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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 15 janvier 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Article 11 de la Constitution

M. Patrick Braouezec, rapporteur de la commission des lois.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

discussion générale

MM.  Jean-Paul Lecoq,

Pierre Lequiller.

Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

MM.  Pierre Lequiller,

Alain Vidalies,

François de Rugy.

Présidence de M. Marc Le Fur

M.  François de Rugy,

Mmes  Nicole Ameline,

Aurélie Filippetti,

MM.  Nicolas Dupont-Aignant,

Daniel Garrigue.

Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

Mme  Chantal Robin-Rodrigo.

vote sur les conclusions de rejet de la commission

M. le rapporteur.

MM. Jean-Claude Sandrier, Jean-Marc Ayrault, Guy Geoffroy.

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Article 11 de la Constitution

Discussion d’une proposition de loi constitutionnelle

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Patrick Braouezec, visant à compléter l’article 11 de la Constitution par un alinéa tendant à ce que la ratification d’un traité contenant des dispositions similaires à celles d’un traité rejeté fasse l’objet de consultations et soit soumise à référendum (nos 560, 569).

La parole est à M. Patrick Braouezec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Patrick Braouezec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis d'une proposition de loi constitutionnelle examinée à l’occasion de la séance d'initiative parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Alors que nous nous apprêtons, cet après-midi, à entamer le processus de dessaisissement du peuple vis-à-vis du traité de Lisbonne, il nous semblait urgent de proposer un moyen d'empêcher ce véritable déni de démocratie.

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Rappelons-nous en effet que, le 29 mai 2005, le peuple français a décidé, par 54,67 % des suffrages exprimés, de rejeter le traité établissant une Constitution pour l'Europe, au terme d'une campagne électorale marquée par une mobilisation sans précédent du « non » de gauche. Cette campagne a intéressé les Français, comme l'a montré le taux de participation, proche des 70 %, en dépit du caractère complexe du texte soumis à son examen.

Compte tenu de ce résultat, suivi trois jours plus tard d'un autre référendum négatif aux Pays-Bas, le processus de ratification du traité constitutionnel s'est trouvé entravé. Pour autant, ses partisans n'ont pas renoncé et, plutôt que de proposer aux citoyens européens une alternative au projet libéral préconisé par le traité constitutionnel, ils ont préféré en « recycler » les dispositions substantielles au sein d'un nouveau traité dit « réformateur », signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne.

D'ores et déjà, le Président de la République a annoncé qu'il ne soumettrait pas le nouveau traité au référendum, craignant sans doute une réponse similaire à celle donnée en mai 2005. Dans ce contexte, présenter l'exigence du recours au référendum comme une méfiance vis-à-vis du système représentatif est profondément malhonnête. On ne saurait tirer prétexte de la nécessité de respecter le Parlement pour écarter la consultation directe du peuple. En effet, le parlementarisme ne peut, bien évidemment, reposer sur une méfiance vis-à-vis du peuple – sauf dans les régimes censitaires –, mais sur l'idée de sa représentation.

M. Guy Geoffroy. Mais qu’ont-ils fait en 1962 ?

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Il ne faut pas oublier que ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c’est l'élection par le peuple au suffrage universel : les citoyens délèguent leur souveraineté à leurs représentants, non qu'ils soient incapables de décider de leur avenir eux-mêmes, mais essentiellement pour des raisons pratiques évidentes. Dès lors, il est parfaitement inconcevable de jouer la légitimité parlementaire contre la légitimité populaire, la première n'existant que par délégation de la seconde. Je crains même qu'en contournant le peuple pour faire adopter le traité de Lisbonne par voie parlementaire, le Président de la République ne contribue à accentuer le fossé entre le peuple et ses représentants.

On constate d'ailleurs que l'origine de la pratique référendaire ne remonte ni au général de Gaulle ni aux plébiscites napoléoniens, qui en ont profondément dénaturé le sens, mais à la Révolution française. Le premier référendum de l'histoire de France est celui qui a permis l'adoption de la Constitution du 24 juin 1793, constitution très démocratique, fondée sur le primat de la souveraineté populaire et qui prévoyait le recours à la consultation directe des citoyens.

L'enjeu de la présente proposition de loi constitutionnelle vise donc à rendre obligatoire le recours au référendum pour l'adoption de lois qui contiennent des dispositions précédemment rejetées par le peuple consulté par référendum. Le peuple peut bien évidemment changer de position, mais il est inacceptable que son vote soit contourné, voire nié, s'il n'a pas donné la réponse attendue de lui. Le parallélisme des formes et le respect de « l'expression directe de la souveraineté nationale » exigent donc d'encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l'objet d'une consultation populaire.

Or, tel est incontestablement le cas du traité de Lisbonne, qui ne comporte que des différences d'ordre cosmétique avec le traité constitutionnel rejeté par référendum.

Je ne résiste pas à l’envie de vous citer l'analyse faite par le président Valéry Giscard d'Estaing sur la différence entre les deux traités. Il explique que « la différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu […]. Les juristes n'ont pas proposé d'innovations. Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d'amendements aux […] traités existants ». Il admet également que « dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils ».

En fait, les seules différences réelles entre les deux traités sont l'abandon du vocabulaire constitutionnel ou des emblèmes de l'Union européenne, ou encore les nombreuses dérogations accordées au Royaume-Uni ou à la Pologne. Au total, le traité de Lisbonne a permis de faire des concessions aux États et aux forces politiques partisans du souverainisme et méfiants vis-à-vis de l'idée même de construction européenne.

Ainsi, il faut rappeler que l'inclusion de la Charte des droits fondamentaux au sein du traité constitutionnel était régulièrement avancée par les partisans du « oui » comme un signe qui aurait dû rassurer les partisans d'une Europe plus sociale. Pourtant, dans le traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux ne figure plus dans le texte même des traités, mais s’y trouve inscrite par le biais d'un renvoi. De plus, elle n'est plus applicable au Royaume-Uni.

Au-delà de quelques modifications sémantiques purement décoratives, aucun des éléments du nouveau traité ne constitue l'amorce de la construction d'une autre Europe. La pseudo-disparition de la référence au « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée », renvoyée à un protocole, est à cet égard très révélatrice.

Quant au fond, il n'y a aucune modification des dispositions qui ont motivé le rejet du traité, à savoir celles qui entraînent l'Europe dans la direction du marché, de la libre concurrence, d'une politique monétaire contrainte ou de la méfiance vis-à-vis des services publics.

Concernant la place donnée à ces derniers, il a souvent été affirmé que le traité de Lisbonne était davantage soucieux de la garantie des services publics que le traité constitutionnel. En effet, le protocole 9 semble consacrer la place des « services d'intérêt général non marchands », ou « services non économiques d'intérêt général » – c'est-à-dire qui ne sont pas directement payés par l'usager, comme l'éducation nationale, les services sociaux, les services de santé ou les services culturels.

Ce protocole, dans son article 2, peut sembler protéger les services d'intérêt général non économiques des règles de la concurrence ; il n'en demeure pas moins que le problème vient de la définition des « services non économiques », qui n'est pas plus précisée dans les traités que dans le protocole. Ce qui pose question car, d'après une jurisprudence constante de la Cour de justice, « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Tout peut donc être considéré comme une activité économique, s'il y a marché.

La valeur ajoutée de cet article du protocole est donc minime, d'autant plus qu'il précise bien, en ce qui concerne ces SIG non économiques, que les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres en matière de fourniture, de mise en place et d’organisation de ces services ; les États pourront donc procéder comme bon leur semble, y compris au détriment des usagers.

Il en va de même pour les « services d'intérêt économique général » que l'usager paie directement – comme l'eau, les transports publics ou l'énergie. Le nouveau traité les fait, certes, figurer parmi les « valeurs le l'Union » – dont aucune définition n'est d’ailleurs donnée –, mais en renvoyant leur contenu à un acte législatif de l'Union – directive ou règlement –, dont on peut être sûr qu'il ne sera pas favorable à notre conception exigeante du service public. Cela est d'autant plus à craindre que ce seront les législateurs, lorsqu'ils le jugeront opportun, qui autoriseront l'Union à adopter un règlement transversal établissant les principes et fixant les conditions, notamment économiques et financières.

En définitive, et les SIEG et les SIG vont être soumis aux règles de la concurrence, ce que les auteurs de ce traité ont affirmé lorsqu'ils ont déclaré que la liberté d'établissement et la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services continuent de revêtir une importance capitale. Dès lors, il ne peut être affirmé, comme d'aucuns le font, que l’Union européenne protège les services publics, renommés services d'intérêt général.

Compte tenu de ces analogies évidentes entre le traité de Lisbonne et le traité rejeté par les Français en mai 2005, de nombreux citoyens exigent un nouveau référendum.

M. Patrick Roy. Absolument !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Vingt-deux sites Internet se font aujourd’hui l’écho d’une telle demande, et le seul site du CNR regroupe 65 000 signatures.

Le recours au référendum devrait donc être obligatoire ; c'est pourquoi nous demandons la modification de l'article 11 de la Constitution. Il s'agit de donner au référendum un autre rôle que celui qu'il a traditionnellement sous la Ve République. Le référendum n'y est effectivement pas utilisé comme un moyen de consulter les citoyens sur les grandes questions qui les concernent, mais il constitue plutôt un outil de tactique politique au service de l'exécutif.

L'article 11 de la Constitution doit donc être modifié pour tenir compte des résultats de 2005 et de leurs conséquences. Dans cette hypothèse, aucune disposition législative figurant dans le projet de loi rejeté ne doit pouvoir être valablement adoptée par voie parlementaire, et seul un référendum doit permettre l'adoption de dispositions précédemment rejetées par référendum.

La proposition de loi constitutionnelle tient compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d'éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, celle-ci prévoit l'organisation obligatoire d'un référendum pour autoriser la ratification d'un traité contenant des stipulations qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum. Il en est ainsi du traité de Lisbonne, qui doit donc nécessairement faire l'objet d'un référendum dans la mesure où il se contente de reprendre, dans un ordre et une présentation différents, les dispositions du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En dernier ressort, en cas d'appréciations divergentes quant au caractère similaire ou non de stipulations d'un traité, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de se prononcer. En l'espèce, il n'y a aucune ambiguïté puisque la rédaction des articles du traité de Lisbonne est, à 90 %, rigoureusement la même que celle du traité constitutionnel.

Face au déni de démocratie que constitue le contournement du peuple pour la ratification du traité de Lisbonne, la proposition de loi constitutionnelle met donc en place un mécanisme de protection de l'expression directe du suffrage universel. Malheureusement, la commission des lois n'a pas partagé notre préoccupation et a rejeté la proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi constitutionnelle qui vient de vous être présentée apparaît purement comme un texte de circonstance (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Au-delà de cette circonstance, elle pose des questions de fond sur le plan institutionnel.

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence mal !

M. Patrick Roy. Que deviennent les jolis principes de la démocratie ?

M. Georges Fenech. On se croirait à l’opéra ou au théâtre !

Mme la garde des sceaux. La circonstance, c'est le débat sur la ratification du traité de Lisbonne.

Le 13 décembre 2007, les chefs d'État et de gouvernement des vingt-sept pays membres de l'Union européenne se sont réunis à Lisbonne afin de signer le nouveau traité. Ils ont marqué leur volonté que ce texte puisse débloquer la construction européenne.

M. Alain Néri. Il appartient au peuple de trancher !

Mme la garde des sceaux. Depuis l'échec du traité établissant une Constitution pour l'Europe, cette construction était largement en panne. Il fallait la relancer. Il fallait également que la France y prenne une part assez déterminante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Proposez un référendum !

Mme la garde des sceaux. Vous vous en doutez, monsieur le député Braouezec : le Gouvernement ne partage pas votre appréciation sur le traité de Lisbonne.

M. Alain Néri. C’est bien dommage !

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement n’a pas d’opinion ! Napoléon décide de tout ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. La parole, c’est le peuple qui doit l’avoir !

M. le président. Mes chers collègues, seule Mme la garde des sceaux a la parole !

Mme la garde des sceaux. Ce n'est pas le même traité, et c'est un bon traité.

C'est un traité qui modifie les traités existants. Il ne se substitue pas aux traités fondateurs.

Le traité de Lisbonne n'est pas une Constitution.

M. Alain Néri. Alors, c’est quoi ?

Mme la garde des sceaux. C'est un traité comme les autres. Comme les autres, sa ratification a vocation à être autorisée par le Parlement.

