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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 16 juillet 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. MARC LE FUR

1. Règlement définitif du budget 2006. – Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 3, 66)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

question préalable

Question préalable de M. Jean-Claude Sandrier : MM. François de Rugy, le ministre, Jean-Pierre Brard, Jean-Louis Idiart, Yves Censi, Charles de Courson. – Rejet.

discussion générale

MM. Jean-Louis Idiart,

Jean-Pierre Brard,

Charles de Courson,

Michel Bouvard,

Pierre-Alain Muet.

Suspension et reprise de la séance

MM. Daniel Garrigue,

Laurent Hénart,

Jean Launay,

Louis Giscard d’Estaing,

Jean-François Lamour,

Yves Censi.

Clôture de la discussion générale

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances

PRÉSIDENCE DE M. MARC LE FUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

règlement définitif du budget de 2006

Discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2006 (nos 3, 66).

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, mesdames, messieurs les députés, pour nous tous, qui avons l’habitude de regarder vers le futur, il n’est jamais très enthousiasmant de se retourner vers le passé. Ainsi s’explique le caractère relativement confidentiel qu’avait, jusqu’à présent, la discussion du projet de loi de règlement définitif du budget de l’année précédente.

Mais imaginez maintenant que ce regard en arrière puisse nous guider sur le chemin de l’avenir ; dans ce cas, tout change. C’est justement ce qu’il advient avec la nouvelle présentation du projet de loi de règlement : désormais, les résultats de l’exercice précédent pourront être pleinement utilisés pour améliorer les politiques publiques à venir.

Ce projet de loi dont nous allons discuter est le premier à être présenté dans les conditions fixées par la LOLF. À ce titre, il marque le point d’orgue des réformes portées par notre nouvelle constitution budgétaire, dont je salue l’un des deux pères fondateurs, Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous disposons maintenant d’un outil budgétaire entièrement renouvelé et en ordre de marche.

Le contenu très technique de cette réforme ne doit pas en cacher la portée politique profonde. Avec la LOLF, nous avons franchi une étape décisive en matière de gestion des finances publiques : une étape qui répond aux demandes des Français, lesquels veulent un État plus fiable, plus performant et plus économe de l’argent public ; une étape qui constitue un levier majeur de modernisation de l’État, grâce à la présentation du budget par politiques publiques et non plus par types de dépenses, grâce aussi à la nouvelle logique de résultats et de performance qui préside à l’élaboration du budget ; une étape, enfin, qui vous apporte des moyens de contrôle nouveaux et approfondis, qui viennent renforcer les pouvoirs du Parlement et donc notre démocratie.

Une dernière réforme me paraît néanmoins indispensable pour que les avancées engagées par la LOLF portent tous leurs fruits. C’est celle de la procédure parlementaire de la discussion budgétaire, que j’évoquerai tout à l’heure, après vous avoir présenté les résultats et les comptes de l’année 2006.

Les résultats de l’exercice 2006 sont très satisfaisants et je rends hommage à mon prédécesseur, qui en a été le maître d’œuvre en tant que ministre chargé du budget, ainsi qu’à votre commission des finances, à son président d’alors, Pierre Méhaignerie, et à son rapporteur général, Gilles Carrez.

Le déficit budgétaire de l’État demeure, certes, élevé mais il est nettement inférieur aux prévisions initiales, puisqu’il s’élève à 39 milliards d’euros contre 45,7 prévus par la loi de finances rectificative de fin d’année.

Cette amélioration est le fruit d’une stricte maîtrise des dépenses sur le budget général. Pour la quatrième année consécutive, l’autorisation parlementaire a été respectée et la progression des dépenses contenue au niveau de l’inflation – le zéro volume – a bien été tenue.

Le respect du plafond de dépenses s’accompagne du respect du plafond d’emplois, qui témoigne d’un effort très important de maîtrise des effectifs et de la masse salariale de chaque ministère. La baisse du nombre d’emplois en équivalents temps plein est ainsi de 9 500, contre 5 300 prévus en loi de finances initiale.

Maîtrise de la dépense et maîtrise des effectifs sont les deux éléments clés de la crédibilité de notre politique budgétaire. Elles seront assidûment poursuivies. Vous pourrez le constater cet après-midi, lors de notre débat d’orientation budgétaire.

L’amélioration du montant du déficit est aussi le fruit d’une dynamique marquée des recettes fiscales, en hausse de plus de 10 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette hausse est essentiellement concentrée sur l’impôt sur les sociétés. Conformément à la règle fixée en loi de finances initiale, l’intégralité du surplus de recettes fiscales a été consacrée à la réduction du déficit budgétaire.

Mais, comme je l’ai indiqué au début de mon propos, l’intérêt de ce projet de loi dépasse de beaucoup l’enregistrement de ces résultats : il entérine en effet une véritable révolution comptable et devient l’étape clé de l’amélioration des performances de l’action publique.

La première rupture que marque le texte dont nous discutons aujourd’hui est d’ordre comptable. Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a pu, à juste titre, parler d’un véritable « big-bang » comptable pour l’État et ce fut effectivement le cas, même si nos concitoyens ne s’en sont pas aperçus.

Je tiens à rendre un hommage appuyé à tous ceux qui en ont été les artisans. Les administrations, qu’elles soient gestionnaires ou comptables, ont fait un travail considérable, dont témoigne la qualité de ces premiers comptes.

M. Michel Bouvard. C’est exact.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pour la première fois, les comptes de l’État soit présentés non plus selon une simple comptabilité de caisse mais selon une comptabilité générale, avec, à l’égal des entreprises, un bilan, un compte de résultat et un tableau des flux de trésorerie. L’intérêt est double. Ces nouveaux comptes donnent une vision beaucoup plus précise et détaillée du résultat de l’exercice budgétaire, et ils rendent compte de façon beaucoup plus juste du patrimoine de l’État français.

Côté actif, les immobilisations font désormais l’objet d’un recensement plus systématique, qui nous a conduits à augmenter l’actif immobilisé de près de 200 milliards d’euros, après réévaluation du patrimoine routier, des participations financières ou des stocks, par exemple.

Côté passif, les provisions comptables sont désormais enregistrées. Au total, le bilan fait apparaître, au 31 décembre 2006, un actif net des amortissements et des dépréciations de 538 milliards d’euros, pour un passif de 1 131 milliards d’euros, constitué à 80 % de dettes financières.

En marge du bilan, les comptes de l’État retracent aussi plus fidèlement ses engagements. Un travail analogue au recensement des actifs a été entrepris pour mieux les identifier et, lorsque cela était possible, mieux les valoriser. Des informations nombreuses et enrichies ont ainsi été portées dans l’annexe au bilan. Par exemple, le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l’État fait désormais l’objet d’une évaluation, fixée à 230 milliards d’euros.

Cette réforme, qui apporte plus de fiabilité et plus de transparence dans les comptes, n’a donc pas une portée simplement comptable. Ce n’est pas un pur exercice de style, destiné au seul cercle des experts, contrôleurs financiers de l’État ou magistrats de la Cour des comptes. Sa portée est bien plus vaste. Elle répond à une exigence démocratique profonde, inscrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui mentionne le droit pour tout citoyen de suivre l’emploi de la contribution publique qu’il acquitte, comme l’énonce l’article XIV, et, plus largement, le fait que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ainsi que le précise l’article XV.

Pour autant, le chantier comptable n’est pas terminé. Les efforts devront être poursuivis pour améliorer la qualité de l’information et parvenir, à terme, à la levée des réserves faites par la Cour des comptes. C’est tout le sens des engagements que nous avons pris vis-à-vis des certificateurs. C’est une tâche de longue haleine, qui doit nous inciter, collectivement, à ne pas relâcher notre effort. Vous vous montrerez vigilants, j’en suis sûr – et vous aurez raison de l’être –, pour que nous assurions l’achèvement de ce chantier dans des délais raisonnables.

La nouveauté de ce projet de loi de règlement ne s’arrête cependant pas à la présentation pure et simple des comptes. Les RAP, les rapports annuels de performances, qui lui sont annexés en font également un moment phare : celui où l’on va juger, pour chaque politique publique, des résultats atteints et des moyens mis en œuvre.

Cette loi sort ainsi de l’ombre pour devenir le moment privilégié du contrôle de l’exécution budgétaire et, par conséquent, une étape majeure dans le cycle de préparation de la procédure budgétaire, à l’image de ces étapes de montagne qui constituent le point fort du Tour de France.

M. Michel Bouvard. La comparaison est judicieuse !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je conviens que l’expression n’est pas très comptable, mais vous admettrez qu’elle stimule l’attention.

J’aimerais vous faire part, dans ses grands traits, du bilan de l’exercice auquel se sont livrées l’ensemble des administrations.

Commençons par les imperfections. Elles sont naturelles dans un premier exercice et pour une réforme aussi profonde. En effet, la définition et le calcul des indicateurs de performance, qui mesurent désormais l’activité de l’administration, ne vont pas de soi. Quels critères peuvent rendre compte de l’efficacité réelle d’une politique, par exemple, en matière de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ? Une question comme celle-ci, que l’on doit poser désormais pour chaque politique publique, reçoit rarement une réponse simple. Elle exige de repenser les buts poursuivis et les moyens mis en œuvre par chaque politique. Il ne s’agit donc plus de montrer que tout va bien parce qu’on a consommé 99 % des crédits. Il faut, désormais, définir une stratégie, avec des objectifs ciblés, et lui affecter les moyens nécessaires. C’est un changement culturel radical pour nos administrations, ce qui, par définition, ne se fait pas en un jour. Et c’est une démarche qui a aussi une dimension politique, car arrêter une liste limitée d’indicateurs, c’est hiérarchiser les priorités, ce qui représentera un travail considérable dans les années qui viennent.

Une fois ces indicateurs de performance définis, il faut les exploiter. La mesure fiable des performances atteintes requiert des systèmes d’information extrêmement élaborés. Ceux-ci existent, mais ils ne sont pas encore totalement opérationnels. C’est là une deuxième cause d’imperfection.

M. Michel Bouvard. On peut le dire !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Néanmoins, le bilan que l’on peut tirer de ce premier exercice est très satisfaisant. Il est le fruit d’une implication collective de l’ensemble des ministères.

Que nous apportent ces rapports annuels de performances ? Ils nous apprennent tout d’abord l’utilisation que les responsables de programme ont faite de leurs crédits. Ce que je retiens avant tout, c’est le succès de l’appropriation des nouvelles souplesses de gestion offertes par la LOLF. Les nouvelles modalités de mise en réserve de crédits ont parfaitement répondu aux attentes, en donnant aux ministères la visibilité nécessaire sur les crédits disponibles, en toute transparence vis-à-vis du Parlement. Les ministères ont pleinement exploité les leviers offerts par la LOLF dans la gestion de leurs crédits, au service de leurs priorités. Ils ont pu ainsi financer la plupart des besoins apparus en cours de gestion par redéploiement au sein des programmes, en dégageant notamment des marges sur la masse salariale.

Ces redéploiements – plus précisément cette « fongibilité asymétrique », pour employer le vocabulaire de la LOLF – ont porté, dès cette première année, sur un montant de 400 millions d’euros.

Les RAP nous apprennent ensuite le coût réel des politiques publiques. C’est une véritable nouveauté. Avant la LOLF, tout ce qu’on pouvait connaître était le montant des dépenses exécutées du budget de chaque ministère. Avec la LOLF, on raisonne désormais en politiques publiques, dont on peut connaître le coût budgétaire effectif et dont on possède même, grâce à l’apport de la comptabilité générale, une esquisse du coût complet.

C’est donc une image beaucoup plus juste du coût des politiques publiques que l’on met à la disposition du Parlement et du citoyen, même si des progrès restent encore à faire sur le recensement des immobilisations, des stocks ou des provisions. Ces progrès souhaitables nous renvoient aux réserves exprimées par la Cour des comptes, auxquelles nous entendons répondre, sur la durée, par une démarche d’amélioration permanente.

Enfin, les RAP permettent d’aller plus loin encore puisque, avec les indicateurs de performance, on connaît aussi désormais les résultats des politiques publiques. C’est une avancée majeure qui intéresse à la fois le citoyen, le contribuable, l’usager et, par conséquent, au premier titre, le parlementaire.

Le citoyen constatera, par exemple, que nous obtenons des résultats tangibles dans le renforcement de la lutte contre la fraude. La valeur des saisies de marchandises de contrefaçon s’est ainsi élevée à 271 millions d’euros en 2006, contre 125 millions initialement prévus.

Le contribuable sera sensible, pour citer un sujet souvent évoqué, à l’amélioration de la productivité des juridictions administratives dans le traitement des dossiers. Ce sont ainsi 80 affaires en moyenne, qui ont été réglées par magistrat au Conseil d’État en 2006, contre 73 prévues dans les projets annuels de performance ; 104 dans les cours administratives d’appel, contre 98 attendues ; 268 dans les tribunaux administratifs, contre 240 prévues.

L’usager, enfin, observera, par exemple, que le calendrier de versement des aides de la PAC aux exploitants agricoles est respecté, en 2006, à plus de 97 % contre 94 % prévus à l’origine.

Tous les objectifs fixés n’ont pas été atteints, mais, pour un premier exercice, le bilan est plutôt satisfaisant. Ainsi, sur l’ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être analysés, on relève un taux de réalisation de 60 % ; 20 % traduisent de réels progrès ; seuls 20 % ne traduisent pas de réelle amélioration de la performance.

Je conclurai maintenant sur les perspectives offertes par la rénovation de notre loi de règlement.

Avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser cette loi pour en faire le moment de « vérité budgétaire », celui où il est pleinement rendu compte de l’action conduite.

En donnant une dimension nouvelle à la loi de règlement, la LOLF permet au Parlement et à l’ensemble des citoyens de contrôler plus efficacement l'action du Gouvernement.

Le Parlement, j'en ai la conviction, s'appropriera progressivement cette réforme. Il en a apporté la preuve, dès l'an dernier, en organisant l'audition de ministres et de responsables de programmes sur l'exécution de leur budget en 2005. Il le montre à nouveau cette année, même si les circonstances politiques et le calendrier lui ont rendu la tâche plus difficile.

Au vu de ces nouveaux enjeux, nous devons maintenant faire évoluer la procédure budgétaire elle-même. Le Président de la République et le Premier ministre ont évoqué ce sujet à plusieurs reprises.

M. Jean-Pierre Brard. Ça ne regarde pas le Président. C’est un putsch au quotidien !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il s'agit de concentrer davantage l'attention du législateur comme du Gouvernement sur l'examen du projet de loi de règlement et, en particulier, sur les rapports annuels de performances.

Ce rééquilibrage par rapport au projet de loi de finances initiale aura pour avantage d'instaurer les conditions d'exercice d'une vraie responsabilité des ministres. Ils ne seront plus jugés uniquement en fonction du volume du budget qu'ils obtiennent, mais de la mise en œuvre des politiques publiques dont ils sont responsables et dans la limite des moyens qui leur sont alloués. Il y aura une exigence de résultat et, comme dans toute entreprise, le moment de la présentation des résultats devra être au moins aussi important que celui de la présentation du budget initial.

Cette rénovation de la procédure budgétaire conforterait ainsi le « chaînage vertueux » mis en place par la LOLF. Il articule la discussion du projet de loi de règlement de l'exercice n-1, le débat d'orientation budgétaire sur la période n + l à n +3 – qui permet de donner de la lisibilité et de la visibilité à nos finances publiques – et enfin, la présentation du projet de loi de finances de l'année n +1, établi non seulement sur la base des prévisions de la loi de finances de l'année n, mais aussi sur celle des résultats concrètement obtenus l'année n-1. C'est le chemin que nous empruntons aujourd'hui puisque sont successivement inscrits à l’ordre du jour le projet de loi de règlement du budget 2006 puis le débat d'orientation budgétaire pour les trois prochaines années.

Je serais favorable à ce que nous engagions très rapidement la réflexion avec votre commission des finances et avec le Sénat. Nous devons avoir ce débat, que j’ai d'ailleurs déjà évoqué avec Didier Migaud et Gilles Carrez. Ainsi, nous pourrons parfaire le grand mouvement de réforme budgétaire lancé en 2000 et qui connaît son plein effet aujourd’hui. La boîte à outils complète dont nous disposons est cohérente et puissante et doit conduire à une amélioration de notre stratégie budgétaire. Ce serait un gain considérable pour la démocratie. L’examen de la loi de règlement deviendra alors, à l’instar du travail fait sur le budget, un grand rendez-vous annuel d'analyse et de jugement de l'action de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement est le premier présenté sous le régime de la LOLF de 2001. Il contient une richesse d’information exceptionnelle car, pour la première fois dans ce texte, le Gouvernement et les administrations rendent véritablement compte de leur activité pendant l’année 2006.

Nous aurons, mes chers collègues, à regarder d’autant plus précisément les rapports annuels de performance établis sur les différents programmes de cette année 2006 qu’ils nous permettront d’émettre un jugement sur les crédits que nous examinerons à partir de l’automne dans le projet de loi de finances pour 2008 et d’apprécier l’état de l’exécution de l’exercice 2007.

J’invite les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis des différents budgets, et je suis sûr que le président de la commission des finances le fera également, à se saisir dès maintenant de ces rapports annuels de performance 2006, afin d’effectuer le travail de contrôle et d’évaluation qui est, dans les parlements modernes, la clef de la responsabilité des élus.

Autre innovation de cette loi de règlement : nous bénéficions désormais de systèmes comptables beaucoup plus larges. Nous avions, jusqu’alors, une sorte de comptabilité d’épicerie entre les encaissements de recettes d’un côté et les décaissements au jour le jour de l’autre. Au-delà de cette « comptabilité budgétaire », nous disposons maintenant, comme dans les entreprises, d’une comptabilité en droit constaté qui rattache à chaque exercice les charges et les produits tels qu’ils résultent d’engagements juridiques.

