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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 23 juillet 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
24ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉNOVATION DE LA DÉMOCRATIE SOCIALE (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la CMP – La commission mixte paritaire a apporté quelques ajustements au texte issu des travaux du Sénat, qui n’avaient – ce n’est pas une surprise – modifié ni l’architecture ni l’esprit de ce texte.

Au titre I, à l’article 1er, j’avais demandé à l’Assemblée de repousser un amendement défendu par Mme Billard qui détaillait la notion de « valeurs républicaines », reprenant sur ce point le texte de la position commune, lui-même issu des négociations entre les représentants de la fonction publique et de l’État dans le cadre de la réforme des statuts de la fonction publique ; je n’étais pas en désaccord sur le fond, mais je considérais qu’une liste était limitative par nature, et l’Assemblée m’a suivi. Au Sénat, un amendement de Mme David a été adopté contre l’avis du rapporteur. Ce matin, la CMP, sur la proposition des deux rapporteurs, a rétabli le texte de l'Assemblée nationale.

Toujours à l’article 1er, nous avions assez longuement débattu d’un adverbe : dans le projet du Gouvernement, il était écrit que l’influence des syndicats était appréciée par « l’activité et l’expérience » ; pour permettre au juge de faire également appel à d’autres critères, j’avais proposé d’insérer l’adverbe « notamment ». Le Sénat l’a purement et simplement supprimé. Finalement, la CMP a accepté sur ma proposition de retenir l’adverbe « prioritairement », ce qui permettra au juge de tenir compte en particulier du résultat des élections prud’homales.

À l’article 8, la section 3 intitulée « Financement du dialogue social » a été supprimée à la suite d’un amendement du sénateur de Paris Philippe Dominati, à ma grande surprise – la justification avancée étant que le dialogue social n’était pas une priorité dans les PME – et contre l’avis du rapporteur, que je remercie d’avoir soutenu la position inverse. Je n’ai pas demandé à la CMP de rétablir cette section ; néanmoins je regrette infiniment que les dispositions équilibrées que nous avions adoptées n’aient pas été maintenues. Je rappelle qu’elles donnaient un an aux entreprises pour se mettre d’accord sur les modalités de financement. J’ai bien noté, Monsieur le ministre, que vous aviez devant le Sénat pris l’engagement d’étendre l’accord UPA.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – En octobre au plus tard.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur  Sur le titre II relatif au temps de travail, ni le Sénat ni la CMP n’ont apporté de modifications notables. Le Sénat a cependant souhaité réécrire totalement l’article 17 ; la CMP n’a pas changé sa formulation.

Pour le reste, les amendements que la CMP a examinés étaient rédactionnels ou de cohérence.

Enfin, nous allons examiner un amendement du Gouvernement, qui est également de cohérence, sur un point qui avait échappé à la vigilance de votre rapporteur. Je vous invite à l’adopter, ainsi que l’ensemble de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avec ce texte, nous rénovons notre démocratie sociale, nous donnons corps à une politique contractuelle renforcée.

Désormais, ce sont les salariés et eux seuls qui décideront qui est habilité à négocier en leur nom. Les syndicats fonderont leur légitimité sur l'audience électorale dans l'entreprise, les délégués syndicaux devront avoir personnellement recueilli au moins 10 % des voix aux élections professionnelles. C'est un changement considérable dans les règles de la négociation collective.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adapté les dispositions du code à la nouvelle donne créée par les nouvelles règles de représentativité. Les salariés des entreprises sous-traitantes ne voteront pas dans deux entreprises différentes ; ils seront pris en compte de manière plus opérationnelle dans l'électorat dès lors qu'ils appartiennent à la communauté de travail.

On pourra plus facilement négocier avec des représentants du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat lorsqu'il n'y a pas de délégué syndical dans l'entreprise. Votre assemblée a complété le texte en permettant à un représentant de section syndicale de négocier un accord dans certains cas lorsqu'il n'existe pas de délégué syndical. Toutes les entreprises auront donc une possibilité de négocier.

Une négociation va même intervenir pour permettre la mesure de la représentativité dans les très petites entreprises, sans représentants du personnel et où travaillent des millions de salariés. L'Assemblée et le Sénat ont fixé au 30 juin 2009 la date butoir de cette négociation, qui sera suivie d'une loi.

Enfin, les comptes des organisations syndicales des salariés et d'employeurs seront certifiés et publiés.

Dans la deuxième partie, nous donnons tout d’abord une plus grande liberté de choix aux salariés. Dès l'entrée en vigueur du texte, un salarié pourra faire des heures supplémentaires sans être bloqué par le contingent, après que l'entreprise aura consulté les représentants du personnel. Le cadre qui voudra travailler au-delà du forfait annuel en jours prévu pourra le faire, par accord écrit avec son employeur, avec une majoration de salaire d'au moins 10%.

Le plafond de 235 jours ne remplace pas celui de 218 jours : il s'appliquera à défaut de précisions contraires d'un accord, permettant de garantir le repos de deux jours par semaine en moyenne. Quant aux jours fériés, ils resteront fériés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard – Mais pas payés !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Toutes ces dispositions sont plus protectrices que la situation actuelle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui permet au cadre de travailler jusqu'à 282 jours sans qu'une rémunération majorée ne lui soit durablement garantie.

L'Assemblée Nationale a aussi rénové les règles de fonctionnement du compte épargne temps.

Plus de choix pour les salariés, donc, mais également plus d'espace pour la négociation d'entreprise : c'est au niveau de l'entreprise que les règles d'aménagement du temps de travail seront fixées.

Le Sénat a maintenu les accords de temps choisi pour 2009. L’Assemblée a élargi le champ de la négociation collective en rénovant les règles du compte épargne temps. Le Sénat a accru les droits des salariés à congés payés, qui seront ouverts dès dix jours de travail, contre un mois auparavant.

Au bout du compte, nous avons fixé un cadre efficace, avec des règles plus simples. Le code du travail est passé de 73 à 34 articles sur la durée du temps de travail et est devenu enfin moins complexe, avec cette garantie supplémentaire qu’on ne pourra changer les choses sans l’accord des représentants du personnel de syndicats totalisant au moins 30 % des salariés. C’est une garantie essentielle. Le Sénat a amélioré le nouveau mode unique d’aménagement négocié du temps de travail, qui remplace cinq modes différents, et les salariés à temps partiel pourront être concernés.

Ce texte modifie considérablement la donne en matière de négociation collective. Il confère plus de légitimité aux acteurs, leur offre plus d’espace pour s’exprimer. Ce sont maintenant les acteurs de l’entreprise qui vont lui donner toute sa portée. Vous allez voter un texte historique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), qui va apporter des garanties, mais qui ne sera pas seule à le faire : comme nous croyons au dialogue social, les accords collectifs en apporteront aussi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Martine Billard – Remarquons simplement, pour commencer, qu’il y a mieux, pour revaloriser le rôle du Parlement, que de distribuer le texte d’une CMP à l’ouverture de la séance…

Ce projet de loi, examiné au milieu du mois de juillet, est une régression sociale majeure. Le tour de passe-passe du Gouvernement pour raccrocher les dispositions relatives à la durée du travail à celles qui réforment la représentativité syndicale, issues de la position commune signée par le Medef, la CGPME, la CGT et la CDFT, ne peut cacher qu’il s’agit d’un passage en force. Alors que le paysage syndical restait figé depuis l’arrêté de 1966, il est positif que les critères de représentativité s’appuient désormais sur les résultats des élections professionnelles d’entreprise. Mais la démocratie sociale restera incomplète, surtout dans les petites entreprises, tant que les élections professionnelles ne se feront pas tous les deux ans, comme c’était le cas avant le cavalier législatif voté en 2005. En outre, la majorité a introduit un dispositif totalement étranger à la position commune, concernant le processus d’élection dans les entreprises détachées, et qui risque d’entraîner dans certains cas la suppression d’institutions représentatives du personnel. Il est pourtant important que tous les salariés des sous-traitants puissent voter dans les entreprises utilisatrices, puisque c’est là que se jouent leurs conditions de travail et leur sécurité.

Par ailleurs, le mode de validation des accords collectifs reste insatisfaisant, notamment au niveau de l’entreprise, puisqu’il n’est toujours pas question de majorité d’engagement, mais seulement d’une représentation de 30 % des salariés. Et le principe de « majorité d’opposition » est faussé puisqu’il ne s’évalue qu’à partir des organisations syndicales jugées représentatives dans l’entreprise, c’est-à-dire qui auront recueilli au moins 10 % des suffrages. Par ailleurs, dans les entreprises de moins de 50 salariés sans section syndicale, un simple délégué du personnel, non mandaté par un syndicat, pourra désormais signer un accord collectif, y compris concernant le temps de travail. C’est ce que prévoit la seconde partie, scélérate, de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La CMP a cependant adopté la disposition que j’avais défendue, permettant au syndicat actuellement majoritaire chez les journalistes de rester considéré comme représentatif, bien que n’étant pas affilié à une organisation répondant aux critères de représentativité au niveau national. Je regrette en revanche que notre rapporteur n’ait pas défendu en CMP la précision sur les « valeurs républicaines ». La majorité a aussi tenu un double discours sur la transposition dans la loi d’accords nationaux interprofessionnels, mais il n’y a rien d’étonnant à la suppression d’éléments qui transposaient l’accord UPA sur le financement du dialogue social : nous avions tous reçu, fin juin, la lettre du Medef demandant le retrait de la section 3 de l’article 8. Selon qu’elle a ou non l’assentiment des puissants, la majorité n’écrit pas la loi de la même façon !

