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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 26 mai 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Modernisation des institutions de la Ve République

Discussion des articles (suite)

Article 8

Amendements nos 50, 282, 321, 413

M. Jean-Luc Warsmann,

M. Christophe Caresche

M. Jean-Claude Sandrier

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Pierre Lellouche

M. Noël Mamère

M. Arnaud Montebourg

Après l’article 8

Amendement no 512

M. René Dosière

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

Mme la garde des sceaux

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Jean-Jacques Urvoas

Mme Martine Billard

Amendement no 513

Rappel au règlement

M. Arnaud Montebourg

Reprise de la discussion

Amendement no 514

M. René Dosière

Amendements nos 341, 414, 199, 51 rectifié

Mme Martine Billard

M. Jean-Claude Sandrier

M. René Dosière

M. Christophe Caresche

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-François Copé

M. Pierre Lellouche

M. René Dosière

M. Noël Mamère

M. Jacques Myard

Article 9

M. René Dosière

M. Christophe Caresche

M. Jean-Pierre Soisson

M. Jean-Claude Sandrier

M. Jean-Pierre Brard

M. Arnaud Montebourg

M. Noël Mamère

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Marc Ayrault

Amendements nos 159, 52, 2, 39, 5, 283, 415, 416, 269, 126, 548, 549, 331, 284, 53, 271, 54, 285, 587, 218, 212, 357

Mme la garde des sceaux

Amendement no 337

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modernisation des institutions
de la Ve République

Discussion d’un projet de loi constitutionnelle (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (nos 820, 892, 881, 890, 883).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 8.

Article 8

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, si la révision de la Constitution que j’appelle de mes vœux s’appliquait déjà, l’article 8 du projet de loi n’aurait pas été appelé dans l’hémicycle, puisque la commission a voté à l’unanimité un amendement proposant de le supprimer.

Avec votre autorisation, monsieur le président, et peut-être avec celle des orateurs qui s’étaient inscrits sur l’article, j’aimerais, pour la clarté du débat, présenter l’amendement n° 50. Il s’agit d’un amendement de suppression, sur lequel chacun pourra réagir.

M. le président. Je suis en effet saisi d’un amendement n° 50, identique aux amendements nos 282, 321 et 413, tendant à supprimer l’article 8.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 50.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a voté à l’unanimité cet amendement, considérant que, depuis 1958, la Constitution avait bien fonctionné en matière de défense nationale, et ce dans tous les cas de figure, y compris pendant la cohabitation. On peut certes critiquer la répartition actuelle des pouvoirs, mais il faut reconnaître que celle-ci a contraint, en période de cohabitation, le Premier ministre et le Président de la République à s’entendre, dans l’intérêt général du pays.

C’est la raison pour laquelle, par pragmatisme, la commission a jugé bon de supprimer l’article 8. J’ajoute, pour être tout à fait complet, que certains collègues qui siègent à gauche de l’hémicycle craignaient pour leur part que l’article ne provoque un déséquilibre entre les pouvoirs du Président de la République et ceux du Premier ministre. Ainsi, pour des raisons légèrement divergentes, nous sommes tous arrivés à la même conclusion. D’où cet amendement n° 50 tendant à la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n° 282.

M. Christophe Caresche. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 321 est également défendu.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 413.

M. Jean-Claude Sandrier. Je tiens à rappeler l’intention qui sous-tendait l’article 8 : retirer au Gouvernement des prérogatives pour les attribuer au Président de la République. Ce qui était l’idée première de l’article se retrouve d’ailleurs dans l’ensemble du texte, même quand il feint d’accorder des pouvoirs supplémentaires au Parlement.

Nous prenons acte de la volonté unanime de supprimer l’article, mais le cas est typique : le texte cherchait à présidentialiser encore davantage le régime actuel, au mépris de la Constitution. Actuellement, en effet, le Président de la République règle l’ensemble des affaires qui concernent la défense et la politique des affaires étrangères, alors même que la Constitution ne le prévoit pas. Or nous pensons que la politique de défense et plus largement des affaires étrangères doit relever de la responsabilité totale du Gouvernement et du Premier ministre.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, dans un esprit favorable…

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Au fond, je suis ravi qu’un amendement propose la suppression de l’article 8. Pourtant, je ne suis pas tout à fait sûr que nous fassions œuvre utile en le votant, dans la mesure où le toilettage de la Constitution nous offrait l’occasion d’y inscrire la réalité des choses.

En matière de défense nationale, la vérité est que le système était surprésidentialisé bien avant le quinquennat, et, qu’en pratique, il l’est encore tous les jours. C’est pourquoi ni dans sa version actuelle ni dans la nouvelle version proposée, l’article 21 de la Constitution ne correspond à la réalité.

Depuis l’avènement de la force de frappe, le Président de la République est seul détenteur du feu nucléaire, au point d’ailleurs que, après l’avoir longuement critiqué, François Mitterrand lui-même a dit un jour que la dissuasion, c’était lui, ce qui était exact.

La semaine dernière, un Livre blanc sur la défense nationale a été présenté par le ministre de la défense et par un haut fonctionnaire, afin d’honorer une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. Mais, même s’il est officiellement présenté par le ministre de la défense, ce document n’est en fait rien d’autre qu’une émanation de la pensée du Président de la République, de même que les lois de programmation militaire sont depuis fort longtemps l’expression de sa seule volonté. Le Premier ministre n’y participe pas.

Les décisions d’opérations extérieures, ce que les militaires appellent les OPEX, l’engagement des forces à l’étranger et leurs conditions d’emploi sont décidés par le Président de la République et exécutés par le chef d’état-major des armées. Ni le Premier ministre ni le ministre de la défense n’interviennent dans la décision ni même dans son exécution. Il en va de même pour le renseignement. Le Livre blanc prévoit d’ailleurs qu’un coordinateur du renseignement sera placé auprès du Président de la République, ce qui opère une clarification utile puisque le Premier ministre théoriquement chargé de coordonner le renseignement ne coordonne rien du tout. Quant au secrétariat général de la défense nationale, rattaché au Premier ministre, il travaille en fait pour le Président de la République. Le problème est le même pour les accords de défense et les ventes d’armes.

Ce que je veux souligner, c’est qu’en matière de défense nationale, la pratique des institutions place – je pèse mes mots – la totalité des pouvoirs entre les mains du Président de la République. Son premier exécutant, en l’espèce, n’est pas le Premier ministre, mais son chef d’état-major. Si le ministre joue un rôle – il s’occupe de l’intendance et fait voter les budgets –, l’orientation des lois de programmation, des grands choix de défense, comme l’Alliance atlantique, des grands choix stratégiques, comme l’Union européenne, ou la décision d’implanter des bases nouvelles, comme Abu Dhabi, sont des choix du Président de la République, auxquels le Premier ministre n’a aucune part.

Mon regret, pour avoir consacré un certain nombre d’années aux questions de défense et de politique étrangère, c’est de pas voir la Constitution refléter cette réalité. Parce que c’est sans doute plus facile ainsi et que cela fait plaisir à tout le monde, nous allons en rester au texte de 1958, qui ne reflète absolument pas le fonctionnement réel de notre pays en matière de défense. La réalité, c’est que le Président de la République a la totalité des pouvoirs et que son assistant et exécutant principal est le chef d’état-major des armées. Le Premier ministre ne joue rigoureusement aucun rôle en la matière. Ce n’est pas lui faire injure que de le constater.

M. le président. Merci de conclure.

M. Pierre Lellouche. Faute de pouvoir en débattre avec maturité et de trouver un moyen d’inscrire la réalité dans la Constitution, je regrette que nous nous contentions a minima de conserver un texte dépassé depuis longtemps, depuis très longtemps, par la réalité.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces amendements tendant à supprimer l’article 8, lequel ne pouvait qu’entériner une certaine anomalie. L’article précise en effet que le Premier ministre « met en œuvre » la politique de défense dont le Président de la République est responsable. Cela signifie en somme que, s’il avait été adopté, plus personne n’aurait été responsable de la politique de défense devant le Parlement. En outre, l’article 8 n’aurait fait qu’agrandir le domaine réservé du Président de la République. La véritable audace, dans cette réforme constitutionnelle, aurait donc consisté à confier au Premier ministre la politique de défense.

Ce projet de loi constitutionnelle est présenté comme un texte renforçant les pouvoirs du Parlement, mais si cet article 8 avait été voté, il n’aurait fait que confirmer la présidentialisation du régime ainsi que l’existence du domaine réservé contre lequel nous nous battons non seulement en matière de défense, mais également pour ce qui concerne la politique étrangère – je pense en particulier à ce que certains ont appelé la « Françafrique ».

La suppression de cet article ne peut donc que contribuer à améliorer le projet de loi constitutionnelle ou, en tout cas, à éviter une présidentialisation encore accrue du régime.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous voulons d’abord nous féliciter que Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois, ait déposé un amendement reprenant celui de Noël Mamère, celui de Jean-Claude Sandrier et celui du groupe socialiste. Ces amendements visent à supprimer du projet de loi constitutionnelle la disposition qui prévoit de sanctuariser le domaine réservé du Président de la République en matière de défense nationale.

Au cours des débats en commission, nous nous sommes élevés, d’une façon extrêmement vigoureuse, contre cette disposition qui dessaisit le Premier ministre d’une part de sa compétence.

M. Pierre Lellouche. Sa compétence ne s’exerce que sur le budget !

M. Arnaud Montebourg. Ce dernier rend en effet des comptes au Parlement et permet ainsi l’exercice de la responsabilité, et le contrôle parlementaire afférent.

Imaginez que le Président de la République capte au détour d’un projet de loi constitutionnelle une part de cette responsabilité : comment le Premier ministre pourrait-il alors être responsable de la politique en question ? Il viendrait devant les parlementaires leur dire : « Ce n’est pas moi le responsable, c’est le Président de la République. » Nous entendons déjà trop souvent cette réponse, mais cette fois, l’irresponsabilité du Premier ministre trouverait une consécration juridique et constitutionnelle. Ce serait, selon nous, une dépossession de la possibilité pour le Parlement d’exercer ses fonctions de contrôle dans leur plénitude. Voilà pourquoi nous nous sommes élevés vigoureusement contre cette modification.

Par ailleurs, en cas de cohabitation, s’il y a discordance politique entre les orientations portées par le Président de la République et celles choisies par le Premier ministre, soutenu par une majorité différente de la majorité présidentielle, le texte de la Constitution, tel qu’il aurait pu être modifié, contenait les ingrédients d’une crise de régime et d’une conflictualité institutionnelle.

Pour toutes ces raisons, nous nous sommes battus contre l’article 8 du projet de loi constitutionnelle. Nous avons donc été heureux que le Premier ministre, François Fillon, annonçât à la tribune que cette affaire était terminée. Pour nous, il ne s’agit pas d’un progrès – car l’article 21 de la Constitution ne change pas –, nous avons seulement la chance que le statu quo ait été préservé. Le danger d’une augmentation des pouvoirs du Président a été surmonté : c’est cela que nous redoutions, c’est ce que nous combattions ! Nous sommes heureux de cette issue, mais nous nous battons pour que les choses avancent, et nous devons nous contenter, en l’état, du fait qu’elles ne reculent pas !

M. François Sauvadet. Cela méritait d’être dit !

M. Arnaud Montebourg. Pour les avancées, rendez-vous aux autres articles !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 50, 282, 321 et 413.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 est supprimé, et les amendements nos 547 et 125 tombent.

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 8.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 512.

M. René Dosière. Monsieur le président, je présente avec l’amendement n° 512, les amendements nos 513 et 514 qui portent sur le même sujet : le non-cumul d’une fonction ministérielle et d’un mandat local. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

Est-il possible d’être ministre de la République à temps partiel ? Personne ne pourra soutenir ce point de vue.

M. François Sauvadet. M. Montebourg est bien président d’un conseil général !

M. Jean-Christophe Lagarde. Qu’on donne un conseil général à M. Dosière !

M. René Dosière. Près de 60 % des ministres de l’actuel gouvernement sont pourtant des ministres à temps partiel puisqu’ils détiennent, par ailleurs, des mandats locaux.

Mais ce souci du non-cumul relève d’une raison de fond beaucoup plus importante. Ainsi, par définition, un ministre de la République doit agir dans l’intérêt de la nation et au nom de l’intérêt général, alors que l’élu local a l’obligation de défendre les intérêts particuliers du territoire qui l’a élu. Le travail d’un ministre et celui d’un élu local ne coïncident donc pas toujours, et il y a même entre ces deux fonctions une incompatibilité que j’illustrerai par un exemple.

À l’occasion de la récente grève des enseignants, le Gouvernement a manifesté sa volonté de mettre en place un service minimum d’accueil. On a beaucoup entendu le ministre du travail vanter l’intérêt de cette formule.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison !

M. René Dosière. Or le ministre du travail est aussi maire-adjoint de Saint-Quentin, et dans sa commune, le conseil municipal a refusé de mettre en place le service minimum d’accueil ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Quelle est la crédibilité d’un ministre qui défend une mesure sur toutes les ondes et qui n’est pas en mesure de l’appliquer localement ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’est pas maire !

M. René Dosière.Je pense à des propos du général de Gaulle rapportée par Alain Peyrefitte : « Le ministre-maire est juge et partie ; il confond les genres. Le cumul des fonctions a quelque chose de contraire à la bonne marche des institutions et même, disons le mot, d’immoral. » Pourquoi alors, me direz-vous, le général de Gaulle n’avait-il pas interdit le cumul de la fonction ministérielle avec un mandat local ? En 1958, mis à part les fonctions au sein de l’exécutif, seul comptait le mandat de parlementaire. Le mandat d’élu local n’intéressait alors pas beaucoup le général de Gaulle. Aujourd’hui, la décentralisation est passée par là, et la situation a changé. Les élus locaux ont de grandes responsabilités qui valent bien celles d’un parlementaire.

S’il est adopté, ce projet de loi constitutionnelle renforcera encore l’incompatibilité entre fonctions ministérielles et exercice d’un mandat local. En effet, si les projets de loi discutés dans l’hémicycle sont désormais ceux adoptés en commission, le ministre devra être davantage présent en commission pour défendre son texte. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire qu’il est très vraisemblable qu’en commission les députés n’accepteront pas que le ministre lise les notes transmises par ses collaborateurs – quelle que soit la qualité de ces notes ! Il faudra donc bien que le ministre s’investisse directement et réponde aux députés : la séance de travail en commission ne ressemble pas à la séance publique dans l’hémicycle. Si cette révision constitutionnelle est adoptée, les ministres devront travailler leurs projets de loi et les étudier dans le détail pour les défendre directement devant les parlementaires, et ce sans l’intervention de leurs collaborateurs. Ils se retrouveront alors, d’une certaine manière, à armes égales avec nous !

Il sera donc souhaitable que les membres du Gouvernement puissent consacrer davantage de temps à leur mission. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements, dont certains sont des amendements de repli, qui interdisent le cumul d’un mandat local, en particulier des mandats exécutifs, avec la fonction ministérielle.

M. Christian Jacob. Si un jour, vous êtes ministre, monsieur Dosière, vous serez sérieusement embêté !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 512 ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Charles de Courson. J’espère que votre avis est également défavorable, madame la ministre !

M. Arnaud Montebourg. Nous aimerions savoir ce que vous en pensez, Madame Dati !

M. le président. Madame la ministre, vous avez seule la parole.

Mme la garde des sceaux. Par cet amendement, Monsieur Dosière, avec cet amendement n° 512, vous souhaitez empêcher un membre du Gouvernement de détenir quelque mandat électif que ce soit, même celui de maire d’une petite commune.

Les Français reprochent souvent à ceux qui les gouvernent d’être éloignés des réalités concrètes – monsieur Montebourg, à une époque vous l’avez vous aussi reproché –,…

M. Jean-François Copé. C’est un terrain glissant !

Mme la garde des sceaux. …il est donc utile que les ministres puissent avoir un ancrage local. Bien sûr, ils doivent disposer d’un temps suffisant pour se consacrer à leurs responsabilités nationales, mais il n’est pas impossible de concilier fonction ministérielle et responsabilité d’une collectivité locale. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est un peu court !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je m’exprime aussi contre la série d’amendements qui suit celui-ci, y compris contre le sous-amendement que j’ai moi-même présenté pour démontrer l’absurdité du dispositif proposé.