Bien sûr, il y a eu l'exception du traité de Maastricht, qui a été ratifié par référendum. Le traité de Maastricht était un traité particulier : il créait l'euro, il supprimait la monnaie nationale, la France consentait à un transfert de souveraineté sans précédent, avec une incidence concrète, immédiate, dans la vie de tous nos concitoyens.

L'idée qui anime la France, comme ses partenaires européens, est simple : elle est de faire avancer le projet européen au service de la paix, du développement et de l'affirmation des valeurs que nous partageons.

M. Jean Mallot. Justement !

M. Alain Néri. Et l’Europe sociale, elle est où là-dedans ?

Mme la garde des sceaux. L'Europe dont je parle, au nom du Président de la République et du Gouvernement, est tournée vers l'avenir. Elle est ambitieuse. Elle doit être en état de marche le plus rapidement possible.

M. Étienne Blanc. Très bien !

Mme la garde des sceaux. Or, M. Braouezec, lorsque vous proposez une modification de l'article 11 de la Constitution, vous vous fondez sur un événement, certes important, mais largement passé et dépassé : vous continuez de vous référer au traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui avait été signé par les Vingt-Cinq, à Rome le 29 octobre 2004. Son éventuelle entrée en vigueur était conditionnée à sa ratification par la totalité des membres de l'Union, au choix de chaque État, selon les modalités en vigueur dans la propre Constitution de chacun d’entre eux.

En France, le référendum a eu lieu le 29 mai 2005 avec le résultat, négatif, que vous savez.

La Constitution pour l'Europe a été rejetée par référendum. Il fallait prendre acte de ce rejet. Il fallait en comprendre les ressorts. Il fallait trouver le moyen de rendre cette crise bénéfique pour l'Union européenne.

Fallait-il accepter que l'Europe reste en panne ? Qu'elle demeure incapable de fonctionner après l'élargissement ?

Le Président de la République n'a pas souhaité que l'Europe soit condamnée à l'inertie.

M. Guy Geoffroy. Et il a bien fait !

Mme la garde des sceaux. Le traité de Lisbonne apporte ce dont nous avons besoin, et ce que chacun des États membres attend : retrouver l'envie d'avancer.

L'enjeu n'est pas exclusivement juridique, comme souhaiterait le faire croire M. Braouezec. Il s'agit tout autant de politique, politique sur laquelle le Président de la République s'est largement et clairement exprimé.

M. Jean-Pierre Brard. Et l’article 5 de la Constitution ?

M. Patrick Roy. Le Président de la République a peur du peuple !

Mme la garde des sceaux. Nicolas Sarkozy a été parfaitement clair sur ses intentions de faire ratifier le traité par le Parlement.

M. Alain Néri. Le Président de la République aurait-il peur du peuple ?

Mme la garde des sceaux. Les Français, lorsqu'ils l'ont élu les 22 avril et 6 mai 2007, l'ont fait en toute connaissance de cause.

M. Alain Bocquet et M. Patrick Roy. C’est faux !

Mme la garde des sceaux. De même que pour les députés qu'ils ont élus à l'Assemblée nationale et qui ont, désormais, la mission de se prononcer sur le traité.

M. Étienne Blanc. Bien sûr !

Mme la garde des sceaux. Contrairement à ce que vous soutenez, monsieur Braouezec, le Président de la République ne tente pas de faire comme si le « non » au référendum du 29 mai 2005 n'avait pas existé : précisément, il l'a bien entendu.

Le nouveau traité est un bon traité.

M. Alain Néri. Ce n’est pas ce que dit M. Giscard d’Estaing !

Mme la garde des sceaux. Il prend en compte les préoccupations exprimées par les Français.

M. Pierre Gosnat. S’il est bon, alors il faut le soumettre au référendum !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Ayons confiance dans le peuple !

M. Alain Bocquet. Si c’est un bon traité, il faut le soumettre au référendum !

Mme la garde des sceaux. Ainsi, la concurrence n'est plus un objectif qui pourrait fonder les politiques de l'Union. Alors qu'elle figure à ce titre dans les traités actuels, elle est reléguée au rang de simple outil par le traité de Lisbonne.

Les services publics sont protégés par un protocole qui a même valeur que les traités. Grâce à ce protocole, les États membres auront une plus grande marge de manœuvre. Ils seront compétents pour fournir, organiser et financer les services publics, avec l'objectif d'un haut niveau de qualité et de la garantie d'un service universel.

Pour la première fois, l'Union européenne se donne pour objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation.

Elle institue une clause sociale générale. Elle impose de prendre en compte des exigences dans la définition et dans la mise en œuvre de l'ensemble des politiques de l'Union.

Ces exigences – je cite le traité – sont « liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale, ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine. »

M. Alain Néri. Tout ça, ce sont des mots !

Mme la garde des sceaux. Le traité oblige à organiser un sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas l’objet du débat !

Mme la garde des sceaux. Les équilibres fondamentaux de notre système de sécurité sociale ne peuvent être remis en cause par l'Union européenne.

Enfin, la Charte des droits fondamentaux est rendue opposable. Elle garantit de nombreux et nouveaux droits sociaux. Les citoyens européens pourront la faire valoir devant un juge pour faire annuler des actes qui seraient contraires aux droits qu'elle contient.

Ainsi, le traité de Lisbonne donne à la Charte des droits fondamentaux la même valeur qu’aux traités.

Cette Charte inclut notamment : le droit de négociation et d'action collective, le droit à la sécurité sociale et à l'aide sociale, le droit d'accès aux services d'intérêt économique général, la protection contre les licenciements injustifiés.

Il ne sera donc pas possible d'adopter une mesure au niveau européen qui remettrait en cause de tels droits.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur Braouezec, cette Charte n'est pas purement décorative : elle pourra demain être invoquée par tout citoyen de l'Union.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme la garde des sceaux. Le traité de Lisbonne rend également les institutions de l'Union européenne plus démocratiques et plus efficaces, au bénéfice des citoyens.

Je pense en particulier au droit d'initiative citoyen, qui est créé.

Je pense également aux nouveaux pouvoirs qui sont reconnus aux parlements nationaux. Ils peuvent contrôler l'action de l'Union, afin qu'elle agisse réellement dans les domaines où elle peut avoir une valeur ajoutée effective par rapport à l'action des États. Les parlements nationaux peuvent ainsi adresser aux institutions européennes des « avis motivés », qui peuvent aboutir au retrait d'une initiative de la Commission.

Ils peuvent saisir la Cour de justice de l'Union européenne en cas de méconnaissance du principe de subsidiarité. Ils sont encouragés à entretenir un dialogue avec les autres parlements nationaux.

Ce traité est donc un bon traité…

M. Alain Néri. Et ce que vous dites n’a rien à voir avec la question !

Mme la garde des sceaux. Grâce à lui, nous devons rapidement nous mettre en situation de rétablir la capacité de décision de l'Union. Il y a une urgence : donner rapidement à l'Union des règles de fonctionnement efficaces.

L'amélioration du fonctionnement des institutions actuelles doit se faire rapidement. Nous avons besoin de ce traité simplifié pour fonctionner à vingt-sept.

Ce traité, modifiant les textes issus des traités de Nice et d'Amsterdam, peut, comme eux, être soumis à la ratification parlementaire.

Pour être crédibles vis-à-vis de nos partenaires, nous devons montrer l'exemple d'une ratification rapide,…

M. Alain Néri. Le peuple peut répondre rapidement ! Il suffit de le consulter !

Mme la garde des sceaux. …pour achever les ratifications sous la présidence française, en 2008, et pour permettre l'entrée en vigueur du traité le 1er janvier 2009.

Voilà pourquoi je crois que votre proposition de loi, monsieur Braouezec, est dangereuse pour l'avenir de l'Europe.

Mais, vous le savez, je suis d'abord garde des sceaux, ministre de la justice. À ce titre, j'ai la responsabilité que la pression des circonstances politiques ne modifie pas de manière dangereuse l'équilibre de nos institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Néri. Et l’avenir de la démocratie ?

M. Henri Emmanuelli. Là, vous en faites trop, madame la garde des sceaux !

Mme la garde des sceaux. Or, c'est précisément le cas de votre proposition de loi. Elle pose, monsieur le député, des problèmes de fond.

M. Alain Néri. Et la souveraineté nationale, vous en pensez quoi ?

Mme la garde des sceaux. « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

M. Alain Néri. Ah ! Quand même !

Mme la garde des sceaux. C'est l'article 3 de notre Constitution.

M. Pierre Gosnat. Alors, il faut faire un référendum ! Ce serait ça, la souveraineté !

Mme la garde des sceaux. Nous avons fait le choix, très profond, dans notre histoire constitutionnelle, de la démocratie représentative. Les élus du peuple que vous êtes, rassemblés ici, ont la même légitimité que le peuple se prononçant par la voie du référendum.

M. Alain Néri. Vous n’êtes pas élue et vous ne savez pas de quoi vous parlez !

M. Alain Vidalies. Vous ne croyez pas à ce que vous dites !

Mme la garde des sceaux. Il n'y a pas une voie qui serait plus noble que l'autre. Votre proposition de loi, monsieur Braouezec, ouvre la porte à la déconsidération de la représentation nationale. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le souhait du Président de la République et du Gouvernement, c'est de renforcer le Parlement.

M. André Gerin. Selon le fait du prince !

Mme la garde des sceaux. Or votre proposition fait du Parlement un deuxième choix.

M. André Gerin. Démagogie !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous ne croyez pas ce que vous dites !

Mme la garde des sceaux. Avec votre proposition, la voie parlementaire deviendrait moins légitime que la voie référendaire.

M. André Gerin. Il faut respecter le peuple !

Mme la garde des sceaux. Il existera, dans notre ordre juridique, trois types de loi : les lois référendaires, les lois ordinaires adoptées par référendum et les lois ordinaires adoptées par le Parlement. Et le Parlement ne pourra plus intervenir sur une loi adoptée par voie référendaire.

Votre proposition est d'ailleurs très difficilement praticable. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez peur du peuple ! Rappelez-vous ce que Mirabeau a dit au marquis de Dreux-Brézé ! Vous êtes dans le rôle du marquis !

Mme la garde des sceaux. À partir de quand devrait-on dire qu'un projet de loi ou de traité comporte des dispositions « analogues » ou « similaires » ? À partir de 70 %, 80 %, 90 % de reprise d'un texte antérieur ? Et comment mesurer cette reprise ?

Il suffit de très peu pour que les mêmes mots aient un sens différent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Et pendant combien de temps ? Faudra-t-il que le Parlement s'interdise d'adopter un texte parce que, vingt ans plus tôt, un texte « similaire » a fait l'objet d'un « non » au référendum ?

Est-ce que l'on s'interdira de modifier des textes sur des points mineurs pour la simple et bonne raison que le texte initial a été adopté par voie référendaire ?

M. Alain Néri. Mais là, ce ne sont pas des points mineurs !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Nous ne parlons pas de la même chose !

Mme la garde des sceaux. Avec votre proposition, le Parlement n'aurait pas pu adopter la loi de décentralisation de 1982 (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Absolument !

Mme la garde des sceaux. …puisque la révision de 1969, qui conférait aux régions le statut de collectivité territoriale, avait été rejetée. Il aurait fallu recourir à nouveau au référendum.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme la garde des sceaux. Vous le voyez : cette proposition n'est pas utile. Elle ne correspond ni à notre volonté de faire avancer l'Europe ni à celle de moderniser nos institutions. Le Gouvernement n'y est pas favorable, et il vous invite, mesdames, messieurs les députés, à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Madame Dati, nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n’avons pas été élus pour dessaisir le peuple de sa souveraineté !

M. Daniel Garrigue. Il s’agit de la volonté de la nation, monsieur Brard !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes appelés de nouveau à prendre une décision importante, capitale même pour notre démocratie, pour les droits humains fondamentaux et pour la société européenne tout entière : nous sommes appelés à adopter un projet de loi demandant le référendum du nouveau traité dit « modificatif ».

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Jean-Paul Lecoq. Le Gouvernement nous dit – et nous l’avons encore entendu ce matin, et de quelle manière ! – que le traité modificatif de Lisbonne n'a rien de semblable au traité sur la constitution européenne rejetée par les Français en 2005.

Le Gouvernement affirme aussi qu'il s'agit d'un traité modificatif dont l'objectif sera, en outre, de garantir un meilleur fonctionnement des institutions communautaires.