La partie du texte portant sur le temps de travail fait l’unanimité des organisations syndicales de salariés contre elle, qu’elles aient ou non signé la position commune. Elle est assurément un coup dur porté à la santé et à la sécurité au travail de tous les salariés. C’est, depuis juillet 2007, la troisième loi portant sur le temps de travail, sans même parler des remises en cause permanentes sous la précédente législature. Le disque sur les prétendus méfaits des 35 heures commence cependant à être rayé. Vous niez ce que les lois Aubry ont pu apporter de positif pour les loisirs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – n’oublions pas que le tourisme ou le bricolage sont aussi des secteurs de l’économie marchande – pour l’engagement bénévole, humanitaire, sportif, ou culturel, ou tout simplement pour la vie de famille.

Par ailleurs, il est bien présomptueux de penser qu’il suffît de remettre en cause les 35 heures pour sauver des emplois, comme nous le montre amèrement l’exemple du groupe volailler Doux-Père Dodu. Le site de Locminé, dans le Morbihan, a été pionnier, en 2004, du chantage au renoncement aux RTT sous prétexte de sauver l’emploi, puis la mesure a été étendue à 18 autres sites. Aujourd’hui, ce site fait partie des deux qui sont fermés par l’entreprise, laquelle se délocalise au Brésil.

M. Benoist Apparu – Vous ne pouvez pas faire une généralité d’un seul cas !

Mme Martine Billard – Sur l’autre site fermé, au Châtelet, des salariés disent avoir travaillé 11 à 13 heures par jours, avec des heures supplémentaires non déclarées pour « sauver l’entreprise ». Aujourd’hui, ils se retrouvent sans emploi, avec un plan de reclassement pour 274 salariés sur 629… Il est temps d’arrêter le discours anti-RTT, plus personne ne vous croit ! D’autant que vous ne vous contentez pas de tirer un trait sur les 35 heures : vous revenez à l’avant 1936 ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu – Un peu plus et on faisait travailler les enfants la nuit !

Mme Martine Billard – Heureusement, il y a des textes européens pour vous en empêcher.

Le maintien des 35 heures comme durée légale hebdomadaire ne sert plus qu’à fixer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires – à condition de ne pas fonctionner au forfait en heures ou en jours. Le MEDEF demandait certes l’abrogation pure et simple de la référence légale aux 35 heures, mais le discours « travailler plus pour gagner plus » n’aurait alors plus fonctionné.

M. Benoist Apparu – C’est donc qu’il fonctionne !

Mme Martine Billard – Dorénavant, le nombre d’heures supplémentaires autorisées n’est plus fixé par décret mais par négociation dans chaque entreprise, voire dans chaque établissement. La loi supprime l’information de l’inspecteur du travail pour les heures supplémentaires effectuées dans la limite du contingent et l’autorisation administrative pour celles effectuées au-delà. Toutes les avancées obtenues au long des décennies passées pour garantir un même niveau de protection quels que soient le secteur ou la taille de l’entreprise sont remises en cause : place au dumping social !

Pourtant, le ministre a essayé de cacher les pires dispositions de cette loi tout au long du débat, se rendant bien compte qu’entre l’assouplissement des 35 heures et le retour aux 48 heures, il y a un abîme que peu de salariés sont prêts à franchir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – C’est un tout petit peu exagéré…

Mme Martine Billard – Il a cherché à dissimuler la banalisation de la semaine de 48 heures, limite fixée par les textes européens. Le code du travail français permet une moyenne de 44 heures sur douze semaines, soit par exemple six semaines à 48 heures et six à 40 heures. Le total autorisé est donc de 24 semaines à 48 heures dans l’année. Et cela ne concerne pas les conventions de forfait – car, désormais, « la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ». Le ministre a aussi cherché à dissimuler la fin des repos compensateurs obligatoires. En effet, le repos compensateur obligatoire pour raison de santé au-delà de la quarante et unième heure de travail disparaît. Le repos compensateur ne se déclenchera dorénavant qu’au-delà du contingent d’heures supplémentaires négociées dans l’entreprise. Il suffit donc de fixer celui-ci au maximum pour qu’il n’y ait plus de repos compensateur… Les repos compensateurs ne sont plus non plus comptabilisés comme du temps de travail effectif. Cela n’a l’air de rien, mais a des conséquences négatives pour les indemnités journalières, les ASSEDIC ou les droits à la retraite…

Vous continuez aussi à nier les conséquences, pour les cadres au forfait jours, de l’augmentation du nombre de jours travaillés. Et pourtant, contrairement à ce qu’a dit le ministre au Sénat, le code du travail énumère bien, à l’article L. 3133-1, d’autres jours fériés possibles que le 1er mai. Ce que les conventions collectives doivent déterminer, c’est si ces jours sont chômés, donc non travaillés, et s’ils sont payés. Or, avec une norme de 235 jours travaillés, les jours fériés ne peuvent pas être à la fois chômés et payés. Les salariés au forfait jours devront les récupérer en travaillant soit les samedis, soit des jours de congés. Et le fait que la convention puisse aller jusqu’à 282 jours est bel et bien une nouveauté : précédemment, le principe du forfait jours était d’offrir en contrepartie des jours de RTT, ce qui supposait justement, en respectant les jours fériés, de ne pas dépasser 218 jours travaillés.

À défaut d’accord, il y aura donc 17 jours travaillés de plus, ce qui fait disparaître les jours de RTT, mais aussi tous les jours fériés, chômés et payés, à l’exception du 1er mai. Le Gouvernement joue donc sur les mots en disant que jours fériés chômés ne sont pas remis en cause. Ce sont les jours fériés chômés et payés qui disparaissent ! Et contrairement aux affirmations de Luc Chatel, les salariés en forfait jours n’ont plus aucune contrepartie, puisque les jours de RTT qui venaient compenser l’abandon de la référence horaire sont supprimés. Le forfait jours des cadres est contraire au droit européen sur la semaine de travail de 48 heures et la journée de travail de 10 heures, mais vous passez tout de même en force, au risque d’une condamnation dans quelques années.

Bref, avec cette loi, tout devient possible pour l’employeur, mais elle est une régression majeure pour les salariés. Les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront donc contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Francis Vercamer – Ce projet de loi particulièrement important aborde deux points essentiels des relations sociales dans l'entreprise : la représentation juste et légitime des salariés, tant dans l'entreprise qu'au niveau de la branche ou interprofessionnel, et l’organisation du temps de travail dans l'entreprise, lui permettant d’assumer sa charge de travail tout en garantissant les droits des salariés. Au regard de l'importance de ces deux sujets, on peut regretter que les débats, surtout concernant le temps de travail, aient suscité autant de polémiques et n’aient pu éviter la caricature.

Le Nouveau Centre a exposé ses divergences avec le Gouvernement sur les dispositions relatives au temps de travail, d’abord sur la méthode employée, puis sur le fond : il aurait notamment préféré l'accord de branche à l'accord d'entreprise pour ce qui est de l’organisation du temps de travail. Nous avons aussi insisté sur la nécessité que les heures supplémentaires soient réellement rémunératrices, mais nous nous retrouvons sur le fait que la législation doive laisser suffisamment d’espace pour organiser le temps de travail en tenant compte au mieux des besoins de l'entreprise.

En l’absence d’accord collectif, le texte limite à 235 par an le nombre de jours travaillés dans le cadre des forfaits en jours, alors que ce nombre peut aujourd’hui aller jusqu’à 280.

Mme Martine Billard – C’est faux !

M. Francis Vercamer – C’est de toute façon aux partenaires sociaux qu’il appartiendra, dans chaque entreprise, de décider du nombre maximal de jours travaillés.

Mme Valérie Rosso-Debord – Très bien !

M. Francis Vercamer – L’examen du texte par le Sénat a, enfin, permis d’améliorer la rédaction de l’article 17, qui précise les garanties dont bénéficient les salariés concernés par le forfait en jours, notamment au regard du respect des jours fériés chômés dans l’entreprise.

S’agissant de la représentativité des organisations syndicales, le Nouveau Centre, attaché à la vitalité du dialogue social, salue les avancées de ce texte. Nous voulons en effet une démocratie sociale qui respecte le pluralisme syndical et encourage l’engagement des salariés au sein des organisations qui défendent leurs intérêts. Nous souhaitons une représentativité équilibrée, qui tienne compte non seulement de l’audience enregistrée à l’occasion des élections professionnelles, mais également d’autres critères, tels que le nombre d’adhérents.

