aux seuls chômeurs indemnisés : rien, dans le présent texte, ne dit explicitement qu’il n’en sera pas de même pour le PPAE. Dans la file d’attente des chômeurs, ne risque-t-on pas de donner la priorité à ceux qui sont le moins loin de l’emploi, ne serait-ce que parce qu’il semble plus facile de les réinsérer ? Notre amendement vise à ce qu’on n’aide pas en dernier ceux qui en ont le plus besoin !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – Défavorable, car cette précision est inutile. Dans le cadre de la fusion ANPE-ASSEDIC, il est déjà prévu d’apporter de l’aide à tous les demandeurs d’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Même avis. L’effet juridique de la précision que vous demandez serait sans doute pervers. Dire à cet endroit précis que tout demandeur d’emploi bénéficie d’un accompagnement, c’est sous-entendre que tel ne sera pas le cas dans tous les articles du code qui ne le précisent pas expressément. Or, le but est bien de généraliser l’accompagnement. L’intention est louable mais attention aux effets collatéraux, parfois corrosifs !

M. Jean-Patrick Gille – Permettez-moi d’insister un peu car les interventions de M. le ministre ne me semblent pas d’une constance absolue ! Vous avez déclaré d’abord qu’il n’y aurait plus d’inscription possible au chômage sans conclusion d’un PPAE – auquel vous conférez une valeur légale. Puis, voici dix minutes, vous avez admis qu’il ne serait sans doute pas matériellement possible d’en formaliser un avec chaque demandeur d’emploi et qu’il était envisagé de sous-traiter le suivi avec des opérateurs privés, sans doute sous la forme d’une plateforme téléphonique – comme l’ASSEDIC a du reste commencé à le faire.

S’agissant du PPAE proprement dit, sera-ce ou non un contrat ? De toute façon, c’est un contrat de dupes car si l’opérateur choisi n’est pas en mesure de le mettre en place, cela exposera à une infinité de recours impossibles à trancher.

Mme Martine Billard – J’ai un peu hésité en entendant les arguments juridiques du ministre mais je préfère maintenir mon amendement car il me semble indispensable de préciser à un endroit du texte que l’accompagnement personnalisé concernera bien tous les demandeurs d’emploi. Au reste, il y a déjà une restriction puisqu’il ne s’adresse, dans la rédaction actuelle, qu’aux demandeurs immédiatement disponibles pour occuper un emploi, ce qui n’est pas justifié. Le PPAE, c’est du moyen terme et l’on peut donc parfaitement concevoir qu’une personne qui n’est pas immédiatement disponible gagne beaucoup à en bénéficier quand même. Je regrette de ne pas avoir déposé d’amendement pour lever cette limitation injustifiée.

Quant aux agents du service public de l’emploi, il faut bien dire qu’ils font ce qu’on les oblige à faire ! Sans doute aimeraient-ils avoir le temps et les moyens d’accorder à tous la même attention mais il est compréhensible que, sous la pression du chiffre qui est la marque constante de la politique du Gouvernement, il soient parfois tentés de s’occuper d’abord des dossiers les plus faciles.

L'amendement 1472, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Michèle Delaunay – L’amendement 1318 et les suivants substituent à la fin de la première phrase de l’alinéa 2 les mots « le service public de l’emploi » aux mots « l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ». Ce n’est pas sans importance. Il s’agit d’éviter que l’accompagnement, qui relève du service public, soit effectué par des opérateurs privés.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteureL’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 est l’opérateur public issu de la fusion entre Assedic et ANPE. En revanche, sous l’appellation « service public de l’emploi », il peut y avoir des opérateurs privés qui y participent. Votre amendement aurait le résultat inverse de celui que vous recherchez. Défavorable.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Avis défavorable. Le service public de l’emploi recouvre un ensemble d’acteurs, comme l’AFPA par exemple. Les sénateurs socialistes l’ont compris et ont retiré cet amendement.

M. Maxime Gremetz – Hier, un collègue de la majorité a appelé cinq fois cette institution « France Emploi », mais Mme Lagarde a dit que ce n’était pas son nom. Qu’on nous éclaire ! S’agit-il donc d’un secret défense ? Quand va-t-on désigner cette nouvelle institution ? Comment s’appellera-t-elle ? Ce serait plus simple si nous le savions.

Mme Michèle Delaunay – Les mots ont un sens, et que « service public » puisse désigner des organismes privés laisse perplexe. Mais nous retirons l’amendement par souci de cohérence avec nos collègues sénateurs.

L’amendement 1318 est retiré.

M. Jean Mallot – Rappel au règlement, fondé sur l’article 58. Le ministre a signalé mon absence. Si j’ai quitté l’hémicycle quelques instants, c’est pour participer à une réunion de préparation du Congrès, et précisément pour tirer au sort l’ordre de passage des orateurs. Mais je suis de nouveau prêt à défendre nos amendements pied à pied.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Et de façon constructive.

