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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 23 février 2010

Application de l’article 65 de la Constitution - Prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature

Troisième séance du mardi 23 février 2010

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Application de l’article 65 de la Constitution - Prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature

Discussion d’un projet de loi organique adopté par le Sénat - Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi organique (Discussion générale commune)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution et, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature (n os 1983, 2163 et n os 2266, 2308).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République . Madame la présidente, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature a été modifié en profondeur.

La nouvelle rédaction, très précise, de cet article réforme d’abord de manière significative la composition du CSM, au sein duquel les magistrats ne seront plus majoritaires. En effet, devront être nommées au CSM huit personnalités extérieures à la magistrature – six personnalités qualifiées, un avocat et un conseiller d’État –, communes aux deux formations, ces deux formations, compétentes respectivement pour les magistrats du siège et pour les magistrats du parquet, comptant par ailleurs en leur sein sept magistrats, et huit magistrats lorsqu’elles siègent en matière disciplinaire.

La nouvelle rédaction de l’article 65 consacre officiellement la formation plénière du CSM dans laquelle les magistrats ne seront pas non plus majoritaires. Présidée par le premier président de la Cour de cassation, qui pourra être suppléé par le procureur général, la formation plénière comptera six autres magistrats provenant pour moitié de chacune des deux formations et les huit personnalités qualifiées.

Au total, le CSM comptera donc trois formations: une formation pour les magistrats du siège, une formation pour les magistrats du parquet et la formation plénière.

Les règles d’organisation et de fonctionnement du CSM sont également modifiées sur certains points par la révision constitutionnelle. La présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège est désormais assurée systématiquement, et non plus seulement en matière disciplinaire, par le premier président de la Cour de cassation et la présidence de la formation compétente pour les magistrats du parquet par le procureur général près cette même cour. La faculté du ministre de la justice de participer aux séances des formations du CSM est interdite en matière disciplinaire.

Les modifications introduites par la révision constitutionnelle portent également sur les compétences du CSM.

La procédure d’avis sur des nominations relatives aux magistrats du parquet est étendue à l’ensemble des magistrats du parquet, y compris celles des procureurs généraux près les cours d’appel et du procureur général près la Cour de cassation.

La formation plénière du CSM est compétente « pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République » et pour se prononcer sur les « questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice ».

Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 65 de la Constitution ouvre une faculté de saisine du CSM par un justiciable, ce qui constitue une réforme substantielle, « dans les conditions fixées par une loi organique » précise la Constitution.

La rédaction de l’article 65 de la Constitution est déjà extrêmement détaillée, mais le projet de loi organique que nous examinons permet de la compléter sur plusieurs points.

Pour ce qui concerne la composition du CSM, le projet de loi organique détermine quels seront les magistrats appelés à siéger dans la formation plénière, et précise les procédures de nomination des six personnalités qualifiées ainsi que de l’avocat et les conditions de remplacement en cas de vacance d’un siège.

Il procède à une adaptation du régime actuel d’incompatibilités pour prendre en compte la présence d’un avocat ès qualités.

De la même manière, les règles d’organisation et de fonctionnement du CSM sont précisées ou adaptées sur plusieurs points: la nomination du secrétaire général et du secrétaire général adjoint du CSM, la réunion des formations par leur président, la suppléance du président de chaque formation et les règles de quorum applicables aux délibérations.

Par ailleurs, en matière disciplinaire, des modifications sont apportées par le projet de loi organique sur les points suivants: les sanctions disciplinaires applicables – ainsi la réprimande est-elle remplacée par le blâme, pour des raisons que l’on peut comprendre; la procédure applicable pour les demandes d’interdiction temporaires d’exercer; le rapporteur nommé par le CSM dans une procédure disciplinaire, qui pourra dorénavant procéder à la désignation d’un expert.

Enfin, le dernier objet du projet de loi organique, qui est loin d’être le moindre, est de prévoir la procédure nouvelle de saisine du CSM par une justiciable.

L’article 11 confie à des commissions d’admission des requêtes le soin de filtrer les plaintes des justiciables.

Les articles 18 et 25 précisent les conditions formelles et de fond qui devront être examinées par ces commissions d’admission des requêtes.

Les articles 19 et 25 prévoient l’articulation de la phase d’examen de la plainte d’un justiciable et de la procédure disciplinaire.

Les articles 21 et 26 prévoient que la formation disciplinaire saisie de la plainte ne peut tenir l’audience disciplinaire moins de trois mois après cette saisine.

Les articles 23 et 28 prévoient que le justiciable ne pourra former un recours contre la décision disciplinaire résultant de la plainte qu’il a formulée.

Le texte du projet de loi organique a d’abord été déposé sur le bureau du Sénat, qui a apporté des modifications sur plusieurs points.

Il a ainsi prévu que l’avis du Conseil national des barreaux sur la nomination de l’avocat devrait être un avis conforme. Il a étendu le champ des incompatibilités pour l’avocat en lui interdisant de plaider devant les tribunaux et d’agir « en conseil juridique – formulation un peu curieuse – pour une partie engagée dans une procédure.

Il a également prévu un avis du CSM sur la nomination du secrétaire général et du secrétaire général adjoint du CSM.

Il a supprimé la procédure de référé destinée à permettre au président de chacune des formations de prononcer une mesure d’interdiction temporaire d’exercice au profit d’une décision systématique de la formation disciplinaire compétente, dans un délai réduit de dix jours ouvrables.

Il a modifié les conditions de filtrage des plaintes des justiciables afin de permettre le dépôt d’une plainte alors que le magistrat demeure saisi de la procédure, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité des manquements évoqués.

Le Sénat a également introduit plusieurs dispositions nouvelles: ainsi l’article 6 bis qui énumère les exigences qui s’imposent aux membres du CSM – indépendance, impartialité et intégrité –, consacre la règle du déport du membre dont la participation est susceptible de faire naître un doute sur l’impartialité de la décision rendue par le CSM, et confie au président de chacune des formations le soin de veiller au respect de ses obligations par des mesures appropriées; l’article 7 bis qui prévoit que l’autonomie budgétaire du CSM est assurée dans les conditions fixées par une loi de finances; l’article 11 bis qui oblige au respect systématique de la parité entre les membres magistrats et ceux n’appartenant pas à l’ordre judiciaire lorsqu’une formation délibère en matière disciplinaire; l’article 14 bis enfin, qui introduit une définition des manquements au devoir de son état par un magistrat, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Votre commission des lois a ensuite examiné le texte issu du Sénat, auquel elle a apporté certaines modifications.

Pour commencer, la commission a souhaité ne pas empêcher l’avocat nommé membre du CSM d’exercer sa profession et est, par conséquent, revenue au texte initial du projet de loi organique – tout simplement pour respecter la volonté du constituant clairement exprimée, me semble-t-il, dans l’article 65 modifié par la réforme.

Nous avons par ailleurs estimé que l’article 7 bis introduit par le Sénat relatif à l’autonomie budgétaire du CSM était, à l’examen, une fausse bonne idée car cette disposition pouvait se révéler contre-productive pour le Conseil supérieur. Aussi avons-nous supprimé cet article.

Quant au délai nécessaire au CSM pour se prononcer sur une demande d’interdiction temporaire d’exercer, nous l’avons porté de dix jours à quinze jours, notamment pour permettre aux magistrats d’outre-mer d’être entendus par le CSM.

Pour ce qui est du filtrage des plaintes des justiciables par les commissions d’admission des requêtes, nous nous sommes efforcés de clarifier la rédaction sur certains points.

Enfin, nous avons procédé à plusieurs coordinations de manière à prendre en compte le fait que le CSM sera désormais composé de trois formations – la formation plénière étant dorénavant reconnue par le texte.

Je vous invite, chers collègues, à adopter le texte ainsi modifié par notre commission des lois. De la même manière, je vous invite à adopter sans modification l’article unique du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du CSM, qui permettra de disposer du temps nécessaire pour mettre en place un CSM rénové, sans que la prorogation du mandat des membres actuels puisse excéder le 31 janvier2011: cela garantira que le mouvement des magistrats pour l’année 2011 sera en toute hypothèse soumis au CSM nouvelle formule.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de soumettre à votre examen deux projets de loi organique: l’un vise à mettre en œuvre la modernisation du CSM prévue par la réforme constitutionnelle de juillet2008; l’autre, plus récent, vise à proroger le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature.

Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution a été adopté par le Sénat le 15 octobre dernier en première lecture; le second texte en est le complément.

Je veux d’abord saluer le travail réalisé par votre commission des lois et notamment par votre rapporteur: il aura permis d’aboutir à un texte équilibré et à la hauteur de l’ambition qui lui a été attribuée.

Je l’ai souvent dit: la justice est un des piliers essentiels de nos institutions et de l’unité de notre pays. La confiance des Français en l’autorité judiciaire est l’une des premières conditions de la vie en commun.

Renforcer la confiance et adapter la justice aux exigences d’une démocratie moderne, c’est bien l’enjeu de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

M. Houillon ayant décliné de façon très complète les dispositions de ces deux projets de lois, j’insisterai pour ma part sur l’esprit des trois objectifs qui sont au cœur de ces textes: apporter de nouvelles garanties d’indépendance à l’autorité judiciaire avec l’évolution des attributions et de la composition du Conseil supérieur de la magistrature; rapprocher la justice du citoyen en permettant la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature dans le domaine disciplinaire par un citoyen; garantir la continuité de l’institution en prorogeant le mandat des membres actuels du CSM, afin d’avoir le temps de voter la réforme.

Premier objectif: apporter de nouvelles garanties d’indépendance à l’autorité judiciaire. Le projet de loi organique précise les dispositions constitutionnelles en matière d’attribution et de composition du Conseil supérieur. Les mesures rappelées par le rapporteur répondent à trois principes: indépendance, ouverture et transparence.

L’indépendance d’abord: le Président de la République cesse de présider le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux perd sa qualité de vice-président. La présidence des deux formations est assurée par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur général de la Cour de Cassation pour le parquet.

L’ouverture ensuite: il est nécessaire de prendre en compte les évolutions de notre société. La composition du Conseil supérieur de la magistrature intègre cette exigence. Six personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Rappelons que ces nominations seront soumises à la procédure de l’article 13 de la Constitution: c’est là une avancée majeure dont on ne mesure peut-être pas encore toute l’importance.

La Constitution a également prévu la désignation d’un avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature, mettant bien en exergue l’unité de tous ceux qui contribuent à rendre la justice.

La transparence, enfin: les attributions du Conseil supérieur de la magistrature dans le domaine des nominations sont élargies. Toutes les nominations des magistrats aux parquets feront désormais l’objet d’un avis du CSM, y compris les nominations en Conseil des ministres: procureur général près la Cour de cassation, procureurs généraux près les cours d’appel. C’est là aussi un élément supplémentaire de l’indépendance des magistrats du parquet.

Deuxième objectif: rapprocher la justice du citoyen. Le texte institue une saisine directe du Conseil supérieur par le justiciable qui veut dénoncer des manquements aux obligations de comportement des magistrats.