Satisfaits que nos propositions visant à renforcer le syndicalisme d’adhésion aient été entendues, nous serons toutefois attentifs à ce que les nouveaux critères de représentativité introduits par le texte ne portent pas atteinte, à moyen ou à long terme, au pluralisme syndical. Issue d’une longue histoire, la diversité des sources de l’engagement syndical nourrit la richesse du dialogue social et doit être respectée.

Nous regrettons en revanche l’absence de négociation sur les bases de la représentativité des organisations patronales. Le Gouvernement a par ailleurs cherché une issue sur la question du financement du dialogue social dans les petites entreprises et sur le devenir de l’accord sur le développement du dialogue social dans l’artisanat. Nous prenons acte, Monsieur le ministre, de votre volonté clairement affirmée de réunir au mois d’octobre la commission d’extension des accords, tout comme nous prenons acte des précisions que vous nous avez apportées à propos des prochaines négociations sur le dialogue social dans les petites entreprises, négociations qui aborderont aussi la question du financement. Nous souhaitons voir, au cours des mois à venir, des avancées concrètes dans ces deux domaines.

Malgré ces quelques réserves, le groupe Nouveau Centre mesure les avancées accomplies par les partenaires sociaux et par le Gouvernement pour renforcer le dynamisme de notre démocratie sociale. La place croissante que prendra le dialogue social tant au niveau national qu’au niveau de chaque entreprise illustre la confiance que nous plaçons dans l’esprit de responsabilité et la volonté d’innover des partenaires sociaux. C’est pourquoi nous réserverons à ce texte un accueil favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés SRC – Quelle surprise !

M. Benoist Apparu – Ce projet de loi a fait l’objet de nombreux débats, mais aussi de très nombreuses caricatures. On voudrait faire croire que nous voulons mettre en péril la santé des travailleurs, ou que nous voulons supprimer les jours fériés et les RTT des cadres en les obligeant à travailler 235 jours, voire 282 selon certains de nos collègues.

Ce dernier point a fait débat dans les médias, mais aussi dans la rue. C’est pourquoi je voudrais rétablir la vérité et répéter qu’il ne s’agit évidemment pas de la nouvelle durée du travail des cadres concernés par les forfaits.

La durée de référence annuelle reste évidemment fixée à 218 jours : elle tient compte des week-ends, des vacances, mais aussi des jours fériés et des RTT ; de la même façon, les 35 heures demeurent la durée hebdomadaire du travail. Le projet ne fait qu’encadrer le dépassement de ces 218 jours et précise des règles qui n’existaient pas dans les lois Aubry II.

Il est aisé d’établir un parallèle entre les règles encadrant la durée hebdomadaire du travail et le forfait en jours à l’année. Les 218 jours sont comparables aux 35 heures : c’est la durée légale du travail. Les 282 jours sont comparables aux 48 heures : c’est la durée maximale autorisée. Entre les deux, il y a d’un côté les jours supplémentaires et de l’autre les heures supplémentaires : ils seront les uns comme les autres négociés entre le salarié et l’employeur, dans le cadre des accords d’entreprise. Si les partenaires sociaux se mettent d’accord, un accord définira un contingent de jours ou d’heures supplémentaires ; s’ils ne se mettent pas d’accord, on appliquera par défaut pour les unes le contingent d’heures supplémentaires fixé par décret – 220 heures, nous a dit M. le Ministre – et pour les autres le contingent de jours supplémentaires fixés par la loi, soit 235 jours.

M. Christian Eckert – CQFD !

M. Benoist Apparu – Les 218 jours restent donc bien la référence de la durée du travail pour les cadres au forfait. Ces jours supplémentaires seront en outre mieux payés qu’ils ne le sont aujourd’hui, puisque cette notion n’existait pas dans les textes.

Nous avons effectivement fait le choix que, d’une entreprise à une autre au sein d’une même branche, les règles de la durée du travail puissent varier. Nous voulons répondre très clairement aux besoins particuliers de chaque entreprise, tout en respectant les prescriptions protectrices, notamment en matière de santé et de repos, car c’est dans l’entreprise que l’on peut mesurer au mieux les besoins. C’est tout l’intérêt de cette réforme : il s’agit de permettre à chaque entreprise d’adapter ses capacités de production à ses besoins propres, et non à des besoins hypothétiques définis au niveau d’une branche.

D’autre part, le groupe UMP se félicite de l’établissement de règles nouvelles en matière de représentativité : elles étaient attendues depuis de nombreuses années. J’avoue ne pas bien comprendre les tergiversations sur le financement du dialogue social ; j’avais pour ma part un faible pour la version présentée par M. le rapporteur en première lecture.

Ce texte représente donc des avancées démocratiques, économiques et sociales et le groupe UMP votera unanimement en sa faveur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies – Au début de l’histoire, il y avait une négociation, qui avait abouti à une déclaration commune signée par les deux principaux syndicats de salariés et le MEDEF ; au début de l’histoire, il y avait l’espoir que le Gouvernement et l’UMP respecteraient cet accord, qui traitait à la fois de la représentativité et de l’organisation du temps de travail.

L’illusion de votre conversion au respect du dialogue social n’aura duré que quelques semaines, le temps pour vous d’imposer, par la force du fait majoritaire, votre vision d’une société qui renvoie les règles de protection collective au passé.

Mme Delphine Batho – Très bien !

M. Alain Vidalies – À la fin de l’histoire, il y a un texte de loi qui entraîne des bouleversements sans précédent dans notre histoire sociale.

Ce texte, vous devez l’assumer : vous avez le droit de faire un mauvais coup, mais vous ne pouvez changer d’explication selon les circonstances et les interlocuteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Dire devant le Sénat que votre objectif est de sortir du carcan des 35 heures, modifier le code du travail, et aujourd’hui, parce que les cadres commencent à bouger, parce que médiatiquement l’affaire commence à émerger, utiliser ici un ton doucereux et prétendre qu’on ne change rien, non, ce n’est pas possible. Vous ne pouvez pas vous vanter de cette revanche sociale devant le congrès de l’UMP, puis tenir ici un autre discours pour essayer de passer entre les gouttes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Benoist Apparu – Non seulement nous assumons, mais nous disons la vérité !

M. Alain Vidalies – Jamais une majorité de droite n’était allée aussi loin dans la déréglementation et dans l’atomisation de nos règles sociales. Le changement fondamental, c’est évidemment celui de privilégier l’accord d’entreprise par rapport à l’accord de branche.

Mme Valérie Rosso-Debord – Vous êtes archaïques !

M. Alain Vidalies – Demain, les salariés seront seuls pour négocier dans les entreprises, souvent dans des conditions profondément déséquilibrées : comment résister à un chantage permanent au licenciement ? Comment résister à la nécessité d’un alignement par le bas sur les accords signés dans les entreprises concurrentes ?

Plusieurs députés UMP – Faites confiance aux salariés et aux syndicats !

M. Alain Vidalies – Le choix entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche n’est pas théorique : il oppose ceux qui pensent que la règle sociale ne doit pas être facteur de concurrence, parce qu’il y a de l’humain, à ceux qui n’ont d’autre horizon que la loi du marché. Il y a entre nous une profonde opposition idéologique.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – C’est une caricature !

M. Lionel Tardy – Venez voir dans les PME !

M. Alain Vidalies – Fidèles à ce choix de la déréglementation, vous l’organisez en décidant que tous les accords actuels sur la définition du contingent des heures supplémentaires seront caducs au 1er janvier 2010. Les salariés et les syndicats devront, entreprise par entreprise, négocier sous la contrainte.

M. François Brottes – Le pistolet sur la tempe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies – Il faudra négocier sur le contingent d’heures supplémentaires, sans aucun contrôle de l’inspection du travail. Et si l’entreprise dénonce les accords en cours – et cela se produira ! – alors il faudra négocier en prenant en compte la disparition des règles protectrices sur le repos compensateur. Il faudra négocier sur les forfaits en jours, sur les forfaits en heures, sur les accords de modulation. Aujourd’hui – c’est ce qui vous gêne – les cadres s’inquiètent ; la CGC a appelé à manifester. Il est vrai que la règle des 218 jours sera demain la règle des 235 jours, qui pourront dans certaines circonstances devenir 282 jours.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Votre intérêt pour le sort des cadres est bien tardif !

M. Alain Vidalies – Qui ne comprend que le premier accord à 235 jours aura un effet d’entraînement, de passage obligé pour les autres accords ? C’est d’ailleurs l’objectif recherché. La machine infernale est en marche, comme elle l’est pour les salariés soumis au forfait en heures. En disposant que ce forfait s’appliquerait désormais aux salariés qui disposent « d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps », vous avez choisi une formule tellement vague que vous n’en mesurez pas vous-même la portée.

La réalité, c’est que le champ d’application du forfait en heures ne va cesser de s’étendre. Le pronostic est d’autant plus facile à faire qu’il correspond à votre objectif : 235 jours au minimum comme règle commune pour les cadres au forfait en jours, et des millions de salariés supplémentaires au forfait en heures.