Je qualifierai ces amendements hypocrites de faux-nez. Ils sont présentés par des élus qui cumulent, tout naturellement, des responsabilités importantes de maire de grande ville et de président de groupe parlementaire ; de président de conseil général et de parlementaire. Bref, ces amendements permettent à ces élus de se montrer vertueux alors qu’ils cumulent aujourd’hui des mandats sous prétexte que la loi ne leur interdit pas encore de le faire. Mais la plus vertueuse des attitudes serait de mettre fin à un comportement que l’on condamne et que l’on voudrait voir cesser !

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela semble élémentaire : quand on veut donner une leçon, autant se l’appliquer à soi-même avant que la loi ne vous l’impose. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Mme Royal : lors des dernières élections législatives, elle a tiré les conséquences de son opposition au cumul des mandats. On ne peut pas dire qu’elle ait fait école sur les bancs de cette assemblée et, en tout cas, pas parmi ceux qui professent régulièrement des cours de morale sur ce sujet.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mes chers collègues de l’opposition, vos amendements, si nous les adoptions, aboutiraient à une situation que nous avons connue sous des gouvernements de gauche comme de droite. Le maire – également parlementaire –, une fois nommé ministre deviendrait conseiller municipal, mais il y a fort à parier qu’il conserverait le bureau du maire, son cabinet et son influence sur la municipalité !

L’amendement n° 513 qui vise les maires selon la taille de la commune – sont concernées celles de plus de 20 000 habitants – est plus hypocrite encore : comme s’il était beaucoup plus facile de diriger une commune de 3 500, 4 000 ou 5 000 habitants, bénéficiant de faibles moyens et de l’appui de peu de services, où le maire et les élus sont beaucoup plus sollicités sur le terrain, que d’être responsable de villes plus grandes où le maire dispose d’importantes administrations et d’un nombre d’adjoints supérieurs.

Le même amendement n° 513 vise, en plus des maires, les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils généraux. Ainsi, selon cet amendement, le vice-président chargé des finances, ou celui chargé des collèges, a beaucoup moins de responsabilités et de travail qu’un maire d’une ville de plus de 20 000 habitants ! En clair, lorsque vous êtes vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, département dont je suis l’élu, et que vous êtes en charge des collèges, c’est-à-dire de l’enseignement dispensé à des centaines de milliers d’enfants, et de leur cadre de vie, vous avez, selon cet amendement, beaucoup moins de travail que si vous êtes maire d’une ville de 21 000 ou 22 000 habitants ! Fixer cette limite me paraît tout à fait ridicule et je m’oppose non seulement à l’amendement n° 513, mais aussi à ceux qui le suivent.

Je veux dire, in fine, à ceux qui rient sur les bancs de la gauche,…

M. Jean-François Copé. Ils ne devraient pas rire : le sujet les concerne !

M. Jean-Christophe Lagarde. …qu’être président d’un groupe parlementaire est vraiment un travail à plein-temps. Surtout, monsieur Ayrault, quand ce groupe parlementaire a une vie compliquée, agitée, démocratique, vive et active.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faudrait donc ajouter qu’il n’est pas possible d’être à la fois maire d’une grande ville, président d’une grande communauté d’agglomération et président d’un groupe parlementaire.

M. Jean-François Copé. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ceux qui, il n’y a pas si longtemps, souhaitaient que le mandat unique devienne la règle devraient très franchement dire : « Je ne peux pas être, à la fois, dans mon conseil général pour impulser l’action économique de mon territoire et surveiller l’action sociale toujours plus étendue de mon département, et siéger dans cet hémicycle à une heure aussi tardive de la nuit ».

J’ai voulu faire cette démonstration pour expliquer qu’il y a une responsabilité que nous devons laisser aux électeurs : soit un élu est capable d’assumer à la fois des fonctions ministérielles et locales ; soit il ne l’est pas, et il est battu.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je prends l’exemple d’un ancien ministre, ici présent : M. Jacob a été réélu, brillamment, maire de sa commune…

M. le président. Monsieur Lagarde, évitez, je vous prie, de prendre des exemples particuliers. Soyez plus général.

M. Jean-Christophe Lagarde. Certains, parmi nous, qui affirmaient qu’un élu devait avoir un mandat et un seul, se sont pourtant présentés aux élections cantonales, en vue de devenir président de conseil général. Ils ont été élus : l’électeur, souverain, en a décidé ainsi. Pourquoi vouloir le priver de cette possibilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre et maire (Sourires), monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous discutons bien, pour le moment, de l’incompatibilité de la fonction ministérielle avec celle de maire ; nous viendrons tout à l’heure au mandat unique pour les parlementaires.

Il est tout de même incongru que l’on en soit encore à demander que les ministres exercent leur activité ministérielle à temps plein. L’affaire paraissait en effet entendue, puisque cette règle avait été imposée par Lionel Jospin à ses ministres en 1997, puis reprise par Jacques Chirac en 2002. C’est, à ma connaissance, à la demande de Nicolas Sarkozy qu’elle a été abandonnée en 2005. Il s’agit donc d’un principe. Si, dans cet hémicycle, nous ne nous battons pas pour des principes, à quoi sert le débat parlementaire ?

Lors des dernières élections municipales, vingt-et-un ministres se sont présentés devant les électeurs, dont onze comme têtes de liste. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, pendant la campagne électorale, les déclarations qu’ils ont faites dans leurs communes, expliquant qu’à Paris, ils n’étaient que secrétaires d’État, qu’ils n’étaient donc pas très occupés et que l’essentiel de leur activité serait consacré à leur mandat de maire. Je constate, au demeurant, que cet argument n’a pas toujours convaincu les électeurs, puisque ces ministres n’ont pas tous été élus – par charité, je ne les citerai pas.

J’en viens aux amendements de M. Dosière, notamment à l’amendement n° 513, adopté par la commission, qui prévoit que les fonctions de ministre sont incompatibles avec celles de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants ou de président de conseil général ou régional. Cette disposition concernerait six ministres en exercice : cinq sont maires et un est président de conseil général. Puisque nous débattons devant l’opinion publique et les électeurs, il me paraît important de rappeler que, selon un sondage de février dernier, les deux tiers des Français estiment qu’être à la fois ministre et maire d’une ville de plus de 10 000 habitants est une mauvaise chose.

Je me ferai donc l’avocat d’Édouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, qui ont tous deux défendu cette mesure. En effet, M. Balladur a indiqué, dans son rapport, que « rien ne justifie qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ». Quant au Président de la République – qui est, me semble-t-il, une référence pour beaucoup de nos collègues –, il s’est déclaré, dans sa lettre au Premier ministre, « favorable à la proposition du comité Balladur consistant à interdire le cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif, à tout le moins avec tout mandat exécutif. »

M. Maurice Leroy. Il est si rare que vous citiez M. Sarkozy que c’en est suspect !

M. Jean-Jacques Urvoas. Contrairement au Gouvernement, la commission des lois l’a écouté. Je souhaite maintenant que l’Assemblée nationale suive le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je vais donner la parole à plusieurs orateurs, car les amendements suivants sont similaires à l’amendement n° 512.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. M. Lagarde ne pourra pas me taxer d’hypocrisie, puisque, favorable au non-cumul des mandats, j’ai fait le choix de ne pas me présenter aux élections municipales.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je parlais de Mme Voynet !

Mme Martine Billard. Arrêtons l’hypocrisie ! On nous parle d’ancrage local, mais en quoi le fait d’être conseillère d’arrondissement d’opposition à Paris donne-t-il un ancrage local à une ministre ?

M. Jean-François Copé. Et vous prétendez militer pour les droits de l’opposition ? Bravo !

Mme Martine Billard. En tant qu’élue parisienne, je peux vous le dire : elle n’a pas le temps de venir aux conseils d’arrondissement et on ne la voit jamais. Je ne vois vraiment pas quel peut être son ancrage local ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Encore une fois, cessons l’hypocrisie : un ministre consacre son temps à la fonction éminente à laquelle il a été désigné. Mesdames, messieurs de l’UMP, vous qui considérez qu’il faut absolument rompre avec des années d’immobilisme, croyez-vous que l’on puisse mener toutes les réformes que vous jugez indispensables en étant ministre à temps partiel ? Pour ma part, je pense que ce n’est pas possible.

Maintenant, que certaines personnes tiennent des discours et ne les appliquent pas, je suis la première à le regretter.

M. François Sauvadet. Ah !

Mme Martine Billard. Mais tant que l’on ne modifiera pas la loi en interdisant le cumul des mandats et en introduisant une dose de proportionnelle, il y aura des élus pour cumuler, tout simplement parce qu’une fois qu’on détient un mandat, il est plus facile d’être élu à un autre mandat et parce que cela permet aux petits partis d’avoir davantage d’élus. Le cumul d’une fonction de ministre avec une fonction élective, c’est l’archaïsme le plus complet !

Croyez-vous qu’il existe beaucoup de pays européens où il soit possible d’être à la fois ministre et maire ou président d’une collectivité comme un conseil régional ou un conseil général ? Ce n’est pas sérieux !

M. le président. Veuillez conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. M. Lagarde nous dit que c’est aux électeurs de choisir. Mais s’il n’y a qu’un candidat de l’UMP, par exemple, les électeurs de ce parti n’auront pas d’autre choix que de se prononcer pour lui, même s’il est par ailleurs ministre. Tant que l’on ne donnera pas un choix réel aux électeurs, le cumul existera et la France sera le pays le plus archaïque de l’Union européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Noël Mamère. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 512.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 513.

La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.

M. René Dosière. Je souhaite préciser à mon ami Jean-Christophe Lagarde qu’il ne s’agit pas de porter un jugement moral sur tel ou tel. Au reste, je vous le dis franchement : aussi longtemps que le cumul ne sera pas interdit, il sera pratiquement obligatoire ; Michel Debré disait même qu’il était devenu une règle non écrite. Je ne stigmatise donc personne, mais j’estime que l’on peut progresser et tenter de changer les choses.

Quant à l’argument selon lequel le cumul permettrait de rester proche du terrain, il est quelque peu insultant pour les ministres de la plupart des pays étrangers, en tout cas européens, où le cumul est interdit. Je n’ai pas le sentiment qu’ils soient plus éloignés du terrain qu’en France. Peut-être même travaillent-ils mieux que nous.

L’amendement n° 513 est un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 512.

M. le président. Je mets aux voix…

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président,...

M. le président. …l'amendement n° 513.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Pierre Lellouche. ...j’aurais tout de même souhaité dire un mot sur l’amendement n° 513.

M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, sur l’amendement n° 513, qui méritait – même s’il s’agissait d’un amendement de repli – le même traitement que le précédent, j’ai demandé, in extremis il est vrai, une demande de scrutin public, qui, hélas ! ne vous est pas parvenue à temps. Je croyais en effet que vous alliez donner la parole à M. Lellouche, qui avait demandé à s’exprimer sur l’amendement.

M. Pierre Lellouche. J’avais en effet demandé la parole !

M. Arnaud Montebourg. Quoi qu’il en soit, il s’agissait – puisqu’il faut en parler à l’imparfait – d’un amendement du groupe socialiste, qui avait été approuvé par la commission des lois, donc par une partie de la majorité…

M. le président. Monsieur Montebourg, j’avais annoncé clairement que le scrutin était ouvert. Or, comme vous connaissez très bien notre règlement, vous savez que, dans ce cas, aucun orateur ne peut plus s’exprimer. Par ailleurs, j’ai précisé tout à l’heure que je donnais la parole à plusieurs orateurs sur l’ensemble de ces amendements. D’autres amendements, analogues à celui-ci, doivent encore venir en discussion ; vous pourrez vous exprimer à cette occasion. En tout état de cause, votre rappel au règlement ne peut pas porter sur un amendement qui vient d’être rejeté par l’Assemblée.

Poursuivez, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je souhaitais juste indiquer, monsieur le président, que le rapporteur vient d’être battu par le groupe auquel il appartient, c’est-à-dire le groupe de l’UMP, puisque nous étions parvenus à arracher cette avancée en commission. Ce recul est de très mauvais augure pour la suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 514.

La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.

M. René Dosière. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je tiens à préciser que nous allons bientôt examiner un amendement n° 51 rectifié de la commission, lequel reprend les termes de l’amendement n° 513, qui avait été approuvé par le rapporteur et que l’Assemblée, quelque peu perturbée, semble-t-il, a repoussé. L’amendement n° 51 rectifié, adopté par la commission, donc par une partie de la majorité, viendra en discussion – pour une raison que j’ignore, du reste – après l’examen de nos amendements de repli. Je remarque d’ailleurs qu’il fait l’objet de deux sous-amendements, dont l’un de Jean-Christophe Lagarde, qui en renforcent les dispositions.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement n° 514, monsieur Dosière ?

M. René Dosière. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 514.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 341, 414, 199 et 51 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 341 et 414 sont identiques.

L’amendement n° 51 rectifié fait l’objet de deux sous-amendements nos 603 et 528.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n°341.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à préciser que la fonction de ministre est incompatible avec un mandat électif. Je rappelle qu’un autre article de ce texte, que nous examinerons ultérieurement, permet aux ministres ayant été députés – c’est le cas pour la grande majorité d’entre eux – et quittant le Gouvernement de retrouver leur siège de député, donc un ancrage local.

Nos collègues de l’UMP et du Nouveau Centre, qui ont si souvent le mot « modernité » à la bouche, refusent celle-ci dès lors qu’il s’agit de moderniser les institutions de notre pays, qui pourtant en a plus besoin que les autres pays de l’Union européenne. Visiblement, la modernité s’arrête à la porte de cet hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-François Copé. Cela suffit ! Croyez-vous vraiment que votre discours soit moderne ?

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président du groupe UMP, et je pense qu’il est temps pour votre groupe de proposer la limitation du cumul des mandats, sans aller toutefois jusqu’à ce que proposent les députés Verts.

M. Jean-François Copé. Qui propose la révision de la Constitution ?

M. Maurice Leroy. Cette attaque contre Mme Voynet…

M. Jean-François Copé. Et M. Mamère !

M. Maurice Leroy. …est intolérable, madame Billard ! (Sourires.)

Mme Martine Billard. Les débats étaient plus intéressants tout à l’heure, quand vous respectiez le pluralisme. Hélas, sur cette question de cumul, vous verrouillez le débat, et nous ne pourrons le faire progresser, ce que je regrette profondément. Et si notre amendement est rejeté, ce qui est très probable par les temps qui courent, je me rallierai à toute proposition limitant le cumul !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 414.

M. Jean-Claude Sandrier. Puisque nous nous interrogeons sur le cumul des mandats pour les parlementaires, pourquoi ne pas le faire aussi pour les ministres ? Qu’on le veuille ou non, c’est une question d’efficacité, même si cet argument est souvent mal reçu. Mais ce n’est probablement pas la seule raison.

Par ailleurs, il n’est pas normal, même s’il y a plus de députés présents aujourd’hui que d’autres jours, que nous soyons si peu nombreux dans l’hémicycle pour examiner un texte qui modifie la Constitution de notre pays. Sans doute n’avons-nous pas fait, les uns et les autres, notre travail de mobilisation, mais le nombre de députés présents dans l’hémicycle, s’agissant d’un texte fondamental, pose bien la question du cumul des mandats.

M. Bernard Deflesselles. Vous êtes ce soir le seul membre de votre groupe !

M. Jean-Claude Sandrier. Je rappelle qu’interdire aux ministres de détenir une fonction élective est l’une des propositions essentielles – parmi celles qui, hélas, n’ont pas été retenues – du comité Balladur.

Notre collègue Jean-Christophe Lagarde nous invite à arrêter l’hypocrisie.

M. Jean-François Copé. Nous sommes d’accord, et nous allons vous y aider dans un instant !

M. Jean-Christophe Lagarde. Faites-vous allusion à M. Bocquet ?

M. Jean-Claude Sandrier. Non, je parle de l’hypocrisie de la majorité : il est injuste de demander à ceux qui le réclament de s’appliquer le non-cumul alors que ce n’est pas la règle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Lefebvre. Mme Royal l’a pourtant fait !