M. Louis Giscard d'Estaing. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nos nouveaux collègues doivent être étonnés que nous ayons vécu avec une comptabilité aussi rudimentaire, mais nous avons enfin cette fois un résultat en termes de trésorerie…

M. Jean-Pierre Brard. On passe de l’épicerie du coin à Fauchon !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et je vais commenter ces différents résultats.

Le résultat budgétaire traditionnel, encaissements-décaissements, devait s’élever selon la loi de finances 2006 à 46,9 milliards d’euros mais, en exécution, ce résultat se monte à 35,7 milliards d’euros, performance remarquable à laquelle le ministre vient à juste titre de rendre hommage. En effet, le déficit est inférieur de plus de 11 milliards d’euros à celui de la prévision initiale, c’est du jamais vu ! C’est une première dans notre histoire budgétaire qui en induit deux autres. D’une part, si on retranche du déficit le poids du passé, les intérêts de la dette, nous sommes en excédent primaire – ce qui n’était pas arrivé depuis 2000 – pour un montant de deux milliards d’euros. D’autre part, grâce à ce déficit moindre, nous stoppons l’effet boule de neige de la dette et n’avons plus besoin d’emprunter pour payer les intérêts de l’emprunt ; notre dette se stabilise par rapport à l’évolution du PIB…

M. Jean-Pierre Brard. Et les bijoux de famille qui ont été vendus ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et, en 2006, nous avons même réussi à réduire ce rapport.

J’en viens à votre observation, cher Jean-Pierre Brard. C’est vrai, nous avons eu ce résultat grâce à une bonne gestion de nos actifs,…

M. Jean-Pierre Balligand. On peut le dire comme ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …puisque nous avons vendu pour 14 milliards d’euros d’actifs autoroutiers et que, sur cette somme, 13 milliards ont été affectés au remboursement de la dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Launay. Seulement, on ne vend pas deux fois !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Plutôt que de laisser dormir des actifs mal utilisés, mieux vaut avoir une gestion moderne et optimiser la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Philippe Vitel. C’est ça, la bonne gestion : suivez donc cet exemple ! Autres temps, autres mœurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons également mieux mobilisé la trésorerie. Jusqu’à présent, nous ne prêtions pas une attention suffisante au fonds de roulement de l’État : il a été réduit d’environ 25 milliards d’euros. Pour la première fois depuis un quart de siècle, une baisse en valeur absolue de la dette de l’État est donc possible. Certes, elle est modeste, 700 millions d’euros sur plus de 900 milliards d’euros, mais ce qui est encore plus significatif, c’est que nous enregistrons entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2006, une baisse de deux points du niveau de l’endettement public par rapport au PIB, qui passe de 66 % à 63,7 %.

Le résultat comptable, quant à lui, donne des éléments intéressants : un compte de résultat déficitaire de 31 milliards d’euros mais surtout un bilan de la situation de l’État – là encore, c’est une première, – avec en fin d’année 2006, une situation nette, différence entre l’actif et le passif, de moins 593 milliards d’euros, disons moins 600 milliards d’euros. Il ne faut toutefois pas prêter trop d’attention à ces chiffres puisque, par exemple, la faculté pour l’État de lever l’impôt n’est pas valorisée à ce bilan, en termes de situation patrimoniale.

Il y a quelques jours, lors de son audition par la commission des finances, Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes – l’audition était consécutive à la certification opérée pour la première fois par la Cour – a insisté sur deux points qu’il serait nécessaire d’améliorer. Première priorité selon lui, nos systèmes d’information comptable,…

M. Louis Giscard d'Estaing. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …que le développement de Chorus doit moderniser. Seconde priorité, les contrôles internes dans les différents ministères. Parmi les treize réserves émises lors de la certification des comptes, ces deux questions sont, selon lui, les plus importantes. J’en profite pour rendre hommage, comme vous, monsieur le ministre, à l’énorme effort consenti par les administrations ainsi qu’à la Cour des comptes pour parvenir à cette certification des comptes et à ses résultats spectaculaires et extrêmement intéressants.

Quelle leçon tirer de cette gestion 2006 ? En ce qui concerne la gestion au quotidien des crédits, nous avons stabilisé la dépense pour la quatrième année consécutive. Mais ce qui est révolutionnaire, c’est que nous n’avons pas dépassé en exécution l’enveloppe de crédits autorisée par le Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Attention, voilà Robespierre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour la rigueur des comptes, ce serait plutôt Saint-Just, monsieur Brard !

L’habitude était prise, l’enveloppe votée par le Parlement était chaque année dépassée. Or nous adoptons des crédits et il est normal que le Gouvernement s’y conforme scrupuleusement – cela procède véritablement du respect du Parlement – et, en l’occurrence, c’est ce qu’il a fait.

Par ailleurs, dès le début de l’année, une « réserve de précaution » a été mise en place. Sans que nous votions cette « réserve », nous avons, pour la première fois, pris en compte son montant de 5,5 milliards d’euros en adoptant un taux de mise en réserve de 0,1 % sur les crédits de personnel et de 5 % sur les autres crédits. Ces 5,5 milliards d’euros ont permis une gestion sur l’ensemble de l’année grâce à des décrets d’avance qui ouvraient de nouveaux crédits ou au contraire grâce à l’annulation de crédits. Pour la mission emploi travail par exemple, 700 millions de crédits ont été ouverts sur l’année 2006, mais l’équivalent a été annulé. Le budget a donc été strictement respecté.

J’ajoute un mot sur les dépenses de personnel. Nous avions prévu le non-remplacement de 5 500 emplois en budget initial effectif par rapport au 60 000 départs en retraite. En comptant les 4 000 emplois équivalents temps plein qui n’ont pas été utilisés dans la gestion 2006, c’est donc un total de 9 500 emplois qu’il faut comparer aux 60 000 départs en retraite.

Pour terminer je voudrais insister sur les quelques règles générales de bonne conduite qui ont caractérisé cette année 2006.

La règle dite du « zéro volume » est caractérisée par le fait de s’arc-bouter sur une gestion très rigoureuse de la dépense. Tout part de la dépense. On ne le répétera jamais assez : si nous voulons assainir nos comptes publics, l’effort doit porter avant tout sur la dépense. En 2006, la règle fixait la barre concernant la maîtrise des dépenses au niveau de l’inflation – on avait même en fait gagné 0,1 % sur l’inflation. En 2007, la règle est plus rigoureuse puisqu’elle place la limite à 1 % sous l’inflation, c’est le « moins 1 % volume » qui donne une marge de manœuvre en crédits supplémentaires limitée à un peu plus de deux milliards. Le Premier ministre, puis vous-même, monsieur le ministre, en commission des finances, l’avez annoncé : en 2008, la règle de la stabilisation de la dépense va porter non seulement sur les crédits stricto sensu, mais également sur un certain nombre de prélèvements sur recettes. La norme sera donc élargie, ce qui est indispensable à une meilleure maîtrise du système.

La deuxième règle de bonne conduite a consisté à affecter la totalité des recettes supplémentaires à la baisse du déficit. Nous avions voté ce principe inclus dans l’article d’équilibre de la loi de finances pour 2006 et nous l’avons respecté s’agissant des 10 milliards de recettes fiscales supplémentaires, ce qui explique ce bon résultat.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsqu’on dresse le bilan de l’utilisation des marges de manœuvre disponibles en 2006, on constate que 56 % des 20 milliards de recettes supplémentaires spontanées ont été affectés à la dépense ou à l’augmentation des prélèvements sur recettes, 14 % aux baisses d’impôts et 30 % – presque un tiers – à la baisse du déficit.

Si nous voulons poursuivre sur ce chemin vertueux – et je sais que vous y êtes particulièrement attaché, monsieur le ministre –, il faut continuer à appliquer les règles de bonne conduite suivantes.

Tout d’abord, il faut respecter, durant toute la législature, la règle d’affectation intégrale des plus-values de recettes à la réduction du déficit. Encore faut-il qu’il y ait des plus-values en exécution, ce qui suppose que la prévision de recettes soit prudente.

M. Michel Bouvard. Oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est une technique qu’ont utilisée les Canadiens et les Scandinaves et qui leur a permis de rétablir les comptes. Je puis d’ores et déjà vous dire que, pour 2007, notre prévision de recettes est très prudente,…

M. Jean Launay. Parce que vous ne savez pas combien coûtent les cadeaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …si bien que nous sommes suffisamment confiants pour escompter environ cinq milliards de recettes fiscales supplémentaires, qui seront affectés à la baisse du déficit prévu en 2007.

M. Louis Giscard d'Estaing. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il en ira de même jusqu’en 2010, date à laquelle nous espérons atteindre l’équilibre. Par ailleurs, quel que soit le montant du déficit, il faut absolument, monsieur le ministre, que, en 2007, 2008 et 2009 nous conservions un budget en situation d’excédent primaire et que nous maintenions un déficit qui stabilise la dette par rapport à l’évolution du produit intérieur brut.

Telle est la trajectoire balisée qui nous conduira à coup sûr à l’assainissement des comptes à la fin de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Balligand. Cela ne suffit pas, monsieur Carrez !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement du budget 2006 est celui du premier exercice « en mode LOLF », et je tiens à saluer à cette occasion la qualité et l’ampleur du travail accompli par l’administration pour appliquer la réforme budgétaire et comptable. La mobilisation de l’ensemble des acteurs fut en effet réelle et importante au cours de ce premier exercice, qui a finalement été certifié par la Cour des comptes, malgré treize réserves d’importance inégale.

Force est de constater que les conditions d’examen de ce projet de loi de règlement ne sont pas idéales en raison du peu de temps dont nous disposons, même si la commission des finances a décidé de procéder à l’audition de quelques responsables de programme sur la base des rapports annuels de performance. Certes, ce manque de temps est essentiellement dû au calendrier électoral : notre assemblée n’ayant pas siégé pendant quelques mois, il n’a pas été possible aux uns et aux autres d’examiner le projet de loi dans le détail. Mais il serait souhaitable – ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le ministre – que les conditions et les modalités d’examen du projet de loi de règlement puissent être entièrement révisées l’année prochaine.

Le projet de loi de règlement est en effet – M. le ministre et M. le rapporteur général l’ont souligné – un moment de vérité, un temps fort dans le contrôle et l’évaluation des politiques publiques. À cet égard, je souhaite – et je formulerai, en accord avec le rapporteur général, des propositions à ce sujet – que la commission des finances joue plus pleinement encore son rôle de contrôle, qui est essentiel. Nous avons souvent tendance à nous plaindre de ne pas disposer de pouvoirs ou de moyens suffisants. Or, aujourd’hui, nous les avons.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce qui nous manque trop souvent, quelle que soit la majorité, c’est la volonté de les utiliser. Il nous faut tous sortir de la culture de soumission, voire de démission face au Gouvernement dans laquelle nous nous enfermons trop souvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. Très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cette fonction de contrôle doit nous permettre de dépasser le clivage entre majorité et opposition pour nous situer dans un rapport – éventuellement un rapport de force – entre, d’un côté, le Parlement dans son ensemble et, de l’autre, le Gouvernement. Je souhaite que, à compter de la fin de cette année et du début de l’année prochaine, nous puissions nous inscrire totalement dans cette perspective.

Il faut reconnaître que, en raison de l’application de la LOLF, l’année 2006 présente un profil de gestion exceptionnel, qui a une double conséquence. D’une part, il peut fausser la comparaison des consommations de crédits d’un exercice sur l’autre ; d’autre part, il faut le reconnaître, il peut contribuer à la bonne tenue des dépenses.

Le premier exercice « en mode LOLF » a connu une gestion quelque peu compliquée par la lenteur de la mise en place des crédits, du fait d’applications comptables inadaptées. Comme la mission d’information sur la loi organique relative aux lois de finances – la MILOLF, que nous avons créée au sein de la commission des finances –, Alain Lambert et moi-même avons pu regretter, dans un rapport que nous avons remis au Gouvernement, quelques excès de formalisme dans l’application de la LOLF, des contraintes supplémentaires et une charge de travail plus lourde pour les agents de l’État, qui ne correspondent pas toujours à l’intention du législateur. Un certain nombre de corrections ont déjà été apportées, mais il faut vraisemblablement aller plus loin, pour que la responsabilisation de l’ensemble des gestionnaires publics puisse devenir la règle. Nous comptons évidemment sur vous, monsieur le ministre, pour poursuivre le travail entrepris par votre prédécesseur.

S’agissant de l’examen des comptes de 2006, je veux saluer la qualité des rapports de la Cour des comptes qui sont désormais à notre disposition et qui nous permettent de plus en plus de bénéficier d’un véritable audit de la situation de nos finances publiques. Si vos documents, qui sont également de grande qualité, monsieur le ministre, mettent en valeur une certaine amélioration de la situation de nos finances publiques, la Cour des comptes confirme, dans ses rapports, les inquiétudes exprimées par un certain nombre d’entre nous, ou, plus exactement, le caractère préoccupant de la situation de nos comptes publics.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La Cour estime en effet que, sans mesures exceptionnelles, le déficit aurait atteint 2,8 % du PIB et que, en valeur absolue, il reste deux fois supérieur à son niveau de 2001. Elle observe également que les dépenses augmentent aussi vite que le PIB, à un rythme supérieur aux objectifs fixés par le Gouvernement, ajoutant que la croissance des dépenses publiques au cours des cinq dernières années a été, en moyenne annuelle, supérieure à celle des cinq années précédentes. La Cour relève en outre que la limitation de l’augmentation de la dette en valeur absolue et sa baisse en points de PIB en 2006 ne résultent pas d’un rééquilibrage des comptes publics, le président Séguin précisant que la baisse obtenue l’a été uniquement grâce à des mesures exceptionnelles de trésorerie qui n’ont eu d’autre objet que de réduire le ratio d’endettement juste avant la clôture des comptes annuels.

Reconnaissons que les mesures prises ont eu un effet boomerang en ce début d’année 2007, puisqu’elles ont conduit à une progression sensible de la dette publique au premier trimestre. S’il faut une gestion active de la dette, il convient d’éviter des décisions trop circonstancielles, qui peuvent conduire à une gestion aventureuse de notre dette publique.

Les premiers éléments connus de l’exécution 2007 sont également préoccupants, la Cour des comptes estimant que les finances publiques, dans leur ensemble, semblent se détériorer, malgré les plus-values fiscales qui doivent encore être confirmées cette année. Elle constate également un rythme d’augmentation des crédits, notamment à travers des dépenses d’intervention en hausse sensible en ce début d’année.

Il faut être attentif à ces observations de la Cour des comptes, monsieur le ministre, sinon notre exercice serait vain. Mais, au-delà de l’appréciation que l’on peut porter sur la situation de nos comptes publics et qui peut être différente selon nos sensibilités, l’exécution des comptes 2006 révèle les domaines dans lesquels nous devons encore progresser dans l’application de la LOLF, pour une plus grande transparence et une meilleure compréhension de nos comptes publics. Dans les réserves qu’elle a exprimées, la Cour des comptes formule des propositions à ce sujet. Pour ma part, je voudrais citer les domaines dans lesquels des améliorations me paraissent possibles.

S’agissant des systèmes d’information, tout a été dit, mais nous faisons tous le constat qu’il nous faut prendre ce problème à bras-le-corps, et nous souhaitons tous que Chorus puisse être mis en place le plus rapidement possible. La mise en œuvre et l’accroissement de l’efficacité des dispositifs de contrôle et d’audit internes me semblent plus simples et j’espère que nous pourrons progresser dans ce domaine au cours de l’année.

En ce qui concerne la norme d’évolution de la dépense – nous y reviendrons cet après-midi lors du débat d’orientation budgétaire –, il nous faut résoudre la question délicate et difficile, j’en conviens, des dépenses fiscales, dès lors que la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales nous permet trop souvent de contourner cette norme. Les dépenses fiscales représentent 3,7 points de PIB pour 2006 et, si l’on additionne l’ensemble des niches fiscales et sociales, on arrive à un total de 130 milliards d’euros. Bien que ces sommes soient considérables, l’efficacité de ces mesures est rarement évaluée.

Quant à la mesure de la performance, elle me paraît essentielle. Dans ce domaine, la marge de progression est évidente, malgré des améliorations incontestables dans l’application de ces dispositions. Les indicateurs demeurent trop nombreux et ne sont pas toujours suffisamment pertinents au regard des objectifs que nous nous fixons. Il faut que nous soyons plus vigilants encore sur la qualité des informations dont nous pouvons disposer, à la fois pour la mesure de la performance et pour le suivi de la régulation budgétaire.

Je pense également que nos administrations doivent s’efforcer d’intégrer le plus rapidement possible la règle de justification au premier euro – le raisonnement en termes de socle et de mesures nouvelles étant encore solidement ancré dans les habitudes – et que nous devons progresser dans la mise en place d’une comptabilité d’analyse des coûts, ce qui nous permettra notamment de mieux apprécier l’efficacité de l’action publique.

Pour ce qui est des dépenses de personnel, je veux insister – comme le fera sans doute notre collègue Michel Bouvard dans un instant – sur la nécessité d’un contrôle plus efficace des emplois rémunérés par les opérateurs, afin que cette pratique ne constitue pas le moyen de contourner certaines règles.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il me paraît essentiel de progresser sur deux chantiers, sur lesquels nous aurons peut-être l’occasion de revenir cet après-midi dans le cadre du débat d’orientation budgétaire. Le premier est la clarification des relations entre l’État et la sécurité sociale, un sujet sur lequel j’ai naguère formulé des propositions avec Alain Lambert. Une mission de l’inspection générale vient de remettre sur cette question un rapport dont je veux saluer la qualité. À cet égard, le fait que vous soyez en charge de l’ensemble des comptes publics va dans le bon sens, monsieur le ministre. Le second chantier est celui de la pluriannualité, qui nous offrira de meilleures perspectives quant à l’évolution de nos finances publiques et de nos propositions.