Cette saisine directe du Conseil supérieur constitue une nouveauté importante dans le droit français. Certes, des recours existent pour contester les décisions juridictionnelles ou le fonctionnement défectueux de la justice: appel et cassation d’un côté, action contentieuse sur le fondement de la responsabilité de l’État de l’autre. En revanche, en matière disciplinaire, seuls le garde des sceaux et les chefs des cours d’appel pouvaient jusqu’à présent dénoncer à l’instance disciplinaire les manquements des magistrats. Désormais, tout citoyen pourra directement saisir le Conseil supérieur de la magistrature lorsqu’il estimera qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire, le comportement d’un magistrat doit faire l’objet d’une qualification disciplinaire. Je m’arrêterai un instant sur ce point qui constitue une réelle nouveauté.

Pour assurer le rapprochement entre le citoyen et la justice, il est bien évident que le droit de saisine doit être accessible. Mais il doit aussi être encadré si l’on veut disposer d’une protection contre des actions injustifiées, voire dilatoires et qui porteraient atteinte à l’honorabilité ou au fonctionnement normal de la justice. C’est cet équilibre qui est l’esprit même de la loi constitutionnelle.

Le nouveau droit vise à protéger les libertés des citoyens; de ce point de vue, des exigences de forme peu contraignantes garantissent l’accessibilité du droit de saisine. Il suffira au justiciable d’écrire une simple lettre décrivant de façon détaillée les faits et griefs allégués; il n’aura pas besoin de recourir aux services d’un avocat.

Pour autant, cela ne doit pas conduire à la déstabilisation des magistrats et de l’institution judiciaire. Il faut empêcher les dénonciations intempestives qui porteraient atteinte à la sérénité du travail des magistrats. C’est pourquoi le projet de loi organique prévoit un filtrage à deux niveaux.

Premier niveau de filtrage: la recevabilité. Les commissions d’admission des requêtes créées par la loi organique se livreront à un premier examen consistant à vérifier une série de conditions que j’appellerai « extérieures » – la qualité du requérant, le justiciable devant être concerné par la procédure l’objet de la plainte, celle-ci ne pouvant viser que le comportement d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions, le moment de la plainte enfin, qui ne peut intervenir que lorsque le magistrat du siège n’est plus saisi de la procédure en cause, ou lorsque le parquet n’est plus en charge du dossier, hormis quelques cas exceptionnels correspondant à des procédures particulièrement longues, comme les procédures d’assistance éducative ou de tutelle, où le CSM doit pouvoir être saisi au cours de la procédure. À cet égard, votre rapporteur a effectué un gros travail de clarification tout à fait bienvenu.

Les présidents des commissions pourront ainsi rejeter les plaintes manifestement infondées ou irrecevables.

Deuxième niveau de filtrage: la plainte doit viser un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, ce qui suppose des vérification et investigations supplémentaires: des informations et des observations seront recueillies par la section du Conseil supérieur auprès des chefs de cours.

Pour dissiper les doutes éventuels sur les qualités du magistrat, la procédure doit trouver une issue rapide. Un délai de deux mois est donc imparti aux chefs de cours pour répondre aux demandes d’information.

Troisième objectif: garantir la continuité de l’institution et la sécurité juridique – et du coup la sérénité du débat parlementaire, ce qui me conduit à vous proposer des mesures transitoires.

Le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature vient à expiration le 3 juin prochain, ce qui supposerait d’organiser d’ici là les opérations électorales visant à désigner leurs successeurs. Celles-ci durent généralement quatre mois pour les membres issus du corps judiciaire. Étant donné qu’une deuxième lecture du texte sera a priori nécessaire dans la mesure où vous n’êtes pas appelé à vous prononcer sur un texte conforme, il n’est pas possible de respecter ces échéances. Nous risquerions de nous retrouver dans un vide juridique, l’actuel Conseil supérieur ne pouvant plus siéger à partir du 3 juin alors que le nouveau ne serait pas encore composé. C’est pourquoi il vous est proposé, dans un second projet de loi organique, de proroger le mandat des membres actuels du CSM pour une durée maximale de six mois à compter de la promulgation du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65.

Ce nouveau texte nous permettra de garantir la stabilité du Conseil en évitant de nouvelles désignations, par nature provisoires. J’espère que le vote définitif de la réforme interviendra d’ici au mois de juin, que nous pourrons dès lors organiser les élections et que le nouveau CSM sera opérationnel au mois de septembre; élire le 3 juin un Conseil qui ne serait valable que jusqu’au début septembre ne serait pas très raisonnable, sous peine de porter atteinte à la stabilité même de l’institution.

Le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature vise également à assurer la continuité du fonctionnement du Conseil. Le délai de six mois permettra d’achever sereinement la discussion parlementaire, puis d’organiser les opérations électorales dans de bonnes conditions. La prorogation du mandat des membres du Conseil s’articulera avec les dispositions transitoires inclues dans le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65, qui prévoient le maintien des compétences antérieures du Conseil supérieur de la magistrature jusqu’à la première réunion du Conseil dans sa nouvelle composition.

Mesdames, messieurs les députés, j’ai souhaité, après l’excellente présentation de M. Houillon, insister sur l’esprit dans lequel cette réforme était mise en œuvre. Elle nous permettra de présenter aux Français une justice fière de ses missions et de ses valeurs, au fonctionnement moderne et irréprochable, proche enfin des préoccupations des Français, mais aussi de leur volonté d’avoir une connaissance approfondie sur les procédures et la façon dont se déroule la vie de nos institutions.

Tels sont les enjeux des deux projets de loi organique que j’ai l’honneur de soumettre à votre examen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Madame la ministre d’État, je vous indique d’emblée que le groupe SRC votera le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Il faut à l’évidence adopter ce texte afin d’éviter les problèmes que vous venez d’évoquer.

Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution que nous examinons ce soir est la conséquence directe de la réforme constitutionnelle de 2008. Il comporte une grande avancée juridique, mais surtout démocratique: la saisine directe du CSM par les justiciables d’une plainte contre le comportement d’un magistrat.

Cette possibilité – Philippe Houillon s’en souvient très bien – avait été évoquée lors des travaux de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Nous avions imaginé un système qui consistait à passer par le médiateur de la République, système qui n’était pas parfait et quelque peu compliqué. Celui que vous nous proposez est bien meilleur, et je vous en donne acte.

Cette innovation pose toutefois quelques problèmes d’application. Premièrement, les plaintes seront filtrées par la commission des requêtes. Or comme il y aura plusieurs commissions distinctes, pour le siège et le parquet, on risque d’aboutir à une divergence de jurisprudences.

Deuxièmement, le CSM est dépourvu de vrais moyens d’investigation. Je défendrai donc des amendements tendant à lui donner un vrai pouvoir d’investigation, mais aussi une réelle indépendance budgétaire.

Troisièmement, le garde des sceaux aura toujours la possibilité de saisir le CSM alors même que la commission de filtrage aura rejeté la plainte du justiciable. Nous y voyons une marque de défiance à l’égard d’une institution dont on prétend renforcer l’indépendance et qui pourra voir sa décision de ne pas poursuivre un magistrat remise en question par le pouvoir politique. La décision de rejeter la plainte du justiciable prise par la commission des requêtes ne devrait être susceptible d’aucun recours notamment sous la pression de l’opinion publique – ce qui risque, on le sait bien, de se produire.

En effet, s’il faut certes donner à la saisine du justiciable son plein effet, il faut se garder de déstabiliser les juges – je pense notamment aux juges aux affaires familiales, aux juges des mineurs ou encore aux juges d’application des peines dont les décisions sont souvent contestées.

Cela dit, la saisine du CSM par le justiciable, je le répète, constitue une véritable avancée et nous nous en félicitons.

Hélas, ce texte présente par ailleurs deux défauts majeurs qui découlent directement de la révision de la Constitution de 2008: la composition du Conseil supérieur de la magistrature et son rôle dans la carrière des magistrats du parquet.

La révision de l’article 65 de la Constitution aurait pu marquer un progrès en accordant une garantie supplémentaire à l’indépendance des magistrats. Elle fut au contraire une régression puisqu’elle marque une défiance à leur égard en prévoyant que les magistrats seront désormais minoritaires au sein du CSM.

Dans l’Union européenne, tous les homologues du CSM sont majoritairement composés de magistrats à deux exceptions près: la Belgique et la République slovaque, qui pratiquent la stricte parité. La minorité des magistrats en France pose problème à l’heure où de nombreux textes internationaux recommandent au moins la parité dans les organes de régulation de la magistrature.

Ainsi, la charte européenne sur le statut des juges édictée en 1998 par le conseil de l’Europe impose que des juges élus par leurs pairs représentent au moins la moitié d’une instance indépendante des pouvoirs exécutifs et législatifs. Le comité consultatif des juges européens va même plus loin en appelant à une instance comptant une majorité substantielle de juges élus par leurs pairs.

L’association européenne des magistrats a exprimé en mai2008 les graves préoccupations que lui inspirait la réforme du CSM français.

Enfin, le conseil de l’Europe invite la France à rétablir une majorité de juges et de procureurs au sein du Conseil supérieur de la magistrature ou à veiller à ce que, parmi les membres nommés par les organes politiques, figurent également des représentants de l’opposition.

Magistrats et non magistrats ne seront donc pas à égalité et compte tenu du mode de nomination des non magistrats, l’emprise de l’exécutif restera forte sur le CSM, d’autant plus que même si vous n’en serez plus la vice-présidente, madame la ministre d’État, le garde des sceaux participera de droit aux séances du CSM, sauf en matière disciplinaire.

Loin de renforcer l’indépendance de la justice, le nouvel article 65 est donc une marque de défiance à l’égard de la magistrature. Grâce à la commission des lois du Sénat, la parité des membres magistrats et non magistrats du CSM a été préservée pour les affaires disciplinaires, mais ce n’est pas le cas, et c’est bien le plus grave, pour les formations appelées à se prononcer sur la carrière des magistrats.

Quant à la formation plénière, composée de quinze membres, elle comprend elle aussi une majorité de non magistrats alors que parmi ses attributions importantes figurent non seulement la formulation d’avis sur le fonctionnement de la justice mais aussi la définition d’un code de déontologie de la magistrature.

Or il n’existe pas de grand corps dans notre pays dont la déontologie soit confiée à une majorité de personnalités qui lui sont étrangères.

La révision constitutionnelle de 2008 est ainsi révélatrice d’une véritable défiance du pouvoir actuel à l’égard de la magistrature qui se retrouve minoritaire dans sa propre instance de régulation.

L’autre grand défaut de ce texte concerne le rôle du CSM en matière de nomination des magistrats du parquet; c’est là encore un défaut originel qui découle de la réforme constitutionnelle de 2008.

En effet, cette réforme aurait pu et aurait dû prévoir que les magistrats du parquet seraient nommés, comme les magistrats du siège, par le seul CSM. Or tel n’est pas le cas puisque l’article 65 de la Constitution prévoit que la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du parquet donnera un avis simple sur leurs nominations.