La déréglementation est généralisée, et les travaux du Sénat, puis de la CMP, n’y ont rien changé. Nous avions repris quelque espoir cet après-midi, suite aux propos de M. Chatel, affirmant que le texte prévoyait des contreparties et avantages pour les cadres. Mais où sont-ils ? Nulle part !

Je me demande d’ailleurs où est passé M. Larcher, qui affirmait le 16 juin : « Il y a de réelles possibilités d’amendements. Je pense que l’on peut instaurer plusieurs verrous supplémentaires pour garantir le respect de la santé et de la sécurité au travail. » Aucun amendement n’est venu à l’appui de cette affirmation. Quelle meilleure démonstration que ce texte porte bien atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs ?

M. Benoist Apparu – C’est faux !

M. Alain Vidalies – Le Sénat a même imaginé de priver les salariés à temps partiel concernés par un accord de modulation de la majoration de certaines heures complémentaires. Le rapporteur était très hésitant, ce matin, devant les conséquences d’une telle mesure, et j’ai moi-même dénoncé cette nouvelle agression, qui touche surtout les personnes les plus en difficulté, notamment les femmes.

Ce projet porte atteinte à la Constitution – et nous le soumettrons donc à la censure du Conseil constitutionnel – pour plusieurs raisons. Tout d’abord, vous abandonnez à la négociation d’entreprise la définition du repos compensateur ; celui-ci ne peut être une modalité négociable d’aménagement du temps de travail, car c’est une mesure de protection de la santé des salariés. En outre, les nouvelles règles applicables aux forfaits en jours et en heures sont dommageables pour la santé des travailleurs et violent donc les dispositions du onzième alinéa du Préambule.

Enfin, la modification du calcul des effectifs ouvre la porte à toutes les fraudes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisqu’il faudra une ancienneté de douze mois pour que le salarié soit compté dans les effectifs. Aujourd’hui, une entreprise de 48 salariés permanents qui utilise huit salariés mis à disposition pendant trois mois chacun, doit mettre en place un comité d’entreprise ; désormais, la même entreprise qui utilisera 30 salariés mis à disposition pendant onze mois chacun n’aura plus aucune obligation ! C’est un comble d’en arriver à une telle aberration dans un texte censé traiter du dialogue social…

Il est vrai que ce texte ne dépare pas dans votre œuvre estivale : chômeurs qui voient leurs indemnités réduites ou supprimées, salariés de plus de 58 ans contraints de revenir sur un marché du travail qui ne veut pas d’eux, et qui deviendront « auto-entrepreneurs », c’est-à-dire des tâcherons d’un autre temps, sans statut, sans règles, sans charges…

M. Sarkozy avait promis la rupture. Je ne suis pas sûr que les Français s’attendaient à une rupture avec notre contrat social, au détriment des plus faibles et au profit d’un modèle anglo-saxon. Demain, il est en revanche certain qu’une nouvelle rupture se produira : celle des Français avec votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Christophe Sirugue – Les mauvais coups se font toujours au cœur de l’été (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et c’est en plein période estivale que nous avons dû examiner un texte qui représente un recul sans précédent pour les droits des salariés, s’ajoutant aux lois sur la modernisation du marché du travail ou, en ce moment même, sur les demandeurs d'emploi.

Mme Valérie Rosso-Debord – Nous sommes cohérents !

M. Christophe Sirugue – Nous avons compris qu'il s'agissait de donner aux entreprises une liberté plus grande, même si elle doit s'obtenir par la remise en cause des droits des salariés, de la qualité de leurs conditions de travail, de leur santé. Oubliées les déclarations du candidat Sarkozy en faveur des salariés, oubliées vos propres annonces, Monsieur le ministre, sur le grand soir de la démocratie sociale, oubliées la position commune arrêtée par le Medef, la CGPME, la CFDT et la CGT, qui n'était finalement qu'un prétexte vous permettant d’amorcer une politique de flexibilité et de précarité !

Les modifications apportées à ce projet, dans cet hémicycle ou au Sénat, n'ont fait qu'accroître nos inquiétudes. Avec ce texte, pour la première fois, vous affirmez la supériorité de l'accord d'entreprise sur l’accord de branche, ce qui conduira à une atomisation des règles d'organisation du temps de travail et à une concurrence dévastatrice entre entreprises d'une même branche sur cette nouvelle variable des conditions de travail.

Vous limitez les institutions représentatives du personnel en exigeant, pour la prise en compte des salariés mis à disposition dans le calcul des effectifs, une ancienneté d’un an au moins dans l’entreprise. La modification apportée par le Sénat, justifiant pour les mêmes salariés la nécessité d'être mis à disposition douze mois continus pour être électeurs et 24 mois pour être éligibles, ne fait que renforcer cette restriction.

M. Benoist Apparu – Vous préféreriez que les gens votent deux fois ?

M. Christophe Sirugue – Avec ce texte, vous rendez possible l’extension du dispositif des forfaits jours ou heures, puisque chacun pourra donner le sens qu’il veut à la notion d'autonomie dans le temps de travail. Ce texte représente une mise en cause sans précédent pour les cadres, qui sont aujourd’hui dans la rue. M. Chatel parle de « contreparties » ; pourquoi des contreparties, s’il n’y a pas remise en cause ?

Vous fragilisez un peu plus les salariés à temps partiel, à qui le Sénat a même tenu à appliquer le principe de la modulation.

M. François Brottes – Scandaleux !

M. Christophe Sirugue – Vous reculez une fois de plus sur le financement de la démocratie sociale, en reportant à l’automne une hypothétique extension de l’accord UPA. Avec ce texte, enfin, vous remettez en cause le repos compensateur essentiel à la préservation de la santé des travailleurs.

Tout cela pour quoi ? Pour être modernes, dites-vous ; pour donner plus de compétitivité aux entreprises. Or, aucune entreprise ne peut être compétitive si ses salariés, et en particulier les cadres, ne se sentent pas reconnus.

M. Benoist Apparu – C’est totalement contradictoire avec ce que vous venez de dire !

M. Christophe Sirugue – Une étude sur la compétitivité, réalisée par le cabinet KPMG et publiée hier, montre que la France est le pays européen le plus compétitif pour le coût de la main-d'œuvre, et qu’elle arrive même en tête pour les salaires les plus bas à compétences égales (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC).

Ce qui vous guide, c'est l'idéologie selon laquelle le salarié est un mal nécessaire et qu'il vaut mieux le réduire le plus possible à sa seule force de travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Nous ne sommes pas socialistes !

M. François Brottes – C’est pire : vous êtes libéraux !

M. Benoist Apparu – C’est M. Delanoë qui est libéral !

M. Christophe Sirugue – Vous faites une erreur, parce que nous avons au contraire besoin d’un monde de l’entreprise qui sache rassembler tous ceux qui contribuent à une bonne compétitivité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

La discussion générale est close.

M. le Président – Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle d’abord l’Assemblée à se prononcer sur l’amendement 1 du Gouvernement à l’article 13.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 22 heures 30, est reprise à 22 heures 35.

DROITS ET DEVOIRS DES DEMANDEURS D’EMPLOI (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la CMP – Ce projet de loi s’inscrit dans les politiques devant nous permettre d’atteindre en 2012 l’objectif, fixé par le Président de la République, d’un taux de chômage de 5 % et d’un taux d’emploi de 70 %.

Selon les sondages, quatre salariés sur cinq approuvent la réforme du système d’assurance chômage et trois quarts d’entre eux souhaitent que soit sanctionné le refus d’une offre d’emploi valable. Nos voisins européens ont, eux, adopté des règles beaucoup plus contraignantes.

Ce texte est équilibré et il sera efficace. Il consacre le projet personnalisé d’accès à l’emploi, parachevant ainsi la démarche d’individualisation de la prise en charge des demandeurs d’emploi, engagée depuis plusieurs années et rendue possible par la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC.

L’introduction de la notion d’offre raisonnable d’emploi est une mesure d’équilibre. En effet, le code du travail permet déjà de sanctionner le refus par un demandeur d’un emploi « compatible » avec sa spécialité ou sa formation, quelle que soit la durée du contrat, dès lors que le taux de salaire est normal.

M. Michel Issindou – Restons-en là !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteureDans ce nouveau dispositif, deux refus consécutifs – au lieu d’un seul aujourd’hui – pourront entraîner la radiation. Par ailleurs, en donnant dans la loi une définition précise de l’offre raisonnable d’emploi, nous éviterons les interprétations arbitraires et garantirons l’égalité de traitement.

Cette loi aura un impact pédagogique et influencera les comportements : chacun doit être convaincu qu’il faut, sans délai, s’engager dans une démarche de retour à l’emploi.

L'Assemblée a modifié substantiellement le texte, adoptant trois articles additionnels. Je veux saluer l’esprit d’ouverture du Gouvernement vis-à-vis des propositions de la majorité et de celles de l’opposition.

La suppression de la dispense de recherche d’emploi est une mesure nécessaire pour l’emploi des seniors. Faut-il rappeler que 38 %seulement des personnes âgées de plus de 55 ans ont aujourd’hui un emploi, alors que l’objectif communautaire est fixé à 50 % ? Cette mesure, discutée avec les partenaires sociaux en mai et en juin est cependant progressive et protectrice des personnes : les personnes dispensées d’emploi conserveront le bénéfice de cette dérogation.