Je conclurai en disant que l’examen du projet de loi de règlement est un exercice intéressant et utile, voire essentiel dans le cadre du fonctionnement d’une démocratie. Je forme le vœu que le projet de loi de règlement pour 2007 fasse l’objet d’un examen dont les modalités, entièrement révisées, nous permettront de mieux associer les autres commissions, notamment dans l’examen des rapports annuels de performance. Je suis de ceux qui pensent que la réalité de la politique budgétaire s’apprécie davantage à partir de l’exécution, donc du projet de loi de règlement, qu’à partir de la loi de finances initiale. Cette approche tend à améliorer l’efficacité de la fonction de contrôle dévolue au Parlement. Je formulerai prochainement des propositions avec M. Carrez, visant à ce que la commission des finances s’investisse encore plus fortement dans cette mission de contrôle que nous estimons essentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur ceux du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la question préalable est, comme vous le savez tous, cette motion de procédure au terme de laquelle notre assemblée pourrait théoriquement décider qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion sur le texte soumis à notre examen. Si je me fais peu d’illusions sur le résultat du vote qui va suivre, je tiens néanmoins à défendre cette motion au nom des députés Verts et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, afin de poser un certain nombre de problèmes.

Le premier est celui du calendrier. La décision de convoquer le Parlement en session extraordinaire afin qu’il vote en urgence un certain nombre de textes…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Très attendus par les Français !

M. François de Rugy. …ne nous paraît pas dénuée d’arrière-pensées : nous y voyons avant tout la volonté de faire passer en force un certain nombre de mesures…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Pas du tout !

M. François de Rugy. …en espérant que la torpeur du mois de juillet, pendant lequel une bonne partie des Français est en vacances, permettra d’éviter le débat.

M. Michel Bouvard. Il n’a pas vu la météo ! Voilà le décalage avec le monde réel !

M. François de Rugy. Les débats de la semaine dernière, lors desquels notre assemblée a dû adopter dans la précipitation les premiers articles d’un texte, en éclairant le moins possible les Français, constituent la première illustration de ce que nous dénonçons depuis les élections.

Il y a également un problème de logique politique à commencer de débattre d’un texte relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat avant d’avoir examiné le projet de loi de règlement du budget. Je suis tenté de dire que la session extraordinaire aurait pu être convoquée uniquement pour ce projet de loi de règlement du budget et le débat d’orientation budgétaire qui va suivre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis Giscard d’Estaing. La preuve, donc, que cette question préalable est sans objet !

M. François de Rugy. Avoir fait adopter les principales mesures du texte « Travail, emploi et pouvoir d’achat », qui sont essentiellement des mesures fiscales, avant que n’aient eu lieu le débat sur le règlement du budget 2006 et le débat d’orientation budgétaire pour 2008 manque singulièrement de logique. De même, la séparation des fonctions de ministre de l’économie et de ministre des comptes publics ne me paraît pas une bonne idée.

M. Michel Bouvard. Au contraire, c’est très bien ! Ne savez-vous pas qu’en Allemagne les Verts ont demandé qu’il en soit ainsi ?

M. François de Rugy. J’ai d’ailleurs été frappé par votre absence, monsieur le ministre, lors des débats sur le TEPA, alors que Mme la ministre de l’économie était là, accompagnée de deux secrétaires d’État – qui n’ont, certes, quasiment pas pris la parole. Toutes les mesures adoptées par la majorité vont pourtant avoir des conséquences très lourdes sur les comptes publics.

M. Jean-Pierre Brard. C’est pertinent !

M. François de Rugy. Je me demande si cette séparation n’aboutit pas à avoir, d’un côté, une ministre des cadeaux fiscaux et, de l’autre, un ministre des tours de vis comptables.

M. Jean Launay. Absolument !

M. François de Rugy. Telle est l’impression qui se dégage de ce que nous avons entendu jusqu’à présent, notamment de la bouche de M. le rapporteur général : après la distribution des cadeaux à ceux qui ont le plus de moyens, l’examen des dépenses va être, au contraire, l’occasion de donner quelques tours de vis. J’y vois le risque d’une politique budgétaire irresponsable. Dominique Strauss-Kahn – dont les qualités sont aujourd’hui unanimement saluées – tenait, lui, d’une même main les rênes de l’économie et des finances. Cela avait conduit à des résultats très intéressants, au point même que le Gouvernement de l’époque avait été accusé d’avoir constitué une cagnotte, qui n’était en réalité que le résultat d’une bonne politique et d’une gestion saine se traduisant par l’augmentation des recettes et la réduction de la dette.

M. Jean-Louis Idiart. On lui avait alors intimé l’ordre de « rendre l’argent aux Français » !

M. François de Rugy. Je veux profiter de ce débat pour vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre, et j’espère que, contrairement à la semaine dernière, nous aurons des réponses.

M. Yves Censi. Vous voulez donc débattre !

M. François de Rugy. Il est logique, en tout cas, que nous demandions des comptes au ministre des comptes.

Bien que n’ayant pas participé à la mise en place de la LOLF, puisque je n’étais pas député lors de la précédente législature, je salue cette innovation. Je voudrais cependant souligner certaines des réserves émises par la Cour des comptes, qui est tout de même un organisme assez impartial.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. « Assez » impartial ?

M. Michel Bouvard. Cet « assez » est de trop !

M. François de Rugy. On relève en premier lieu la non-imputabilité de certaines dépenses, pour un montant évalué à 531 millions d’euros. En second lieu – et M. de Courson en a également fait état –, les arriérés de paiements, notamment pour ce qui concerne les organismes de sécurité sociale, sont difficilement évaluables, ce qui est particulièrement inquiétant pour nous qui sommes attachés à la solidarité nationale.

La Cour des comptes souligne également un « traitement des ressources et des charges de trésorerie marqué par plusieurs anomalies », une confusion entre ressources et charges budgétaires, et un suivi comptable défaillant. Elle appelle en conséquence à l’amélioration du cadre normatif existant et souligne que les chiffres figurant dans le tableau de financement sont encore entachés d’incertitudes portant sur les montants significatifs et leur cohérence avec la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale. Ce sont là des points sur lesquels il serait souhaitable d’obtenir des réponses claires.

Surtout, la Cour des comptes ne manque pas de souligner les limites – encore fait-elle preuve d’une extrême prudence dans la rédaction de ses réserves – de la stratégie de désendettement en ce qui concerne le calcul de la dette nette de l’État, qui se trouve en réalité en hausse.

Le déficit budgétaire, s’il est inférieur à la prévision de la loi de finances initiale de 2006, atteint tout de même un montant de 39 milliards d’euros, ce qui le place à son niveau de 2002 après cinq années d’explosion – une explosion que l’on doit à la majorité actuelle.

La Cour des comptes remarque également dans son rapport que n’ont pas été imputées sur l’exercice 2006 des dépenses payées en 2006, ce qui est effectivement étonnant. À propos des dépenses de l’État, elle note une augmentation de 1,9 % par rapport à 2005 et, surtout, souligne que 15 % des dépenses sont consacrées à la dette, soit sept fois plus que les dépenses d’investissement, qui ne représentent que 2 % du total. Cela me paraît particulièrement inquiétant pour l’avenir de la France, qui ne s’équipe plus – sauf peut-être dans le domaine militaire, mais les Français n’en voient que très peu les retombées.

M. Jean-Pierre Brard. Dans le domaine militaire, il vaut mieux ne pas trop voir de retombées !

M. François de Rugy. Le projet de loi de règlement fait apparaître des hausses de recettes fiscales qui pourraient enfin permettre d’envisager un désendettement de la France. Or c’est exactement le contraire que vous avez décidé avec ce fameux projet de loi « Travail, emploi et pouvoir d’achat », qui va effacer en quelques jours tous les efforts réalisés en 2006 en passant de 6 milliards de gains à 13 milliards de pertes. Comment M. le rapporteur général, qui plaide pour que toutes les recettes fiscales supplémentaires soient désormais affectées au désendettement, a-t-il pu soutenir la semaine dernière toutes ces mesures qui ne font qu’alourdir la dette en diminuant les recettes ? On nous oppose l’argument – dont la pertinence sur le plan économique reste à prouver – qu’il suffirait de faire des cadeaux fiscaux pour enclencher une relance de la croissance qui créerait des recettes fiscales supplémentaires sans avoir besoin d’augmenter les impôts. Certes, cela a été le cas dans une certaine mesure en 2006 – encore n’y avait-il pas eu autant de cadeaux fiscaux à l’époque. Mais comment peut-on sérieusement prétendre relancer la croissance et redonner de la vigueur à notre économie avec le catalogue de mesures fiscales voté la semaine dernière ? Les heures supplémentaires, sur lesquelles le Gouvernement compte beaucoup, vont surtout avoir un effet d’aubaine et empêcher des embauches supplémentaires – dont les bénéficiaires auraient, eux, consommé davantage.

M. Michel Bouvard. Il aurait sans doute mieux valu passer aux 32 heures ?

M. François de Rugy. Va-t-on relancer l’économie et l’investissement avec les mesures contenues dans le projet TEPA ? Pas une ne concerne l’investissement des entreprises ! Va-t-on relancer les exportations ? Personne n’ose l’imaginer au vu des dispositions proposées !

S’agissant du projet TEPA, nous avons été accusés de caricature lorsque nous avons dit qu’il ne visait que nos concitoyens les plus riches, ceux qui avaient le plus de revenus ou les plus hauts patrimoines. Or chacun aura pu lire dans Le Monde de ce week-end un article très intéressant sur le bouclier fiscal. Un graphique ayant pour source le ministère de l’économie – j’espère que le journal ne nous a pas menti – fait apparaître que la mesure bénéficiera à 234 000 personnes pour un montant de 810 millions d’euros. Si la majorité de ces personnes ont un patrimoine inférieur à 75 000 euros, le montant moyen de restitution sera pour elles de 649 euros. En revanche, les 1 081 personnes ayant un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros se verront restituer la somme de 251 619 euros, soit le prix d’un pavillon que peuvent s’acheter les classes moyennes. Croyez-vous vraiment que c’est avec ce genre de mesures qu’on va relancer l’économie française ? Pour ma part, je ne le pense pas.

M. Yves Censi. Et le règlement définitif du budget dans tout cela ?

M. François de Rugy. Tout cela est lié, mon cher collègue, car il faudra bien un jour examiner le projet de loi de règlement du budget 2007 puis du budget 2008, et nous ne serons pas déçus du voyage au vu des mesures que vous avez votées la semaine dernière.

Faut-il rappeler que la dette publique de l’État s’élève à 1 142 milliards d’euros, soit 18 000 euros par habitant et 43 500 euros par ménage ? Or vous allez continuer à la creuser avec les mesures que vous prenez. Comment ne pas s’interroger, dès lors, sur le caractère responsable de la politique que vous menez ? Certes, il s’agit de mettre en œuvre les promesses électorales du Président de la République. Mais combien de temps allons-nous encore être victimes des promesses du candidat Sarkozy ?

M. Yves Censi. Vous êtes « victimes » du suffrage universel !

M. Michel Bouvard. Respectez donc la démocratie !

M. François de Rugy. Combien de temps encore le budget de la France va-t-il en souffrir ?

M. Yves Censi. Cinq ans !

M. François de Rugy. Car, au bout du compte, ce sont les Français qui paieront la note.

Le rapporteur général et le président de la commission ont fait allusion à la mesure bien connue, sorte de tour de passe-passe, qui consiste, pour essayer de boucler les budgets difficiles, à faire baisser artificiellement, et en tout cas de façon non durable, la dette avec des cessions d’actifs.

Pour nous, il ne faut pas gérer le patrimoine de l’État comme si nous étions à la tête d’un fonds d’investissement ou d’un fonds de pension qui pourrait céder au gré des intérêts boursiers du moment telle ou telle entreprise publique. Mais si l’on se place dans votre logique, qui consiste précisément à gérer l’État comme une entreprise ou un portefeuille d’actifs, il est particulièrement aberrant d’avoir cédé par exemple les sociétés concessionnaires d’autoroute, ou Aéroports de Paris,…

M. Michel Bouvard. Et la cession de 49 % d’ASF lorsque la gauche était au pouvoir ?

M. François de Rugy. …alors que ces actifs étaient rentables et rapportaient chaque année de l’argent qui aurait pu alimenter durablement le budget de l’État. Aujourd’hui, vous êtes privés de cette recette.

Un mot sur le non-respect des critères de l’Union européenne. En soi, ce ne serait pas forcément un problème. Nous n’avons pas à avoir une logique notariale de ces critères qu’il faudrait appliquer de façon mécanique. Mais cela a des conséquences économiques fortes, pour ne pas dire désastreuses : la France est en effet à la traîne et continue de plomber ses comptes publics et donc, indirectement, la crédibilité de l’Europe, ce qui conduit à la hausse des taux en Europe que tout le monde déplore aujourd’hui.

S’agissant des observations de la Cour des comptes, on peut être surpris de constater que les dépenses publiques ont décru mais que, dans le même temps, l’état de la dette ne se soit pas amélioré. Cela peut donc laisser sceptique sur la gestion budgétaire non seulement de l’exercice 2006 mais également de ceux à venir. D’ailleurs, la Cour nous met en garde contre les risques qu’il y a d’une façon de plus en plus isolée en Europe à laisser cheminer de pair, d’un côté, des dépenses publiques élevées et, de l’autre, des soldes publics toujours déficitaires ainsi que des charges d’intérêts toujours intégralement financées par l’emprunt. Une telle logique financière ne peut être durable, et est dangereuse pour la France à court, moyen et long termes.

En lisant ce projet, on peut se perdre dans le dédale des chiffres. Mais, et nous y reviendrons cet après midi dans le débat d’orientation budgétaire, derrière les chiffres, il y a surtout des choix politiques, plus ou moins explicites. Cela m’amène donc à vous poser quelques questions précises, monsieur le ministre.

On nous explique depuis le début de la législature qu’on va régler le problème de la quadrature du cercle – hausse de la dette et du déficit, et baisse des recettes fiscales – en réduisant fortement les dépenses. Alors, monsieur le ministre des comptes publics, puisque c’est vous qui allez mener cette politique, d’autant que vous cumulez cette fonction avec celle de ministre de la fonction publique, dites-nous dans quels secteurs vous allez réduire le nombre de fonctionnaires ? Où donc va s’appliquer la fameuse règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ?

M. Jean-Pierre Brard. Bonne question !

M. François de Rugy. Vous avez indiqué en commission que cela pourrait représenter 35 000 à 40 000 fonctionnaires en moins par an sur les 70 000 à 80 000 départs à la retraite. Le nombre de policiers va-t-il baisser ? Ou bien allez-vous réduire les personnels du ministère de la justice, dans les prisons, les tribunaux ? Ou encore diminuer le nombre d’enseignants ? On a entendu parler de 10 000 suppressions de postes à l’éducation nationale. Or que constatons-nous au niveau local ? Moi, je ne connais aucune école de ma circonscription, quels que soient les enfants qui la fréquentent, familles en difficulté ou non, où l’on puisse noter un sureffectif enseignant. Que ce soit à Nantes, Orvault ou Sautron, dans les écoles, les collèges ou les lycées, je ne vois nulle part de poste d’enseignant payé à ne rien faire et qu’on pourrait supprimer demain sans dommage pour la qualité de l’enseignement dispensé.

M. Michel Bouvard. Il y a des enseignants sans classe : lisez le rapport de la Cour des comptes !

M. François de Rugy. À moins que vous n’envisagiez de fortes réductions du budget militaire, que ce soit en fonctionnement ou en investissement ? On pourrait vous accompagner sur cette voie mais je ne crois pas que soit celle que vous souhaitez emprunter.

Ma dernière question porte sur les collectivités locales. Nous avons entendu en commission, au détour d’une phrase dans le débat ou dans les couloirs du Palais Bourbon qu’il y aurait des « marges de manœuvre » dans les collectivités locales. Dites-nous, monsieur le ministre, quelles collectivités locales pourraient voir leur budget réduit sans dommage pour les populations concernées ?

M. Jean-Pierre Brard. En plus, cela ne regarde pas l’État !

M. François de Rugy. L’objectif est-il de demander aux collectivités locales de boucher indirectement les trous que vous êtes en train de creuser dans le budget de l’État ? Au-delà du fait que le calcul est très politicien puisqu’il s’agit de faire passer les collectivités locales pour dépensières alors que l’État se paie le luxe de faire baisser les impôts, il est aussi très dangereux pour l’investissement public. Celui-ci a déjà été réduit comme une peau de chagrin, surtout si l’on ne tient pas compte des investissements militaires. En l’occurrence, on amputerait en plus les collectivités locales de leurs moyens de développement et d’équipement. Il faut dire la vérité aux Français, qui doivent pouvoir se prononcer en connaissance de cause lors des élections locales de 2008. Ils doivent savoir où veut les emmener le Gouvernement en la matière. On pourrait au moins sanctuariser l’autonomie de décision des collectivités locales.

Pour conclure, je vous invite, bien sûr, à voter cette question préalable. Mais je vous appelle aussi à une autre politique budgétaire et fiscale. Monsieur le ministre, nous réclamons de vraies réformes fiscales. Nous ne sommes pas des conservateurs, nous ne souhaitons pas le statu quo. Simplement, l’objectif doit être la justice sociale et l’efficacité écologique plutôt que des cadeaux démagogiques à quelques-uns. Nous en appelons à une vraie politique budgétaire inspirée du développement durable : le désendettement durable de la France, une bonne gestion, qui ne priverait pas l’État et les collectivités locales de leurs moyens d’agir, notamment en matière d’investissement.