Or, pour écarter toute suspicion, les conditions de nomination des magistrats du parquet devraient offrir les mêmes garanties que celles des magistrats du siège. Cela aurait l’immense avantage de faire échapper leur carrière à la tutelle politique et, partant, de lever – en partie – la suspicion sur certaines de leurs décisions. En partie seulement: j’ai bien conscience que l’indépendance statutaire n’est qu’une condition nécessaire mais non suffisante de la véritable indépendance: l’indépendance d’esprit.

Je sais bien que le fantôme du « gouvernement des juges » semble parfois hanter cet hémicycle. Pour rassurer ceux que pourrait inquiéter la perspective d’un parquet livré à lui-même, je précise qu’à mes yeux cette indépendance statutaire ne reviendrait pas à accorder au procureur une indépendance fonctionnelle qui serait contraire à la nécessité d’une politique pénale impulsée par le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement.

Pour moi, le schéma est simple: au Gouvernement, conformément aux lois votées par le Parlement et sous son contrôle, le soin de définir la politique pénale que le garde des sceaux exprime par des directives générales qu’il adresse au parquet; au parquet – le parquet général comme le parquet tout court – de prendre, en exécution de ces directives, les mesures propres à garantir un traitement cohérent et efficace des affaires individuelles.

La Constitution n’ayant pas été révisée comme nous le souhaitions, reste une solution de repli: respecter scrupuleusement les avis du CSM en matière de nomination des magistrats du parquet comme l’avaient fait de 1997 à 2002 Mme Guigou puis Mme Lebranchu, comme en son temps M. Méhaignerie, entre1993 et1995. Tel ne fut pas, loin de là, le cas de votre prédécesseure, Mme Dati – mais on peut également citer M. Perben ou M. Toubon. Depuis plusieurs années se multiplient les nominations de magistrats proches du pouvoir aux emplois stratégiques du parquet, y compris contre l’avis du CSM.

À l’occasion d’une séance de questions au Gouvernement, le 30 juin dernier – vous veniez de prendre vos fonctions –, je vous avais demandé, madame la ministre d’État, ce que serait votre pratique. Votre réponse, hélas, ne m’a pas vraiment rassuré.

Ce texte pose en réalité la question plus générale de l’unité des corps des magistrats, unité parfois remise en cause. Dans le rapport qui a suivi la commission Outreau, Philippe Houillon et moi-même avions proposé que les carrières soient séparées entre siège et parquet à l’expiration d’un délai maximal de dix ans à l’issue de la sortie de l’Ecole nationale de la magistrature – réforme controversée, qui au demeurant n’est pas à l’ordre du jour. Pourquoi distinguer entre les magistrats et donner à certains moins de garanties qu’à d’autres selon les missions qu’ils exercent, surtout lorsque celles-ci sont temporaires et qu’ils peuvent passer du siège au parquet et réciproquement? Tous les magistrats devraient avoir le même statut et les magistrats du parquet devraient bénéficier des mêmes garanties que les magistrats du siège, notamment en termes de carrière.

Je veux ce soir rappeler que la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré dans un arrêt rendu en juillet2008 que les membres du parquet français n’ont pas la qualité de magistrat au sens de la convention européenne de droits de l’Homme par le fait qu’ils sont « dans une situation de dépendance à l’égard de l’exécutif incompatible avec cette exigence première qu’est la garantie d’indépendance des magistrats. »

Si la Cour maintient cette jurisprudence en appel, nous aurons donc des magistrats du parquet considérés comme des magistrats au regard de la Constitution française, mais qui n’auront pas cette qualité au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que la magistrature étant constitutionnellement gardienne des libertés individuelles, la France sera contrainte de modifier voire de supprimer certains pouvoirs du parquet qui touchent directement à ces libertés, notamment dans le domaine de l’enquête pénale, et plus précisément encore dans celui de la garde à vue.

Et cette révision sera d’autant plus impérative que la réforme de la procédure pénale verra le juge d’instruction remplacé par le procureur dans la direction des enquêtes pénales – le juge d’instruction sera en partie remplacé par le juge de l’enquête et des libertés, mais en partie aussi par le procureur. Pour les tâches qui lui incomberont à la place du juge d’instruction, le procureur exercera des pouvoirs considérables qui ne seront pas compatibles avec le fait que la Cour européenne des droits de l’Homme lui a dénié la qualité de magistrat. Comment pourrez-vous concilier alors la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle les membres du parquet n’ont pas la qualité de magistrat avec le renforcement aussi considérable de leurs pouvoirs?

Si la Cour confirme en appel sa décision, nous devrons donc non seulement revoir le texte qui nous occupe ce soir, mais aussi la Constitution et son article 65 pour donner aux magistrats du parquet les garanties d’indépendance exigées par la Cour de Strasbourg.

Nous sommes dans une période d’interrogation majeure sur l’avenir de notre justice pénale – j’ai cité à l’instant la grande réforme que vous préparez, madame la garde des sceaux, et que vous nous soumettrez prochainement. Nous devons profiter de cette occasion pour clarifier les rapports entre le pouvoir politique et l’autorité judiciaire. Les Français doutent de leur justice; ils seraient près des deux tiers, à croire les sondages, à ne pas lui faire confiance. Comment la justice pourrait-elle être perçue comme proche du citoyen lorsque, pour des raisons budgétaires, les tribunaux sont fermés, la collégialité supprimée, les procédures accélérées? Et surtout, comment pourrait-elle être perçue comme indépendante quand les interventions réelles ou supposées dans les affaires dites sensibles défraient la chronique?

À droite comme à gauche, nous connaissons les dégâts causés dans l’opinion publique (je dirais même dans l’esprit public) par le soupçon qui pèse sur la justice.

Tout récemment encore, la décision du procureur Marin de faire appel dans l’affaire Clearstream, totalement logique au vu de ses réquisitions de première instance, aurait même dû être considérée comme banale s’il ne s’était agi d’une affaire aussi politique, où la suspicion pèse sur chaque décision du parquet du fait de ses liens organiques avec le corps exécutif. Dans ma grande naïveté, il m’arrive même de penser que le procureur Marin n’a même pas reçu d’instruction dans ce dossier, en tout cas pas de manière explicite. De toutes manières, nous n’avons pas à le savoir et nous ne le saurons jamais. Le problème n’est pas là: le problème est que l’opinion publique pense qu’il a reçu des instructions.

Ce problème de la suspicion qui pèse sur le parquet ne peut être résolu qu’à une seule condition: revoir le statut des magistrats du parquet et notamment leur mode de nomination.

L’indépendance de la justice n’est pas une commodité pour les magistrats, ce n’est pas une prébende accordée aux magistrats; c’est une exigence première pour les justiciables.

Cette indépendance doit donc être garantie, de façon à convaincre les Français que les magistrats, tous les magistrats, ceux du siège mais aussi ceux du parquet, ne se déterminent qu’en fonction de la loi et de l’intérêt général et non des services rendus ou de l’avancement espéré.

L’indépendance de l’autorité judiciaire ne sortira pas renforcée de ce texte. Dans ces conditions, nous ne pourrons pas le voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il nous est demandé d’émettre, en un seul débat, un avis sur l’application de l’article 65 de la Constitution et sur la prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Évidemment, cela se fait dans l’urgence, puisque le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature arrive à échéance le 3 juin 2010. Un collègue du Sénat avait attiré l’attention sur le fait que si l’adoption définitive de la présente loi n’était pas réalisée avant février2010, le mandat des membres du CSM devrait être prorogé. Nous sommes dans ce cas de figure: il nous est demandé de nous prononcer très rapidement pour apporter une solution à une situation dont la responsabilité incombe au seul Gouvernement, qui n’a de cesse de réformer et transformer les institutions de la République, quitte à ce que ce soit à marche forcée, à l’arraché.

Ce n’est pas une façon de considérer les concitoyens, et c’est faire peu de cas du travail et du rôle des parlementaires. Je constate par votre intervention, madame la garde des sceaux, que vous commencez à le mesurer…

Avant de statuer sur les deux points en débat ce soir, je voudrais formuler quelques remarques.

Si la révision constitutionnelle du 23 juin dernier a réformé le conseil supérieur de la magistrature, à la demande des magistrats, mais aussi après le choc de la commission parlementaire sur l’affaire Outreau, il faut tout de même convenir que cette réforme n’a pas, jusqu’à présent, créé les conditions d’une véritable indépendance du CSM, et pas davantage celles d’une confiance retrouvée des citoyens en leur justice, comme vous l’auriez souhaité.

J’y vois deux raisons.

Premièrement, les effets de la réforme seront amoindris tant que durera l’intrusion du politique auprès des acteurs de la justice, et notamment la mise au pas régulière des procureurs ou l’instrumentalisation des juges avec le discours sur le sécuritaire tel que le Gouvernement le prône actuellement.

Deuxièmement, votre réforme est entachée par l’annonce, toujours en suspens, de la suppression du juge d’instruction, suivant la volonté du Président de la République qui, en tant que chef de l’exécutif, a en l’espèce un pouvoir déterminant.

Ajoutons que le garde des sceaux, quand bien même il n’en est plus vice-président, participe de droit aux séances de formation du CSM, sauf en matière disciplinaire. Convenez, madame la ministre d’État, que votre présence ne saurait être considérée comme purement formelle…

Soulignons que, contrairement à ce que nous souhaitons, magistrats et personnalités qualifiées ne sont pas à égalité. Les non-magistrats, sauf en matière disciplinaire, sont majoritaires. Il serait pourtant facile de prévoir une présidence tournante du CSM par exemple, avec un président élu pour deux ans et choisi alternativement parmi les membres magistrats et les membres non magistrats. Ce choix donnerait à cette institution une autonomie et une légitimité démocratique qui lui font pour l’heure défaut.

Rappelons par ailleurs que le Président de la République nomme d’une part le secrétaire général du CSM, sur proposition du premier président de la cour de cassation et du procureur général, après avis du CSM, et d’autre part deux membres du CSM, selon la procédure de l’article 13 de la Constitution, c’est-à-dire après avis des commissions des lois des deux assemblées.

Force est de reconnaître que l’emprise de l’exécutif reste très forte sur les décisions du CSM, ce qui jette un doute sur son indépendance et porte atteinte à sa crédibilité, en particulier au regard de l’autonomie des décisions. Pour ces raisons, nous sommes opposés à l’article 65 tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle, même si nous affirmons que la possibilité ici offerte au justiciable de saisir le CSM représente une avancée.

Le problème réside davantage dans le fait que la loi organique, ne pouvant en modifier la logique, ne fait qu’en organiser les modalités d’application. Pour le démontrer, je développerai quelques points qui pourraient être pris en compte.

Le justiciable va pouvoir déposer auprès du Conseil supérieur de la magistrature une plainte à l’encontre d’un magistrat; cette plainte sera soumise par la commission des requêtes de la saisine à un filtrage. Jusque-là, rien que de très normal. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est que cette même commission devra statuer sur la recevabilité des plaintes. Ainsi certaines se trouveront écartées, mais sur quels critères?