M. François Sauvadet. Quel bel exemple !

M. Maurice Leroy. Et M. Brard aussi ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Sandrier. Enfin, une grande majorité de nos concitoyens souhaite la limitation du cumul des mandats. On peut limiter le cumul à deux mandats pour les parlementaires et réfléchir sur la question des fonctions exécutives, mais la fonction de ministre est incompatible avec toute autre responsabilité.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 341 et 414, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 199.

M. René Dosière. Je voudrais évoquer les incohérences qui résultent du cumul des mandats. Supposons, comme cela s’est déjà produit, que le ministre de l’intérieur dirige par ailleurs un exécutif local – maire ou président de conseil général, par exemple. Naturellement, les délibérations de l’instance qu’il préside sont régulièrement visées par le préfet, qui peut être amené à les contester. Or, le préfet est nommé par le ministre de l’intérieur. Quelle marge de manœuvre aura-t-il vis-à-vis d’un élu local qui est également ministre de l’intérieur ? C’est pour éviter de telles contradictions, que les Français ne supportent pas, que les ministres ne doivent pas présider des organes exécutifs locaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 51 rectifié.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un amendement rédigé par M. Dosière : je lui laisse donc, à lui ou à l’un de ses collègues, le soin de le défendre.

M. Christophe Caresche. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai cet amendement.

M. le président. Je vous en prie. Vous avez la parole, monsieur Caresche.

M. Christophe Caresche. J’avoue que j’ai du mal à suivre la majorité sur cette question, et d’ailleurs évoquer la situation des uns et des autres n’honore pas notre débat. Cet amendement, adopté par la commission des lois, reprend dans les mêmes termes une proposition du comité Balladur. Et M. Urvoas a rappelé tout à l’heure que le Président de la République lui-même, dans la lettre qu’il a adressée au Premier ministre, y était favorable. Un certain nombre de personnalités se sont donc prononcées très clairement en ce sens. Je ne comprendrais pas que la majorité, qui a voté cet amendement en commission des lois, ne le vote pas en séance publique.

M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, adopté par la commission, fait l’objet de deux sous-amendements, nos 603 et 528.

Toutefois, avant de donner la parole aux auteurs des sous-amendements, je vais demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement.

Mme la garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 603.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le retire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Le sous-amendement n° 603 est retiré.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir le sous-amendement n° 528.

M. René Dosière. Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement adopté par la commission en ajoutant aux maires des communes de plus de 20 000 habitants et aux présidents de conseil général ou régional toute fonction exécutive au sein d’un établissement public de coopération intercommunale. Ces établissements ne sont pas pris en compte dans les cumuls alors qu’ils ont souvent un poids financier supérieur à celui de nombreuses communes. Si nous adoptions cet amendement, un ministre ne pourrait pas être également président de la communauté urbaine de Marseille… Je cite Marseille car le problème ne se pose pas encore pour le président ou la présidente de la communauté urbaine de Lille ou de Bordeaux – mais il se poserait si nous adoptions cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, comme je suis défavorable aux amendements nos 341, 414 et 199.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable au sous-amendement, comme à l’ensemble des amendements.

M. le président. Je rappelle que nous examinons deux amendements identiques, nos 341 et 414, l’amendement n° 199, qui ont reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, et l’amendement n° 51 rectifié de la commission, auquel le Gouvernement est défavorable. Quant au sous-amendement n° 528, le Gouvernement y est défavorable, ainsi que le rapporteur, à titre personnel.

Sur le vote de l’amendement n° 51 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. J’indique à nos honorables collègues de la majorité que l’amendement n° 51 rectifié, qui fait l’objet par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public, est en tout point similaire à un amendement adopté en commission des lois par une partie de la majorité et l’ensemble de l’opposition.

Il s’agit pour nous d’un amendement fondamental, qui représente un progrès par rapport au statu quo. Si certains jugent qu’il n’a pas une importance considérable, il est tout de même assez significatif. Je préfère vous le dire, c’est un amendement sensible, et le président de la commission souhaite d’ailleurs qu’il soit adopté.Puisque nous voulons étendre les droits du Parlement, je ne peux que vous inciter à suivre la commission, une fois n’est pas coutume, et non le Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà le caporal-chef… Il tient bien ses troupes !

Mme Arlette Franco. Ce n’est pas correct !

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, nous avons, depuis le début de nos débats, trouvé un consensus sur de nombreux sujets. Arrêtons-nous un instant sur ce point précis du cumul, pour que notre débat ne soit pas mal interprété car il ne manquera pas de susciter certains désaccords. M. Montebourg a sans doute voulu faire monter les enchères avant que je prenne la parole. Cela n’a pas lieu d’être, car la question du cumul des mandats n’a rien à voir avec le renforcement du rôle du Parlement, sur lequel d’ailleursnous nous rejoignons.

Si nous semblons désormais nous accorder, monsieur Montebourg, sur la question du cumul des mandats (Sourires), nos familles politiques ont des avis différents. Je voudrais donc vous livrer mon point de vue, comme vous l’avez fait vous-même, afin de le soumettre à votre réflexion.

J’ai entendu plusieurs collègues de l’opposition nous inviter à sortir de l’hypocrisie : je réponds avec enthousiasme à cette invitation. Sortons effectivement de l’hypocrisie !

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez en expert !

M. Jean-François Copé. Je m’adresse aussi bien à mes amis, avec lesquels je partage largement ces convictions, qu’à l’opposition. Il y en France, et dans cet hémicycle, des gens éminemment respectables, qui défendent la thèse tout aussi respectable du mandat unique. Cette thèse, adossée à un raisonnement, trouve à s’appliquer dans d’autres pays, et on en connaît les raisons. Mais je ne suis pas de cet avis. Je pense qu’il faut un encadrement strict du cumul et le limiter à deux mandats : un mandat national et un mandat local. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Christophe Caresche. Il s’agit des ministres !

M. Jean-François Copé. Si vous le permettez, je termine : cela vous permettra de constater, monsieur Caresche, que cela vous concerne aujourd’hui, puisque vous êtes député et élu local, et vous concernera peut-être demain – sait-on jamais ? – , dans un avenir très lointain, si vous devenez ministre.(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jacques Myard. Mais où est M. Ayrault ?

M. Jean-François Copé. Selon moi, ce qui s’applique aux députés et aux élus locaux peut également s’appliquer à la fonction ministérielle. J’apporterai ici un témoignage personnel : j’ai passé cinq ans au Gouvernement et je veux dire à l’ensemble de mes collègues combien j’ai apprécié de pouvoir exercer des responsabilités locales parallèlement à mes responsabilités ministérielles. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je l’assume pleinement et je tiens à dire à mes collègues qu’il est indispensable de pouvoir soumettre à nos administrés, dans les villes dont nous avons la charge, les décisions techniques, voire technocratiques, élaborées dans les ministères parisiens, afin d’en prendre la juste mesure.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Jean-François Copé. Il nous est impossible de le faire sans un mandat local. J’aimerais que vous considériez cette thèse comme aussi respectable que la défense du mandat unique.

Ce qui m’énerve en revanche, c’est de vous entendre nous expliquer, sur les bancs du groupe GDR ou sur ceux du groupe SRC, avec des trémolos dans la voix, que vous êtes pour le mandat unique alors que, dans le même temps, vous fermez les yeux sur ceux de vos amis cumulards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.–Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Le temps est venu de dire la vérité !

Madame Billard, vous savez avec quelle attention je vous écoute défendre des positions, que vous dites « modernes ». J’adore la modernité ! Mais passez donc le message à Mme Voynet !

M. Jean-Pierre Brard. Bonne idée ! (Rires.)

M. Guy Geoffroy. Et à M. Mamère !

M. Jean-François Copé. Car je ne peux pas imaginer que seul M. Brard l’ait fait. Aidez-le ! Çà, monsieur Brard, c’est pour m’avoir gratifié du titre de « caporal-chef » !

Puisque nous en sommes aux leçons de morale, je vous invite tous à réfléchir à ce que doit être notre mission en tant que responsables politiques : nous ne sommes pas là pour nous excuser d’exister, mais pour assumer les missions qui sont les nôtres ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant à vous, monsieur Mamère, qui vous agitez sur votre banc en demandant la parole, je vous rappelle, afin de nourrir votre propos, que vous connaissez bien, vous aussi, le cumul des mandats.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ah oui !

M. Jean-François Copé. Je suis donc persuadé que si vous intervenez, ce sera pour le défendre. Peut-être pourrez-vous nous dire au passage combien vous appréciez d’être également avocat. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous demande, mes chers collègues, de repousser ces amendements qui portent atteinte à ce que notre mission a de plus noble : le service de la nation à Paris, le service des Français au niveau local ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je suis heureux que notre président de groupe, Jean-François Copé, ait si bien parlé, d’autant que je ne suis pas d’accord avec lui ! (Sourires.) Mais il a bien fait de remettre les pendules à l’heure. Comme il l’a souligné, les deux thèses sur le cumul des mandats sont également respectables, et nous ne sommes pas ici pour nous donner des leçons les uns aux autres.

Je participe depuis le début à ce débat, car la Constitution est un sujet fondamental pour nous tous. Je suis fier de pendre part à cette discussion en parlementaire et en homme libre. Je pense depuis bien longtemps, peut-être en raison de mon expérience internationale…

M. Jacques Myard. Ah, ça suffit ! (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Monsieur Myard, un peu de calme, je vous prie !

M. Jean-Pierre Brard. M. Lellouche est toujours aussi modeste !

M. le président. Poursuivez, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche.…que nous sommes un bien étrange pays, puisque nous sommes les seuls au monde à pratiquer le cumul. Jean-François Copé l’a brillamment justifié, mais la commission Balladur a souligné à juste titre qu’il était très difficile de demander à un ministre de se consacrer pleinement à sa fonction tout en lui permettant d’exercer un mandat local.

La modification que nous allons apporter à la Constitution, permettra aux ministres de retrouver leur siège au Parlement et réduira la pression qui pèse sur la suite de leur carrière politique et qu’a évoquée Jean-François Copé. Il sera ainsi plus facile d’interdire de cumuler la fonction ministérielle avec la présidence d’un exécutif municipal, régional ou départemental. Telle est ma position, dont je sais qu’elle n’est pas partagée par tous mes collègues, mais je regretterais que nous ne progressions pas sur ce point. La formule retenue à cet égard par la commission des lois est un assez bon compromis, même si le seuil de 20 000 habitants me semble un peu étrange. L’interdiction du cumul pour les ministres devrait assurément être inscrite dans la Constitution. Je me réjouis toutefois que nous ayons pu, ce soir, avancer dans la discussion.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. La manière dont le président du groupe UMP a abordé ce sujet est tout à fait détestable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-François Copé. En l’absence du président du groupe SRC, monsieur Dosière ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jacques Myard. M. Ayrault a préféré quitter l’hémicycle !

M. Arnaud Montebourg. Il est représenté !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

Veuillez poursuivre, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Je n’en fais pas une affaire personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’ai déjà eu l’occasion de le dire, tant que le cumul n’est pas interdit, il est quasiment obligatoire et, en tout cas, politiquement obligatoire ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Il a raison !

M. René Dosière. Par conséquent, je ne stigmatise aucun de ceux qui le pratiquent. Je regrette que le président du groupe UMP place le débat à ce niveau, car il s’agit d’un débat de principe sur le cumul. Naturellement, si la loi était modifiée, il faudrait en tirer les conséquences.

La question du cumul des mandats pour les parlementaires est trop importante pour être abordée en catimini.

M. Frédéric Lefebvre. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !

M. René Dosière. Nous parlons de l’article 23 de la Constitution, qui précise que la fonction ministérielle est incompatible avec un certain nombre d’activités. Les mandats locaux ne figurant pas parmi celles-ci, nous avons déposé un amendement qui a parfaitement sa place dans ce débat et qui n’est ni hors sujet ni abordé en catimini. Nous sommes au contraire au cœur du débat quand nous disons qu’un ministre ne doit pratiquer le cumul. On peut y opposer nombre d’arguments, mais je pose cette question, à laquelle je ne peux répondre, n’ayant jamais occupé de fonctions ministérielles : comment un ministre peut-il défendre à la fois l’intérêt de la nation et, comme c’est son devoir en tant que membre d’un exécutif local, celui de sa collectivité, qui n’est pas toujours compatible avec l’intérêt général ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Il a raison !

M. René Dosière. J’avoue être un peu surpris que Mme la ministre de la justice ne réponde pas à nos questions sur ce sujet. Elle se contente de lire les notes que ses collaborateurs lui transmettent ou de nous opposer un avis défavorable, sans essayer d’engager le débat.

M. Arnaud Montebourg. C’est juste !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas correct, monsieur Dosière !

M. René Dosière. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous apporte des éléments de réponse plus convaincants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Mes chers collègues, notre débat gagnerait en intérêt si vous en restiez à des considérations générales, au lieu vous en prendre aux uns ou aux autres sur quelque banc que ce soit. Nous sommes ici les législateurs, je vous demande de vous en souvenir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Aussi vais-je m’en tenir, monsieur le président, à des considérations générales, sans répondre aux assertions de Jean-François Copé. Certains d’entre vous, je le sais, vont pousser des cris d’orfraie, parce que c’est un cumulard qui vous parle. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais si nous voulons aborder cette question en évitant la démagogie, le populisme ou les attaques ad hominem,…

M. Claude Goasguen. Voilà « Mamère la vertu » !

M. Noël Mamère.…nous devons considérer que si une réforme des institutions est nécessaire, elle doit passer par une meilleure représentativité du Parlement. Je rappelle que nous avons connu sur la question des OGM, il y a maintenant un peu plus d’une semaine, un accident politique sans précédent depuis plusieurs années. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié.C’était un incident, pas un accident ! Il faut relativiser !

M. Noël Mamère. Nous avons connu un accident politique en débattant d’un problème écologique. Et pourtant, le Parlement ne compte que quatre députés et cinq sénateurs verts. Considérez-vous que le système uninominal majoritaire à deux tours permet une juste représentation de ceux qui ont posé des questions depuis trente ans, lesquelles sont aujourd’hui au cœur des inquiétudes de notre société ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Quelle vertu, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Comme l’a dit tout à l’heure René Dosière, tant que le cumul n’est pas interdit, il constitue un passage obligé pour certains d’entre nous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes deux parlementaires verts à être également maires d’une commune.

M. Richard Mallié. D’une grande ville !

M. Noël Mamère. Par rapport aux nombreux cumulards des autres bancs, n’est-ce pas quantité négligeable ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est deux de trop !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Noël Mamère. La limitation du cumul des mandats est une nécessité démocratique, car c’est une anomalie que de pouvoir être à la fois législateur et membre d’un exécutif. C’est une exception française par rapport aux autres pays de l’Union européenne. Mais on ne peut sérieusement demander la stricte limitation du cumul des mandats…

M. Claude Goasguen. Mamère la vertu !

M. Noël Mamère.…si on ne l’associe pas à l’introduction d’une dose de proportionnelle, laquelle se heurte à vos refus réitérés. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tant que nous n’aurons pas un système électoral permettant d’assurer une juste représentation de toutes les forces politiques, certains d’entre nous seront obligés de cumuler, sauf à se tirer une balle dans le pied et à affaiblir leur parti !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Votre raisonnement est spécieux !

M. le président. Merci, mes chers collègues, de faire des interventions courtes, qui seront d’autant plus claires !

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Il s’agit bien d’une spécificité française, mais au diable cette propension à copier les autres ! Le cumul correspond à un fait sociologique parfaitement admis, car la République a tout à y gagner. Garder les pieds dans un terroir et venir ici en tant que législateur évite de s’en tenir à la théorie et aux principes, grâce à une meilleure connaissance du terrain.

J’appelle votre attention sur un fait d’importance. Je connais suffisamment de parlementaires étrangers pour savoir qu’ils sont totalement soumis à leur parti. L’interdiction du cumul renforce les appareils, au détriment de la représentation du peuple, que vous prétendez incarner. Qu’il s’agisse de la Constitution allemande ou de la Constitution anglaise, s’il n’a aucune d’assise, un parlementaire est totalement soumis à son parti – je pense à la CDU ou au Labour. En interdisant le cumul, loin de renforcer les pouvoirs du Parlement, on l’affaiblit au profit du fait majoritaire !

M. le président. Sur ces amendements en discussion commune, six orateurs se sont exprimés. L’Assemblée est suffisamment informée.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements identiques nos 341 et 414.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Les amendements identiques nos 341 et 414 sont rejetés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 199.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 528.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 51 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 51 rectifié est rejeté.