Nous sommes également favorables à une réforme de l’État à condition qu’elle soit guidée non pas par de stricts objectifs comptables, comme l’intitulé même de votre ministère peut le laisser penser, mais par des objectifs politiques touchant aux services publics, au renforcement de la solidarité entre les personnes et les territoires, au développement de l’éducation et de la recherche, et au financement des infrastructures, notamment ferroviaires. Je pense par exemple à RFF et à l’Agence française pour les infrastructures de transports terrestres, dont nous connaissons les problèmes financiers.

Faute de réponses satisfaisantes sur les conséquences de vos cadeaux fiscaux, sur la logique budgétaire, fiscale et économique mise en œuvre, j’invite l’Assemblée à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Brard. M. Woerth n’est pas comme Mme Lagarde : lui répond à nos interpellations !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Quelques mots d’abord en réponse au rapporteur général et au président de la commission des finances. Effectivement, nos systèmes d’information, Chorus, Copernic, ne sont pas encore totalement au point. De plus, la Cour des comptes a souligné les faiblesses du contrôle et de l’audit. Nous allons bien évidemment progresser sur ce point. Je vais faire en sorte d’accélérer le mouvement, ne souhaitant pas me contredire. Le système Chorus devrait être pleinement opérationnel en 2009 ou 2010.

Je suis moi aussi attaché, monsieur le rapporteur général, aux principes que vous avez énoncés tout à l’heure : prévisions de recettes prudentes, affectation des éventuels surplus fiscaux à la réduction de la dépense et de la dette, stabilisation du déficit et maîtrise de la dépense, qui est la clef de tout.

Enfin, l’élargissement du périmètre des dépenses prises en compte par la norme de croissance est indispensable à une clarification et à une meilleure lecture de la dépense publique, car il permettra d’éviter les lignes de fuite, en étendant le contrôle à l’essentiel de la dépense.

Monsieur Didier Migaud, j’ai apprécié votre intervention, à la fois critique et constructive. Vous appelez de vos vœux un accroissement du contrôle de la commission des finances sur les politiques publiques et les finances de notre pays. Je partage ce souci et estime que c’est en décrispant le débat sur l’exécution et le contrôle qu’on arrivera à des discussions sans tabou, malgré nos différences de points de vue. Il est naturel, en effet, que le ministre vous rende des compte sur l’utilisation qu’il fait de l’euro public, sans que cela vire nécessairement à la controverse politicienne. Je suis donc très favorable au contrôle, dès lors qu’il s’effectue dans le cadre normal des relations entre l’exécutif et le législatif.

Le rapport de la Cour des comptes indique que la situation des finances publiques en France est préoccupante, ce que nous savons tous. Mais le redressement est en cours. En 2003, le déficit entendu selon les critères de Maastricht était supérieur à 4 % ; nous sommes actuellement à 2,5 %, et j’espère le ramener à 2,4 % à la fin de l’année 2007. L’État progresse donc dans la gestion de son déficit et de ses dépenses publiques. Ce n’est pourtant pas suffisant, et les efforts doivent être poursuivis. Vous avez demandé un certain nombre d’améliorations ; nous en reparlerons, mais j’y suis favorable.

Sur la question préalable, j’ai peu de choses à dire, car l’essentiel de votre intervention, monsieur de Rugy, ne portait en réalité pas du tout sur la loi de règlement mais sur d’autres sujets.

M. Michel Bouvard. Il s’est égaré !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. J’ai bien compris que vous aviez un problème avec le texte sur le pouvoir d’achat et le travail – vous l’avez suffisamment répété ; mais j’espère que vous avez, de votre côté, bien compris que c’est un texte dont nous sommes, nous, fortement convaincus qu’il est important et fondateur, qu’il va provoquer un vrai choc de confiance dans le pays. Nous ne partageons donc pas la même opinion. Dont acte.

Pour ce qui concerne mon propre ministère, vous me parlez de tour de passe-passe, de tour de vis. Je pense qu’il s’agit au contraire d’un tour de force du Gouvernement.

M. Laurent Hénart. Excellent !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il a su, en effet, orchestrer dès le mois de juillet une session parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez d’orchestration, mais c’est plutôt de la grosse caisse !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. La musique adoucit parfois les mœurs, monsieur Brard, vous devriez le savoir avec votre culture encyclopédique.

C’est donc un tour de force du Gouvernement que d’avoir su, en si peu de temps, mettre à l’ordre du jour du Parlement des textes aussi forts que ce que vous avez aujourd'hui à examiner, et cette articulation entre le travail du Gouvernement et celui du Parlement me semble aller dans le sens de l’intérêt général.

M. Jean-Pierre Brard. C’est de l’autocongratulation ou je ne m’y connais pas !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Vous avez également mentionné les points que la Cour des comptes, dans son rapport, jugeait problématiques, notamment la dette de l’État envers la sécurité sociale, que Didier Migaud avait également évoquée. J’ai dit en commission des finances que j’étais personnellement préoccupé par cette question.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui nous rassure !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Mais, dès lors qu’il y a désormais un ministère global pour la gestion des finances de l’État, j’ai bon espoir de rétablir la confiance des partenaires sociaux et de régler la question de cette dette dès cette année, voire dès l’automne.

La dette reste une préoccupation majeure du Président de la République et du Gouvernement. Le Premier ministre a indiqué à cette tribune, lors de sa déclaration de politique générale, que l’objectif de ramener l’endettement à 60 % du PIB serait atteint en 2012, voire plus tôt si la croissance est au rendez-vous. Nous avons donc une feuille de route très précise et très contraignante.

Pour le reste, les propos de M. de Rugy ont largement débordé du cadre de nos débats, mais j’aurai d’autres éléments de réponse à vous apporter, au moment du débat d’orientation budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Votre objectif, monsieur le ministre, est de nous présenter sous un jour technique des questions éminemment politiques, comme si elles étaient indolores et incolores, alors précisément que vous les colorez beaucoup de votre idéologie.

Il était très important, comme vient de le faire François de Rugy dans sa question préalable, de souligner que vous avez évacué le fond de ce projet de loi de règlement et tenté d’aseptiser les critiques sévères que vous adresse la Cour des comptes, dans sa sémantique si particulière. Notre bon M. Séguin aime bien et donc châtie bien : il n’a pas manqué de manier la règle dans tous les sens du terme, y compris pour vous taper sur les doigts !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Mais il certifie bien !

M. Jean-Pierre Brard. Il certifie bien, mais avec des attendus un peu sévères. Imaginez-vous un seul instant que la Cour des comptes puisse ne pas certifier vos comptes ? C’est politiquement impensable ! Personne n’est à ce point irresponsable. Il n’y a que Charles-Amédée de Courson pour prétendre le contraire, et c’est pourquoi il ne sera jamais premier président de la Cour des comptes, car ce serait trop dangereux pour l’État. (Sourires.)

La vérité a été établie par la Cour des comptes, mais vous nous l’avez présentée sous des atours très engageants qui ne correspondent en aucun cas à la réalité. Il a ainsi été légitimement rappelé que l’évaluation des arriérés de paiement vis-à-vis de la sécurité sociale est difficile à établir et que les chiffres que vous fournissez sont entachés d’incertitude, ce qui confirme à quel point votre projet de loi ne correspond pas à la réalité.

Vous avez surtout, monsieur le ministre, évacué une donnée politique extrêmement importante, le fait que les textes dont nous avons commencé à discuter sous la houlette de Mme Lagarde et celui que vous présentez aujourd’hui témoignent d’une parfaite continuité.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. J’espère bien !

M. Jean-Pierre Brard. Sauf que le Président de la République nous a vendu la rupture. De rupture, nenni, monsieur le ministre ! Il n’y a que de la continuité et de l’aggravation.

Il faut traduire, à l’attention du grand public, ce qu’a dit la Cour des comptes, dont le vocabulaire est difficilement compréhensible.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas une explication de vote, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez manipulé les chiffres à la veille de la clôture des comptes annuels, au point que le premier président de la Cour des comptes a estimé qu’on ne pouvait connaître avec précision la réalité du déficit, son appréciation variant de un à trois.

L’importance de cette amplitude légitime la question préalable de notre collègue François de Rugy, que nous serions bien inspirés de voter, les uns et les autres, afin de reprendre une par une les observations de la Cour des comptes et de les confronter à votre discours anesthésiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Louis Idiart. Nous nous retrouvons pour une large part dans l’intervention de notre collègue François de Rugy, notamment lorsqu'il souligne les conditions dans lesquelles nous sommes en train d’étudier cette loi de règlement.

Nous sommes certes dans une année un peu particulière, mais nous aurions pu travailler plus longuement sur cette loi de règlement s’il n’y avait pas eu le projet TEPA. Mais sans doute l’examen du projet TEPA devait-il être, selon vous, examiné avant, sous peine de perdre sa logique à la lumière de la loi de règlement.

M. Michel Bouvard. Nous avons collectivement demandé le report de la loi de règlement : ne vous plaignez donc pas de l’ordre adopté !

M. Jean-Louis Idiart. Nous retrouverons, cet après-midi, un ordre d’examen des textes plus conforme, mais sans l’intervention de la commission des finances, nous aurions véritablement travaillé dans des conditions terribles.

Cette loi de règlement est pourtant des plus intéressantes. Comme je l’ai déjà dit en commission, nous pourrions reprendre mot pour mot les remarques de la Cour des comptes, auxquelles nous souscrivons. C’est la raison pour laquelle nous voterons la question préalable défendue par François de Rugy. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Censi. Je m’étonne de cette question préalable sur une loi de règlement. C’est une première ! Tout finit sans doute par arriver, mais cela se produit au moment le plus aberrant, c'est-à-dire au moment où l’application de la LOLF exige que l’on débatte de la loi de règlement.

Le président de la commission des finances, qui fait pourtant partie de l’opposition, a d’ailleurs rappelé qu’il était nécessaire de débattre de ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas lui qui a soutenu la question préalable !

M. Yves Censi. Cela a également été rappelé par le rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En outre M. de Rugy a avoué qu’il ne se faisait pas d’illusions sur le sort qui serait réservé à cette question préalable. Je pense donc que le groupe GDR aura beaucoup de mal à trouver une majorité autour de cette motion.

Cependant, il y a plus grave : c’est le dévoiement de la procédure parlementaire, la question préalable traduisant le refus de débattre, alors que son défenseur est entré délibérément dans la discussion de fond ! Le ministre l’a d’ailleurs fait remarquer tout à l’heure, tout en répondant avec difficulté puisque M. de Rugy a davantage évoqué le projet de loi TEPA et le débat d’orientation budgétaire, plutôt que le projet de loi de règlement lui-même !

Le débat sur la loi de règlement est utile et nécessaire, et le groupe UMP regrette cette posture consistant à essayer de prouver qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur un sujet aussi important. Les remarques formulées par le Premier président de la Cour des comptes ont été évoquées…

M. Jean-Pierre Brard. Comme c’est laborieux ! Ça se voit que nous sommes lundi !

M. Yves Censi. Monsieur Brard, tout le monde ne peut pas être aussi vert que vous le lundi matin ! Cela dit, pour ma part, je ne me répète pas dans mes explications !

M. Jean-Pierre Brard. Oh si ! Que c’est répétitif ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Censi. Je me situe dans le cadre de ce que nous permet la procédure. Nous sommes amenés à nous prononcer sur une question préalable, et nous voterons contre parce que, en l’occurrence, ce type de dérive s’apparente à une forme de nihilisme parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Oh ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Opposer la question préalable signifie refuser le débat.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce qui est absurde !

M. Yves Censi. Or, refuser de débattre sur un projet de loi de règlement s’apparente bien à une forme de nihilisme : c’est renoncer aux droits du Parlement !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle ignorance de l’histoire !

M. Yves Censi. Le groupe UMP votera contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Franchement, s’il y a un texte sur lequel une question préalable ne devrait pas être déposée, c’est bien le projet de loi de règlement définitif du budget qui, par définition, est une constatation. On peut être pour ou contre la politique menée par un gouvernement, mais on ne peut pas refuser de constater la situation financière du pays.

Mon cher collègue de Rugy, voter pour votre motion n’aurait d’ailleurs aucune portée, sinon que l’Assemblée ne constaterait pas le déficit annuel du budget de l’État.

Voilà pourquoi le groupe Nouveau Centre votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Idiart, premier orateur inscrit.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de règlement doit devenir un moment fort de la discussion budgétaire. Et si nous sommes sortis de ces tristes temps où il ne s’agissait que d’un acte formel – qui ne permettait en rien au Parlement, saisi des années plus tard, d’en tirer des enseignements efficaces et qui, surtout, exonérait toujours les gouvernements de toute responsabilité, puisque les décideurs n’étaient plus là –, nous avons encore bien des efforts à faire.

Désormais, la loi de règlement est un outil. Même si, cette année, l’examen de l’exercice 2006 n’est pas réalisé dans des conditions convenables – malgré les efforts de la commission des finances – en raison du calendrier électoral, nous disposons tout de même des éléments permettant d’éclairer le débat d’orientation budgétaire.

Si, dans son rapport, la Cour des comptes relève un progrès dans la définition et l’utilisation des objectifs et indicateurs de performances, des lacunes persistent en 2006. Ainsi, près de 25 % des cibles chiffrées étaient encore indisponibles dans certains projets de performances en 2006, et 42 % des indicateurs ne sont pas renseignés dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire ».

Un manque de hiérarchisation dans les différents objectifs est également constaté, du fait d’une surabondance d’indicateurs de moyens ou d’activité, mais aussi de l’absence d’indicateurs d’efficience ou de qualité de service. Le résultat mesuré échappe souvent, en réalité, aux responsables des programmes.

Sur le fond, le rapport de la Cour des comptes vient conforter les craintes que nous exprimions l’an passé, craintes qui s’amplifient pour l’avenir en raison des milliards de cadeaux inscrits dans le projet de loi TEPA.

La loi de règlement 2006 montre clairement des comptes publics dégradés et en situation précaire, avec un déficit public à peine stabilisé. Le déficit de l’État reste élevé. Quant aux déficits de la sécurité sociale, ils se sont accumulés depuis 2002. Alors que le régime général était excédentaire en 2001, il n'a plus connu une telle situation depuis l'arrivée de la droite au pouvoir et, aujourd'hui, toutes les branches du régime général sont déficitaires. Le déficit consolidé du régime général sera en hausse en 2007. D’après les projections de la Commission des comptes de la sécurité sociale, il atteindrait 12 milliards d'euros, soit un niveau proche de celui enregistré avant la réforme de l'assurance maladie en 2004.

L'échec de la réforme est patent. Comme le reconnaît la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, le dossier médical personnel « est au point mort », alors qu'il était au centre de la réforme et devait être opérationnel au 1er juillet 2007. Parallèlement, les assurés sociaux ont vu le reste à charge pesant sur eux augmenter de 2 milliards d'euros entre 2004 et 2006, selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Par ailleurs, la situation de la France par rapport à ses principaux partenaires se dégrade.

Certes, le déficit public connaîtrait une réduction de l'ordre de 0,5 point de PIB et se situerait, pour la première fois depuis 2002, sous la limite communautaire de 3 % du PIB. Mais cette réduction est très limitée par rapport à celle constatée dans les pays voisins. L’amélioration moyenne du solde public est de 1 point dans la zone euro et de 0,7 point dans l’Union européenne à vingt-sept. L’Allemagne a même connu une réduction de 1,5 point de son déficit. Pire : à l’exception du Portugal, la France est le seul pays de la zone euro à ne pas enregistrer d’excédent du solde primaire en 2006.

La dette publique explose. Elle atteint des niveaux records et l’endettement public n’est pas réellement maîtrisé.

Alors qu’elle avait baissé sous la précédente législature, la dette a crû de façon exponentielle jusqu’en 2005. Elle a atteint un niveau record de 66,2 % fin 2005 dans le cadre du budget proposé par Nicolas Sarkozy. La dette publique atteint 63,7 % fin 2006, à hauteur de 1 142 milliards d’euros, après 1 137 milliards en 2005. Nos engagements européens, qui supposent de maintenir la dette sous le seuil des 60 % du PIB ne sont plus respectés depuis cinq ans, alors qu’ils l’avaient toujours été dans la période précédente.

La politique de désendettement ne peut être durable que si elle s'appuie sur la stabilisation du solde primaire. À défaut, l'effet boule de neige sur la dette continue à jouer, et celle-ci s'autoalimente.

En 2006, la dette n'a baissé que du fait de l'affectation quasi intégrale – 95 % – des recettes de privatisation au désendettement, soit 16,3 milliards d'euros, pour 0,9 point de PIB, de la gestion active de la trésorerie de l'État et de l'amélioration de la gestion courante de la dette de l'ensemble des acteurs publics.

La Cour des comptes a dressé un bilan sans appel de la politique menée jusqu'à la fin de 2006, qu'elle juge sans lendemain, risquée et potentiellement coûteuse.

Selon la Cour, « les mesures prises en 2006 pour réduire le ratio d'endettement ne sont pas durablement reconductibles et ne constituent donc pas une voie structurelle de désendettement : les cessions ont atteint un montant exceptionnel en 2006 et le potentiel d'actifs cessibles n'est pas illimité ; quant aux mesures d'optimisation de la trésorerie, elles ont produit l'essentiel de leurs effets potentiels en 2006.