Il est à noter que le magistrat mis en cause sera informé dès que la commission des requêtes aura décidé de l’examen de la plainte et de la qualification disciplinaire qu’il convient de lui accorder. La commission aura également la possibilité de l’entendre.

Cependant, les dispositions relatives à la commission des requêtes posent problème. En cas de partage des voix au sein de cette commission, la plainte sera tout de même transmise pour examen à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Or le doute de la commission des requêtes devrait pouvoir bénéficier au magistrat mis en cause. C’est pourquoi il paraîtrait plus juste que le partage des voix entraîne un classement sans suite de la plainte. Une décision aussi grave pour la carrière d’un magistrat ne devrait pouvoir être prise qu’à la majorité. Serait ainsi respecté le principe selon lequel le doute bénéficie à la personne mise en cause.

Il aurait été plus ambitieux de confier la gestion des services judiciaires et l’inspection des magistrats à un service qui aurait pour mission, entre autres, d’examiner les plaintes des justiciables mettant en cause la responsabilité d’un magistrat. Ce service devrait être créé auprès du CSM et ses membres choisis par les membres du Conseil, mais hors du CSM.

J’en viens au problème essentiel, à savoir le maintien de l’exécutif dans la procédure de décision. Si la plainte du justiciable est rejetée par la commission des requêtes, le garde des sceaux conserve la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Il y a là une véritable atteinte à l’indépendance de la justice et à la crédibilité même de l’institution qui pourra voir sa décision de ne pas poursuivre un magistrat être remise en question par le pouvoir. C’est manifestement une entorse au principe de la séparation des pouvoirs.

L’union syndicale des magistrats, du reste, s’en inquiète et précise qu’à travers un tel dispositif « le pouvoir politique entend garder, en toutes circonstances, le contrôle de la discipline en revenant au besoin sur une décision du CSM ». L’immixtion de l’exécutif n’est pas de nature à favoriser la sérénité des délibérations du Conseil supérieur de la magistrature lorsque celui-ci doit prendre une décision susceptible de remettre en cause la carrière d’un magistrat.

Passons au mode de désignation de certains membres du CSM dont il conviendrait de renforcer la légitimité. L’avocat devrait être élu par l’assemblée générale du conseil national des barreaux. Ainsi désigné par ses pairs, son autorité s’en trouverait renforcée. De plus, cela le placerait sur un pied d’égalité avec le conseiller d’État membre du CSM, élu par l’assemblée générale du Conseil d’État: il s’agit, ni plus ni moins, que d’assurer la cohérence de la réforme.

Le secrétaire général doit également voir son autorité renforcée puisqu’il sera désigné à la suite d’un avis conforme de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature. Il est important de conférer à ces personnalités la plus grande légitimité possible pour leur permettre d’exercer leur rôle et cela éviterait bien des polémiques inutiles.

En ce qui concerne la formation plénière du Conseil, je souhaite soulever deux autres questions. Pour commencer, il faut déplorer l’insuffisance de ses prérogatives: si la réforme prévoit que la formation plénière peut répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République ainsi qu’à toute question relative à la déontologie des magistrats ou au fonctionnement de la justice, elle ne peut être à l’initiative d’avis portant sur des atteintes à l’indépendance de la justice. Or une telle faculté aurait permis de renforcer sa crédibilité vis-à-vis de l’opinion publique et d’éviter l’instrumentalisation de certaines affaires par les autorités politiques.

Qui plus est, la formation plénière est totalement absente en matière disciplinaire: pour seule prérogative, le projet de loi organique lui octroie la possibilité d’élaborer et de rendre public « un recueil des obligations déontologiques des magistrats »… Ce qui est bien insuffisant.

Si cette réforme constitue par certains aspects une avancée, il n’en demeure pas moins, et c’est très grave, qu’elle montre toute son ambiguïté avec le droit, pour l’exécutif, d’intervenir sur une décision du Conseil supérieur de la magistrature.

Ce projet, comme beaucoup d’autres en ce moment, n’est qu’un projet d’affichage et ne permettra certainement pas de renforcer l’indépendance des magistrats, d’accroître la transparence – qui semble chère à votre cœur, madame la ministre d’État – et la qualité du fonctionnement de la justice, ni de conforter la confiance des citoyens.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre le projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, madame la ministre d’État, garde des sceaux, mes chers collègues, le 21 juillet 2008, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle à l’ampleur sans doute inégalée depuis les débuts de la V e  République: trente-huit articles de la Constitution modifiés, voire intégralement réécrits, neuf autres venant pour leur part s’ajouter à notre loi fondamentale.

Au nombre de ces modifications de notre texte constitutionnel, la réécriture in extenso de l’article 65 est pour sa part venue réformer en profondeur une institution, le Conseil supérieur de la magistrature, dont l’histoire se confond avec celle de la construction d’une justice indépendante et respectée, pilier de l’équilibre de nos institutions comme de la cohésion nationale – ainsi que vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux.

Créé sous la III e  République, essentiellement comme un organe disciplinaire, le Conseil supérieur de la magistrature a vu son existence constitutionnalisée en 1946 puis confirmée en 1958 afin de proposer au pouvoir exécutif les nominations et les décisions d’avancement relatives aux magistrats du siège. Pourtant, les règles prévalant à sa composition n’ont eu de cesse de fluctuer au gré des réformes.

En 2008, le constituant a ainsi choisi de poursuivre dans la voie de la révision, entamée sur le fondement des propositions du comité Vedel en 1993, mais jugée inaboutie dès 1997 par le Président de la République Jacques Chirac. L’article 65 a été réécrit dans le but d’offrir à l’institution judiciaire de nouvelles garanties quant à son indépendance tout en la rapprochant de nos concitoyens, notamment par la possibilité désormais offerte à tout justiciable de saisir les formations disciplinaires du CSM.

À ce titre, le présent projet de loi organique est bien d’une importance cruciale puisque c’est à son adoption que reste aujourd’hui suspendue l’entrée en vigueur effective, dans sa nouvelle rédaction, de l’article 65 de la Constitution. Par ailleurs, et afin de ne pas renvoyer à une échéance trop lointaine l’entrée en vigueur pleine et entière de cette réforme, il nous est également proposé, par un second projet de loi organique, de proroger à titre dérogatoire le mandat des membres actuels du CSM.

Au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, je souhaite, madame la garde des sceaux, vous apporter tout mon soutien à cette réforme.

Est-il besoin de rappeler que la révision constitutionnelle de 2008 a mis fin à cette survivance anachronique et si souvent décriée, et particulièrement par nos collègues de l’opposition, que constitue une instance présidée par le Président de la République et dont la vice-présidence revenait de droit au garde des sceaux?

Au-delà du symbole, la composition du CSM a été profondément revue dans le sens d’une plus grande ouverture sur la société. Aux six membres issus de la magistrature ainsi qu’au conseiller d’État membre du CSM s’ajouteront désormais un avocat, désigné par le président du conseil national des barreaux, et six personnalités qualifiées.

Ainsi, les formations du CSM seront, en matière disciplinaire, composées à parité de magistrats et de non-magistrats, mais les magistrats seront désormais minoritaires dès qu’il s’agira de prendre des décisions en matière de nomination.

Ce projet de loi organique a par conséquent pour principal objet de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle pour revoir en profondeur les règles de fonctionnement et de délibération au sein du Conseil supérieur de la magistrature mais aussi pour fixer un cadre aux nouvelles compétences confiées par la Constitution au Conseil supérieur de la magistrature.

Dans la droite ligne du nouvel équilibre dessiné par la réforme de 2008, le CSM a vu ses prérogatives en matière de nomination élargies à l’ensemble des magistrats du Parquet. Désormais, même dans le cas d’emplois pourvus en conseil des ministres – et c’est bien là un progrès –, les nominations des magistrats du parquet ne pourront plus intervenir qu’après l’avis du CSM. Désormais, la transparence prévaudra y compris pour les postes de procureurs généraux près les cours d’appel ou près la Cour de cassation.

Je souhaite maintenant aborder un point qui me paraît essentiel: oui, madame la garde des sceaux, vous êtes parfaitement en phase avec l’opinion publique en donnant la possibilité au citoyen de saisir les formations disciplinaires du CSM dès lors qu’ils estimeront que le comportement dont aura fait montre un magistrat du siège comme du parquet dans une affaire les concernant, est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Laissez-moi, à ce stade, m’adresser à l’excellent rapporteur Philippe Houillon et à André Vallini, qui furent respectivement rapporteur et président de la commission sur l’affaire d’Outreau dont j’ai eu l’honneur d’être secrétaire: nous avons pu voir les dégâts causés dans l’opinion par des comportements qui n’étaient passibles d’aucune sanction. Le texte que vient nous proposer Mme la garde des sceaux en application d’une révision constitutionnelle adoptée par les deux tiers des parlementaires, constitue à cet égard un incontestable progrès.

Tout en vous attachant à rapprocher la justice des citoyens, madame la garde des sceaux, vous avez heureusement apporté des garanties. Ce droit de saisine doit être encadré, d’où un filtrage, avez-vous indiqué. Ce principe vaut pour toutes les saisines de toutes les institutions judiciaires: des conditions de saisine, de recevabilité sont posées, sans pour autant entraver le progrès que représente la saisine directe.

Vous avez déclaré que ce texte poursuivait trois objectifs: apporter de nouvelles garanties d’indépendance – qui peut s’en plaindre? –, rapprocher la justice de nos concitoyens – tous les bancs ont appelé de leurs vœux un tel rapprochement –, renforcer la sécurité juridique avec la prorogation de l’actuel CSM. En toute objectivité, comment ne pas y voir un progrès qui redonnera confiance en la justice?

Nous ne connaissons que trop les dégâts causés par une affaire comme celle d’Outreau. Or j’ai écouté avec une grande attention, monsieur Vallini, vos références au Conseil de l’Europe – et je sais combien s’agit là d’une référence excellente: j’ai l’honneur de siéger encore pour quelques semaines, depuis dix-sept ans, au sein de cet organisme. Reste que vous en avez caricaturé sa position. Et la présente réforme ne contrevient pas à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Qui plus est, à propos de la question de l’indépendance du CSM, vous avez caricaturé le texte en accusant par anticipation le Gouvernement de s’immiscer dans la réforme du code de procédure pénale. Or tel n’est pas l’objet de la présente discussion. Mme la garde des sceaux a eu l’occasion d’en présenter ce matin les grandes lignes: aucune disposition n’est susceptible de porter atteinte à l’indépendance du CSM. Vous avez évoqué enfin la suppression du juge d’instruction – même si je ne vois pas bien quel peut être le rapport avec le présent texte. Les députés du Nouveau Centre, comme les députés socialistes, comme nos collègues du groupe UMP sont attachés à l’indépendance de la justice, et le Gouvernement tout autant. Il n’est qu’à voir la méthode qu’il a retenue en matière de concertation: les projets de réformes s’élaborent dans une transparence et sur le fondement d’un dialogue sans précédent. Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire, en mon nom personnel et au nom de mes collègues du Nouveau Centre, combien nous apprécions cette méthode de travail.