Dans le souci de garantir les droits des demandeurs d’emploi, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements importants. Les conditions dans lesquelles l’élaboration du PPAE pourra être déléguée par le nouvel opérateur issu de la fusion à d’autres organismes sont encadrées. Nous avons aussi considéré que les délais de trois, six et douze mois devaient, pour les personnes actuellement au chômage, courir à partir du moment où un PPAE nouvelle version aura été proposé. À l’initiative de Mme Billard, nous avons prévu une prorogation de ces délais en cas de formation. À l’initiative de M. Vercamer, la création d’une mission de médiateur du service public de l’emploi viendra renforcer la protection des droits des usagers.

Enfin, étant attachée à ce qu’aucune disposition nouvelle n’aggrave les risques de temps partiel subi, qui concernent avant tout les femmes, je vous ai proposé d’inscrire une protection explicite contre le temps partiel imposé.

Mme Fabienne Labrette-Ménager – Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteurePar ailleurs, dans la mesure où le SMIC horaire doit être respecté, le fait qu’un emploi à temps partiel ne puisse être imposé signifie qu’une rémunération inférieure au SMIC ne pourra pas être imposée.

En CMP, nos collègues sénateurs ont entériné ces apports. Il a seulement été procédé à quelques rectifications afin de supprimer des redondances ou des formules inutiles. À ce titre, il est notamment spécifié que la limite à une heure du temps de trajet domicile-travail s’appliquera non seulement à l’aller mais aussi au retour.

Je vous invite à adopter en l’état le texte élaboré par la commission mixte paritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi – Le vote de ce projet de loi constitue une étape de la réforme du service public de l’emploi, dont l’efficacité est l’un des gages du retour à l’emploi.

Malgré les efforts engagés sur le terrain, la France accuse un retard important. La complexité administrative due à la séparation de l’ANPE et des ASSEDIC a du être supportée par les demandeurs d’emploi, à charge pour ceux-ci de s’adapter au système. Avec la fusion, cette période est derrière nous. Au lieu d’aller de pair avec un accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi, l’indemnisation du chômage était traitée de façon très administrative. Enfin, contrairement à l’usage chez nos voisins européens – toutes tendances politiques confondues – la logique de droits et de devoirs était absente du système.

Ce projet de loi constitue donc un changement de cap. Il est fondé d’abord sur une logique d’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi. Le PPAE est sanctuarisé : il sera élaboré dès le premier entretien, en fonction du parcours, de la qualification, des attentes, du lieu de vie, de la famille du demandeur d’emploi. De ce point de vue, il me semble injuste de qualifier d’inégalitaire la relation entre les conseillers et les demandeurs d’emploi, alors que les premiers sont là pour épauler et accompagner les seconds dans une période particulièrement difficile de leur existence.

Le projet de loi vise ensuite à renforcer les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi. Nous avons hérité d’un système arbitraire, sans aucune règle objective permettant un traitement équitable, ce qu’avait dénoncé Dominique Tian dans son rapport.

Plusieurs députés du groupe UMP – Excellent rapport !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Notre but est d’améliorer l’efficacité du contrôle. Sur ce point, je veux être parfaitement clair, afin d’éviter toute mauvaise compréhension.

M. Richard Mallié – Il y a aussi de la mauvaise foi…

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – En aucun cas, il ne s’agit de stigmatiser les demandeurs d’emploi, en prétendant qu’une majorité d’entre eux profiteraient du système. Il s’agit d’une petite minorité, qui peut être amenée à profiter du système. C’est une simple question d’équité. On ne peut pas consentir un effort pour mieux accompagner les chômeurs sans s’efforcer en parallèle de mieux lutter contre les abus.

Sans méconnaître les divergences d’approche entre les uns et les autres, nos débats ont été constructifs. Sur les 171 amendements différents – j’insiste sur cette précision – qui ont été présentés, 25 ont été adoptés, dont plusieurs avaient été déposés par l’opposition. Je me réjouis que certains de ces amendements soient substantiels : je n’ai pas peur de reconnaître qu’ils ont contribué à améliorer significativement ce texte.

C’est d’ailleurs une leçon d’humilité qu’il nous faudra retenir pour l’application des nouvelles règles de fonctionnement de nos institutions : quand on prend le temps d’un débat constructif, les parlementaires peuvent améliorer très substantiellement les textes qui leur sont soumis. Ils méritent toujours d’être encore approfondis.

Comme l’a déjà fait la rapporteure, je veux souligner le remarquable travail effectué par la commission des affaires sociales sous la présidence de Pierre Méhaignerie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). L’excellent travail de Mme Dalloz a permis d’apporter une précision essentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : il est désormais précisé de façon explicite qu’un emploi à temps partiel ne peut pas être imposé si le PPAE fait référence à une recherche d’emploi à temps complet. Nous n’achèterons pas une amélioration de la situation de l’emploi au prix d’une plus grande précarité.

Mme Fabienne Labrette-Ménager – Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État - A l’initiative de Martine Billard et de Francis Vercamer, vous avez également précisé que les périodes de formation seront pleinement prises en compte, ce qui est d’ailleurs une transition avec la suite du travail qui nous attend en matière de formation professionnelle (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

À l’initiative de Francis Vercamer, un médiateur a également été institué au sein du futur opérateur du service public de l’emploi en vue de traiter, sans juridisme excessif, les problèmes d’application de ce texte.

Conformément aux annonces du Gouvernement, qui entend rompre avec une approche hypocrite de la place réservée aux seniors dans l’emploi, la dispense de recherche d’emploi sera en outre progressivement restreinte à mesure que nous parviendrons à améliorer concrètement l’accès des seniors à l’emploi.

Mme Valérie Rosso-Debord – Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Vous le voyez, les débats parlementaires ont permis d’enrichir le contenu de ce texte. Il faut en remercier Mme la rapporteure, mais aussi le rapporteur pour avis, M. Yves Albarello, les membres de la commission des affaires sociales ainsi que l’ensemble des députés qui ont participé à ces débats. Je pense en particulier à Mme Valérie Rosso-Debord, qui a effectué un remarquable travail, à M. Francis Vercamer, à M. Michel Issindou, ou encore à Mme Martine Billard et à M. Maxime Gremetz (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je rappelle enfin que cette loi s’inscrit dans un ensemble de réformes menées par le Gouvernement – la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, la réforme de la formation professionnelle, et surtout les efforts destinés à redonner une place sur le marché du travail à tous ceux qui en ont été plus ou moins hypocritement exclus au cours de ces trente années de chômage de masse, notamment les seniors ou les jeunes sortis de notre système éducatif avec de trop faibles qualifications.

Au-delà de ce texte, nous devrons mener une réflexion plus large sur ce que doit être une politique sociale moderne. Nos concitoyens ne pourront durablement accepter le maintien de systèmes de protection sociale généreux qu’à condition de leur donner toutes les garanties que les sommes investies au titre de la solidarité nationale font l’objet d’un contrôle attentif de notre part. C’est un gage d’équité et de justice.

M. Alain Vidalies – Faites de même pour les stock-options !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Nous devrons également passer d’une politique sociale anonyme et administrative à une politique adaptée à la diversité des parcours et des situations individuelles, afin de permettre un retour à l’emploi sur mesure. Je remercie l'Assemblée nationale d’avoir contribué à avancer sur ce chemin grâce à ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Valérie Rosso-Debord – L’indemnisation des demandeurs d’emploi fait partie intégrante d’un dispositif visant à sécuriser les phases de transition des parcours professionnels. La flexicurité désigne la sécurisation de ces parcours dans un environnement économique mondial de plus grande flexibilité.

Dans ce processus, qui doit améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi, et ainsi de réduire fortement le taux de chômage, la place de l’assurance chômage et de l’accompagnement des chômeurs est primordiale.

Les économistes distinguent usuellement deux versants de l’assurance chômage : selon une logique d’assurance, il faut ainsi fournir aux chômeurs un revenu suffisant afin de leur éviter une perte de ressources trop importante ; les cotisations versées pendant la période d’emploi permettent aux individus d’acquérir des droits à un certain montant d’indemnisation pendant une certaine durée. Il faut déterminer quel profil d’indemnisation, en termes de montant, de durée et de dégressivité éventuelle, est efficace, c’est-à-dire incite un chômeur à reprendre un emploi s’il en a la possibilité.

En matière de sécurité, le système français d’assurance chômage fonctionne bien, car il est généreux et très sécurisant. Toutefois, le sentiment de sécurité des parcours professionnels résulte également – et surtout – du fait qu’une éventuelle période de chômage restera relativement brève ou permettra d’acquérir des compétences afin de retrouver un emploi en adéquation avec les compétences et les aspirations de chacun.