M. Michel Issindou – À défaut de supprimer cet article, essayons de l’améliorer par les amendements 86 et suivants qui tendent à substituer à la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article les deux phrases suivantes : « Un projet personnalisé d’accès à l’emploi est défini par l’intéressé en coopération avec le service public de l’emploi chargé de la mise en œuvre du parcours adapté à la situation du demandeur d’emploi et des mesures d’accompagnement personnalisé qui permettront au salarié privé d’emploi d’accélérer son retour à l’emploi. Le demandeur d’emploi est tenu d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi ».

Mieux vaut parler de coopération que d’utiliser des termes plus contraignants comme « orienté » ou « tenu à ». Un premier entretien pour un PPAE ne peut réussir que s’il y a confiance et respect mutuel. La situation d’un cadre de banlieue parisienne ou d’une mère de famille de province qui veut reprendre le travail n’est pas la même. Leur parcours doit être personnalisé. Il faut faire dans la dentelle, Monsieur le ministre, et vous vous y connaissez, je crois. Le contrat doit être négocié. En faire une obligation, c’est rendre le demandeur d’emploi responsable de sa situation et le culpabiliser. Soyons plus humain, dans ce monde difficile. De toute façon, le vrai problème c’est la création d’emploi. La simple arithmétique fait que tous ceux qui viendront s’asseoir devant un conseiller ne ressortiront pas avec une offre d’emploi. Aussi, mieux vaut modérer le propos.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – L’obligation de recherche d’emploi figure déjà dans le code du travail. Cet amendement supprimerait l’obligation d’accepter une offre raisonnable d’emploi et ferait du PPAE un document défini presque exclusivement par le demandeur d’emploi. La commission l’a repoussé.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Avis défavorable. Monsieur Issindou, il y a la dentelle mécanique, au gros point, et la dentelle fine, faite au fuseau, et c’est celle que je préfère.

M. Jean Mallot – Ce n’est pas celle que vous faites !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Cet amendement conduit à ce que le demandeur définisse lui-même son projet, en coopération avec le service public de l’emploi. Or, ce que nous voulons, c’est qu’il y ait engagement réciproque. Le service public s’engage à fournir des moyens de formation et d’orientation, le demandeur indique le champ dans lequel il souhaite chercher, et il a une obligation simple, celle d’accepter un emploi quand il est raisonnable.

Tous les demandeurs n’obtiendront pas un emploi, car il n’y a pas 1 900 000 emplois à leur proposer, c’est vrai, mais cela est réducteur. Avec des allocations personnalisées, un dispositif de formation plus efficace, on aidera plus facilement quelqu’un à s’orienter dans un secteur où il trouvera du travail. C’est cela, le vrai « sur mesure ». Les études économiques montrent que l’on peut faire baisser le chômage de 1 % avec une politique de l’emploi efficace. Ce n’est pas rien (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Les amendements 86 à 107, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz – Monsieur le ministre, cela fait trois fois que je vous demande si le nouvel organisme s’appellera France Emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Je vais répondre à votre question.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 1519 précise que le demandeur d’emploi n’est pas tenu de s’engager à conclure ce projet personnalisé. En effet, en instituant une obligation de signature, le Gouvernement entend supprimer le droit à indemnisation des demandeurs d’emploi refusant de s’inscrire dans la logique de l’offre raisonnable d’emploi. Cette disposition concourt à les culpabiliser. Pour être chômeur, on n’en est pas moins un citoyen comme les autres. On a le droit de donner son avis sur le PPAE, qui est aussi un projet de vie.

M. le Président – Les amendements 64 à 85 du groupe SRC sont en discussion commune avec le 1519.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Le projet écrit que le demandeur d’emploi est tenu de participer à la définition de son projet personnalisé. Nous préférerions dire qu’il participe à cette définition – et c’est le sens de mon amendement 68.

Nous n’avons toujours pas de réponse à la question que M. Gille vous a posée : le projet personnalisé est-il ou non un contrat ? Si oui, il doit préciser les droits et les devoirs de chacune des parties. Quels sont ceux du service public de l’emploi ? Comment le demandeur d’emploi pourrait-il être « tenu » alors que dans certaines agences, il n’y a qu’une plateforme téléphonique ? Le nombre des agents a augmenté de 7 000 ou 8 000 depuis 2000, avez-vous dit. Certaines agences n’en sont pas moins saturées – vous avez cité l’ANPE du Nord. Or, il y a des publics particuliers qui exigent un accompagnement renforcé. Après la loi sur les retraites, nous nous étions promis de mieux inciter les entreprises à ne pas licencier les seniors. À 57 ou 58 ans, être « tenu » de participer à cette démarche n’a rien de facile. Mieux vaudrait par exemple une formation de requalification. Les jeunes sont un autre public sensible : on sait bien que l’ANPE n’est pas toujours apte à répondre aux demandes des jeunes diplômés.

M. Jean-Patrick Gille – La question est simple : le demandeur d’emploi qui ne signe pas son PPAE se verra-t-il refuser son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, et donc priver de son droit à l’indemnisation ?