Enfin, en ce qui concerne le Conseil de l’Europe et le rapport de sa commission juridique, monsieur Vallini, n’oubliez pas que cette institution compte quarante-sept États dont vingt ont adhéré depuis seulement vingt ans. N’allez pas comparer notre institution judiciaire à des institutions qui viennent d’être créées dans des pays qui, il y a encore quinze ans, ignoraient ce qu’était la démocratie, qu’il faut aider à construire un État de droit en mettant en place des structures politiques et judiciaires indépendantes les unes des autres.

C’est à cela que veille le Conseil de l’Europe, et c’est à cela que faisait allusion le rapport adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, puis par son assemblée parlementaire. De là à considérer que les institutions françaises sont accusées, ce serait faire injure à la qualité de nos institutions judiciaires, dont la construction remonte à plusieurs siècles, et à l’esprit d’indépendance auquel le Gouvernement et cette majorité sont attachés.

Très objectivement, ce texte représente un progrès. Ne le déformons pas et ne lui faisons pas dire ce qu’il ne dit pas. Nous nous devons, ce soir, de discuter et je suis certain que nous aurons, dans cet hémicycle, d’autres rendez-vous. J’espère que nous garderons ce caractère objectif et dépassionné au regard de l’immense travail accompli par le président Vallini et le rapporteur Philippe Houillon dans le cadre de la commission d’enquête sur les causes de dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau. Les textes présentés de soir apportent une réponse concrète à une expression unanimement affirmée et je pensais que le vote aurait été unanime.

Je vous réitère donc, en conclusion, madame la garde des sceaux, toute la confiance et le soutien du groupe Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les propositions formulées par la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes de dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et par le « comité Balladur », ont inspiré la nouvelle rédaction de l’article 65 de la Constitution qui modifie, d’une part, la composition du Conseil supérieur de la magistrature et, d’autre part, une partie de ses attributions. Adapter l’institution aux évolutions de la société et de la justice supposait de renforcer son indépendance et de donner plus de transparence à la procédure de nomination des magistrats en prévoyant notamment l’intervention du Conseil supérieur de la magistrature dans la nomination des magistrats du parquet. De toute évidence, la confiance dans la justice et dans ceux qui sont chargés d’appliquer la loi ne peut se concevoir sans une réelle transparence des procédures de nomination et par la garantie de leur indépendance. C’est pourquoi le nouvel article 65 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a modifié la composition du Conseil supérieur de la magistrature; le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui énonce les modalités selon lesquelles l’architecture du Conseil sera renouvelée.

Le projet de loi organique précise également dans quelles conditions les justiciables pourront directement saisir le Conseil, en vertu de cette même révision constitutionnelle. Cette dernière nouveauté mérite que l’on y attache toutes les précautions nécessaires en imposant un filtrage des recours qui écartera les plaintes abusives et manifestement infondées et protégera la sérénité des magistrats dans l’accomplissement de leur travail.

À ce titre, l’article 65 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction, prévoit tout d’abord une ouverture de la composition du Conseil supérieur de la magistrature à des personnalités extérieures à la magistrature. Ces huit personnalités qualifiées seront appelées à siéger dans les trois formations du Conseil: la formation plénière, la formation compétente pour les magistrats du siège et la formation compétente pour les magistrats du parquet. Par ailleurs, il est mis fin à la présidence du Conseil par le Président de la République et à sa vice-présidence par le garde des sceaux. Le nouveau texte prévoit que le premier président de la Cour de cassation présidera la « formation siège », et que le procureur général près ladite cour présidera la « formation parquet ». Le constituant a d’ores et déjà introduit à l’article 65 les principes de la composition de chaque formation.

L’article 1 er du projet de loi organique précise les conditions de nomination des membres invités à siéger en formation plénière. En vertu des dispositions de l’article 65 de la Constitution, la formation plénière doit comprendre trois des cinq magistrats du siège désignés pour siéger dans la « formation siège », trois des cinq magistrats du parquet désignés pour siéger dans la « formation parquet », ainsi que huit autres personnalités non magistrats. Le projet de loi organique propose que les magistrats qui siégeront en formation plénière seront désignés par leurs pairs, sur désignation par un collège propre à chaque formation « parquet » et « siège ». La formation plénière sera présidée par le premier président de la Cour de cassation, qui pourra être suppléé par le procureur général près cette cour. Il convient de souligner que le Syndicat de la magistrature a exprimé, lors des auditions réalisées par la commission des lois, sa satisfaction quant aux modes de désignation envisagés par le projet de loi organique.

Le projet de loi organique prévoit aussi que, parmi les huit personnalités qualifiées, il faudra compter la présence d’un conseiller d’État ainsi que celle d’un avocat. L’introduction d’un avocat dans la composition du CSM constitue une des nouveautés majeures de l’article 65. Celui-ci sera désigné par le président du Conseil national des barreaux, après avis conforme de l’assemblée générale dudit conseil, et non pas élu par cette même assemblée générale, afin d’éviter l’écueil de la politisation que provoquerait une élection. En conséquence, le projet de loi organique a dû adapter le régime des incompatibilités applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature. Jusqu’à la réforme constitutionnelle, le seul régime d’incompatibilité qui prévalait était celui d’interdiction de l’exercice d’une profession d’officier public ou ministériel, d’un mandat électif ou de la profession d’avocat.

Le Sénat a souhaité imposer un régime d’incompatibilité plus sévère à l’avocat, lui interdisant de plaider devant les tribunaux et d’agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure. Le rapporteur du texte, notre collègue Philippe Houillon, précise que ce régime d’incompatibilité est contraire à la lettre du texte constitutionnel, puisqu’il revient à empêcher l’avocat désigné ès qualités d’exercer sa profession. Ainsi, la commission des lois a souhaité rétablir sur ce point le texte initial du projet de loi organique, c’est-à-dire la simple dérogation à l’incompatibilité avec la fonction d’avocat, pour le membre désigné en sa qualité d’avocat.

Le cas du conseiller d’État et de l’avocat mis à part, les six autres personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. La commission des lois de chaque assemblée sera alors compétente pour donner un avis sur la nomination envisagée. Le projet de loi organique, dans son article 3, assortit cette nomination d’une exigence de représentation équilibrée des hommes et des femmes.

L’article 6 bis du projet de loi organique insère, quant à lui, un article 10-1 tendant à renforcer les exigences déontologiques imposées aux membres du CSM. En vertu de ces dispositions, leur mission est assortie des exigences d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, notions qui correspondent aux principes fondamentaux de la déontologie judiciaire, et que le Conseil supérieur de la magistrature a, dans son rapport public annuel de 2008, qualifié de « grands thèmes idéologiques ». Enfin, un amendement parlementaire propose une obligation de parité réelle en matière disciplinaire. En effet, dans la mesure où le constituant a prévu que les formations se réunissant en matière disciplinaire seront composées à parité de magistrats et de non-magistrats, ce choix peut être interprété comme la volonté d’instaurer une parité réelle lors de chacune de ses délibérations.

J’en viens maintenant à l’autre innovation majeure du projet de loi organique: la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Le droit positif ouvre déjà aujourd’hui aux justiciables la possibilité de contester une décision de justice par l’action contentieuse sur le fondement de la responsabilité de l’État qui permet d’obtenir réparation en cas de fonctionnement défectueux de la justice. Désormais, les justiciables seront fondés à former un recours, à l’instar du garde des sceaux et des chefs des cours d’appel, en matière disciplinaire. Il ne serait pas acceptable qu’une partie à une procédure judiciaire pâtisse du comportement d’un magistrat, dont la gravité justifierait la prise d’une sanction disciplinaire et elle mérite, à ce titre, être dotée de la faculté de saisir le Conseil, si elle s’estime lésée. Il est primordial que ce droit de saisine soit accessible à tous: c’est une avancée majeure dans le droit français. Il faut pourtant préciser que ce droit doit être encadré afin qu’un équilibre soit préservé et que les magistrats n’aient pas à souffrir de manœuvres dilatoires ou d’accusations intempestives. Le projet de loi organique prévoit une procédure peu contraignante afin de garantir l’accessibilité de ce droit. Tout justiciable peut par simple lettre, et sans l’assistance d’un avocat, formuler sa demande et exposer de façon détaillée les faits et les griefs dont il se prévaut. Cependant, le texte impose un cadre à ce droit de saisine et précise, dans son article 18, que la saisine fera l’objet d’un double filtrage.

Le premier niveau de filtrage tient à la recevabilité de la demande. En effet, il ne s’agit pas d’ouvrir la possibilité de contester systématiquement une décision de justice, au prétexte infondé qu’un magistrat aurait eu un comportement préjudiciable. À cette fin, la commission d’admission des requêtes du CSM aura pour tâche de vérifier que la demande répond à un certain nombre de critères: le requérant doit d’abord prouver un intérêt à agir, la requête ne peut viser que le comportement d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions, la procédure ne peut pas être engagée lorsque le magistrat mis en cause est encore saisi du dossier; toutefois, dans les cas où la procédure est particulièrement longue, il sera possible de saisir le CSM en cours de procédure. Le second niveau de filtrage consiste à estimer si le comportement incriminé peut faire l’objet d’une qualification disciplinaire ou non. La commission des requêtes prendra sa décision après avoir consulté le premier président de la cour d’appel dont dépend le magistrat en question.

Mes chers collègues, je tiens à rappeler l’importance de la justice et de la confiance que les citoyens portent en celle-ci. Ce projet de loi organique répond aux adaptations nécessaires de la pratique du droit aux évolutions de la société. Le renforcement de l’indépendance et de la transparence de l’autorité judiciaire, l’ouverture du Conseil supérieur de la magistrature à des personnes qualifiées et la création d’un droit de saisine ouvert aux justiciables permettent de rapprocher la justice du citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Bon nombre de vos remarques seront à nouveau évoquées lors de la discussion des amendements; je serai donc brève. Toutefois, je crois plus courtois de répondre aux points qui ne seront peut-être plus soulevés pendant ce débat.

Je vous remercie tout d’abord, monsieur Vallini, d’avoir reconnu que ce texte représentait une avancée démocratique importante du fait, notamment, de la capacité de saisine directe du CSM par le citoyen.

Vous avez ensuite relevé une série de divergences, dont certaines directement liées à votre opposition à la réforme constitutionnelle.

M. Jean Mallot. C’est clair!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous avez votre logique, tout comme j’ai la mienne…

Vous regrettez que deux commissions servent de filtre au risque, dites-vous, de créer divergences. Tout d’abord, nous avons prévu des critères d’admissibilité extrêmement précis; qui plus est, nous parlons de gens qui ont l’habitude de se rencontrer régulièrement en petit comité pour régler leurs désaccords.

Pour ce qui est des moyens d’investigation du CSM, rappelons qu’ils reposent aussi sur l’information fournie sur place par toute la chaîne judiciaire, notamment au niveau des cours d’appel: les renseignements pratiques devraient être relativement faciles à obtenir.