Ces affirmations sont, hélas ! très loin du véritable enjeu pour la démocratie et pour le modèle de société que le Gouvernement et les politiques néolibérales de l'Union européenne sont en train d'imposer aux peuples européens.

En réalité, pour faire accepter le futur traité, les chefs de gouvernement n'ont rien fait d'autre que d'en modifier l'habillage. La substance reste la même : une Europe qui fonctionne sur les principes et les règles de la concurrence, qui oppose les peuples les uns contre les autres, avec une politique néolibérale dont l'objectif est la destruction systématique des droits et des acquis sociaux.

C'est cette Europe-là, si éloignée des citoyens et de leurs besoins, qui veut être de nouveau imposée aux citoyens.

C'est cette Europe-là que les Français ont rejetée majoritairement en 2005 – et en connaissance de cause !

C'est cette politique-là qui brade depuis de longues années les biens et les services publics.

C'est cette Europe-là que les gouvernements veulent réintroduire par la fenêtre, bafouant ainsi l'expression populaire.

Les références à la Charte des droits fondamentaux ou aux services publics ne modifient en rien les orientations et les objectifs affichés d'aller vers une libéralisation de plus en plus poussée des marchés financiers. De plus, la Charte des droits fondamentaux sort fort affaiblie puisqu'elle n'a pas de valeur juridique contraignante à l'égard des pays membres,…

M. Guy Geoffroy. C’est faux !

M. Jean-Paul Lecoq. Non, ce n’est pas faux !

M. Guy Geoffroy. Votre affirmation est gratuite !

M. Jean-Paul Lecoq. Vous le démontrerez !

M. le président. Poursuivez, monsieur Lecoq !

M. Jean-Paul Lecoq. Cette Charte n’a pas de valeur juridique contraignante à l’égard des pays membres, disais-je, mais uniquement vis-à-vis de ceux qui l'accepteraient. Dont acte.

M. Guy Geoffroy. Ils vont tous l’accepter, sinon le nouveau traité n’entrera pas en application. Dont acte aussi !

M. Jean-Paul Lecoq. On verra bien !

Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 décembre passé, avait dit que «…hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte, à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités, sont identiques à celles qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004 » – considérant n° 12 de la décision du 20 décembre 2007. Madame la garde des sceaux, vous nous avez fait la démonstration contraire il y a quelques instants.

Je le répète une fois de plus solennellement devant notre assemblée : le Gouvernement bafoue la voix du peuple français et celle des autres peuples européens. C'est la démocratie même qui est en jeu aujourd’hui.

On dirait que ce nouveau traité est un « copié-collé » mal dissimulé du projet de Constitution européenne.

M. Roland Muzeau. Le goupillon en plus !

M. Jean-Paul Lecoq. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Valéry Giscard d’Estaing. Le traité doit donc impérativement être soumis au référendum.
Aussi, je lance un appel à tous mes collègues pour que, au-delà des différences, ils votent la proposition de loi. Ce sont la démocratie et les droits du peuple français qui sont en jeu. Qui d’autre que le peuple peut contredire ce que le peuple a décidé ? La représentation nationale doit assumer ses responsabilités et garantir une Europe sociale et citoyenne, démontrer que nous voulons une Europe démocratique et respectueuse de l’expression et du droit des peuples. C’est à cela que nous vous invitons ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Jean-Pierre Brard. M. Lequiller est un excellent connaisseur de toutes les sacristies de Pologne ! (Sourires.)

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner s’il est opportun de modifier l’article 11 de notre Constitution concernant la procédure référendaire.

Permettez-moi d’abord de vous dire, monsieur Braouezec, que cette proposition de loi constitutionnelle arrive bien tard.

M. Alain Bocquet. Mieux vaut tard que jamais !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Elle arrive juste à temps !

M. Pierre Lequiller. Nous discutons cet après-midi du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution et le Congrès doit se réunir dans deux semaines. Comme l’a dit Mme la garde des sceaux, votre exposé des motifs, où le traité de Lisbonne est expressément cité, prouve que votre proposition de loi est un texte de circonstance.

Opposer, comme vous le faites, référendum et ratification parlementaire est contraire à l’esprit de la Ve République (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…

M. Alain Néri. Celle-là, elle est un peu forte !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Plus c’est gros, plus ça passe !

M. Pierre Lequiller. …qui accorde aux deux une égale et totale légitimité. Tous ici nous souhaitons revaloriser le rôle du Parlement…

M. Alain Néri. Pas pour dévaloriser le peuple !

M. Pierre Lequiller. …qui, soit dit en passant, est renforcé par le traité de Lisbonne.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est faux !

M. Pierre Lequiller. Ne serait-il donc pas un peu anachronique que l’Assemblée remette elle-même en cause sa légitimité à ratifier un traité sept mois après que nous avons été élus, et alors que l’article 3 de la Constitution consacre notre rôle ?

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas digéré votre défaite du référendum !

M. Pierre Lequiller. Monsieur Brard, nous sommes ici, effectivement, par la volonté du peuple.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous la trahissez !

M. Pierre Lequiller. L’adjectif « similaire » n’a aucune valeur juridique. Un texte n’est pas « similaire » : il est conforme ou différent. Votre proposition de loi est donc inapplicable. Je ne vois pas comment on pourrait apprécier le degré de similitude de deux textes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Du reste, le Conseil constitutionnel a déjà tranché en précisant que le traité de Lisbonne n’était pas identique au projet de Constitution européenne.

À ces arguments de fond, j’ajouterai un argument politique qui, pour l’UMP, est essentiel. Vous avez, monsieur Braouezec, parlé de « contournement », de « malhonnêteté ».

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Pierre Lequiller. Mais vous n’avez pas une fois reconnu, dans votre intervention, que, lors de son discours d’investiture, le dimanche 14 janvier 2007, il y a exactement un an, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé clairement : « L’urgence, c’est de faire en sorte que l’Europe puisse fonctionner de nouveau, en adoptant par la voie parlementaire un traité simplifié. »

M. Alain Bocquet. Oui, mais, au premier tour, 70 % des Français n’ont pas voté pour lui !

M. Pierre Lequiller. Il y a deux tours à une élection présidentielle !

M. Alain Bocquet. Au premier tour, on choisit !

M. Pierre Lequiller. M. Sarkozy a été élu avec 53 % des voix. C’est la démocratie.

Bien avant cette date,…

M. Jean-Paul Lecoq. Bien avant cette date, il y avait eu le référendum !

M. Pierre Lequiller. …le candidat Sarkozy avait déjà annoncé la couleur, notamment à Bruxelles. Il l’avait dit et répété à la télévision, dans les médias, dans ses meetings, lors du débat avec Ségolène Royal, devant le Parlement européen de Strasbourg.

M. Jean-Pierre Brard. Ça a changé depuis ! Carla n’était pas là ! (Sourires.)

M. Pierre Lequiller. On ne peut que reconnaître la transparence de sa démarche.

M. Alain Néri. Où en est l’augmentation du pouvoir d’achat qu’il avait promise ?

M. Pierre Lequiller. La souveraineté populaire s’est exprimée à l’occasion de l’élection présidentielle et des élections législatives. Vous semblez totalement l’oublier, monsieur Braouezec.

M. Pierre Gosnat. Aujourd’hui, le Président est minoritaire !

M. Pierre Lequiller. Le Président de la République ne fait qu’utiliser les prérogatives constitutionnelles qui sont les siennes, afin de mettre en œuvre une politique conforme à ce qu’il a dit et répété tout au long de la campagne. Autrement dit, refuser le choix du Président de la République démocratiquement élu, c’est refuser le choix qu’ont exprimé les Français en l’élisant.

M. Jean-Pierre Brard. Casuiste ! Vous avez été à bonne école !

M. Pierre Lequiller. J’ajoute – si vous me laissez parler – que, un mois après la présidentielle, les Français, en pleine connaissance de cause, ont élu ou réélu des députés de l’UMP.

M. Pierre Gosnat. Vous avez perdu cinquante députés !

(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Jean-Marie Le Guen,
vice-président

M. Pierre Lequiller. Pour ma part, je n’ai cessé, dans ma circonscription, de dire que nous ferions adopter un traité simplifié par voie parlementaire.

Car ce traité est à la fois indispensable et urgent pour relancer l’Europe. Nous ne sommes pas seuls en Europe, monsieur Braouezec. La ratification rapide par voie parlementaire, que souhaite le Président de la République, est un signe fort vis-à-vis de nos partenaires européens.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’en pensent Jacques Myard, Nicolas Dupont-Aignan, les patriotes ?

M. Pierre Lequiller. Elle est plus rapide. Or, je puis témoigner que nos partenaires européens, de gauche comme de droite, s’étaient fortement émus – je pourrais citer des phrases très fortes – lorsque certains candidats à l’élection présidentielle avaient émis l’idée d’organiser un référendum en 2009, au risque que les institutions ne soient pas en place pour les prochaines élections européennes.

En France même, des personnalités, de gauche comme de droite, s’étaient prononcées dès février 2007 en faveur de la procédure parlementaire.

M. Henri Emmanuelli. Dès 2005 !

M. Pierre Lequiller. Deux anciens ministres du gouvernement Jospin – auquel vous participiez au sein de la gauche plurielle, monsieur Braouezec – se sont prononcés l’an dernier pour ce mode de ratification.

M. Jean-Pierre Brard. De qui parlez-vous ? Des frères de Judas ?

M. Pierre Lequiller. Dans Le Monde, Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, proposait ainsi trois étapes : annonce solennelle d’une pause dans l’élargissement, nouvelle politique commune à vingt-sept et traité institutionnel simplifié, ratifié par les parlements.

M. Henri Emmanuelli. Et il s’est présenté aux élections ?

M. Pierre Lequiller. Pierre Moscovici, lui, s’est présenté aux élections.

M. Guy Geoffroy. Où est-il ?

M. Pierre Lequiller. Or, dans son ouvrage L’Europe est morte, vive l’Europe !, que je vous invite à lire – vous voyez que j’ai de bonnes lectures –, l’ancien ministre délégué chargé des affaires européennes écrivait : « Ne nous précipitons pas à nouveau dans le piège du référendum. Allons vite. Évitons donc une de ces tragédies politiques dont la France a le secret. Laissons au référendum son caractère exceptionnel d’adoption des textes essentiels et rendons au Parlement son rôle de ratification des traités. »

M. Jean-Pierre Brard. Et que dit M. Dupont-Aignan ?

M. Pierre Lequiller. M. Dupont-Aignan ne fait pas partie de ma formation politique, monsieur Brard. En l’occurrence, je cite des ministres de vos gouvernements.

M. Alain Néri. Chacun peut penser ce qu’il veut, mais vous n’avez pas le droit de vous substituer au peuple !

M. Pierre Lequiller. L’Europe, ça ne consiste pas à regarder les choses avec un regard franco-français. Cela consiste aussi à tendre la main aux autres.

M. Jean-Pierre Brard. À Bolloré !

M. Pierre Lequiller. Dix-huit pays de l’Union, je vous le rappelle, avaient ratifié le traité constitutionnel. Si le traité de Lisbonne était si similaire que ça au traité constitutionnel, monsieur Braouezec,…

M. Pierre Gosnat. C’est Giscard qui le dit !

M. Jean-Pierre Brard. Giscard que vous avez trahi !

M. Pierre Lequiller. …je ne vois pas pourquoi ces dix-huit pays feraient l’effort de le ratifier à nouveau. S’ils s’en donnent la peine, c’est bien que le traité a « sensiblement changé », pour reprendre vos termes.

Pour ce qui nous concerne, nous avons entendu les critiques françaises et néerlandaises qui se sont exprimées le 29 mai et le 1er juin 2005. Ainsi, Mme la garde des sceaux l’a dit, nous n’avons plus affaire à une Constitution. Ce texte n’est qu’une modification du traité de Nice, de même que le traité de Nice était une modification de celui d’Amsterdam, les deux ayant été ratifiés par la voie parlementaire. Les symboles de l’Union ont été supprimés.

M. Henri Emmanuelli. C’est dommage !

M. Pierre Lequiller. C’est vrai, monsieur Emmanuelli, mais il ne fallait pas prôner le « non ». Ce sont les Britanniques qui ont demandé la suppression des symboles.