Mme Dalloz va nous présenter un amendement aux termes duquel le demandeur d’emploi devra également participer à la réactualisation du PPAE, qui se fera nécessairement à la baisse. S’il n’est pas d’accord, le radie-t-on de la liste des demandeurs d’emploi et le sanctionne-t-on en lui retirant son indemnisation ? C’est là que tout se joue.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – La commission a repoussé ces amendements.

M. Jean-Patrick Gille – Répondez à ma question !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Êtes-vous conscient, Monsieur Gremetz, qu’en proposant cette rédaction, vous supprimez toute obligation d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi ? Je ne pense pas que ce soit votre but.

Vous m’avez posé d’autre part une question sur France Emploi. Ce nom a été utilisé dans le cadre de l’organisme de préfiguration. Je ne puis vous donner le nom qui sera finalement retenu, car je ne le connais pas : il sera choisi par le conseil d’administration de l’organisme de préfiguration, qui a lancé une procédure d’appel d’offres à cet effet.

M. Régis Juanico – Encore des dépenses !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Quant aux amendements du groupe SRC, ils reposent sur une vision que je ne comprends pas. Vous voyez l’agent de l’ANPE-ASSEDIC comme un soiffard avec le couteau entre les dents ((Interruptions sur les bancs du groupe SRC), ayant pour seul but d’imposer des choses aux demandeurs d’emploi, alors qu’il s’agit d’établir une relation de partenariat et de définir ensemble des engagements réciproques.

M. Jean-Patrick Gille – J’attends toujours ma réponse !

Mme Michèle Delaunay – Il y a deux niveaux de lecture dans nos amendements. D’abord celui du langage : l’ANPE, structure d’accompagnement, de conseil et d’orientation, ne doit pas devenir une structure de sanction et de contrôle. Après la blessure de la perte d’emploi, il est primordial de ne pas se voir réduit au rôle de demandeur d’emploi, et de rencontrer d’abord un partenaire qui collabore avec vous.

Ensuite, il y a des mots qui supposent implicitement une sanction. Avec le mot « tenu », nous entrons d’emblée dans le registre de la sanction, et non celui du partenariat : si le demandeur d’emploi ne signe pas son PPAE, il ne sera ni inscrit ni indemnisé.

Notre amendement dissocie la participation à la définition du PPAE – qui est un comportement actif – de l’obligation d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi : nous avons conservé le terme « tenu », qui figure déjà dans le code du travail.

Tout cela est plus important qu’il n’y paraît, Monsieur le ministre : le choix des termes donne à ce texte un esprit qui est précisément celui que nous refusons.

L'amendement 1519, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 64 à 85, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – L’amendement 1 est de cohérence.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – C’est même plus qu’un amendement de cohérence. Favorable.

M. Jean-Patrick Gille – C’est un tour de passe-passe, Madame la rapporteure ! Cet amendement n’a rien d’un amendement de cohérence – sauf avec ce qui viendra ensuite. Au contraire, tout se joue là !

Je ne nourris pas de suspicion particulière envers les agents de l’ANPE – certains sont d’ailleurs membres du parti socialiste. Ils font leur travail de leur mieux, mais les contraintes sont lourdes. Le demandeur d’emploi est tenu de participer à la définition du PPAE. On peut le comprendre, même si je ne suis pas sûr que l’on puisse en faire une obligation légale pour pouvoir bénéficier d’un service public et toucher une indemnisation pour laquelle on a cotisé… Mais avec la réactualisation, on va plus loin : c’est là qu’on va contraindre le demandeur d’emploi, qui est en position de faiblesse, à revoir ses prétentions à la baisse. C’est tout le mécanisme de la loi.

Je vous pose à nouveau la question : le demandeur d’emploi qui refuse de signer au moment de la deuxième ou troisième actualisation se verra-t-il priver d’indemnisation et radier de la liste des demandeurs d’emploi ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – J’ai un scoop, Monsieur Gille : il y a de très bons agents de l’ANPE qui ne militent pas au parti socialiste ! (Sourires) Il y a même des Français qui sont des gens remarquables bien qu’ils ne militent pas au parti socialiste ! J’espère que je ne vous en apprends pas trop…

Lisez l’article 2 dans la rédaction du Sénat : il est clair qu’un demandeur d’emploi qui refuse d’entrer dans la logique de l’accompagnement personnalisé pourra se voir radier de la liste des demandeurs d’emploi. Je l’assume pleinement : l’État investit dans le service public de l’emploi – cela se chiffre en milliards. Il est normal qu’il y ait des contreparties.

Vous nous dites que vous ne suspectez pas les agents, mais vous employez des termes comme « rapports de force » ou « forcer ». L’agent de l’ANPE est pourtant là pour aider et accompagner le demandeur d’emploi. Je ne peux croire que vous nous intentiez un tel procès d’intention ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Rosso-Debord – Je ne comprends pas que l’opposition ne vote pas cet amendement : l’actualisation est conforme à l’intérêt du demandeur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dont la situation personnelle peut changer du fait de la naissance d’un nouvel enfant, d’un déménagement…

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – …ou d’un départ en formation.

Mme Valérie Rosso-Debord – Cet amendement devrait donc être adopté à l’unanimité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Benoist Apparu – Très bien !

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

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