Vous avez également évoqué les moyens financiers. Le système actuel garantit l’autonomie financière du CSM qui dispose d’ores et déjà d’une ligne totalement indépendante et identifiée; la seule question qui peut se poser – et sans doute y reviendrons-nous – est de savoir à quel bloc la rattacher.

Quant à la composition du Conseil, elle découle directement de la réforme constitutionnelle. Il n’y a donc rien à ajouter en la matière. L’ouvrir à des personnalité extérieure ne témoigne en rien d’une défiance à l’égard des magistrats.

Le Conseil sera appelé à donner son avis sur les nominations des magistrats du parquet; reconnaissez que c’est aussi une avancée par rapport à la situation actuelle. Vous auriez eu tout loisir de la changer si vous y teniez vraiment… Vous avez tout de même été au pouvoir pendant quelques années, me semble-t-il!

Quant à la réponse que je vous avais faite sur le CSM, je la revendique. Lorsqu’une institution – et vous me permettrez de dire que je suis un peu une institution –, reçoit des pouvoirs de la loi, il ne lui revient pas d’y renoncer par avance. Je suivrai les avis du CSM ou je ne les suivrai pas; vous pourrez en juger le jour où je quitterai mes fonctions, et pas avant. Pour ma part, je ne renonce pas à des pouvoirs qui sont donnés. Vous verrez bien ensuite comment j’agis.

Beaucoup de choses ont été dites sur la réforme de la procédure pénale; le projet sera présenté lundi. Jusqu’à présent, personne ne l’avait, ce qui explique certains commentaires entendus. Vous constaterez par vous-même, une fois qu’il sera distribué, qu’il préserve un certain nombre d’équilibres et apporte des garanties.

Je ne reviens pas sur vos propos sur la Cour de Strasbourg et le Conseil de l’Europe: M. Hunault vous a très justement répondu tout à l’heure en rappelant notamment qu’il ne faut pas interpréter de façon extensive des décisions qui concernent un pays particulier et des situations particulières.

Monsieur Lecoq, je n’ai pas l’impression que ce soit une réforme à marche forcée, au contraire. Le texte a été discuté au Sénat en octobre et, si j’ai déposé ce deuxième projet de loi organique, c’est justement pour que le débat parlementaire puisse se poursuivre en toute sérénité. Du reste, à supposer même que ce fût une réforme à marche forcée, personne ne pourrait le regretter dans la mesure où, vous l’avez tous reconnu, elle traduit de réelles avancées au bénéfice de la démocratie et des citoyens.

Vous vous êtes opposé à l’article 65 de la Constitution, tout en reconnaissant qu’il contenait des avancées; tout votre raisonnement en découle. Il est cohérent, à ceci près que nous ne sommes pas d’accord sur le point de départ.

Vous critiquez le fait que la plainte soit transmise en cas de partage des voix; mais à ce stade de la procédure, il ne s’agit que de s’assurer de la recevabilité au vu de critères objectifs que je vous ai rappelés – il est logique que le justiciable persuadé d’avoir décelé des manquements au cours d’une procédure ne puisse agir qu’après la fin de celle-ci, sauf dans deux situations exceptionnelles. C’est sur le comportement que porte le doute, aussi sérieux doit-il, non sur les critères, parfaitement objectifs. Dès lors, il me paraît logique que le filtrage soit confié à une instance interne. S’il s’agissait d’apprécier le caractère fautif ou non du comportement, je pourrais admettre votre raisonnement: il est normal que le principe du bénéfice du doute s’applique. Mais dans le cas présent, s’agit seulement d’apprécier des critères, autrement dit des éléments beaucoup plus objectifs.

Le texte accorde également au CSM de larges compétences. Son avis peut être sollicité par le Président de la République. Il peut avoir à se prononcer sur des questions relatives à la déontologie des magistrats, ou sur le fonctionnement de la justice si je le lui demande. Ce sont des points importants qui prouvent que l’on reconnaît la compétence des magistrats mais aussi des non-magistrats, dont le regard sur le fonctionnement de la justice peut m’éclairer et m’aider à prendre des décisions.

Monsieur Hunault, vous avez souligné combien la réforme constitutionnelle et le texte que nous présentons aujourd’hui représentaient une grande ouverture sur le plan des droits donnés aux citoyens, mais également une ouverture sur la société. Face au risque que chacun se referme sur lui-même, l’ouverture est indispensable, y compris dans la pratique des professions. Il faut rejeter le corporatisme, qui va à l’inverse de toute la vie de la société, à l’inverse également de l’image que nous voulons donner de la justice: pour jouer un rôle essentiel en tant qu’institution pour participer à l’unité du pays, encore faut-il qu’elle soit en quelque sorte représentative, qu’elle montre qu’elle sait écouter ce qui se passe.

Vous avez également évoqué les nouvelles prérogatives en matière de nomination. Je veux bien que l’on continue d’entendre des critiques sur la nomination du parquet mais force est de reconnaître qu’il y a de grandes avancées qui n’avaient pas été réalisées précédemment; vous l’avez souligné et je vous en remercie.

En ce qui concerne la réforme de la procédure pénale, une très large concertation va s’ouvrir à partir de mardi, qui portera sur des propositions écrites et non sur des idées, ce qui coupe court à toute accusation d’arrière-pensées. J’attends d’ailleurs de tous ceux qui y participeront qu’ils répondent en présentant eux aussi des suggestions écrites: ainsi tout cela se fera en pleine clarté. Ce sera sans doute, vous l’avez dit, une des plus grandes concertations jamais organisées à ce jour. Je souhaite vraiment que tout le monde y participe afin que nous essayions de rédiger le meilleur texte possible, dans lequel les Français pourront se retrouver.

Monsieur Huyghe, vous avez su montrer, point par point, comment chacune des dispositions de la loi représentait une avancée majeure, pour l’institution, pour les Français, pour la démocratie. Oui, c’était une adaptation nécessaire, une modernisation considérable, et je vous remercie tout particulièrement de votre soutien en la matière.

Discussion des articles

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion des articles.

Application de l’article 65 de la Constitution

Mme la présidente. J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, inscrit sur l’article 1 er .

M. André Vallini. Madame la ministre d’État, nous avions initié nous aussi une grande réforme de la justice concernant le parquet et ses relations avec la chancellerie et concernant le CSM, avec une loi organique et une loi constitutionnelle. Le texte constitutionnel avait été voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat – vous vous en souvenez, vous étiez députée à l’époque. Nous avions été convoqués à Versailles, mais le Congrès a été ajourné, fait sans précédent dans l’histoire de la République, le Président de la République ayant cru utile de bloquer la réforme. Reste que nous l’avions engagée, y compris et surtout concernant le parquet, le mode de nomination de ses magistrats, son indépendance statutaire.

Quant à vous, monsieur Hunault, vous avez confondu allègrement Conseil de l’Europe et Cour de Strasbourg… Il ne faut pas tout mélanger! Le Conseil de l’Europe préconise au moins la parité dans les organes de régulation de la magistrature, ce qui ne sera même pas le cas en France. La Cour de Strasbourg a déclaré qu’en France, les magistrats du parquet ne pouvaient avoir la qualité de magistrat parce qu’ils n’étaient pas assez indépendants du pouvoir exécutif. Les choses sont très claires et, vu le renforcement considérable des pouvoirs du parquet qu’a annoncé Mme la garde des sceaux, il sera très difficile d’expliquer que l’on donne autant de pouvoirs, notamment dans le domaine des libertés individuelles, à des gens auxquels la qualité de magistrat n’est pas reconnue.

Mme Catherine Lemorton. Bravo!

M. Jean Mallot. Les pendules sont remises à l’heure!

(L’article 1 er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. À l’article 3, je suis saisie d’un amendement n° 9.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Cet amendement vise à respecter le parallélisme des formes. Le conseiller d’État membre du CSM sera élu par l’assemblée générale du Conseil d’État. Il nous paraît donc opportun que l’avocat qui sera lui aussi membre du CSM soit élu par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Cet amendement a été rejeté par la commission (« Oh! » sur les bancs du groupe SRC) , parce que, d’une certaine manière, il est satisfait. C’est un peu la même chose d’avoir l’avis conforme de l’assemblée générale du Conseil national des barreaux. Son président du CNB, un homme sage – ce n’est pas M. Vallini qui dira l’inverse –, nous a expliqué que cela revenait au même, à ceci près que l’organisation d’une élection pourrait créer à terme un risque de politisation, ce que tout le monde souhaite éviter. Il connaît ses confrères, respectons son avis.

L’objectif est le même…

Mme Catherine Lemorton. Pas vraiment!

M. Philippe Houillon, rapporteur . …mais sans présenter le risque qui nous a été signalé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable.

Je vous rappelle, monsieur Vallini, que le président du Conseil national des barreaux est élu alors que le président du Conseil d’État ne l’est pas. Autrement dit, celui qui désignera le représentant du barreau peut se prévaloir d’une légitimité électorale. Vous avez donc un certain parallélisme des formes.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Vos propos, monsieur le rapporteur, m’ont profondément heurté, même si vous n’avez fait que répéter ce qui a été dit par un autre: cet hémicycle reste, quoi qu’on en dise, le lieu majeur de la démocratie en France; il est difficile d’y entendre qu’une élection n’est pas à recommander au motif qu’elle crée un risque de politisation! C’est sur les élections que repose la République française. Il y en a régulièrement, des officielles, des citoyennes, dans nos groupes, nos instances, et tout cela contribue au fonctionnement démocratique de la République. J’imagine et j’espère, que les propos que vous avez tenus ont quelque peu dépassé votre pensée.

M. Philippe Houillon, rapporteur . Non.

(L’amendement n° 9 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 10.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Les personnalités extérieures à la magistrature qui seront membres du CSM doivent évidemment être choisies avec la plus grande exigence, d’autant qu’elles seront désormais majoritaires.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’insister sur les qualités de ces personnes et notamment sur leur connaissance des questions juridiques, leur expérience dans le domaine du droit et de la justice, ainsi que leur intérêt pour le fonctionnement de l’institution judiciaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Cet amendement a été rejeté par la commission.

Les nominations en question sont soumises à l’avis des commissions compétentes, qui jugeront des qualités des les personnes proposées.

(L’amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. À l’article 4, je suis saisie d’un amendement n° 11.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Le fait qu’un avocat en exercice puisse plaider devant des magistrats sur la carrière desquels il peut avoir à se prononcer au CSM est contraire aux règles du procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il nous paraît donc nécessaire que l’avocat qui sera membre du CSM puisse ne plus exercer sa profession pendant son mandat, dont la durée doit être fixée à un an seulement afin qu’il ne soit pas pénalisé professionnellement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Cet amendement a été rejeté par la commission. Nous avons déjà eu un long débat sur ce point, monsieur Vallini. Il y a d’abord un élément très simple, c’est que le constituant n’a pas souhaité limiter l’exercice professionnel de l’avocat. Il a souhaité qu’il y ait un avocat, j’allais dire tout court, et non un avocat « dévitalisé ».