M. Jean-Pierre Brard. Nous progressons ! (Sourires.)

Article 9

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 9.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L’examen de l’article 9, relatif aux missions et à la composition du Parlement, me donne l’occasion d’aborder la question – que je n’avais pas pu, faute de temps, évoquer dans la discussion générale – du cumul du mandat de député avec d’autres mandats électifs.

Un député est l’élu de la nation et doit défendre l’intérêt général, tandis que l’élu local défend un territoire. Et lorsque les intérêts de l’un et de l’autre ne coïncident pas, on constate – je parle d’expérience – que le point de vue local tend à l’emporter. S’il est aussi difficile, dans cette assemblée, de procéder à une vraie réforme de la fiscalité locale, entre autres,…

M. François Sauvadet. Mais non !

M. René Dosière. …c’est parce que l’intérêt général n’est pas nécessairement compatible avec les intérêts particuliers. Les exemples ne manquent pas.

Je le répète : mon propos n’est pas de stigmatiser les élus qui, en l’absence de loi et en fonction des circonstances locales, optent pour une formule plutôt qu’une autre. Je n’ai ainsi jamais reproché à un élu local qui cumule les mandats de défendre les intérêts de son territoire. Ce serait même paradoxal s’il ne le faisait pas ; n’a-t-il pas été élu pour cela ? Chacun s’organise donc comme il l’entend, mais il n’en demeure pas moins que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. La solution est de progresser sur la voie du non-cumul. Pour paraphraser la célèbre formule de Caton l’ancien, delenda est cumulatio ! (Sourires.)

M. le président. Je vous fais observer, monsieur Dosière, que l’article 9 ne traite pas du cumul des mandats.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. La question de la représentation des Français de l’étranger reste peu évoquée, et quand elle l’est, c’est dans une relative indifférence. Elle me paraît pourtant importante, et je regrette que nous ne connaissions rien des projets du Gouvernement dans ce domaine.

L’idée de permettre à des députés de représenter ces Français établis hors de France est intéressante, mais le comité Balladur l’avait jugée difficile à mettre en œuvre en considérant que « s’il fallait assurer l’élection de députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. » Est-ce l’intention du Gouvernement, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre ?

Le comité note par ailleurs que cette solution supposerait l’élection d’une vingtaine de députés au moins. Combien de circonscriptions entendez-vous donc consacrer à la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, sachant qu’un amendement que l’Assemblée va sans doute bientôt adopter prévoit de maintenir inchangé le nombre de députés – ce qui est à mes yeux une bonne chose ? Et le comité Balladur de conclure : « compte tenu des contraintes qui ont été rappelées quant à l’impossibilité d’augmenter le nombre de députés et aux difficultés inhérentes aux opérations de découpage des circonscriptions, il est apparu qu’il était inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l’étranger ». J’aimerais donc savoir comment le Gouvernement compte lever tous ces obstacles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. À propos de l’article 9, relatif aux missions du Parlement, il convient de rappeler la réponse faite en 1958 par Michel Debré lorsqu’on lui demandait de résumer la Constitution en une phrase : « un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second ».

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson. Cette structure me paraît devoir être maintenue…

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Jean-Pierre Soisson. …tant elle résume l’esprit de nos institutions.

M. Jacques Myard. Et leur efficacité !

M. Jean-Pierre Soisson. Dans la mesure où les réformes constitutionnelles précédentes comme la pratique ont renforcé les pouvoirs du Président de la République, il est normal qu’une modernisation des institutions nous conduise à renforcer les pouvoirs du Parlement. Sans remonter à Carré de Malberg et à son ouvrage de référence qu’est la Contribution à la théorie générale de l’État, parue en 1920 – la réédition de 2004 est anecdotique –, je voudrais rappeler que le comité Vedel, en 1993, avait déjà fait des propositions dans ce sens, que le comité Balladur n’a fait que reprendre. Nous devons donc tendre vers un Parlement aux pouvoirs renforcés. À cet égard, certains amendements présentés par la commission et par l’opposition vont le bon sens.

Deuxième observation : une réforme de la Constitution doit être votée par le Congrès, ce qui implique qu’elle soit acceptée par l’opposition. Nous devons donc parvenir à un texte susceptible de recevoir son accord. C’est la raison pour laquelle j’ai voté tout à l’heure l’amendement de M. Montebourg tendant à limiter le cumul des mandats. De même, nous devrions tous voter l’amendement de M. Ollier qui prévoit que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques.

En résumé, renforcer les pouvoirs du Parlement et trouver un accord avec l’opposition sont les deux principes majeurs qui devraient nous guider dans cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je souhaite saisir l’occasion de la discussion sur l’article 9 pour revenir sur la question du mode de scrutin sénatorial et sur les missions qu’il convient, à nos yeux, de confier à la Haute assemblée.

Le projet de loi constitutionnelle répond, dites-vous, à « la volonté de bâtir une démocratie plus équilibrée ». Pourquoi, dès lors, avoir exclu le Sénat du chantier de votre réforme ? Il y a pourtant, pour paraphraser Jaurès, un intérêt capital à ce que cette institution soit en harmonie avec la démocratie. Or tel n’est pas aujourd’hui le cas, c’est un euphémisme que de le souligner. La majorité sénatoriale le reconnaît elle-même lorsqu’elle admet – certes du bout des lèvres – la nécessité d’une « autoréforme » – est-ce possible, d’ailleurs ? – visant en particulier le mode de scrutin.

Ce mode de scrutin est encore excessivement marqué par la surreprésentation des zones rurales sur les zones urbaines, en méconnaissance des évolutions intervenues ces dernières décennies et des réalités démographiques actuelles. Nous le savons, si le statu quo est maintenu, c’est parce que le Gouvernement et la majorité actuelle entendent conserver un bastion historique et y interdire toute alternance politique.

M. Chartier nous invitait, dans la discussion générale, à nous montrer digne de notre République. Mais précisément, est-il digne de refuser toute réelle démocratisation du mode d’élection des sénateurs pour des motifs étrangers à l’intérêt général ?

Par-delà l’exigence d’une démocratisation du processus législatif qu’emporterait la refonte du scrutin sénatorial, la question se pose du rôle joué par le Sénat. Celui-ci n’a pas seulement vocation, pensons-nous, à demeurer l’assemblée représentative des collectivités locales, mais aussi – pourquoi pas ? – à devenir la chambre de l’initiative législative et de la participation citoyenne. Saisi en priorité des initiatives d’ordre législatif des collectivités locales ou de nos concitoyens, il jouerait ainsi un rôle beaucoup plus important que celui, purement instrumental, que lui confèrent actuellement nos institutions.

Il conviendrait donc de réunir rapidement un groupe de travail mixte – Assemblée nationale, Sénat – pour redéfinir les missions et le mode d’élection des sénateurs et poser aussi la question de l’abrogation de leur droit de veto totalement suranné sur les textes de loi organique et de révision de la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Notre excellent collègue, M. Soisson, est un conservateur, chacun le sait. Il approuve votre texte, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, parce qu’il ne change rien sur le fond. Vous pouvez, en effet, y ajouter toutes les fariboles que vous voulez : sa mise en œuvre est bloquée par le fait majoritaire ! On l’a constaté lors de l’examen du texte sur les OGM, monsieur le secrétaire d’État – et vous êtes un expert, vous savez que je dis vrai – dès lors que l’un de nos collègues de la majorité bouge une oreille, on le rappelle à l’ordre. Nous n’avons d’ailleurs pas revu depuis M. Grosdidier et je ne sais pas ce qu’est devenu le sénateur Le Grand !

M. Pierre Lellouche. Il est en Sibérie ! Karoutchi s’en est occupé personnellement ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg. Il est dans les mines de sel de l’UMP ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je ne sais pas s’il a été déporté au Kamchamka !

M. le président. Restez-en au fond du sujet. Monsieur Brard, vous n’avez pas l’habitude de vous écarter de l’objet de vos interventions !

M. Jean-Pierre Brard. Jamais, vous avez raison ! (Sourires.)

Pour renforcer les pouvoirs du Parlement et s’assurer que les nouvelles prérogatives accordées jouent à plein, il faudrait faire disparaître le fait majoritaire, ce à quoi vous ne voulez pas consentir. Pourtant, nous avons, vous le savez, l’un des systèmes les plus autoritaires de l’Union européenne. Quand nous regardons au-delà de nos frontières, nous constatons que d’autres expériences fonctionnent bien.

D’habitude, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, vous nous emmenez volontiers à l’étranger !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Non, je ne voyage pas !

M. Jean-Pierre Brard. Dès qu’il s’agit de démanteler le droit social, par exemple, vous sélectionnez des expériences, afin de prouver qu’il est des meilleures pratiques à l’étranger.

M. Alain Gest. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous invite donc à vous rendre chez nos voisins allemands, par exemple, où le système est incontestablement plus démocratique. Nous en reparlerons.

Tant que le fait majoritaire demeurera à l’Assemblée nationale, nous n’aurons pas de Parlement véritablement démocratique. On nous dit que le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. En matière financière, les députés, à l’exception notable du président de la commission des finances et du rapporteur général – qui, j’en suis sûr, ne seraient pas marris de partager ce privilège avec les 575 autres députés de l’Assemblée nationale ! – se voient opposer le secret fiscal et ne disposent donc pas de droit de contrôle.

Quant au Sénat, vous nous dites qu’il assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population. Expliquez-nous ce que cela signifie ! S’agit-il d’introduire une sorte de mandat impératif, ou d’écouter les conversations au bistrot, le dimanche matin, après la messe ? Une législature ne peut pas ignorer ce qui a été fait par la précédente : rappelez-vous ainsi la réforme Raffarin sur la décentralisation.

M. le président. Il va vous falloir conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.

On nous a fait adopter un texte qui prévoit que les projets de loi touchant les collectivités territoriales devront nécessairement commencer leur parcours parlementaire par le Sénat. Ainsi, un gouvernement de gauche qui reviendrait demain au pouvoir et qui voudrait modifier en profondeur les collectivités territoriales se verrait opposer le droit de veto laissé au Sénat, l’Assemblée nationale ne pourrait alors s’en saisir.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. L’article 9 est important, non pas tant dans les déclarations générales sur le rôle du Parlement qu’il fait entrer dans la Constitution, mais parce qu’il précise enfin à quoi sert le Parlement. Il était tellement minoré dans la Constitution de 1958 qu’on préférait n’en parler qu’à travers sa représentativité. Les parlementaires sont enfin chargés de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement. De ce point de vue, l’opposition n’a rien à ajouter.

En revanche, il innove sur deux points essentiels sur lesquels nous vous demandons, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, de nous préciser vos intentions ou de nous expliquer le sens de ces deux paragraphes qui changeront, dans un sens positif ou négatif, la face de la représentation nationale.

Il est tout d’abord précisé – et c’est une novation par rapport au texte de 1958 – que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales – c’est le texte actuel – mais en tenant désormais compte de la population. L’avant-projet de loi soumis au Conseil d’État était rédigé différemment. Il précisait ainsi que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction de leur population », ce qui renvoyait à l’idée de proportionnalité. Or quelque conseiller d’État, sensible au désir d’atténuation du Gouvernement, a permis de parvenir à une rédaction qui, contrairement à ce qui nous a été affirmé lors de la présentation de notre proposition de loi par Bernard Roman, nous donne à penser que la modification du collège électoral du Sénat est inscrite dans la Constitution. Je rappelle que Mme Alliot-Marie nous a opposé qu’il était absolument impoli de déposer une proposition de loi sur le mode de scrutin du Sénat, car il revenait aux sénateurs de dire ce qu’ils voulaient pour eux-mêmes ! Il y aurait ainsi, dans la Constitution, des espèces de « zones réservées » qui appartiendraient à telle institution qui ne pourrait légiférer que pour elle-même !

M. Jean-Pierre Brard. Dans l’immédiat, oui !

M. Arnaud Montebourg. La Constitution appartient à tous et le Sénat encore à tous les Français, même s’il en représente bien peu ! Permettez-nous donc de répondre aujourd’hui à Mme Alliot-Marie qui ne nous a guère écoutés !

Monsieur le président, vous avez dit, à propos de la proposition de loi relative au temps de parole du Président de la République, et que nous avons présentée dans le cadre de nos niches parlementaires, qu’on l’avait balayée de façon un peu expéditive. C’est encore plus grave, s’agissant du Sénat !

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, comment, puisque c’est inscrit dans la Constitution, allez-vous faire évoluer le collège électoral des sénateurs ? Si l’œil aiguisé du Gouvernement parcourt le projet de loi soumis à notre discussion jusqu’à l’article 34, il peut y lire que : « Les dispositions de l’article 24 de la Constitution relatives à l’élection des sénateurs, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent à compter du deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant la publication de cette loi constitutionnelle. » Il y a donc bien un projet en préparation, puisque ces nouvelles mesures, aux termes des dispositions transitoires du projet de loi, s’appliqueront avant 2011. Cependant, nous ne les connaissons pas. Nous ne savons pas quelles sont les intentions du Gouvernement et de la droite sénatoriale affiliée à l’UMP.

Nous voulons obtenir des précisions. Je demande donc solennellement à Mme Dati et à M. Karoutchi de s’exprimer et de nous éclairer sur leurs intentions.

Le second point a été soulevé par Christophe Caresche.

M. le président. Il faudra le développer rapidement parce que votre temps de parole est presque écoulé.

M. Arnaud Montebourg. Je termine, mais le sujet est d’importance.

Il s’agit de l’affaire des Français de l’étranger. On nous dit qu’il y aura vingt ou douze députés de plus. Il faudrait tout de même que nous sachions combien ! Excusez-nous, chers collègues de toutes sensibilités, mais il est assez extraordinaire de n’avoir pour seule réponse, lors d’un débat sur la révision de la Constitution, que quelques mots sibyllins du Gouvernement, quand il veut bien se lever et nous parler ! Donc, nous implorons les représentants du Gouvernement : qu’il réponde aux questions de la représentation nationale qui, aujourd’hui, agit en tant que constituant !

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure.

M. Arnaud Montebourg. J’ajouterai un dernier mot. Je n’abuserai pas, croyez-le, de votre tolérance, monsieur le président !

S’agissant de l’affaire des Français de l’étranger, nous aurons donc au minimum douze députés qui seront élus dans des circonscriptions à vocation territoriale, selon un découpage dont nous ignorons les modalités. On me dit de ne pas m’inquiéter puisque nous avons été majoritaires au Canada. Ah, si la circonscription va jusqu’à la Suisse, je crains le pire !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Montebourg avant que je ne donne la parole à l’orateur suivant !

M. Arnaud Montebourg. Nous attendons donc des réponses à nos questions. Qu’allez-vous faire et dans quel but ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je rappelle à certains orateurs qu’ils ne sont pas obligés d’utiliser tout leur temps de parole. Plus l’intervention est courte, monsieur Montebourg, plus elle est percutante.

M. Jean Leonetti. Eh oui !

M. Jean-François Copé. Nous avions compris dès la première phrase !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour une brève intervention.

M. Noël Mamère. Cet article est en effet très important. Il ne concerne pas simplement le mode d’élection du Sénat, mais également le rôle, d’ailleurs très limité, de l’Assemblée, tel qu’il est aujourd’hui défini par la Constitution qui lui reconnaît un pouvoir de contrôle du Gouvernement, mais qui ne précise rien quant au contrôle de l’administration et à l’évaluation des politiques publiques, attributions pourtant normales d’un parlement vivant !

Je rejoins les arguments de mon collègue Montebourg en ce qui concerne le Sénat. C’est, en effet, un petit progrès que de voir inscrit dans la Constitution que la composition du Sénat tiendra compte de la population. Mais comment allez-vous mettre cette disposition en œuvre ? Derrière cette question, se pose celle de l’élection des sénateurs à la proportionnelle, ce que nous n’arrêtons pas de marteler avec les Verts depuis de longues années ! Que je sache, il n’est pas écrit sur le frontispice du Sénat, rue de Vaugirard, « Maison réservée à la droite » ! Il ne me semble pas que ce doive être une constante de la République ! Pour employer un mot à la mode dans votre jargon depuis quelques mois, puisque dès que vous nous présentez un projet de loi, vous dites qu’il est équilibré, il n’y aura donc pas de rééquilibrage entre l’Assemblée nationale et le Sénat tant qu’il n’y aura effectivement pas de possibilité de renouvellement du Sénat et d’alternance. Il n’y a pas non plus de rééquilibrage dans votre projet entre l’exécutif et le législatif.