M. Franck Riester – Très juste !

Mme Valérie Rosso-Debord – Un équilibre doit être trouvé entre la rapidité du retour à l’emploi et la qualité de ce dernier. À ce titre, la durée du chômage reste trop longue dans notre pays. Dans leur rapport remis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, Pierre Cahuc et Francis Kramarz ont démontré qu’une réglementation stricte des licenciements tend à accroître la durée du chômage, parce qu’elle diminue les embauches ; le faible accompagnement des personnes à la recherche d’un emploi est par ailleurs peu propice aux réallocations de main-d’œuvre.

C’est la prise de conscience de ces inconvénients qui a inspiré les réformes menées dans certains pays étrangers, qui ont cherché à moins protéger les emplois, mais à mieux protéger les personnes en faisant porter l’effort de reclassement sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Le principal obstacle à la réalisation d’un tel objectif tient à la grande diversité des situations des chômeurs : certains d’entre eux retrouvent un emploi rapidement et sans aide ; d’autres ont besoin d’un soutien psychologique et social, y compris pour se lancer dans la recherche d’un travail ; certains ont besoin d’une formation, tandis que d’autres ont besoin d’une simple assistance à la recherche d’emploi ; certaines personnes sont enfin prêtes à travailler coûte que coûte, alors que d’autres peuvent avoir tendance à chercher moins activement un emploi lorsqu’une indemnisation généreuse est versée sans condition.

Mme Fabienne Labrette-Ménager – C’est vrai.

Mme Valérie Rosso-Debord – Face à une telle diversité des situations, il faut trouver une voie permettant de concilier un impératif d’équité, en assurant les meilleures conditions possibles aux plus démunis, et un impératif d’efficacité, seule façon d’assurer la viabilité financière de tout système assurantiel. C’est précisément la question des droits et des devoirs du demandeur d’emploi.

Comme l’indique le préambule de la Constitution de 1946, chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Il faut donner au service public de l’emploi tous les moyens d’apporter une aide efficace aux demandeurs d’emploi, qui doivent pouvoir accéder à un travail en adéquation avec leurs compétences et leurs aspirations. Ce projet y contribuant largement, le groupe UMP votera en sa faveur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Patrick Gille – Le véritable objectif de ce texte est de faire accepter aux demandeurs d’emploi, en particulier les plus fragiles d’entre eux, les offres de travail dont personne ne veut, car elles sont trop précaires ou mal payées. Il s’agit malheureusement de la majorité des offres disponibles à l’ANPE.

En cas de refus, les intéressés seront radiés des listes, ce qui permettra d’améliorer les statistiques, et les indemnités de chômage seront suspendues, afin de récupérer le plus d’argent possible pour baisser les cotisations sociales patronales ou renflouer les autres comptes sociaux déficitaires – je crains d’ailleurs que les deux pistes soient explorées.

Une telle politique ne fera qu’aggraver la dualisation du marché du travail : aux uns iront les heures supplémentaires, aux autres les bad jobs. Ces mesures relèvent d’une idéologie néo-libérale qui vise à réduire à tout prix le coût du travail, en brisant les acquis sociaux si nécessaire. Cette politique échoue partout dans le monde, car elle ne sert à rien dans un contexte de mondialisation. Elle nous engage cependant dans un processus de paupérisation d’une partie croissante des salariés : c’est la multiplication des travailleurs pauvres.

Une autre politique est possible. Organisons un « Grenelle » des salaires au lieu d’user d’expédients inefficaces pour préserver le pouvoir d’achat – chacun constate que la consommation des ménages ne fait que baisser… Il faut également utiliser les excédents de l’UNEDIC afin de construire cette sécurisation des parcours professionnels dont vous ne parlez plus : nous devons mieux accompagner les chômeurs, notamment les plus fragiles d’entre eux, tout en améliorant leur indemnisation en vue d’éviter les effets de déclassement, et enfin en renforçant la qualification des salariés. C’est cela qu’exige l’économie de la connaissance. Vous obligez au contraire les salariés à accepter leur déqualification.

La généralisation des PPAE pourrait être une bonne mesure si l’opérateur disposait des moyens adéquats. Malgré nos questions, j’observe que nous ne connaissons toujours pas la nature juridique du dispositif : les PPAE derniers sont contractualisés et signés, mais il ne s’agit pas d’un contrat. Ils sont obligatoires, mais tout le monde n’en profitera pas. Qui effectuera les choix ? Qui bénéficiera de cette mesure ?

En soumettant les primo-demandeurs et les seniors aux PPAE, vous les placez dans la logique de l’offre raisonnable d’emploi et du compte à rebours. Les primo-demandeurs ne touchent pourtant aucune indemnité, et nous devrions les aider à valoriser au maximum leurs diplômes et à acquérir une expérience. Quant aux seniors, ils passeront subitement des dispenses d’emploi à des contrôles renforcés. Alors qu’il vaudrait mieux faire preuve d’incitation à l’égard des employeurs, vous choisissez d’être coercitifs à l’égard des chômeurs. On peut en outre se demander s’il ne faut pas voir dans votre dispositif les prolégomènes d’une absorption des missions locales au sein du nouvel opérateur.

Je me félicite en revanche que nous ayons adopté l’excellent amendement de Martine Billard tendant à suspendre le décompte pendant les temps de formation professionnelle.

M. Francis Vercamer – Amendement que j’ai cosigné… (Sourires)

M. Jean-Patrick Gille – C’est une mesure simple et incitative, qui a également le mérite de ne rien coûter.

Contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse, le travail de l’opposition existe, et il est pertinent. Comme le ministre l’a reconnu, il a conduit le Gouvernement à modifier la rédaction de l’article premier afin de préciser que l’offre raisonnable d’emploi ne peut pas être payé moins que le SMIC ou être à temps partiel si le PPAE ne le stipule pas.

Il reste que l’actualisation du PPAE fera l’objet d’un bras de fer entre les demandeurs d’emploi et les agents du nouvel opérateur. Et cela sera d’autant plus vrai que l’actualisation est le « top départ » de l’actualisation. D’où la création d’un médiateur, qui est au demeurant une bonne mesure.

Votre stratégie est de mettre sous tension l’opérateur, mais ce dernier n’est pas prêt. Il est en pleine réorganisation et ne dispose pas d’offres suffisantes. Vous faites donc courir au système le risque de disjoncter.

Votre précipitation ne saurait masquer le mauvais coup que vous portez moins aux chômeurs qu’à l’ensemble des salariés. Après les RTT et les repos compensateurs, c’est le plein droit à l’assurance chômage pour laquelle ils ont cotisé qui est remis en cause. Et je crains que ce ne soit qu’un début !

C’est donc en toute connaissance de cause – et non par réflexe pavlovien – que nous voterons contre ce texte qui vise essentiellement à plonger les chômeurs dans l’insécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Martine Billard – Jusqu'ici, les conditions de suivi des demandeurs d'emploi étaient définies par décret. Or, alors que le Gouvernement insiste constamment sur la nécessité de simplifier le code du travail et s’est lancé, il n'y a pas six mois de cela, dans une recodification qui a entraîné le déclassement de très nombreux articles de la partie législative vers la partie réglementaire, voici qu’il nous demande de procéder en sens inverse.

Ce n'est pas un hasard. Il ne s’agit pas de renforcer l'accompagnement des chômeurs : si tel était le cas, ce texte aurait comporté une partie sur la formation. En effet, en 2007, 5 % seulement des chômeurs ont eu accès à des formations et la moitié des crédits formation de l'UNEDIC n'ont pas été consommés. Ce renforcement de l'accompagnement supposerait aussi que les agents du service public de l'emploi aient plus de 19 minutes à consacrer à chaque demandeur d'emploi.

Mais si le projet définit clairement les obligations des chômeurs, nous attendons toujours de connaître leurs droits ! Il est à ce titre significatif que le ministre ait constamment gardé le silence sur la nature des engagements du service public de l'emploi, tandis que la rapporteure a répété que le PPAE n'avait pas de valeur contractuelle. Les obligations du chômeur lui seront donc opposables, mais il n'en est pas de même pour ses droits. Comment parler d'équilibre ?

Refuser de reconnaître qu'il y a contrat n'est pas anodin : cela permet de modifier à tout moment les termes de l'engagement au détriment du demandeur d'emploi. Il ne signe pas de contrat, mais les termes de ce non-contrat lui sont quand même opposables !

Si vous transférez le PPAE – qui existait déjà – de la partie réglementaire à la partie législative, c’est pour pouvoir asseoir les nouvelles sanctions pour refus de PPAE et d'offres d'emploi raisonnables. Mme Lagarde justifie ce texte de la façon suivante : « La définition actuelle de l'offre raisonnable d'emploi est floue ; les critères ne sont ni définis ni adaptables à la situation de la personne. Cela laisse la place à des interprétations variables, donc à l'arbitraire. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons mettre en place des critères précis ». On pouvait donc s'attendre à un texte précis. Il n’en est rien. L'alinéa 2 de l'article 1er rend obligatoire le PPAE et l’acceptation des offres raisonnables d'emploi. Mais l'offre raisonnable d'emploi n'est définie que par le contenu du PPAE. Or nous n'avons pas réussi à savoir ce qui se passera en cas de désaccord sur le contenu de ce projet personnalisé Le référent du service public de l'emploi pourra-t-il imposer ses décisions au demandeur d'emploi ?

