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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 28 mai 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Modernisation des institutions de la VRépublique

Discussion des articles (suite)

Article 17 (suite)

Amendement no 19

Rappel au règlement

M. Daniel Garrigue

Reprise de la discussion

Amendement no 148

Article 18

M. Patrick Roy

M. Bernard Debré. 

M. René Dosière

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Pierre Brard

M. Pierre Lellouche

M. Julien Dray

Amendements nos 400, 445, 490

M. Jean-Christophe Lagarde

Rappel au règlement

M. Arnaud Montebourg

Reprise de la discussion

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Pierre Brard

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. Jean-Claude Sandrier

M. Jean-Luc Warsmann,

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Julien Dray

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Patrick Braouezec

M. Didier Migaud

M. Bernard Accoyer

M. Patrick Braouezec

M. Didier Migaud

M. Arnaud Montebourg

Reprise de la discussion

Amendements nos 403, 326 rectifié, 491

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 348

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 147

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 404

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 349

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 429

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Christophe Lagarde

Amendement no 430

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Article 19

Amendement no 535

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendement no 71

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Amendements nos 494, 405, 351, 356, 72, 492, 365, 350, 493

Article 20

Amendements nos 537, 136, 538, 406 rectifié, 495

Article 21

Amendements nos 539, 6, 496, 73, 407, 74, 540, 222, 229 rectifié

M. Didier Migaud

M. François de Rugy

M. Daniel Garrigue

M. Jean-Michel Fourgous

M. Jérôme Chartier

Rappels au règlement

M. Patrick Braouezec

M. Jérôme Chartier

M. Didier Migaud

M. le président

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. le président

Reprise de la discussion

Article 22

Amendements nos 75, 497

M. Didier Migaud

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

M. René Dosière

Amendements nos 498, 77 rectifié, 366

M. Arnaud Montebourg

M. Jérôme Chartier

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Didier Migaud

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

M. Jérôme Chartier

M. Didier Migaud

M. Arnaud Montebourg

Amendements nos 541, 78, 472, 79, 80, 476, 542 rectifié, 475, 473, 81, 599 (sous-amendement), 474, 599 (sous-amendement), 82, 500

Après l’article 22

Amendements nos 327, 329

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modernisation des institutions
de la VRépublique

Suite de la discussion
d’un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la VRépublique (nos 820, 892, 881, 890, 883).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 19 à l’article 17.

Article 17 (suite)

M. le président. Nous en revenons donc à l’amendement n° 19…

M. Daniel Garrigue. Monsieur le présidednt, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, je voudrais rappeler que, cet après-midi, je n’ai pas retiré l’amendement n° 19. J’ai expliqué que j’étais prêt à le retirer s’il y avait un engagement garantissant que, à l’occasion de l’examen de l’article 32, on donnerait au futur comité des affaires européennes la possibilité de présenter des avis en séance publique. Nous en sommes là, et je n’ai pas eu de réponse sur ce point.

On me dit que cette disposition serait de caractère réglementaire. Je ferai observer que le constituant de 1958, dans bien des cas, est entré assez loin dans le détail des dispositions concernant le Parlement. On a même appelé cela le parlementarisme rationalisé. Dans le but de mettre fin à un certain nombre de pratiques qui avaient marqué la IVRépublique, le constituant est entré dans des dispositions de caractère réglementaire.

En outre, depuis le début de ce débat, nous ne cessons de voter des dispositions qui, jusqu’ici, étaient manifestement de caractère réglementaire.

J’ai donc du mal à comprendre pourquoi des dispositions qui permettraient de discuter des enjeux européens ici, dans cet hémicycle, ne pourraient pas être discutées au motif qu’elles sont de caractère réglementaire.

Dans ces conditions, je maintiens mon amendement tendant à la création d’une commission des affaires européennes.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote sur l'amendement n° 19. Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont tous deux émis un avis défavorable.

Je mets aux voix cet amendement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 148.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le soutenir.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cet amendement propose que l’article 43 de la Constitution soit complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute commission permanente ainsi que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent décider de se saisir pour avis de tout ou partie d’un projet ou d’une proposition renvoyé à une commission permanente. »

Je souhaiterais surtout que la délégation aux droits des femmes puisse se saisir elle-même de tout ou partie d’un texte soumis à notre assemblée sans avoir à en demander l’autorisation à une commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission des lois est défavorable à cet amendement. La disposition proposée n’est franchement pas du niveau constitutionnel, ce qui montre à M. Garrigue que sa proposition n’est pas la seule à se voir opposer cet argument.

Les missions qui incombent à la délégation aux droits des femmes sont fixées par des alinéas de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui est de la nature d’une loi simple.

Nous pourrons avoir ce débat lorsque nous examinerons les textes d’application de la révision constitutionnelle. D’ici là, si vous pouviez, madame Zimmermann, retirer cet amendement, je vous en serais très reconnaissant.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement en discussion .

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Même avis que le rapporteur.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, chère collègue ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Oui.

M. le président. L'amendement n° 148 est retiré.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 18.

La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Cet article 18 est très surprenant quand on considère que l’esprit du texte, selon le Gouvernement, est de renforcer les pouvoirs du Parlement.

Actuellement, il est déjà extrêmement difficile pour un député de défendre une proposition de loi. Alors que le citoyen croit que c’est chose facile et habituelle, vous savez fort bien que, très souvent, pour ne pas dire toujours, le Gouvernement empêche qu’une proposition de loi soit débattue. C’est la réalité, et on en a eu encore un exemple, ici même, dans l’hémicycle, il y a quelques jours.

À défaut de pouvoir défendre ses propositions de loi, l’un des droits qui caractérisent le mandat de député est la faculté de déposer des amendements. C’est l’un des aspects principaux de l’essence du mandat qui lui est délivré par les électeurs.

On nous dit que des abus ont eu lieu, de par le nombre d’amendements déposés. Très honnêtement, au vu de l’examen de l’activité parlementaire passée, il n’y en a pas eu. Même s’il a pu arriver que quelques débats durent un peu, cela n’a jamais été aussi excessif que ce que les uns ou les autres ont pu dire.

Je suis évidemment très inquiet d’un article qui conduirait à ce que le droit d’amendement des députés soit restreint.

En outre, un autre risque réel est qu’un texte fasse l’objet d’un amendement approfondi en commission tandis qu’ici, dans l’hémicycle, il ne soit procédé qu’à une espèce de ratification simplifiée, assortie d’une petite explication de vote, sans ce qui fait la richesse – on le voit depuis huit jours – du débat parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard DebréJe suis assez surpris par cet article 18. Il a certes de bons côtés. Que les textes de loi soient discutés et amendés en commission, et que les amendements de la commission priment, j’en suis tout à fait d’accord. Mais supprimer, ou du moins pouvoir éventuellement supprimer le droit d’amendement en séance publique me semble tout à fait surprenant. Car nous n’appartenons pas tous à la même commission. Et un député pourrait s’intéresser à des textes de loi qui ne sont pas discutés par la commission dont il fait partie.

M. Patrick Roy. Très bon argument !

M. Bernard Debré. Cet article conduit à restreindre singulièrement le droit d’amendement de tout député. Je pense donc qu’il devrait être supprimé.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je voudrais rappeler le texte de l’article 44 de la Constitution dans son état actuel. Il commence par la phrase suivante : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. » Point. C’est clair, c’est simple.

Or, que nous propose-t-on ici ? On nous dit que l’exercice du droit d’amendement va être organisé par une loi organique. Ce qui veut dire que la majorité peut, le cas échéant – je ne lui fais pas de procès d’intention – restreindre, ou organiser, le droit d’amendement.

Je dis que je ne fais pas de procès d’intention parce que tous les parlementaires qui ont un peu d’ancienneté dans cette assemblée ont connu, soit dans la majorité, soit dans l’opposition, toutes les procédures que l’on pourrait dire de retardement, et non pas véritablement d’obstruction, qui sont à notre disposition en vertu du droit d’amendement et qui permettent, éventuellement, de retarder l’adoption d’un texte.

Toutes ces procédures sont d’ailleurs liées au fait que l’opposition n’ayant pas, dans cette assemblée, un véritable statut, elle n’a comme arme que l’obstruction. Quand je dis « l’opposition », ce fut la gauche, ce fut la droite.

Les divers présidents de l’Assemblée ont régulièrement eu la volonté d’organiser le débat, de le rationaliser, et donc de contenir, d’une certaine manière, le droit d’amendement. Jusqu’à présent, on n’y est pas parvenu. Ce que l’on a réussi à restreindre, c’est le droit de parole. C’est ainsi que la défense des motions de procédure, qui n’était pas limitée dans le temps, l’est maintenant à une heure et demie, voire à une demi-heure en deuxième lecture.

Un président de l’Assemblée a essayé d’organiser, de réglementer, en quelque sorte, le droit d’amendement afin que les discussions en séance publique se déroulent mieux. Mais l’on se heurtait toujours au fait que la Constitution ne le prévoyait pas.

Cette nouvelle rédaction de l’article 44 de la Constitution peut être très dangereuse. Je ne dis pas qu’elle le sera, parce que j’ai encore un peu de confiance, ou de naïveté...

M. Jean-Pierre Brard. De naïveté, oui !

M. René Dosière. Mais ce n’est pas interdit d’avoir encore de la naïveté après quelques années d’expérience parlementaire.

M. Jean-Pierre Brard. C’est Candide Dosière !

M. René Dosière. Mais je voudrais vous rendre sensibles, mes chers collègues, au fait que cet article peut conduire au pire, être interprété de la pire des façons.

Par rapport à la rédaction actuelle de l’article 44, je ne suis donc pas convaincu qu’il s’agisse d’un progrès. Nous sommes au contraire devant un recul.

Je ne suis pas hostile, personnellement, à ce que l’on puisse réglementer les débats parlementaires. Le fait que les débats en séance publique, si ce projet de loi est adopté, porteront à l’avenir sur le texte adopté par la commission va peut-être modifier les choses, d’ailleurs, en ayant pour effet qu’il y ait davantage de débats en commission.

Cela peut se modifier. Dire aujourd’hui que l’on ne peut pas toucher au droit d’amendement, pour dire demain que l’on pourra y toucher, me semble quelque chose de dangereux pour le Parlement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 18 nous inquiète. Les parlementaires voient leurs droits se restreindre ; ils n’ont pas augmenté au titre de l’article 40. Ils risquent d’être cantonnés sur le vote des résolutions. Les mécanismes de rationalisation dans le règlement intérieur ont rétréci le temps de parole. Il leur reste un droit : le droit d’amender dans le cadre de la loi.

Nous avons eu, lors des débats de la commission, une forme de début de protestations. Nous avons fait remarquer que cet article 18 permettait – comme vient de le dire M. Dosière – à la majorité de limiter le droit d’amendement, en toutes circonstances, en distribuant les pouvoirs, au titre des articles 40 et 41, que nous avions contestés – dans des conditions de nature telle qu’ils pourraient augmenter contre l’opposition.

Il s’agit donc là d’un droit supplémentaire entre les mains de la majorité pour contraindre le droit d’amendement de l’opposition. Si elle est ainsi profilée, cette affaire est inacceptable.

M. le rapporteur a voulu apaiser les esprits lors des débats de la commission des lois. Il a présenté un amendement n° 71 ainsi rédigé :

« Avant l’alinéa 1 de l’article 18, insérer les deux alinéas suivants :

« I. – Le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » Ceci modifie profondément la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous nous trouvons devant une proposition – et j’aimerais savoir si elle tient toujours, s’il va la maintenir, ou la retirer – concernant le droit à la recevabilité de tout amendement, même en rapport indirect avec le texte en discussion. Il ne reste plus que les réserves de l’article 40 et de l’article 41 que nous avons précédemment contestés.

Monsieur le rapporteur, l’article 18 – c’est la question à laquelle je voudrais que vous répondiez clairement, pour que cela figure au Journal officiel – est-il une privation supplémentaire par rapport aux articles 40 et 41, dans la mesure où vous posez le principe de la recevabilité de droit en première lecture ? Si tel est le cas, je me demande à quoi sert l’article 18 ? Car que va faire la loi organique que vous proposez de construire ? Si la loi organique est là pour restreindre de façon supplémentaire le droit d’amendement, alors que l’amendement est recevable de droit, votre amendement n° 71 rend inefficace et inefficiente toute réglementation au titre de la loi organique future que le Gouvernement va proposer.

Nous sommes devant une contradiction entre le désir du Gouvernement de prohiber le droit d’amendement, ou en tout cas de le restreindre, et votre désir salutaire, monsieur le rapporteur – nous saluons vos efforts contradictoires –, de protéger ce droit.

Nous voudrions y retrouver notre latin et nous souhaitons que vous éclairiez notre jugement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le droit d’amendement est un droit fondamental des parlementaires – je parle là sous le contrôle de Bernard Debré, qui est le père de la Constitution, par filiation, si j’ose dire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. L’héritier plutôt !

M. Jean-Pierre Brard. On a amputé notre droit de la parole – nous n’avions déjà pas beaucoup de droits dans le cadre de la Ve République. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est invraisemblable.

Mes chers collègues, rappelez-vous – pour ceux qui étaient là, il y a une quinzaine d’années –…

M. Guy Teissier. Nous y étions !

M. Jean-Pierre Brard. …que nous disposions, pour défendre les motions de procédure, d’un temps de parole illimité, ce qui était précieux pour ceux qui avaient quelque chose à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le temps a été réduit à une heure et demie ; puis, nous sommes passés à une demi-heure. Lorsque se pose une question fondamentale, qui nécessite réflexion, qui exige de poser un regard sur l’histoire, d’examiner notre tradition, s’agissant, par exemple, de libertés, …

M. Yves Bur. Cela vous va bien !

M. Jean-Pierre Brard. …il n’est pas inutile de remonter – je parle sous le contrôle de M. Piron – jusqu’au Siècle des Lumières.

Comment voulez-vous, en trente minutes, éclairer notre assemblée ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est encore trop long !

M. Jean-Pierre Brard. Le droit d’amendement, qui nous permet de travailler concrètement sur les textes, est peu à peu amputé.

On nous berce de belles paroles, de promesses. Nous en sommes abreuvés depuis le début du débat.

Si l’on veut que nos droits actuels soient améliorés, pourquoi changer le texte ?

M. Arnaud Montebourg. Exactement !

M. Jean-Pierre Brard. Notre collègue Arnaud Montebourg l’a fort bien expliqué : nous avons le droit d’amendement. Il n’a qu’une limite : le Gouvernement peut refuser un amendement qui n’a pas été examiné en commission ; il peut aussi recourir au vote bloqué ; il peut enfin demander une seconde délibération, turpitude qui réduit également à néant le droit d’amendement, alors même que l’Assemblée s’est prononcée dans un sens qui n’a pas l’heur de plaire au Gouvernement.

Dans cet article, on encadre le droit d’amendement. J’entends déjà M. Karoutchi nous dire…

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je n’ai encore rien dit !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez encore rien dit, mais on vous entend depuis le début du débat. On a la mélodie dans l’oreille, et il ne reste plus qu’à écrire le texte. Lorsque ce n’est pas vous, c’est Mme Rachida Dati.

On a vu cet après-midi comment l’on ne réduit pas les droits des parlementaires, puisqu’on transfère les droits dont les parlementaires bénéficient au président, qui dispose ainsi d’un droit arbitraire. Monsieur Le Fur, cela ne pourrait pas arriver avec vous, j’imagine !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce que vous affirmez est totalement inexact !

M. Jean-Pierre Brard. Au contraire !

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi faire un nouveau texte si vous voulez élargir des droits qui sont clairement affirmés dans l’article 44 de notre Constitution ?

Je trouve M. Montebourg, qui est homme d’expérience, bien naïf quand il demande à M. Warsmann de nous faire bénéficier de son « pouvoir d’éclairement ». J’imagine que l’on va lancer le même appel à M. Karoutchi.

Quelle valeur auront les paroles, certainement fort bien formulées, qu’ils vont prononcer et qui seront gravées dans le marbre du Journal officiel ? Aucune !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce que vous dites n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Le Conseil constitutionnel se référera au texte constitutionnel, et non pas à nos débats.

Le « pouvoir d’éclairement » de M. Warsmann et celui de M. Karoutchi sont les mêmes que ceux d’EDF un jour de grève. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Il y a un service minimum à EDF !

M. Jean-Pierre Brard. Quand serez-vous capable de le faire appliquer ? Jamais ! Je l’espère !

Le Journal officiel, ce n’est pas cela qui vaut, monsieur le secrétaire d’État.

Ne touchons pas à l’article 44 de la Constitution ! Si vos intentions sont pures, vous n’avez pas besoin de corriger son texte.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « la loi est l’expression de la volonté générale », selon la Déclaration des droits de l’homme de 1789, reprise dans le Préambule de notre Constitution.

S’il est une partie sacrée dans notre travail de député, absolument fondamentale – celle que l’on explique à l’extérieur, y compris à nos enfants –, c’est le pouvoir magique d’écrire la loi, parce que la loi est l’expression de la souveraineté nationale et que nous sommes l’émanation de la souveraineté nationale.

Selon l’article 3 de la Constitution : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants. » C’est ce que nous faisons ici, ce soir : nous écrivons la loi ensemble.

Ce qui figure à l’article 44 de la Constitution est donc absolument fondamental.

M. René Dosière. Oui !

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Pierre Lellouche. Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. C’est la base de notre fonction.

Nous savons tous que ce droit, comme tous les droits, donne parfois lieu à des abus.

M. Patrick Roy. Non !

M. Pierre Lellouche. Il peut y avoir, et il y a ici des gens de talent capables de tenir l’Assemblée en haleine des jours et des nuits, en défendant des amendements plus ou moins « cavaliers », plus ou moins en relation avec le texte lui-même.

Mais j’allais dire – et cela a d’ailleurs été constaté vingt fois, sous toutes les Républiques, par les organes juridictionnels – que ce n’est pas l’essentiel et que ce n’est pas parce qu’il faut organiser cette liberté qu’il faut la restreindre dans la Constitution.

Il y a donc, à mes yeux, une différence tout à fait fondamentale entre inscrire la totalité de ce droit dans la Constitution et son organisation dans le règlement des assemblées,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout à fait !

M. Pierre Lellouche. …règlement qui est d’ailleurs, conformément à notre capacité de législateur, tout à fait à notre portée.

M. Arnaud Montebourg. C’est une excellente réflexion. Merci, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche. Je distingue le droit, que je souhaiterais conserver intact, et son organisation, qui relève de nos compétences et de celles du juge constitutionnel.

Je dis à mes collègues de l’UMP, moi qui ai été successivement tantôt dans la majorité, tantôt dans l’opposition, qu’un jour nous serons à nouveau dans l’opposition. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Un jour lointain ! (Ah ! sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bientôt !

M. Pierre Lellouche. Quand je serai grand-père – ou arrière-grand-père –, avec une très longue barbe. (Sourires.)

Un jour, c’est normal, il y aura une alternance. Et ceux qui sont ici dans la majorité seront alors dans l’opposition.

M. Jean-Pierre Brard. Bien vu !

M. Pierre Lellouche. Et je ne voudrais pas qu’ils craignent que la majorité d’alors puisse faire voter une loi organique pour modifier l’article 44.

Je voudrais qu’il soit clair dans nos débats, pour le juge constitutionnel, que l’on ne touche pas au droit fondamental d’amendement de l’article 44, quitte à ce que nous l’organisions dans le règlement des assemblées.

Je demande à chacun de méditer : s’il y a un droit fondamental qui justifie notre fonction, c’est bien celui-là.

M. Patrick Roy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je vais partir de l’intervention de notre collègue Pierre Lellouche.

Je pense que cette question ne peut pas être traitée, comme peuvent l’être d’autres questions, dans un rapport classique de majorité et d’opposition. Elle doit forcément nous interpeller au plus profond de l’exercice de notre mandat de parlementaire, en dehors de toute consigne partisane. Nous devons toujours nous demander si, un jour, nous n’aurons pas besoin de ce droit pour défendre l’une de nos convictions fondamentales.

N’aurai-je pas besoin – demandons-le-nous clairement – d’utiliser ce droit, qui est discutable, d’allonger la discussion parlementaire pour organiser une résistance, parce que je voudrai que la discussion ait lieu ? De ce droit, nous avons tous usé.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

M. Julien Dray. Honnêtement, j’ai constaté que tous les gouvernements, à chaque étape de ma vie parlementaire, ont toujours eu le même comportement : l’agacement devant ce l’on appelait l’obstruction parlementaire.

J’ai entendu, à chaque fois, des ministres nous dire : « Il faudra bien un jour, que l’on mette fin à cela. » J’ai retrouvé ensuite ces mêmes ministres sur les bancs de notre assemblée, et ils ont utilisé ce droit à leur tour parce qu’ils étaient convaincus, à un moment donné, de la justesse de leur combat.

Vous allez voir ce que je veux dire, monsieur Karoutchi. Lorsque j’étais jeune parlementaire, on disposait d’un temps illimité pour défendre les motions de procédure. C’est ce qui a permis à M. Philippe Séguin de faire – on pouvait être en accord ou en désaccord – un discours de trois heures trente, …

M. Jean-Christophe Lagarde. C’était une intervention remarquable !

M. Julien Dray. …qui, honnêtement, a marqué cette assemblée, sur tous les bancs. S’il n’avait eu qu’une demi- heure, comme c’est le cas aujourd’hui, je ne crois pas qu’il aurait pu exercer son regard critique.

Cela a permis à M. Pierre Mazeaud, pendant quatre heures cinquante, d’organiser la discussion autour de la notion de peuple corse. Cela a permis à d’autres parlementaires d’utiliser ce temps de parole.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Durant des nuits !

M. Julien Dray. Lorsque vous êtes parlementaire, la question n’est pas de savoir si vous voulez des nuits courtes ou des nuits longues. Sinon, vous ne faites pas ce métier !

Mme Chantal Brunel. Il a raison !

M. Arnaud Montebourg. C’est un CDD !

M. Julien Dray. Nous avons déjà beaucoup réduit le temps de parole des motions de procédure. Si l’on adopte l’article 18, quelles que soient les bonnes intentions affichées maintenant, on aura fabriqué une machine qui permettra de mettre fin à une discussion parlementaire gênante pour un gouvernement.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Mais non !

M. Julien Dray. Si, monsieur le secrétaire d’État, et l’exposé des motifs le dit clairement : la modification apportée par l’article 18 « apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire » car la Conférence des présidents fixera une « durée programmée d’examen des textes ».

Quel est le dispositif que vous voulez mettre en œuvre ? La Conférence des présidents se met d’accord sur une organisation programmée du débat sur trois jours, par exemple. Mais, si un certain nombre de parlementaires estiment que ce délai n’est pas suffisant et qu’ils décident de mener une bataille d’amendements, conformément à leur droit, on pourra les en empêcher en leur opposant ce nouveau dispositif pour écourter la discussion. Un tel dispositif vous aurait été, du reste, utile lors du débat sur les OGM ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais ne voyez pas seulement le court terme en vous disant que vous êtes en train de faire une bonne opération : n’oubliez pas que, lorsque vous serez à nouveau dans l’opposition – ce qui ne manquera pas d’arriver un jour : la roue tourne… –, vous serez, vous aussi, amenés à exercer votre droit d’amendement. Le jour où vous en serez privés, vous vous rendrez compte d’avoir commis une erreur en l’ayant supprimé !

C’est la raison pour laquelle je vous invite, chers collègues, au-delà des clivages partisans, à nous rejoindre et à voter nos amendements. Ne cédez pas aux belles paroles rassurantes, aux bonnes intentions pour tenter de vous apaiser en vous assurant que tout sera encadré, garanti. Mais nous savons bien ce que valent de telles paroles lorsqu’un gouvernement, quel qu’il soit, est en difficulté. S’il sent que, dans le pays, les choses sont en train de bouger en réaction à un projet de loi qu’il a précipité, il n’hésitera pas à recourir à ces dispositions.

Permettez-moi de conclure mon propos par une anecdote.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ah non !

M. Julien Dray. Vous la connaissez comme moi, monsieur Karoutchi ; elle ne concerne pas une personnalité issue de mon camp, mais M. François Bayrou, lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale, en 1993. Conseillé par son cabinet, il a cru bon de réformer la loi Falloux.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle histoire !

M. Christian Vanneste. Vous vous trompez : c’était une proposition de loi !

M. Julien Dray. Il l’a reprise à son compte, vous le savez bien !

Nous étions quelques-uns à lui dire qu’il était en train de rallumer la guerre scolaire. Et nous avons mené bataille au Parlement. M. Bayrou a fini par reconnaître son erreur et a déclaré : « Heureusement que cette bataille parlementaire a eu lieu ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 400, 445 et 490, tendant à supprimer l’article 18.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 400.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous avons souligné à plusieurs reprises, depuis le début de notre débat, que les prétendus droits nouveaux accordés au Parlement dans votre réforme s’apparentent à des leurres. Le terme de « leurres » est celui qui qualifie le mieux ce texte. Certains constitutionnalistes parlent même d’hypocrisie. Pour notre part, nous nous en tiendrons au mot « leurres ».

Nous en avons ici un bon exemple. À l’article 16 , vous introduisez, en effet, une nouveauté qui n’est pas un pouvoir supplémentaire et selon laquelle le texte appelé en séance publique serait celui adopté par la commission. Pourquoi pas ?

Viennent alors les dispositions de l’article 18 qui renvoient au règlement de nos assemblées, à des modifications de ce dernier, dont l’objet sera, nous le savons, car vous n’en faites pas mystère, « de multiplier les procédures réellement simplifiées » – on limite donc les débats – et « d’ouvrir la voie à la fixation d’une durée programmée d’examen des textes ».

Autrement dit, vous prendrez demain prétexte de la présentation en séance du texte débattu en commission pour réduire le temps du débat en séance plénière publique.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Mais non !

M. Jean-Claude Sandrier. Cela ouvre la porte à l’inscription dans la Constitution d’une atteinte à la liberté du débat et à la liberté d’amendement.

M. Patrick Roy. Absolument !

M. Jean-Claude Sandrier. Cette régression programmée est inacceptable d’autant que, pour l’essentiel, elle sera codifiée par les règlements des assemblées qui ne seront modifiés qu’après le vote de la révision constitutionnelle.

Nous ne pouvons signer un tel chèque en blanc, ni pour cet article, ni pour tous ceux qui renvoient à une loi ou autre modification réglementaire. Il semble bien que votre préoccupation soit davantage de rationaliser le pouvoir parlementaire que d’ouvrir la voie à un réel renforcement des pouvoirs du Parlement et à un vrai rééquilibrage des pouvoirs. Tel est le sens de cet amendement de suppression de l’article 18, car les articles 18 et 15 combinés vident de leur portée les dispositions – présentées comme positives – de l’article 16.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce sont des contrevérités ! Ayez un peu de respect pour le Parlement !

M. Jean-Claude Sandrier. Car ce que l’on cache ici à nos concitoyens, c’est la cohérence des articles 15, 16 et 18 !

M. le président. J’estime que vous avez déjà défendu l’amendement n° 445, monsieur Debré.

M. Bernard Debré. Soit, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 490.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite revenir sur les arguments qui ont été présentés de part et d’autre de l’hémicycle quant au principe constitutionnel.

Les constitutionnels de 1958 qui n’étaient pas des tendres et qui savaient manier les termes juridiques ont construit un texte, je le reconnais même si je ne partage pas complètement leur point de vue, à partir d’arguments qui peuvent encore nous éclairer. Ils avaient un sens du droit et de la formule. Je souhaiterais que nous nous en inspirions. Ils ont émis un principe qu’ils n’ont pas inventé mais qu’ils ont puisé dans les valeurs des droits fondamentaux de nos démocraties, à savoir le droit d’amendement.

Vous aurez noté que l’article 44 de la Constitution confère au Gouvernement la possibilité de limiter le droit d’amendement, ce qui a toujours été considéré comme un instrument nécessaire dans toute démocratie pour permettre à un gouvernement de réagir, face à des enjeux d’intérêt général, dans le cadre de la Constitution.

Pourquoi votre proposition scelle-t-elle définitivement l’altération à ce principe ? L’article 44 de la Constitution est mis en œuvre par les articles 88 et 99 du règlement de notre assemblée, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Je voudrais appeler votre attention sur le fait que l’article 18 du projet de loi confie à une loi organique le soin de déterminer le cadre du règlement de l’Assemblée : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». Mes chers collègues, cela sous-entend – et c’est très grave – que le règlement de l’Assemblée trouvera son cadre dans une loi organique. Or ce n’est jamais arrivé ! C’est toujours la Constitution qui a encadré notre règlement. Nous avons puisé dans la Constitution les principes d’organisation de notre travail. Cette proposition est inacceptable, et le sort qui lui sera réservé au cours de la navette sera déterminant pour nous !

Par ailleurs, procéder ainsi, c’est entamer un droit fondamental, qui nous appartient et qui vous permets actuellement, chers collègues de la majorité, de participer ensemble ou individuellement à l’œuvre de constituant, que nous partageons. Je vous rappelle que l’état actuel du droit constitutionnel vous permet de débattre individuellement sur ce projet. Je ne suis pas certain que, demain, vous aurez ce même droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements de suppression ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. Patrick Roy. Oh !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’avoue avoir été choqué par le nombre de contrevérités qui ont été proférées, même si je ne doute pas de la bonne foi des orateurs.

Il n’a jamais été question de limiter le droit pour un député de déposer des amendements, ni en commission, ni en séance plénière.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas ce qui est écrit !

M. Patrick Roy. On sait lire tout de même ! C’est le contraire qui est écrit noir sur blanc !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je vous ai écouté sans vous interrompre, chers collègues ! Vous pourriez faire preuve d’un minimum de courtoisie !

M. le président. Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’est pas question de limiter le droit pour un député de déposer des amendements : il pourra le faire en commission et, une fois que la commission aura voté son texte et que celui-ci sera, selon le nouveau dispositif, soumis en séance plénière, chaque député aura évidemment à nouveau le droit de déposer des amendements – des dizaines, des centaines d’amendements s’il le souhaite !

Mme Chantal Brunel. Des milliers !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ça, je ne le souhaite pas ! (Sourires.)

Le droit de déposer des amendements est donc préservé.

M. Jean-Pierre Brard. Non, il est limité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Seules les conditions de recevabilité peuvent aujourd’hui limiter le droit d’amendement : celles de l’article 40, qui n’est pas modifié, et celles posées par le Conseil constitutionnel.

Dans quelques instants, je vous proposerai un amendement n° 71. Je souhaite vivement que le Gouvernement m’apporte à cet égard son soutien, et je n’ai pas l’intention, monsieur Montebourg, de le retirer. J’aimerais même qu’il soit adopté, si possible, à l’unanimité. Pourquoi ? Parce que, ces dernières années, le Conseil constitutionnel a construit une jurisprudence de plus en plus étroite sur la recevabilité des amendements.

Pour vous prouver qu’il n’est nullement question de porter atteinte au droit de déposer des amendements, je vous proposerai un amendement visant à élargir la recevabilité et de revenir à la jurisprudence antérieure : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » On ne touche pas aux articles 40 et 41.

Après la révision constitutionnelle, non seulement chacun aura toujours le droit fondamental de déposer un amendement, mais il y aura plus de chance que celui-ci soit recevable.

L’article 18 du projet de loi concerne l’exercice du droit d’amendement : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées ». Pourquoi faut-il des conditions et des limites et renvoyer à une loi organique ? Pour éviter que le Gouvernement ne nous impose des contraintes de travail difficiles. Il faudra prévoir des horaires, préciser dans la procédure que c’est l’avant-veille ou deux jours avant à dix-sept heures que ses amendements devront être déposés ; car, actuellement le Gouvernement n’est soumis à aucun délai de dépôt.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oui !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous travaillons parfois dans des conditions détestables…

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …quand nous sommes obligés d’étudier des amendements au dernier moment. La loi organique est donc indispensable pour introduire de telles dispositions.

Avec le nouveau dispositif, notre méthode de travail risque fort d’évoluer. Les amendements seront rédigés, en commission, à partir du texte du Gouvernement et, en séance plénière, à partir du texte adopté en commission.

Mme Chantal Brunel. Nous sommes d’accord.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Les modalités d’exercice du droit d’amendement devront donc avoir un ancrage constitutionnel.

Je ne peux avoir de réponse plus claire : il n’est pas question de porter atteinte au droit de déposer un amendement. Individuel, il appartient à chaque député, qui pourra l’exercer à chaque phase de la procédure.

Pour toutes ces raisons, mais vous l’aurez deviné, monsieur le président, la commission a émis un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements de suppression ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pour éviter de faire écho aux remarquables explications de M. le rapporteur, je veux simplement dire à votre assemblée, tout particulièrement à ceux qui, entre guillemets, « s’inquiètent »,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avec raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Pas besoin de guillemets : notre inquiétude est réelle !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Alors, je les enlève, monsieur Brard.

Je disais donc que je pouvais vous fournir une garantie supplémentaire. À l’article 19, en effet, le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement n° 71 de la commission, qui étend la possibilité de déposer des amendements.

M. Jean-Claude Sandrier. Oui, mais seront-ils examinés ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Sincèrement, je ne sais plus dans quelle langue m’exprimer pour vous faire comprendre que vous aurez non seulement la possibilité de déposer et de discuter – puisque c’est le mot que vous vouliez entendre – des amendements,…

M. Jean-Claude Sandrier. Il faut l’inscrire dans la Constitution !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. …mais aussi d’en déposer davantage.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Les explications du rapporteur et du Gouvernement sont très claires. Un texte adopté en commission, le cas échéant par sept ou huit parlementaires, donne la possibilité aux membres des deux assemblées de déposer un nombre indéfini d’amendements en séance publique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Julien Dray. Ce n’est pas ce qui est écrit !

M. Bernard Debré. Eh non !

M. Julien Dray. Entre « déposer » et « discuter », il y a une grande différence !

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Cher monsieur Montebourg, je dois dire que je garde un bon souvenir de la journée que nous avons passée en commission de lois à examiner ce texte (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous seriez-vous compromis, monsieur Montebourg ?

M. Christian Vanneste. La discussion a été sereine, et un certain nombre de vos amendements ont été approuvés. Nous avons travaillé de façon extrêmement sérieuse, ce qui est à l’honneur du Parlement.

Le texte qui nous est soumis comprend de nombreuses dispositions, et l’on peut penser que toutes ne vont pas dans le sens d’une amélioration du rôle du Parlement. En l’occurrence, l’article 18 ne peut encourir ce reproche. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il n’est pas question de remettre en cause le droit d’amendement, qui est fondamental.

Cela dit, chers collègues, vous êtes comme moi témoins de relents d’antiparlementarisme.

M. Jean-Claude Sandrier. Ah ! Nous y voilà ! Nous sommes sur la bonne voie !

M. Christian Vanneste. C’est la raison pour laquelle nous devons faire très attention au sérieux de nos travaux. Ne perdons pas inutilement notre temps,…

M. Julien Dray. Merci de dire la vérité !

M. Christian Vanneste. ...sur fond de mauvaise foi, …

M. Julien Dray. Appréciation subjective !

M. Christian Vanneste. …quand nous avons l’occasion d’échanger des arguments de façon sereine et constructive. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur Dray, vous contestez mes propos. Je crois que vous avez une très mauvaise mémoire. Mais ce n’est pas le cas M. le président Le Fur, qui se souvient très bien de certaines choses.

M. Jean-Pierre Brard et M. Julien Dray. Quel flatteur !

M. Christian Vanneste. Vous avez fait allusion tout à l’heure à un texte, qui a été une honte pour le Parlement en raison du comportement de l’opposition. Nous l’avons voté un lundi, au petit matin, à cinq ou six heures, grâce à l’intervention du président Séguin et à la suite du malaise d’un membre du personnel de l’Assemblée nationale, tombé dans les pommes, comme on dit, parce que nous en étions au millième ou au mille cinq centième amendement d’obstruction.

Vous qui avez la mémoire courte, monsieur Dray,…

M. Julien Dray. Absolument pas !

M. Christian Vanneste. …je vous rappelle qu’une longue série d’amendements déclinait le pourcentage alloué à l’enseignement public : pas plus de 1 %, de 2 %, 3 %, etc.

M. Julien Dray. Heureusement que nous avons déposé de tels amendements !

M. Christian Vanneste. Et des dizaines d’autres comportaient des noms de sectes plus ou moins baroques, qui étaient autant d’insultes envers les grandes religions de notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Julien Dray. C’est ainsi que nous avons sauvé la laïcité !

M. le président. Monsieur Dray, s’il vous plaît !

M. Christian Vanneste. Vous vous êtes lancés dans une obstruction aveugle et vous avez été justement punis.

Nous souhaitons, pour notre part, que le Parlement échappe à ce genre d’impasse et retrouve la dignité qui lui revient. Et c’est dans ce sens que va ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Julien Dray. À chacun ses références !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. J’aimerais contribuer au débat en tentant de rester calme et serein.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Est-ce possible ?

M. Didier Migaud. Je poserai donc quelques questions au rapporteur et au secrétaire d’État pour savoir exactement ce qu’il en est.

Une comparaison a été établie entre la recevabilité financière au titre de l’article 40 et la recevabilité au regard de la distinction entre domaine législatif – article 34 – et domaine réglementaire – article 37. La question essentielle est de savoir qui apprécie la recevabilité.

M. Pierre Lellouche. C’est nous !

M. Didier Migaud. Pour l’article 40, un pouvoir d’appréciation est donné au président de chacune des assemblées et délégué au président de la commission des finances, lequel juge de la recevabilité d’un amendement avant même qu’il ne puisse être débattu en séance publique. Nous avons donc la faculté d’empêcher la discussion d’un amendement. Doit-il en être de même pour la recevabilité au titre de l’article 34 et de l’article 37 ? Je ne le crois pas. Nous ne pouvons en juger avant même d’avoir débattu de l’amendement concerné. Donner au président de la commission des lois le même pouvoir d’appréciation que le président de la commission des finances en matière de recevabilité des amendements pourrait se solder par un recul du droit d’amendement.

M. Julien Dray. Absolument !

M. Didier Migaud. Si vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que vous n’avez pas l’intention de mettre sur le même plan ces deux types de recevabilité, nous pouvons être rassurés. Le Gouvernement aura toujours la possibilité, une fois l’amendement discuté, de demander son retrait s’il estime qu’il relève du domaine réglementaire et qu’il est irrecevable à ce titre. La Constitution prévoit d’ailleurs qu’« en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours ».

Envisagez-vous donc de traiter de la même façon ces deux recevabilités ou comptez-vous adopter une lecture plus souple de notre Constitution, à la faveur de laquelle ce serait dans le cadre de la séance publique, une fois l’amendement déposé, que le Gouvernement pourrait apprécier sa recevabilité ? Votre réponse sera essentielle. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. M. le secrétaire d’État nous a dit à plusieurs reprises que cet article 18 ne pouvait avoir pour conséquence de limiter notre droit à déposer des amendements.

M. Jean-Pierre Brard. Ou comment enfiler des perles ! Ce n’est pas le dépôt qui pose problème !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Brard, même à cette heure-ci, je suis convaincu de votre capacité à écouter jusqu’au bout un raisonnement.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne fais que ça !

M. Jean-Christophe Lagarde. La seule question qui vaille in fine – et elle est dans l’esprit de tout le monde ici – est de savoir si les amendements déposés seront discutés.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai entendu M. le secrétaire d’État dire que ce serait le cas. Mais je veux être certain d’avoir bien entendu, même si je crois en la sincérité de l’engagement du gouvernement actuel de soumettre à discussion les amendements en question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Arnaud Montebourg. Les ministres passent, la Constitution reste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Montebourg, même si nous débattons depuis plusieurs jours et qu’il commence à se faire tard, je suis persuadé que vous êtes capable de comprendre que, si j’ai parlé du « gouvernement actuel », c’est bien parce que j’avais quelques craintes quant aux intentions des gouvernements futurs, qui pourraient être les vôtres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez précisé que vous accepteriez un amendement de la commission à l’article 19…

M. Arnaud Montebourg. Oui, mais c’est de la Constitution qu’il est question ici, pas du Gouvernement !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est effarant cette incapacité à écouter ! Même lorsqu’on dit des choses qui vont dans votre sens, vous n’êtes pas capables de les entendre !

Permettez-moi de vous indiquer que nous avons déposé un sous-amendement qui prévoit que les amendements seront jugés recevables et discutés lors de la première lecture afin de garantir que la discussion ait lieu. L’adopter éviterait beaucoup de faux procès inutiles et permettrait de ne plus faire comme si les arrière-pensées présentes dans tous les esprits n’existaient pas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Une fois n’est pas coutume, je suis assez sensible aux arguments défendus par M. Vanneste. Il arrive en effet que des textes de loi donnent lieu à des stratégies d’obstruction, ou du moins à des manœuvres destinées à gagner du temps. Mais méfions-nous. Vous avez pris, cher collègue, un exemple extrême et il n’y a pas eu beaucoup de débats de ce type dans les annales de notre assemblée. Cela prouve que nous sommes des élus responsables, qui renvoient à nos concitoyens l’image d’une vie démocratique dont nous n’avons pas à rougir.

J’aimerais rappeler que nous avons eu un débat où certains amendements auraient pu être déclarés irrecevables, au regard de l’article 18 du présent projet de loi. Il s’agit du débat sur le CPE, pendant lequel nous avons bataillé ferme. Nous avons déposé des amendements quelquefois redondants, mais qui ont permis d’éclairer l’opinion publique sur les tenants et les aboutissants de ce projet de loi. Dans le débat que nous avons en ce moment, nous voyons bien que c’est aussi grâce à des amendements un peu redondants que nous arrivons à identifier certains pièges.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Patrick Braouezec. Il ne serait ni juste ni bienvenu d’inscrire dans la Constitution cette disposition car elle ouvrirait la voie à l’arbitraire. Même si nous n’avons pas d’a priori négatifs – encore que… – sur la façon dont ce gouvernement l’appliquerait, nous pourrions en avoir sur ceux qui lui succéderont.

On risque de mettre le doigt dans un système qui ne serait pas sain pour la démocratie.

J’ajoute que, si nous votons cet article, il faudra à tout prix s’assurer, comme vient de le dire M. Lagarde, que les amendements puissent non seulement être déposés, mais aussi discutés.

M. le président. Mes chers collègues, neuf orateurs se sont exprimés sur l’article et les amendements de suppression. Puis, après que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis, nous avons encore entendu cinq orateurs. J’estime donc que l’Assemblée est suffisamment éclairée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, vous conviendrez avec moi que la question du droit d’amendement est plus importante que celle de la fixation du nombre de commissions permanentes dans l’Assemblée,...

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Arnaud Montebourg. ...laquelle a donné lieu à une suspension de séance pour que les membres du groupe UMP puissent se mettre d’accord.

Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur des problèmes que nous n’avions pas perçus en commission et qui sont apparus à partir d’expériences de collègues, de droite comme de gauche.

Je persiste à dire, comme je l’ai fait d’une manière un peu directe à M. Lagarde, que les déclarations du secrétaire d’État n’engagent que lui-même. Il ne s’agit pas là de voter la confiance à M. Karoutchi, quelle que soit l’amitié que nous puissions lui porter dans ce débat, mais d’adopter un texte constitutionnel doué d’une certaine éternité.

Que l’on me permette donc de poser de nouveau quelques questions.

Nous venons d’augmenter, à l’article 41 de la Constitution, la possibilité de réduire le droit d’amendement de tout parlementaire – majorité et opposition confondues – dès lors qu’il viole le domaine de la loi et du règlement. Voilà donc déjà une première perte.

Lorsque nous voyons le rapporteur se battre pour que le Gouvernement donne un avis favorable sur son amendement n° 71, c’est en vérité parce qu’il donne une sorte de coup d’arrêt au processus décrit par l’exposé des motifs qui précise – c’est à la page 8 – que « mise en œuvre avec discernement, cette procédure apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire », ce que du reste a rappelé M. Vanneste.

Si l’on ne peut pas lutter contre la recevabilité des amendements, on pourra désormais empêcher qu’ils soient discutés. Ils seront déposés recevables, mais ils ne seront pas discutés car une procédure limitera la programmation de la durée du temps de parole.

Monsieur le président, étant donné que nous n’avons pas obtenu de réponse satisfaisante à une question que j’ai posée avec Didier Migaud, je demande une courte suspension de séance pour permettre au rapporteur et au secrétaire d’État de nous donner des éclaircissements. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

M. le président. Avant de suspendre la séance, nous allons procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements de suppression nos 400, 445 et 490. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Julien Dray. Non ! Cela s’appelle un coup de force !

(Il est procédé au scrutin.)

M. Arnaud Montebourg. C’est inacceptable ! Je demande une suspension de séance précisément pour que nous puissions être éclairés avant le vote.

M. Julien Dray. Si nous continuons comme cela, nous allons y passer la nuit !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est ça, la Constitution de demain ?

M. Didier Migaud. C’est un simulacre de démocratie !

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Les amendements de suppression nos 400, 445 et 490 ne sont pas adoptés.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune... (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, j’ai demandé une suspension de séance ! C’est inacceptable ! Je demande le retour du président Accoyer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est le premier incident depuis deux semaines !

M. le président. Je vous accorde une suspension de séance de dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’incident qui vient de nous opposer sur les conditions de vote des amendements de suppression de l’article 18, je voudrais faire une déclaration au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Cet incident doit être apprécié au regard de l’importance des dispositions qui sont en jeu : il s’agit du droit d’amendement, considéré depuis des siècles dans cette institution comme un droit sacré. C’est le dernier droit qui nous reste après que tous les autres ont été restreints. L’incident a d’ailleurs éclaté au sujet de la portée de la loi organique mentionnée à l’article 18 et des atteintes à ce droit qu’elle risque de permettre.

Des orateurs de différents groupes, comme M. Lagarde, du groupe Nouveau Centre, M. Sandrier, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et même certains parlementaires de la majorité – MM. Debré, Cuq, Jacques Le Guen et d’autres encore – ont déposé, comme nous, des amendements de suppression de cet article. J’ai demandé, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, un scrutin public, non sur notre amendement, mais sur celui de M. Debré – fait suffisamment rare pour que cette demande soit considérée avec quelque attention et que nous puissions obtenir du Gouvernement et du rapporteur les éclaircissements nécessaires pour voter en connaissance de cause.

Certaines des questions que nous soulevons ont déjà été développées par M. le président de la commission des finances, Didier Migaud. Il serait notamment impensable que l’utilisation de l’article 41 par le président de l’Assemblée nationale, suivant la procédure que nous avons adoptée cet après-midi, donne lieu à des atteintes au droit à déposer des amendements et à les faire discuter. Au cours du débat, il est en effet apparu, au regard des expériences que nous avions, les uns et les autres, du règlement de l’Assemblée nationale, que reconnaître un amendement comme recevable était une chose et que le discuter en était une autre.

Aussi demandons-nous à M. le président de l’Assemblée nationale – qui nous a fait l’amitié de nous rejoindre dans l’hémicycle –, à Mme la garde des sceaux, gardienne de la Constitution, à M. le secrétaire d’État et à M. le rapporteur de la commission des lois, de déclarer solennellement que seront garantis, dans le présent projet de loi constitutionnelle comme dans les lois organiques subséquentes, non seulement le droit de tout parlementaire à déposer des amendements, mais aussi la possibilité pour ceux-ci d’être discutés en séance plénière. C’est à cette condition que nous pourrons nous déterminer en conscience sur les amendements de suppression de l’article 18, qui n’ont pas été mis aux voix dans des conditions acceptables, et, en tout état de cause, sur ledit article.

M. Michel Bouvard. Cela ne concerne pas les amendements à caractère budgétaire !

M. Arnaud Montebourg. Bien entendu, notre demande s’entend à l’exception des amendements qui relèveraient de l’article 40 de la Constitution.

À ce stade de la discussion, nous souhaiterions bénéficier des précisions du rapporteur, puis – nous en sommes navrés, monsieur le président, mais il faut parfois prendre le temps nécessaire pour éviter que la discussion ne dérape – d’un court répit afin de clarifier cette question. Vous accepterez donc, je l’espère, de nous accorder une brève suspension de séance, qui nous permettra de déterminer notre position et, je l’espère, de clore définitivement l’incident.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Essayons, sinon de clore l’incident, du moins d’avancer dans la discussion. Cet incident résulte en définitive, après plusieurs jours de débat, moins des conditions dans lesquelles celui-ci se déroule que du contenu du texte.

Après tout, la discussion nous a permis de progresser : nous quittons l’apparence pour accéder à la réalité du texte.

M. Michel Piron. À son essence !

M. Jean-Pierre Brard. Et plus nous avançons, moins c’est sympathique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, quand les Français entendent un opéra, comment le reconnaissent-ils ? Souvent, c’est à son ouverture.

Eh bien, nous discutons d’un texte constitutionnel dont nous ne connaissons pas l’ouverture, puisque le monarque qui gouverne notre République en a confié la rédaction à Mme Veil. Personne ne sait aujourd'hui quand nous en débattrons ni même si elle nous sera fournie. Or, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, comment discuter le détail d’un texte si nous n’en connaissons pas la tonalité ? C’est d’autant plus important que le Préambule de notre Constitution, reprenant la Constitution de 1946, y a ajouté un adjectif très important : « laïque », sur proposition du député Étienne Fajon. Or, depuis, il y a eu les discours de Saint-Jean-de-Latran et de Riyad. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Que va devenir le Préambule ? Nous n’en savons rien !

Vous nous faites discuter d’un texte dont nous découvrons les chausse-trapes au fur et à mesure que nous avançons. Il en est ainsi de l’article 44 de la Constitution, qui va être, dites-vous, « enrichi », en réalité corseté puisqu’il nous donnera le droit de déposer des amendements sans nous assurer qu’ils seront discutés.

Je suis d’accord avec Arnaud Montebourg, à une réserve près, qui n’est pas un détail : nous n’avons pas besoin de déclarations solennelles, fussent-elles formulées par Mme la garde des sceaux ou par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, tout simplement parce qu’elles ne servent à rien ! Puisqu’il s’agit de la loi fondamentale, nous avons besoin d’un texte précis, non de décorations verbales ! Ce qu’il faut, c’est travailler sur les mots afin que ce soient les bons qui figurent dans la Constitution. Du reste, monsieur le secrétaire d’État, le mieux serait de ne rien ajouter à l’article 44.

Cet incident n’est donc que la manifestation du fait que nous discutons d’un texte bâclé, qui cache des intentions de museler davantage encore un Parlement, dont les prérogatives, sous la Ve République, sont à nos yeux déjà bien restreintes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour éclairer le débat, je tiens à rappeler que chaque député, individuellement, a le droit de déposer un ou plusieurs amendements, qui sont soumis à des règles de recevabilité, auxquelles rien n’est changé : la sanction automatique de l’article 40, appliquée par le président de la commission des finances, et la règle facultative de l’article 41. L’adoption, tout à l’heure, de l’article 15 a simplement étendu l’utilisation par le Gouvernement de cette règle facultative aux présidents de chaque assemblée. Le premier alinéa de l’article 41, dont nous ne modifions pas le fond, dispose actuellement que « s’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité ». En vertu de l’article 15, qui insère après les mots : « le Gouvernement », les mots : « ou le président de l’assemblée saisie », c’est désormais, « le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie » qui peut opposer l’irrecevabilité. Quant au second alinéa, il prévoit qu’« en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours ». Telle est la règle facultative qui peut être utilisée contre un amendement qui, n’étant pas de nature législative, empiète sur le domaine réglementaire ou « est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 ».

Telles sont, je le répète, les règles de recevabilité des amendements : il n’y a donc rien à cacher ! Si je dépose un amendement, il peut être déclaré irrecevable en vertu du contrôle, tout à fait sérieux, exercé par la commission des finances au titre de l’article 40, ou du pouvoir facultatif, exercé depuis toujours par le Gouvernement sous la Ve République, et désormais étendu au président de l’assemblée intéressée en raison de l’adoption de l’article 15.

M. Jean-Claude Sandrier. Il y aura donc désormais un double gendarme !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce pouvoir a été utilisé une fois par le président Jean-Louis Debré, mais de façon indirecte puisqu’il ne pouvait l’exercer lui-même, lorsqu’il a demandé au gouvernement de l’époque, sur un projet de loi postale, de déclarer l’irrecevabilité de plus d’une dizaine de milliers d’amendements de nature manifestement réglementaire.

M. Jean-Claude Sandrier. Il y aura donc bien désormais un double gendarme !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’article 18, dont nous débattons actuellement et qui fait difficulté, ne porte pas, je tiens à le rappeler, sur le droit d’amendement et les modalités de dépôt, mais sur les modalités d’exercice de ce droit. Si l’article précise que « ce droit s’exerce en séance ou en commission », c’est que nous avons adopté la disposition selon laquelle c’est désormais le texte issu de la commission qui sera discuté en séance. De plus, si le texte précise que ce droit s’exercera « selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique », ce n’est pas dans le but de faire disparaître quelque amendement que ce soit dans je ne sais quel triangle des Bermudes réglementaire ou financier, mais parce qu’il faut bien définir les conditions et limites permettant de faire fonctionner le nouveau système.

M. Arnaud Montebourg. Il s’agit donc bien de limites !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit notamment des dates limites de dépôt, qui sont nécessaires pour nous permettre de travailler, ou d’évidentes conditions de forme : les amendements au texte du Gouvernement examiné en commission devront être récrits sous forme d’amendements au texte de la commission, pour pouvoir être discutés en séance, et ce quel que soit le nombre de ceux que vous souhaiterez soutenir.

M. Julien Dray. Nous sommes d’accord, mais c’est un autre problème !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On nous a soupçonnés de donner un pouvoir supplémentaire au Sénat en prévoyant de recourir à une loi organique, mais je tiens à souligner que c’est avec raison que le Gouvernement a prescrit ce recours si nous voulons pouvoir imposer des conditions à ses amendements, puisque le règlement de l’Assemblée ne nous le permet pas.

L’article 18 ne dissimule donc rien qui s’apparenterait à un quelconque triangle des Bermudes : on ne touche pas au droit de déposer des amendements et ceux-ci viendront en séance et y seront discutés, sous réserve évidemment des procédures habituelles – amendements qui tombent, recours au vote bloqué ou absence de leur auteur. En revanche, c’est vrai, en vertu de l’article 15, le président de l’assemblée saisie pourra soulever l’irrecevabilité réglementaire alors qu’il ne le pouvait pas auparavant – il devait passer par le Gouvernement. Tel est le seul changement, qui ne concerne pas le champ de dépôt des amendements, mais le fait que, désormais, une personne de plus disposera des manettes qui commandent l’irrecevabilité. Il est donc acquis que nous n’avons changé les règles ni à l’article 40 ni à l’article 41, mais que, désormais, le président de l’assemblée saisie pourra, en sus du Gouvernement, invoquer l’article 41.

J’ajoute qu’ayant usé du droit d’amendement tant dans la majorité que dans l’opposition, il m’a paru judicieux d’étendre le champ des vrais amendements, c'est-à-dire des amendements législatifs, et ce afin de prévenir toute tentation d’adopter des textes bavards. Tel est l’objet de mon amendement n° 71, qui étend notre pouvoir en la matière puisqu’il vise à nous permettre de déposer en première lecture tout amendement « dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

En conclusion, une seconde institution – le président de l’assemblée intéressée – pourra désormais déclarer irrecevables les amendements de nature réglementaire qu’avec malignité un parlementaire aurait déposés par centaines. En revanche, si ces amendements sont de nature législative, ils viendront en séance. Tel est aujourd'hui et tel sera demain l’état du droit (Applaudissements sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je ne suis pas entièrement sat isfait par les précisions apportées par le rapporteur puisque l’exposé des motifs du projet de loi précise que, si la procédure prévue à l’article 18, qui vise à fixer les conditions et limites du droit d’amendement, est « mise en œuvre avec discernement », elle « apportera une réponse au phénomène d’obstruction parlementaire ». Ainsi, en invoquant lui-même le discernement, c'est-à-dire la démarche volontaire et arbitraire de celui qui utilisera cette procédure, l’exposé des motifs reconnaît qu’elle pourra porter atteinte au droit d’amendement.

De plus, M. le rapporteur n’a pas suffisamment insisté sur le fait que l’article 18, qui soulève tant de problèmes de conscience chez de nombreux parlementaires, prévoit également que le droit d’amendement « s’exerce dans les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par la loi organique ». Il y aura donc bien désormais un double barrage : le premier, ce sera la loi organique, qui fixera le cadre d’une procédure fondée sur le discernement de celui qui l’utilisera sans que soit prévue aucune possibilité de s’opposer à son manque éventuel de discernement,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas acceptable !

M. Arnaud Montebourg. …le second barrage étant constitué, pour sa part, des « conditions et limites fixées par les règlements des assemblées ».

J’ai entendu les déclarations du président Accoyer selon lesquelles le règlement intérieur ne saurait être que consensuel. Tant mieux, si telle est sa volonté ! Mais la loi organique sera écrite autant par la majorité du Sénat que par celle de l’Assemblée nationale. Toutefois, puisque ce soir, c’est la Constitution que nous écrivons et non la loi organique, rappelons-nous que nous fabriquons des règles à partir de mots dont chaque lettre compte.

Monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, nous n’avons pas obtenu les apaisements que nous demandions.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je veux bien m’expliquer de nouveau, mais sachez, monsieur Montebourg, que je ne me fixe pas pour objectif de vous convaincre entièrement : je sais fort bien que je ne saurais y arriver, quels que soient mes efforts.

M. Jean-Pierre Brard. C’est que la cause est mauvaise !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le répète : les conditions et les limites portent sur l’exercice du droit d’amendement. Vous pouvez affirmer, monsieur Le Bouillonnec, que vous n’admettrez pas que le cadre en soit fixé par une loi organique ; moi, je l’admets et j’appelle tous les députés à voter l’article 18.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas nous qui comptons, mais ce qui se passera dans vingt ou trente ans, puisque vous voulez graver cette disposition dans le marbre de la loi fondamentale !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ne m’interrompez pas, je vous prie !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, veuillez laisser s’exprimer le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous aurez la parole tout à l’heure, mais écoutez-moi d’abord.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne me la donnera peut-être pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le répète : j’invite tous mes collègues à voter comme moi l’article 18 parce que mes travaux pratiques sous la précédente législature me conduisent à penser que, si nous ne le votons pas, nous ne pourrons pas fixer de limites aux amendements du Gouvernement. Or, si des limites sont fixées pour les amendements parlementaires, il me paraît normal que le Gouvernement soit soumis aux mêmes règles du jeu, ce que permettra le recours à une loi organique. Dois-je rappeler que nous avons échoué sur le sujet lors de la dernière législature ? Quant au fait que les « conditions et limites » seront « fixées par les règlements des assemblées », c’est évident, puisqu’elles sont, par définition, de nature réglementaire. J’ajoute que les deux textes iront devant le Conseil constitutionnel, ce qui est une garantie, d’autant que celui-ci a toujours affirmé que le droit de déposer un amendement appartenait librement et individuellement à chaque député.

Rien dans le projet de loi ne porte donc atteinte à ce droit fondamental.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais si vous changez la Constitution ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On peut faire tous les procès d’intention qu’on veut, j’ai fourni toutes les explications possibles et imaginables. Il convient maintenant de passer au vote.

Je le répète : j’appelle l’Assemblée à voter l’article 18 parce qu’il est cohérent avec les dispositions que nous avons déjà adoptées : il est même indispensable compte tenu du fait que, désormais, c’est le texte de la commission que nous examinerons en séance. Telles sont les raisons pour lesquelles il est nécessaire de prévoir des « conditions et limites » d’exercice du droit d’amendement. Tout cela est parfaitement limpide. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Il est clair que l’on va voter.

Je ferai simplement remarquer, et cela a été souligné tout à l’heure par le rapporteur, que, si le texte est adopté, nous aurons, en matière d’irrecevabilité législative, deux gendarmes au lieu d’un. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a une première restriction avec l’article 15. Les articles 15 et 18 annulent d’ailleurs les effets positifs de l’article 16.

De plus, on soumet au règlement de l’Assemblée la fixation d’un certain nombre de limites au droit d’amendement. J’ai adressé, au nom de mon groupe, une lettre au président Accoyer pour lui demander que la discussion de ce règlement ait lieu avant celle de la révision constitutionnelle. Je n’ai pas obtenu de réponse. C’est dommage, car fixer les termes du règlement nous aurait éclairés pour la discussion de ce soir.

S’agissant de l’article 18, il est faux d’affirmer que les amendements viendront forcément en discussion pour une bonne et simple raison rappelée dans l’exposé des motifs, qui précise qu’un examen en commission permettra « d’abord l’institution de procédures réellement simplifiées pour l’examen de textes à caractère technique ». Davantage de textes feront donc l’objet d’une procédure simplifiée, donc il y aura peu de débats. Je poursuis la lecture de l’exposé des motifs : cette modification « ouvre, ensuite, la voie, conformément à une recommandation du rapport du comité présidé par M. Balladur, à la fixation par la conférence des présidents d’une durée programmée d’examen des textes à l’issue de laquelle la discussion serait close. »

Donc, s’il est sûr que l’on pourra déposer des amendements, il est faux d’affirmer qu’ils seront discutés. À partir du moment où cette procédure sera instituée, nous ne pourrons plus examiner d’amendements. Vous êtes en train de feinter, je dirai même que vous êtes en train de tricher ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Scandaleux !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Sandrier, vous venez de dire qu’il y aurait deux gendarmes au lieu d’un. Cela ne me dérange pas quand les gendarmes font appliquer la loi républicaine !

Je voudrais verser au débat le travail conduit par le sénateur Bel à la demande de Mme Royal intitulé « Pour une nouvelle République 2007 » et qui a ensuite fait l’objet d’une proposition de loi déposée en 2007 par le groupe socialiste. Il était notamment suggéré de « donner aux présidents des commissions permanentes la possibilité de soulever eux-mêmes l’irrecevabilité des amendements de nature réglementaire ». Permettez-moi de m’interroger. C’est exactement le débat que nous avons eu. Le pouvoir que le Gouvernement confère au président de l’Assemblée, le groupe socialiste voulait le donner à l’ensemble des présidents de commission !

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes pas comptables des propositions de Mme Royal !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Sandrier, cela vous concerne : la proposition de loi Bel voulait également « fixer à l’initiative du Gouvernement, après avis de la Conférence des présidents, un délai maximum d’examen d’un projet, ne pouvant être inférieur à une semaine, au terme duquel une assemblée se prononce par un seul vote en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ». Je ne vous ai jamais proposé cela et je ne vous le proposerai jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je présume tout le monde de bonne foi. Je vous ai mis devant vos contradictions. Vous prendrez vos décisions lors de chaque vote. Je souhaite, maintenant, monsieur le président, que nous avancions dans le débat.

M. Jean-Pierre Brard. Vos fiches ne sont pas à jour, monsieur Warsmann ! Si M. Sandrier avait quelque chose à voir avec Mme Ségolène Royal, cela se saurait ! (Rires.)

M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause le droit d’amendement.

Non seulement les amendements pourront être librement déposés, mais ils pourront également être examinés en séance. C’est la disposition que nous avons adoptée dans l’article précédent.

Il n’est absolument pas question d’appliquer systématiquement l’article 41, contrairement à l’article 40. La nouvelle rédaction de l’article 41 entend simplement mettre sur un plan d’égalité le Gouvernement et le président de l’Assemblée – nous parlions tout à l’heure d’égalité des armes.

La loi organique relative aux conditions et aux limites du droit d’exercice d’amendement du Gouvernement, monsieur Montebourg, n’a qu’un seul objet : assurer, ni plus ni moins, la cohérence dans le traitement des amendements du Gouvernement dans chacune des deux chambres. Cela reprend ce que vient de dire le rapporteur Warsmann.

Nous pourrions avancer de manière consensuelle sur la procédure simplifiée, comme l’article 103 du règlement de l’Assemblée le prévoit.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Cette discussion a commencé à vingt et une heures trente. Le climat qui a présidé au cours de ces deux heures et demie prouve, quoi qu’il ait été dit au départ, qu’il y a un problème.

Vous avez raison de dire, monsieur le rapporteur, que la difficulté ne porte pas simplement sur l’article 18 lui-même, mais sur ce même article compte tenu des dispositions précédemment votées. J’ai donc, dès le début de la discussion, attiré votre attention sur l’interprétation écrite page 8, et que vous ne pouvez donc pas nier. Quand on lit : « Mise en œuvre avec discernement, cette procédure, qui existait d’ailleurs dans les premières années de la Ve République, apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire », on comprend qu’il s’agit de l’ensemble du dispositif tel qu’il est progressivement monté.

On peut avoir des discussions. Le rapporteur a beaucoup de talent et d’expérience pour m’expliquer le sens de toutes ces questions juridiques. Mon professeur, qui est ici dans l’hémicycle, m’a appris qu’il était préférable de revenir aux choses simples, élémentaires et basiques. N’est-ce pas, monsieur Goasguen ? La question est simple, et vous le savez tous. Je vais essayer de la résumer.

Un gouvernement décrète un temps de discussion qui, tel qu’il est mis en place, ne satisfait pas l’opposition. Donc, l’opposition, quelle qu’elle soit, n’a, comme seule arme pour se défendre, que son droit d’amendement, quitte à ce que ses amendements tombent avant d’être discutés, comme cela arrive parfois. Ces amendements seront-ils présentés en séance, seront-ils débattus dans l’hémicycle, ou seront-ils bloqués en amont par une décision arbitraire ? Vous devez aujourd’hui nous garantir que leur discussion aura bien lieu.

Nous sommes en première lecture. Ce texte sera ensuite examiné par le Sénat. J’insiste : nous ne cherchons pas à polémiquer pour le plaisir. Le problème de l’exercice du droit d’amendement se posera à nous tous un jour ou l’autre. Il est donc indispensable d’apporter un certain nombre de garanties sur cette question essentielle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’interviendrai pour la dernière fois dans ce débat.

Nous n’avons pas proposé la réforme de la Constitution.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est Ségolène Royal !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes toutefois tous conscients que cette réforme de la Constitution ne peut pas être dans la prégnance factuelle des circonstances politiques et de ceux qui les animent actuellement, qu’ils soient au Gouvernement, à la Présidence de la République ou dans cet hémicycle. La réforme de notre Constitution doit s’inscrire dans un processus de pérennité dans le temps. C’est de notre responsabilité d’hommes libres et d’élus que d’y veiller.

Je considère qu’aucun des propos tenus ici n’est susceptible d’entamer la force des mots inscrits dans la Constitution. C’est d’ailleurs, mes chers collègues, toute la compétence et toute la responsabilité du Conseil constitutionnel, qui n’a qu’une seule mission : dire ce que signifie chaque mot dans le quotidien du vécu, des circonstances, de la politique, des événements, des contradictions, des majorités, des alternances. Lorsque le mot est ambigu au point de poser un problème de sens au Conseil, on s’inscrit dans les fondamentaux qui ont construit la République, les préambules et les interprétations précédentes. Je suis solennel et grave. J’attache au travail de constituant que nous sommes en train de mener une importance plus grande encore qu’aux travaux auxquels j’ai participé depuis que je suis député. Ma responsabilité est certes modeste, mais elle concourt à notre responsabilité commune face aux enjeux. Je n’accepterai jamais, mais peut-être ne serai-je pas majoritaire, qu’une loi constitutionnelle énonce une autre règle que celle qui précise que les parlementaires ont la liberté d’amendement et qui laisse au règlement de l’Assemblée le soin d’organiser les modalités d’application des dispositions que nous introduisons dans la Constitution, quitte à ce que le Conseil constitutionnel rappelle quel manquement a été commis. Voilà ce que signifie « faire la Constitution » !

Mes chers collègues, quand vous écrivez dans la Constitution que le droit d’amendement s’exerce dans les « conditions et limites fixées par le règlement de chaque assemblée, dans le cadre déterminé par une loi organique », vous sortez de ces fondamentaux de la loi constitutionnelle !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est inadmissible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne donne de leçon à personne, soyez-en assurés. Je ne prétends pas interpréter la loi constitutionnelle. Mais on nous a enseigné une histoire ! Des professeurs de droit constitutionnel ont enrichi notre réalité citoyenne et notre réalité d’élus portant la légitimité de l’Assemblée nationale !

Je sais que c’est compliqué, mais j’insiste, monsieur le président, pour dire que ce qui est écrit dans la Constitution vaut tout ! Chaque mot gravé emporte notre conscience d’hommes libres et de citoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il ne faut pas l’oublier, à cet instant, à l’Assemblée nationale et dans cette nuit du 28 mai ! Je ne voudrais pas être de ceux qui diront demain : « J’y étais et je n’ai pas pu porter la conscience de mes collègues ». Je ne mets pas en cause leur mauvaise foi : ils n’ont tout simplement pas été compris ! Mais nous n’aurons pas pu porter ensemble notre lourde responsabilité et sortir de notre conglomérat, de notre agglomérat de politiciens ! Nous pouvons moderniser et réformer la Constitution, sans toutefois entamer son sens et son rôle dans notre vie quotidienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. À la lumière de nos débats, nous mesurons toute l’importance d’un article qui tient en trois lignes, mais qui peut être sujet à de nombreuses interprétations. L’essentiel est d’apporter une garantie, mais non pas parce que majorité et opposition pourraient demain s’inverser. Je suis sur ce point en désaccord avec les explications de notre collègue Julien Dray. Allons au bout du raisonnement, cher collègue : les parlementaires de la majorité seront peut-être les premiers les plus directement concernés dès l’adoption de cette disposition. Il est d’ailleurs curieux que le concept proposé par l’ancien président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, n’ait pas été exposé ici dans l’hémicycle. Ce concept du temps global consistait à accorder à chaque groupe un certain nombre d’heures, à gérer à sa guise, pour défendre ses amendements. On court cependant ici un premier risque : tout le monde aurait intérêt à déposer des amendements avant l’article 1er pour être sûr qu’ils soient discutés.

Dans ces conditions, les amendements à l’article 35 du projet dont nous discutons et auquel nous consacrons beaucoup de temps, risqueraient fort d’être examinés comme cela se passe lorsque nous accélérons le rythme de nos travaux : on a à peine le temps de tourner les pages et de lire l’amendement que le vote a déjà eu lieu, puisqu’il n’y a même pas de discussion.

Ce qui pourrait être raisonnable, monsieur le rapporteur, mais il faudrait aussi que l’opposition y consente, c’est de prévoir dans le règlement de l’Assemblée qu’au-delà d’un certain délai on ne consacre plus autant de temps à un amendement. La discussion d’un amendement peut prendre un quart d’heure. On pourrait en discuter plus brièvement.

Cela dit, l’article tel qu’il est rédigé posera problème aussi bien aux parlementaires de la majorité qu’à ceux de l’opposition.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Debré, vous n’avez pas la même position que votre groupe dans ce débat. Avec le temps global ou ce type de disposition, vous pourriez très bien ne plus pouvoir défendre la vôtre. M. Myard a souvent exposé des idées différentes. Il n’aurait pas pu le faire.

À la lumière de nos débats, l’essentiel est bien notre capacité à exposer nos idées, en commission ou en séance publique, puisque c’est le texte de la commission qui sera débattu ici, pour que nous puissions justifier devant nos électeurs les positions que nous avons défendues et, surtout, pour nous préserver une chance de convaincre nos collègues.

Le projet de loi limitait par exemple le nombre de membres du Gouvernement. Chacun pouvait avoir son opinion. Nous en avons débattu et nous avons tranché. Il limitait le nombre de sénateurs. Nous en avons débattu et nous avons tranché. Il ne prévoyait pas de disposition concernant l’égal accès social et professionnel des femmes et des hommes. Nous en avons débattu hier et nous avons tranché.

Ce sont tous ces amendements qui, demain, risquent de ne plus pouvoir venir en discussion.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si les amendements que je viens d’évoquer n’avaient pas été discutés, ils n’auraient pas été intégrés dans notre loi fondamentale lors de ce débat, ce qui, vous en conviendrez, eût été dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Avec l’article 18, on discute depuis près de trois heures sur une question de fond, la façon dont on organise le débat parlementaire au sein de cette assemblée.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que ce projet de loi constitutionnelle souffrait de graves lacunes et que cela suffisait pour ne pas le voter mais, avec cet article, on touche à quelque chose qui existe dans notre assemblée et, même si M. Warsmann et le Gouvernement nous disent qu’il n’y a pas de mauvaise intention derrière, il reste un doute.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Patrick Braouezec. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, on devait voter ce projet de loi constitutionnelle hier. Cela fait un peu plus de quarante heures que nous en discutons au sein de cet hémicycle. Je n’ai pas le sentiment que l’on ait défendu des amendements dans le but de gagner du temps ou de faire de l’obstruction. Nous avons un débat sérieux, responsable, ce qui prouve que le travail en commission ne suffit pas.

M. Julien Dray. Exact !

M. Patrick Braouezec. Le débat que nous avons sur cet article le montre, ô combien.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est évident ! Personne n’a soutenu l’inverse !

M. Patrick Braouezec. Puisque vous nous dites, monsieur le rapporteur, que cet article ne remet en cause ni le droit de déposer des amendements ni celui de les discuter, à quoi sert-il ? À quoi cela sert-il d’insérer dans la Constitution un article qui renvoie à une loi organique et à un règlement intérieur ?

M. Le Bouillonnec a raison : on légifère déjà trop de manière factuelle, c’est-à-dire qu’on réagit souvent par la loi à des faits divers.

Mme Chantal Brunel. C’est vrai !

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas juste, mais c’est un autre débat.

En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une loi lambda, il s’agit d’une loi constitutionnelle.

Je vous demande à tous, y compris au Gouvernement, de réfléchir à l’impact de cet article sur la vie démocratique au sein de cette assemblée. Vous ne serez pas toujours dans la majorité. En ne votant pas cet article, on garantit les droits de l’opposition. Si on faisait le contraire, on laisserait la place à l’arbitraire.

M. Michel Bouvard. C’est excessif !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il y a ce qui relève de l’article 40 et de l’article 41, du pouvoir qui est officiellement reconnu au président de l’Assemblée pour ce qui concerne la recevabilité des amendements au regard du périmètre des articles 34 et 37, et il y a également autre chose dans l’article 18, sur quoi je veux attirer l’attention du groupe UMP et du Gouvernement.

Aujourd’hui, le droit d’amendement s’exerce sans limites autres que celles reconnues par la Constitution. Avec votre texte, il s’exercera selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. Cela peut avoir des conséquences considérables pour une opposition quelle qu’elle soit, et nous devons tous être conscients de ce que nous votons.

Ce n’est pas seulement le deuxième gendarme par rapport aux articles 34 et 37, c’est aussi la possibilité de remettre en cause le droit d’amendement…

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Didier Migaud. …dans un texte inférieur à la Constitution. Il faut que nous soyons conscients de ce que nous votons et des conséquences que cela peut avoir selon que l’on est dans la majorité ou dans l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est encore une fois inexact !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale.

M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Monsieur le président, mes chers collègues, j’admets qu’il est un peu surprenant que je m’adresse à vous depuis ce banc, en ce moment où nous sommes réunis en tant que constituants.

Je voudrais sincèrement vous dire qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura jamais de ma part, de volonté de contenir ou de limiter en quoi que ce soit ce que je crois être l’un des droits les plus fondamentaux des parlementaires, le droit d’amendement.

M. Patrick Braouezec. On n’aura pas toujours un aussi bon président !

M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. J’ai siégé longtemps ici et, souvent à ce micro, à des heures tardives, indues, j’en ai probablement moi aussi, plus que beaucoup d’autres, trop fait.

M. Julien Dray. Non !

M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Mais la vie est ainsi faite que, même si l’on n’y était pas destiné, l’on accède un jour à des responsabilités, qui, d’une part, nous font voir les choses autrement et, d’autre part, nous conduisent à assumer nos responsabilités de parlementaires.

Je crois sincèrement qu’aucun président de l’Assemblée nationale n’en fera davantage, du fait de la modification apportée à l’article 41, que ce que pouvait faire jusqu’à présent le Gouvernement lui-même.

Quant à la limitation de l’exercice du droit d’amendement par le biais de dispositions qui viendraient le contraindre, je crois que nous devons regarder ce qui s’est passé au cours de l’histoire parlementaire de la IVe et de la VRépublique.

Comment ne pas nous interroger, mes chers collègues, sur l’image que nous donnons lorsque la France, ceux qui nous ont fait l’immense honneur de nous faire siéger ici, dans cet hémicycle, apprend que nous avons déposé un nombre d’amendements tel que, s’ils étaient tous appelés, débattus, votés, il y en aurait pour dix années de travail ininterrompu ?

Léon Blum lui-même avait fait introduire dans le règlement de notre assemblée une disposition permettant de fixer au préalable la durée des débats, sans pour autant limiter en quoi que ce soit le droit d’amendement.

M. Patrick Braouezec. Dans le règlement, oui !

M. Jean-Claude Sandrier. Pas dans la Constitution !

M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Comme toujours, en France, lorsque tout va bien, on ne se demande jamais pourquoi et, en 1969, il s’est trouvé ici même une majorité pour supprimer cette disposition.

Il ne s’est rien passé jusque dans la décennie quatre-vingt, où est survenue une alternance, qui a débouché sur de l’obstruction parlementaire et un dévoiement du droit d’amendement, ce qui a conduit les gouvernements à utiliser l’article 49, troisième alinéa, contre l’opposition alors que c’était une disposition conçue pour maîtriser des majorités rétives.

Le comité pour la réforme de nos institutions, présidé par Édouard Balladur, a simplement voulu nous placer devant nos responsabilités. La dégradation de la qualité de nos travaux est extrêmement dommageable pour notre institution, pour la démocratie, et nous ne pouvons y rester indifférents.

Le dispositif dont nous discutons n’a pour seul objectif que de nous permettre de continuer à travailler et à déposer tous les amendements que nous voudrons, mais dans des conditions telles que notre travail ne sera pas dévalorisé, caricaturé, pour ne pas perdre une crédibilité qui est en réalité le lien le plus fort qui nous unit à la démocratie.

Si cet article est voté, nous aurons plus tard à réformer notre règlement, dans le consensus le plus large, pour que nous puissions travailler dans de meilleures conditions. C’est notre mission pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’apprécie, monsieur le président Accoyer, et la gravité de votre ton, et celle du propos que vous avez tenu. Je suis certain que chacun, sur les bancs de notre assemblée, souscrit aux paroles que vous avez prononcées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Pour ma part, je suis tout à fait prêt à ce que notre règlement intérieur interdise désormais des pratiques auxquelles nous avons pu nous livrer, les uns et les autres. Je dois vous dire, monsieur Accoyer, que vous n’avez pas été le pire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est vrai, vous l’avez été parfois, cela me revient en mémoire. (Rires.) Mais vous étiez jeune : c’était en 1993, et vous avez mûri depuis.

Monsieur le président, nous avons tous mûri. Le cas qui a été évoqué à plusieurs reprises nous a tous fait réfléchir. Nous avons tous compris aujourd’hui que l’image qu’on renvoie au pays en se livrant à ce petit jeu n’est pas bonne pour la démocratie.

Alors, oui, je souscris à ce que vous proposez, pourvu qu’on l’inscrive dans le règlement intérieur, pas dans la Constitution. Vous dites que l’inscrire dans la Constitution serait ouvrir une porte. C’est vrai : ce serait ouvrir la porte à tous les risques de dérive.

Une attitude responsable nous commande de modifier le règlement intérieur de notre assemblée afin qu’il ne soit plus possible de se livrer à ce genre de petit jeu, et notre groupe est prêt à y travailler.

M. Jean-Christophe Lagarde. On aura le temps d’y travailler pendant la navette !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je voudrais simplement revenir d’un mot sur les propos du président Accoyer, qui me paraissent très importants.

Je vous remercie, monsieur le président Accoyer, d’avoir parlé avec tant de sincérité, mais également avec tant de clarté. Vous êtes, monsieur le président Accoyer, très attentif à l’image que peut donner notre assemblée.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il a raison !

M. Didier Migaud. Tout à fait.

Vous avez évoqué certaines situations exceptionnelles, qui peuvent, selon vous, ternir l’image de l’Assemblée. Je vous réponds que la Constitution a déjà prévu une réponse à ce type de situation : c’est le vote bloqué, que le Gouvernement peut demander à tout moment de la discussion, au-delà même de l’article 49, troisième alinéa.

Là est la différence, et c’est pourquoi le débat de fond continuera. Le Gouvernement a déjà beaucoup de possibilités d’intervenir, et elles sont inscrites dans la Constitution. Ce que vous proposez, à travers cet article 18, c’est d’inscrire dans un texte qui n’est pas de niveau constitutionnel les possibilités de limiter encore plus le droit d’amendement, alors qu’il est déjà limité par la Constitution.

Je crois que c’est à cela qu’on doit prendre garde, qu’on soit dans la majorité ou qu’on soit dans l’opposition, parce que de telles dispositions peuvent nous revenir dans la figure faute d’y avoir suffisamment réfléchi. Je parle d’expérience, car je suis l’un de ceux qui regrettent d’avoir voté le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, faute d’avoir suffisamment réfléchi auparavant. (Exclamations et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Braouezec. Le moment est historique !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux d’abord, au nom du groupe socialiste, remercier le président Accoyer d’avoir bien voulu revenir dans le débat pour y apporter l’éclairage du président de l’Assemblée nationale, qui aura, si ce texte connaît le destin que certains ici lui souhaitent, à écrire ou amender les lois organiques et le règlement intérieur. Je veux ici le remercier de la gravité avec laquelle il a abordé le problème que nous avons à affronter.

Il s’agit de la contradiction permanente entre le droit et le risque de son abus. Il y a dans le droit le risque de l’abus ; il y a même parfois dans le droit la nécessité de l’abus, pour qu’on sache en jouir tranquillement et en connaître la valeur. Cela est vrai dans toute société organisée selon l’État de droit.

C’est cette contradiction insurmontable, dans laquelle vous étiez vous-même, monsieur le président, quand vous reconnaissiez le droit d’amendement comme un droit fondamental tout en condamnant son abus, qui donne à notre discussion son caractère insoluble. C’est cette contradiction que nous allons porter, comme un caillou dans la chaussure, jusqu’à la fin de ce processus législatif, constitutionnel et réglementaire, puisqu’il s’agit du règlement intérieur.

Nous sommes rassurés quant à votre sincérité, dont nous n’avions d’ailleurs jamais douté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Julien Dray. Il ne faudrait quand même pas en faire trop !

M. Arnaud Montebourg. Nous avons de toute façon le sentiment de votre bonne foi.

M. Patrick Braouezec. Il ne faut pas exagérer !

M. Arnaud Montebourg. Pourquoi ne le dirais-je pas puisque c’est mon sentiment, qu’il soit partagé ou non ?

Mais cessons avec les sentiments, et abordons la question. (Rires.)

Maintenant que la bonne foi n’est plus en cause, nous avons à traiter le problème. L’ensemble des éléments désormais sur la table de la République nous amène à penser qu’il y aura des restrictions au droit d’amendement. En effet, par un discours solennel et important, et qui marquera les esprits, vous venez d’indiquer qu’il faudrait, dans certains cas, dans certaines circonstances à définir d’une façon consensuelle, limiter le droit d’amendement.

Je vous donne acte de votre bonne volonté, monsieur le président de l’Assemblée nationale, mais je voudrais que vous nous donniez acte de nos propres inquiétudes, qui vont nous suivre tout au long de ce débat. Nous avons le sentiment sur ces bancs, et nous connaissons sur tous les bancs d’honorables collègues qui le partagent, que nous risquons de commettre là une erreur.

Après tout, quand le tumulte est dans la rue, lorsque les crises se nouent à l’extérieur de cet hémicycle, qu’importent 10 000 amendements dont il faudrait se débarrasser ? Ce qui compte, c’est la façon dont l’institution est capable ou non de construire le compromis qu’une politique est incapable de passer avec la société française. Qu’est-ce qu’un règlement intérieur réglera d’une crise politique ? Ou une loi organique, dont M. Copé, par parenthèses, réclamait de connaître jusqu’à la moindre de ses virgules il y a encore quinze jours, et qui nous est toujours inconnue ? C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous nous affrontons aujourd’hui : nous ignorons où nous allons. Qu’est-ce que tous ces textes peuvent contre des crises politiques, auxquelles nous serons confrontés sans tarder en raison de choix politiques dont vous savez qu’ils posent certains problèmes à la société française ?

Voilà pourquoi ce débat est devant nous. En dépit de votre tentative de réconciliation, dont je vous remercie, nous autres, du côté de l’opposition, nous nous retrouverons pour le poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons l’examen des amendements à l’article 18.

Je suis saisi de trois amendements, nos 403, 326 rectifié et 491, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 403.

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez, monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne faut surtout pas croire les hommes et les femmes politiques sur parole : il faut les juger aux actes. Et si toutes ces belles intentions, dont nous avons entendu la déclaration, sont réelles, eh bien ! passons à l’acte tout de suite. Il suffit de changer une conjonction de coordination. Vous vous rappelez tous le « mais-ou-et-donc-or-ni-car » du cours élémentaire : il est temps d’y revenir, ce qui prouve que ce que nous avons appris sur les bancs de la communale est fort important pour réformer la loi fondamentale.

Nous proposons par cet amendement une rédaction alternative à celle proposée par le Gouvernement pour l’article 44 de notre Constitution. Nous avons dit, monsieur Karoutchi, combien nous étions circonspects quant à la rédaction retenue, qui précise que le droit d’amendement s’exerce en séance « ou » en commission. Nous préférons lire « en séance et en commission ». Vous voyez que ce n’est pas tout à fait la même chose, puisque nous substituons la conjonction à l’alternative.

En tout état de cause, et pour préciser les choses, nous pensons utile de reconnaître clairement que le droit d’amendement, droit parlementaire fondamental – cela a été suffisamment souligné ce soir – doit pouvoir s’exercer à tout moment du débat.

Il nous paraît également utile de mettre fin à la pratique tout à fait regrettable des cavaliers législatifs gouvernementaux, et j’ai cru comprendre que c’était l’intention de M. Warsmann.

Nous pensons enfin bienvenu, quitte à toiletter l’article 44, de supprimer la procédure dite du « vote bloqué », qui, même si elle est quelque peu tombée en désuétude, participe à n’en pas douter au déséquilibre de la procédure législative.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 326 rectifié.

M. François de Rugy. Il s’agit là aussi de reprendre une des préconisations du comité Balladur. Celui-ci proposait de restreindre quelque peu la capacité d’amendement du Gouvernement. En effet, l’article 44 de la Constitution dans sa rédaction actuelle autorise le Gouvernement à présenter un amendement à tout moment du débat, même s’il n’a pas été examiné en commission. Une telle possibilité n’est plus cohérente au regard de ce que nous avons dit du travail en commission, des délais, ou de l’examen en séance plénière de l’Assemblée ou du Sénat du texte voté en commission.

Quant à la pratique du cavalier législatif, dont notre collègue vient de parler, les gouvernements s’y sont livrés à maintes reprises, parfois jusqu’à l’abus, et ce dans des domaines aussi importants que le droit du travail. C’est pourquoi, sans vouloir supprimer le droit d’amendement du Gouvernement, nous pensons important de l’encadrer de façon claire, en le limitant aux dispositions en rapport direct avec le sujet du texte présenté par le Gouvernement.

Deuxièmement, nous proposons de supprimer la procédure du vote bloqué, exemple caricatural du total déséquilibre entre les pouvoirs du Gouvernement et ceux du Parlement. C’est même une forme de négation du pouvoir législatif du Parlement.

C’est pourquoi notre amendement a pour objet de supprimer définitivement cette procédure, bien qu’elle ne soit pas utilisée très souvent, et même pour cette raison précisément.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 491.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mes arguments sont les mêmes, et je voudrais simplement y ajouter deux précisions.

Cet amendement correspond à la proposition de modification de l’article 44 formulée par le comité Balladur, qui n’en prévoyait pas d’autre pour cet article. Je veux préciser également, par rapport aux deux amendements de nos collègues, que le nôtre reprend l’intégralité du texte proposé par le comité Balladur, c’est-à-dire qu’il exclut du dispositif le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements en discussion ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable, comme j’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’expliquer au cours de très longs débats.

Sur la notion de cavalier, un amendement sera examiné tout à l’heure. En outre, je ne puis émettre un avis favorable sur un amendement prévoyant le droit d’amendement à tout moment du débat, après avoir expliqué comme je l’ai fait tout à l’heure qu’il fallait fonder dans la Constitution la fixation d’une date limite de dépôt.

Avis défavorable, donc, à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 403.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 326 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 491.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 348.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Cet amendement de repli, qui fait d’ailleurs écho au débat précédent, vise à préciser le texte en vue d’empêcher qu’un dispositif réglementaire ou législatif restreigne le droit d’amendement en séance publique au motif qu’il aurait au préalable été exercé en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 348.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 147.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le soutenir.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Après avoir retiré deux amendements visant respectivement à faire de la délégation aux droits des femmes une commission et à permettre à lui permettre de se saisir d’un projet de loi, je souhaiterais que l’adoption de l’amendement n° 147 garantisse à la délégation aux droits des femmes un droit d’amendement qu’elle pourra exercer sur les textes dont elle est saisie pour avis.

Le rapporteur que la délégation aura désigné pourra déposer des amendements au nom de celle-ci – ce qui m’aurait notamment permis de déposer au nom de la délégation l’amendement relatif à l’égalité professionnelle que j’ai défendu hier soir et sur lequel celle-ci avait travaillé. Il me semble aujourd’hui nécessaire, compte tenu du travail réalisé depuis des années par la délégation, de lui donner la possibilité de porter les amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le droit d’amendement étant par essence individuel, il n’est guère possible de l’accorder à titre collectif. Avis défavorable, donc, à moins que Mme Zimmermann ne retire l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Après le débat que nous avons eu tout à l’heure sur le droit d’amendement, il semble difficile d’accepter cet amendement et je souhaite donc que Mme Zimmermann accepte de le retirer. Le Gouvernement comprend l’esprit de sa proposition, mais ne peut lui donner satisfaction.

M. le président. Madame Zimmermann, retirez-vous l’amendement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 147 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 404.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le défendre.

M. Jean-Claude Sandrier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 404.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 349.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Il est étrange qu’il faille, entre la Constitution et les règlements des assemblées parlementaires, une loi organique qui a en outre pour effet de donner en quelque sorte un pouvoir à l’Assemblée nationale sur le Sénat et au Sénat sur l’Assemblée. C’est ce qui justifie l’amendement n° 349.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je rappelle que cette loi organique est nécessaire pour pouvoir fixer des limites aux amendements gouvernementaux. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 349.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de l’article 18, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisi d’un amendement n° 429.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le soutenir.

M. François Sauvadet. Cet amendement, qui vise à préciser que « lorsqu’un amendement a été adopté par une assemblée, le Gouvernement ne peut demander une nouvelle délibération de l’article amendé au cours de la même lecture devant ladite assemblée », n’est pas anecdotique. En effet, la navette parlementaire permettant au Gouvernement de représenter ses arguments devant l’une ou l’autre des assemblées, il n’est pas nécessaire de procéder à une seconde délibération. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La seconde délibération est prévue par le règlement de notre assemblée. Avis défavorable, donc.

M. François Sauvadet. Pourquoi ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Avis d’autant plus défavorable que la possibilité d’une seconde délibération est prévue par l’article 101 du règlement de l’Assemblée : il serait curieux de la supprimer dans la Constitution, mais pas dans le règlement.

M. François Sauvadet. On peut adapter le règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’argument avancé par la commission et le Gouvernement ne me semble pas recevable. Si en effet la seconde délibération figure aujourd’hui dans notre règlement, c’est parce que la Constitution ne l’interdit pas. Si elle l’interdisait, le règlement, par définition, serait changé. Nous tous, qui faisons la loi, le savons bien.

Il est, surtout, un argument de fond plus sérieux. Nous avons en effet vu, lors du récent débat sur les OGM, que, lorsqu’un amendement adopté ne recueille pas un accord général, la navette peut permettre une deuxième délibération – et c’est bien là sa raison d’être. Nous avons tous fait l’expérience, chers collègues, de nous battre, parfois pendant des heures pour un amendement qui est finalement adopté avant de voir ce travail rayé d’un trait de plume par la décision du Gouvernement.

Il est normal que le Gouvernement cherche à obtenir satisfaction, mais, dans le rééquilibrage des pouvoirs entre le Gouvernement et le Parlement, il paraît logique que la délibération d’une assemblée soit acquise et que, si l’autre assemblée corrige le texte adopté, la navette serve à régler la question.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 429.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 430.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le défendre.

M. François Sauvadet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 430.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’article 18.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’article 18 est adopté.

Article 19

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi d’un amendement n° 535.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir cet amendement.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à mettre un terme au régime des commissions mixtes paritaires, dont on a d’ailleurs vu à quoi elles servaient : comme l’ont bien démontré certains de nos collègues qui ont participé à la dernière de ces commissions, elles sont le plus souvent opaques, ne sont pas représentatives du pluralisme politique de nos assemblées et le rôle du Sénat y est beaucoup trop important.

En aucun cas, dans cette configuration, les CMP ne peuvent tenir lieu de débat parlementaire, car il n’y a pas de débat et ces commissions ne représentent les assemblées que dans leur configuration strictement minimale – parfois même un peu en dessous du minimum.

Le débat parlementaire en dernière lecture ne peut et ne doit intervenir que devant l’Assemblée, que son mode d’élection habilite seule à trancher. Tout autre dispositif dénature les débats, qui passeront pour un faux-semblant de travaux parlementaires – l’exemple des OGM en est une bonne démonstration.

En outre, la procédure d’urgence n’a pas lieu d’être. Le Parlement doit pouvoir prendre le temps d’étudier un texte, quel que soit le contexte politique, économique ou social.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Évidemment défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 535.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 71.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, n° 612.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour défendre l’amendement n° 71.

M. Jean-Luc Warsmann. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 612.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le dispositif proposé, qui a déjà été présenté, consiste à prévoir qu’en première lecture, les amendements seront non seulement recevables, mais également discutés. J’ai entendu tout à l’heure l’objection de notre rapporteur et il existe, de fait, de nombreuses raisons pour lesquelles des amendements peuvent ne pas être discutés. Ces amendements doivent toutefois être au moins prévus et appelés, ce que n’empêche nullement le vote bloqué ou les autres raisons invoquées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Comme je m’en suis déjà longuement expliqué, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles un amendement peut ne pas être discuté en séance, comme le fait que son auteur soit absent ou le fait que l’amendement tombe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Favorable à l’amendement n° 71 et défavorable au sous-amendement n° 612, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 612.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 494.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le défendre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 494.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 405.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, nous risquons l’excès de vitesse et, à cette heure-ci, c’est très dangereux ! (Sourires.) Vous favorisez chez le rapporteur une expression elliptique fort préjudiciable à la qualité du débat.

L’amendement n° 404 a vocation à inscrire dans la Constitution le principe d’une répartition égale du temps de parole entre les différents groupes parlementaires. Nous ne nions pas que certains collègues de l’UMP y trouveront un petit goût de provocation, car, s’il est généralement établi que le temps de parole doit être réparti en considération du poids relatif de chaque groupe, le mode électoral aboutit déjà à la surreprésentation du groupe majoritaire.

M. Richard Mallié. Et des communistes !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Mallié, tenez vos fiches à jour !

M. Richard Mallié. Elles sont tout à fait à jour !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà, aujourd’hui même, exactement douze ans que votre fiche n’est pas à jour – j’expliquerai tout à l’heure à M. le président ce que cela signifie.

L’amendement poursuit donc un double objectif : souligner d’une part la nécessité de préserver les droits des parlementaires, et notamment des parlementaires de l’opposition, pour ce qui est tant du droit d’amendement, que nous avons déjà évoqué, que du temps de parole. Force est en effet de constater une tendance à la réduction de ce dernier. Nous en trouvons déjà une première illustration dans le fait que, sous la précédente législature, comme je l’ai déjà indiqué, le temps imparti pour la défense des motions de procédure est passé, d’une heure et demie à trente minutes, ce qui représente une division par trois du temps de parole. Ajoutons à cela la volonté affichée de façon récurrente de multiplier les procédures simplifiées et de programmer la durée d’examen des textes en séance, et nous pouvons nous faire une idée claire des reculs à craindre sur le terrain de la liberté d’expression des groupes parlementaires.

Ces évolutions sont choquantes, moins d’ailleurs sur le plan de l’équité que sur celui du pluralisme démocratique.

Nous estimons, pour notre part, qu’une assemblée délibérante a par nature vocation à permettre l’expression pleine et entière des points de vue défendus par les uns et par les autres – notre débat de tout à l’heure en a été une excellente illustration. Il importe donc, au premier chef, que les déterminations qualitatives prennent le pas sur les considérations strictement quantitatives. Tel est le sens de notre amendement.

J’ajoute qu’un meilleur respect de la liberté d’expression de chacun éviterait probablement aux députés d’avoir parfois recours aux procédures d’obstruction pour faire entendre leur voix, procédures auxquelles ils sont contraints de recourir parce qu’il n’y a pas suffisamment de débat ; n’est-ce pas, monsieur Warsmann ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements. Au risque de faire sourire nos collègues à cette heure tardive, je leur signale que M. Brard nous propose qu’un groupe de vingt députés ait un temps de parole égal à un groupe de 300 députés – je cite cet exemple au hasard. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Même avis, et pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 405.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 351 et 356, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 351.

M. François de Rugy. Je suis très étonné que l’on puisse proposer un tel article. Je me suis demandé quelle était sa vocation, à part d’être décoratif. Mais je ne vois pas l’intérêt d’insérer des dispositions décoratives dans la Constitution. Nous n’avons pas besoin de cela, mais de dispositions utiles. Comment voulez-vous que le cas de figure prévu à l’article 19 se produise ? Comment serait-il envisageable que le Gouvernement n’ait de majorité ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat ? C’est tout simplement inconcevable puisque cela signifierait, dans notre architecture constitutionnelle actuelle, qu’il n’aurait pas été investi. Je ne vois donc pas pourquoi l’article dispose que le Gouvernement ne peut pas déclarer l’urgence si les conférences des présidents des deux assemblées s’y sont conjointement opposées. Ce n’est même pas l’une des deux ! Et même si une seule conférence avait suffi pour bloquer le processus, cela aurait été tout de même assez choquant puisque l’on sait très bien qu’étant donné l’absence d’alternance au Sénat, un gouvernement de gauche aurait pu être en butte à une opposition de sa part.

Cet article renvoie donc à une supercherie : on essaye de nous faire croire, ainsi qu’à l’opinion – malheureusement, certains commentateurs s’y laissent prendre –, que les pouvoirs du Parlement sont renforcés, alors qu’en fait, on ne renforce, au mieux, que les pouvoirs de la majorité parlementaire, qui se confond en général avec celle du Gouvernement puisque celui-ci en est issu. Je ne vois donc même pas l’intérêt de cette disposition.

C’est pourquoi l’amendement propose que l’opposition, si elle représente une fraction suffisante de l’Assemblée ou du Sénat – un tiers –, puisse lever l’urgence. En effet, on sait bien que la procédure d’urgence est utilisée de façon abusive, notamment depuis le début de cette législature.

Adopter cet amendement serait aussi une forme de responsabilisation de l’opposition car celle-ci aurait à rendre des comptes devant l’opinion si elle s’opposait à une déclaration d’urgence vraiment nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 536.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous entendons par cet amendement réaffirmer le principe du pluralisme de la représentation nationale. Vous entendez, madame la garde des sceaux, offrir un réel statut à l’opposition, dans toute sa diversité. Il y a donc nécessité d’en tirer systématiquement les conséquences.

C’est pourquoi nous proposons que l’urgence ne puisse intervenir que si les présidents de groupe parlementaire des deux assemblées ne s’y sont pas opposés en conférence des présidents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 536.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 72, 492 et 365, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 72 et 492 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 72.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement vise à reconnaître aux présidents des assemblées la faculté de convoquer une commission mixte paritaire. Il a été présenté par le groupe socialiste et adopté par la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l’amendement n° 492

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre amendement est en effet identique à l’amendement de la commission.

Je voudrais revenir sur les propos de M. de Rugy, parce que c’est intéressant. Je pense, comme lui, que cet article établit un dispositif gadget. Il a tout à fait raison de dire qu’il est improbable, sinon impossible, que les conférences des présidents des deux chambres parviennent conjointement à s’opposer au processus de l’urgence. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : il y a quelques bons avis d’éminents constitutionalistes selon qui cela n’arrivera jamais.

La seule bonne nouvelle qu’apporte l’article 19, c’est l’entrée dans la Constitution, en grandes pompes, de la conférence des présidents. Elle est constitutionnalisée pour la première fois, après quatre-vingt-dix-sept années d’existence.

Mais, à part l’hommage rendu à nos deux conférences des présidents, l’apport de l’article est extrêmement modeste. Ce dispositif modifiant l’urgence n’apporte absolument aucun élément susceptible d’empêcher l’abondance de l’utilisation de l’urgence dans la technique législative. Or c’est cela le fond du problème. Je me permets de rappeler qu’entre 2002 et 2007, sous les gouvernements de M. Raffarin et de M. de Villepin, la procédure d’urgence a été utilisée cinquante-neuf fois. C’est dire son abondance ! Améliore-t-elle au moins les choses ? Les textes votés suivant la procédure de droit commun ont été applicables immédiatement pour 46 % d’entre eux, alors que pour les lois votées en urgence, ce ne fut le cas que de onze lois sur soixante-six, c’est-à-dire 16 %. Cela veut dire que plus c’est urgent,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Plus c’est long ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …moins la loi est appliquée. C’est une belle preuve de l’inutilité d’utiliser l’urgence quand on veut faire des lois qui s’appliquent. La vraie réforme eût été de réduire les possibilités d’utiliser cette procédure.

M. Jérôme Chartier. Je retire l’amendement n° 365.

M. le président. L'amendement n° 365 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques nos 72 et 492 ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement y est favorable parce qu’il est judicieux que les présidents puissent convoquer une CMP pour une proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 72 et 492.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 350 et 493, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 350.

M. François de Rugy. Par cet amendement, il s’agit d’être concret dans l’encadrement de la déclaration d’urgence. J’ai démontré que l’article 19, dans sa rédaction actuelle, n’aurait aucune conséquence concrète. Notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec vient de donner les chiffres relatifs à l’application des lois votées en urgence : c’est extrêmement faible. Nous avons donc une disposition constitutionnelle qui, si l’article 19 était voté en l’état, serait virtuelle, et une procédure d’urgence qui conduit à des lois virtuelles. Cela creuse le fossé entre les citoyens et les politiques. Les Français entendent à la télévision, à la radio, les politiques leur dire qu’on va faire passer un texte en urgence, et puis finalement il n’est même pas appliqué. Il est même déjà arrivé sous cette législature qu’un projet de loi soit déposé pour modifier un précédent texte qui n’était même pas encore entré en application ! Devant la bougeotte législative autour de l’urgence, on voit à quel point il faut en revenir à des mesures simples.

Certes, l’urgence peut être utile à certains moments. Mais il n’y a aucune raison de la déclarer de façon récurrente. C’est pourquoi notre amendement propose que le Gouvernement ne puisse pas la déclarer sur plus de cinq textes durant une session ordinaire et sur plus de deux textes au cours d’une session extraordinaire, ce qui est déjà assez conséquent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 493.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement propose que le Gouvernement ne puisse pas déclarer l’urgence plus de cinq fois par session ordinaire, comme le propose notre collègue François de Rugy. C’est l’aboutissement d’une vraie volonté de revisiter cette procédure. Il faut en limiter l’usage dans une année : c’est le seul moyen de ne pas tomber dans l’excès que nous dénonçons tous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 493.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

M. le président. Sur l’article 20, je suis saisi d’un amendement 537.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le défendre.

M. Patrick Braouezec. Nous considérons que la procédure d’urgence et la pratique de la CMP ne devraient pas exister pour une loi organique. En effet, ce type de loi mérite approfondissement, débat et transparence, ce qui amène à considérer que la procédure d’urgence ne doit pas s’appliquer ; et le fait que le texte ne passe pas en CMP garantirait la transparence, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 537.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136.

M. Richard Mallié. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 538.

Est-il défendu ?

M. Patrick Braouezec. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 406 rectifié et 495.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 406 rectifié.

M. Patrick Braouezec. L’amendement vise à supprimer l’avant-dernier alinéa de l’article 46 de la Constitution qui dispose que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ».

Nous considérons qu’il convient de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale pour l’ensemble des lois organiques, y compris celles relatives au Sénat. À plusieurs reprises, nous avons souligné notre scepticisme non pas sur la qualité de nos collègues sénateurs mais sur la capacité du Sénat à s’autoréformer. La réforme du mode de scrutin tout comme la nécessaire redéfinition du contour des missions du Sénat invitent à adopter le présent amendement. Rien ne changera jamais au Sénat s’il détient un droit de veto sur les lois organiques qui le concernent.

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour défendre l’amendement n° 495.

M. René Dosière. Je trouve toujours particulièrement choquant que l’on mette sur le même pied deux assemblées aux régimes électoraux différents.

S’agissant des lois organiques relatives au Sénat, il est tout à fait anormal que le Sénat ait le dernier mot. On pourrait nous rétorquer que ce sont des choses qui concernent le Sénat, sauf que la jurisprudence fait une interprétation extensive de l’application de cet article, car il est admis qu’un certain nombre de lois de l’Assemblée pouvaient s’étendre aussi au Sénat. Par conséquent, le droit de veto du Sénat ne touche pas seulement les lois organiques qui le concernent, mais aussi celles qui s’appliquent à l’Assemblée.

Ce fait est particulièrement choquant, et c’est la raison pour laquelle il faut supprimer dans notre Constitution tous les éléments, y compris celui-ci, qui permettent au Sénat d’avoir un droit de veto sur la réforme constitutionnelle. Au demeurant, je pense qu’il faut supprimer le cumul des mandats : cumulatio delenda est. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Caton l’Ancien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 406 rectifié et 495.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié par l’amendement n° 136.

(L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Article 21

M. le président. Sur l’article 21, je suis saisi d'un amendement n° 539.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir cet amendement.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 539 vise à rétablir, dans cet hémicycle, un vrai pouvoir en termes de discussion et d’orientation budgétaires. Laurent Fabius, sur ces mêmes bancs, avait établi une comparaison entre la valeur d’une voiture et le rôle du Parlement. Il en était venu à la conclusion que le poids réel de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière de choix budgétaires ne représente pas plus que le prix d’un enjoliveur dans la valeur d’une voiture.

Il faut à tout prix que notre assemblée puisse orienter les choix budgétaires en termes de politique économique et sociale. C’est le sens de notre amendement n° 539, qui vise à insérer, avant le premier alinéa de l’article 47 de la Constitution un alinéa ainsi rédigé : « Le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 539.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 6, 496, 73 et 407, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 et 496 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 73.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a accepté et adopté un amendement n° 73 qui avait été déposé par les commissaires socialistes. Cet amendement prévoit d’ajouter le concours de la Cour des comptes à l’évaluation des politiques publiques. Si les collègues acceptaient de se rallier à cet amendement n° 73, vous pourriez le mettre opportunément aux voix, monsieur le président.

M. Jérôme Chartier. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Nous sommes d’accord !

M. le président. Les amendements nos 6 et 496 sont-ils maintenus ?

M. Arnaud Montebourg. Ils sont retirés, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 6 et 496 sont retirés.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 73 ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cette disposition n’est pas négligeable puisqu’elle consacre la place de la Cour des comptes aux côtés du Parlement. Elle permet de confirmer, en allant même un peu au-delà, la position du Conseil constitutionnel : la Cour des comptes est équidistante entre le Parlement et le Gouvernement en ce qui concerne les missions budgétaires et autres. Avec cet amendement, le Parlement dispose de l’assistance de la Cour des comptes pour l’ensemble de ses travaux et missions d’évaluation.

Pour le Parlement, la Cour des comptes est un outil d’expertise précieux qui peut d’ores et déjà être sollicité dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances, et qui pourra être encore davantage utilisé. Il faut se réjouir de l’avancée permise par l’amendement n° 73 s’il est adopté : la collaboration de la Cour des comptes sera étendue à l’évaluation de l’ensemble des politiques publiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 407 est-il maintenu ?

M. Patrick Braouezec. Cet amendement étant satisfait, il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 407 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit de poser dans la Constitution un principe qui est une réalité : par ses rapports publics, la Cour des comptes contribue à l’information des citoyens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tout à fait favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 540.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Il est indiqué que la Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques. Très bien. Cependant, nous estimons qu’il ne s’agit pas seulement d’évaluer ces politiques publiques, mais aussi de responsabiliser les entreprises privées et publiques qui ont recours à des fonds publics. Cette extension nous semble essentielle, car elle est nécessaire à l’efficacité de l’utilisation des fonds publics, dont nous avons pu constater qu’elle n’était pas toujours optimale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 540.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 222.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. L’article 21 est extrêmement important car tout à fait dans l’esprit de cette réforme de la Constitution : il renforce le rôle du Parlement, et, singulièrement ici, son rôle de contrôle du Gouvernement.

Auparavant, dans les articles 47 et 47-1, la Cour des comptes assistait concurremment le Gouvernement et le Parlement. Désormais, elle va assister le Parlement dans le contrôle du Gouvernement et dans l’évaluation des politiques publiques. Il s’agit d’un changement tout à fait fondamental. La Cour des comptes a les moyens de jouer en France le rôle que joue le NAO – National audit office – en Grande-Bretagne, comme le soulignait récemment son Premier président, Philippe Séguin, dans un article paru dans un grand quotidien du soir. Philippe Séguin précisait même ceci : « Le véritable enjeu n’est pas le positionnement de la Cour, mais la capacité du Parlement à exploiter l’expertise dont il est déjà destinataire. »

Comme vous le savez bien, mes chers collègues, cela veut dire très clairement que les rapports de la Cour des comptes, qui sont une mine, un instrument d’efficacité de notre action, demeurent très souvent lettre morte, malheureusement. Aussi souhaiterais-je que, tous les ans, une séance publique soit consacrée au rapport rendu par la Cour des comptes, suivie d’un débat, dans le cadre d’une loi organique qui en définira les modalités. C’est le sens de mon amendement. Encore une fois, il s’agit de faire en sorte que les rapports de la Cour des comptes ne s’entassent pas dans des tiroirs mais fassent effectivement l’objet d’une prise en compte officielle de notre assemblée, suivie de décisions de notre part.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour des raisons plutôt formelles. D’abord l’obligation d’une présentation en séance publique du rapport public annuel de la Cour des comptes est déjà prévue par l’article L. 136-1 du code des juridictions financières. Comme vous le savez, elle se passe en séance publique. Le Premier Président de la Cour des comptes vient présenter son rapport annuel, et son intervention est suivie de celles du président, puis du rapporteur général de la commission des finances.

Je suis entièrement d’accord avec Christian Vanneste pour que cette présentation soit enrichie d’un débat. Un peu plus tard dans l’examen de ce projet de loi, je présenterai un amendement permettant de réserver jusqu’à une semaine sur quatre dans le calendrier parlementaire à l’évaluation et le contrôle. Ce type de débat y trouverait complètement sa place.

J’ajoute, et c’est aussi une des raisons pour lesquelles la commission avait émis un avis défavorable, que cela ne sera pas le seul appui et le seul apport de la Cour des comptes au Parlement. Vous l’avez fort bien souligné d’ailleurs ! En plus de ce rapport annuel, en raison de ce que nous venons de voter, la Cour des comptes va devoir nous prêter une assistance accrue et nous fournir des travaux qui nourriront plus encore qu’aujourd’hui nos travaux d’évaluation et de contrôle. Pour ces raisons formelles – inscrire dans la Constitution une disposition qui existe déjà et qui sera plus facile à mettre en place grâce à la modification du calendrier de travail du Parlement –, je demande le rejet de cet amendement s’il n’est pas retiré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Exactement le même avis que la commission, et pour les mêmes raisons que le rapporteur. Avec la révision, une semaine sera désormais consacrée aux contrôles, et c’est sans doute la meilleure solution.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je voudrais m’exprimer contre cet amendement. Comme l’a expliqué le président de la commission des lois avec beaucoup de justesse, lorsque nous avons complété les dispositions de la loi organique sur les lois de finances en 2004, nous avons adopté un amendement qui a été présenté par la mission LOLF, permettant, au-delà même de la remise du rapport évoquée par Jean-Luc Warsmann – intervention du Premier Président, puis du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget –, d’organiser un débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes. Je voulais le rappeler à chacun et chacune de nos collègues.

Évidemment, il importe que nous ayons la volonté de faire vivre cette disposition. Je m’étais permis de le rappeler il y a quelques mois : la disposition existe, elle se trouve dans la loi organique, il nous appartient de la faire vivre. Nous avons d’ores et déjà les moyens de faire davantage de publicité aux travaux effectués par la Cour des comptes, et d’en tirer plus de conséquences, notamment en matière budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. La Constitution doit-elle bavarder ? Honnêtement, je ne le pense pas. D’ailleurs, elle bavarde beaucoup dans l’amendement n° 74 : « Par ses rapports publics, la Cour des comptes contribue à l’information des citoyens. » Si le rapport est public, il contribue forcément à l’information des citoyens ! (Sourires.) Que nous soyons obligés d’écrire de telles choses dans la Constitution, vraiment !

M. Michel Piron. C’est tautologique !

M. Michel Bouvard. C’est uniquement une question de volonté !

M. Didier Migaud. Voilà, c’est complètement tautologique ! Mes chers collègues, si nous faisions le compte des pouvoirs qui sont les nôtres en matière de contrôle, et si nous avions vraiment la volonté de les exercer, nous n’en serions pas à nous interroger sur la nécessité de compléter ou non la Constitution sur les problèmes de contrôle et d’évaluation ! (Applaudissements sur divers bancs.)

Le gros problème, ce ne sont pas les textes, mais, essentiellement, la volonté.

M. Patrick Braouezec. Les moyens, aussi !

M. Didier Migaud. Non, même pas les moyens : rien n’empêche le Parlement d’en voter pour contrôler ! Il a toute latitude, toute liberté, toute possibilité pour cela. Bref, lisons et exerçons les pouvoirs qui sont les nôtres : vous verrez que cela changera beaucoup de choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur Vanneste ?

M. Christian Vanneste. Non, monsieur le président.

J’étais conscient de tout ce que l’on vient de dire. Je sais très bien qu’il y a déjà une présentation du rapport : sans doute, à cette heure tardive, m’a-t-on mal écouté. J’ai insisté sur le fait que la présente réforme constitutionnelle changeait radicalement la place de la Cour des comptes par rapport au Gouvernement et au Parlement. Elle permet en effet à ce dernier de considérer que la Cour des comptes doit désormais lui être utile pour contrôler le Gouvernement.

M. Jérôme Chartier et M. Didier Migaud. C’est déjà le cas !

M. Christian Vanneste. Si j’ai souhaité inscrire cette disposition dans la Constitution, c’est justement pour marquer la réévaluation du Parlement par rapport au Gouvernement : tel est d’ailleurs le sens de la réforme que nous allons peut-être voter.

Je m’étonne que l’opposition, qui vise manifestement cet objectif, recule sur ce point en prétendant qu’il s’agit seulement d’une affaire de volonté. Philippe Séguin le dit aussi : nous avons les moyens, et pas la volonté. Mais c’est là un problème tout à fait différent, qui ne concerne pas la réforme de la Constitution.

Ce que celle-ci met réellement en jeu, ce sont les relations hiérarchiques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

M. le président. Merci, monsieur Vanneste...

M. Christian Vanneste. Juste un mot, monsieur le président.

Nous avons là une occasion de marquer la réévaluation du Parlement, et je maintiens évidemment mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai relu votre amendement, monsieur Vanneste. À la lumière des propos de Didier Migaud et de Michel Bouvard, on voit qu’il est tout à fait conforme au droit positif déjà existant.

L’audition du Premier Président a déjà lieu, et la loi organique relative aux lois de finances fixe les conditions de l’examen du rapport.

M. Christian Vanneste. Ce n’est pas la question !

M. Jérôme Chartier. Un amendement que Michel Bouvard a fait adopter dans la loi organique permet de surcroît un éventuel débat, que votre amendement n’évoque pas. Je suis donc désolé de vous dire que votre amendement n’apporte rien de nouveau : je voterai donc contre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 229 rectifié.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’amendement vise à compléter l’article 21 par l’alinéa suivant, qui serait l’article 47-3 de notre Constitution :

« Art. 47-3. – Le Parlement est doté d’un office parlementaire d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Une loi fixe les modalités de son fonctionnement. »

La rédaction en est suffisamment synthétique pour que l’on ne nous reproche pas de décrire trop longuement un principe essentiel à nos yeux : le renforcement des pouvoirs du Parlement. Nous nous devons de saisir ce que le président de notre assemblée a appelé une chance historique.

Le mandat que les électeurs nous ont confié comporte non seulement la responsabilité de voter le budget de la nation, mais aussi – et ce n’est pas la moindre de nos responsabilités – le contrôle de la dépense publique. Nous pouvons pour ce faire nous appuyer sur des rapports comme celui de la Cour des comptes, que l’on vient d’évoquer. Mais, nous le savons bien, cela n’a pas été suffisant pour empêcher certaines dérives dans les comptes publics au cours de ces dernières années. Afin d’assumer pleinement notre fonction de contrôle, il faut donc trouver un moyen plus efficace et plus conforme au rôle du Parlement.

J’ai bien entendu le président de la commission des finances dire que c’était une question de volonté. Mais il me semble que celle-ci n’a pas fait, ni ne fait aujourd’hui défaut.

M. Didier Migaud. Vraiment ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Il y a donc manifestement un problème d’efficacité quant au suivi et au contrôle : sinon, nos comptes publics ne seraient pas dans la situation que nous connaissons. Dans des travaux effectués en 1999, Laurent Fabius et Didier Migaud avaient d’ailleurs évoqué la nécessité de contrôler plus étroitement tout ce qui touche à l’évaluation des politiques publiques.

M. Didier Migaud. Ce n’était pas la même chose !

M. Louis Giscard d'Estaing. Or, de quels moyens nouveaux disposerions-nous au terme de la réforme constitutionnelle si nous n’adoptions pas le présent amendement ?

Enfin, je voudrais dire qu’il y va non seulement des symboles, mais aussi des principes. La Constitution pose des principes que les lois organiques ou les lois simples mettent en application. Aussi l’amendement vous invite-t-il, mes chers collègues, à saisir la chance qui nous réunit dans cet hémicycle : celle que le Parlement joue pleinement son rôle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je comprends tout à fait les motivations profondes des auteurs de l’amendement. Ce qui est historique, c’est que nous avons introduit dans la Constitution le troisième rôle du Parlement : non seulement le vote de la loi et la mission de contrôle, mais aussi le fait de concourir à l’évaluation des politiques publiques.

Il y a deux fortes objections techniques à l’amendement. La première est qu’il propose de constitutionnaliser un office parlementaire, alors que la création de tels offices relève, selon l’ordonnance du 17 novembre 1958, de la loi. Seconde objection technique : l’office proposé serait « inter-chambres ». Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure façon d’assurer un fonctionnement efficace.

Quant au fond, l’exposé des motifs évoque le Royaume-Uni, où il existe en effet un comité des comptes publics à la Chambre des communes, qui examine les rapports transmis par le NAO, le National audit office. Nous venons d’avancer, puisque la Cour des comptes assistera le Parlement dans l’évaluation des politiques publiques.

M. Michel Bouvard. Voilà ! Exactement !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un outil concurrent serait donc inutile. En revanche, après le vote de la présente révision constitutionnelle, nous aurons grandement besoin, comme l’ont suggéré Bernard Accoyer et Jean-François Copé, d’un comité interne à notre assemblée pour coordonner tout le travail de contrôle effectué par les organismes de l’Assemblée – qu’il s’agisse de la mission d’évaluation et de contrôle ou des commissions – ainsi que par les organismes extérieurs tels que la Cour des comptes. Ce travail de coordination interne sera d’autant plus nécessaire si nous décidons, comme je le souhaite, de consacrer une semaine sur quatre à l’évaluation et au contrôle.

Certes, il y a les symboles, mais la vocation d’une constitution n’est pas d’être symbolique. En outre, je ne suis pas convaincu par l’idée d’inscrire l’office proposé dans notre loi fondamentale, même si j’en comprends les motivations. Si l’amendement était maintenu, je serais donc contraint de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement comprend très bien, monsieur Giscard d’Estaing, la philosophie de votre amendement. Nous avons accepté d’inscrire dans la Constitution que le Parlement devait concourir à l’évaluation des politiques publiques.

L’idée de créer un organe d’audit propre au Parlement est évidemment intéressante.

M. François Sauvadet. Quand on commence ainsi, en général… (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Toutefois, ce n’est pas le choix que nous avons fait. En premier lieu parce qu’il existe une institution qui a largement fait les preuves de son efficacité et dont la légitimité ne sera contestée sur aucun banc de cette assemblée : je veux parler de la Cour des comptes,…

M. Jérôme Chartier. Tout à fait !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. …dont les débats que nous venons d’avoir ont permis de renforcer les liens avec le Parlement.

Par ailleurs, comme l’a bien montré le rapporteur, l’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé par la loi du 14 juin 1996, est déjà commun aux deux assemblées. Et disons-le franchement, monsieur Giscard d’Estaing, cet office n’a guère été probant.

Si l’intérêt de l’amendement est réel, et si le Gouvernement en comprend l’idée directrice, il préférerait donc que vous le retiriez. Faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, qui souhaitait s’exprimer contre l’amendement.

M. Michel Bouvard. En effet, monsieur le président.

Cet amendement est une sorte de marronnier législatif, puisque nous avons eu plusieurs fois, dans le passé, l’occasion d’en discuter. Je salue à cet égard la persévérance de mes collègues. Je suis souvent d’accord avec Louis Giscard d’Estaing, mais pas ici. La première raison tient à ce que, comme le rappelait Didier Migaud, le contrôle, pour lequel nous avons déjà beaucoup d’outils, est d’abord affaire de volonté politique. Outre la Cour des comptes, qui est à notre disposition, plusieurs structures internes ont été créées, comme la mission d’évaluation et de contrôle. Surtout, nous pouvons d’ores et déjà faire appel à des organismes privés avec les crédits dont disposent les commissions : s’ils sont insuffisants, nous pouvons toujours en voter d’autres.

L’exposé des motifs de l’amendement, en évoquant le National audit office, crée une confusion. Le NAO est en effet l’équivalent de la Cour des comptes en France.

M. Christian Vanneste. En effet !

M. Michel Bouvard. Faut-il créer une deuxième institution, alors même que nous venons de conforter la place de la Cour des comptes et que celle-ci travaille à sa propre réforme, sur laquelle nous devrons nous prononcer ? Le Premier Président, Philippe Séguin, a eu l’occasion de s’en entretenir avec des parlementaires au cours des dernières semaines et, à l’occasion du bicentenaire de la Cour, le Président de la République a lui-même indiqué qu’il soutenait cette démarche.

Comment les choses se répartiraient-elles entre l’office parlementaire proposé et la Cour des comptes ? Quelle serait la publicité des débats ? Et surtout, puisque l’on évoquait cette question, le travail effectué pour le compte du Parlement par un organisme indépendant, la Cour des comptes, n’a-t-il pas davantage de force et de lisibilité dans l’opinion publique que celui effectué par un organisme interne, d’autant que notre assemblée dispose déjà, je le répète, de plusieurs outils en la matière ?

Bref, l’organisme proposé par l’amendement n’apporte rien de nouveau. L’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé lorsque Philippe Séguin présidait notre assemblée pour renforcer, comme nous cherchons à le faire depuis plusieurs années, notre compétence de contrôle, n’a d’ailleurs pas survécu à l’alternance, en raison du problème de coordination entre deux assemblées aux majorités différentes. L’avantage du travail effectué par la Cour des comptes, c’est qu’il est reconnu aussi bien par le Sénat que par l’Assemblée nationale.

L’avantage de la Cour des comptes, c’est que son travail est reconnu aussi bien par le Sénat que par l’Assemblée nationale ; le confier à un office bicaméral posera forcément, à un moment ou à un autre, des problèmes liés aux changements de majorité. Enfin, si ce travail est effectué par l’une des assemblées, cela pourrait entraîner la création d’un office au Sénat, et nous aurions ainsi trois organes, alors que nous n’en avons qu’un aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, il est souhaitable de rejeter cet amendement, et de perfectionner les outils dont nous disposons déjà. Lorsque nous aurons évalué nos propres capacités de contrôle, nous verrons s’il est nécessaire d’aller au-delà. En matière de contrôle, il faut davantage de volonté, et non de complexité !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je comprends parfaitement les raisons qui ont motivé cet amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. Cela commence bien… (Sourires.)

M. Didier Migaud. La fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement est essentielle, et vous savez qu’elle est un de mes combats depuis longtemps. Si j’étais convaincu de l’efficacité de cette proposition, je la voterais sans hésiter ; mais, hélas, elle ne me paraît pas de nature à remédier à nos insuffisances en matière de contrôle et d’évaluation. Ne faisons pas semblant de croire que la création d’un organe supplémentaire pourrait se substituer à nos faiblesses actuelles !

M. Michel Piron. Hélas !

M. Didier Migaud. Eh bien non ! J’étais député bien avant Louis Giscard d’Estaing, et j’ai connu cet office parlementaire d’évaluation.

M. Michel Bouvard. Moi, j’y ai même siégé !

M. Didier Migaud. J’ai vu à quel point un organisme de ce type pouvait être lourd et inefficace dans son fonctionnement. Nous avons, il est vrai, un office qui fonctionne très bien : l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mais ses fonctions sont différentes.

Si vous saviez le temps que nous passions, avec nos collègues sénateurs, pour savoir sur quels sujets nous allions travailler,…

M. François Sauvadet. Supprimer le Sénat ? (Sourires.)

M. Didier Migaud. …sur les moyens que nous allions nous donner pour réaliser cette évaluation, et, une fois l’évaluation faite, sur les suites à y donner… De plus, dans la mesure où le rapport émanait de l’office, l’une des assemblées ne pouvait l’utiliser sans l’accord de l’autre ! Tout le monde a donc été d’accord pour supprimer cet office.

M. Michel Piron. C’est un enterrement de première classe !

M. Didier Migaud. Notre pays a une histoire politique et institutionnelle singulière. La Cour des comptes en France n’est pas rattachée au Parlement, comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Est-ce le plus important ? Je n’en suis pas sûr, bien que je sois très attaché au régime parlementaire et à l’affirmation des droits du Parlement. Il suffit d’adresser nos demandes à la Cour des comptes, et ce texte augmente notre capacité à faire fonctionner sa mission d’assistance. Il suffit, surtout, de nous saisir de ses rapports, et de les sortir de nos placards. Rien ne nous en empêche !

Vous dites qu’il faut créer un office mais que nous n’en avons pas les moyens. Qu’est-ce qui empêche l’Assemblée nationale de renforcer ses moyens de contrôle et d’évaluation ? Rien !

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Didier Migaud. Nous en avons le pouvoir puisque plusieurs lignes du budget que nous votons y sont consacrées. Qu’est-ce qui empêche la commission des finances de demander à la Cour des comptes un rapport d’évaluation ? Enfin, qu’est-ce qui nous empêche de demander des évaluations à des cabinets privés ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Pourquoi ne le fait-on pas ?

M. Didier Migaud. En effet, pourquoi ?

M. Patrick Braouezec. Faisons-le demain ! Soyons fous !

M. Didier Migaud. D’accord ! Et votons les crédits pour le faire ! (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Arnaud Montebourg. Il a raison !

M. Didier Migaud. Rien ne nous en empêche ! Cela pose toutefois un problème, et le président Accoyer nous a indiqué qu’il réserverait des crédits pour les demandes de ce type, mais nous n’en formulons jamais ! Le Sénat le fait assez souvent et par là remplit mieux que l’Assemblée sa mission de contrôle et d’évaluation.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Didier Migaud. Le problème, c’est que nous n’avons pas de culture du contrôle et de l’évaluation. Nous l’avons vu tout à l’heure s’agissant de l’article 40 : nous n’avons qu’une culture de la soumission et de la démission permanentes.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas tout à fait juste !

M. Didier Migaud. Emparons-nous de ces pouvoirs, faisons-les vivre, d’autant que nous avons les moyens de les exercer !

Le président de votre groupe a fait une proposition que je trouve très pertinente, dont il faudrait simplement travailler les modalités, avec le président de l’Assemblée, le Bureau et les présidents des groupes, pour assurer, comme le disait le président Warsmann, une transversalité. Il s’agirait de mettre en place, au sein de notre assemblée, un comité chargé de tout le travail d’évaluation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Didier Migaud. C’est un sujet essentiel, et je suis prêt à en discuter dès demain avec Louis Giscard d’Estaing et Jean-Michel Fourgous, qui travaillent beaucoup et ont à cœur leur mission de contrôle et d’évaluation. Je vous le dis franchement, nous pouvons le faire, cela ne dépend que de nous, et nous n’avons pas besoin d’un office qui ne ferait que compliquer le dispositif. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Plusieurs orateurs m’ayant demandé la parole, je demanderai à chacun d’être concis.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis rarement d’accord avec M. Giscard d’Estaing, mais, une fois n’est pas coutume, j’ai envie de défendre son amendement. Je comprends néanmoins l’objection qui a été exprimée sur la constitutionnalisation d’un office.

Cela dit, je suis choqué par les propos de notre collègue Michel Bouvard – avec lequel au demeurant je suis parfois d’accord. Selon M. Bouvard, un rapport de la Cour des comptes aurait plus de légitimité aux yeux de l’opinion qu’un rapport du Parlement ou d’un office parlementaire. Je rejoins en revanche Didier Migaud lorsqu’il dit que nous avons en France une culture de la soumission du Parlement vis-à-vis du Gouvernement et du Président de la République. Mais je pense que, si l’on veut faire évoluer une culture, il faut parfois changer les institutions, parce que celles-ci induisent une certaine culture.

Suivre le raisonnement de M. Bouvard, qui prive le Parlement de sa mission d’évaluation et de contrôle, c’est nous dessaisir nous-mêmes de nos prérogatives !

M. Michel Bouvard. Non, puisque c’est nous qui en faisons la demande !

M. François de Rugy. Je voudrais préciser deux choses. La Cour des comptes est un organisme composé de fonctionnaires tout à fait respectables, mais ils ne sont pas élus…

M. Didier Migaud. C’est nous qui sommes élus !

M. François de Rugy. …et ne rendent aucun compte devant le peuple, n’étant pas responsables devant le Parlement. En effet, le premier président de la Cour des comptes n’agit pas sous l’autorité du président de l’Assemblée, du président de la commission des finances, ou de tout autre élu de cette assemblée.

Je conclurai sur un point très important : on confond souvent l’évaluation des politiques publiques et le contrôle de l’utilisation des fonds publics. Si la Cour des comptes est légitime dans cette seconde mission, elle ne l’est pas pour évaluer une politique publique !

M. Michel Bouvard. Bien sûr que si !

M. François de Rugy. Je vais prendre un exemple concret : il y a quelques années, on a pris une décision très importante, celle de supprimer la police de proximité. On peut faire une analyse comptable pour savoir si c’était une bonne mesure, mais cela a peu de sens.

M. Jérôme Chartier. Si !

M. François de Rugy. En revanche, il faut une évaluation politique de cette décision. Et les exemples sont nombreux – je pense notamment à la décentralisation…

L’évaluation des politiques publiques est un vrai sujet, dont le Parlement devrait s’emparer, et la création d’un office irait dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Pourquoi créer un nouvel organisme de contrôle alors que nous avons déjà la Cour des comptes, même s’il faut qu’elle modernise ses méthodes de contrôle et d’évaluation ? Nous pouvons également, comme l’a dit M. Migaud, faire appel à des consultants extérieurs. Mais si nous voulions être audacieux, nous demanderions à des audits externes de se prononcer sur l’efficacité de nos propres méthodes de contrôle !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Mes chers collègues, vous avez accepté la grande mission d’être députés devant le peuple français. Aux termes de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme, parmi ces missions figure le vote de l’impôt – ce dont vous vous acquittez fort bien, je vous en remercie – mais aussi le contrôle de son utilisation, ce que vous ne faites pas du tout !

Comme l’a souligné M. Migaud, nous sommes un des rares Parlement du monde parmi les grandes démocraties – cela vaut en particulier pour l’Assemblée nationale – qui ait démissionné de cette mission essentielle que sont les fonctions de contrôle. Dans les autres pays, les parlementaires font essentiellement du contrôle, ils ne légifèrent pas comme nous à longueur de journée, avec pour résultat la paralysie de notre économie et de nos institutions. Nous devons donc nous placer au même niveau de performance que les autres grandes démocraties. Or, elles possèdent toutes un office de contrôle. C’est le cas en Nouvelle-Zélande, en Suède, au Canada – ce qui a permis à ce pays de retrouver un équilibre budgétaire – aux États-Unis, en Angleterre, au Danemark…

Avec un déficit budgétaire situé entre 40 et 50 milliards, attendrons-nous d’aller dans le mur, de perdre la bonne note que nous a attribuée une agence de notation ? Ou allons-nous nous donner les moyens de faire enfin notre travail de députés, à savoir contrôler la dépense publique ?

Je souscris à ce qu’a dit M. Migaud sur le premier office. D’ailleurs, c’est moi qui l’avais créé, avec Laurent Dominati. Je me souviens que nous nous étions rendus dans plusieurs pays voisins pour voir comment cela fonctionnait. Si le dispositif a été paralysé, c’est pour d’autres raisons. J’ai malheureusement été battu en 1997. Si j’avais été élu, j’aurais veillé à ce que les choses se passent autrement. J’en conviens, il y a des dysfonctionnements, mais il faut observer ce qui fonctionne à l’étranger.

Pourquoi ne vous décidez-vous pas, mes chers collègues, à utiliser les outils nécessaires pour renforcer les pouvoirs du Parlement ? Michel Bouvard nous dit : « Il n’y a qu’à demander. » Demandez-vous plutôt pourquoi cela ne marche pas ! C’est ce que l’on fait dans une entreprise quand quelque chose ne marche pas. Si l’on constate depuis quinze ou vingt ans que cet outil n’est pas utilisé, il y a bien une raison : les 43 fonctionnaires prêtés à temps partiel et qui ne sont pas des spécialistes de l’audit – ce n’est pas leur métier – ne peuvent contrôler un budget de 300 milliards d’euros !

Si l’on veut rester une grande démocratie et l’une des premières puissances mondiales, mais aussi combler le déficit qui est en train de plomber notre économie, il faut faire quelque chose. Savez-vous que ce déficit est responsable des 7 % de prélèvement de plus, par rapport à la moyenne européenne, sur le travail comme sur le capital. Toutes les variables qui déterminent la croissance, le niveau de vie et le pouvoir d’achat des Français sont grevées par ce niveau de prélèvement, parce que nous n’osons pas nous donner les moyens de créer un outil comparable à celui qu’utilisent les autres Parlements.

Ce soir, il ne s’agit plus de suivre la consigne de tel responsable, qui a peut-être peur, ou du lobby de la Cour des comptes. J’aime bien nos amis de la Cour des comptes, mais, s’ils étaient efficaces, cela se saurait !

Cela dit, ils font leur travail, et il ne faut pas non plus les écarter, mais nous avons besoin de cet outil complémentaire et opérationnel, reconnu dans le monde entier parce qu’il a fait ses preuves et que les démocraties l’ayant adopté ont rétabli l’équilibre de leurs comptes. Voilà pourquoi nous vous demandons de nous soutenir et de passer à l’acte, en adoptant le même outil que les autres grandes démocraties. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. C’est à la demande de Jean-Christophe Lagarde que je prends la parole.

Je veux d’abord dire à Louis Giscard d’Estaing et à Jean-Michel Fourgous qu’il existe déjà un comité remplissant ces missions : il s’agit du comité central d’enquête pour le coût et les rendements des services publics. (Rires sur divers bancs.) C’est un organisme auquel je ne souhaite pas que celui proposé par Jean-Michel Fourgous et Louis Giscard d’Estaing ressemble un jour, c’est-à-dire à un ensemble plein de vide !

M. Didier Migaud. Ce n’est pas un argument…

M. Jérôme Chartier. Celui-ci a été placé très récemment, m’a dit le Premier Président Philippe Séguin, sous la responsabilité et la haute autorité de la Cour des comptes, qui se demande ce qu’elle va bien pouvoir en faire !

Au fond, et je rejoins les propos de Didier Migaud, ce qui fait la force du National Audit Office en Grande-Bretagne, c’est que, dès lors qu’il a pris, par exemple, la décision de se séparer du Brittania, cela s’est traduit dans les faits. Lorsque nous examinons, notamment la seconde partie du projet de loi de finances, le plus difficile, pour nous, est de faire appliquer réellement les mesures d’économies qui sont pourtant adoptées par l’Assemblée, avec l’accord du Gouvernement. Mais les outils existent dans notre pays et les rapporteurs spéciaux font leur travail. Comme l’a souligné Didier Migaud, il suffit que le président de la commission des finances décide, dans sa grande largesse, de leur accorder les crédits nécessaires pour qu’ils puissent poursuivre leurs évaluations.

M. Didier Migaud. Pas seulement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi cela ne marche-t-il pas ?

M. Jérôme Chartier. Pour une raison simple : le fait que nos propositions soient traduites dans la loi de finances n’est pas encore entré dans notre culture. Tel est le problème auquel nous sommes confrontés. Et instaurer de nouveaux comités ne changera rien à l’affaire. Il faut avant tout que nos décisions soient réellement appliquées. Voilà qui changera radicalement la nature du contrôle du Parlement et qui, à mon avis, générera beaucoup d’économies.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

M. Patrick Braouezec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Braouezec. Nous avons sans doute tous envie d’aller jusqu’au bout de cette discussion, et M. Karoutchi plus que d’autres, puisqu’il vient d’opiner du chef !

Je m’interroge, monsieur le président, car j’ai entendu dire que nous irions jusqu’à trois heures du matin. Je suis assez sceptique quant au bien-fondé d’examiner à cette heure tardive, d’autant que nos bancs deviennent de plus en plus clairsemés – je vais également être contraint de partir –, les articles 22 et 23, qui sont, semble-t-il, fondamentaux. Compte tenu du fait qu’il doit y avoir un délai de huit heures entre la séance de la nuit et celle du matin, convient-il vraiment d’examiner ces deux articles à deux heures, ce qui nous contraindrait à reprendre nos travaux à onze heures, voire onze heures et demie, demain matin ? En levant la séance maintenant, nous pourrions les reprendre vers dix heures.

M. Marcel Rogemont. Absolument ! Pourquoi travailler la nuit ?

M. Patrick Braouezec. Continuer nos travaux, c’est faire bien peu de cas de l’examen de ces deux articles, qui sont cruciaux.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur Braouezec, si vous avez la chance d’habiter Paris ou à proximité, il n’en va pas de même pour nombre de nos collègues qui, en pleine forme, sont restés ce soir pour examiner la suite de ce texte. Pour ma part, j’habite la ville de Domont, située à vingt kilomètres de Paris. Compte tenu de l’heure à laquelle je partirai, je n’arriverai pas à l’Assemblée avant onze heures. Par conséquent, rester ici jusqu’à trois heures du matin et partir de chez moi demain, à dix heures, pour arriver à l’Assemblée à onze heures me convient parfaitement. Cela laisse le temps de poursuivre l’examen de ces articles dans de bonnes conditions. Les parlementaires sont là pour cela, et nous avançons, tout en en travaillant très sérieusement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. J’estime pour ma part qu’il n’est pas très sérieux de poursuivre la discussion au-delà d’une certaine heure, sachant que nous pouvons la reprendre demain. Puisque nous demandons la revalorisation du rôle du Parlement, il me semble que nous pouvons tout de même siéger un jeudi ! C’est un jour où les parlementaires peuvent venir, surtout lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution !

M. Jérôme Chartier. Oui, mais à onze heures !

M. Didier Migaud. J’ai pour ma part pris mes dispositions pour être là ce matin. Je rappelle d’ailleurs que nous auditionnons le Premier Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, à dix heures trente.

J’ajoute que nos concitoyens sont toujours étonnés d’apprendre que nous travaillons jusqu’à trois heures du matin, alors que rien ne nous empêche de reprendre nos travaux à neuf heures et demie ou à dix heures, comme tout le monde ! Tout à l’heure, l’un de nos collègues a invoqué la fatigue de certains collaborateurs, au-delà d’un certain temps de discussion. Eh oui, mes chers collègues, pensons aussi à ceux qui nous assistent ! Il y a des limites à la capacité de travail des uns et des autres. Il faut parfois savoir s’arrêter. Faisons donc une pause et reprenons nos travaux demain. Vous n’avez pas lieu de vous inquiéter, monsieur le secrétaire d’État, car nous aurons terminé l’examen de votre texte demain soir ! Et chaque seconde nous en rapproche. Ne donnez pas l’impression de vouloir précipiter le débat ! Franchement, j’estime que ce n’est pas une bonne méthode que d’être contraints de travailler à deux heures moins dix du matin. Certains d’entre nous reprennent le travail dès sept heures. Pour ma part, à cette heure, je serai à l’antenne. Nous aurons tous très peu dormi. Ce ne sont pas des conditions de travail normales, et je tenais à le dire au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Il vous a entendu.

M. le président. Je vais donner la parole à M. Karoutchi, mais, auparavant, je souhaite apporter une précision. Nous avons examiné 377 amendements depuis le début de nos travaux. Il en reste encore 211. Nous risquons donc de terminer l’examen de ce texte dans des conditions extrêmement difficiles dans la nuit de jeudi à vendredi.

M. Patrick Braouezec. Cela ne change rien ! Il faut un délai de huit heures entre la séance de nuit et celle du matin !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Nous examinons ce texte depuis huit jours et nous n’avons pas le sentiment de l’avoir fait dans la précipitation, ni tout à l’heure ni maintenant.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Didier Migaud. Vous avez, vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, besoin de sommeil, c’est normal ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pas du tout ! Dites plutôt que vous-même en avez besoin ! Ne faites pas un transfert !

Vous dites qu’il y a très peu de parlementaires sur ces bancs, mais permettez-moi de souligner que les rangs ne sont pas plus clairsemés que certains après-midi. Nous avançons de façon régulière. Aussi, je souhaite que nous poursuivions l’examen du texte. Il reste un peu plus de 200 amendements. Je rappelle également que le partage de l’ordre du jour, objet de l’article 22, a déjà été évoqué à de multiples reprises en commission et lors de la discussion générale. Nous ne découvrons pas ce sujet à deux heures du matin…

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes en désaccord : il y a d’un côté, ceux qui ne veulent pas dormir, mais travailler, de l’autre, ceux qui veulent travailler mieux demain en allant dormir maintenant !

M. Didier Migaud. Pas demain, tout à l’heure !

M. Arnaud Montebourg. Dans quelques heures, en effet.

Nous devons trouver un compromis. Chacun peut faire un pas de son côté. Nous n’allons pas accumuler les suspensions de séance ! Je suggère que nous examinions seulement l’article 22. Il restera alors deux articles portant sur le droit parlementaire. Nous traiterons ensuite du Conseil constitutionnel, sujet beaucoup plus consensuel, sur lequel nous avons déposé moins d’amendements. Je pense que nous aurons fini d’examiner le texte demain, à la fin de la séance de l’après-midi. C’est pourquoi je ne comprends pas la raison de cette précipitation.

M. Jean Mallot. Cela ne change rien, puisqu’il faut huit heures entre la séance de ce soir et celle de ce matin !

M. Arnaud Montebourg. Je prie M. le secrétaire d’État, qui ne dort sans doute jamais, de bien vouloir avoir pitié du Parlement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, après m’être entretenu avec un collègue de l’opposition, je croyais que nous étions tombés d’accord pour aller jusqu’à trois heures. Comme cela pose problème, je propose d’aller jusqu’à deux heures et demie, car je souhaite que nous avancions encore un peu. Faute de quoi nous aurons à travailler dans des conditions détestables dans la nuit de jeudi à vendredi. Monsieur le président, est-il possible, si tout le monde en est d’accord, de travailler jusqu’à deux heures et demie ? Nous poursuivrons au même rythme, et nous pourrions lever la séance à deux heures et demie. Ainsi, chacun d’entre nous aura fait un pas.

M. le président. Je propose que nous continuions de siéger jusqu’à environ deux heures et demie. L’article 22 est certes important, mais il fait l’objet d’un certain consensus.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons l’examen des articles.

Article 22

M. le président. Sur l’article 22, je suis saisi d'un amendement n° 75.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 497.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Nous abordons la question délicate, mais en même temps assez simple du partage de l’ordre du jour. Celle-ci a été sans cesse revisitée au fil des réformes constitutionnelles. À l’époque de la session unique, il y eut l’apparition de la niche parlementaire. Le comité Balladur a d’ailleurs fait une analyse assez critique de son bilan. À ce propos, le mot « niche », qui s’est installé dans le vocabulaire parlementaire, nous renvoie à une définition péjorative du Petit Robert, lequel indique qu’il s’agit d’une « anfractuosité destinée à accueillir un objet décoratif ». (Sourires.) Voilà à quoi se réduisent nos propositions de loi, à côté des nombreux projets du Gouvernement, qui occupent la quasi-totalité de l’ordre du jour !

Je me rappelle les propos de mon illustre prédécesseur, Pierre Joxe, élu de Saône-et-Loire et président du groupe socialiste ; il parlait d’un temps où les projets de loi occupaient l’intégralité de l’ordre du jour. Les parlementaires devaient alors se contenter de regarder les trains passer, sans pouvoir faire la moindre proposition. Aujourd’hui, le Gouvernement nous demande souvent, lors des questions d’actualité, quelles sont nos contre-propositions. Nous n’en manquons guère. Ce qui nous manque, c’est du temps prévu dans l’ordre du jour pour en débattre ensemble.

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, comme le proposait le comité Balladur, nous souhaitons donc l’instauration d’un ordre du jour partagé, pratiqué dans la quasi-totalité des pays européens. C’est le cas en Belgique, au Portugal, en République thèque et, surtout, en Grande-Bretagne, où un tiers du temps de séance de la Chambre des Communes est réservé à l’opposition. En Allemagne, la Chancelière ne dispose aujourd’hui d’aucun moyen de contrainte sur l’opposition ni sur la majorité pour inscrire à l’ordre du jour du Bundestag les textes dont elle souhaiterait l’examen.

Nous proposons une division en trois tiers qui vous rappellera sans doute la discussion que nous avons eue sur le temps de parole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. L’explication est un peu courte !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous préférons l’amendement n° 77 rectifié.

M. Didier Migaud. Alors dites-le ! Vous voulez continuer à travailler, alors entrons dans le détail ! Cet amendement me semble, à moi, tout à fait pertinent.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Allons donc !

M. Arnaud Montebourg. Il est d’ailleurs balladurien ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Dès lors, il appelle une réponse pertinente.

La règle des trois tiers existe déjà…

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Où avez-vous vu cela ?

M. Didier Migaud. Au CSA, par exemple, lorsqu’il s’agit de vérifier la bonne répartition des temps de parole entre le Gouvernement, la majorité et l’opposition…

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Le CSA n’est pas le Parlement, voyons !

M. Didier Migaud. Pourquoi ne pas adapter cette règle aux travaux de l’Assemblée nationale ? La question mérite d’être posée. Je souhaite donc savoir comment la commission et le Gouvernement justifient leur rejet de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La raison en est que la commission lui préfère son amendement n° 77 rectifié, plus réaliste. Il prévoit qu’une semaine de séance sur quatre est réservée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. En premier lieu, le Gouvernement exprimera un avis favorable à l’amendement n° 77 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 497, un homme de raison comme vous, monsieur Migaud, devrait bien savoir à quoi s’en tenir. Quelle que soit sa couleur politique, un gouvernement est issu d’une élection et a été choisi pour conduire un projet. Malgré cela, et alors que nous offrons de partager la maîtrise de l’ordre du jour avec le Parlement, ce que personne, ni à gauche, ni à droite, n’avait jamais proposé, vous voudriez que le Gouvernement n’ait plus la main que sur un tiers ? Soyons sérieux ! Avis à nouveau défavorable.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas très sérieux, en effet !

M. Jean Mallot. M. Balladur sera mécontent !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je ne sais pas si c’est l’heure, monsieur le président, mais la confusion tend à s’installer : on nous parle tantôt de l’amendement n° 497, tantôt de l’amendement n° 77 rectifié, alors qu’ils n’ont pas du tout le même objet.

Notre amendement n’a rien d’improvisé, puisqu’il s’inspire des travaux du comité Balladur. En outre, il a le grand mérite de renforcer les droits de l’opposition. Dans Témoignage, l’ouvrage écrit par Nicolas Sarkozy lorsqu’il n’était pas encore Président de la République, je lis ceci : « Dans le même esprit, j’estime qu’il faut accroître les moyens de l’opposition. Les choses sont ainsi faites que le parti qui a perdu les élections devient le parti qui a le moins de moyens. Une démocratie plus apaisée, plus équilibrée, exigerait au contraire que ce parti soit aidé à se reconstruire et à exercer son rôle d’opposant. »

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. C’est l’objet de l’article 1er du projet de loi !

M. René Dosière. C’est alors le candidat qui parle, mais je suppose que le Président de la République n’aura pas changé d’avis si rapidement.

M. Marcel Rogemont. Je n’en jurerais pas !

M. René Dosière. En prévoyant que l’opposition bénéficie d’un tiers du temps de parole, notre amendement répond à l’intention du Président.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Cela n’a rien à voir, c’est une caricature !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 497.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 76.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 498, 77 rectifié et 366, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour défendre l’amendement n° 498.

M. Arnaud Montebourg. Il est défendu.

M. le président. M. le rapporteur a présenté l’amendement n° 77 rectifié, auquel le Gouvernement a donné un avis favorable.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n° 366.

M. Jérôme Chartier. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 366 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 498 ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Favorable à l’amendement n° 77 rectifié, défavorable à l’amendement n° 498.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais surtout pour saluer l’excellent travail effectué par la commission en présentant cet amendement. Dans le projet initial, la fixation de l’ordre du jour est partagée pour moitié avec le Gouvernement si ce dernier le souhaite. Une moitié est en effet réservée au Parlement, mais sous réserve que le Gouvernement ne décide pas, lors de la navette, d’y introduire des textes. L’amendement du rapporteur me paraît donc très sage et pourrait recueillir l’unanimité, en ce qu’il permet réellement à l’Assemblée nationale de discuter de l’organisation d’une partie de l’ordre du jour.

Il n’est sans doute pas inutile de préciser la volonté manifestée par les rédacteurs de cet amendement intelligent, car nos collègues sénateurs seront peut-être, eux aussi, amenés à l’examiner à une heure tardive. La priorité ainsi donnée permet d’être sûr qu’un dialogue s’établira. Je ne doute pas des intentions du gouvernement actuel, mais on pourrait craindre que d’autres, dans le futur, fassent preuve de moins d’ouverture.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Ça !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je m’interroge : cet amendement relève-t-il bien de la Constitution ?

M. Jean-Christophe Lagarde et M. François Sauvadet. Oui !

M. Didier Migaud. Je n’en suis pas sûr. Il me paraît légitime de vouloir consacrer plus de temps à la fonction de contrôle et d’évaluation. Mais peut-on ainsi saucissonner les tâches du Parlement, lui imposer une semaine de contrôle, puis passer à autre chose,…

M. Jean Mallot. C’est absurde !

M. Didier Migaud. …le tout « sous réserve de l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale » ? Nous connaissons tous les contraintes du travail parlementaire : cela revient à dire qu’entre octobre et décembre, pas une seule semaine ne sera consacrée à la fonction de contrôle et que la disposition sera inapplicable six mois par an.

D’autres moyens existent pour que la fonction de contrôle et d’évaluation soit mieux remplie par notre assemblée.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas tout à fait le propos !

M. Didier Migaud. Je lis le texte de l’amendement : « Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité, et dans l’ordre que la Conférence des Présidents a fixé, au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ». Dans quelle proportion ? La moitié ? Qui va en décider ? Des précisions sont nécessaires. Je suis persuadé que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ont beaucoup réfléchi à cette disposition, mais je ne suis pas convaincu de l’effet que pourrait produire son inscription dans la Constitution. En tout état de cause, elle sera inapplicable la moitié de l’année.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. À lire le texte de l’amendement n° 498, déposé par les socialistes, votre intervention m’apparaît singulière…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n’est pas le même !

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Dire qu’une « semaine de séance sur quatre est consacrée exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement » ne revient-il pas à vouloir saucissonner l’activité parlementaire ?

M. Didier Migaud. Mais j’exprime la même critique vis-à-vis de cet amendement ! (Rires et exclamations sur plusieurs bancs.)

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Vous seriez donc totalement isolé au sein de votre groupe…

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. …et en désaccord avec vos collègues signataires de l’amendement n° 498 ?

Quoi qu’il en soit, il y a là une certaine contradiction !

M. Didier Migaud. Nous ne faisons qu’approfondir la réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je comprends très bien les remarques de M. Migaud et, s’agissant de la première partie de la loi de finances, je partage son analyse. Mais il n’en est pas de même pour la seconde partie, car une bonne part du travail des rapporteurs spéciaux relève du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Jérôme Chartier. Dans le rapport budgétaire – d’ailleurs établi sous votre contrôle, monsieur le président de la commission des finances, et sous celui du rapporteur général –, on évalue bien les crédits employés l’année précédente afin d’en tirer les conséquences pour l’année suivante ! Par conséquent, pendant l’examen de la deuxième partie de la loi de finances, l’essentiel du temps consacré en séance relève bien d’un travail d’évaluation et de contrôle…

M. Didier Migaud. Non ! Seulement lors de l’examen de la loi de règlement !

M. Jérôme Chartier. …sur la base duquel sont définis les crédits de l’année à venir. Vous le savez comme moi, puisque nous participons aux mêmes débats.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Notre collègue se trompe d’exercice : il ne faut pas confondre la loi de finances initiale, qui a pour but de se projeter sur l’année suivante, et le projet de loi de règlement, qui est effectivement l’occasion d’effectuer un contrôle. Comment contrôler et évaluer ce qui n’a pas encore été appliqué ?

M. Jérôme Chartier. C’est pourtant ce qui se passe dans les faits.

M. Didier Migaud. Votre raisonnement est donc erroné. L’heure tardive explique peut-être cette difficulté à nous comprendre.

M. Jérôme Chartier. Mais je vous comprends parfaitement !

M. Didier Migaud. La loi de finances initiale disposant pour l’année suivante, il ne peut s’agir de contrôle ou d’évaluation. On ne peut contrôler que ce qui a déjà été exécuté, et qui relève donc du projet de loi de règlement, examiné au premier semestre.

M. Jérôme Chartier. Non, c’est un mauvais argument !

M. le président. Je vais donner la parole est à M. Arnaud Montebourg ; après quoi nous passerons au vote.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Arnaud Montebourg. Notre amendement et celui du rapporteur diffèrent : nous demandons, nous, qu’une semaine de séance sur quatre soit exclusivement consacrée au travail de contrôle. Le rapporteur, lui, souhaite la réserver par priorité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous saucissonnez donc encore plus !

M. Arnaud Montebourg. Puis-je vous demander, monsieur le président, une courte suspension de séance ?

M. le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le jeudi 29 mai, à deux heures quinze, est reprise à deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix l’amendement n° 498.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 541.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Seule la majorité profite des dispositions prévues à l’article 22. Confier une séance mensuelle à la seule opposition parlementaire représente un progrès minime par rapport aux possibilités actuelles. En effet, l’opposition dispose, grâce aux niches parlementaires, de 3 % de la durée des débats en séance et, de manière tout à fait royale – ou républicaine –, le nouveau dispositif permettrait de passer à 7,5 %.

Le présent amendement entend redonner sa juste place à l’initiative des parlementaires, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. Il ne fait que traduire en actes vos discours politiques et médiatiques puisque nous attendons en vain, depuis le début de la discussion, les avancées promises concernant nos attributions. Accepter de rendre possible l’initiative parlementaire pendant deux semaines marquerait votre volonté de répondre aux attentes dont nous n’avons cessé de vous faire part.

Reste que si l’opposition bénéficie d’une séance par mois, elle devra présenter, si j’ai bien compris, ses propositions de loi, examiner tout ce qui concerne le contrôle et l’évaluation et, de plus, éventuellement, les résolutions prévues à l’article 12 – réservé. Cela fait vraiment beaucoup !

M. Benoist Apparu. C’est tout de même mieux que le dispositif actuel !

M. Jean-Claude Sandrier. L’opposition mérite mieux. Or, que l’ordre du jour soit fixé par M. Karoutchi ou par M. Fillon ou encore par M. Copé, quelle que soit, en définitive, la majorité, les dispositions prévues à l’article 22 ne changeront pas fondamentalement la vie. Tâchez donc de me répondre sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, même si je sais que vous êtes à court d’imagination, ainsi que vous l’avez dit tout à l’heure.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pas du tout !

M. Jean-Claude Sandrier. Tentez donc une dernière fois d’en avoir un peu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, l’équilibre que nous avons atteint nous paraissant satisfaisant. De plus, je regrette de devoir souligner, monsieur Sandrier, que votre amendement ne permettrait en rien d’atteindre l’objectif que vous poursuivez, puisqu’il ne donnerait pas une minute de plus à l’opposition.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Évidemment !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Quand l’amendement évoque « l’initiative parlementaire », on ne sait pas s’il se réfère à un ordre du jour réservé à l’examen des propositions de loi ni s’il s’agit d’un ordre du jour arrêté par la conférence des présidents.

Le principe selon lequel la conférence des présidents fixe l’ordre du jour, ainsi que le prévoit l’alinéa 1er du futur article 48 de la Constitution, paraît bon. Pour le Gouvernement, la situation est claire : nous avançons ; ainsi avons-nous adopté l’amendement du rapporteur visant à préciser le cadre au sein duquel évoluer. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà qui me fait plaisir et montre que vous avez bien compris le sens de l’amendement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’intérêt de cet amendement est non seulement d’ouvrir l’initiative parlementaire, mais de poser la question de son contenu. Ainsi, depuis les vacances de Pâques, le groupe socialiste a utilisé quatre niches parlementaires : une sur le logement, que j’ai eu l’honneur de préparer, une sur le pouvoir d’achat, une sur le mode de scrutin au Sénat et une, récemment, sur le décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias. Or qu’avons-nous fait ? À chaque fois, nous avons dû nous contenter d’une heure et demie de discussion générale.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il faut dire qu’il s’agissait de propositions de loi particulièrement consensuelles !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parfois, quand on est un modeste parlementaire comme je puis l’être, il est irritant de s’entendre reprocher, dans les débats publics, que l’opposition n’a pas de propositions à faire. Or, sur le logement, par exemple, nous en avons formulé quarante et une, nous avons écrit un rapport de soixante-dix pages, dont certaines idées, j’en suis presque sûr, se retrouveront dans le prochain projet de loi sur le sujet.

Le vrai problème est que s’il existe bien des dispositifs garantissant à l’opposition une certaine initiative parlementaire, ils devraient permettre l’examen des articles, et non pas seulement une discussion générale. Ainsi, à l’occasion de ces quatre « niches », j’insiste, jamais un seul article n’a été abordé. On parle de revaloriser les droits de l’opposition, mais l’on est bien obligé de constater qu’à la majorité est conféré le droit d’empêcher l’examen d’une proposition de loi qui ne vient pas de ses rangs. Or, lorsque les électeurs décideront de vous renvoyer dans l’opposition, vous serez à votre tour victimes de ce système de niches parlementaires qui ne permet guère d’aller au-delà de deux heures de discussion générale et qui ne présente donc aucun intérêt.

Aussi ne doit-on pas se contenter d’inscrire dans le marbre de la Constitution le principe du renforcement de l’initiative parlementaire ; encore faut-il lui donner une réalité en en précisant les modalités, parmi lesquelles l’examen des articles des propositions de lois émanant de l’opposition.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ce n’est pas une bonne solution !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il pourrait d’ailleurs en aller de même pour la majorité s’il n’existait pas une stratégie de collusion entre elle et le Gouvernement à propos de l’élaboration des lois. Reste qu’il est tout à fait légitime que le Gouvernement confie à sa majorité le soin de présenter un texte qu’il souhaite voir examiner, plutôt que d’en prendre lui-même l’initiative. C’est arrivé au cours de la dernière législature, monsieur Karoutchi : les députés de la majorité ont présenté eux-mêmes des textes dont le Gouvernement avait souhaité l’examen. C’est de bonne guerre et sûrement très intelligemment fait.

Nous ne contestons pas ce droit, mais force est de constater que l’opposition est traitée de façon inégalitaire. Il faudra donc revoir ce système qui permet à la majorité d’empêcher l’examen des articles d’une proposition de l’opposition.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Le Bouillonnec...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce point me paraît fondamental, même si cela semble amuser M. le secrétaire d’État…

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Moi ? Je m’amuse ? (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous assure, monsieur le secrétaire d’État, qu’un élu de l’opposition n’est pas moins fondé qu’un de ses collègues de la majorité à voir l’Assemblée examiner les articles d’une sienne proposition dès lors qu’il aura travaillé pendant plusieurs années sur certains thèmes au sein d’une commission. Cela n’a pourtant jamais été le cas depuis le début de cette législature.

M. le président. Il est temps de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre argument est tellement sérieux que les niches parlementaires telles qu’elles existent ne nous paraissent avoir aucun effet, aucune utilité ; elles ne sont qu’une parodie de ce que devraient être les prérogatives de l’opposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 541.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 78.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 472.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le soutenir.

M. François Sauvadet. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 472 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 79.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 80.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann. Il s’agit d’un amendement grammatical.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 476.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le défendre.

M. François Sauvadet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 476.

(L’amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 542 rectifié.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le défendre.

M. Jean-Claude Sandrier. Je vais défendre brièvement cet amendement car je sens que le rapporteur est impatient d’accroître les droits de l’opposition.

Au fond, en matière d’initiative parlementaire, le dispositif de l’article 22 est bien limité. Si l’on veut bien admettre que la majorité dispose d’une plus grande possibilité d’initiative que l’opposition, elle reste néanmoins si soumise à ce qu’on appelle le fait majoritaire que l’exercice de son droit d’initiative n’ira probablement pas très loin. Il s’agit donc, par le biais de cet amendement, de réserver trois fois plus de temps – ce qui, du reste, ne représente pas grand-chose – aux groupes de l’opposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 542 rectifié.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 475.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le défendre.

M. François Sauvadet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 475.

(L’amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 473.

Est-il défendu, monsieur Sauvadet ?

M. François Sauvadet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 473.

(L’amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 81 et 474, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 81 fait l’objet d’un sous-amendement n° 599.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 81.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 599.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit d’un sous-amendement essentiel à nos yeux, qui, s’il était adopté, ferait tomber l’amendement n° 474.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 474, monsieur le président, et je me réjouis de l’avis favorable de la commission et du Gouvernement sur le sous-amendement.

M. le président. L’amendement n° 474 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 599.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81, modifié par le sous-amendement n° 599.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 82.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défendu.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 500.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Nous avons vu apparaître avec les amendements du rapporteur une configuration dans laquelle la question du contrôle politique est celle où nous cherchons à enregistrer des évolutions intéressantes pour tous : pour la majorité, qui a besoin de contrôler son gouvernement, dans des formes politiquement acceptables ; pour l’opposition, qui a besoin de contrôler le Gouvernement. Le tout participant de l’intérêt général et permettant aux Français de disposer d’un outil d’évaluation politique permanent de la politique générale de la France et de ses déclinaisons administratives sur le terrain et le territoire.

La vérité, et nous l’avons dit et répété depuis le début de cette discussion, c’est que ce projet de loi constitutionnelle est davantage un texte qui ouvre des droits à la majorité qu’un texte ouvrant des droits corrélatifs à l’opposition.

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Arnaud Montebourg. Nous avons compris la pétition de principe de la discrimination positive inscrite dans l’article 51-1 que l’article 24 de ce texte introduit dans la Constitution et que nous examinerons plus tard, même si, par un amendement du rapporteur soutenu par le groupe Nouveau Centre, lesdits droits « particuliers » ou « spécifiques » ont disparu.

La question est de savoir quelle est la quantité de droits que vous êtes prêts à octroyer à l’opposition dans les coquilles que vous avez ouvertes pour augmenter globalement le contrôle politique sur l’exécutif.

Or, nous sommes désolés de dire qu’il y a un point dur, dans ce texte. Il y en a eu plusieurs, et nous l’avons dit sans discontinuer depuis le début de la commission. L’affaire des commissions d’enquête en faisait partie. Il y a eu sur ce point des déclarations convergentes, assez solennelles, de la part du rapporteur et du ministre. Il y a aussi la question de l’égalité du temps de parole dans le cadre de l’exercice des fonctions de contrôle politique.

Car nous faisons la distinction – et c’est le sens de cet amendement – entre le temps de parole utilisé dans la discussion législative, celle que nous pratiquons en ce moment même et le temps de parole utilisé dans le cadre des fonctions politiques.

Cette distinction sera rendue possible par l’article 51-1 de la Constitution, puisque les droits spécifiques de l’opposition pourront être ainsi édictés dans le règlement de chaque assemblée.

Nous demandons, finalement, le retour à la situation antérieure à 1982. Il y avait égalité du temps de parole, comme à la Chambre des Communes la majorité et l’opposition se partagent le temps d’interrogation et de réplique, à égalité et à équité.

La répartition proportionnelle du temps de parole entre les groupes à l’intérieur de la majorité et à l’intérieur de l’opposition relève, quant à elle, en quelque sorte, de la discussion et des stratégies politiques choisies entre ces groupes.

Nous souhaitons cette progression du temps de parole de l’opposition. Vous avez remarqué que nous menons le même combat à l’extérieur des assemblées parlementaires au sujet du temps de parole du Président de la République. Je le répète une fois de plus, nous ne demandons pas la compression de son temps de parole, mais la compensation selon la règle des trois tiers. Nous demandons que celle-ci soit respectée en intégrant les temps de parole des collaborateurs du Président de la République, du Président de la République lui-même et de tous ses attributs parlant autour de lui, parce qu’ils sont de plus en plus nombreux.

M. Michel Piron. Ses attributs ? C’est du Spinoza ! Nature naturante et nature naturée…

M. Arnaud Montebourg. Nous aimerions quand même obtenir les compensations dans le cadre de la règle des trois tiers, que nous ne remettons pas en cause, et qui remonte à 1969. Est-ce là trop demander ?

Eh bien, à l’intérieur de cet hémicycle, nous demandons, là, la parité. C’est une tradition parlementaire qui a été malheureusement interrompue. C’est une tradition démocratique dans tous les pays européens qui font notre admiration commune. C’est aussi le bon sens, s’agissant d’un texte qui voudrait que l’opposition adjoigne ses voix à celles de la majorité.

Voilà pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de faire droit à la demande légitime de votre opposition, dont vous avez autant besoin que les Français qui nous écoutent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La question du contenu des droits qui seront donnés une fois que l’article 24 aura posé le principe d’un statut de l’opposition est une bonne question. Je crois que nous aurons l’occasion de continuer à l’approfondir.

Arnaud Montebourg a eu raison de dire que des engagements ont déjà été pris en matière de commission d’enquête. Il a aussi eu raison de rappeler lui-même, avant qu’un orateur de la majorité ne le fasse, que, quand Valéry Giscard d’Estaing avait initié politiquement le lancement des questions au Gouvernement, il l’avait fait sur une base de 50 % du temps de parole pour la majorité et 50 % du temps de parole pour l’opposition, et que c’est la majorité élue au lendemain de l’élection de François Mitterrand qui a mis fin à cette répartition.

M. Arnaud Montebourg. Ce fut une erreur !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quelques années après, je constate donc que le droit d’inventaire s’applique, en cette matière comme en d’autres.

M. Arnaud Montebourg. Mais vous savez, quand on fera l’inventaire du karoutchisme, ce sera terrible !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En tout état de cause, c’est typiquement une disposition qui n’a rien à faire dans la Constitution. Pour cette raison formelle, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ce qui est proposé aboutirait à revenir au système qui a été supprimé, comme on l’a dit et redit, en 1982 – restons-en là. Mais ces précisions ne relèvent pas de la Constitution. Elles ont vocation, le cas échéant, à figurer dans le règlement intérieur de chaque assemblée.

Cela étant, je souhaite indiquer à M. Montebourg, comme l’a dit le rapporteur, que nous examinerons plus tard l’article 24, qui peut fonder de nouveaux droits pour les groupes de l’opposition. Le Gouvernement n’est pas défavorable à ce que l’on évolue vers un système qui partage mieux le temps de parole lors des séances de questions d’actualité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ah ! C’est important, ça !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Cela devra être pris en considération dans le cadre de nouveaux droits accordés aux groupes qui ne déclarent pas participer de la majorité.

Mais il faudrait sans doute, en parallèle, revoir globalement le mécanisme des questions au Gouvernement pour les rendre – comment dire ? – plus dynamiques et leur donner plus de sens pour nos concitoyens.

M. Jérôme Chartier. Parfaitement !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Dans l’immédiat, je propose de rejeter cet amendement. Mais cette ouverture vaut naturellement pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un refus ouvert.

M. le président. Sur le vote de l'article 22, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, j’entends ce que vous dites. Mais, en fait, il ne dépend que de nous de savoir si une disposition doit être inscrite dans la Constitution ou pas. Or, je crois que la question de l’interpellation du Gouvernement peut tout à fait relever de la Constitution. Surtout quand je vois que l’Assemblée a adopté tout à l’heure un amendement qui dit que les rapports publics contribuent à l’information du public ! Honnêtement, quand on met ça dans la Constitution, on peut y mettre beaucoup d’autres choses !

La question du droit d’interpellation, et donc de la fonction de contrôle, mérite, ou en tout cas peut mériter de figurer dans la Constitution.

S’agissant des questions d’actualité, la question de la parité entre majorité et opposition est une bonne question. Et d’ailleurs, si cette parité avait été inscrite dans la Constitution, cela nous aurait empêchés, en 1982, de commettre une erreur…

M. Jean-Christophe Lagarde. Une erreur grave !

M. Didier Migaud. …dont on peut considérer, en effet, qu’elle a constitué, à l’époque, une remise en cause des droits de l’opposition. Cela montre bien qu’il faut savoir se protéger de majorités trop importantes. Et d’ailleurs, François Mitterrand l’avait dit juste avant l’élection présidentielle de 1988 : « Gardez-moi d’une majorité trop importante ! »

M. Jérôme Chartier. Ses vœux ont été exaucés !

M. Didier Migaud. Certains l’avaient d’ailleurs regretté.

Cela montre aussi, d’ailleurs, combien était importante la discussion que nous avons eue tout à l’heure sur l’article 18. Prenons les précautions nécessaires. Vous savez, personne ne peut anticiper sur ce que sera l’histoire. Nous pouvons être alternativement dans la majorité et dans l’opposition. Il y a un certain nombre de principes qu’il me paraît très important d’inscrire dans le marbre, et sur lesquels il est bon que l’on ne puisse pas revenir par la suite.

Je soutiens donc la proposition d’Arnaud Montebourg. S’agissant de l’interpellation du Gouvernement, on peut considérer que la parité, l’égalité de traitement entre la majorité et l’opposition doit s’imposer.

D’autant que – et c’est un point que l’on oublie – même s’il y avait égalité dans les questions posées par la majorité et par l’opposition, celle-ci serait déjà, compte tenu des réponses du Gouvernement, dans une situation de déséquilibre.

Prenons donc des dispositions permettant d’éviter toute dérive et toute tentation que peut avoir une majorité de trop exercer sa puissance.

M. Marcel Rogemont. En plus de cela, nous mettons en valeur le Gouvernement, avec nos questions ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme ChartierJe ne reviendrai pas sur ce qu’a dit le Gouvernement. Le groupe UMP votera contre l’amendement.

Je voudrais faire part de mes réflexions sur la deuxième phrase que l’amendement propose d’introduire dans la Constitution. Le droit à réplique, dans notre culture des questions au Gouvernement, serait chose bien difficile à imaginer. Pourquoi ? Parce que, finalement, après la réplique, le Gouvernement doit-il répondre ? Au fond, le débat ne s’arrêterait pas, et ne porterait que sur quelques questions. Cela réduirait considérablement le nombre de sujets abordés lors d’une séance de questions au Gouvernement.

Notre collègue Montebourg évoquait les grandes démocraties exemplaires. Qu’en est-il au Canada, par exemple ? Le temps de parole, c’est vrai, est réparti à parité entre majorité et opposition. En revanche, point de droit de réplique. Les questions fusent, à peine trente secondes. Les réponses fusent aussi, une minute en moyenne. Et l’on passe à la question suivante.

J’ajoute que l’ensemble des questions concernent des sujets très généraux. Durant une demi-heure, une partie de la séance de questions, avant la retransmission télévisée, est organisée selon un système déclaratif. Cela sert par exemple, pour tout parlementaire, à évoquer des questions qui touchent particulièrement sa circonscription. Au fond, on garde le principe des questions d’intérêt général.

J’associerai à cette réflexion le grand problème des questions orales sans débat du mardi matin, qui sont calamiteuses pour l’image du Parlement ! Un parlementaire, un ministre pour lui répondre, les bancs vides. Et bien sûr, la plupart des visites en groupe de l’Assemblée nationale sont organisées ce matin-là ! L’Assemblée est donc pleine de visiteurs qui observent ce Parlement désespérément vide.

Voilà des sujets sur lesquels il conviendrait vraiment de réfléchir lorsque l’on parle de ces fameuses séances de questions que les parlementaires posent au Gouvernement.

Cet amendement, qui a de l’intérêt, ne peut manifestement pas être examiné seul, sans réfléchir à l’organisation, de manière générale, des relations entre le Parlement et le Gouvernement, et, s’agissant en particulier des questions au Gouvernement, aux moyens de faire en sorte qu’elles soient beaucoup plus efficaces et donnent une meilleure image du Parlement.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René DosièreJe voudrais simplement faire une suggestion à notre collègue Chartier, puisqu’il veut que l’on améliore la séance de questions au Gouvernement. Je pense que l’on pourrait demander – mais je ne sais pas qui peut le faire – aux collaborateurs des ministres d’éviter de faire les questions et les réponses. Cela donnerait quelque chose de plus dynamique et de plus spontané. Parce qu’il y a des moments où l’on se demande qui pose la question et qui répond.

M. Jérôme Chartier. Ce sont des choses qui se faisaient avant 2002 !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'article 22, modifié par les amendements adoptés.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'article 22, modifié, est adopté.

Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l’article 22.

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 327.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Selon l’article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. »

Cependant, cet article ne semble pas s’appliquer de la même manière aux propositions de loi et aux projets de loi.

Notre amendement prévoit que « Toute proposition de loi adoptée par l’une des assemblées est inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée, dans un délai d’un an. »

Nous pensons nécessaire de prévoir un statut quasi- identique pour les propositions de loi, afin qu’elles ne soient pas, en quelque sorte, éclipsées par rapport aux projets de loi.

Une proposition de loi adoptée par l’une des deux assemblées n’est parfois jamais inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée. Elle tombe de ce fait, à la fin de la législature. Ce fut le cas d’une proposition de loi constitutionnelle concernant le vote des étrangers votée par l’Assemblée nationale, sous la législature 1997-2002. C’est incompréhensible pour l’opinion publique.

De même, il est tout aussi inadmissible de soumettre à l’identique à l’Assemblée un texte qu’elle vient de rejeter. Mais c’est un autre débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

Avec la nouvelle organisation, il sera plus facile, y compris pour l’opposition, de faire inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 327.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 329.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. L’amendement n° 329 donne le droit à l’opposition de convoquer des membres du Gouvernement, dans un délai de prévenance minimum de trente jours, à des auditions publiques, comme cela se passe dans d’autres démocraties occidentales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 329.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui, jeudi 29 mai, à dix heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 29 mai 2008, à deux heures quarante-cinq.)