« De surcroît, ces mesures n’améliorent en rien la situation patrimoniale des administrations publiques puisqu’à la diminution de leurs passifs (la dette) correspond une réduction équivalente de leurs actifs (les titres de participations et les disponibilités de trésorerie). »

Aujourd'hui, les risques d'une telle politique à court terme sont avérés.

Au-delà de la propagande sur la baisse des impôts – plutôt destinée à quelques-uns –, on voit bien que les prélèvements obligatoires, eux, continuent d’augmenter. En 2006, ils ont atteint 44,2 % du PIB, en hausse de 0,4 point par rapport à 2005, soit l'équivalent de plus de 7,4 milliards d'euros.

Il y a, d’une part, une focalisation, à dessein, sur un impôt peu à peu réduit à la portion congrue, l'impôt sur le revenu, et le seul déficit budgétaire, et, d’autre part, une politique systématique de report des hausses des prélèvements et des charges, dont la progression est la plus dynamique, vers la sécurité sociale et les collectivités locales.

Les dépenses de l’État posent également problème.

Si la norme de progression des dépenses dites « zéro volume », soit 1,8 % en valeur, taux identique à l’inflation, a été formellement respectée, c’est au prix de multiples arrangements budgétaires et comptables, dénoncés notamment par la Cour des comptes. Comme le relève la Cour, la norme de dépenses porte, en 2006, sur 272,8 milliards d’euros de dépenses nettes, sans compter les prélèvements sur recettes, alors que les dépenses brutes totales atteignent 550,1 milliards d’euros.

Les dépenses fiscales échappent, en effet, à tout contrôle et à toute comptabilisation. Elles ne sont pas intégrées à la norme de progression des dépenses, ce qui a incité à transformer certaines dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Il en va ainsi, par exemple, de la suppression du prêt à taux zéro, remplacé par un crédit d'impôt aux établissements prêteurs.

S’agissant du déficit de l’État, le solde primaire serait proche de l'équilibre pour la première fois seulement depuis 2001. Malheureusement, la Cour des comptes a dénoncé plusieurs manipulations comptables ayant conduit à ce résultat : des dépenses n'ont pas été comptabilisées malgré leur paiement en 2006, et le montant des retards de paiement à l'égard des organismes de sécurité sociale et des partenaires de l'État s'est accru. En outre, des « mesures exceptionnelles » ont été prises pour limiter le déficit. Ainsi, comme en 2005, le Gouvernement a choisi d'anticiper la perception de certaines recettes, sans effet de long terme, mais avec un appréciable surcroît de recettes venant limiter le déficit pour une année donnée. Le régime d'encaissement des acomptes de l'impôt sur les sociétés a ainsi, une nouvelle fois, été modifié en collectif budgétaire 2006, comme en collectif 2005, pour un « gain » de 1,6 milliard d'euros par rapport à 2005.

De même, les modifications des redevances pour les émissions radio ont permis l’encaissement de deux années de redevances, soit un gain de 150 millions d’euros.

Nous sommes particulièrement inquiets de l’état des finances publiques. Les débats de la semaine dernière nous ont montré qu’aucun effort particulier n’était fait pour améliorer la situation, et qu’il s’agissait simplement de faire plaisir à certaines catégories. C’est pourquoi nous ne voterons pas le projet de règlement définitif du budget 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons bien écouté ce que le rapporteur général a déclamé sur le mode lyrique. On se serait cru dans Alice au pays des merveilles. La béatitude et l’extase n’étaient pas loin. Il est allé jusqu’à convoquer Saint-Just, l’« archange de la Révolution ». C’est bien la première fois que j’entends un député de droite appeler Saint-Just à la rescousse.

M. Michel Bouvard. C’est la rupture ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faut vraiment que votre cause soit en difficulté, pour que vous appeliez à l’aide cette figure, l’une des plus belles de notre histoire.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et qui ne vous appartient pas !

M. Jean-Pierre Brard. Madame des Esgaulx, je suis très heureux, quoique un peu surpris, que vous revendiquiez Saint-Just !

M. Michel Bouvard. « La Révolution est un bloc » !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. « Tout devient possible » !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, tout devient possible, mes chers collègues, et nous aurons l’occasion d’en reparler, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

M. Guy Geoffroy. Cela fait déjà cinq minutes pour ne rien dire !

M. Jean-Pierre Brard. En attendant, je vous recommande − et à vous, en particulier, monsieur Geoffroy − de lire très attentivement le discours bonapartiste d’Épinal. Là, ce n’est pas Saint-Just qui a été convoqué ; c’est Mac-Mahon qui a été ressorti de la naphtaline…

M. Michel Bouvard. J’y sentais plutôt des relents saint-simoniens !

M. Jean-Pierre Brard. …avec la prétention de ressouder l’Ancien Régime à la Révolution. Voilà où mènent les reniements de notre histoire nationale.

M. Guy Geoffroy. Merci de la recommandation, mais j’ai déjà lu ce discours très attentivement !

M. Jean-Pierre Brard. Cette recommandation ne vous vise pas spécialement, monsieur Geoffroy, mais s’adresse plutôt à l’ensemble de nos collègues de l’UMP, dont on a souvent pu se rendre compte qu’ils ne lisaient pas les textes fondateurs de la politique qu’ils défendent. Je vous renvoie à Alternance 2002. Cela dit, mes chers collègues, ce n’est pas notre sujet, même si j’ai vu qu’il captivait le ministre.

Un rapide tour d’horizon des piètres performances économiques de l’année 2006 est de nature à faire la démonstration incontestable que les choix économiques et sociaux de votre majorité, tels qu’ils se sont exprimés tout au long de la précédente législature et tels qu’ils se continuent dans votre projet de loi « Travail, emploi et pouvoir d’achat », sont catastrophiques pour l’économie et injustes pour nos concitoyens les plus modestes.

La « rupture tranquille », si chère au Président de la République, n’est qu’un leurre. Où est la rupture entre le mouvement engagé avec le projet de loi de finances pour 2006, qui a créé le bouclier fiscal fixant un taux d’imposition maximal de 60 %, et le texte en cours de discussion, qui abaisse ce taux à 50 % ? En vérité – et plus encore dans sa version à 50 % – le bouclier fiscal représente un coût très important pour les finances publiques, des sommes considérables versées à une poignée de contribuables. Dans les faits, cette mesure revient à exonérer la quasi-totalité des contribuables assujettis à l’ISF, sans supprimer l’impôt sur la fortune, ce qui est un véritable tour de passe-passe. M. Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, l’a dit : « C’est un moyen indirect de supprimer l’ISF, ce bouclier fiscal profitant en premier lieu à des ménages ayant de gros patrimoines et qui déclarent de faibles revenus. »

Pourtant, monsieur le ministre, les recettes nouvelles ne vous ont pas manqué, et vous l’avez dit. Mais qu’avez-vous fait de ces 20 milliards d’euros supplémentaires ? La réduction du déficit dont vous vous vantez est infinitésimale, comme l’a reconnu le rapporteur général. En fait de rupture, c’est la continuation de l’aggravation de la même politique, au bénéfice des privilégiés et sur le dos des catégories modestes et moyennes qui la financeront. Voilà ce qui plombe la croissance. Ce qui manque, c’est le pouvoir d’achat de ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Le moteur de la croissance dont vous ne voulez pas, c’est l’augmentation du pouvoir d’achat de ces catégories.

Contrairement à nos sages recommandations de l’année passée, où nous attirions particulièrement l’attention de votre prédécesseur sur la remarque qui vous avait été faite par la Cour des comptes − « L’opportunité de baisser les impôts devrait être appréciée par exemple à l’aune des niveaux d’endettement » −, vous persistez. Vous avez décidé de faire supporter les conséquences de la politique du Gouvernement et les efforts nécessaires pour assumer vos choix à d’autres, notamment aux collectivités locales, dont on sait que, selon la Constitution, elles s’administrent librement. Mais vous en voulez à leur cassette. Le poids des transferts non compensés plombe les comptes des collectivités locales et territoriales et la compensation à l’euro près, pourtant inscrite dans la Constitution, n’est qu’un mythe. C’est le cas avec le RMI et il est à craindre qu’il en soit encore ainsi avec le revenu de solidarité active. Il y a bien continuité entre 2006, 2007 et 2008.

Votre politique fait perdre la France sur tous les plans. C’est elle qui est responsable de la dette, et non le nombre de fonctionnaires, ainsi que l’a expliqué François de Rugy. Les exonérations de cotisations sociales privent l’État de ressources, sans créer de richesses. Enrichir les riches n’apporte rien au pays. D’ailleurs, il est tout à fait significatif que vous nous parliez sans cesse de la dépense, mais pas de la recette.

Une politique fondée exclusivement sur l’offre et sur la réduction des missions de l’État est condamnée à n’avoir d’autre effet que l’accroissement des dividendes des actionnaires. Ces cadeaux ont été également présentés par la Cour des comptes comme des éléments du déficit. Vous avez d’ailleurs été discrets à ce sujet, monsieur le ministre, sans doute pour ne pas allonger les débats.

Par ailleurs, à vouloir accroître les bénéfices de l’aristocratie financière en réduisant les prélèvements sur les plus favorisés, vous conduisez le pays dans une impasse. Vous avez souvent prétendu simplifier l’impôt, mais vous n’avez jamais songé à le rendre plus juste.

Patrick Artus, économiste français, directeur de la recherche et des études d’IXIS Corporate & Investment Bank écrivait dans son livre Le capitalisme est en train de s’autodétruire : « La chasse au rendement du capital investi va-t-elle aveugler encore longtemps les grandes firmes et les grands investisseurs au point de leur faire perdre de vue leur principale mission, imaginer des axes et des projets de développement pour créer des richesses et de l’emploi ? » Patrick Artus se trompe sur un point : le « grand capital », comme dit Jacques Myard, n’a pas pour objectif de créer des richesses et de l’emploi, mais seulement d’augmenter les dividendes.

Pour satisfaire aux exigences du profit, vous ne voulez pas toucher aux recettes et vous décidez de comprimer les dépenses, mais pour quels résultats économiques et sociaux ? Les résultats sociaux, nous les connaissons : 300 000 RMIstes de plus. C’est bien la question que nos concitoyens se posent, eux qui voient clairement que la situation économique du pays, qu’ils mesurent au travers de leur situation personnelle ou de celle de leurs proches, est de plus en plus difficile.

Depuis vingt ans, ce ne sont pas les dépenses de l’État qui sont cause du dérapage budgétaire, mais le montant de ses recettes, qui connaît une baisse tendancielle régulière et de plus en plus rapide, comme, en fin de compte, vous vous en félicitez les uns et les autres.

En d’autres termes, la montée de la dette, qui, par effet boule de neige, s’aggrave de l’augmentation des taux d’intérêt, n’est pas le résultat d’une croissance immodérée des dépenses, mais du choix consistant à faire payer de moins en moins d’impôts aux catégories privilégiées, auprès desquelles l’État doit ensuite s’endetter à des taux d’intérêt prohibitifs. La réalité de la dette est masquée par le fait que vous avez vendu beaucoup d’actifs et que vous avez ainsi réduit le patrimoine de l’État.

Ce ne sont pas les générations futures qui sont aujourd’hui sous pression, mais tous les contribuables modestes ou moyens, contraints de payer de leur poche les rentes que l’État verse à ses créanciers, eux-mêmes bénéficiaires de baisses d’impôt.

Vous préférez, et de loin, nous expliquer qu’il y a trop de fonctionnaires, qu’il y a trop de RMIstes pratiquant ce que Mme Lagarde appelle « l’oisiveté », qu’il nous faut traquer les fraudeurs, que notre système de santé coûte trop cher et qu’il va falloir de nouveau dérembourser des médicaments, car vous venez de vous apercevoir, sans doute par hasard, qu’ils sont inefficaces. Bref, on est dans l’extravagance la plus totale.

Mais c’est oublier que la dette n’est pas une maladie et qu’elle peut être justifiée. Lorsque les recettes sont optimisées et socialement justes, que l’État dépense pour créer de la richesse, soutenir ou impulser une dynamique de croissance qui lui permettra ensuite de réduire son déficit et de rembourser ses dettes, oui, la dette peut être vertueuse.

On résorbera le déficit et la dette d’une part par une autre répartition des richesses, c’est-à-dire des recettes prélevées sur « un capitalisme qui ne fait rien d’utile de ses milliards, qui n’investit guère, qui ne prépare pas assez l’avenir », pour rependre une formule de Patrick Artus dont je suis sûr qu’elle vous convaincra.

M. le président. Monsieur Brard, pouvez-vous conclure ?

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.

De l’argent, il y en a : il coule à flots. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais il n’est pas comme un long fleuve tranquille qui irrigue ; votre politique en fait un torrent, un tsunami qui dévaste notre pays !

M. Guy Geoffroy. N’est-ce pas un peu exagéré, tout cela ?

M. Jean-Pierre Brard. L’argent des rentiers appelle l’argent.

Cette loi de règlement est la première pour laquelle nous disposions, conformément aux principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, des rapports annuels de performances pour les différents programmes. Afin de ne pas allonger mon intervention et de répondre ainsi à l’invite du président…

M. le président. Je vous remercie, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. …je voudrais simplement, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un point concernant la LOLF − mais peut-être cette remarque concerne-t-elle davantage le président de la commission des finances et le rapporteur général. Nous devrions, en reconstituant la MI-LOLF, aller davantage sur le terrain pour mesurer les conséquences contradictoires de la mise en œuvre de la LOLF dans les services déconcentrés de l’État, avec une pratique qui diverge d’ailleurs d’un ministère à l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel dommage que nous consacrions à peine trois heures au débat relatif à la loi de règlement alors que nous passons près de trois mois à voter la loi de finances.

M. Michel Bouvard. Tout à fait.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cela va changer !

M. Jean-Pierre Brard. M. de Courson revient dans l’opposition !

M. Charles de Courson. En effet, c’est la première fois qu’en application de la nouvelle LOLF, nous disposons des rapports annuels de performances. Ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, que les ministres viennent en séance s’expliquer sur leurs résultats ?

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson. C’est vous, monsieur le ministre, qui présenterez la loi de finances. Ne serait-il pas logique de voter plus vite la loi de finances et de consacrer de nombreuses journées à auditionner les ministres pour essayer de comprendre pourquoi les résultats qu’ils ont obtenus sont bons ou mauvais ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Tout à fait.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’esprit de la LOLF. Et si l’esprit est là…

M. Charles de Courson. C’est en effet l’esprit de la LOLF.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous le ferons !

M. Charles de Courson. Ce serait probablement un grand progrès.

Certes, le rapporteur général, le président de la commission et le ministre l’ont souligné, les administrations ont fait de grands efforts pour s’adapter à la LOLF. Mais il suffit de lire le rapport de la Cour des comptes pour se rendre compte qu’il reste encore beaucoup de progrès à accomplir. Encore faut-il que le Parlement s’empare de la question et s’inscrive dans une logique de résultat et non de moyens.

J’en viens au projet de loi de règlement proprement dit.

À l’heure où le Président de la République a pris l’engagement devant l’Eurogroupe de ramener le déficit à 2,4 % du produit intérieur brut dès 2007 et à moins de 2,3 % en 2008, l’examen du règlement définitif du budget de 2006 nous montre les erreurs qu’il ne faudra plus commettre pour que de tels engagements puissent être respectés. En effet, la discussion du projet de loi de règlement constitue un moment privilégié pour vérifier a posteriori si la gestion du budget de l’État a été conforme aux objectifs affichés lors de la discussion du projet de loi de finances initiale.

Or, à la lumière des éclairages de la Cour des comptes, force est de constater que les comptes de 2006 traduisent plusieurs dérives inquiétantes, dont quatre principales : premièrement, la dépense brute de l’État augmente beaucoup plus rapidement que ce qui est affiché ; deuxièmement, les prélèvements obligatoires continuent d’augmenter non pas du fait de l’État directement, mais du fait essentiellement de la protection sociale et un peu des collectivités locales – mais ceci est pour partie lié à des transferts ; troisièmement, le déficit budgétaire ne se réduit au fond qu’assez faiblement, quand on le corrige par un certain nombre d’éléments que je décrirai ; enfin, la dette publique ne baisse pas, sinon de façon artificielle et par le biais de moyens non réutilisables.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Charles de Courson. Autant vous dire que ces quatre points doivent nous inciter – notamment vous, monsieur le ministre, qui vous êtes en charge de préparer le projet de budget – à une extrême rigueur pour 2008.

En premier lieu, de combien la dépense de l’État augmente-t-elle ? J’en ai souvent débattu avec votre prédécesseur M. Copé, sans réellement obtenir, hélas ! de réponse.

M. Jean-Pierre Brard. C’est pour ça qu’il a eu de la promotion !

M. Charles de Courson. En effet, si l’on raisonne selon la norme d’évolution des dépenses définie non pas par le précédent gouvernement, mais à l’époque où Laurent Fabius était ministre des finances, les dépenses de l’État ont en apparence été maîtrisées. En 2006, pour la quatrième année consécutive, elles ont respecté le plafond voté par le Parlement et ont été quasiment stabilisées en volume. Pour être précis, elles ont augmenté de 1,9 %, c'est-à-dire de 5,4 milliards, soit une augmentation de 0,1 % en euros constants.

Hélas ! comme je l’avais souligné dès la discussion de la loi de finances, cette présentation est fallacieuse, ainsi que le montre le rapport de la Cour des comptes, pour de nombreuses raisons. Je résumerai les principales.

D’abord, et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient, cet indicateur sur la dépense nette est totalement inadapté pour traduire la réalité de la dépense. En effet, on sort de celle-ci les prélèvements sur recettes. Or, la Cour des comptes le dit depuis des années, les prélèvements sur recettes, que ce soient ceux destinés aux collectivités territoriales ou ceux destinés à l’Union européenne, sont des dépenses réelles de l’État français. Et les chiffres sont éloquents : les dépenses financées par des prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales sont passées de 46,4 milliards en 2005 à 48,2 milliards en 2006, soit plus 1,8 milliard d’euros, à comparer aux 5,4 milliards affectés. En revanche, la dotation concernant l’Union européenne a légèrement baissé, pour une fois.

Ensuite, il y a les remboursements et dégrèvements.

Les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux ont connu une augmentation considérable, plus 2,1 milliards, puisqu’on passe de 8,8 milliards en 2005 à 10,9 milliards en 2006, notamment du fait de la réforme de la taxe professionnelle. En effet, au lieu d’imputer le coût de la réforme de la taxe professionnelle en dépenses budgétaires, on l’a imputé sur des prélèvements sur recettes.

Pour ce qui concerne les impôts locaux, tous les remboursements et dégrèvements sont des dépenses. Une mission a été mise en place sur ce sujet ; il conviendrait, nous le réclamons depuis des années, de travailler pour arriver à réduire cette dépense.

Mais il y a eu également des remboursements et des dégrèvements sur des impôts d’État qui sont de faux remboursements et de faux dégrèvements, je pense en particulier à la PPE ou, pour être plus précis, à la part de la PPE concernant les contribuables non imposables, qui est une dépense budgétaire alors qu’elle est imputée en prélèvements sur recettes pour faire croire que ce n’est pas une dépense. Mais, mes chers collègues, doublons la PPE, faisons-la passer de 4 à 8 milliards et nous aurons l’illusion de diminuer les dépenses de l’État puisque c’est prélevé sur les recettes !

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Charles de Courson. Cela n’est pas sérieux.

D’autres dépenses relèvent de la même logique, je pense aux prélèvements sur la TIPP.

En outre, certaines dépenses ont été débudgétisées et financées par des affectations de recettes de l’État à des organismes tiers.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Nous avons dénoncé ce procédé en commission des finances. Monsieur le ministre, il faut rebudgétiser tout cela pour réintroduire de la clarté et arrêter de faire semblant de financer des dépenses de l’État en transférant à des organismes tiers des recettes de l’État pour faire croire que nous avons une maîtrise des dépenses qu’en réalité, nous n’avons pas.

Je passe sur les « zakouskis budgétaires » que sont les opérations sur l’AFIT, France Télécom, et autres.

Il convient également de tenir compte des fonds de concours. L’année dernière, une très grande opération a été conduite, qui a consisté à mettre sur des comptes de tiers l’ensemble des fonds de concours concernant les fonds structurels européens. Cela a pu faire croire que nous réduisions les fonds de concours, qui, en apparence, sont en effet tombés de 4 milliards en 2005 à 3,6 milliards en 2006 alors que, dans les faits, l’imputation sur les comptes de tiers de ces fonds structurels européens représente 2 milliards d’euros. Une fois encore, on a l’impression de réduire la dépense alors que ce n’est pas le cas.

Enfin, nous devons prendre en considération les sous-estimations de certaines dotations budgétaires. Cela concerne – nous le disons tous les ans et j’espère que nous n’aurons pas à le répéter cette année – le Fonds national de garantie pour les calamités agricoles ainsi que les dépenses d’épargne logement, pour lesquelles on a inscrit 1,2 milliard alors qu’on a dépensé 1,9 milliard. Ce n’est quand même pas très sérieux du point de vue des inscriptions budgétaires. S’agissant du coût des opérations extérieures, on a inscrit 250 millions, alors qu’on a dépensé autour de 650 millions, soit un écart de 400 millions. Et c’est ainsi dans chaque budget ! Pour l’aide médicale d’État – on observe le phénomène depuis des années et notre collègue de la commission des finances avait même rédigé un rapport à ce sujet –, la dotation a été de 233 millions en 2006 comme en 2005, alors qu’on a dépensé environ 500 millions. Établissons des documents sérieux et évitons ce genre de procédé.

La deuxième dérive concerne les prélèvements obligatoires, qui continuent d’augmenter, de 0,4 point, pour atteindre 44,2 % du PIB. L’ensemble des prélèvements obligatoires a augmenté en 2006 de 39,4 milliards d’euros tandis que l’ensemble de la richesse nationale progressait d’à peine 78 milliards d’euros. Cela signifie que la moitié de la croissance de la richesse française est passée dans des prélèvements obligatoires supplémentaires. Année après année, on accentue le poids de ces prélèvements.

Certes, nos recettes fiscales ont augmenté et, pour une fois, nous les avons affectées entièrement à la réduction du déficit puisqu’on a eu 10,2 milliards d’euros de plus-values fiscales, mais là encore, mes chers collègues, on ne peut pas réduire le déficit budgétaire en continuant à accroître les prélèvements obligatoires. Or, ces cinq dernières années, la quasi-totalité de la réduction du déficit public a été faite en les augmentant et non pas en maîtrisant la dépense. Le ministre l’a rappelé tout à l’heure, le redressement des finances publiques ne peut venir que d’une réduction des dépenses publiques et non d’une augmentation des prélèvements.

Ainsi – c’est la troisième dérive – la réduction du déficit de l’État est trop lente, fragile et insuffisante.

Je ne m’étendrai, monsieur le ministre, pas sur un certain nombre de sous-dotations et de reports de charges, mais je voudrais tout de même attirer votre attention, comme je l’ai fait avec votre prédécesseur, sur les relations entre l’État et la sécurité sociale. On ne peut pas continuer à augmenter les dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale d’environ 1 milliard d’euros par an. Nous en sommes actuellement à 6 milliards. Vous retrouvez d’ailleurs ces dettes dans le compte patrimonial de l’État mais pas dans les dépenses de l’État. En bonne comptabilité, vous le savez, monsieur le ministre, compte tenu de votre passé, il faudrait au moins imputer 1 milliard sur les comptes 2006 – j’ai failli déposer un amendement à cette fin – pour comptabiliser au moins la variation de la dette. Il faudrait même imputer ces 6 milliards, mais je crois que vous y réfléchissez, monsieur le ministre.

M. le président. Monsieur de Courson, il faudrait conclure.

M. Charles de Courson. On a anticipé toute une série de recettes, provenant en particulier de l’impôt sur les sociétés. Ainsi, sur les 6 milliards de majoration de l’impôt sur les sociétés, 1,6 milliard sont dus à une mesure présentée comme technique mais qui est en réalité l’accélération du versement des acomptes, ils ne reflètent pas l’augmentation des bénéfices des entreprises. Et je pourrais citer d’autres opérations.

Enfin, la dette publique, au sens des critères de Maastricht, a apparemment régressé puisqu’elle est passée de 66,2 % de la richesse nationale fin 2005 à 63,7 % fin 2006, passant de 886 à 884 milliards. Mais cette baisse de 2 milliards est tout à fait fictive puisqu’elle est liée à des cessions très importantes d’actifs publics, à hauteur de 18,4 milliards dont 13 milliards pour les autoroutes, mais surtout à des opérations de trésorerie, que la Cour des comptes dénonce, car le nouveau ministre, lui, ne pourra pas les reproduire. Non seulement il ne pourra pas faire de même, mais son prédécesseur l’a « planté » en faisant pour 4 à 5 milliards d’opérations de pure cavalerie en matière de trésorerie, qui provoquent aujourd’hui une remontée de la dette dans laquelle il n’est pour rien : il ne fait que supporter les conséquences de mesures par le biais desquelles le précédent ministre a voulu faire croire qu’il avait maîtrisé la dette, alors qu’en l’absence de ces opérations, la dette n’aurait absolument pas régressé. Nous en sommes en effet à peu près à la stabilisation de la dette en pourcentage du PIB, pas en valeur. Votre prédécesseur ne vous a pas facilité la tâche pour le budget 2008, monsieur le ministre.

En conclusion, la Cour des comptes a assorti sa certification de treize réserves. Un de mes collègues a prétendu que jamais elle n’aurait pu donner un avis négatif sur les comptes de l’État. Si, elle aurait pu le faire, mais elle n’émet qu’un avis, c’est nous qui décidons. Les treize réserves ont tout de même une portée substantielle et il faudra plusieurs années pour que les gouvernements successifs puissent y répondre.

Pour les quatre raisons que j’ai rappelées : augmentation beaucoup trop forte des dépenses publiques, poursuite de la hausse des prélèvements obligatoires, trop faible réduction du déficit et maintien du niveau de la dette en pourcentage de la richesse nationale, le groupe Nouveau Centre, qui, je le rappelle, avait voté contre le projet de budget 2006 pour les mêmes raisons, ne pourra voter en faveur de cette loi de réglement. Toutefois, compte tenu de ce qu’a dit la Cour des comptes et des engagements pris par le Président de la République devant l’Eurogroupe, il s’en tiendra à l’abstention.

M. François Bayrou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la loi de règlement 2006 s’achève le cycle de mise en place de la loi organique relative aux lois de finances adoptée en 2001.

Avant d’en venir aux résultats budgétaires de l’exercice, qu’il me soit donc permis, au nom du groupe UMP, mais aussi, j’en suis sûr, de manière consensuelle, au nom de tous ceux qui sont attachés à cet outil de transparence, de contrôle et de reconquête des pouvoirs budgétaires du Parlement, de me réjouir que l’ensemble des documents attendus aient été au rendez-vous. Nous disposons ainsi, conformément à l’article 37 de la loi organique, de trois résultats : le résultat budgétaire, le montant des ressources et des charges de trésorerie qui ont concouru à la réalisation de l’équilibre financier et le résultat en comptabilité générale, sous forme de comptes de résultats et de bilans.

A ce triple résultat, s’ajoutent, pour la première fois, les rapports annuels de performances, les RAP, qui doivent constituer, pour chaque parlementaire – vous l’avez dit, monsieur le ministre ; le président de la commission des finances et le rapporteur général l’ont confirmé –, notamment pour les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, le moyen de mesurer la performance de l’action publique et son efficacité budgétaire au regard des objectifs fixés en début d’exercice.

Ce travail accompli par l’administration, de même que par la Cour des comptes au niveau de la première certification, doit être salué, même s’il est évident que nous ne sommes pas au terme de l’exercice en matière de qualité. Ainsi peut-on regretter les lacunes persistantes des systèmes d’information budgétaire et comptable, qui ont affecté la qualité des documents et rendu plus difficile le travail des responsables de BOP sur le terrain, comme nous avons pu le vérifier en cours d’année dans le cadre de la MILOLF, ce problème persistant malheureusement en 2007. A ce stade, monsieur le ministre, nous souhaiterions non seulement connaître l’état d’avancement de Chorus, qui a pris le relais d’Accord II, mais aussi savoir comment, pour les outils propres à chaque ministère, le retard existant sur les systèmes d’information va être rattrapé afin de ne pas affaiblir l’efficacité de la loi organique.

Il me faut aussi confirmer nos attentes s’agissant des indicateurs. Si le nombre est vécu dans la plupart des cas comme inflationniste sur le terrain, aux indicateurs des PAP et des RAP des rajouts étant effectués, il nous faut bien constater que seulement 10 % des indicateurs portent par exemple sur la productivité, alors même que tout approfondissement des démarches en la matière implique un progrès dans les données, comme le souligne à juste titre la Cour des comptes dans le rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire, mais des progrès ont déjà été faits, il faut le reconnaître.

S’agissant des dépenses de personnel, sur l’importance desquelles je reviendrai cet après-midi, l’information relative aux ETPT a progressé et une partie des ministères a fourni des tableaux d’emplois des établissements publics, comme nous l’avons souhaité au travers des modifications à la LOLF du mois de juillet 2005.

En revanche, nous voudrions pour l’avenir, conformément à des souhaits déjà exprimés au niveau de la MILOLF et de la Cour des comptes, avoir une meilleure identification, pour ne pas dire une identification tout court dans certains ministères, des relations entre secrétaires généraux responsables de programme, directeurs des affaires financières ou DRH. Il convient notamment que le rôle des responsables de programme soit clairement établi pour chacun des ministères et des programmes.

Ces observations doivent nous permettre, monsieur le président, de donner son plein sens à l’examen de la loi de règlement, qui nécessitera, comme j’en ai à plusieurs reprises exprimé le souhait, de modifier notre règlement pour y consacrer le temps et les moyens humains nécessaires. C’est, je le pense, un objectif partagé par tous.

En considérant, à l’occasion de son discours de politique générale, que le Parlement devrait avoir une plus grande liberté dans la définition de son ordre du jour, le Premier ministre François Fillon nous encourage dans cette voie. Cela est d’autant plus indispensable que si le budget adopté en loi de finances initiale constitue une intention ou, au mieux, une feuille de route, c’est bien la loi de règlement qui, elle seule, traduit la réalité de la gestion et le respect des engagements pris devant le Parlement.

Le temps aura manqué cette année en raison du calendrier électoral – cela a été dit par d’autres avant moi – pour un examen approfondi de chacun des RAP et le changement de la quasi-totalité des ministres rendait difficiles des auditions sur les résultats obtenus au niveau des différentes missions, mais c’est bien vers ce travail de contrôle et d’optimisation qu’il faut tendre.

J’en viens maintenant aux résultats globaux de cet exercice, dont la caractéristique la plus positive est la diminution du déficit à 39 milliards d’euros, soit 8 milliards de moins que la prévision de la loi de finances initiale et 4,5 milliards de moins que pour la loi de règlement 2005. Encore ce résultat intègre-t-il des mesures de régularisation notamment au titre des pensions dans le cadre de la LOLF, mesures comptables qui permettent de dire que le déficit réel s’établit à 35,73 milliards d’euros.

Ainsi, pour la première fois depuis 2001, l’État enregistre un solde primaire au niveau de l’équilibre et même excédentaire hors régularisation. Si ce résultat très positif est obtenu, c’est tout d’abord parce que, pour la quatrième fois consécutive, l’autorisation parlementaire en matière budgétaire a été strictement respectée, ce qui a permis à la Cour des comptes d’écrire dans son rapport – où l’on trouve aussi des jugements favorables – que « l’objectif de stabilité des dépenses nettes à périmètre constant a été quasiment respecté en 2006, ce qui est, avec le respect de l’autorisation parlementaire, le deuxième point positif de l’exécution ».

L’amélioration du résultat provient dans ces conditions essentiellement de l’accroissement des recettes, ce qui démontre que la majorité n’a pas cédé, comme cela s’est vu dans le passé en année préélectorale, à une surestimation des recettes.

Les surplus, dans l’esprit et dans la lettre de la réforme de la LOLF voulue par Nicolas Sarkozy en 2005, ont été affectés à la réduction du déficit et permettent une amélioration du financement de l’État, laquelle a pour corollaire que l’encours de la dette négociable, qui représente l’essentiel de la dette financière, diminue de 2,6 milliards d’euros au 31 décembre 2006, s’établissant à 868,77 milliards d’euros. Le plafond d’emprunt est quant à lui respecté.

Ces bonnes nouvelles ne doivent néanmoins pas masquer l’ampleur de la tâche restant à accomplir pour moderniser l’État. Le principal enjeu – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – concerne les dépenses de personnel, dont le plafond était fixé par la loi de finances initial à 2 351 034 ETPT. Si le plafond semble avoir été respecté, il faut malheureusement constater que différents programmes ne comportent pas la totalité des moyens en personnel nécessaires à la mise en œuvre des actions qui s’y rapportent. Les programmes soutien restent une pratique dans certains ministères comme celui de l’équipement et rendent plus difficile l’évaluation à coût complet d’une politique, donc le travail parlementaire. Certains programmes, quant à eux, dépassent les plafonds autorisés en raison notamment de transferts d’autres programmes en matière d’emploi. Il faudra faire preuve d’une plus grande transparence à l’avenir.

La Cour des comptes souligne, à juste titre, que « l’article 7 de la LOLF, selon lequel les programmes regroupent l’ensemble des crédits concourant à une même action ou à une politique, se trouve souvent contrarié par le double effet de l’architecture ministérielle retenue et de certaines rigidités liées à la gestion statutaire des personnels ». Cela m’amène à poser deux questions. D’abord, la maquette budgétaire modifiée qui sera mise en œuvre pour 2008 a-t-elle pris en compte ces problèmes ? Je rappelle notre souhait d’une concertation à ce sujet comme pour les précédentes maquettes. Ensuite, à quel stade le référencement des emplois publics par métier prévu par la loi organique, ainsi que la simplification du nombre des corps et statuts, en sont-ils ?

Il est également indispensable pour la fiabilité des données d’aller jusqu’au bout de la démarche de dénombrement des emplois publics, des écarts significatifs existant encore dans certains secteurs comme l’enseignement supérieur. Ainsi, sur le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », que j’ai examiné avec d’autant plus d’attention que j’en ai eu la charge, en tant que rapporteur spécial, lors de la précédente législature, l’on constate un écart de 1 532 emplois par rapport au dénombrement effectué dans le cadre du logiciel ODE. Là aussi, il est indispensable qu’un progrès soit accompli sur l’outil statistique.

S’agissant des opérateurs mentionnés dans l’article 51 de la LOLF, que j’évoquais tout à l’heure, le caractère nébuleux de certaines données conduit à s’interroger. Ainsi, au niveau de l’écologie, qui comporte soixante-quatorze opérateurs, le ministère indique une consommation de 4 648 ETPT pour une programmation de 7 000 dans le PAP. Qu’en est-il réellement du nombre d’emplois dans les opérateurs du ministère de l’écologie ?

Néanmoins, l’exercice 2006 aura marqué une volonté réelle de réduction des effectifs de l’État, qui se traduit concrètement dans les chiffres – plus de 5 000 postes –, même si des progrès restent indispensables pour apprécier ces évolutions au niveau du Parlement.