Quant au vote des étrangers, pardonnez-moi de reprendre une expression qui pourrait tout à fait s’appliquer ici : il y a là un habile dosage entre le clientélisme et la république bananière ! On fait plaisir à ses affidés ! Cette situation est encore une exception française qui ne ressemble pas à ce que nous voulons !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je serai bref.

Le fond de cette réforme est simple : donner plus de pouvoirs au Parlement.

M. Noël Mamère. C’est raté !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je comprends que certains veuillent plus et posent des conditions ou émettent un certain nombre de critiques qui n’ont rien à voir avec la révision constitutionnelle.

M. Jean-Claude Sandrier. Avec la Constitution, si !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Nous avons déjà débattu sur les mêmes thèmes avant l’article 1er. Nous avons déjà alors traité du mode de scrutin au Sénat, du droit de vote des étrangers, du cumul des mandats, entre autres. Nous y revenons aujourd’hui. C’est votre droit le plus strict, à ceci près, vous-même d’ailleurs le répétez souvent, que la Constitution, c’est la maison commune, un cadre qui dépasse celui de la loi : il faut être le plus consensuel possible si l’on veut la réformer. Je comprends que l’on soit tenté de réclamer telle ou telle disposition ; mais, dans la mesure où l’on sait qu’elle n’obtiendra pas la majorité des trois cinquièmes, c’est une façon de dire que l’on ne veut pas réformer du tout.

C’est le droit de chacun, l’expression est libre, mais il faut en être conscient.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous avez raison ! Sinon, c’est de la pure hypocrisie !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Nous avons besoin d’avancer. L’objectif de l’article 9 est de réaffirmer ce que sont les pouvoirs traditionnels légitimes du Parlement. Certains veulent aussi qu’il puisse concourir à l’évaluation des politiques publiques, ce qui est un élément nouveau et fort. Nous accepterons un certain nombre d’amendements en ce sens.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Nous débattrons de la question de savoir si cela participe d’un renforcement des pouvoirs du Parlement.

Vient ensuite une série d’amendements qui tendent à ajouter une dose de proportionnelle, plus ou moins forte, pour les élections à l’Assemblée. Nous avons déjà expliqué que nous n’étions pas en situation d’aboutir à un accord pour ce faire faute de consensus sur ce point. Par conséquent, c’est non !

M. Jean-Pierre Brard. On peut aller se coucher !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pas du tout, monsieur Brard. L’enjeu est d’accroître les pouvoirs pour le Parlement, non de chercher à faire le débat à l’extérieur.

Sur le mode de scrutin du Sénat, nous avons déjà répondu avant l’article 1er, nous vous referons le même type de réponse tout à l’heure.

Sur la représentation des Français de l’étranger, je ne sais pas d’où sort le chiffre de vingt qui a été avancé.

M. Christophe Caresche. Des conclusions du comité Balladur…

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Nous débattons du texte du projet de révision, pas du texte du comité. Deux millions de Français habitent à l’étranger, dont 1,3 ou 1,4 million sont immatriculés dans les consulats. Globalement, par rapport à ce que sera la taille des circonscriptions métropolitaines classiques, cela correspond à une douzaine de députés, entre dix et douze. Quant à vouloir déjà savoir s’il y aura une circonscription allant du Canada à la Suisse, pour savoir si les amis de M. Montebourg…

M. Jean-Pierre Brard. Y en aura-t-il une au Tibet ? (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je ne suis pas sûr.

Nous l’avons déjà dit plusieurs fois : une loi organique précisera à la fois le nombre exact et le mode d’élection des députés concernés.

L’article 9 est donc un « plus », d’autant qu’il permettra, grâce aux modifications que nous allons accepter, au Parlement de concourir à l’évaluation des politiques publiques. Si vous voulez relancer le débat sur tous les thèmes que nous avons abordés avant l’article 1er, à votre guise ; mais, sincèrement, cela ne fait pas progresser le débat constitutionnel.

M. le président. Nous allons maintenant passer à l’examen des vingt-sept amendements à l’article 9.

M. Jean-Marc Ayrault. J’ai demandé la parole.

M. le président. Monsieur Ayrault, un grand nombre d’entre vous souhaitent prendre la parole, mais les orateurs inscrits sur l’article se sont exprimés et il n’est pas prévu dans ce cas que l’on réponde au Gouvernement. Vous pourrez intervenir à l’occasion des amendements qui suivent. Je ne fais qu’appliquer le règlement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Afin que celles et ceux qui n’ont pas assisté aux travaux de la commission soient parfaitement informés, je voudrais leur faire part des précisions que nous a apportées le Gouvernement.

Celui-ci nous a indiqué que le nombre de députés des Français de l’étranger serait au maximum de douze. On tiendra compte du nombre d’immatriculés dans les consulats, sur le territoire français, sur les données du recensement. Ces députés seront élus avec le même mode de scrutin que tous les autres, c’est-à-dire un scrutin majoritaire à deux tours.

M. le président. Monsieur Ayrault, je suppose que vous voulez prendre la parole pour un rappel au règlement. Vous le connaissez mieux que quiconque…

M. Jean-Marc Ayrault. Moins que vous, monsieur le président.

M. le président. Il y en a eu sept interventions sur l’article, le Gouvernement a répondu et vous voulez lui répondre.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je n’ai pas encore dit un mot et vous me faites un procès d’intention.

M. le président. Nous sommes assez nombreux ce soir, et c’est une chance, mais nous sommes en train de démontrer que, lorsque nous sommes en nombre, nous n’arrivons pas à avancer parce que le règlement n’est pas respecté.

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. le président. Mais puisque vous voulez faire un rappel au règlement, je vous donne la parole, monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, ce commentaire préalable à mon intervention était inutile. Je n’avais pas l’intention de faire un rappel au règlement ni de répondre au Gouvernement puisqu’il ne répond pas. Je vous demande seulement une suspension de séance pour réunir mon groupe. Et ça, c’est conforme au règlement !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux amendements à l’article 9.

Je suis saisi d’un amendement n° 159.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Je souhaite la suppression de l’article 9. Non seulement le premier alinéa du texte proposé pour l’article 24 de la Constitution n’apporte pas grand-chose en disposant que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement alors que les articles 49 et 50 y font déjà référence ; mais quelque chose qui me gêne fondamentalement dans le libellé de cet article. Je me demande si nous ne sommes pas en train de répéter les erreurs italiennes. Le Sénat représente les territoires ; mais vous ajoutez la notion de population. Or c’est l’Assemblée qui représente le plus correctement possible la population. C’est à mon sens une erreur fondamentale de vouloir aligner le mode de désignation des sénateurs sur les critères qui préside à l’élection de l’Assemblée nationale. Le Sénat a une autre destination, qui est la représentation des territoires. Ceux-ci ne peuvent être représentés dans les mêmes conditions à l’Assemblée nationale depuis qu’une décision du Conseil constitutionnel a clairement indiqué que les circonscriptions devaient être homogènes du point de vue démographique. Ce point me paraît très important.

Assurer la représentation des Français de l’étranger à travers de grandes circonscriptions procède peut-être d’une intention louable, mais le découpage de telles circonscriptions, qui devront être cohérentes au niveau planétaire, constituera un véritable défi tant elles seront gigantesques. Il faudra, monsieur le président, prévoir beaucoup de billets d’avion afin que ces députés puissent se balader du Canada à la Suisse pour aller à la rencontre de leurs électeurs… Je me demande si ce n’est pas mettre la barre trop haut. Voilà pourquoi je trouve inutile de faire entrer dans la Constitution des éléments de cette nature.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut dire pourquoi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 159.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 52, 2, 39, 5, 283 et 415, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 52, 2 et 39 sont identiques.

Les amendements nos 5 et 283 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 52.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le rôle du Parlement est effectivement de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement, comme le précise le texte du Gouvernement. Mais il manque à nos yeux une fonction essentielle, amenée de surcroît à se développer dans les mois et les années à venir : le fait de concourir à l’évaluation des politiques publiques. Cet amendement vise à établir ce troisième rôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche et M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 2 de M. François Copé est défendu, de même que l’amendement n° 39 de M. Apparu.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. En effet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois premiers amendements ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 5

M. Didier Migaud. Même s’il n’a pas tout à fait la même rédaction que les précédents, cet amendement, signé par tous les membres du bureau de la commission des finances, a le même esprit.

Il est vrai qu’à côté du vote de la loi et du contrôle de l’action du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques fait aussi partie de nos fonctions, et prend même de plus en plus d’importance.

Nous n’en avons certes pas le monopole, le Gouvernement gardant la faculté d’évaluer ces politiques, ainsi que la Cour des comptes. Il me paraît cependant essentiel que la Constitution précise que le Parlement évalue également les politiques publiques, sachant que cette évaluation n’a pas qu’une dimension budgétaire ou financière : le Parlement peut ainsi évaluer une politique pénale, sans se contenter d’apprécier son efficacité au regard de nos finances publiques. C’est ce qui rend nécessaire cette nouvelle rédaction.

M. le président. L’amendement n° 283 est-il défendu, monsieur Le Bouillonnec ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voulais simplement indiquer au nom de notre groupe, monsieur le président, que la différence essentielle avec les amendements précédents réside dans l’emploi du verbe « contribuer » plutôt que « concourir ».

M. Michel Bouvard. « Contribue » est mieux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’exposé des motifs de l’amendement du rapporteur justifie l’emploi du verbe « concourir » par le fait que le Parlement remplit cette fonction au même titre que le Gouvernement ou d’autres structures. Mais je ne vois pas que le verbe « contribuer » exclue ces autres évaluations. Je crois même que ce verbe exprime davantage la coparticipation à l’évaluation de l’action publique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 415.

M. Jean-Pierre Brard. Notre amendement n’est pas tout à fait semblable aux précédents, monsieur le président.

M. le président. Je n’ai pas dit que c’était le même, monsieur Brard, mais qu’il était soumis à la même discussion.

M. Jean-Pierre Brard. Bah ! Pourquoi pas ?

Par l’article 9, monsieur le secrétaire d’État, vous entendez définir constitutionnellement les missions du Parlement. Faisons-le donc sans nous restreindre afin que, comme vous le souhaitez, son rôle soit véritablement réaffirmé.

Soyons clairs : le Parlement ne doit pas être qu’une machine à enregistrer des lois. Il doit au contraire pouvoir contrôler le Gouvernement, mais également l’administration – ce que vous appelez « évaluer les politiques publiques » – tout en ayant les moyens d’évaluer les résultats de ces politiques publiques et en s’assurant de la bonne application de la loi.

Par ailleurs, et nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 13, les questions internationales n’étant pas sans conséquence sur la politique intérieure de notre pays, il est essentiel de préciser dans la Constitution que le Parlement est obligatoirement informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international.

Afin de vous convaincre définitivement, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, de la nécessité d’adopter cet amendement, je voudrais évoquer un exemple, que vous connaissez, de ce qu’est déjà l’évaluation parlementaire, avant même la réforme constitutionnelle. La commission des finances, grâce au zèle et au dynamisme sans bornes de son président,…

M. Michel Bouvard. Et de son rapporteur général !

M. Jean-Pierre Brard. …s’est déjà intéressée à l’emploi de l’argent public, en ce qui concerne notamment la cession du Centre des conférences internationales de l’avenue Kléber. M. Michel Bouvard, qui a été de ceux qui ont suivi cette affaire, pourra vous dire qu’elle a donné lieu à une gabegie invraisemblable : 400 millions d’euros se sont volatilisés… Vous me direz que c’est beaucoup moins que les cinq milliards perdus par M. Bouton, mais quand même !

M. Michel Bouvard. Il a raison.

M. Jean-Pierre Brard. Les collègues de la commission qui ont entendu le haut fonctionnaire en cause pourront témoigner de la leçon qu’il en a tiré : il fallait faire appel à des gens compétents pour traiter ce genre de questions. Il s’agissait en quelque sorte d’une action de formation du fonctionnaire en question, qui ne nous aura coûté que 400 millions d’euros…

M. Marc Francina. Vous êtes un expert !

M. Jean-Pierre Brard. Si je cite cet exemple, monsieur le secrétaire d’État, c’est qu’il démontre qu’une évaluation qui n’entraîne aucune conséquence revient à enfiler des perles sans jamais en faire un collier.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je ne vois pas le rapport.

M. Jean-Pierre Brard. Ah non ? Quatre cent millions d’euros d’argent public se sont tout de même évaporés dans cette affaire, sans que les responsables de ce gaspillage n’aient eu à rendre de comptes, sans que personne n’ait été sanctionné ! Notre évaluation n’a donc entraîné aucune conséquence.

Si votre texte officialise ces évaluations parlementaires, il n’y attache toujours aucune conséquence. Comme dirait M. Myard, tout ça ne change pas grand-chose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois derniers amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Étant favorables aux amendements identiques à celui de la commission, nous ne pouvons qu’être défavorables aux autres. Cela étant dit, monsieur le président, nous sommes d’accord avec la commission des finances : sur le fond, nous allons tous dans le même sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Même avis que la commission des lois. Nous venons de donner notre accord aux trois amendements par lesquels le Parlement « concourt » à l’évaluation des politiques publiques. Je reconnais bien volontiers que le verbe « contribuer » retenu par la commission des finances se défend, mais il fallait choisir et nous avons décidé de soutenir la notion de concours.

L’amendement n° 415 est satisfait pour l’essentiel par l’ensemble du projet. Quant à la précision que le Parlement « est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international », elle n’est pas nécessairement de niveau constitutionnel, même si elle est déjà réalisée dans la pratique. D’où un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Notre groupe est profondément attaché à cette disposition. Il s’agit d’un des amendements clés que nous avons déposés dans le cadre de cette discussion, et il est le résultat d’un travail très approfondi pour imaginer cette mission nouvelle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Si elle s’inscrit dans le prolongement de ce qui se fait déjà, notamment des fameuses missions d’évaluation et de contrôle, elle va plus loin. Nous voulons en effet garantir une transversalité du contrôle et de l’évaluation : le Parlement ferait de l’étude d’impact, en amont de la loi, du contrôle d’application durant sa mise en œuvre, de l’évaluation a posteriori enfin.Nous avons naturellement la volonté d’associer l’ensemble des commissions à ces travaux par le biais d’un comité transversal, qui pourrait réunir l’ensemble des présidents de commission et des parlementaires de toutes les sensibilités.

Il est indispensable en effet que le contrôle et l’évaluation procèdent d’une logique transpartisane, et que la majorité et l’opposition travaillent ensemble à cette mission nouvelle, comme cela se passe dans les autres grands parlements du monde. De ce point de vue, chers collègues socialistes, je rejoins volontiers M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État pour dire que le verbe « concourir » est plus fort que le verbe « contribuer », en ce qu’il traduit plus clairement la mission qui est la nôtre.

M. Jean-Pierre Soisson. Le droit public emploie le verbe « concourir » et non « contribuer ».

M. Jean-François Copé. Dans cette mission, nous serions naturellement conduits à nous appuyer sur l’expertise de la Cour des comptes, des corps d’administration, voire de cabinets privés sous contrat le cas échéant.

M. Jean-Pierre Brard. Manquait plus que ça !

M. Jean-François Copé. Ce serait en tout cas une bonne manière de donner un nouvel élan aux rapports entre le Parlement et le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’utiliserai, monsieur le président, une formule souvent employée par notre collègue François Bayrou pour définir la pertinence des verbes utilisés dans la rédaction de la loi. L’amendement n° 415, qui a recueilli un avis défavorable, ne parle ni de concours ni de contribution, mais de contrôle, puisqu’il vise à préciser que le Parlement « contrôle l’administration, contrôle et évalue les politiques publiques, s’assure de l’exécution des lois, et est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international. »

M. Jean-Pierre Soisson. Il ne contrôle pas seul !

M. Michel Bouvard. Contrôler et évaluer, ce n’est pas pareil !

M. Noël Mamère. Cette formulation simple nous évite d’avoir à choisir entre la notion de concours et celle de contribution, et c’est pourquoi il me semble que nous devrions retenir cet amendement.

Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, que vous nous avez accusés de refuser tout consensus parce que nous n’avions pas envie de voter ce projet de réforme constitutionnelle.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je n’ai jamais dit cela !

M. Noël Mamère. Vous avez la mémoire bien courte, monsieur le secrétaire d’État… Il y a à peine vingt minutes, nous avons proposé à l’Assemblée un amendement adopté par la commission des lois et le rapporteur ; le Gouvernement l’ayant refusé, la même majorité qui l’avait accepté en commission l’a repoussé en séance plénière ! Il ne faut donc pas dire que c’est sur les bancs de l’opposition que se dressent des obstacles à tout compromis sur ce projet de réforme. En réalité, jour après jour, nuit après nuit, c’est vous qui ne cessez d’accumuler les blocages.

Il vous serait très facile d’accepter les trois amendements que nous avons présentés. Refuser le n° 415 est encore une manière de limiter le rôle du Parlement à une sorte de contribution ou de concours à l’évaluation et au contrôle des politiques publiques, alors qu’il a précisément pour mission d’évaluer et de contrôler.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous retirons l’amendement n° 283 pour nous rallier à ceux dont le texte utilise le terme « concourt ».

M. Jean-François Copé et M. Jean-Pierre Soisson. Merci !

M. le président. L’amendement n° 283 est retiré.

Souhaitez-vous également retirer votre amendement n° 5, monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud. Oui, monsieur le président. « Concourt » ou « contribue » sont au demeurant des termes assez équivalents. L’important est que l’on puisse reconnaître au Parlement cette compétence sans pour autant la mettre sur le même plan que le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement, qui relèvent du monopole du Parlement. L’évaluation des politiques publiques est en effet une compétence partagée.

M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Didier Migaud. Si le Gouvernement et la Cour des Comptes, dont c’est la raison d’être, peuvent évaluer les politiques publiques, le Parlement le peut aussi. L’essentiel est donc surtout de ne pas mettre ces éléments sur le même plan. Enfin, nous aurons vraisemblablement l’occasion de revenir sur le contrôle et l’évaluation, qui ne sont pas seulement une question de textes ni de droit, mais surtout de volonté.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Monsieur Brard, voudriez-vous retirer l’amendement n° 415 que vous venez de soutenir ?

M. Jean-Pierre Brard. Je tiens au contraire à le confirmer – ils sont en discussion commune, vous-même l’avez précisé. Grâce à vous, monsieur Copé, nous avons déjà les pouvoirs d’évaluation de la Cour des comptes. Or vous n’en faites rien.

M. le président. Nous avons déjà, depuis le début de la législature, un comité d’évaluation et de contrôle que nous avons créé ensemble et doté de moyens – et dont j’attends encore, d’ailleurs, la désignation de certains membres.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 52, 2 et 39.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 415 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 416.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il est dommage que mon amendement soit tombé, car c’est tout de même celui qui tenait le mieux debout ! (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d’État, la Ve République, par le biais du parlementarisme organisé, rationalisé, encadré, corseté – comment faut-il dire ? – a souvent relégué les assemblées dans un rôle mineur, à tel point que leur rôle n’était jusqu’alors pas défini par la Constitution. Vous avez choisi d’y remédier avec l’article 9, mais la rédaction que vous nous proposez ne revient que sur le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement, ce qui ne peut nous suffire. Le Parlement doit pouvoir conduire la politique économique et sociale du pays en fonction de ses choix, en accord avec le Premier ministre et son gouvernement émanant de notre assemblée.

Cela pourrait se vérifier dans la forme actuelle de nos institutions, à cela près que l’omnipotence présidentielle soumet le Parlement à son bon plaisir. Sous couvert d’une simple ratification de la pratique existante, on assiste à un véritable bouleversement de tout l’équilibre des institutions. Cette définition minimaliste des missions du Parlement ne peut nous satisfaire. C’est pourquoi nous vous proposons de l’élargir afin de rééquilibrer véritablement en donnant plus de pouvoir au Parlement et en ne prenant pas acte du domaines que s’est taillé de facto le Président de la République.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable, car il s’agirait d’un changement complet des institutions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tout d’abord, M. Brard ne doit pas oublier que son amendement n° 416 est contraire à l’article 20 de la Constitution, que lui-même ne souhaite pas modifier. Par ailleurs, la seule période de l’histoire de France au cours de laquelle le Parlement a eu la maîtrise de la politique économique et sociale est celle de la Convention…

M. Jean-Pierre Brard. C’est une très bonne référence ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure référence pour les républicains !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 416.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 269, 126, 548, 549, 331 et 284, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour soutenir l’amendement n° 269.

M. Alain Gest. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 126 est également défendu.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir les amendements nos 548 et 549.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez vu, monsieur le président, qu’il est très difficile de convaincre de convaincre un gouvernement autiste.

M. le président. Certes, mais avec deux amendements, vous allez y parvenir...

M. Jean-Pierre Brard. Au risque de fâcher M. Karoutchi, qui va nous répéter que cela a déjà été vu dans la discussion, nos amendements nos 548 et 549 entendent introduire un mode d’élection des députés pour moitié au scrutin uninominal de circonscription et pour moitié au scrutin proportionnel sur des listes régionales.

Le scrutin de liste est devenu de nos jours d’autant plus nécessaire et pertinent qu’il est le seul à garantir le principe désormais constitutionnel de la parité entre hommes et femmes. Le système allemand, en faisant élire la moitié des députés au scrutin uninominal dans des circonscriptions et la seconde moitié sur des listes rétablissant un résultat proportionnel, a su résoudre la difficulté, souvent objectée, liée au fait que les candidats sont éloignés des préoccupations des populations. Les électeurs allemands peuvent ainsi exprimer un double choix : celui d’un courant d’opinion au plan national et celui d’une personne chargée de les représenter.

Notre amendement n° 548 permettra aux parlementaires que nous sommes de mixer, à l’instar de ce qui se pratique chez nos voisins, deux types de qualités contradictoires que l’on peut légitimement attendre de nous : la proximité du terrain et avec les électeurs d’une part et, d’autre part, la capacité d’envisager des questions politiques avec la distanciation nécessaire.

L’amendement n° 549 est un amendement de repli. Toutefois, monsieur Myard, contrairement à ce que vous disiez tout à l’heure et pour reprendre votre formule, les députés dans le système allemand ne sont pas tous dans la main des partis. En effet, s’il existe des votes directs, il est également possible à une formation qui obtient trois mandats directs de participer à la redistribution générale même si elle n’atteint pas la barre des 5 %. C’est ce qui a permis à nos amis allemands de Die Linke, dans les périodes les plus difficiles, de siéger au Bundestag, de telle sorte que, grâce aux ex-communistes allemands, le pluralisme a existé au Bundestag malgré les partis dominants.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Noël Mamère. Nous avons évoqué tout à l’heure la question du cumul des mandats en indiquant qu’elle devenait pertinente dès lors que l’on introduisait une dose de proportionnelle. Nous n’avons pas évoqué cependant la réforme du statut de l’élu, qui serait sans doute une nécessité pour que notre Parlement et tous les étages de la démocratie française soient beaucoup plus représentatifs de la diversité sociale et politique de notre pays.

Nous proposons que notre assemblée ne se réduise pas à l’hégémonie de deux grands partis, mais qu’elle soit ouverte aussi à des forces politiques émergentes ou n’ayant pas encore le passé historique de certaines grandes formations. Au même titre que le parti de gauche allemand Die Linke, que vient d’évoquer M. Brard, nous pourrions citer aussi les Verts. En 1997, en effet, les Verts allemands, avec un score moyen de 7,5 % aux élections générales, ont obtenu 51 sièges au Bundestag et donné à l’Allemagne l’un de ses plus grands ministres des affaires étrangères de l’après-guerre, Joschka Fischer, qui a contribué à accrocher l’Allemagne à l’Europe. En France, avec le même score, les Verts n’ont obtenu que sept députés...

M. François Rochebloine. Mamère n’est pas Fischer !

M. Noël Mamère. Certes, cher collègue, Mamère n’est pas Fischer, et vice versa ! Toutefois, le rapport de forces n’est plus le même et il importe que les forces politiques qui contribuent aux politiques publiques puissent prendre part à des débats comme celui-ci – ou sur d’autres sujets – d’une manière beaucoup plus décisive face à leurs partenaires de la majorité ou de l’opposition. Ce serait justice que les Français soient justement représentés à l’Assemblée nationale.

Qu’on ne vienne pas nous expliquer ici, comme on le faisait naguère – mais je pense que cet argument n’est plus de saison –, que la proportionnelle ferait revenir l’extrême droite à l’Assemblée nationale. Je rappelle que l’exact équivalent de M. Le Pen existait en Allemagne – Franz Schönhuber –, et que sa formation a été réduite à 2 % et n’existe pratiquement plus aujourd’hui alors que l’on y pratique la proportionnelle.

M. Richard Mallié. Vous aurez Besancenot !

M. Noël Mamère. Je regrette, pour conclure, que le président du groupe UMP ne soit pas là, mais sans doute a-t-il acquis le statut d’intermittent ! (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Attaque personnelle !

M. Jean-François Copé. Je suis là, monsieur Mamère !

M. Richard Mallié. Avant de dire n’importe quoi, monsieur Mamère, regardez donc autour de vous !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 284.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise également à modifier l’article 24 de la Constitution en complétant son alinéa 4 par une phrase précisant qu’un dixième des députés sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi.

Lors du débat qui a porté, avant l’article 1er, sur l’ensemble des grands principes, nous avions annoncé que nous déposerions un amendement introduisant dans la Constitution une dose de proportionnelle. Nous considérons en effet, et ce constat été très largement partagé, que le seul scrutin uninominal à deux tours ne répond pas à l’intégralité des souhaits et des idées de nos concitoyens. L’introduction de la proportionnalité pour un dixième des sièges rend toujours possible le scrutin majoritaire, sur lequel s’articule la Constitution, tout en ouvrant le champ d’une réelle représentativité – ou plutôt d’une meilleure représentativité – de notre assemblée.

Cette éventualité avait été évoquée, je le rappelle, par le Président de la République. Nicolas Sarkozy a lui-même confirmé, en effet, que l’introduction d’une dose de proportionnelle était une nécessité. Nous rappelons aujourd’hui, à l’occasion du débat sur la révision constitutionnelle, cet engagement du Président de la République – un de plus ! – en vous invitant à l’assumer et en vous demandant éventuellement de lui rappeler de l’assumer. Un refus serait à ajouter au nombre des engagements que le Président a pris et qu’il ne respecte pas.

Nous vous demandons donc aujourd’hui d’aller dans le sens de cette introduction d’une dose de proportionnelle, en rappelant que nous n’organisons pas le mode de scrutin – qui ne relève pas de la Constitution –, mais que nous fixons les règles selon lesquelles il est introduit. Telle est la raison d’être de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann. Nous avons déjà eu ce débat et j’ai bien entendu les arguments des uns et des autres : certains amendements prévoient de constitutionnaliser le scrutin nominal majoritaire à deux tours, d’autres une dose plus ou moins importante de proportionnelle. La ligne de conduite de la commission est constante : le mode de scrutin de l’élection des députés n’a pas à figurer dans la Constitution. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, qu’ils soient favorables au scrutin majoritaire ou à la proportionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’existe dans notre pays que deux catégories d’assemblée pour lesquelles la loi n’accepte pas une dose au moins de représentation proportionnelle : l’Assemblée nationale et les conseils généraux.

Nous sommes favorables aux modes de scrutin proposés – et plus précisément à ceux que prévoient les amendements nos 548 et 549, calqués sur le système en vigueur chez nos voisins allemands.

Un dixième aurait déjà été une avancée. Car nous considérons qu’il est mauvais qu’une partie des opinions politiques qui traversent notre pays et s’expriment lors des élections n’ait pas droit de cité à l’Assemblée nationale, mais également aux conseils généraux.

Néanmoins, nous nous sommes fixés pour règle d’essayer de respecter la hiérarchie des normes : la Constitution ne peut fixer le mode d’élection – ce serait d’ailleurs curieux qu’elle le fasse pour une seule assemblée. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement, n° 357, qui, lui, vise à faire respecter des principes plutôt qu’à établir un mode d’élection.

Cela étant, nous rejoignons les préoccupations des auteurs des amendements en discussion commune. Je pense qu’il faudra, tout comme on a parlé de l’évolution du mode d’élection sénatoriale, qu’à l’occasion de l’examen d’une loi ordinaire, nous puissions ouvrir le débat.

M. André Vallini. Quand ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Vallini, je ne suis pas maître de l’ordre du jour, qui est fixé par le Gouvernement.

M. André Vallini. C’est maintenant qu’il faut en débattre !

M. Jean-Christophe Lagarde. De toute façon, ce n’est pas dans la Constitution que vous pouvez inscrire le mode de scrutin. Comment un juriste tel que vous peut-il prétendre le contraire ? Mais j’affirme à nouveau, au nom du groupe Nouveau centre, que nous sommes attachés à une part importante de proportionnelle, ce qui ne doit pas pour autant empêcher d’avoir une majorité. Les autres pays ont su le faire ; je ne vois pas pourquoi la France serait le seul pays à ne pas y parvenir.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. le président. Sur le vote des amendements n°s 549 et 331, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. J’ai déjà défendu, avant l’article premier, le principe de la proportionnelle. Je veux seulement faire un rappel : aussi étrange que cela puisse paraître, 50 %, 20 % ou 10 %, c’est exactement la même chose. Il suffit que le volant permette de corriger les excès du scrutin majoritaire – comme en Allemagne –, pour obtenir un résultat proportionnel satisfaisant. Le calcul a été fait et j’en ai démontré l’exactitude devant la commission Balladur : avec 10 % des sièges à la proportionnelle, on aurait obtenu à coup sûr, à toutes les élections de la Ve République, 50 % de résultats impeccablement proportionnels sur la moitié de l’Assemblée. Nous avons fait la preuve par ce calcul que jamais, à aucune élection, une telle correction n’aurait empêché qu’il y eut une majorité, sauf évidemment en 1988 où même le scrutin majoritaire n’a pas suffi à dégager de majorité. C’est seulement un effet d’optique qui conduit à penser que 50 %, 20 % ou 10 % donnent des résultats différents.

Au passage, j’indique qu’en Allemagne, si je suis bien informé, ce n’est pas 50 % à la majorité simple au niveau de la circonscription et 50 % à la proportionnelle au niveau du Land,…

M. Noël Mamère. En effet !

M. François Bayrou. Le volant de proportionnelle varie de telle sorte que l’on aboutit à un résultat parfaitement proportionnel : dès qu’un courant politique franchit la barre des 5 %, il a sa part. Noël Mamère a rappelé très justement qu’avec 7 % ou 8 % des voix, on a plus de cinquante députés au Bundestag. Vous me permettrez de dire, compte tenu des exemples précis que j’ai en tête, que ce n’est pas tout à fait la même situation en France.

M. Jean-Pierre Brard. On sent la nostalgie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 548.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 549.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 549 est rejeté.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 331.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 331 est rejeté.

Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 53.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission, vise à inscrire dans la Constitution que le nombre maximum de députés est de 577.

La première de ses motivations a été de signifier au Gouvernement que s’il voulait mettre en place des députés de Français de l’étranger, nous l’acceptions, mais que nous ne voulions en aucun cas que cela aboutisse à une augmentation du nombre de députés. Nous ne voulons pas envoyer au pays le message suivant : l’urgence du Parlement aujourd’hui, ce serait d’augmenter le nombre de parlementaires. Pour nous, ce n’est pas d’actualité.

La seconde, c’était d’interroger le Gouvernement : quel sort compte-il réserver aux députés créés pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy ?

M. Jean-Pierre Brard, M. Arnaud Montebourg et M. Gilles Carrez. Très bonne question !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans la précédente législature, la création de ces sièges de députés avait été votée malgré l’opposition d’un grand nombre d’entre nous. La position de compromis avait consisté à reporter leur création à 2012. Aujourd’hui, le Gouvernement nous indique qu’il va rentrer dans une période de redécoupage complet. Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, nous ne souhaitons pas de député pour l’île de Saint-Martin, ni pour l’île de Saint-Barthélemy.