M. Alain Néri. C’est votre ami Blair !

M. Pierre Lequiller. Le contenu des politiques communautaires, qui étaient retranscrites dans la troisième partie de la Constitution, n’a pas été repris. La « concurrence libre et non faussée », qui avait occasionné tant de débats…

M. Henri Emmanuelli. Ça, vous ne l’avez jamais digéré !

M. Pierre Lequiller. …ne figure plus, à la demande expresse du Président de la République, dans les objectifs de l’Union. Ce traité donne aux parlements nationaux plus de pouvoirs en matière de révision des traités ou de contrôle de subsidiarité : nous ne pouvons que nous féliciter de participer davantage à la démocratie européenne, de représenter nos concitoyens avec plus de vigueur. L’augmentation du nombre des députés français au Parlement européen va dans le même sens, monsieur Emmanuelli, avec soixante-quatorze députés au lieu de soixante-douze d’après le traité de Nice.

M. Alain Néri. Et qui vous dit que tout cela n’aurait pas été accepté par le peuple ? Vous avez peur ?

M. Pierre Lequiller. De même, le poids de la France au Conseil des ministres sera accru grâce à une majorité qualifiée plus favorable, car tenant compte de la population : elle est en effet définie comme la majorité des États membres, 55 % représentant 65 % de la population. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La clause sociale, le protocole sur les services publics, la meilleure protection des citoyens contre la mondialisation, sont autant d’avancées introduites dans ce texte à la demande du Président de la République, afin de prendre en compte les inquiétudes qui s’étaient exprimées lors du référendum de 2005.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Lecoq, la Charte des droits fondamentaux est évidemment liée juridiquement au traité. Aussi, monsieur Braouezec, votre proposition de révision constitutionnelle n’est à mes yeux qu’un artifice. Elle a été déposée pour la circonstance, à deux semaines de la réunion du Congrès, le jour même où nous discutons du traité. En tant qu’ancien conventionnel,…

M. Jean-Pierre Brard. N’insultez pas 1789 !

M. Pierre Lequiller. …je puis attester que votre texte est déjà dépassé et d’ailleurs mal ficelé,…

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est trivial !

M. Pierre Lequiller. …la notion de similitude étant aussi floue que vague. Adopter le traité, c’est au contraire une manière de replacer la France au cœur de l’Europe, la France qui, depuis trois ans, a été marginalisée.

M. Pierre Gosnat. Par le peuple français !

M. Pierre Lequiller. Toute la classe politique devrait se réunir autour de cette idée.

M. Henri Emmanuelli. Je ne sais pas ce que c’est, « la classe politique » !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne connais que la lutte des classes !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Lequiller. Cela me rappelle les déclarations de mon homologue pour les affaires européennes à l’Assemblée nationale tchèque, après le non français : « La France, pour nous, était le phare de l’Europe. Aujourd’hui, pour nous, il est éteint. » Je sais que nous ne partageons pas le même souci, mais, avec l’UMP, nous avons l’ambition de rallumer la flamme.

M. Jean-Pierre Brard. La flamme ? Elle brûle pour Carla ! (Sourires.)

M. Pierre Lequiller. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, le groupe de l’UMP considère cette proposition de loi comme inopportune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons ce matin est à double titre en résonance avec l’actualité. Elle est motivée, d’une part, par l’imminence du débat sur le traité de Lisbonne et, d’autre part, par la réflexion en cours sur la nécessaire réforme de nos institutions.

D’une façon évidente – et c’est ainsi qu’en a jugé la majorité des parlementaires qui se sont exprimés –, cette proposition de loi est motivée par l’imminence du débat sur la ratification du traité de Lisbonne : le rapporteur ne fait pas mystère de cette coïncidence, et il n’y a rien de scandaleux dans cette initiative. Ce n’est pas, me semble-t-il, la première fois que le Parlement est amené à discuter d’une loi dont les grandes lignes sont dictées par la nécessité de réagir face à un sujet d’actualité. On pourrait peut-être même dire que c’est devenu une habitude. Il paraît difficile de reprocher à l’opposition ou à un groupe de l’opposition de pratiquer la « proposition de loi de circonstance », alors que le Gouvernement a systématiquement recours au « projet de loi de circonstance ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous formulez aujourd’hui ce reproche, madame la garde des sceaux, alors que, il y a quelques jours à peine, nous avons ici débattu de longues heures d’un texte de loi que vous avez défendu sur la rétention de sûreté, dont vous avez expliqué, comme tous les orateurs de l’UMP, qu’il était directement inspiré d’un fait divers : vous auriez pu faire l’économie de cette critique.

M. Pierre Lequiller. En l’occurrence, il s’agit tout de même d’une loi constitutionnelle !

M. Alain Vidalies. S’agissant de la proximité du traité de Lisbonne avec le TCE, il faut être précis.

J’ai été par exemple très étonné d’entendre M. Lequiller répondre à l’instant à M. Henri Emmanuelli : il regrettait finalement que les signaux fédérateurs de l’Europe aient été abandonnés dans le nouveau traité, qu’il n’aurait pas dû prôner le « non ». Mais, monsieur Lequiller, ce n’est pas M. Emmanuelli qui a prôné le « non », c’est le peuple français qui a choisi le « non ». (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. Touché-coulé !

M. Alain Vidalies. Aujourd’hui, le débat est complètement différent. Il n’oppose pas des partisans du « oui » et des partisans du « non », il s’agit de savoir sur le plan institutionnel et politique quelles conséquences tout le monde, partisans du « oui » comme du « non », tirent de ce qui s’est passé au mois de mai 2005. Ceux qui aujourd’hui ont un débat de retard,…

M. Pierre Lequiller. Ce sont les socialistes !

M. Alain Vidalies. …ce sont bien ceux qui, comme vous, continuent de poser le problème comme si le peuple français ne s’était pas exprimé au mois de mai 2005.

M. Guy Geoffroy. C’est exactement l’inverse : ce sont les socialistes qui ne savent pas répondre au problème !

M. Alain Vidalies. Or le texte du traité de Lisbonne est le frère, le cousin germain pour le moins, du traité qui a été rejeté par les peuples français et hollandais. Il suffit de recourir, comme l’ont fait d’autres orateurs, à l’expertise de M. Valéry Giscard d’Estaing, qui a écrit dans une tribune du Monde : « Le traité de Lisbonne se présente comme un catalogue d'amendements aux traités antérieurs. Il est illisible – c’est lui qui l’écrit – pour les citoyens, qui doivent constamment se reporter aux textes des traités de Rome et de Maastricht, auxquels s'appliquent ces amendements. » Et il poursuit : « Les propositions institutionnelles du traité constitutionnel se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérées dans des traités antérieurs. »

M. Christian Eckert. Et voilà !

M. Alain Vidalies. Nous voilà rassurés : tout y est, mais dans le désordre.

La question de fond est évidemment la procédure qui est choisie par le Président de la République. Nous sommes un certain nombre à considérer que le Président s'est livré à une lecture contestable de l'article 89 de la Constitution, notamment de son troisième alinéa.

Dans cet article, le principe du recours au peuple est clairement établi comme la procédure de droit commun. La voie alternative du vote en Congrès n'est envisagée que dans un second temps puisque le troisième alinéa stipule : « Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas du tout le sujet de cette proposition de loi !

M. Alain Vidalies. En réalité, cette disposition du troisième alinéa de l’article 89 de la Constitution ne concernait, à l’origine, dans l'esprit des constituants, que les révisions mineures ou techniques de la Constitution, comme celle intervenue le 30 décembre 1963 pour modifier les dates des sessions ordinaires du Parlement. Il est vrai que, depuis, cet esprit initial de la Constitution s'est largement perdu puisque la majorité des révisions de la Constitution de la Ve République ont fait l'objet d'un vote en Congrès.

Mais, dans le cas présent, le recours au référendum nous paraissait aller de soi. Il y a moins de deux ans en effet que le peuple français rejetait, à la majorité, le traité constitutionnel. Le simple bon sens exigeait qu'un texte de même nature – de nouvelles institutions pour l'Union européenne – contenant des dispositions similaires, fasse lui-même l'objet d'une procédure référendaire.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Dans ces conditions, le refus du Président de la République française de recourir au référendum sur le traité simplifié nous paraît, sans exagérer, un déni de démocratie. Ce que le peuple a défait en 2005, seul le peuple peut le refaire ou le défaire à nouveau. Aucun argument sérieux ne peut être opposé à ce principe fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très juste !

M. Alain Vidalies. En outre, la préoccupation démocratique portée par la proposition de loi est susceptible d'être partagée par ceux qui pourraient ne pas se reconnaître pas dans l'exposé des motifs de ce texte – je pense à la question constitutionnelle proprement dite. Cette proposition s'inscrit en effet dans le débat sur la nécessaire révision des institutions.

Si nous voulons avoir un débat sérieux, il faut aller au-delà du seul exposé des motifs et du traité de Lisbonne. Même s'il est difficile de déconnecter totalement le contenu de la proposition du contexte dans lequel celle-ci s'inscrit, il est opportun de considérer le texte lui-même. Or il me semble que cette proposition fait écho notamment aux conclusions du rapport Balladur sur la réforme nécessaire des institutions.

Notre débat intervient au moment où les questions constitutionnelles sont à l’ordre du jour. Le Chef de l'État entend modifier les institutions de la Ve République et un groupe d’étude a été confié à M. Balladur. Les conclusions du comité, rendues publiques il y a quelques semaines, sont censées inspirer une future proposition de révision de la Constitution. On regrettera au passage que certaines préconisations audacieuses, notamment sur la proportionnelle, semblent être écartées.

À sa manière, la proposition que nous examinons aujourd'hui participe de ce débat très important. Sans provocation, on pourrait même dire qu'elle complète fort opportunément les conclusions du comité Balladur.

En effet, sur l'article 11, le comité reprend une proposition déjà émise dans le rapport Vedel de 1993, visant à instaurer un droit d'initiative populaire. Cette extension du champ de la démocratie directe répond à une préoccupation des constituants de 1958 : favoriser l'expression de la souveraineté populaire, en particulier par le recours au référendum.

La dernière révision de l'article 11, votée en 1995, allait dans le même sens, puisqu'elle a élargi le domaine du référendum aux questions économiques et sociales.

L'article 3 de la Constitution, selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum », propose une synthèse féconde entre démocratie représentative et démocratie directe. Quelles que soient par ailleurs les réserves que nous inspirent les institutions de la Ve République, nous sommes profondément attachés à cette combinaison.

La Constitution ne prévoit aucune disposition spécifique en cas de rejet d'un projet de loi soumis au référendum. Ainsi, l'article 11 détaille le déroulé de la procédure référendaire, son champ d'application, mais se contente, dans son troisième alinéa, de décrire les démarches que le Président doit suivre afin de promulguer la loi soumise au référendum et approuvée par le peuple.

Le constituant n'a pas prévu de dispositif spécifique en cas d'échec du référendum. Cela semblait logique : pour un gaulliste conséquent, il ne saurait y avoir de référendum sans engagement de la responsabilité politique. Ainsi, le général de Gaulle a immédiatement tiré les conséquences du « non » des Français en 1969.

M. Guy Geoffroy. Vous parliez de « plébiscite », à l’époque !

M. Alain Vidalies. On pourrait d'ailleurs remonter plus loin dans l'histoire constitutionnelle française.

M. Alain Néri. Absolument !

M. Alain Vidalies. Lorsque les Français, le 5 mai 1946, rejetèrent le projet de Constitution qui leur était proposé, il fut procédé immédiatement à l'élection d'une nouvelle assemblée constituante, qui élabora une nouvelle Constitution.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bien sûr !

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Alain Vidalies. Qu'en conclure sinon que, dans l'esprit des fondateurs de nos institutions actuelles, le verdict de la souveraineté nationale dans son expression la plus directe est évidemment irrévocable ?

M. Jean Mallot. Très juste !

M. Alain Vidalies. Il eût été inimaginable, pour eux, de contourner un vote populaire en recourant au vote parlementaire.

En effet, le Parlement tient sa légitimité du peuple souverain. Il paraît dès lors inconcevable d'encourager le premier à prendre des positions inverses de celles décidées par le second à l'occasion d'un scrutin référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)

La proposition de loi du groupe GDR entend, en ajoutant un alinéa à l'article 11, écrire noir sur blanc ce que le bon sens démocratique élémentaire tenait jusqu'à aujourd'hui pour évident : quand le peuple a tranché, la représentation s'incline.

M. Jean-Paul Lecoq. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Ainsi, l'alinéa proposé dessine les contours d'une sorte de mécanisme de protection de l'expression du suffrage populaire. Loin de concerner le seul débat sur le traité de Lisbonne, il permettra, s'il est adopté, de prévenir le risque d'un contournement parlementaire de la volonté populaire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je termine, monsieur le président.