Enfin, l’argument relatif à l’égalité des armes et à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne me paraît pas tenir, car vous pourriez dire exactement la même chose, par exemple, d’un représentant du parquet membre du CSM, dont on imaginerait qu’il puisse influencer la décision du tribunal devant lequel il requiert, pour les même raisons que celles que vous craignez s’agissant de l’avocat plaidant pour une partie.

Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’il y ait matière à discussion, dès lors que le constituant n’a pas souhaité fixer de limite. Il faut donc que ce soit un membre de plein exercice. C’est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je crois que l’amendement présente un risque d’inconstitutionnalité, et il serait donc préférable que M. Vallini le retire. Je lui en laisse la responsabilité.

(L’amendement n° 11 n’est pas adopté.) (L’article 4 est adopté.)

Articles 5 et 6

(Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés.)

Article 6 bis

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 12.

M. André Vallini. Cet amendement prévoit la prestation d’un serment par les membres du CSM, de façon à solenniser davantage la fonction qui leur est confiée, et qui est très importante.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. Jean Mallot. Encore!

M. Philippe Houillon. Eh oui, il vous faudra vous y habituer! (Sourires.) La première raison, c’est qu’un certain nombre de membres du CSM, comme les magistrats ou l’avocat, prêtent déjà serment; d’autres, il est vrai, ne le font pas.

Ensuite se pose le problème du texte du serment, sachant que le projet fixe des obligations déontologiques auxquelles les membres du CSM seront soumis.

Enfin, devant qui ce serment serait-il prêté? L’amendement ne le dit pas.

M. André Vallini. Devant le Président de la République!

M. Philippe Houillon, rapporteur . Il ne préside plus le CSM!

M. André Vallini. Il est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire!

M. Philippe Houillon, rapporteur . Compte tenu de ces différents arguments, il ne nous a pas semblé pertinent de retenir cet amendement.

(L’amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 6 bis est adopté.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. André Vallini. Dans la mesure où le Président de la République n’est plus membre de droit du Conseil supérieur de la magistrature, nous pensons qu’il ne lui revient pas d’en nommer le secrétaire général.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable. Je ne vois pas très bien, tout d’abord, ce que pourrait être une nomination collective par « les membres » du CSM. Le texte manque de précision juridique à cet égard. Par ailleurs, l’intervention du Président de la République est strictement formelle, et s’inscrit dans le cadre de sa fonction de nomination aux emplois publics.

Mme Catherine Lemorton. Comme pour le président de France Télévisions!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable également. J’observe une certaine contradiction avec l’argumentation développée à l’appui du précédent amendement, qui faisait référence au Président de la République: dans certains cas, ce dernier devrait être associé à la procédure, car il est « garant », et dans d’autres non, pour des raisons différentes… En tout état de cause, je pense que les conditions de nomination du secrétaire général sont suffisamment encadrées par le texte pour ne pas avoir à aller au-delà.

M. Jean Mallot. Le secrétaire général de l’Assemblée nationale est-il nommé par le Président de la République?

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. André Vallini. Madame la ministre d’État, le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. S’il y avait un serment, il serait logique qu’il soit prêté devant lui. En revanche, ce n’est pas au garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire d’intervenir dans le fonctionnement du CSM en en nommant le secrétaire général. Il n’y a donc pas de contradiction dans nos propositions.

L’amendement n° 28 est un amendement de repli. Dans la mesure où le Président de la République n’est plus membre du CSM, nous pensons que le secrétaire général soit nommé sur avis conforme de la formation plénière du CSM, et non sur avis simple.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable, malheureusement, car vous savez quel serait mon désir de vous faire plaisir, monsieur Vallini… (Sourires.)

M. Jean Mallot. Il n’est pas tout seul: cela nous ferait plaisir aussi!

M. Philippe Houillon, rapporteur . C’est un désir sincère, mais je vous rappelle que le projet prévoit déjà un accord entre le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette même cour pour désigner le secrétaire général. Pourquoi monter – passez-moi l’expression – une usine à gaz en demandant en outre l’avis du Conseil supérieur, s’agissant d’une mesure d’administration? C’est à ces deux hautes autorités judiciaires qu’il revient de procéder à cette désignation, par un accord entre elles. L’intervention du Président de la République est, quant à elle, purement formelle; la décision de fond appartient, non pas à lui, mais au premier président et au procureur général. Ce système est simple et pleinement satisfaisant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La Constitution confie au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près la Cour la présidence de chacune des deux formations. C’est donc fort logiquement qu’il leur revient de s’accorder sur une proposition de nomination qui sera suivie par le Président de la République. Que voulez-vous de plus comme garantie?

M. Jean Mallot. L’amendement!

(L’amendement n° 28 n’est pas adopté.) (L’article 7 est adopté.)

Article 7 bis

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 15, tendant à rétablir l’article 7  bis supprimé par la commission.

M. André Vallini. Il s’agit de rétablir ce qu’avait voté le Sénat pour assurer l’autonomie financière du CSM, qui relève actuellement du programme « Justice judiciaire » au sein de la mission « Justice », ce qui laisse entendre que les contrôleurs pourraient être aussi contrôlés. Sans modifier la nature du CSM, et dans le respect des règles budgétaires issues de la LOLF, nous proposons de garantir les crédits nécessaires au fonctionnement du CSM de façon individualisée et autonome.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Nous avons d’abord considéré que ce n’était pas forcément une mauvaise idée.

M. Jean Mallot. Ah!

M. Philippe Houillon, rapporteur . Eh oui, voyez comme je suis objectif!

Nous l’avons donc examiné de près, pour la valider. C’est alors que nous nous sommes aperçus qu’il s’agissait en réalité d’une fausse bonne idée, dans la mesure où elle garantirait moins bien l’autonomie du Conseil supérieur de la magistrature, qui risquerait de voir ses crédits cantonnés, sans possibilité d’évolution ni d’abondement en cas de nécessité, alors que le système actuel permet au contraire beaucoup de souplesse et donc, au bout du compte, plus d’indépendance pour le CSM.

C’est une réponse technique car, sur le fond, nous avions d’abord considéré que l’idée pouvait être retenue. C’est en y regardant de plus près que nous nous sommes aperçus que, paradoxalement, elle pénaliserait l’autonomie du Conseil.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur Vallini, je crois que votre préoccupation est satisfaite par le système actuel puisque, au sein du programme 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice », le budget du Conseil supérieur de la magistrature est identifié, rendant celui-ci autonome dans l’utilisation des crédits qui lui sont alloués.

(L’amendement n° 15 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’article 7 bis demeure supprimé.

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. André Vallini. Pour éviter de déséquilibrer les formations disciplinaires qui doivent être paritairement composées, nous proposons de prévoir à l’avance quelle sera la personne appelée à remplacer le premier président ou le procureur général au cas où ils seraient empêchés. La disposition proposée répond à cette nécessité tout en conservant au suppléant la légitimité de son élection.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable.

M. Patrick Roy. C’est lassant!

M. Philippe Houillon, rapporteur . Ce n’est pas un enjeu, dans la mesure où nous espérons que les remplacements seront ponctuels. Il s’agit en effet de régler une absence ponctuelle, et il est parfaitement logique dans cette hypothèse que ce soit le magistrat du grade le plus élevé qui procède au remplacement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Même avis. Il est tout à fait légitime que ce soient les deux plus hauts magistrats membres du Conseil qui assurent cette suppléance.

(L’amendement n° 29 n’est pas adopté.) (L’article 9 est adopté.)

Article 10

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. André Vallini. Cet amendement concerne la nomination des magistrats aux fonctions du parquet. Nous proposons que l’avis de la formation compétente du CSM soit motivé et rendu public, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . La commission a rejeté cet amendement ainsi que le suivant. Il n’est pas pensable que des motivations, éventuellement négatives, soient rendues publiques. D’ailleurs, si vous avez déposé un amendement de repli, monsieur Vallini, c’est que vous considérez vous-même que cela pose problème. Un magistrat n’aurait plus la même autorité dans sa juridiction si un avis négatif le concernant était rendu public.

Le fait de motiver l’avis sans le rendre public, comme le prévoit l’amendement de repli que vous allez défendre dans un instant, aboutit très exactement aux mêmes conséquences. Le garde des sceaux peut être présent à ces réunions du CSM, et il est donc informé des motivations. Évitons le risque de conséquences individuelles pour les magistrats; cela ne paraît pas une bonne idée.

Mme Catherine Lemorton. C’est toujours la même réponse quand on demande plus de transparence!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons tenant à la crédibilité des personnes et à la considération qui leur est due, raisons auxquelles vous vous êtes tout à l’heure montré sensible. Certes, le CSM s’appuie, en interne, sur des dossiers et des motivations, mais les faire connaître à l’extérieur risquerait de créer de la défiance.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Je suis ébranlé par les arguments de Mme la ministre d’État et du rapporteur. Je me propose donc de retirer l’amendement, s’ils conviennent que notre amendement suivant est, quant à lui, tout à fait recevable.

Je reconnais que la publicité peut poser problème, mais la motivation est quelque chose de très important, le procureur général Nadal y a insisté lui-même en commission. Elle donnerait encore plus de force aux nominations proposées par le garde des sceaux et avalisées par le CSM.

Je demande vraiment au rapporteur et à Mme la ministre d’État de reconsidérer leur opposition à l’amendement n°17.

(L’amendement n° 16 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 17?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable, pour les raisons que j’ai exposées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous proposez, monsieur Vallini, que l’avis soit motivé sans être rendu public. Mais l’avis est, dans la plupart des cas, favorable, et le CSM ne débat que des dossiers pouvant faire problème. À ce moment-là, un rapporteur explique pourquoi il pense que telle personne n’est pas adaptée à tel poste. La motivation existe donc bien. Elle est orale, et connue de tous les membres de la formation compétente. Je ne vois pas ce que l’on peut demander de plus.

M. Jean Mallot. Qu’elle soit écrite!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Dans 99 % des cas, les propositions de nomination ont été étudiées en amont et ont fait l’objet d’un accord.

Avec l’obligation d’une motivation écrite de l’avis, on resterait dans des termes très vagues. Est-ce cela que vous voulez? Je ne vois vraiment pas quel en serait l’intérêt: une motivation aux termes vagues n’apprendrait rien, et une motivation aux termes précis présenterait le risque qu’il y ait un jour une fuite qui porte atteinte à la personne concernée.

M. Michel Hunault. Tout à fait!

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Si l’on commence à envisager que la loi va être violée, que des fuites vont être organisées,…

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Malheureusement ce risque existe!

M. André Vallini. …à quoi bon légiférer? Lorsque je travaille avec mes collègues sur un texte de loi, c’est parce que nous pensons que la loi est importante et qu’elle est respectée par tout le monde. Autant je suis convaincu par vos arguments s’agissant de la publicité, autant je tiens beaucoup à ce que la motivation soit inscrite dans cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur Vallini, le dossier de la personne concernée garde trace de ce que vous demandez. Cela répond à votre préoccupation.