M. Jean-Pierre Brard. Pas de sénateurs non plus !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous souhaitons que, dans le cadre du redécoupage électoral, le Gouvernement prenne d’autres dispositions. Les deux collectivités ont été créées par la loi. Qu’elles aient chacune un sénateur, nous n’avons pas d’opinion là-dessus ; mais un député pour chacune, nous disons non, parce que nous considérons que cela ne respecterait pas des principes que nous appliquons sur l’ensemble des territoires français.

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite vraiment que cet amendement, qu’elle a adopté à l’unanimité, soit voté.

M. Benoist Apparu, rapporteur de la commission des affaires culturelles, et M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Saint Barth, terre d’apartheid en République française !

M. le président. Monsieur Brard, vos commentaires ne sont pas nécessaires.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 53 ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement donne un avis favorable à l’amendement de la commission. Les comparaisons internationales auxquels le rapporteur s’est livré dans son exposé des motifs montrent qu’il correspond à la pratique dans de nombreuses démocraties ; et il est conforme à la volonté du Président de la République. Je précise que parmi ces 577 députés, le Gouvernement souhaite évidemment que figurent, comme l’a dit le rapporteur, les députés élus par les Français de l’étranger.

S’agissant des deux sièges de député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que notre débat porte aujourd’hui sur le nombre maximal au niveau national, que votre commission a fixé à 577 députés. Dont acte. Comme vous le savez, un redécoupage des circonscriptions législatives est en cours d’examen. L’article 10 du projet de loi constitutionnel prévoit qu’une commission indépendante donnera un avis sur cette question. C’est donc à cette occasion que les cas de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin seront abordés. Pour le moment, le Gouvernement n’entend pas mêler ces deux discussions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avions voté cet amendement en commission. Mais nous allons aujourd’hui, après réflexion, voter contre. (« Ah ! »sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela arrive !

M. Jean-Jacques Urvoas. En effet, on nous explique souvent que tel ou tel amendement n’a pas à figurer dans la Constitution, sans nous donner vraiment de raison.

M. François Bayrou. Celui-là n’a pas à y figurer !

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est toujours subjectif. À cet égard, nous ne considérons pas que le nombre de 577 a vocation à être constitutionnalisé. Les parlementaires ont d’ailleurs, dans notre histoire, assez rarement constitutionnalisé le nombre de députés. Si je ne prends en considération que les douze constitutions appliquées, seules quatre firent ce choix : celles de 1791, de 1795, de 1799 et de 1848.

En outre, nous ne pratiquons pas, contrairement à ce que nous pourrions penser au regard des expériences passées, l’inflation des mandats parlementaires. J’ai étudié les quatre républiques : il y a eu au maximum 782 députés sous la Iere, 750 sous la IIe, 600 sous la IIIe et 627 sous la IVe. On pourrait d’ailleurs faire la comparaison avec le Sénat, dont l’effectif n’a cessé de croître depuis le Consulat. Il n’y a donc pas de tradition particulière à la France dans ce domaine.

De plus, et surtout, la France, au regard des autres nations européennes, n’élit qu’un nombre restreint de parlementaires. Je tiens à rappeler que nous avons un député pour 100 000 habitants environ, comme en Espagne, alors c’est un pour 92 000 en Italie,…

M. Richard Mallié. Belle référence !

M. Jean-Jacques Urvoas. …un pour 83 000 en Pologne, un pour 70 000 en Belgique, un pour 30 000 au Danemark. Nous ne trouvons donc pas de raison pour limiter le nombre des députés français à 577, effectif parfaitement arbitraire et qui n’a, de toute façon, pas vocation à être constitutionnalisé.

M. André Vallini. Et c’est insuffisant ! Il faut passer à 600 députés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour appuyer M. Warsmann à propos de Saint-Martin et de Saint-Barth, je vais vous raconter, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, une anecdote.

M. Jean-Pierre Soisson. Pas à cette heure !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai été amené à travailler sur certaines pratiques en vigueur à Saint-Martin. Un fonctionnaire des impôts avait envoyé sous le timbre du ministère 16 000 avertissements fiscaux… tous revenus avec la mention : « N’habite pas à l’adresse indiquée ». Mais les fonctionnaires du ministère de l’économie et des finances ont le sens de l’État, et cela leur donne de l’imagination. Ce fonctionnaire a donc eu une idée géniale : renvoyer les avertissements, mais sous enveloppe vierge : cette fois-là, tout le monde habitait chez soi ! Qu’est-ce que cela signifie ?

M. Pierre Lellouche. Que le futur député aura du travail ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Qu’il y a un rapport aux règles normales de la République – je choisis mes mots…

M. Jean-François Copé. Ça change !

M. Jean-Pierre Brard. …pour ne pas heurter de chastes oreilles à cette heure avancée – qui n’est pas acceptable. Nous avons là l’occasion de revenir à la norme en mettant fin aux petits arrangements qui ont été conclus.

Quant à Saint-Barth, vous ne pouvez pas ignorer que c’est le seul territoire de la République française où règne l’apartheid.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur Lagarde, ce n’est pas faux. Vous le savez bien. Les gens de couleur sont reconduits au bateau une fois leur journée de travail accomplie, car ils ne sont pas acceptés dans l’entre-soi. Tout le monde le sait ! Et ceux qui d’aventure ne le savaient pas le savent maintenant. Je soutiens donc totalement la position de M. Warsmann.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 271, qui est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre d’évoquer cet amendement, dont le sujet n’est pas anodin : il s’agit de savoir dans quelles conditions le Conseil Constitutionnel est amené à apporter des éclaircissements sur ses décisions concernant les élections législatives.

M. Guy Geoffroy. C’est extrêmement important !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce sujet a largement sa place dans cette enceinte et dans ce cadre. L’amendement n° 271 vise à préciser que les dispositions de l’article L 118-3 du code électoral s’appliquent aux élections législatives.

Vous comprendrez, mes chers collègues, la nécessité de cet amendement pour compléter, dans notre dispositif de contentieux électoral, les règles sur lesquelles le Conseil Constitutionnel se fonde pour déclarer un député inéligible. Le Conseil a récemment rappelé qu’en l’état actuel des choses, rien ne lui permettait d’éviter de prononcer l’inéligibilité d’un candidat ayant commis des erreurs dans ses comptes de campagne et dont la bonne foi est patente. C’est pourtant, dans un tel contexte, un élément déterminant à faire valoir.

M. le président. Rappelons que ce sujet fait l’objet d’une mission confiée à Pierre Mazeaud.

M. Arnaud Montebourg. « Les dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral s'appliquent aux élections législatives »… Faire mention du code électoral dans la Constitution, bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann. Peut-être ai-je été trop rapide tout à l’heure. Il s’agirait d’étendre aux députés une disposition qui relève de la loi organique. Elle n’a rien à faire dans la Constitution !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Évidemment !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On ne peut pas défendre l’idée d’inscrire cette disposition dans la Constitution ! Nous avons une disposition juste qui se trouve dans la loi ordinaire et qu’il faudrait introduire dans la loi organique pour qu’elle s’applique aux députés. Sur le fond, je suis tout à fait d’accord pour l’inscrire dans la loi organique, mais pas dans la Constitution. Pour des raisons techniques, je donne donc un avis défavorable à cet amendement, même si j’en comprends mille fois l’argumentation.

M. le président. Monsieur Giscard d’Estaing, retirez-vous votre amendement ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Bien évidemment, après avoir entendu les propos du président de la commission des lois, je le retire. Mais il est important que ce débat ait eu lieu, et qu’aient été rappelées les conditions dans lesquelles la mesure proposée doit être inscrite dans une loi organique. Nous en prenons acte.

M. le président. L'amendement n° 271 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 54.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. De la même manière que nous avons fixé un nombre maximum de membres pour l’Assemblée nationale, nous vous proposons de fixer un nombre maximum de membres pour le Sénat.

Les effectifs du Sénat ont augmenté sous l’effet d’une loi votée au cours de la dernière législature, pour tenir compte du dernier recensement : la décision de ne pas réduire le nombre de sénateurs dans deux départements a entraîné, en contrepartie, une augmentation de leur nombre dans tout le pays. Notre amendement pend acte de cette loi, ainsi que de la création de deux sièges de sénateurs à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, puisque ces deux îles ont acquis le statut de collectivités territoriales, et que le Sénat est chargé de représenter les collectivités. La simple prise en compte des textes existants nous conduit à fixer un nombre maximum de 348 sénateurs.

Dans un Parlement à deux chambres, il me semble assez logique, en terme d’équilibre, d’appliquer un nombre maximum aux deux chambres : lorsqu’elles sont réunies en Congrès, cela a un sens de mesurer la proportion de chacune d’elles, sachant que la nôtre est élue au suffrage universel direct, l’autre au suffrage indirect.

M. Jean-Pierre Brard. Et la chambre introuvable ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il me semble donc cohérent de fixer dans la Constitution, un nombre maximum de représentants pour chacune des deux chambres. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté l’amendement n° 54.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a précédemment donné un avis favorable à l’amendement n° 53. Vous comprendrez que, en ce qui concerne le Sénat, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée, dans la mesure où les membres de la Haute assemblée ne manqueront pas, j’imagine, de s’exprimer sur cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Quel fin connaisseur du Sénat ! Les sénateurs vont vous garder un siège ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. S’agissant du nombre de membres du Sénat, notre groupe prendra la même position que précédemment sur l’Assemblée. Mais dans le cas présent, nous avons des arguments supplémentaires. Puisque nous avons beaucoup parlé des Français de l’étranger, je tiens à rappeler à l’honorable assemblée que leurs représentants au Sénat sont élus à la proportionnelle par une assemblée qui comprend 150 membres – le Conseil supérieur des Français de l’étranger. Autrement dit, les douze sénateurs des Français de l’étranger doivent donc recueillir environ vingt-cinq à trente voix chacun pour être élus. Qui plus est, s’agissant de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, la loi que nous venons d’évoquer a créé deux nouveaux sénateurs. À Saint Barthélemy, le corps électoral comporte dix-neuf membres ; autrement dit, il faudra dix voix pour être élu sénateur dans cette île.

M. Arnaud Montebourg. Quel scandale !

M. Richard Mallié. C’est neuf de trop… (Sourires.)

M. René Dosière. À Saint-Martin, le corps électoral de la collectivité territoriale comptera vingt-trois membres ; autrement dit, il faudra douze voix pour être élu sénateur de Saint-Martin.

M. Pierre Lellouche. C’est un métier d’être sénateur de Saint-Barthélemy ou Saint-Martin !

M. Arnaud Montebourg. C’est scandaleux ! Quelle imposture !

M. René Dosière. Au moment de l’adoption de cette disposition, j’avais demandé le prix d’un électeur sénatorial à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy. Qu’on me réponde, monsieur le secrétaire d’État, en euros ou en dollars, c’est le prix qui compte !

M. Pierre Lellouche. Bravo !

M. René Dosière. À vouloir multiplier les suffrages indirects, voilà à quoi on aboutit !

M. Manuel Valls. Cela fait un siège pour M. Karoutchi ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons voté contre la limitation dans la Constitution du nombre de députés ; nous ferons la même chose pour les sénateurs.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Très franchement, je ne pense pas qu’une telle disposition doive figurer la Constitution et, il y a quelques mois, nous avions un moyen d’empêcher le nombre de sénateurs d’augmenter de vingt-sept : il suffisait de ne pas voter ! Tout à l’heure, nous évoquions le verrou des sénateurs sur la Constitution. Chacune des chambres possède un verrou sur l’autre.

Au cours de la dernière législature, nous avons accepté une modification profonde du rapport entre l’Assemblée et le Sénat, notamment dans le cadre d’un Congrès réuni pour modifier la Constitution : nous avons renforcé le Sénat.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Dans le cadre de la modification constitutionnelle, nous nous apprêtons à constitutionnaliser les chiffres de 577 et de 348, et à consacrer par le fait un rapport de force illégitime et inégal. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Le groupe UMP va voter pour cet amendement, je vais vous expliquer pourquoi.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il va falloir être convaincant !

M. Jean-Pierre Brard. On aime Saint Barth !

M. Jérôme Chartier. D’abord, on aime Saint Barth, mais ce n’est pas la seule raison ! Ce que disait René Dosière sur les grands électeurs est exact et pose problème depuis bien longtemps. Je peux cite un exemple supplémentaire : Wallis et Futuna, vingt grands électeurs !

Fondamentalement, que fait-on ? Remet-on en cause le principe des grands électeurs (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et finalement la représentation des territoires par la Haute assemblée ? Veut-on que ce soit M. Dosière qui décide et c’est très bien comme cela ? Ou bien, comme le prévoit cet amendement, fixe-t-on dans la Constitution, une fois pour toutes, le nombre des députés et des sénateurs, afin d’y empêcher toute inflation, quelle qu’en soit la raison, et de pouvoir figer les rapports ? Jean-Christophe Lagarde a raison de signaler l’inflation de sénateurs, mais il faut bien que l’histoire s’arrête un jour. En soutenant cet amendement, je propose qu’elle s’arrête ce soir. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça alors !

M. Jérôme Chartier. …à moins que nos successeurs éventuels décident d’augmenter le nombre de parlementaires. Mais regardez ce qui se passe en Italie où le nombre de députés a explosé ! Ils ont essayé – courageusement – d’en réduire le nombre : ils vont mettre quinze ans pour le faire, à raison de 1 % à chaque renouvellement ! Réduire le nombre de parlementaires est difficile ; l’inverse est facile. Si, pour l’heure, nous pouvons figer dans la Constitution le nombre de députés et de sénateurs, je pense que nous ferons œuvre utile et que les Français nous en remercieront.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Effectivement, il a été décidé d’augmenter le nombre de sénateurs, au cours de la dernière législature. Pourquoi ? Parce qu’il fallait tenir compte d’un recensement. On aurait pu procéder à un redécoupage pour garder le même nombre de sénateurs, mais cette solution n’a pas été retenue – c’est un état de fait.

M. Alain Gest. Pourquoi ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La deuxième solution se présente aujourd’hui : on inscrit dans la Constitution un nombre maximum de parlementaires au Sénat. Ainsi, lorsque le problème se reposera, dans dix ou quinze ans, le législateur n’aura plus le choix d’ajouter trente sénateurs pour ne pas avoir à en enlever un à Paris, dans la Creuse, ou ailleurs, puisque nous aurons verrouillé la Constitution.

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Cela ne relève pas de la Constitution !

M. Jérôme Chartier. Mais si !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela semble logique. Tirons les conséquences du passé, on ne refait pas l’histoire, mais on fixe un nombre maximum de représentants dans les deux chambres. À l’avenir, le législateur procédera aux redécoupages, dans une enveloppe constante de sièges et ne pourra plus considérer ces derniers comme une variable.

M. Jean-Pierre Brard. À Saint-Martin et à Saint-Barth, il s’agit vraiment d’une enveloppe ! (Sourires)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. De plus, sur tous les bancs en commission, tout le monde a admis que cela avait du sens de fixer un nombre maximum de représentants tant au Sénat qu’à l’Assemblée, puisque la réunion des deux chambres forme le Congrès. Ne jugeons pas le passé, il est ce qu’il est, soyons humbles. Cependant, en étant constituants ce soir, nous avons la possibilité de fixer des limites pour que les choses fonctionnent bien à l’avenir.

M. Alain Gest. Quel morceau de bravoure !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 285.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je ne voudrais pas donner le sentiment d’allonger excessivement les débats. Mais pour nous, l’idée d’augmenter le nombre de sénateurs à parité avec l’Assemblée nationale – qui vient d’être rejetée – pose des problèmes en ricochets, ne serait-ce que celui de la fameuse commission qui doit contrôler les nominations du Président de la République, en les votant à une majorité des trois cinquièmes. Ces trois cinquièmes comporteront un nombre plus élevé que prévu de sénateurs. (Approbation sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. Guy Geoffroy. Il a raison !

M. Arnaud Montebourg. Nous subirons ce problème concrètement, si par bonheur nous parvenons à faire fonctionner ce contrôle des trois cinquièmes. Mais laissons cette affaire, elle vient d’être tranchée.

Nous reposons la question au Gouvernement, et puisque Mme la garde des sceaux ne semble pas vouloir se lever pour nous répondre, nous nous adressons à M. Karoutchi. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la garde des sceaux. Vous ne changerez donc jamais ?

M. Arnaud Montebourg. C’est vrai, nous ne vous avons pas entendue.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Vous êtes décidément très désagréable !

M. le président. Monsieur Montebourg, veuillez poursuivre. Le Gouvernement est présent et il répond comme il l’entend.

M. Arnaud Montebourg. Nous n’avons pas obtenu de réponse de la part du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement sur ce qu’il entendait faire quant à la modification du collège sénatorial. Pour notre part, nous voudrions revenir à l’avant-projet de loi gouvernemental qui fixait la représentation des collectivités territoriales en fonction de leur population. Le « en fonction » renvoie à une meilleure représentativité du collège sénatorial, dans la désignation des grands électeurs. Nous soutenons donc l’avant-projet du Gouvernement plutôt que son projet de loi – il s’agissait d’ailleurs d’une proposition du comité Balladur. Nous aimerions qu’il nous dise dans quels délais il présentera un projet de loi organique sur le collège sénatorial et quel en sera le contenu. C’est l’un des points importants en fonction desquels la gauche, encore hésitante, peut faire évoluer sa position politique à l’égard de ce projet de loi : il y a des raisons de voter pour, mais Dieu sait qu’il y en a de voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je le dis aimablement, monsieur Montebourg,…

M. Jean-Pierre Brard. Et avec componction ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. …vos propos à l’endroit de Mme la garde des sceaux sont souvent très « limite ».

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

M. Arnaud Montebourg. Je suis prêt à les retirer !

M. Jean-Frédéric Poisson. Faites, ce sera élégant !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Merci, monsieur Montebourg. Nous mettrons cela sur le compte de l’heure tardive…

Juste un mot pour que l’Assemblée comprenne bien ce qui s’est passé avec le rejet de l’amendement n° 54. Il en résulte que la Constitution fixera un nombre maximum pour les députés, mais pas pour les sénateurs…

M. Jérôme Chartier. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous y reviendrons.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. On invoque l’équilibre du Congrès : nous verrons bien…

M. Arnaud Montebourg. Voyez avec votre majorité !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Mais tout cela est sympathique et pas bien grave… Le texte doit passer au Sénat puis dans cette assemblée en deuxième lecture, et nous verrons ce qu’il en adviendra.

Quant à votre amendement n° 285, monsieur Montebourg, le Gouvernement y est défavorable. Nous vous avons déjà dit ce que nous pensions de vos demandes réitérées sur la réforme du mode de scrutin du Sénat. Des discussions sont en cours, elles se poursuivront, par définition, au Sénat, mais nous n’irons pas plus loin ce soir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, brièvement…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre vrai sujet d’interrogation, monsieur le secrétaire d’État, est de savoir pourquoi le Gouvernement a changé de rédaction.

M. Arnaud Montebourg. En effet : pourquoi ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne sommes pas les seuls à nous poser la question : les membres du comité Balladur, et M. Balladur lui-même, se la sont posée. Pourquoi le Gouvernement a-t-il accepté cette modification ? Dans la rédaction initiale, l’expression « en fonction » avait été retenue, ce qui assurait un lien direct entre le nombre d’électeurs et le nombre de sénateurs. L’expression « en tenant compte », qui lui a été substituée, affaiblit la relation entre les deux. Pourquoi ce choix ? Nous voudrions que le Gouvernement réponde à cette question que se posent tous ceux qui ont travaillé sur le texte. En particulier, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi considérez-vous que l’expression « en tenant compte » est meilleure que l’expression « en fonction » pour la juste représentativité du Sénat ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Juste un mot sur ce point.

Tel qu’il est rédigé, monsieur Montebourg, votre amendement porterait à 10 millions au minimum le nombre de grands électeurs, dans la mesure où les communes sont la base de leur désignation. J’ai dans ma circonscription une commune de six habitants. Cette commune, comme toutes les autres, aura au minimum un grand électeur. Dès lors que vous appliquez la proportionnelle intégrale pour la désignation des grands électeurs, vous arrivez à un nombre minimum de 10 millions !

Si la proportion des grands électeurs est calculée en fonction du nombre d’habitants, cela fait dans mon exemple un grand électeur pour six habitants, proportion à répercuter sur l’ensemble du territoire français. Indépendamment de la question de savoir comment on va les désigner, comment surtout pourra-t-on considérer que la légitimité de l’Assemblée nationale est supérieure à celle du Sénat ? Il n’y aurait plus aucune raison de le faire : expliquez moi alors comment gouverner…

M. Arnaud Montebourg. Excellente contribution au débat ! Merci, monsieur le rapporteur pour avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 587.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de souligner la contradiction qu’il y a, de la part de notre assemblée, à voter un nombre limité de députés et pas de sénateurs. Mais en vous tournant vers nous, vous sembliez nous désigner comme responsables. C’est pourtant votre camp politique qui l’est, puisqu’il a voté différemment sur les deux amendements !

M. Jean-Pierre Brard. Dès que Copé n’est plus là… (Rires.)

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 587 répondra au souci du rapporteur pour avis s’agissant du nombre de représentants pour chaque commune. Il poursuit deux objectifs : le premier est de passer à la proportionnelle dans les départements comptant au moins trois sièges de sénateurs, et non quatre, comme c’est le cas aujourd’hui, le deuxième est d’instaurer un seuil de 300 habitants pour l’élection d’un délégué…

M. le président. Merci, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. ...ce qui donne un tout autre résultat que celui précédemment décrit par le rapporteur pour avis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable également.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, je souhaite m’exprimer contre l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapidement…

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne crois pas avoir abusé de demandes d’interventions, monsieur le président.

Je voulais souligner à quel point il est absurde d’inscrire des modes de scrutin dans la Constitution : l’amendement ne prévoyant même pas que l’élection des délégués des communes se fera à la proportionnelle, cela signifie que cette élection aura lieu au scrutin majoritaire…

Par ailleurs, puisque nous nous sommes apparemment trompés en limitant le nombre de députés et pas le nombre de sénateurs, ce qui a provoqué quelque émoi, y compris au sein du Gouvernement, adressons-nous aux sénateurs afin que, dans le cadre de la navette parlementaire, soient retirées de la Constitution des dispositions qui ne sont pas de son niveau. On a refusé de limiter le nombre de ministres et le nombre de sénateurs dans la Constitution ; c’est donc la loi qui doit éventuellement limiter le nombre de députés, et non la loi fondamentale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 587.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 218.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. Mon amendement suit l’avis du comité Balladur en proposant de ne pas modifier la représentation des Français de l’étranger. Ceux-ci sont représentés au Sénat via l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger, et à l’Assemblée nationale grâce au bureau métropolitain dans lequel ils sont inscrits.

L’explication en est assez simple. La représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée conduirait soit à instaurer une élection à la proportionnelle, dont nous ne voulons pas, soit à un découpage absurde de grandes circonscriptions, lesquelles vident de sens la représentativité elle-même. L’intérêt d’une circonscription est que l’élu connaisse ses électeurs, et réciproquement. Une circonscription qui irait de la Patagonie au Groenland ne le permettrait certes pas…

M. Jean-Christophe Lagarde. Un peu de considération pour les pingouins ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Et pour les manchots ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste. Le découpage en trop grandes circonscriptions entraînerait deux autres conséquences négatives : ou bien une augmentation du nombre de députés – mais nous venons de le refuser –, ou bien un redécoupage pour supprimer douze circonscriptions en métropole. Cela accentuerait encore le déséquilibre, déjà patent, entre les circonscriptions des départements les moins peuplés – deux députés pour la Lozère, par exemple –, et celles des départements en pleine croissance démographique, comme le Val-d’Oise. Dans la mesure où le redécoupage vise à précisément rétablir un équilibre, cette solution serait mauvaise. C’est pourquoi je vous invite à abandonner l’idée de représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale.

M. le président. Merci, monsieur Vanneste.

M. Christian Vanneste. Un dernier mot si vous le permettez, monsieur le président. Député d’une circonscription frontalière, j’ai beaucoup d’admiration pour nos voisins belges. Ils sont sages en bien des domaines et se contentent, eux, d’inscrire leurs compatriotes résidant à l’étranger dans des bureaux de vote des communes belges, où ils votent selon leurs affinités.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable : nous nous sommes déjà expliqués sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable également.

M. le président. Vous souhaitiez vous exprimer contre l’amendement, monsieur Lellouche ?

M. Pierre Lellouche. Non, monsieur le président : je veux le soutenir.

M. le président. L’amendement a été défendu, monsieur Lellouche.

Je mets aux voix l'amendement n° 218.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Christian Vanneste. Grâce à la gauche !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 212.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’amendement n° 212 vise à donner une réalité géographique à la représentation des Français de l’étranger. Ceux-ci, comme on l’a rappelé, sont aujourd’hui représentés par des sénateurs élus par un collège de l’AFE.

Au Sénat comme à l’Assemblée – puisque l’amendement de M. Vanneste vient d’être rejeté –, il importe que les Français de l’étranger puissent élire des représentants de leur zone géographique. À défaut, ces représentants n’auraient pas la même réalité que les autres, élus dans le cadre d’une circonscription – pour les députés – ou du département – pour les sénateurs.

M. le président. Merci, monsieur Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Il me paraît donc important que les sénateurs des Français de l’étranger, et par contrecoup les députés concernés, puissent ainsi être régionalisés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je n’ai sans doute pas été assez clair tout à l’heure et je répète que le Gouvernement s’est engagé sur un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Nous ne pouvons admettre que les députés représentant les Français à l’étranger soient élus sur un mode de scrutin différent du mode de scrutin ordinaire. Ajoutons que la mention « par zone géographique » n’empêcherait pas l’organisation d’élections à la proportionnelle, ce qui fait que le but recherché par cet amendement ne serait pas atteint. J’apprécierais beaucoup que M. Giscard d’Estaing accepte de retirer l’amendement n° 212. À défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je demande également à M. Giscard d’Estaing de bien vouloir retirer son amendement. Chacun s’accorde sur le fait que les modalités de scrutin ne figurent pas dans la Constitution, comme cela a été dit tout à l’heure pour le Sénat. Pourquoi chercher à inscrire dans la Constitution quelque chose qui n’a pas lieu d’y figurer ? Le rapporteur a rappelé l’engagement du Gouvernement sur les modalités d’élection des députés représentant les Français de l’étranger, mais nous n’avons pas l’intention de les faire figurer dans la Constitution.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Giscard d’Estaing ?

M. Louis Giscard d’Estaing. Je ne vois pas en quoi le fait de préciser que la représentation doit se faire par zone géographique pose un problème. Il ne s’agit pas de faire figurer un mode de scrutin dans la Constitution, monsieur le ministre, mais simplement de dire que les Français de l’étranger peuvent s’identifier à leurs représentants par le biais d’un rattachement géographique.

M. le président. Monsieur Giscard d’Estaing, je vous ai seulement demandé si vous retiriez votre amendement !

M. Louis Giscard d’Estaing. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je vais m’exprimer contre cet amendement, mais pour des raisons exactement inverses à celles exposées par M. le ministre, en dépit du respect et de l’amitié que je lui porte. Je regardais M. Myard rire sous cape et je connais moi aussi un peu nos compatriotes de l’étranger et la façon dont ils sont aujourd’hui représentés au Sénat ; or l’idée d’ajouter des députés au capharnaüm géographique et humain que représentent ces deux millions de Français, avec des différences considérables d’un continent à l’autre, me laisse pantois. Malgré toute l’amitié, l’estime et le respect immense que je porte au Président de la République, avec lequel je suis d’accord dans 99 % des cas, je maintiens que c’est totalement infaisable.

M. Didier Migaud. Il a raison.

M. Pierre Lellouche. L’amendement de M. Giscard d’Estaing a le mérite de mettre en évidence la totale impossibilité d’élire des députés à l’étranger. On dénombre 60 000 Français vivant en Californie, 300 000 à New York, 60 000 dans le sud des États-Unis : on pourrait donc imaginer deux circonscriptions aux États-Unis. Mais quid des 300 000 Français vivant à Londres, des 2 000 vivant à Dubaï, des 800 de Nouvelle-Zélande ?

M. Jacques Myard. Cela va être un beau bazar !

M. Pierre Lellouche. Un Français vivant à Minsk sera-t-il représenté par le même député qu’un autre Français vivant à Istanbul ?

M. Didier Migaud. C’est une aberration !

M. Pierre Lellouche. Monsieur le secrétaire d’État, avec tout le respect que je vous dois, cette idée de vouloir faire en sorte que les députés de Français de l’étranger soient élus au scrutin uninominal personnel à deux tours ne tient pas la route, car elle est totalement impossible à mettre en œuvre ! Je suis désolé, mais cela devait être dit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°212.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 357.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si la Constitution n’a pas vocation à accueillir la définition de tel ou tel mode de scrutin, nous estimons qu’il serait toutefois utile d’y inscrire que les modes de scrutin pour l’élection du Parlement respectent la diversité politique de la nation et garantissent le pluralisme et l’équité de sa représentation parlementaire. Cela permettrait ensuite de les moduler dans la loi ordinaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis, avec une grande constance, des avis défavorables à tous les amendements visant à faire figurer dans la Constitution des dispositions portant sur les modes de scrutin. Elle est donc très logiquement défavorable à l’amendement n° 357.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 357.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 337.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. L’amendement n° 337 vise à rendre le mandat de parlementaire incompatible avec l’exercice d’un autre mandat électif prévu par la Constitution. Il s’inscrit dans le sens de ce que nous réclamons depuis longtemps : la limitation stricte du cumul des mandats. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il se justifie d’autant plus que, conformément aux arguments que nous avons exposés, il s’inscrit à la suite d’un amendement que nous avons défendu tout à l’heure au sujet de la proportionnelle. Il nous paraîtrait judicieux et efficace pour la représentativité de notre Parlement que la limitation du cumul des mandats soit adossée sur la proportionnelle et sur la réforme du statut de l’élu. Nous en sommes encore très loin, mais il n’est pas concevable que notre assemblée ne représente pas davantage la diversité sociale et politique de notre pays et que l’on entretienne la confusion entre la fonction de législateur et des fonctions exécutives. Lorsque la question de la limitation du cumul a été évoquée tout à l’heure, nous avons omis d’évoquer la question des intercommunalités, qui constitue pourtant un aspect très important de la vie démocratique actuelle : alors que c’est là qu’il y a le plus de pouvoir, personne n’est contrôlé démocratiquement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. M. Mamère ne s’est pas aperçu de son bonheur, car son amendement, qui prévoit que « le mandat de membre du Parlement est incompatible avec l’exercice d’un autre mandat électif prévu par la présente Constitution », est satisfait ! La Constitution prévoit trois mandats électifs – député, sénateur et Président de la République –, effectivement incompatibles.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’invite par conséquent M. Mamère à retirer l’amendement n° 337. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. Je ne peux pas retirer cet amendement, monsieur le président, en dépit des artifices déployés par M. le rapporteur pour mettre en avant les approximations dont souffre sa rédaction.

M. le président. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président, car depuis le départ de Mme Billard il y a à peu près trois heures, je n’ai pas entendu une seule voix féminine dans cet hémicycle ! (Murmures et sourires sur tous les bancs.)

M. le président. Nous avons tout de même entendu Mme la garde des sceaux, madame Filippetti !

M. Arnaud Montebourg. Très peu !

Mme Aurélie Filippetti. Très peu, en effet. Et si je souligne ce point, c’est qu’il n’est pas sans lien avec l’amendement de M. Mamère : si l’on en finissait une fois pour toutes avec le cumul des mandats, en particulier avec le cumul du mandat parlementaire et d’un autre mandat électif, on favoriserait le renouvellement du personnel politique. Comment parler d’une réforme des institutions, comment prétendre améliorer le pouvoir du Parlement et la représentativité de notre assemblée par rapport à nos concitoyens, sans limiter le cumul des mandats ? C’est la clef de voûte qui permettra le renouvellement du personnel politique, donc des idées, une meilleure représentation des femmes, y compris dans cet hémicycle, et une plus grande diversité des origines sociales et culturelles.

Je soutiens donc l’amendement de M. Mamère, en dépit de ses petits défauts de rédaction. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen de l’article 10, de défendre un autre amendement qui sera sans doute mieux rédigé.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 337.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 9, ainsi modifié, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, mardi 27 mai, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 27 mai 2008, à zéro heure cinquante-cinq.)