Le texte ne préjuge en rien cette volonté. Il est évident que le peuple peut changer d'avis ! Mais lui, et lui seul, peut défaire ce qu'il a fait !

Le choix de la procédure parlementaire n’est pas un choix de simplification. Ce n’est pas un choix d’opportunité. C’est un choix de défiance à l’égard du peuple. Pis, un choix de défiance négocié, puisque le Président de la République a clairement indiqué que l’absence d’un nouveau référendum et la ratification par la voie parlementaire étaient des conditions préalables posées par nos partenaires à la signature du traité de Lisbonne.

Chacun doit bien comprendre que l’utilisation de la démocratie représentative pour échapper à l’expression directe du peuple dénature le rôle du Parlement qui se trouve ainsi, une nouvelle fois, instrumentalisé par l’exécutif.

La seule façon d’éviter que de tels errements ne se reproduisent à l’avenir est de voter la proposition de loi visant à modifier l’article 11 de la Constitution. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Quel talent !

M. Jean Mallot. C’était très clair !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais défendre ici la position des Verts concernant la procédure de ratification de ce traité que, pour ma part, je qualifierai de soi-disant simplifié car il n’a rien, à mes yeux, de simplifié et qu’il ajoute malheureusement encore beaucoup de complexité aux institutions européennes.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. François de Rugy. Soyons clairs, nous prônons le référendum, mais le référendum européen, c'est-à-dire un référendum qui aurait lieu le même jour, ou en tout cas dans une période très rapprochée, dans tous les pays européens. J’avoue que j’ai été surpris de constater récemment que le général de Gaulle lui-même avait défendu ce type de référendum il y a bien longtemps, lorsqu’il était au pouvoir, quand il disait que cela devait servir à vérifier qu’il y a bien une adhésion de l’ensemble des peuples d’Europe au projet de construction européenne. Même si nous ne sommes pas gaullistes, et nous l’avons jamais été, nous souscrivons à cette vision des choses pour ce qui concerne la procédure de ratification d’un traité qui engage l’avenir de l’Europe.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas possible : le référendum n’existe pas en Allemagne !

M. Henri Emmanuelli. Nous ne sommes pas Allemands, nous sommes Français. Et la démocratie n’a pas été inventée en Allemagne, que je sache !

M. François de Rugy. Mais vous savez qu’en Allemagne, certains souhaiteraient qu’il puisse y avoir des référendums, et il n’est pas interdit de penser qu’un jour, les institutions allemandes changeront.

M. Pierre Lequiller. Vous allez changer les institutions allemandes ?

M. François de Rugy. Et même si un tel référendum n’a pas lieu en Allemagne, il n’est pas interdit qu’il puisse être utilisé dans d’autres pays d’Europe. Il est même d’ailleurs obligatoire dans certains pays d’Europe. Mais je ne voudrais pas engager ici le débat de fond sur le traité lui-même car nous y reviendrons lors de sa ratification, qui interviendra dans quelques semaines.

Sur la procédure de ratification en revanche, il ne nous paraît pas convenable de nous en tenir à une ratification parlementaire. Certes, beaucoup de traités européens ont été adoptés par le Parlement, mais nous ne pouvons pas oublier le résultat du référendum de mai 2005.

M. Guy Geoffroy. Nous ne l’avons pas oublié !

M. François de Rugy. Je le dis d’autant plus tranquillement que, pour ma part, j’ai voté « oui », après avoir fait campagne pour le « oui » avec mon parti, les Verts,…

M. Jean-Pierre Brard. Cela n’a pas été une grande réussite !

M. François de Rugy. …qui avait pris position pour le « oui ». Les choses sont très claires de ce point de vue.

M. Guy Geoffroy. Vous n’êtes pas nombreux à gauche aujourd’hui. Où sont les socialistes qui ont voté « oui » ?

M. Philippe Vuilque. Je suis là !

M. François de Rugy. Laissez-nous nous exprimer ! Certains collègues socialistes se sont déjà exprimés, et d’autres doivent encore le faire !

M. Guy Geoffroy. Ils sont en ordre dispersé !

(M. Marc Le Fur remplace M. Jean-Marie Le Guen au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. François de Rugy. Nous reconnaissons le résultat du 29 mai 2005, même si, je le répète, je ne l’ai pas souhaité. Nous le reconnaissons d’autant plus qu’il a été acquis à une large majorité, personne ne peut le contester. Mais avoir été pour le « oui » et être un fervent partisan de la construction européenne ne doit pas nous empêcher d’être lucides, sur l’état de l’Europe et le sentiment des Français.

Ce « non » des Français a déclenché, comme c’était prévisible, une crise européenne, mais nous pensons, et je sais que cette conviction est partagée par des personnes qui ont voté « non », que ce choix était également l’épilogue d’une longue crise de l’Europe, une sorte de crise de désamour entre le peuple français, mais aussi d’autres peuples en Europe, et les politiques menées au niveau européen. Je parle des politiques menées au niveau européen car je ne crois pas que ce soit un rejet du principe même de la construction européenne : je suis, de ce point de vue, très clair par rapport à d’autres collègues qui défendent avec beaucoup d’ardeur la souveraineté nationale comme horizon indépassable de la démocratie. Nous ne sommes pas pour notre part sur cette position.

Nous pensons au contraire que le projet européen est très important et que le peuple français, qui n’est pas étroitement nationaliste, y souscrit. Il faut néanmoins bien reconnaître que les politiques menées au niveau européen sont, dans bien des domaines, souvent aberrantes et provoquent un légitime sentiment de rejet. Je l’ai moi-même souligné dans les débats sur la fiscalité. On nous objecte en effet, pour motiver le rejet de nos petits amendements sur la TVA, que de telles dispositions ne sont pas possibles au niveau européen, mais, pendant ce temps, la vraie harmonisation fiscale n’avance pas d’un pouce !

M. Henri Emmanuelli. Très juste !

M. François de Rugy. Au contraire, c’est la mise en concurrence des États qui est organisée au niveau européen, et nos concitoyens le rejettent légitimement. Ils l’ont exprimé à l’occasion d’un référendum dont cela n’était pas le sujet, mais il faut en prendre acte, d’autant plus que ce non massif est sans aucun doute le résultat d’un divorce démocratique sur la question de la construction européenne. L’abandon du référendum ne ferait qu’accentuer le sentiment de nombre de nos concitoyens selon lequel la construction européenne se ferait dans leur dos sans qu’ils soient consultés.

Dans l’immédiat, nous ne pouvons pas décider, à notre échelle, d’un référendum européen. La proposition que nous soumettent nos collègues communistes constitue un premier pas vers ce référendum européen. C’est pourquoi nous voterons pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si l’instant n’était pas si grave et si important pour la France, je dirais que nous vivons un pur moment de diversion politique. En effet, dans l’incapacité dans laquelle vous êtes, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, de vous accorder sur l’enjeu majeur que représente pour l’histoire de notre pays le vote de la loi autorisant le Parlement à ratifier le nouveau traité européen, pensez-vous sérieusement servir l’image, déjà bien floue, de l’opposition par cette initiative à la fois infondée et inopportune ? Quant au Parlement, vous en affaiblissez ainsi la légitimité au moment même où l’Europe en renforce le poids.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne manquez pas d’audace !

Mme Nicole Ameline. C’est oublier nos partenaires européens, dont la quasi-totalité s’étaient déjà prononcés favorablement sur le projet de Constitution…

M. Pierre Gosnat. Sans référendum !

Mme Nicole Ameline. …et dont dix-sept d’entre eux ont donné leur accord politique au traité de Lisbonne, à l’instar de l’Espagne, qui, après avoir obtenu un référendum favorable, se prononcera aujourd’hui par la voie parlementaire. C’est oublier les peuples européens, qui ont tout à gagner d’un renforcement de l’Europe dans un monde dont on connaît les risques et les défis. C’est oublier la France, qui se bat aujourd’hui avec le Président de la République pour retrouver sa force et sa place en Europe à quelques mois de la présidence européenne.

L’histoire jugera. Elle ne retiendra sans doute rien d’une proposition éphémère, mais elle sera sévère pour celles et ceux qui ont privilégié le passé sur l’avenir, l’immobilisme sur le changement.

Vous déposez une proposition de loi de circonstance – tous les orateurs de la majorité l’ont dit à cette tribune –, censée être consensuelle dans vos rangs quand on vous sait si divisés sur le fond de la construction européenne. En réalité, le débat est là, et vous prenez une responsabilité importante non seulement devant les gouvernements et les partis européens, de droite comme de gauche, qui se retrouvent largement sur ce sujet, mais aussi devant les futures générations. Votre proposition de loi remet en cause l’équilibre institutionnel qui donne compétence propre au Président de la République dans la décision d’organiser un référendum législatif. Rien ne justifie cette modification constitutionnelle !

M. Jean-Paul Lecoq. Le respect du peuple !

Mme Nicole Ameline. Du reste si, par extraordinaire, une telle disposition existait, elle ne serait sans doute pas applicable aujourd’hui puisque le traité de Lisbonne n’est plus la Constitution. C’est un traité classique, qui n’abroge pas les traités existants, par définition, et qui est précisément devenu classique parce que les citoyens français ont refusé l’évolution constitutionnelle – ils ont été entendus. Si une comparaison doit être faite, c’est donc plutôt avec le traité de Nice, et le parallélisme des formes appelle à l’évidence le recours à la voie parlementaire.

Que veut dire juridiquement l’expression « similaire » ? Si les deux textes marquent des avancées communes, ils présentent aussi des différences notables, ne serait-ce que parce que le terme « Constitution » a disparu.

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas ce que dit M. Giscard d’Estaing !

Mme Nicole Ameline. Mais, au-delà, les inquiétudes exprimées par les Français ont été prises en compte avec la réaffirmation de l’identité nationale, avec la notion très forte de protection des citoyens, la subsidiarité, la définition stricte des compétences de l’Union.

Ce qui est important, mes chers collègues, c’est l’inscription de ce traité dans l’Europe nouvelle que nous voulons, une Europe qui protège, mais qui s’affirme dans la mondialisation. C’est l’engagement du Président de la République, il y a près d’un an, d’opérer la ratification par la voie parlementaire en cas de victoire à l’élection présidentielle. C’est grâce à sa force et à sa volonté que nous sommes aujourd’hui sur le point de relancer une dynamique institutionnelle européenne.

Cette Europe que nous voulons – j’ose espérer que nous la voulons tous ensemble – est une Europe qui assure la paix et la démocratie, qui affirme une vision européenne de la mondialisation. La charte des droits fondamentaux a désormais une valeur contraignante. Cela signifie clairement que toute loi européenne qui serait contraire aux objectifs réaffirmés de l’Union européenne pourrait être annulée par la Cour de justice.

Le traité européen, c’est aussi la clause sociale qui exige la prise en compte des références sociales dans toutes les politiques de l’Union.

Où peut-on trouver dans le monde aujourd’hui un ensemble régional où l’on puisse mettre à ce point en avant des valeurs sociales et les principes d’un modèle qui, sans être exemplaire, n’a pas d’équivalent ? Comment dénier à l’Europe la nécessité de renforcer son rôle et son poids politique au sein des organisations internationales où se décident les régulations économiques et sociales ? Pour y avoir beaucoup travaillé, je mesure le décalage que je vois dans une certaine vision dépassée de l’Europe.

Le monde change, et nous devons conduire ces changements. Tous les grands moments de l’histoire de l’Europe ont fait grandir la France. Le temps est bien venu de changer la Constitution dans un esprit de progrès, mais c’est l’objet du texte que nous examinerons cet après-midi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, mes chers collègues, l’Europe influe de plus en plus directement sur la vie de nos concitoyens, non seulement par l’économie, la législation, mais aussi, fort heureusement, par la culture et les échanges universitaires qui sont de plus en plus nombreux et contribuent à créer une véritable identité européenne.

Les débats passionnés qui ont eu lieu en 2005 ont montré à quel point le peuple français se passionnait pour la chose européenne, contrairement à ce que pensaient certains. Je ne suis pas pour le populisme qui consiste à stigmatiser les élites,…

M. Jean-Pierre Brard. Les élites d’extraction populaire, c’est autre chose !

Mme Aurélie Filippetti. …mais il est vrai que, dans certains milieux, on pensait, comme pour Maastricht, que l’Europe était une chose trop sérieuse pour être confiée au peuple. Les débats ont donc montré que l’Europe était, au contraire, un sujet populaire. Même si, comme une bonne partie des membres du parti socialiste, j’ai fait campagne pour le « oui » (« Quel dommage ! » sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), …

M. Alain Bocquet. Merci pour la Lorraine ! Bravo !

Mme Aurélie Filippetti. …je suis pour l’expression populaire, donc je souhaite que ce qu’un référendum a bloqué, ce soit un référendum qui puisse le refaire.

M. Alain Bocquet. Ça, c’est bien !

Mme Aurélie Filippetti. Parmi les gens qui ont défendu le « non » en 2005, beaucoup étaient sincèrement pro-européens, …

M. Guy Geoffroy. Ceux qui ont voté « non » au parti socialiste ne sont pas nombreux ce matin !

Mme Aurélie Filippetti. …mais ils voulaient simplement une autre Europe : moins libérale, pas exclusivement centrée sur l’économie. Cette Europe qu’on leur proposait leur faisait peur à cause des délocalisations et ils en voulaient une autre, qui prenne plus en compte leurs aspirations sociales. Ces gens voulaient aussi une Europe plus proche, plus démocratique. Comment demander aujourd’hui à ceux qui ont rejeté par référendum une Europe trop libérale et pas assez démocratique à leurs yeux d’approuver un processus exclusivement parlementaire et les priver ainsi de s’exprimer à nouveau sur les enjeux européens ?

M. Pierre Gosnat. Très bien !

Mme Aurélie Filippetti. Le fossé grandissant entre l’aspiration participative des citoyens et les pratiques trop souvent bureaucratiques des gouvernements européens est l’une des causes de la paralysie de l’Union européenne. À trop souvent refuser d’associer directement les peuples aux grandes décisions européennes, à croire que l’élection nationale vaut brevet de politique européenne, les dirigeants de l’Union n’ont pas vu monter la déception des catégories populaires, notamment, vis-à-vis de l’Europe. Ils ont sous-estimé le manque de réponses aux problèmes du chômage, des inégalités, de la politique industrielle, des délocalisations, de la vie chère. La majorité porte, à cet égard, une responsabilité écrasante, elle qui n’a cessé de se défausser de ses propres échecs sur le dos de l’Union européenne. Il faut permettre aux citoyens de se prononcer…

M. Jean-Pierre Brard. À Versailles, comme les femmes de Paris pendant la Révolution !

Mme Aurélie Filippetti. …et de se réapproprier l’Europe, car c’est en la dissimulant, en accréditant l’idée qu’elle est opaque et lointaine, qu’on la rend impopulaire.

Ce choix du référendum, Ségolène Royal l’a défendu pendant toute sa campagne présidentielle. C’est pourquoi nous continuons à le faire aujourd’hui et soutenons la proposition de loi du groupe GDR, même si, sur le fond, nous exprimons de fortes réserves quant à l’exposé des motifs.

M. Guy Geoffroy. C’est laborieux !

M. Pierre Lequiller. Ségolène Royal est pour la voie parlementaire !

Mme Aurélie Filippetti. Peut-on redonner confiance en l’Europe aux Français et les priver de donner leur avis ? Peut-on vouloir une Europe par la preuve et commencer par ne pas prouver soi-même ? Peut-on accepter que les Français n’aient plus rien à dire quand on essaie de refaire ce qu’ils ont défait ?

M. Pierre Lequiller. Ségolène Royal est pour la voie parlementaire !

Mme Aurélie Filippetti. Il ne suffit pas de vouloir, comme le soutient le Président de la République, que la France revienne à l’avant-garde de la construction européenne, il faut redonner un sens à celle-ci, reconstruire un contrat de confiance entre l’Europe et les Français. Il faut que nos concitoyens valident eux-mêmes le nouveau traité que vous nous proposez. C’est toujours un risque, le résultat est toujours incertain, mais c’est le jeu démocratique, et c’est un risque bien moins grand qu’une adoption à la va-vite par la voie parlementaire.

Les Français se sont passionnés pour l’Europe. Ils ont perçu le poids de leur décision. Ne les privons pas de l’occasion de s’exprimer une fois de plus sur ce traité ! Je le répète donc : malgré ses réserves sur l’exposé des motifs, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. En effet, l’adhésion directe des Français à ce traité est nécessaire. Elle marquerait la réconciliation solennelle de la France avec l’Europe. Elle offrirait à cette dernière la validation populaire qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut et l’empêche de repartir.

Comme le disait Gilles Deleuze : « La différence entre la gauche et la droite, c’est que la gauche a toujours intérêt à faire le pari que le peuple pense. » C’est pourquoi nous devons avoir confiance dans le référendum. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je soutiendrai la proposition de loi constitutionnelle de M. Braouezec, en associant à mon propos Mme Besse, députée de Vendée. Je le ferai, madame la garde des sceaux, parce que cette proposition rappelle une évidence : le Parlement, qui est l’émanation du peuple, ne peut aller contre le peuple.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Pierre Gosnat. Bravo !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Pour la première fois depuis la Libération, vous appelez le Parlement français à voter pour un texte que le peuple a clairement refusé il y a deux ans par référendum ! La situation est surréaliste. A-t-on vu un pays démocratique comme le nôtre appeler ses propres parlementaires à contredire la voix du peuple qui s’est exprimée il y a à peine deux ans ?

M. Jean-Pierre Brard. Très bien ! Vous pourriez être de gauche !

M. Guy Geoffroy. C’est hors sujet !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Le traité de Lisbonne est la copie conforme de la « Constitution Giscard ».

M. Pierre Lequiller. C’est faux !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous le savez tous, mes chers collègues ! Ne faites pas semblant de l’ignorer ! Valéry Giscard d’Estaing, qui a le mérite, lui, de la cohérence, a la franchise de le dire. Je le cite : « Une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du traité constitutionnel et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l’objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un traité devenu incolore et indolore. L’ensemble de ces textes serait adressé au Parlement, qui se prononcerait par des votes séparés.

Ainsi, l’opinion publique serait-elle conduite à adopter sans le savoir les dispositions que l’on n’ose pas lui présenter en direct. » C’est ce que déclarait Valéry Giscard d’Estaing dans Le Monde du 14 juin 2007. Il déroulait ainsi à l’avance le film que vous nous présentez aujourd’hui.

M. Guy Geoffroy. Le traité de Lisbonne n’était pas fait, à ce moment-là !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Non, mais il était bien préparé ! Si vous l’aviez lu, vous sauriez qu’il reprend les dispositions les plus importantes du traité !

M. Guy Geoffroy. Cela n’empêche pas qu’il n’était pas fait ! Giscard-PC, même combat ? C’est nouveau !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Et alors ? Cela peut arriver ! Chacun sa manière de pratiquer l’ouverture !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je veux répondre à un autre argument que j’ai entendu tout à l’heure. Mme la garde des sceaux a invoqué le prétendu engagement du Président de la République à soumettre de nouveau au vote la Constitution Giscard. Au contraire, il a clairement annoncé pendant toute la campagne, notamment au cours du débat qui l’a opposé à Ségolène Royal, que la Constitution européenne était morte. Nous sommes des millions de Français à l’avoir entendu.

Au cours de sa campagne, il a même repris tous les arguments que nous avions développés pour défendre le non à la Constitution Giscard : libre-échange déloyal, surévaluation de l’euro, système européen contraire au fonctionnement de la démocratie… Si je citais toutes ses déclarations, comme j’espère pouvoir le faire tout à l’heure, vous verriez qu’il a volontairement épousé pendant toute sa campagne les thèses de ceux qui ont voté non.

M. Alain Bocquet. Bien sûr !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Alors, comment prétendre aujourd’hui qu’il avait annoncé le retour de la Constitution Giscard ? Certes, il avait parlé de mini-traité.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et de voie parlementaire !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mais celui-ci n’avait rien à voir avec le traité de Lisbonne. Toute l’ambiguïté, que je crois malheureusement très calculée, est venue de là.

Un deuxième point m’incite à voter cette proposition de loi : c’est la première fois depuis la Libération que le Parlement est amené à voter une révision constitutionnelle entraînant des conséquences aussi lourdes sur le fonctionnement des pouvoirs publics et l’organisation de notre démocratie. Soyons clairs : si on lit attentivement ce traité de Lisbonne, qui reprend les principales dispositions de la Constitution Giscard, c’est un changement de régime qui s’annonce, et c’est la fin de notre souveraineté nationale. Avec le passage à la majorité qualifiée de la procédure de vote dans cinquante-deux domaines d’une importance considérable, nous nous dépossédons du pouvoir législatif, en échange d’un pouvoir de pétition, que l’on nous accorde comme par charité et dont certains se gargarisent dans cet hémicycle. Bien évidemment, ces deux pouvoirs sont sans commune mesure.

Je citerai pour seul exemple le cas des négociations à l’OMC, déterminantes pour les délocalisations. Un matin, le Président de la République nous réunit à l’Élysée pour nous annoncer qu’il opposera son veto si M. Mandelson trahit les intérêts français ; mais, un après-midi de juin 2007, il signe le traité de Bruxelles qui supprime le droit de veto pour les négociations commerciales internationales. Qu’on m’explique comment nous pourrions mener une politique indépendante et redresser le pays si nous nous privons de tous les instruments qui permettent à la France de faire valoir son point de vue dans les grandes négociations internationales !

Je pourrais aussi évoquer les fameuses clauses passerelles, sans précédent, qui nous obligent à abandonner le pouvoir constituant. Vous savez en effet que, si les vingt-sept chefs d’État se mettaient d’accord pour modifier le traité de Lisbonne, de Maastricht ou de Nice, il n’y aurait pas, pour la première fois dans l’histoire de la République, de ratification parlementaire ni référendaire. L’Assemblée abandonnerait ainsi son pouvoir constituant dans des domaines fondamentaux, du fait de ces clauses passerelles, évidemment présentées de manière fort discrètes.

Enfin, notre politique étrangère et de défense va se trouver encadrée. La sujétion de la future politique européenne de défense à l’OTAN, qui est évidemment gravissime, interdit l’Europe indépendante que vous prétendez construire.

Je conclurai par des questions très simples.

Comment pouvez-vous imaginer réconcilier les Français avec la politique, alors même que vous organisez dans leur dos le vote d’un projet constitutionnel qui les dépossédera des moyens de mettre en application les politiques promises lors des campagnes présidentielles ou législatives ? Quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous sommes un certain nombre à lutter contre cette dépossession.

Comment le Président de la République pourra-t-il mettre en œuvre ses réformes avec un euro à un dollar cinquante, sachant que le traité ne contient aucune disposition sur la réforme de la BCE ? Comment pourra-t-il appliquer sa nouvelle politique économique, alors que les délocalisations s’accentuent, s’il abandonne le droit de veto sur l’OMC ? Comment, madame Ameline, pourrons-nous instaurer cette Europe qui protège et qui s’affirme, alors que le traité ligote les peuples et donne tous les pouvoirs à des organismes non élus : la Commission de Bruxelles, la Banque centrale européenne et la Cour de justice des Communautés européennes ? Si l’on m’explique un jour comment la France pourra se redresser en abandonnant à des organismes non élus tous les pouvoirs dont elle dispose à Bruxelles, j’en serai heureux.

Je ne vois pas comment on peut construire l’Europe en se défiant des peuples. Comment ceux-ci pourraient-ils l’aimer et la respecter si l’on se méfie d’eux et que l’on fait voter à la va-vite un texte absolument scélérat, dont l’adoption restera une triste date pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a au moins un point sur lequel je partage l’avis des auteurs de la proposition de loi : le texte dont nous engagerons la discussion cet après-midi est effectivement de même nature que le traité qui avait été soumis à référendum en 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Je le reconnais parce qu’il faut avoir le courage de le dire : le traité de 2005 représentait la codification des traités antérieurs ; celui que nous examinerons cet après-midi modifie ces traités. Autant dire que nous sommes passés d’un traité codificateur à un traité modificateur, mais, juridiquement, tous deux sont de même nature. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Michel Vaxès. La majorité ferait bien de vous entendre !

M. Daniel Garrigue. Cela dit, j’ai tout de même un peu de mal à comprendre que les auteurs de la proposition de loi défendent une conception aussi formelle de la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jérôme Lambert. La démocratie est une et indivisible !

M. Daniel Garrigue. Oui, messieurs, vous défendez une conception formelle de la démocratie, même si vous appartenez au parti communiste !

N’oublions pas que, depuis deux ans, beaucoup d’événements sont intervenus. Le contexte dans lequel s’engage cette discussion est donc profondément différent de celui du référendum.

Posons d’abord la question de la légitimité.

M. Jacques Desallangre. Oui !

M. Daniel Garrigue. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, comme d’ailleurs d’autres orateurs : les élections de 2007 ont joué un rôle essentiel.

M. Jacques Desallangre. Cela n’a rien à voir !

M. Daniel Garrigue. Tout au long de sa campagne, le futur Président a clairement indiqué à nos compatriotes qu’il proposerait un traité simplifié qui serait discuté par la voie parlementaire, c’est-à-dire par nous-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez l’orateur !

M. Alain Néri. Ce n’est pas parce qu’un Président a été élu qu’il faut tout accepter ! Où est la démocratie ?

M. Daniel Garrigue. Si vous aimez la démocratie, laissez-moi parler !

M. Frédéric Lefebvre. En démocratie, il faut dire clairement les choses !

M. Daniel Garrigue. Nous-mêmes, tout au long de la campagne des élections législatives, nous avons annoncé à nos électeurs que nous soutiendrions ce traité simplifié par la voie parlementaire. Devrions-nous nous dédire, alors que nous sommes majoritaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Une deuxième modification est intervenue depuis 2005 : beaucoup de problèmes se posaient alors, dont celui de la directive sur les services et celui des services publics. Nous avons considérablement avancé sur ces deux fronts.

M. Marc Dolez. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Garrigue. Nous sommes arrivés à des solutions très majoritairement considérées comme raisonnables.

Quant à l’entrée des nouveaux pays dans l’Union, tout s’est bien passé, grâce aux efforts qu’a déployés le Président de la République depuis son arrivée à l’Élysée.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non : à la Lanterne !

M. Daniel Garrigue. Des contacts étroits ont été noués avec l’ensemble de ces pays, ce qui était très important. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Néri. Vous vous moquez du monde !

M. Daniel Garrigue. M. Dupont-Aignan a évoqué la surévaluation de l’euro par rapport au dollar. Mais le mode d’adoption du traité aura-t-il une quelconque influence sur la parité des monnaies ? Il faut être sérieux !

M. Alain Néri. M. Dupont-Aignan était sérieux !

M. Daniel Garrigue. Le troisième élément à considérer est que, dans quelques mois, la France exercera la présidence de l’Union européenne.

M. Alain Néri. Et alors ?

M. Daniel Garrigue. Il faut que nous engagions cette présidence en étant aussi forts que possible. À l’exception de l’Irlande, tous nos partenaires, même ceux qui avaient choisi précédemment le référendum ont opté pour une ratification du traité par la voie parlementaire. Serait-il raisonnable, alors que nous avions pris un engagement, que nous revenions sur la procédure choisie ?

M. Alain Néri. Écoutez la voix du peuple !

M. Daniel Garrigue. Je parle aussi au nom de la nation !

M. Jean-Paul Lecoq. Nous sommes en France, pays qui a fait la Révolution !

M. Daniel Garrigue. Nous nous sommes engagés devant les électeurs, qui ont ratifié notre choix.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ils ont voté contre le projet de Constitution !

M. Daniel Garrigue. Le recours à la voie parlementaire est la seule manière légitime de ratifier le traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

M. Jacques Desallangre. Zéro !

(M. Marc-Philippe Daubresse remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, historiquement, les radicaux de gauche ont toujours été en pointe dans le combat pour la construction d’une Europe forte, laïque, solidaire, humaniste et démocratique.

M. Frédéric Lefebvre. Ce qui est rassurant, c’est que tous les radicaux de gauche ne sont pas d’accord avec vous !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Sincèrement européenne et attachée plus que tout aux valeurs républicaines, je salue et approuve nos collègues communistes qui, par leur initiative, proposent de compléter la Constitution en indiquant que, lorsque le référendum a conclu au rejet d’un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions similaires doit être soumis au référendum.

Oui, nos concitoyens attendent de leurs représentants qu’ils respectent leurs suffrages, leur expression et leur souveraineté. Le traité de Lisbonne doit donc faire l’objet d’un référendum. C’est une nécessité démocratique.

M. Marc Dolez. C’est une exigence démocratique !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pourquoi ? D’une part, parce que, sur un sujet aussi essentiel que l’Europe, lourd de répercussions sur la vie quotidienne des Français – n’oublions pas que 80 % des textes législatifs adoptés dans cet hémicycle viennent de l’Europe –, nous ne pouvons pas priver nos concitoyens de ce débat. C’est notre devoir, notre responsabilité que de consulter à nouveau le peuple sur ce traité. D’autre part, parce que, au fil de l’histoire de la construction européenne, le peuple français a toujours été consulté par référendum. Ce fut le cas en 1972, au moment de l’élargissement des Communautés européennes, approuvé à 68,3 % des voix, en 1992 pour le traité de Maastricht, approuvé à 51 %, et enfin en 2005, sur le projet de traité instituant une Constitution européenne, rejeté à près de 54 %.

Le non français et le non néerlandais ne sont pas des incidents de parcours. Ils ont été l’expression de deux peuples qui ont dit non aux orientations trop libérales de l’Europe, laquelle a perdu en solidarité et en cohérence. Il serait erroné de penser que le résultat du référendum français traduise un refus de l’Europe. Il rejette une certaine manière de la faire.

Aujourd’hui, le Président de la République a décidé de faire ratifier par voie parlementaire ce traité quasi identique au précédent texte.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est inexact !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cette décision est antidémocratique : lorsqu’une question a été tranchée par référendum – que l’on ait voté oui ou non –, on ne court-circuite pas le peuple en lui disant que, désormais, elle ne le concerne plus et que ce sont les parlementaires qui auront le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Il est trop facile de changer les règles du jeu en cours de route. Moi qui suis originaire d’une terre de rugby, j’imagine ce qui arriverait si, au milieu d’un match, surtout si l’une des parties entrevoit sa défaite, l’arbitre, complice, changeait, par exemple, le nombre de remplaçants : il y aurait une émeute dans le stade !

M. Jean Mallot. Très juste !

M. Jean-Marc Roubaud. Mais il n’y a pas d’émeute.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Les Français sont dans les mêmes sentiments : ils sont bafoués. J’entends dire que, dans l’intérêt de la construction européenne, il est responsable de ne pas retomber dans « le piège dont rêvent à nouveau les opposants ». Mais qui sont les opposants ? Le peuple Français ? On croit rêver !

M. Jérôme Lambert. C’est un cauchemar !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Belle conception de la démocratie qui consiste à considérer le peuple comme un empêcheur de tourner en rond parce qu’il vote non à près de 54 % !

J’ai également entendu nos collègues de la majorité affirmer que, de toute façon, les Français ont été avertis, Nicolas Sarkozy ayant indiqué clairement qu’il choisirait la ratification par voie parlementaire. Croyez-vous qu’il ait été élu sur cette seule promesse ? Quand bien même ce serait le cas, tient-il toutes celles qu’il a faites ? N’avait-il pas affirmé également qu’il serait le « Président du pouvoir d’achat » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Néri. Eh oui !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Qu’en est-il aujourd’hui de cette promesse ?

Cet acte politique éloignera encore les citoyens de la construction européenne. Celle-ci n'aura plus alors la moindre légitimité, car elle se fera sans eux alors qu'elle conditionne leur vie, leur économie, leur protection, leur souveraineté. Comment, en effet, concevoir l'avenir de l'Europe et de ses orientations si les citoyens, qui s’y intéressent pourtant, ne peuvent décider eux-mêmes des choix futurs ?

M. Frédéric Lefebvre. Et c’est une parlementaire qui tient ces propos !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. La campagne référendaire sur le traité constitutionnel a révélé l'intérêt de nos citoyens pour la constitution européenne. Leurs attentes sont fortes en matière d'emploi, de croissance et de protection : ils ont compris qu'une Europe politique exige des institutions fortes et le respect des citoyens. L’Europe ne peut se réduire à un vaste marché. Ils veulent une véritable Europe sociale et fiscale et une Europe de la défense !

Que l'on soit partisan du traité simplifié ou qu’on lui soit hostile, si nous avons la volonté de poursuivre la construction européenne, et de doter l’Europe d'institutions démocratiques, transparentes, et d'harmoniser nos législations, il faut comprendre qu’une ratification par le Parlement aura un effet négatif dans l'esprit des Françaises et des Français, tant pour le texte même que pour l'Europe.

Nous sommes tous ici de fervents démocrates, attachés à une Europe fondée sur l'adhésion des peuples. Notre Constitution elle-même consacre la souveraineté nationale du peuple.

Je ne procéderai pas à l'analyse du « mini-traité », dit simplifié. Ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Je poserai une seule et unique question : est-il admissible de faire valider par le seul Parlement un texte rejeté par voie référendaire en 2005 ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pour le groupe radical de gauche dans son entier – n’en déplaise à certains –, la réponse est non. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Certes, le vote parlementaire est l'expression de la représentation nationale, mais il ne remplace en rien l'expression de la société librement consultée. Il y a même parfois un gouffre entre les deux. Je rappelle que, lors de la précédente législature, en février 2005, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, avait voté à plus de 80 % le projet de loi constitutionnelle, alors que, lors du référendum, trois mois plus tard, le peuple s'était prononcé contre ce même texte à 54 %.

L'organisation d'un nouveau référendum est donc une exigence démocratique. Fidèle à la confiance témoignée par mes concitoyens, je ne saurais trahir leur vote. C'est pourquoi, avec l'ensemble des radicaux de gauche, nous voterons cette proposition de loi constitutionnelle.

N'ayons pas peur de redonner la parole aux Françaises et aux Français.

M. Maxime Gremetz. N’ayons pas peur du peuple !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Faisons confiance à la démocratie, à l'action politique, mais, avant tout, aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur les conclusions de rejet
de la commission

M. le président. La commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ayant conclu au rejet de l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle de M. Braouezec, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 2, du Règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.

Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de loi constitutionnelle sera rejetée.

Je le rappellerai au moment du vote afin que chacun se prononce en toute connaissance de cause.

Je vous indique d’ores et déjà, mes chers collègues, que, sur le vote des conclusions de rejet de la proposition de loi constitutionnelle, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Avant de donner la parole aux orateurs inscrits pour des explications de vote sur les conclusions de rejet de la commission, je donne la parole à M. le rapporteur, qui a manifesté le désir d’intervenir.

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, même si certains ont dénoncé le caractère circonstanciel de cette « niche » parlementaire,…

M. Guy Geoffroy. C’est évident !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. …elle a eu le mérite d’éclairer le débat, pour l’ensemble du peuple français, sur les intentions des uns et des autres. Permettez-moi de saluer ceux qui ont compris que, quelle que soit leur position pour ou contre le traité de Lisbonne, il est légitime que le mot de la fin revienne au peuple français. Sur ces bancs, et notamment sur les bancs de la gauche, des députés favorables à ce traité…

M. Jean Leonetti. Il n’y en a pas beaucoup ! Où sont-ils ?

M. Patrick Braouezec, rapporteur. …ont expliqué, avec beaucoup de justesse, que la question qui nous est posée dans ce débat n’est pas de savoir si l’on est, ou non, favorable au traité.

Le référendum sur la décentralisation de 1969 est le seul exemple de précédent invoqué par les opposants à la proposition de loi que nous examinons. Mais la différence est grande : les lois de décentralisation de 1981 furent votées douze à treize ans après le référendum et à l’issue d’un long travail d’explication en direction des Français. Aujourd’hui, c’est moins de deux ans après le rejet du traité constitutionnel par le peuple de France que vous voulez imposer un texte similaire par la voie parlementaire.

M. Jean-Paul Charié. Ce n’est pas le même texte !

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Certains orateurs ce matin ont développé des arguments très contradictoires. Après que Mme Ameline nous a dit qu’il ne s’agissait pas du même traité que celui soumis au référendum de 2005, M. Garrigue a affirmé que les textes étaient identiques.

Vous nous avez présenté de nombreux arguments en faveur d’un vote par le Congrès, mais, s’ils sont si solides, si vous êtes sûrs de vous, pourquoi ne pas débattre avec l’ensemble du peuple français – comme nous l’avions fait sur le traité constitutionnel – de mesures qui auront de graves conséquences sur la vie de nos concitoyens, ainsi que l’a rappelé Nicolas Dupont-Aignan ?

Nous trouvons dans ce débat, d’un côté, ceux qui veulent respecter l’opinion du peuple français, même si celle-ci ne leur plaît pas, et, d’un autre, ceux qui en ont peur. Et je constate que, à droite de cet hémicycle, vous avez peur du peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Concernant le vote sur les conclusions de rejet de la commission, je suis saisi de plusieurs demandes d’explication de vote.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, peut-il y avoir une seule raison de refuser la parole au peuple français sur une question qui engage son avenir et pour laquelle il lui a déjà été demandé de s'exprimer par voix de référendum ?

M. Alain Bocquet et M. André Gerin. Aucune !

M. Jean-Claude Sandrier. Non, il n’y en a pas. On nous dit que le Président de la République a déclaré, lors de sa campagne pour les élections présidentielles, qu'il ne ferait pas de référendum. Mais qui peut sérieusement croire que même les 31 % de Français qui ont voté pour lui au premier tour, et à plus forte raison les 53 % d’électeurs du second tour, ont voté pour l’intégralité de ses deux cents propositions, alors même que tous les autres candidats à cette élection ont indiqué qu'ils organiseraient un référendum s'ils étaient élus ? Cet argument qui consiste à prétendre qu'en votant pour M. Sarkozy les Français ont renoncé au droit de s'exprimer par un nouveau référendum sur la constitution européenne ne tient pas !

M. André Gerin. Le dire serait un mensonge !

M. Jean-Claude Sandrier. Autre argument : le Parlement est légitime pour ratifier le traité constitutionnel. C'est vrai, mais qui peut sérieusement prétendre qu’il y ait un signe d'égalité entre l'expression de chacune et chacun de nos concitoyens et le vote d'un Parlement dont la Commission des Sages constituée par le Président de la République vient précisément de discuter la représentativité ? Il suffit de se reporter au scrutin de 2005 pour constater qu'une écrasante majorité du Parlement aurait dit « oui » au traité constitutionnel alors que les Français ont voté pour le non à 55 %. Votre justification fondée sur la légitimité du Parlement ne tient donc pas.

Enfin, le dernier argument de ceux qui ne veulent pas que les Français s'expriment est de prétendre que, à Lisbonne, le texte a été modifié en tenant compte du « non » de 2005 ! Mais alors, pourquoi avoir peur – parce que c'est bien de cela qu’il s'agit – de soumettre ce texte au référendum ?

M. Maxime Gremetz. Ils ont peur du peuple !

M. Jean-Claude Sandrier. Nos concitoyens seraient-ils à ce point idiots qu'ils ne pourraient pas reconnaître un texte qui aurait été fondamentalement modifié en prenant leurs souhaits en considération ?

Non, les Français ne sont pas idiots : ils sont tout à fait à même de constater que, avec le traité dit de Lisbonne, « la différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu », comme le souligne M. Giscard d'Estaing, et que « rien ne va changer », comme le déclare Mme Merkel. Il n'y a donc aucune raison de priver le peuple de son droit d'expression, mais, au contraire, toutes les raisons de le consulter.

Quel est le seul argument sérieux, logique, mais caché de celles et ceux qui ne veulent pas de ce référendum ? Reconnaissons au moins à M. Kouchner le mérite de la franchise, car cet argument, il nous l'a livré le 11 décembre dernier, ici même, dans cet hémicycle. Je le cite : « Quant au bien-fondé d'un référendum, il y en a déjà eu un : on a vu le résultat ! »

M. Maxime Gremetz. Ils ont peur du peuple !

M. Jean-Claude Sandrier. Un tel propos est affligeant. Parce que le peuple français n'a pas voté en 2005 comme quelques-uns le souhaitaient, la meilleure solution, selon ces derniers, consiste à ne pas le consulter. Il y aurait beaucoup à dire sur cette conception de la démocratie qui consisterait à ne convoquer les électeurs que lorsqu'on est sûr qu’ils vont être d'accord avec ce que l'on pense ! Aucune raison, donc, autre que la peur du suffrage universel ne peut expliquer un tel refus de soumettre à nouveau à référendum ce texte constitutionnel sur l'Europe.

En conclusion, je veux simplement dire à nos amis et collègues socialistes favorables au référendum qu'il leur appartient, grâce à leur vote au Congrès du 4 février prochain, de permettre la consultation des Français. Sans doute ce débat pose-t-il des problèmes plus fondamentaux pour eux, mais je ne crois pas qu'il soit possible de surmonter des désaccords politiques par des artifices de procédure ou des absences.

Chers collègues, outre la possibilité que vous offrez au Président de la République de fuir le verdict du peuple français,…

M. Yves Censi. C'est énorme !

M. Jean-Claude Sandrier. …si, dans l’hémicycle du Congrès, vous n’exigez pas un référendum, quel sens aurait pour l'avenir de l'Europe et de la France un acte imposé à notre peuple, alors même que celui-ci, récemment consulté, demande dans la proportion des deux tiers à pouvoir s’exprimer ?

En votant cette proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et des députés communistes et républicains, et en se prononçant, le 4 février prochain, contre la modification de la Constitution, les parlementaires peuvent permettre à chaque citoyen de s'exprimer par le suffrage universel : donnons cette possibilité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Leonetti. Ça va être difficile !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, mes chers collègues, après avoir débattu et voté au sein du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, nous nous sommes prononcés en faveur de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), qui permettra, si elle est adoptée, de consulter le peuple français par référendum sur le projet de traité constitutionnel.

M. Jean Leonetti. Quel enthousiasme !

M. Jean-Marc Ayrault. Mon ami et collègue Jean-Claude Sandrier connaît très bien la position du parti socialiste, qui a majoritairement décidé de voter la ratification du traité de Lisbonne. Et, là, nous constatons qu’il y a entre nos deux familles politiques un désaccord, auquel le rapporteur a fait très honnêtement allusion.

Toutefois, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne porte pas sur ce sujet, mais sur le mode de ratification – question que nous aurons l’occasion d’aborder nous-mêmes ultérieurement lors des débats dans cet hémicycle. Or il ne s’agit pas d’un problème anodin. En 2005, comme cela avait été le cas en 1992, le peuple français s’est prononcé sur un traité européen. L’adoption du traité de Maastricht en 1992 avait, elle aussi, donné lieu à des désaccords, et pas seulement entre socialistes et communistes, mais aussi entre le RPR et les socialistes, et au sein même du RPR. Le débat sur les questions de l’avenir de l’Europe traverse ainsi tous les courants de pensée et toutes les formations politiques. Lorsque des questions aussi importantes sont en jeu, nous devons tous nous respecter les uns les autres.

À l’époque, le Président François Mitterrand avait fait procéder par le Parlement réuni en Congrès à Versailles à une modification de la Constitution. Mais, en dépit de toutes les mises en garde, il avait ensuite demandé au peuple français de se prononcer par référendum. Après un très long débat, le vote fut positif. Il fut acquis de justesse, certes. Mais, aujourd’hui, l’euro existe grâce à ce référendum.

En 2005, le Congrès réuni à Versailles adopta la modification de la Constitution à une écrasante majorité – notre groupe s’était d’ailleurs prononcé en faveur de cette révision, quelques-uns de ses membres s’étant abstenus et un seul ayant voté contre. Mais ensuite, un référendum fut organisé sur le traité lui-même, à l’issue duquel le non l’emporta.

Aujourd’hui, un nouveau traité est proposé aux citoyennes et aux citoyens français. Il est vrai que, lors de la campagne présidentielle, le candidat Sarkozy avait annoncé qu’il n’y aurait pas de référendum. Mais notre candidate avait indiqué, elle, qu’elle négocierait un nouveau traité et qu’elle le soumettrait au peuple français par référendum. (« Mais elle a perdu ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes donc cohérents. Nous voulons sortir l’Europe de l’ornière – c’est pourquoi nous sommes favorables au traité de Lisbonne –, mais nous voulons également que les citoyens puissent à nouveau se prononcer.

M. Jean Leonetti. C’est laborieux !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous voterons donc contre les conclusions de la commission, car nous sommes favorables à l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque l’opposition n’est pas d’accord,…

M. Roland Muzeau. C’est la France qui n’est pas d’accord !

M. Guy Geoffroy. …lorsque la difficulté à définir une position, sur la forme comme sur le fond, plonge son principal groupe en plein marasme, que fait-on ? Eh bien, on profite d’une « niche » parlementaire pour proposer, excusez du peu, de réviser la Constitution ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Braouezec, rapporteur. Eh oui !

M. Roland Muzeau. À quoi sert-on ?

M. Guy Geoffroy. Il faut être sérieux. La question est beaucoup trop importante pour être traitée à la légère, comme c’est le cas depuis le début de la matinée. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

J’ai écouté assidûment l’ensemble des orateurs. Or nous avons tout entendu, ce matin. Les propos de nos collègues communistes ont au moins le mérite de la cohérence : ils sont contre l’Europe depuis toujours (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Roland Muzeau. L’Europe des riches !

M. Guy Geoffroy. …et, je le crains, pour toujours ; c’est un point de désaccord permanent entre nous. Mais nous avons également entendu nos collègues socialistes, ou plutôt ceux qui, pour l’essentiel d’entre eux, ont prôné le non le 29 mai 2005, car lorsque j’ai demandé aux membres du groupe socialiste présents ce matin combien, parmi eux, ont voté oui le 29 mai 2005, une seule main s’est levée ! Les Européens du parti socialiste ne sont pas là ce matin parce qu’ils ne veulent pas cautionner cette palinodie, cette parodie de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Dans une intervention apparemment cohérente, mais en réalité plutôt laborieuse, notre collègue Alain Vidalies a même tenté de nous faire croire que la révision de l’article 11 de la Constitution dont il est question aujourd’hui concernait les modes de révision de la Constitution. Le compte rendu témoignera de l’incertitude de son expression à ce propos.

Quant à nos quelques collègues féminines du parti socialiste, qui ont eu le mérite de s’exprimer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

M. Philippe Martin. Machiste !

M. Guy Geoffroy. …elles sont venues nous dire benoîtement qu’après avoir voté oui en 2005, elles étaient favorables à la révision de l’article 11 afin de préserver une unité de façade. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Venons-en à l’acte II : les grands mots. Il y aurait, nous dit-on, un « déni de démocratie ».

M. André Gerin. Absolument !

M. Guy Geoffroy. Alors que nous estimons tous, ici, qu’il faut redonner au Parlement toute sa légitimité, toute sa force et toute sa représentativité, on nous dit sur tous les tons que le Parlement ne serait pas légitime pour voter la loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Gerin. Menteur !

M. Guy Geoffroy. La mémoire de nos concitoyens n’est pas aussi courte que la vôtre, chers collègues. Ils se souviennent qu’en 1962 aussi, une partie de la gauche avait utilisé de grandes formules pour exprimer son désaccord avec le Président de la République. Le président du Sénat lui-même avait ainsi dit au général de Gaulle, qui demandait au peuple d’élire le Président de la République au suffrage universel, qu’il s’agissait d’une forfaiture.

En 1962, consulter le peuple était une forfaiture, mais, aujourd’hui, saisir la représentation nationale dans la plus grande transparence – puisque nous l’avions annoncé lors des dernières campagnes présidentielle et législatives –, ce serait un déni de démocratie. Soyons sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Tout à l’heure, notre collègue Pierre Lequiller, dont la position sur tous ces sujets a toujours été parfaitement claire, a rappelé cette évidence : le traité dont nous allons débattre dans quelque temps n’est pas le traité constitutionnel. On ne peut prétendre le contraire, sauf à prendre pour des imbéciles les dix-huit pays, et leurs gouvernements, qui, alors qu’ils avaient ratifié le traité constitutionnel, ont accepté sans hésiter de procéder à la ratification du nouveau traité.

Face à ces gesticulations destinées à faire croire au peuple qu’on le défend alors que l’on se sert de lui pour masquer ses divergences, le groupe UMP se prononcera, dans son immense majorité, en faveur des conclusions de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons donc procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les conclusions de rejet présentées par la commission.

Je rappelle que ceux qui sont favorables à l’examen de l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle doivent voter contre ces conclusions ; si ce vote l’emporte, nous examinerons l’article unique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ceux qui ne veulent pas examiner la proposition doivent voter pour les conclusions de rejet. (Mêmes mouvements.)

M. Maxime Gremetz. Honteux !

M. le président. Je rappelle que le vote est personnel.

Je vais maintenant mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin sur les conclusions de rejet :

L’Assemblée ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de loi constitutionnelle n’est pas adoptée.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures vingt-cinq.)