Par ailleurs, qu'en est-il de l'élaboration concrète du PPAE et de son évolution à partir du quatrième mois ? Le texte nous dit que « le PPAE est actualisé périodiquement », sans plus d'informations. Mais les sanctions, elles, deviennent automatiques. C'est une première, puisque notre droit a toujours affirmé la non-automaticité des peines. Même si vous avez déjà écorné le principe avec les peines planchers, cela ne vaut qu'en cas de récidive. Les chômeurs vont donc inaugurer la peine automatique : deux mois de suspension d'allocations en cas de refus d'une offre d'emploi considérée comme raisonnable par le service public de l'emploi. On ne risque donc plus d’interprétations variables : la peine sera la même pour tous. Nous sommes en plein arbitraire de masse !

La seule précision du texte porte sur les déplacements domicile-travail : toute distance à parcourir au plus égale à 60 kilomètres ou tout temps de transports en commun au plus égal à deux heures aller et retour vaudront obligation d'accepter une offre d'emploi. Ces critères incluent-ils le temps passé dans les embouteillages ? Et quid des demandeurs d'emploi qui ne possèdent pas de véhicule personnel et ne peuvent accéder aux transports en commun ? Que se passe-t-il si ceux-ci terminent leur service avant la fin de la journée de travail ? Ce ne sont pas des questions anodines au moment où sont sans cesse annoncées des ouvertures plus tardives des commerces et où certaines entreprises veulent imposer les semaines en 4x8 ? Comment les parents, et notamment les foyers monoparentaux, organiseront-ils la garde ou l’accueil de leurs enfants à la sortie des classes ? Ces deux points, reconnus comme les principaux obstacles à la reprise d'emploi, ne sont même pas traités dans ce texte ! Comme d'habitude, vous êtes en retard d'un baril de pétrole pour ce qui est des déplacements : alors que le prix des carburants explose, que nombre de salariés et de professions indépendantes voient leur facture de déplacements compromettre l'équilibre de leur budget, c'est le moment que vous choisissez pour inscrire dans la loi cette obligation. Il faut vraiment ne rien comprendre à la crise écologique pour continuer comme si de rien n'était !

Autre conséquence de votre loi, la pression à la baisse des salaires.

Le demandeur d'emploi est donc sommé de définir un PPAE. On pourrait penser que celui-ci va lui permettre de se projeter dans sa recherche d'emploi avec le plus d'atouts possible. Mais vous ne donnez pas trois mois au chômeur pour trouver un emploi qui y corresponde ! Au-delà, il sera obligé d'accepter une baisse de salaire. Qu'est-ce que trois mois ? Comment le chômeur individuel pourrait-il réussir là où tant de plans de reconversion ont échoué ? Le temps d'obtenir un rendez-vous pour définir le PPAE, d'envoyer des candidatures, d'espérer recevoir des réponses, les trois mois sont vite passés. Au bout de six, le chômeur devra accepter un emploi rémunéré à moins de 85 % de son ancien salaire. Au bout de douze, le salaire exigible ne pourra plus être qu’au niveau du revenu de remplacement. Gare aux chômeurs qui auront déclaré être prêts à reprendre n'importe quel emploi : ils pourront être contraints d'accepter un emploi à temps partiel ou de durée très courte.

Le niveau de l'emploi est directement lié à l'activité économique. Vous faites pourtant le choix de rendre les chômeurs responsables de leurs difficultés, alors que les sanctions ont pratiquement doublé entre 2004 et 2007, tandis que les radiations – dont un certain nombre sont abusives – augmentaient de 40 %. De plus, la sanction est d'application immédiate : le demandeur d'emploi est brutalement laissé sans revenu. Vous êtes toujours prompts à chercher à débusquer les abus infimes des chômeurs, mais beaucoup moins quand il s'agit de ceux des spéculateurs ou des patrons qui empochent des millions après avoir fait plonger leur entreprise (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe UMP).

De même, vous rendez les salariés âgés responsables quand ils se retrouvent sans emploi. Certes, le taux d'emploi des plus de 55 ans est particulièrement faible en France. Mais au lieu de sanctionner les entreprises, vous préférez repousser l'âge de retrait du marché du travail et programmer la disparition du dispositif de dispense de recherche d'emploi.

Une fois de plus, vous mettez la charrue avant les bœufs : au lieu de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, vous sanctionnez les chômeurs au bout de trois mois. Au lieu de convaincre les entreprises d’embaucher ou de ne plus licencier les salariés âgés de plus de 57 ans et demi, au lieu de les sanctionner, vous menacez ces salariés devenus chômeurs de finir dans la misère si, une fois réintégrés dans la liste des demandeurs d'emploi, ils refusent des offres considérées comme raisonnables par le service public de l'emploi.

L'objectif principal de ce texte est donc d'obliger à accepter des emplois quels qu'ils soient, où qu'ils soient et quelle qu'en soit la rémunération. Contrairement à ce que vous voulez faire croire, les chômeurs ne font pas les difficiles : la moitié d'entre eux ne sont pas indemnisés. Ce n'est donc pas en supprimant les indemnités de ceux qui y ont droit que l’on changera quelque chose. Ou plutôt, oui : ils se retrouveront sans revenu ou au RMI.

Vous refusez de reconnaître que l’existence d’emplois non pourvus s’explique par les bas salaires, la pénibilité du travail, le manque de formation, la précarité des contrats. Quelles sont les propositions du Gouvernement sur ces questions ? Aucune.

Au moment où les créations d’emplois ralentissent – 160 000 créations nettes au lieu des 250 000 attendues –, ce texte est particulièrement malvenu. Au lieu de participer à la course à la dégradation des conditions de travail et de rémunération, vous feriez mieux de vous interroger sur l'évolution de la société au regard des exigences écologiques, sur les ressources à garantir pour demain, sur le type de travail à promouvoir. Veut-on que chacun puisse vivre décemment de son travail ? Peut-on accepter que les travailleurs ayant les salaires les plus faibles soient obligés d'aller habiter sans cesse plus loin de leur lieu de travail, faute de pouvoir se loger à un coût abordable ?

Votre texte ne fait qu'accentuer les inégalités. Les députés du groupe GDR ne le voteront donc pas.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure – C’est un peu caricatural !

M. Francis Vercamer – Ce projet a été conçu comme l'un des éléments essentiels de la politique de l'emploi du Gouvernement. Le groupe Nouveau Centre aurait préféré – vous le savez – qu’il vienne parachever les réformes du marché du travail.

M. Christian Eckert – Vous préférez toujours autre chose, mais vous votez tout !

M. Francis Vercamer – Si nous partageons votre objectif d'encourager un retour rapide des chômeurs à l'emploi, nous souhaitons que le dispositif mis en place soit entouré de garanties pour les demandeurs d'emploi. On ne choisit pas d'être chômeur : il convient donc de s'assurer qu'un demandeur d'emploi disposera, en fonction des spécificités de sa situation personnelle, du meilleur accompagnement possible de la part du service public de l'emploi.

Il faut aussi garantir qu'il ne sera pas sanctionné après avoir refusé une offre valable d'emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté.

Toute l'architecture de votre projet de loi repose sur l'articulation entre le PPAE, élaboré par le demandeur d'emploi et son référent au sein de l'organisme issu de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, et la notion d'offre raisonnable d'emploi, dont les caractéristiques dépendront en partie du PPAE. Nous avons donc présenté des amendements visant à préciser le contenu de celui-ci, afin que l'offre raisonnable d'emploi tienne compte de la diversité des situations de chômage. Ils n’ont pas tous été acceptés, mais ils vous ont donné l’occasion de nous apporter des éclaircissements qui sont autant d'engagements pris à l'égard des demandeurs d'emploi.

C'est ainsi que vous avez admis que l'âge, l'état de santé et la pénibilité des métiers proposés devaient entrer dans la définition de la situation personnelle du demandeur d'emploi.

De même, les circulaires d'application de la loi préciseront que les transports en commun doivent fonctionner pendant les horaires de travail pour que l'offre d'emploi soit considérée comme raisonnable.

Vous avez par ailleurs accepté – c’est le fameux amendement Billard-Vercamer ! – que les délais dans lesquels se décline l'offre raisonnable d'emploi tiennent compte du temps de la formation éventuellement suivie par le demandeur d'emploi.

Enfin, vous avez retenu notre amendement visant à ce qu'un médiateur puisse régler les litiges entre le nouvel opérateur et les demandeurs d'emploi. C’est une avancée importante.

Les précisions apportées au fil du débat ont démontré votre volonté d'inscrire votre dispositif dans une logique de personnalisation du parcours et de la prise en charge du demandeur d'emploi. Nous faisons confiance aux agents du service public de l’emploi pour appliquer avec discernement ces nouvelles règles.

Mais celles-ci ne suffiront pas pour relever le défi de l'emploi. La mobilisation des acteurs locaux de l'emploi – agences du nouvel opérateur, maisons de l'emploi – est essentielle pour accompagner avec efficacité les chômeurs. Les synergies locales doivent bien sûr être encouragées.

Il est indispensable, Monsieur le ministre, que, dans les mois et années qui viennent, nous disposions dans nos bassins d'emplois de moyens adaptés à la gravité et à la complexité des situations auxquelles nous sommes confrontés.

M. Christian Eckert – Ce n’est pas gagné !

M. Francis Vercamer – Considérant que les réformes que nous accomplissons sont la seule voie pour faire reculer durablement le chômage et encourager l'accès à des emplois de qualité, le groupe Nouveau Centre votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Comme mes collègues socialistes l’ont indiqué ce matin en CMP, nous nous félicitons que quelques améliorations aient été apportées à ce projet (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L’opposition y a contribué, en dépit des conditions difficiles dans lesquelles elle a dû travailler du fait de l’examen de nombreux textes en urgence.

Nous avons défendu avec conviction nos valeurs, sans succomber à la facilité de l’obstruction. C’est ainsi qu’ont pu être adoptés à l'Assemblée nationale les amendements clarifiant la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi, par exemple en valorisant les connaissances et les compétences acquises au fil des expériences professionnelles.

En dépit de ces améliorations, nos critiques demeurent concernant « l’offre raisonnable d’emploi » et le système de sanctions. Celles–ci sont d’autant plus stigmatisantes que les conditions nécessaires à une amélioration de la situation de l’emploi sont bien loin d’être réunies. Les radiations n’amélioreront en rien le marché du travail ; et le fait de priver des demandeurs d’emploi de leurs allocations, bien utiles pour se loger ou se déplacer, ne les aidera pas à trouver un emploi !

Le volet « droits » du PPAE nous semble bien mince au regard des devoirs. Quand les dépenses publiques consacrées au marché du travail représentent 4,26% du PIB au Danemark et 3,32% en Allemagne, mais seulement 2,52% en France, la priorité n’est pas d’accentuer la pression sur les demandeurs d’emploi.

S’agissant des seniors, adopter un article 2 bis pour dire qu’après 55 ans on est encore en âge de travailler ne me semble pas à la hauteur de l’enjeu… Sans réel plan d’action, vous allez à l’échec, comme M. Fillon avec sa réforme de 2003, dont la CNAV a tiré récemment un bilan peu flatteur.

Votre cavalier législatif sur la dispense de recherche d’emploi, aussi bien que l’ensemble de votre projet ne sont convaincants ni sur la forme ni sur le fond. Vous ne vous étonnerez donc pas que nous votions contre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Catherine Lemorton – C’est donc au cœur de l’été nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte extrêmement important, sur lequel, qui plus est, l’urgence a été déclarée.

Certes, nous avons quelques satisfactions : le parcours professionnel, les ambitions, les capacités du demandeur d’emploi pourront être discutés dans le cadre d’un PPAE, ce qui était loin d’être clairement exprimé dans le texte initial ; l’importance de la formation semble reconnue ; l’offre raisonnable d’emploi sera assortie d’un salaire minimum plus décent ; les demandeurs pourront recourir à un médiateur ; les partenaires sociaux seront consultés pour la rédaction du décret fixant les conditions de radiation.

Mais comment croire que la démocratie sociale va être davantage respectée, alors que le Président de la République et le Gouvernement s’étaient déjà engagés à ne pas toucher au code du travail sans en référer aux partenaires sociaux ? Comment faire confiance au futur opérateur public pour le suivi des PPAE, quand partout en France on réduit les effectifs de l’ANPE ? Comment cet opérateur pourra-t-il gérer le passage des PPAE élaborés dans le dispositif actuel à ceux qui seront issus de cette nouvelle loi ? Que dire aussi de cet article 2 bis relatif aux seniors, alors qu’un plan d’ampleur nous a été annoncé par le Gouvernement ?

Ce texte va stigmatiser les 98 % de chômeurs sincères (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour punir les 2 % de fraudeurs. Le glissement vers la contractualisation du rapport entre le demandeur et l’opérateur, avec un déséquilibre évident en faveur du second, et les menaces de sanction en cas de refus d’une « offre raisonnable » sont des atteintes à la liberté des chômeurs. Ce texte montre bien que pour vous, l’accident de la vie relève de la responsabilité directe de celui qui le subit !

Si votre volonté avait été de rappeler à l’ordre les fraudeurs, l’arsenal existant suffisait. Par ailleurs, au regard des droits des demandeurs d’emploi, ce texte est navrant. En vérité, l’objectif – que la majorité aurait dû assumer – est de limiter l’engagement financier de l’État et de fragiliser les chômeurs.

Parce qu’il ne répond pas aux véritables besoins des demandeurs d’emploi, nous ne pourrons décemment pas apporter notre soutien à ce texte plus que mauvais !(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

La discussion générale est close.

EXPLICATION DE VOTE

M. Michel Issindou – Malgré les améliorations qui ont été apportées au cours du débat, et la bonne volonté épisodique du ministre, ce texte va porter un mauvais coup aux demandeurs d’emploi.

Comment ne pas partager votre objectif de ramener le chômage à 5 % en 2012 ? Mais la méthode que vous employez pour y parvenir – forcer autoritairement la rencontre entre l’offre et la demande – est loin d’être convaincante.

Un autre de vos objectifs est de réduire le coût de l’assurance-chômage, pour basculer les excédents sur les retraites. Le problème, c’est que les chômeurs, dans leur quasi-totalité, ne sont en rien responsables de leur situation.

Il s’agit surtout pour vous, par une opération de communication, de rappeler à votre électorat que vous pourchassez ceux qui abusent du système.

Vous n’avez pas hésité à nous soumettre ce texte au cœur de l’été, en déclarant l’urgence, et en ne laissant aucune chance au dialogue social. Toutes les organisations syndicales s’opposent à ce texte, estimant que le débat aurait dû avoir lieu lors des discussions à venir sur l’assurance chômage, mais une fois de plus vous passez en force. Le dialogue social suppose la confiance entre les partenaires ; un État qui agit de manière brutale ne peut que l’altérer.

Sur le fond, ce texte est tout à la fois inutile, dangereux et humiliant ; il se révélera très rapidement inefficace.

Ce texte est inutile car le code du travail permet déjà de lutter efficacement contre la fraude, avec des sanctions d’ailleurs tout à fait légitimes. Le nouveau dispositif n’apportera rien, et les 2 % de fraudeurs auront vite fait d’en trouver les failles. Il est inutile aussi parce que c’est le manque de croissance qui provoque le manque d’emplois. Or, depuis six ans, vous n’avez fait aucun miracle à cet égard, même pas avec la fameuse loi TEPA.

Ce texte est également dangereux parce qu’il repose sur une « offre raisonnable d’emploi », notion aux limites de la philosophie et de la morale dont l’interprétation risque de souffrir d’un grand flou. Dès l’élaboration de son PPAE, le demandeur d'emploi se trouvera sous la contrainte. Elle sera dans un premier temps empreinte de bienveillance mais, très vite, il se verra pressé par l’opérateur d’actualiser son projet à la baisse avant de devoir, au bout d’un an, accepter un emploi non désiré et mal rémunéré. Par ailleurs, si ce texte contient beaucoup de devoirs, il n’apporte rien de bien nouveau pour ce qui est des droits en dépit de son titre alléchant. Vous attendez beaucoup de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, mais on voit mal comment le suivi personnalisé pourrait, à moyens constants, être effectif – et n’eût-il pas été judicieux d’attendre, pour présenter ce projet, que cette fusion soit réalisée ? Quant à la formation professionnelle, l’UNEDIC ne consomme que la moitié des crédits qui y sont affectés, et très peu en faveur des demandeurs d'emploi. Nous sommes heureux que vous annonciez une réforme à l’automne, mais pourquoi, alors, voter le présent projet aujourd’hui ?

Mais ce texte est avant tout humiliant pour les chômeurs. Les demandeurs d'emploi sont victimes d’une pénurie de l’offre. Vous en faites des coupables.

Plusieurs députés UMP - Mais non !

M. Michel Issindou – Vous donnez aux chômeurs le sentiment qu’ils sont responsables de ce qui leur arrive. Mais le chômage est dur à vivre. Ils ont besoin d’attention, de formation, d’une allocation correcte pour garder leur dignité et l’envie de s’en sortir au plus vite. Ce texte n’est pas construit dans cet esprit. Il est marqué par votre obsession de la fraude et ne sert que des objectifs démagogiques et financiers. Il ne réglera pas le problème de l’emploi, mais donnera l’illusion que vous vous en préoccupez. Le meilleur service que vous puissiez rendre aux demandeurs d'emploi, c’est de recréer les conditions de la croissance, constatée en Europe et étrangement absente en France. Pour l’heure, nous voterons contre ce texte, même amendé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.

CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE

M. le Président – L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour. Monsieur le président de l’Assemblée prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.

Bonnes vacances ! (Applaudissements)

La séance est levée à 23 heures 35.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

© Assemblée nationale