Réduction du déficit, maintien des dépenses, stabilisation de la dette, diminution des effectifs : cette loi de règlement doit nous inciter à poursuivre dans la voie d’une meilleure gestion. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP l’adoptera sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je tiens à saluer à mon tour la qualité du rapport de la Cour des comptes, qui constitue un véritable atout pour l’exercice de notre mission de contrôle budgétaire. À cet égard, comme l’ont souligné plusieurs collègues, si nous voulons réellement mettre l’accent sur la réduction des déficits, il faudra accorder plus d’importance au débat portant sur la loi de règlement, car celle-ci témoigne de la manière dont les discours se traduisent dans la réalité.

M. le rapporteur général a présenté avec satisfaction les comptes de l’année 2006. L’on peut certes se réjouir que les résultats financiers de cet exercice soient moins défavorables que ceux des quatre années précédentes. Mais l’on peut aussi s’inquiéter, tel est le sens du rapport de la Cour des comptes, de voir qu’après quatre années de déficit excessif – trois ans officiellement, mais quatre si l’on inclut 2005 qui ne s’éloignait guère du déficit excessif – et cinq années marquées par une envolée sans précédent de la dette, le déficit réel soit encore proche de 3 % et que la baisse du ratio d’endettement en 2006 ne tienne qu’à des mesures ponctuelles non reconductibles qui, selon l’expression même de la Cour des comptes, « ne constituent pas une voie structurelle de désendettement ».

Après avoir été, pendant quatre ans, supérieur à 3 % du PIB, le déficit de l’ensemble des administrations publiques est à peine inférieur à ce critère en 2006. Certes, en affichage, il est à 2,5 %, mais au prix de mesures exceptionnelles – soulte de La Poste, après bien d’autres, modifications du calendrier de versement des acomptes de l’IS et taxation anticipée des plans d’épargne logement – dont le total représente 5 milliards d’euros et qui améliorent les choses en 2006, mais qui vont vous compliquer la tâche en 2007, monsieur le ministre, d’autres l’ont dit avant moi. Sans ces mesures, le déficit réel serait de 2,8 % du PIB, niveau à peine égal à celui nécessaire pour stabiliser la dette. L’état des comptes publics ne permet donc pas encore d’espérer que la dette va commencer à diminuer.

Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, on retrouve les mêmes artifices comptables du côté de la dette : sa baisse en pourcentage du PIB – un peu plus de deux points en 2006 – résulte non pas du rééquilibrage des comptes publics, mais de mesures elles aussi exceptionnelles, parmi lesquelles un encours de plus de 16 milliards de cessions d’actifs, dont 14 milliards liés à la privatisation des concessions autoroutières. Ce montant, indique le président Séguin, n’avait jamais été atteint depuis la vague de privatisations de 1986 : « le produit financier immédiat attendu a primé sur toute autre considération stratégique ».

Or, ce type de cession qui consiste à vendre des actifs qui auraient continué à procurer d’importants revenus à l’État dans les années futures n’est en aucune façon un désendettement. Si la cession s’est faite au prix du marché, elle est au mieux neutre sur la dette réelle, c’est-à-dire sur la dette nette, selon des critères de mesure qui furent brièvement adoptés en 2000 et 2001.

Je voudrais à cette occasion revenir à la période 2002-2006 qui a été marquée par une croissance mondiale exceptionnelle. Celle-ci, qui s’établissait autour de 3,5 % au cours des cinq années précédentes, a été comprise entre 4 % et 5 % durant toute cette période et la plupart des pays l’ont mise à profit pour réduire leur déficit. Cela n’a pas été le cas de la France. Il est vrai que notre pays est resté à l’écart de cette croissance…

M. Daniel Garrigue. Il faut voir d’où nous partions en 2002 ! Vous avez la mémoire courte !

M. Michel Bouvard. Vous ne vous êtes peut-être pas aperçu que les autres pays n’ont pas les 35 heures !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Nous étions les seuls à travailler moins !

M. Pierre-Alain Muet. Je n’ai pas le temps en dix minutes de m’étendre sur l’héritage, mais je vais en parler.

Je rappelle, données objectives à l’appui, qu’au cours de la période, la croissance a été de 1,5 % en France contre 4 % ou 5 % à l’échelle du monde. En 2006, le décalage existe toujours : 2 % en France, mais 2,7 % dans les pays européens et une croissance mondiale record, de l’ordre de 5 %.

Pourquoi la France est-elle restée aussi durablement éloignée de l’équilibre et a-t-elle autant peiné à respecter la norme de 3 % de déficit public ? Il est intéressant d’examiner les faits à la lumière des discours prononcés à l’époque. Ainsi, M. Francis Mer, qui était à votre place, monsieur le ministre, expliquait que les allégements d’impôts stimuleraient la croissance et que, accompagnés d’une maîtrise des dépenses publiques, ils permettraient aussi de réduire les déficits ainsi que la dette.

La réalité a été tout autre : le déficit, estimé à 1,5 % du PIB en 2001 et que l’audit commandé par le Premier ministre à M. Bonnet et M. Nasse évaluait entre 2,2 % et 2,5 % en 2002, s’est aussitôt creusé. Il est passé à 3,2 % à partir de l’été, à cause de nouveaux allégements fiscaux et de l’augmentation des dépenses qu’atteste un graphique très intéressant montrant la croissance des dépenses de l’ensemble des administrations publiques au cours de l’année 2002 : de l’ordre de 3,5 %. Depuis, le déficit public n’a cessé de croître : 4,1 % en 2003, 3,6 % en 2004 et si, en 2005, il est revenu à 3 %, c’est là encore en raison de mesures ponctuelles, notamment une soulte de 8 milliards d’euros versée par les industries électriques et gazières. Bref, pendant quatre ans, la France a été dans une situation de déficit excessif, dont elle n’est pas encore vraiment sortie aujourd’hui.

Les raisons de ces difficultés persistantes tiennent à ce que les dépenses globales n’ont pas été maîtrisées, dans un contexte de baisse de la fiscalité. À telle enseigne que, au bout de deux ans, l’ampleur du déficit a contraint les gouvernements successifs à augmenter à nouveau les prélèvements obligatoires : de près d’un point au total. Du côté des dépenses de l’Etat, les efforts de maîtrise ont fini par produire leurs effets. M. Francis Mer a à peu près réussi à contenir les dépenses de l’État dans la limite de 0,3 %, mais les recettes n’ont pas été au rendez-vous parce que l’accélération tant espérée de la croissance ne s’est pas produite. Les prévisions annuelles de croissance, comprises entre 2 % et 2,5 % sauf en 2004, ont toujours été nettement supérieures aux réalisations et la stratégie qui a consisté à laisser glisser les déficits en début de période a échoué puisqu’il s’est avéré impossible de les ramener ensuite à un niveau acceptable.

Au total, cette expérience ne laisse pas de nous inquiéter sur la politique que vous allez conduire. Nous en parlerons cet après-midi. Si le Président de la République a parlé de rupture, je crains surtout, en matière économique, la continuité : vous allez de nouveau faire des cadeaux fiscaux en début de période, en renvoyant à plus tard la réduction des déficits. Les cinq dernières années montrent que cette stratégie est dangereuse puisque, faute d’avoir été réduits, les déficits ont conduit à une explosion de la dette de près de dix points en quatre ans. La baisse observée en 2006 est purement comptable. Le déficit a tout juste permis de stabiliser la dette.

Si le gouvernement de l’époque a pu ne pas se préoccuper outre mesure de l’endettement, c’est parce que les finances publiques avaient été assainies entre 1997 et 2002. Le déficit, que l’audit avait chiffré à 3,5 % du PIB en 1997, avait été ramené, je le rappelle, à 1,5 %. Vous avez hérité, quant à vous, monsieur le ministre, d’une situation beaucoup moins favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, mes chers collègues, même si le jour choisi pour cette séance – un lundi – explique que nous siégions pour ainsi dire en comité restreint, nous ne pouvons que nous féliciter que le débat sur la loi de règlement et le débat d’orientation budgétaire soient joints. Cette excellente initiative montre une volonté très forte d’assurer la continuité dans le redressement des finances publiques.

Trois observations sur la loi de règlement définitif du budget pour 2006.

Premièrement, le président de la Cour des comptes a évoqué, à propos de la mise en œuvre très complète de la LOLF, un véritable big bang. En témoignent la réserve de précaution, la fongibilité des crédits, le déploiement de la comptabilité générale de l’État suivi de la certification par la Cour des comptes.

Deuxièmement, je voudrais souligner la détermination dont le gouvernement de Dominique de Villepin a fait preuve dans la maîtrise des finances de l’État.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un fidèle qui parle !

M. Daniel Garrigue. En effet, les dépenses ont été totalement contenues : le plafond des dépenses et celui des emplois ont été respectés. En outre, décision méritoire, voire remarquable en année préélectorale, l’intégralité des plus-values fiscales a été affectée à la réduction du déficit budgétaire. On a connu des gouvernements moins vertueux, qui dilapidaient les cagnottes et ne témoignaient ni de la même vertu ni du même courage.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Daniel Garrigue. M. le rapporteur général a souligné à juste titre le phénomène de surréaction des recettes fiscales à la croissance, prolongeant ainsi le débat que nous avons eu la semaine dernière sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. C’est bien la preuve que notre système fiscal est capable de générer spontanément les ressources nécessaires au financement de mesures comme celles que nous avons votées l’an dernier.

Troisièmement, il est des domaines dans lesquels nous avons encore beaucoup de progrès à faire. Il en est ainsi des comptes de la sécurité sociale. Votre périmètre d’action, monsieur le ministre, prouve – vous l’avez dit vous-même dans votre présentation – que la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale est devenue une priorité indispensable.

C’est aussi le cas de la croissance – nous en parlerons lors du débat d’orientation budgétaire. Nous avons certes retrouvé le chemin de la croissance, mais notre rythme reste en deçà de celui de nos partenaires européens.

Citons enfin le financement des investissements, en particulier des infrastructures, qui doit demeurer l’une de nos préoccupations dans la préparation de la prochaine loi de finances.

J’aurais voulu faire observer à M. Muet – qui n’est plus là – que la situation actuelle est très différente de celle de 2002.

M. Michel Bouvard. Extrêmement différente !

M. Daniel Garrigue. À l’époque, nous subissions les contrecoups de l’arrêt total de la croissance : explosion du déficit de la sécurité sociale et du déficit budgétaire – sans parler de quelques bombes à retardement que nous avons découvertes au cours des années suivantes –, aggravation du chômage. Aujourd’hui, la croissance est revenue, même si elle est encore insuffisante, la maîtrise des déficits est en bonne voie, en particulier pour l’État, et le chômage recule. La rupture est largement engagée : à nous de lui assurer la continuité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. Monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement définitif du budget 2006 contient deux éléments porteurs d’enseignements.

Si l’on jette un regard rétrospectif sur plusieurs exercices, on s’aperçoit que l’évolution que nous connaissons depuis 2005-2006 est historique. Pendant trente ans, toutes majorités confondues, on a voté des lois de finances puis des lois de règlement déficitaires, ce qui a eu pour effet d’accroître considérablement le niveau de la dette. Or, en quatre exercices, le déficit d’exécution est passé de 50 milliards d’euros en 2002 à 36 milliards, en dépit, comme cela a été rappelé, d’un taux de croissance très faible, compris entre 1,5 et 1,7 %, ce qui rend l’effort d’assainissement des comptes d’autant plus louable. Pour la première fois depuis 2001, l’équilibre primaire est atteint. Nous abordons donc cette nouvelle législature sur des bases beaucoup plus saines qu’en 2002.

Cela m’amène à évoquer le second élément porteur d’enseignements : la sincérité des estimations et des exécutions. Les comptes de 2001 et 2002 avaient été marqués par un décalage entre l’exécution et la prévision : l’exercice 2001 fut exécuté avec un déficit supérieur de 4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, l’exercice 2002 avec un déficit qui les excédait de près de 20 milliards. À partir de 2004, le phénomène s’inverse : 11 milliards de moins que les prévisions en 2004, 4 milliards en 2005 et de nouveau 11 milliards en 2006. Ainsi a-t-on réussi à sécuriser la loi de finances initiale et à faire en sorte que la loi de règlement n’apporte que de bonnes surprises – certes d’une ampleur variable. Je le souligne à la suite de M. le rapporteur général : c’est un vrai changement, imputable au primat de la norme d’évolution des dépenses.

C’est le premier enseignement : on a cessé de raisonner en termes de niveau de déficit souhaitable pour ne considérer que l’autorisation parlementaire de dépense – au respect de laquelle le Gouvernement s’est astreint. Il s’agit d’un vrai changement culturel, bénéfique non seulement pour l’assainissement des finances publiques, mais aussi pour la démocratie en général, puisque la première manifestation du respect dû au Parlement, c’est de ne pas dépasser le niveau de dépenses autorisé chaque année aux diverses administrations d’État.

Ce primat de la norme de dépense n’a pas nui pour autant au dynamisme des politiques publiques. J’en veux pour preuve les redéploiements importants qui, dans le strict respect de cette norme, ont été réalisés au profit de la politique de la ville en 2005 avant de porter leurs fruits l’année suivante. De même, en 2006, le plan de cohésion sociale a bénéficié de plusieurs modifications qui ont permis d’atteindre des records historiques en matière de construction de logements et de financer le programme favorisant l’entrée dans la vie active de 50 000 jeunes peu qualifiés issus des quartiers sensibles – toujours dans le respect de la norme de dépense. L’affectation des surplus fiscaux permet de conserver une bonne réactivité aux politiques publiques.

Deuxième enseignement : M. le président de la commission des finances l’a très justement rappelé, la loi organique relative aux lois de finances – la LOLF – peut, au-delà des clivages politiques, nous permettre de travailler en bonne entente entre majorité et opposition, comme l’ont prouvé sa conception et sa mise en œuvre – dans lesquelles M. le président Migaud a joué, et continue de jouer, un rôle majeur. Il faut avoir la sagesse de continuer dans cette voie, pour le travail des rapporteurs spéciaux, pour celui, à poursuivre, des agents des directions centrales et des administrations déconcentrées – qui apportent une contribution essentielle à la mise en œuvre pleine et entière de la loi organique sur le terrain – et, bien sûr, pour l’exercice de la mission de contrôle du Parlement. La Cour des comptes et le président de la commission des finances ont ainsi envisagé de revoir certaines nomenclatures afin de les rendre plus simples et mieux adaptées à la conduite des politiques publiques. Ce chantier va certainement nous retenir pendant plusieurs années encore, et seul l’investissement des parlementaires permettra à la loi de règlement de devenir un rendez-vous de plus en plus important, garant de la sincérité budgétaire et de la conformité de nos finances publiques. Le Gouvernement n’est pas le seul à devoir faire des efforts : il incombe aussi au Parlement d’organiser ses débats et ses travaux pour relever ce défi si estimable et hautement républicain, qui suppose de savoir dépasser les querelles partisanes et les logiques de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le ministre, l’examen du projet de loi de règlement du budget de 2006 est l’occasion, sur la base d’un retour en arrière sur l’exercice budgétaire écoulé, de formuler des observations critiques sur la gestion des finances publiques par le Gouvernement.

Au préalable, je voudrais faire deux réflexions.

Premièrement, la situation de l’économie française et son environnement international influent sur les conditions de l’exécution budgétaire. Depuis 2004, l’économie mondiale bénéficie d’une croissance vigoureuse. Pourtant, notre pays est à la peine et court derrière le redressement de l’activité mondiale. Comme Pierre-Alain Muet l’a dit, nous sommes, avec un taux de croissance de 2,1 % en 2006, en dessous du niveau d’activité enregistré dans la zone euro.

Deuxième réflexion : l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances votée en 2001 impose, à partir de l’exercice 2006, de faire certifier par la Cour des comptes la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État, lesquels ont été pour la première fois établis suivant les exigences du nouveau référentiel comptable. C’est donc la première fois que les gestionnaires ont pu mettre en œuvre la fongibilité des crédits au sein des programmes, qui constituent l’unité de spécialisation des crédits. Selon la Cour des comptes, cet usage a d’ailleurs été plutôt prudent, avec un total de 400 millions d’euros de crédits déplacés par les gestionnaires.

Dans ce contexte, les recettes réelles, c’est-à-dire hors remboursements et dégrèvements, atteignent 322,54 milliards d’euros dont 294,3 milliards de recettes fiscales, 24,78 milliards de recettes non fiscales et 3,56 milliards de fonds de concours. Les dépenses de l’État s’élèvent à 550,1 milliards d’euros en crédits de paiement dont 269,6 pour le budget général – trois missions sur trente-quatre concentrant la moitié des crédits de paiement consommés.

Le déficit de l’État reste donc élevé, avec 39 milliards d’euros fin 2006, soit plus de 7 milliards d’euros au-dessus du niveau atteint à la fin de l’année 2001. Nous sommes toujours dans un contexte de comptes publics dégradés.

Ce déficit représente, fin 2006, 2,5 % du PIB et les projections faites pour 2007 et 2008 le situent au même niveau. Si, pour la première fois depuis 2001, l’État enregistre un solde primaire proche de l’équilibre, ses recettes ne sont toujours pas suffisantes pour payer une partie au moins des intérêts de la dette. Et la Cour des comptes relève dans son rapport que 531 millions d’euros, bien que dépensés en 2006, n’ont pas été comptabilisés, et que la fin de l’année 2006 a été marquée par d’importants arriérés de paiement – lesquels, n’étant pas intervenus dans les délais réglementaires, ne sont pas comptabilisés dans le budget de 2006. La Cour note que l’incertitude relative au montant des dépenses reportées d’une année sur l’autre devra être impérativement levée à l’avenir, ce qui implique d’engager sans tarder les travaux nécessaires à la fiabilisation de l’information budgétaire et comptable.

Cette baisse du déficit public d’environ un demi-point de PIB nous place certes, et pour la première fois depuis 2002, sous la limite communautaire des 3 % du PIB. Néanmoins, comme la zone euro connaît pour 2006 un déficit public moyen de 1,6 % du PIB, la France fait, là encore, moins bien que ses partenaires.

La dette atteint par ailleurs des records. Alors qu’elle avait baissé sous la précédente législature, elle a culminé fin 2005 à 66,2 %, revenant à 63,7 % fin 2006, ce qui reste largement au-dessus du seuil correspondant à nos engagements européens – lesquels avaient pourtant toujours été tenus entre 1997 et 2002. Votre échec dans la maîtrise de l’endettement public est donc patent.

Ce point est d’ailleurs sévèrement jugé par la Cour des comptes, qui souligne en outre : « Les mesures prises en 2006 pour réduire le ratio d’endettement ne sont pas durablement reconductibles et ne constituent donc pas une voie structurelle de désendettement : les cessions ont atteint un montant exceptionnel en 2006 et le potentiel d’actifs cessibles n’est pas illimité » – on ne vend qu’une fois ! « Les mesures d’optimisation de la trésorerie ont produit l’essentiel de leurs effets potentiels en 2006 ; la gestion active de la trésorerie de l’État ne doit pas conduire à des tensions excessives sur les liquidités du Trésor, qui pourraient contraindre l’État à des refinancements ponctuels à très court terme. »

Les prélèvements obligatoires, loin de se réduire, continuent d’augmenter pour atteindre, en 2006, 44,2 % du PIB, infirmant ainsi les dires de M. Copé, qui pensait pouvoir baisser à la fois les dépenses, les impôts, les déficits et la dette. Non seulement vous focalisez votre action sur des cadeaux fiscaux aux plus aisés, comme le prouve le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, mais votre politique consiste à reporter systématiquement les hausses des prélèvements et des charges à la progression la plus dynamique vers la sécurité sociale et les collectivités locales.

Au total – et je ne reprends ici que quelques éléments du rapport de la Cour des comptes – notre préoccupation est grande : le déficit budgétaire représente encore l’équivalent d’un mois et demi de dépenses ; la baisse de l’endettement de l’État n’a été obtenue qu’au moyen d’un montant exceptionnel de cessions d’actifs ; l’accumulation de déficits n’a pas eu pour contrepartie un effet spécifique en matière d’investissement ; le déficit de la sécurité sociale persiste et engendre une dette croissante.

Les premières tendances de 2007 ne font qu’accroître nos inquiétudes, qui concernent en particulier les difficultés d’appréciation de la norme de progression des dépenses dite « zéro volume », beaucoup de dépenses fiscales échappant à tout contrôle et à toute comptabilisation ; l’augmentation du volume des reports de charges en 2006 et les importantes sous-dotations budgétaires affectant plusieurs missions en 2007, qui rendront difficiles à réaliser les objectifs fixés dans la loi de finances initiale ; ou encore l’aggravation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait atteindre 12 milliards d’euros.

Enfin, le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dont nous n’avons pas terminé l’examen, accorde des cadeaux fiscaux inconsidérés. C’est le contraire des relèvements de recettes que nous aurions pu espérer, et qui auraient permis, dans une période de bonne conjoncture, de constater une amélioration rapide des soldes publics sans incidence notable sur la croissance. Monsieur le ministre, lorsque M. le rapporteur général vous a interrogé en commission des finances au sujet de l’impact de ce texte sur l’exécution budgétaire 2007, vous n’avez parlé que des 1,5 milliard d’euros que coûteront les mesures sur les heures supplémentaires, en omettant scrupuleusement d’évoquer les pertes de recettes correspondant au bouclier fiscal et à la diminution du produit de l’ISF. Il faudra, monsieur le ministre, faire passer rapidement aux Mines la balance de la justice fiscale !

Je conclurai par quelques remarques concernant les conditions dans lesquelles ce projet de loi de règlement a été examiné : des délais trop courts pour permettre un travail approfondi sur les rapports annuels de performances, une utilisation lacunaire des indicateurs de performances, une hiérarchisation insuffisante des objectifs due à la surabondance des indicateurs de moyens ou d’activité. Ces constats objectifs, je souhaite qu’ils soient partagés afin que nous puissions tous ensemble améliorer la lecture des comptes publics et donner toute sa force à la LOLF – dont je suis heureux de saluer l’un des inspirateurs, Didier Migaud, président de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ainsi que du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement définitif du budget 2006 a trois grands mérites : il nous permet de constater l’amélioration de la sincérité des comptes de l’État et d’effectuer des comparaisons avec des périodes de référence tout à fait intéressantes tout en nous invitant à renforcer le rôle de contrôle du Parlement sur la dépense publique.

En ce qui concerne le rapprochement de la comptabilité de l’État, notamment de sa terminologie, avec les critères et les normes de la comptabilité des acteurs économiques, je me félicite – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – que ce projet de loi de règlement recoure enfin à des concepts que nous n’étions pas habitués à voir figurer dans la présentation des comptes de l’État : stocks, provisions ou amortissements. C’est désormais chose faite. Ceux qui ne pratiquent pas la comptabilité publique trouvent cela tout à fait naturel ; ce n’était pourtant pas le cas auparavant. Nous nous réjouissons donc avec vous, monsieur le ministre, que ceux qui sont issus de la société civile et qui sont habitués à l’emploi des normes comptables du secteur privé puissent aujourd'hui les retrouver dans cette présentation. Le bilan de l’État n’en est que plus facile à cerner, grâce notamment aux notions d’actif net – il est de 538 milliards d’euros – ou d’engagements hors bilan : 230 milliards d’euros pour les besoins de financement des régimes spéciaux, autant de chiffres aujourd'hui disponibles grâce à cette présentation conforme à la LOLF. À cela s’ajoute la certification par la Cour des comptes, qui permet d’engager un processus d’amélioration de la lisibilité, de la transparence et de la sincérité des comptes.

Ce projet de loi autorise également un effort de comparaison avec des périodes de référence, 2006 étant le dernier budget en exécution d’une législature. En réponse à Jean-Louis Idiart et à Pierre-André Muet, je tiens à souligner que ce texte contient notamment des éléments tout à fait intéressants sur les cessions d’actifs de l’État. Car s’il est vrai que la précédente législature a donné lieu à d’importantes cessions, il en fut de même sous la législature 1997-2002, mais sans que leur produit soit affecté au désendettement ou à la réduction du déficit : voilà un exemple de comparaison utile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Utile en effet !

M. Guy Geoffroy. Et qu’il est bien d’avoir faite !

M. Louis Giscard d'Estaing. Par ailleurs, sans ouvrir de débat sur la gestion de certaines entreprises publiques – il serait cruel d’évoquer le Crédit Lyonnais –, je prendrai le cas des entreprises publiques dont la gestion sous le gouvernement de Lionel Jospin a suscité des remarques de la part de la commission d’enquête parlementaire présidée par Philippe Douste-Blazy et dont le rapporteur était Michel Diefenbacher.

M. Jean-Louis Idiart. Avec quel succès !

M. Louis Giscard d'Estaing. La commission avait notamment mis en évidence la responsabilité des ministres des finances Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius dans des décisions concernant la gestion d’entreprises publiques et portant sur plusieurs milliards d’euros.

M. Jean-Louis Idiart. Vous savez bien qu’il ne faut pas toucher à Dominique Strauss-Kahn en ce moment ! C’est le meilleur d’entre nous ! Il n’y en a pas d’aussi bons à droite ! Il est vrai qu’on vous avait pris Soisson ! Vous avez gagné au change !

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur Idiard, vous aviez certainement suivi les travaux de cette commission, qui nous avait appris des choses intéressantes.

Nous pouvons également nous rappeler, monsieur le rapporteur général, les débats sur le budget de 2002, qu’il s’agisse de l’hypothèse retenue pour le taux de croissance, des mesures non budgétées, comme l’APA, ou des retards constatés dans l’exécution des contrats de plan État-région 2000-2006 – nous en étions à la deuxième année d’exécution – et dénoncés notamment par Augustin Bonrepaux, auquel je veux rendre hommage à cet instant.

M. Henri Nayrou. Cela lui sera transmis !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce projet de règlement permet enfin de constater que, si la mise en œuvre de la LOLF a permis de franchir de grandes étapes, il reste encore des progrès à réaliser sur l’utilisation des rapports annuels de performances – vous l’avez du reste noté –, afin d’avoir une image plus claire de l’évaluation des politiques publiques. Nous devons bien sûr nous appuyer sur les rapports de la Cour des comptes. Quel regret que nous n’ayons pu le faire en 2002 sur les mêmes bases qu’aujourd'hui : cela aurait été très instructif et le rapporteur général de l’époque aurait certainement apprécié de pouvoir disposer des informations que la Cour des comptes lui aurait fournies avec grand plaisir. (Sourires.)

M. Yves Censi. Sans aucun doute !

M. Louis Giscard d'Estaing. Nous avons d’ailleurs besoin de renforcer la coordination de nos travaux avec ceux de la Cour des Comptes : c’est une des avancées sur lesquelles nous devons continuer à travailler.

Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, dans son discours du 14 janvier 2007, déclarait : « La démocratie irréprochable ce n’est pas une démocratie où l’exécutif est tout et le Parlement rien. C’est une démocratie où le Parlement contrôle l’exécutif et a les moyens de le faire. » Ce projet de loi de règlement est à l’honneur de notre majorité et à l’honneur du Gouvernement, qui a veillé à une exécution conforme au vote de l’Assemblée. Le Parlement pourra ainsi s’appuyer sur des bases renforcées pour exercer sa mission de contrôle de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Daniel Garrigue a raison : en tant qu’ancien ministre, je peux moi aussi témoigner de la volonté du précédent gouvernement de présenter pour 2006 et 2007 des projets de budget sincères, qui nous permettent aujourd'hui de travailler, dans le cadre de la LOLF et au travers de ce projet de loi de règlement, sur des éléments concrets, en vue de réaliser avec force et efficacité les priorités que le Président de la République a définies.

Le budget de 2006 tranche avec ceux qui nous avaient été présentés en 2001 et 2002, projets « exotiques » qui avaient rendu difficile l’engagement des réformes nécessaires au pays.

Monsieur le ministre, la loi de règlement a pour vertu principale de rendre compte de l’utilisation des deniers publics comme de l’orientation des politiques publiques pendant l’exercice budgétaire. C’est un rendez-vous très technique et encore trop confidentiel pour nos concitoyens : il n’en revêt pas moins une grande importance.

Ancien ministre, j’ai pu noter, comme vous l’avez fait, l’effort fourni par nos administrations pour mettre en œuvre la LOLF, dont l’application était indispensable. Je peux certifier que les services centraux des ministères, comme les services déconcentrés, se sont particulièrement mobilisés pour répondre aux exigences de cet exercice imposé. L’application stricte de la séparation des pouvoirs n’a jamais obéré notre capacité à travailler ensemble à l’élaboration et à la mise en œuvre de cette loi organique : nous avons pu ainsi améliorer, affiner et amender un texte crucial pour notre pays.

Mon propos n’est pas d’analyser un texte d’un tel calibre – cela a été fait par d’autres avec beaucoup de brio – mais de participer au débat en tant qu'acteur qui a assisté de l'intérieur à la mise en place de ce difficile processus budgétaire.

La LOLF est avant tout un instrument de bonne gouvernance, une forme de constitution financière dont l’application présente sans conteste de nombreux avantages. Ainsi les indicateurs de performances qui entrent dans le cadre des BOP et des RAP sont des éléments cruciaux de notre politique budgétaire qu’il faudra veiller à affiner encore. Autant, dans le domaine sportif, on peut élaborer des indicateurs de performances aisément compréhensibles permettant d’affiner nos politiques, autant, en matière de politique de la jeunesse ou de la vie associative, il a été particulièrement difficile d’établir de tels indicateurs, sur lesquels, je le répète, reposent les RAP et l’orthodoxie budgétaire des années à venir. Il est donc indispensable que nos services travaillent avec ceux des ministères concernés à les rendre pertinents : l’avis de la Cour des comptes comme l’efficacité de la dépense publique en dépendent. Les enseignements tirés du budget de 2006 nous permettront de calibrer notre travail au plan ministériel comme au plan parlementaire.

Quant à la Cour des Comptes, elle a montré que contrairement à son homologue américaine, elle ne jouait pas seulement un rôle de censeur mais également d’aiguilleur : il faudra nous appuyer sur ses avis pour mieux travailler ensemble.

Voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais insister ce matin. Les dernières élections ont montré que les Français attendaient de leurs responsables politiques de nouveaux comportements, un esprit de responsabilité renforcé ainsi qu’une volonté d'innovation et d'action. Je l'ai vu, comme vous, sur le terrain, dans ma circonscription. Nos concitoyens seront exigeants car ils savent que nous pouvons, en tant que responsables politiques, agir dans des conditions particulièrement favorables.

Ce projet de loi nous permet de revenir sur le budget 2006, qui avait été innovant en matière de procédure. Il est aussi l’occasion pour le Parlement, peut-être au-delà des clivages politiques, de tirer les premières leçons de ce nouvel outil qu’est la LOLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est invitée ce matin à se prononcer sur le projet de loi de règlement définitif du budget 2006 : il revêt une importance particulière puisqu’il est le dernier de la précédente législature et clôt à ce titre un cycle quinquennal sur les plans budgétaire et politique. Avec lui c’est, enfin, la réalité de la situation nationale qui se révèle à nous après avoir fait l'objet de débats intenses, à deux reprises au moins.

À la fin de l'année 2005, tout d’abord, lors des débats budgétaires, nos collègues de l'opposition nous promettaient, si nous appliquions les choix du projet de loi de finances pour 2006, un avenir des plus noirs. Ces Cassandre expliquaient à la représentation nationale que jamais, au grand jamais, la volonté de diminuer la pression fiscale, qui était celle des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, ne pourrait s'accommoder ni des objectifs de baisse sensible du déficit budgétaire ni d'une réduction du niveau de la dette.

M. Jean Launay. C’est maintenant démontré !

M. Yves Censi. Sans méconnaître le chemin qui reste à parcourir, ce projet de loi montre, preuves à l’appui, que nous avions raison et qu’ils avaient tort.

De la même façon, le présent projet de loi entre en résonance avec les débats que nous avons eus lors des deux derniers grands rendez-vous démocratiques : les élections présidentielle et législatives. Le projet de loi de règlement, éclairé par l'excellent rapport du rapporteur général et certifié, enfin, avec des réserves précises certes, mais dûment certifié par la Cour des comptes, nous permet de constater combien la réalité budgétaire du pays a été constamment travestie par nos collègues de l'opposition. Sans se lasser, ils répétaient ce qui se révèle aujourd'hui un mensonge, à savoir que la dette et le déficit de l'État avaient explosé en 2006, contrairement à la situation assainie que Lionel Jospin avait prétendument laissée en 2002. Louis Giscard d’Estaing a eu raison de rappeler à ce propos le redoutable effet des bombes à retardement que le gouvernement de l’époque avait laissées derrière lui.

Je suis heureux que la discussion de ce projet nous donne l’occasion de remettre les pendules à l’heure. Elle nous permet de le faire avec d’autant plus de légitimité que la LOLF nous offre les outils de mesure des résultats et non plus seulement des moyens. D’où l’importance des rapports annuels de performance, les RAP, les premiers du genre, qui nous offrent un véritable tableau de bord pour l’élaboration du prochain budget.

À ce titre, l’année 2007 s’annonce décisive. La LOLF va surtout nous permettre de contrôler, au fil des mois, l’application et les résultats réels de ce que nous aurons voté. Nous voyons par exemple, dès aujourd’hui, dans le suivi de l’exécution du budget 2007, combien nous pouvons apprécier, grâce à ces tableaux de bord, à la fois la sincérité, mais aussi les insuffisances des prévisions concernant telle ou telle mission, comme ce fut le cas, ainsi que l’a rappelé en commission le rapporteur général, de la mission « Travail et emploi », ou encore de la mission « Tourisme et patrimoine », chère à mon cœur et à celui de notre ami Michel Bouvard qui, lui aussi, l’a évoquée en commission.

Le Parlement a donc clairement en main, et ce projet de loi en est l’expression éclatante, les outils opérationnels pour se prononcer, en toute transparence et en toute lisibilité, sur les orientations et le contrôle de la politique gouvernementale. Ce que je souhaite, c’est que nous relevions ce défi avec le plus haut niveau d’exigence. Cela signifie qu’il est de notre devoir de faire connaître à la nation les résultats de nos travaux de manière plus accessible et plus claire.

La mise en place des outils de la LOLF est sûrement, comme le ministre l’a indiqué, une petite révolution, mais la vraie révolution, ce sera ce que nous allons en faire pour amplifier la dimension démocratique du contrôle du Parlement.

M. Laurent Hénart. Tout à fait !

M. Yves Censi. Il est beaucoup plus important qu’on ne le croit de porter à la connaissance de nos concitoyens les travaux, quels qu’ils soient, de la commission des finances. Cet effort de communication est un véritable enjeu de démocratie.

Ce projet marque donc le début d’une nouvelle ère pour ce qui est du rôle de la commission des finances et du Parlement. Il doit permettre le rapprochement des Français de leur Assemblée nationale. Le budget de la France n’est pas réservé aux seuls comptables ; il n’est pas l’élément d’un débat seulement intelligible au sein de quelques cénacles. Il est la traduction concrète de choix politiques et doit être accessible à chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3, portant règlement définitif du budget de 2006 :

Rapport, n° 66, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Débat d’orientation budgétaire ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :

Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt.)