M. Jean Mallot. Il n’y a donc aucun inconvénient à voter l’amendement!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Ce qu’il propose existe déjà dans les faits, monsieur Mallot. L’amendement étant satisfait, je demande son retrait. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Vous évoquez le rapport qui accompagne la proposition de nomination, mais la motivation est autre chose: elle intervient après la discussion qui s’est organisée autour du rapport, et c’est en fonction de ce rapport et de cette discussion que la formation compétente du CSM se prononce. Il serait donc normal que l’avis soit motivé.

M. Jean Mallot. Bien sûr!

M. Patrick Roy. C’est clair!

(L’amendement n° 17 n’est pas adopté.) (L’article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. André Vallini. Comme les membres choisis pour siéger dans la commission d’admission des requêtes ne pourront siéger dans la formation disciplinaire, il nous paraît légitime que ceux-ci soient tirés au sort et non pas désignés par le président de la formation, afin de limiter le pouvoir discrétionnaire de ce dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable. Il ne faut pas ériger en principe une éventuelle suspicion à l’égard du président de la formation. Par ailleurs, sur un plan pratique, il est tout à fait probable qu’il y aura plusieurs commissions d’admission des requêtes dans chaque formation et, par conséquent, il arrivera un moment où la désignation par tirage au sort ne sera matériellement plus possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Même avis. Le texte est satisfaisant en l’état, puisque plusieurs commissions d’admissions des requêtes pourront être constituées en même temps: tous les membres du CSM auront donc vocation à être membre de l’une d’elle et pourront en conséquence siéger également dans la formation disciplinaire.

(L’amendement n° 18 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. André Vallini. Il s’agit toujours de limiter le pouvoir discrétionnaire du président de la formation: l’amendement propose que le président de la commission d’admission des requêtes soit élu par la formation plénière du CSM.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . La commission a rejeté cet amendement pour différentes raisons. Je n’en citerai qu’une: les membres de la formation plénière n’étant pas tous membres d’une commission d’admission des requêtes, il serait curieux qu’ils soient amenés à désigner des membres d’une autre formation. Ce serait délicat à mettre en œuvre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je partage le raisonnement du rapporteur. En outre, plusieurs commissions d’admission des requêtes pouvant être constituées au sein de chaque formation compétente en matière disciplinaire, je ne vois pas ce qui justifierait de prévoir l’élection des présidents desdites commissions. Sans doute pensiez-vous qu’il n’y en aurait qu’une seule à la fois,…

M. André Vallini. Exactement.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. …mais comme ce ne sera pas le cas, il serait préférable que vous retiriez l’amendement.

(L’amendement n° 19 est retiré.) (L’article 11 est adopté.)

Article 11 bis

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. André Vallini. Cet amendement vise à créer un mécanisme garantissant, par tirage au sort, que, dans le cas où un ou plusieurs conseillers seraient empêchés, les formations siégeant en matière disciplinaire comportent le même nombre de membres magistrats et non magistrats.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable. Certes, l’amendement aborde une vraie question, qui n’est pas simple à résoudre: comment assurer un nombre égal de membres appartenant à l’ordre judiciaire et de membres n’y appartenant pas lorsque la formation siège en matière disciplinaire? Mais il pose un problème de constitutionnalité, car le tirage au sort pourrait aboutir au résultat suivant: des membres qui ont vocation à y siéger en vertu de la Constitution et de la loi organique et qui ne pourraient le faire. Je crains donc que le Conseil constitutionnel, si cet amendement était adopté, le déclare non conforme. Je le répète: cette question n’est pas simple. On peut continuer à y réfléchir pendant la navette.

Je pense que la rédaction actuelle du projet de loi permettra de trouver des solutions empiriques qui seront conformes à la Constitution. Telle est d’ailleurs la raison du relatif laconisme de la rédaction de l’article. Les présidents et les autres membres de chaque formation parviendront à un modus vivendi . Il faudra peut-être que l’un se retire quelquefois pour préserver la parité, mais on ne peut pas l’écrire dans le texte. Cela relève d’une façon de se conduire et de conduire les choses au sein de chaque formation. Mais je conviens que l’on peut continuer à mener une réflexion sur ce sujet pendant la navette.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Le rapporteur a souligné le risque d’inconstitutionnalité, que je crois réel. Si M. Vallini acceptait de retirer son amendement, on pourrait travailler sur cette question pendant la navette. Mais je m’interroge sur ce problème de constitutionnalité: si retirer un membre de la formation dans les cas visés par l’amendement me paraît clairement inconstitutionnel, y ajouter un membre serait peut-être constitutionnel. Pour autant, je n’en suis pas sûr. C’est un point à approfondir.

(L’amendement n° 22 est retiré.) (L’article 11 bis est adopté.)

Article 11 ter

(L’article 11 ter est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 21.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Cet amendement vise à permettre au président du Conseil supérieur de prendre l’initiative de recherche et d’avis, notamment en matière de déontologie, avis qu’il transmettra évidemment au Président de la République.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable, car l’amendement est satisfait par la rédaction de l’article 12, en son deuxième alinéa: « La formation plénière du Conseil supérieur a compétence pour connaître des demandes formulées soit par le Président de la République, au titre de l’article 64 de la Constitution, soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les questions énumérées par l’article 65 de la Constitution, ainsi que pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. […] ». En d’autres termes, la formation pourra se saisir proprio motu de toute question relative à la déontologie, ce qui satisfait l’objectif recherché par votre amendement, monsieur Vallini. Je vous invite à le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Je le retire volontiers, car les précisions du rapporteur viennent utilement compléter le texte de la loi organique. Je pense qu’il en sera tenu compte dans les activités futures du CSM.

(L’amendement n° 21 est retiré.) (L’article 12 est adopté.)

Article 13

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 23.

M. André Vallini. Cet amendement a pour objet de prévoir que pour les nominations de magistrats aux fonctions du parquet, l’avis de la formation compétente du CSM, donné sur proposition du garde des sceaux et après un rapport fait par un membre de cette formation, est motivé et rendu public. Même débat que tout à l’heure sur la publicité et sur la motivation, même position, je le suppose, du rapporteur et de Mme la ministre d’État… et même vote. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Défavorable à l’amendement, mais tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. Vallini! (Sourires.)

(L’amendement n° 23 est retiré.)

Mme la présidente. Monsieur Vallini, puis-je considérer l’amendement n° 24 comme défendu en même temps que le précédent?

M. André Vallini. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 24, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 13 est adopté.)

Articles 14, 14 bis , 15, 16 et 17

(Les articles 14, 14 bis, 15, 16 et 17 sont successivement adoptés.)

Article 18

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 25 rectifié.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour le garde des sceaux de contourner la commission des requêtes en saisissant le CSM alors même que celle-ci aurait rejeté la réclamation du justiciable. Il s’agit de retirer au garde des sceaux ce pouvoir exorbitant que lui accorde le projet de loi organique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . Totalement défavorable. Il ne s’agit pas d’un pouvoir exorbitant. Le droit positif prévoit la saisine du CSM par le garde des sceaux ou par les chefs de cour. Le projet donne un pouvoir supplémentaire au justiciable, mais il n’y a pas lieu de priver subséquemment le garde des sceaux et les autres autorités de leur faculté de saisine.

Par ailleurs, la recevabilité de la plainte du justiciable est soumise à des conditions de forme et de délai qui ne sont pas les mêmes que celles auxquelles ces autorités doivent se soumettre. La plainte du justiciable est recevable dans des conditions beaucoup plus restrictives. Ces autorités peuvent donc estimer qu’il y a nécessité de saisir malgré le rejet d’une commission d’admission. Ce point me paraît absolument incontournable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur Vallini, je vais vous donner un exemple concret. L’une des conditions de la recevabilité de la saisine demandée par le justiciable, c’est que son procès soit terminé. Or, supposons qu’il porte plainte alors que son procès est en cours: il sera de ce fait automatiquement débouté, stoppé par la commission de filtrage, et ce alors même qu’il pourrait y avoir un manquement grave à ses obligations de la part du magistrat.

M. Philippe Houillon, rapporteur . Bon exemple!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Voulez-vous empêcher en ce cas le ministre de la justice de saisir le CSM du manquement grave de ce magistrat? Ce n’est sans doute pas votre intention, mais votre amendement aboutirait à cela. Il réduirait les possibilités de faire appliquer les règles déontologiques.

M. Philippe Houillon, rapporteur . Bien sûr! Il faut retirer cet amendement!

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Dans cette hypothèse, madame la ministre d’État, vous auriez la possibilité, en vertu de l’ordonnance du 22 décembre 1958, de saisir en urgence le CSM d’une demande de suspension du magistrat. Vous conservez ce droit.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Mais une suspension n’est pas forcément indiquée dans de tels cas.

M. André Vallini. S’il y a eu un comportement très grave et que vous jugez utile de saisir le CSM, vous pouvez le faire en urgence.

Il est assez choquant, alors que l’on confère au CSM des pouvoirs supplémentaires et que l’on s’apprête à voter la grande avancée démocratique – je le répète – qu’est la saisine du CSM par les justiciables, de laisser en même temps la possibilité au ministre de la justice de contourner le CSM en allant à l’encontre d’une décision de sa commission d’admission des requêtes.

C’est pourquoi je maintiens l’amendement.

(L’amendement n° 25 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n° 2, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 18, amendé, est adopté.)

Articles 19 et 20

(Les articles 19 et 20 sont successivement adoptés.)

Article 21

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n° 3, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 3, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 21, amendé, est adopté.)

Article 22

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement d’harmonisation, n° 4, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 22, amendé, est adopté.)

Article 23

(L’article 23 est adopté.)

Article 24

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 27.

M. André Vallini. Cet amendement vise à harmoniser les conditions d’examen des demandes d’interdiction temporaire d’exercice visant les magistrats du siège et du parquet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Philippe Houillon, rapporteur . La commission a rejeté cet amendement, étant donné que la décision appartient au garde des sceaux dans le droit positif actuel, et qui doit le rester.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La dualité de régime interdit d’adopter des règles identiques pour l’ensemble des magistrats en matière disciplinaire. Or, l’interdiction temporaire d’exercice est indissociable de la procédure disciplinaire dont elle constitue une phase préalable.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

(L’amendement n° 27 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement d’harmonisation, n° 5, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 24, amendé, est adopté.)

Article 25

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n° 6, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l’amendement n° 26 rectifié.

M. André Vallini. Il est identique à l’amendement n° 25 rectifié que j’ai présenté précédemment sur le pouvoir du garde des sceaux en cas de rejet d’une réclamation de justiciable par la commission d’admission des requêtes.

Je ne vais pas me répéter, et le rapporteur non plus, sans doute…

(L’amendement n° 26 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n° 7, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 7, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 25, amendé, est adopté.)

Article 26

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n° 8, présenté par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 8, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 26, amendé, est adopté.)

Articles 27, 28, 28 bis , 29 A et 29

(Les articles 27, 28, 28 bis, 29 A et 29 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

(L’ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature

Mme la présidente. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi organique.

(L’article unique du projet de loi organique est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 24 février à quinze heures:

Questions au Gouvernement;

Proposition d’une résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’épidémie de grippe A;

Débat sur le développement des transports ferroviaires publics.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma