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N° 22

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2007.

DÉCLARATION

de politique générale du Gouvernement,

par M. François FILLON,

Premier ministre.

Monsieur le président,

Mesdames et messieurs les députés,

La France sort de six mois de campagne électorale. Elle en sort avec un Président de la République qui dispose d’un mandat clair pour faire entrer notre pays dans le XXIe siècle.

Avec Nicolas Sarkozy, les Français ont pris leur destin en main. En se passionnant pour la campagne, en s’engageant clairement dans leur vote, en exprimant leur confiance en eux-mêmes, ils ont jeté les fondements d’une France nouvelle, d’une France qui, au-delà des partis, a voulu affirmer sa volonté de changement et sa modernité. De ce message nous sommes tous comptables.

Mesdames et messieurs les députés, je me fais une haute idée du Parlement.

J’ai siégé sur ces bancs durant plus de vingt ans. J’ai été à votre place suffisamment longtemps pour voir en vous le parlementaire que je fus. Et j’ai suffisamment connu le jeu des alternances pour respecter l’opposition.

En démocratie, le succès des uns ne signifie pas le déni des autres. Chaque Français doit être respecté dans ses convictions et dans ses votes. Je crois à l’écoute, à la synergie des différences et des intelligences. C’est pourquoi l’opposition n’est pas un adversaire, mais un contradicteur nécessaire et, je le souhaite, constructif.

Quant à la majorité, elle est tout à la fois le partenaire et l’aiguillon du Gouvernement. Elle a le droit – et même le devoir – d’assumer sa victoire. Elle doit le faire sans arrogance, mais aussi sans complexe.

La loyauté de la majorité ne saurait étouffer sa créativité.

Comme chacun d’entre vous, j’aime passionnément la France. Comme vous, j’ai observé, au cours de mes mandats successifs, ses faiblesses et ses atouts.

Ses faiblesses sont à l’image d’une vieille et grande puissance qui, depuis trente ans, hésite à repenser ses structures et ses habitudes. Droite et gauche confondues, nous nous sommes efforcés d’ajuster le modèle français, au lieu de le repenser de fond en comble.

J’ai moi-même longtemps privilégié cette approche empirique, avant de constater qu’elle avait atteint ses limites. Aucun gouvernement ne fut aveugle, ni inactif, devant ce diagnostic, mais aucun n’aura réussi à enrayer cette lente spirale qui nous a fait chuter au seizième rang des pays de l’OCDE, en termes de richesse par habitant.

Je vous dois la vérité car elle est au cœur de la rupture.

Nous n’avons pas réussi, faute d’avoir osé rompre avec le cercle vicieux qui consiste à travailler de moins en moins et à s’endetter de plus en plus, afin de combler l’écart croissant entre nos capacités de production et nos ambitions redistributives qui n’ont cessé de s’élargir.

Nous n’avons pas réussi, faute d’être allés au bout des réformes. Par appréhension politique, par hésitation intellectuelle. Ces atermoiements ont provoqué un divorce entre les pouvoirs et les citoyens, qui a été sanctionné par une instabilité électorale et gouvernementale unique en Europe, laquelle a été préjudiciable à toute continuité politique.

Cette continuité, la France en a été privée car nous n’avons pas su trouver le courage et les mots pour expliquer à nos concitoyens qu’une césure historique était à l’œuvre : je veux parler de la mondialisation.

Pendant des siècles, la France, avec quelques rares autres nations, a dominé politiquement et économiquement le monde. Cette puissance sans égale nous a permis de bâtir une civilisation riche et prospère. Désormais, le monde se réveille et prend sa revanche sur l’histoire. Des continents entiers sont en quête de progrès. Leur population est jeune, douée et motivée. Quand nous luttons pour préserver notre héritage, eux se battent pour constituer le leur. Cette nouvelle donne historique, à la fois angoissante et passionnante, exige plus que jamais de la France un sursaut qui n’a que trop tardé.

L’embellie économique et sociale que nous connaissons depuis deux ans – et qui doit beaucoup aux gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, placés sous l’autorité du Président de la République – est encourageante. Mais elle ne nous dispense pas d’un examen lucide sur les ressorts usés du modèle français.

Malgré cela, l’énergie de notre pays est demeurée vivace, preuve s’il en est du génie de notre peuple. Tout comme vous, j’ai vu durant cette campagne ces Français qui ne baissent pas les bras, qui se battent, ces Français qui innovent et qui lancent des projets.

Nos atouts sont forts : une créativité exceptionnelle, un patrimoine sublime, des travailleurs qualifiés et productifs, des entrepreneurs et des artisans passionnés, des infrastructures publiques de qualité, des pôles d’excellence et une démographie solide. Qui n’a vu, en chaque citoyen, l’envie de se dépasser, de construire, d’aller au bout de ses rêves ? La plus grande force de la France, ce sont les Français eux-mêmes ! Les Français qui, bien souvent, furent plus entreprenants et modernes que ceux qui parlaient en leur nom : les Français avec leurs ambitions, leur courage, leur fierté d’appartenir à un grand peuple.

Tout le sens de l’élection de Nicolas Sarkozy est là : dans cette volonté farouche de notre peuple de se libérer, en rompant avec les pesanteurs, avec le défaitisme et les hésitations du passé. Une telle vitalité doit pouvoir s’exprimer pleinement.

Et pour cela, il faut renouveler notre démocratie politique, moderniser notre démocratie sociale, porter notre excellence intellectuelle et scientifique. En définitive, il faut réécrire notre contrat politique, social et culturel.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons dit qu’il fallait changer la politique.

Ce gouvernement d’ouverture, au sein duquel émergent de nouveaux visages qui incarnent la diversité française, qui associe des personnalités aux sensibilités différentes, est l’amorce d’une mutation politique.

Cette ouverture, ne vous y trompez pas, est beaucoup plus qu’une affaire gouvernementale : c’est un nouvel état d’esprit ! C’est une autre façon de penser la démocratie, une nouvelle manière d’associer les intelligences et de respecter les différences, une opportunité de se détacher des postures idéologiques et des réflexes claniques, de rassembler la France en enjambant les clivages.

« Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, cela, c’est une erreur nationale impardonnable », écrivait le général de Gaulle. Il n’y a pas un peuple de droite contre un peuple de gauche, il n’y a qu’un seul peuple : le peuple Français capable d’unir ses forces lorsque les enjeux sont à la fois clairs et justes.

La politique française a besoin de convictions fortes et d’idées nouvelles et, pour cela, elle doit pouvoir considérer le choc des convictions comme le tremplin d’une citoyenneté éclairée et tolérante.

L’ouverture est à l’image de cette France en mouvement. Mais elle n’est qu’une étape.

Sous l’autorité du Président de la République, je vous propose de poser les bases d’une démocratie mieux équilibrée et plus transparente : une démocratie au sein de laquelle le pouvoir exécutif agit avec clarté, dans l’unité du couple formé par le chef de l’État et le Premier ministre.

Induite par le quinquennat, cette modernisation de nos institutions – que j’appelle de mes vœux depuis longtemps – est un facteur de modernité et d’efficacité.

Devant cet exécutif plus resserré et plus efficace, les pouvoirs du Parlement doivent être renforcés.

Le Président de la République a choisi d’engager résolument la modernisation de nos institutions. Dans les prochains jours, il invitera les assemblées et leurs groupes à émettre leurs propositions.

Parallèlement, il entend réunir une commission constituée de personnalités incontestables pour leurs compétences et représentatives de notre diversité politique, qui sera chargée d’éclairer ses choix.

La procédure législative doit incontestablement être dépoussiérée, le partage entre le travail en commission et celui en séance publique revu. La fixation de l’ordre du jour doit être plus partagée. À entendre certains à ma gauche, on peut certes douter de l’efficacité de donner un plus grand pouvoir de contrôle à l’opposition !

Des millions de Français regardent cette séance. Ne croyez-vous pas qu’ils auraient davantage de considération pour l’ensemble des institutions politiques s’ils pouvaient écouter le discours du Premier ministre, et ensuite entendre la réponse que vous lui ferez ?

Le nombre et le rôle des commissions ne peuvent rester ce qu’ils étaient en 1958. N’est-il pas légitime de souhaiter, par exemple, la création d’une commission du développement durable ou de s’interroger sur la lourdeur d’une commission regroupant les affaires sociales, la culture et l’éducation ?

Dans cette perspective, la décision consistant à laisser la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition constitue une avancée considérable. C’est la première fois sous la Ve République que l’opposition se voit ainsi reconnue une telle place.

La procédure budgétaire doit être revue avec pour objectif l’approfondissement du contrôle des dépenses publiques. Pour y parvenir, le Parlement devra pouvoir disposer de moyens d’audit et de contrôle renforcés. Ce contrôle parlementaire sera étendu aux nominations à certains postes publics. Les dirigeants des entreprises publiques et les responsables des autorités administratives indépendantes seraient concernés au premier chef.

Les commissions compétentes auront le pouvoir de donner leur avis sur les personnes que le Gouvernement entend nommer et des auditions publiques pourront être organisées. Au soupçon d’allégeance se substituera désormais la certitude de la compétence.

Le Gouvernement est également favorable, dans le respect de l’autonomie des assemblées, à ce que des missions de contrôle associant des présidents ou des rapporteurs de l’opposition se développent systématiquement.

Nous rechercherons ensemble comment mieux assurer la représentation de la diversité politique de la société française sans mettre en péril le principal atout de la Ve République : des majorités nettes et stables pour agir.

Faut-il faire élire quelques députés au scrutin proportionnel ?

Faut-il renforcer le rôle du Sénat en lui ajoutant cette mission de représentation de la diversité ?

Aucun sujet ne doit être tabou si nous souhaitons sincèrement aboutir à un consensus sur la modernisation de notre démocratie.

Enfin nous devrons engager, comme le demande le Conseil constitutionnel, une révision de la carte des circonscriptions électorales. Ce travail sera effectué dans la transparence et nous y associerons l’opposition. Nous étudierons également la faisabilité d’un dispositif permettant à une partie du corps électoral d’imposer un débat sur un texte de loi et nous réformerons le Conseil supérieur de la magistrature afin de consacrer l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Voilà quelques-unes des modifications constitutionnelles envisagées, auxquelles il convient d’ajouter la modification de l’article 18 de la Constitution visant à permettre au Président de la République de venir s’exprimer devant la représentation nationale comme l’exige la clarté politique. Cette rénovation institutionnelle doit être secondée par une modernisation de notre démocratie sociale, dont les fondements ont été créés dans la foulée de l’après-guerre.

Certains pourraient se satisfaire du statu quo, d’une situation d’impuissance qui conduit les partenaires sociaux à être sur la défensive et à préférer la contestation à l’anticipation et à la participation. Pas nous, qui constatons la propension des Français à agir collectivement, notamment au sein des associations. Et pas moi, qui suis à l’origine de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social. Je crois à ce dialogue parce qu’on ne bâtit pas une économie efficace sur les décombres de la cohésion sociale. J’y crois parce que tout ne peut pas être piloté par l’État. J’y crois parce que l’heure est venue de dégager des compromis sociaux sur le terrain, dans les entreprises, là où entrepreneurs et salariés doivent joindre leurs intérêts.

Dès son entrée en fonction, le Président de la République a reçu les partenaires sociaux. Ce ne fut pas une rencontre d’usage, mais bien la volonté de changer les usages ! Nous leur avons précisé nos objectifs et notre calendrier, en toute transparence et nous les avons invités à formuler des propositions précises, notamment sur l’évolution du marché du travail. À la fin de l’année, elles devront être mises sur la table. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement prendrait ses responsabilités sans faillir car nul ne doit s’y tromper : la nécessité de la concertation et de la négociation ne peut pas se substituer à l’obligation d’agir.

Les circonstances sont historiques. Les partenaires sociaux ont en main la possibilité de reconfigurer, avec nous, les règles et l’organisation de notre marché du travail. La confiance que nous leur accordons préfigure, à mes yeux, une modernisation d’ampleur de la démocratie sociale.

La représentativité des organisations syndicales devrait reposer sans équivoque sur le critère de leur audience parmi les salariés, et cela à tous les niveaux de négociation. C’est dans cette perspective que s’inscrirait l’élection à un seul tour, ouverte à chaque syndicat légalement constitué dans l’entreprise.

Cette nouvelle organisation du dialogue social favorisera la prise de responsabilité et une réelle décentralisation des négociations sociales qui doit permettre à la culture du contrat de s’imposer.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’énergie nationale ne trouverait qu’imparfaitement son accomplissement si elle était privée de son principal ressort : je veux parler de l’intelligence française. L’immense cohorte de nos savants, biologistes, mathématiciens, philosophes, juristes ou historiens qui firent notre rayonnement ne doit pas s’arrêter au seuil d’un siècle où, précisément, le pouvoir de la matière grise dessinera notre avenir. Toute notre tradition spirituelle, philosophique et scientifique et toute l’ambition républicaine convergent vers la nécessaire réforme de nos universités. Depuis vingt-cinq ans, c’est le statu quo institutionnel. Résultat : depuis vingt-cinq ans nos universités perdent des places dans les classements internationaux.

Depuis vingt-cinq ans nous subissons la démocratisation de l’enseignement supérieur sans nous donner les moyens de l’accompagner. Résultat : depuis vingt-cinq ans, faute de courage, nous acceptons la sélection par l’échec plutôt que par l’orientation et le mérite.

Depuis vingt-cinq ans, la recherche scientifique s’éloigne de l’université pour tenter d’échapper à sa perte d’influence et à son manque de réactivité.

Nous allons rebâtir l’Université française. Pour cela, nous nous sommes fixé un double objectif : conduire 50 % de notre jeunesse vers un diplôme de l’enseignement supérieur et faire de nos universités de véritables pôles d’excellence.

Leur gouvernance sera clarifiée et renforcée, leur autonomie sera réelle, leurs responsabilités financières et pédagogiques seront accrues et elles disposeront librement de leur patrimoine.

Cette réforme décisive s’accompagnera d’une concertation de fond, dès à présent engagée, sur les conditions de vie et de travail des étudiants.

Il s’agit de lutter contre l’échec en première année de licence, de promouvoir l’excellence des mastères, d’assurer l’insertion professionnelle des étudiants, de mettre à niveau les infrastructures existantes, de créer des campus avec des logements, des installations sportives et des bibliothèques modernes ouvertes le soir et le dimanche comme il en existe dans tous les pays développés.

Mesdames et messieurs les députés, la rénovation de l’Université française est une priorité absolue de mon gouvernement : je vous proposerai d’y consacrer 5 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2012.

L’accroissement de notre effort de recherche est indissociable de la réforme de l’université. Je ne serai pas de ceux qui sacrifieront la recherche fondamentale au prétexte qu’elle serait improductive à court terme, mais j’engagerai l’évolution nécessaire de nos grands organismes publics par une stricte évaluation des programmes.

Je crois tout aussi nécessaire l’accroissement de notre effort dans les entreprises. Une simplification radicale du crédit impôt recherche sera engagée. Globalement la part du produit intérieur brut consacré à la recherche doit tendre vers les 3 % reconnus comme indispensables par tous les Européens.

Cette ambition universitaire et scientifique ne peut trouver toute sa mesure que si elle s’adosse à un système éducatif puissant et animé par un personnel respecté et motivé. Les conditions du métier d’enseignant seront débattues sans tabou. Ce dont l’école a besoin, ce n’est pas d’une réforme législative de plus, c’est d’aller au bout de la réforme structurelle engagée en 2005.

Quatre principes la guident : la liberté pédagogique dont la conséquence logique est l’évaluation a posteriori et l’assouplissement de la carte scolaire ; l’acquisition du socle commun des connaissances fondamentales par tous nos enfants ; la reconnaissance pleine et entière des filières professionnelles et la généralisation du soutien scolaire individualisé.

À cet égard, l’engagement du Président de la République sera mis en œuvre sans délai. Quatre fois par semaine, écoliers, collégiens et lycéens pourront bénéficier d’un encadrement éducatif d’au moins deux heures par jour. Les études dirigées de fin de journée seront notamment assurées par des professeurs volontaires et par des assistants d’éducation. Elles seront effectives pour tous les collégiens à la rentrée 2008 et dans la totalité de l’enseignement scolaire à la rentrée 2011.

Pour le Gouvernement, l’école de la République est celle des valeurs : l’effort, le civisme, la discipline et la fraternité.

À ce titre, l’affirmation d’un droit opposable à la scolarisation de tout élève handicapé devra se traduire dans les faits. Pour cela, le nombre d’unités pédagogiques d’intégration sera doublé au cours des trois prochaines années. C’est une solidarité que nous devons à nos concitoyens qui souffrent d’un handicap.

Parce que notre système éducatif présente la caractéristique d’offrir le plus grand nombre d’options et les horaires de cours les plus chargés d’Europe, un effort de rationalisation sera engagé. Il doit aboutir à un meilleur équilibre éducatif, laissant plus de place aux pratiques périscolaires, sportives et culturelles.

Mesdames et messieurs les députés, la culture est précisément l’un des relais de notre créativité. Elle nourrit les espoirs et les rêves de notre civilisation tout en étant le rempart aux maux qui la guettent : l’uniformité, l’utilitarisme, le désenchantement, la sauvagerie. Or si l’accès à la culture passe par l’éducation, il passe également par le service public de l’audiovisuel, qui doit assumer pleinement sa vocation, par la régionalisation des initiatives et des créations, par l’engagement soutenu des partenaires privés à travers les fondations et le mécénat et par la dématérialisation des supports et la diffusion en numérique.

L’accès à la culture passe encore par notre patrimoine : toutes les régions de France ont de justes raisons d’en être fières mais toutes ne manquent pas non plus de souligner le poids de cette charge. C’est pourquoi le financement des chantiers pour le patrimoine ne devra plus subir les fluctuations aberrantes du passé : la continuité de l’effort en ce domaine doit être respectée.

Je veux aussi que l’accès à notre patrimoine artistique soit réellement démocratisé. La gratuité des musées que pratiquent plusieurs pays européens provoque de vifs débats au sein du monde de la culture. Je veux qu’une expérimentation soit conduite sur un échantillon d’établissements à Paris et en Province pour en mesurer toutes les conséquences. Je veux enfin que les jeunes puissent accéder facilement à toutes les ressources culturelles, grâce à un « passeport culture » valable sur l’ensemble du territoire national.

Mesdames et messieurs les députés, en nous fixant pour priorité la rénovation de notre contrat politique, social et intellectuel, je ne fais, en définitive, que vous parler de l’identité de la France.

Oui, la France a une identité, une identité qui s’est construite dans une France rurale qui fait encore sa beauté et dont le dynamisme sera soutenu comme un atout de notre avenir. Elle a une identité dont les racines plongent vers le bassin méditerranéen et l’espace européen, une identité qui s’étoile vers ses départements et territoires d’outre-mer, dont l’essor culturel, économique et social doit se conjuguer avec celui de la métropole. Elle a une identité forte et pourtant en mouvement, car fondée sur le droit du sol, la laïcité et la citoyenneté.

Cette identité doit être défendue avec fierté et enrichie avec audace. Il y a une exception française, comme il y a une exception italienne, une exception chinoise ou une exception britannique.

Mais il est indéniable qu’il y a une vocation française : c’est d’être à jour de tous les grands défis du monde. Supprimez l’identité, et vous supprimerez l’universalité. Réaffirmez cette identité et vous confirmerez l’universalité française.

La France, en effet, est grande lorsqu’elle est grande pour le monde. Elle est grande lorsqu’elle prend ses responsabilités pour le Darfour. La France est grande lorsqu’elle défend, à travers la libération d’Ingrid Bétancourt et des infirmières bulgares injustement condamnées, les droits inaliénables de tout être humain.

La France est grande lorsqu’elle s’engage dans le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France est grande lorsqu’elle milite pour l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies et pour une réforme des instances internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale. La France est grande lorsqu’elle multiplie les projets de codéveloppement avec le continent africain en mobilisant les crédits de coopération sur les actions ayant un impact direct sur les flux migratoires et en négociant des partenariats avec les pays d’origine. Elle est grande lorsqu’elle défend, sans complexe, l’idée d’une mondialisation économique équitable. Si le monde de demain n’a pour seule ambition que d’être un vaste casino où se joue l’avenir des hommes sur un coup de dé, si les succès commerciaux dérogent à tous les droits sociaux, humains ou environnementaux, alors nous irons à la catastrophe.

Le Gouvernement ne laissera pas les négociations au sein de l’OMC se déployer contre notre agriculture. Pour nos entreprises industrielles et de services, nous exigeons la réciprocité. Pour l’accès aux marchés publics, nous demanderons à l’Union européenne de négocier une dérogation en faveur de nos PME comme l’ont obtenu les États-Unis, le Japon et le Canada.

La France est grande lorsqu’elle montre l’exemple car les actes parlent toujours plus que le verbe.

Elle continuera donc d’agir pour la paix, dans le cadre défini par les Nations unies, au Liban, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire. La France ne se dérobera pas aux devoirs de l’amitié et de la solidarité pour l’Afrique. La France ne se résignera pas à voir le Liban glisser vers la guerre civile. La France ne se résignera pas à assister impuissante à l’assassinat de tous les dirigeants libanais qui osent défendre l’indépendance de leur pays. La France ne se résigne pas à voir la bande de Gaza en état de siège permanent et la Palestine condamnée à une partition de fait avant même d’avoir pu exercer réellement sa souveraineté sur son territoire.

La France va donc prendre des initiatives pour aider les communautés libanaises à se parler à nouveau. La France va prendre des initiatives pour ranimer la petite flamme de l’espoir d’une Palestine libre et démocratique coexistant pacifiquement avec un État d’Israël reconnu et respecté par tous ses voisins.

La France est grande lorsqu’elle s’engage résolument dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dans la perspective de la réunion de Bali, en décembre prochain, la France se fait un devoir de convaincre ses alliés américains et les grands pays émergents de se rallier à une approche concrète et ambitieuse pour préparer l’après-Kyoto. Dans cette affaire mondiale, la France s’engagera pleinement.

Nos technologies et nos capacités d’innovation, nos compétences en matière d’énergie, notamment avec la préparation des réacteurs nucléaires de quatrième génération, notre potentiel agricole, la richesse et le dynamisme de la France maritime, le civisme de nos concitoyens, leur attachement à la beauté de nos paysages, à la biodiversité, à la qualité de vie : tous ces atouts seront concentrés autour d’une stratégie volontariste.

Ce volontarisme se traduira aussi sur le plan fiscal. Il n’est plus possible de rester neutre face aux enjeux environnementaux. La fiscalité écologique doit émerger dans notre droit. Déjà l’Europe nous invite à mettre en place une eurovignette pour que les poids lourds circulant sur nos routes ne le fassent plus en totale franchise fiscale alors même qu’ils engendrent des nuisances, des risques et des coûts en infrastructures.

Nous mettrons en œuvre cette eurovignette qui pourra être expérimentée sans tarder en Alsace.

Mais nous devons aller plus loin et poser la question d’une taxation sur le contenu en carbone des produits offerts sur le marché. L’instauration d’un grand ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables est à l’image de la politique structurante et globale que nous allons conduire. Le « Grenelle de l’environnement » qui se tiendra à l’automne en donnera le départ.

Mesdames et messieurs les députés, notre monde a besoin de raison. Il a aussi besoin d’équilibre.

Notre outil militaire doit être musclé autour de nos objectifs de projection de forces et de dissuasion. Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement vous proposera une loi de programmation militaire. Elle sera précédée par un nouveau Livre blanc qui sera rédigé à l’automne.

Les choix que nous devrons assumer ne seront pas faciles. Ils ne se limiteront pas au point de savoir si et quand il faudrait un deuxième porte-avions.

Il nous faudra quitter la logique traditionnelle de l’accumulation des exigences propres à chaque arme, pour mieux apprécier où sont les vrais besoins stratégiques, où sont les menaces de demain et où sont les enjeux industriels décisifs.

Notre responsabilité dans ces choix décisifs sera lourde, parce que je ne crois pas que le monde de demain soit plus pacifique que le monde d’hier.

Même si l’Europe paraît en quelque sorte sanctuarisée par sa solidarité au sein de l’Union, nous voyons bien que l’arc des crises se développe, et par là même les menaces potentielles sur nos intérêts vitaux. Il n’est donc pas question de baisser la garde. Nous devons armer notre vigilance avec lucidité. Nous le ferons d’autant plus efficacement que nous pourrons agir dans le cadre de coopérations européennes et de notre alliance traditionnelle avec les États-Unis, sans rien sacrifier de l’indépendance nationale, ni de notre dialogue constructif et confiant avec la Russie.

Nous sommes confrontés à trois défis majeurs : désamorcer le scénario du choc des civilisations que nourrissent les terroristes ; dissuader les États qui s’affranchissent des règles qui régissent l’accès et l’usage du nucléaire ; organiser un accès équitable et sécurisé aux matières premières et aux énergies.

Mesdames et messieurs les députés, le monde a besoin de la France. La France a besoin de l’Europe pour protéger ses intérêts et rayonner, et l’Europe avait besoin de la France pour se relancer. Voilà qui est chose faite ! En défendant avec énergie et avec méthode l’idée d’un traité simplifié, le chef de l’État n’a pas seulement replacé notre pays au cœur des enjeux européens, il a aussi renforcé le couple franco-allemand tout en nous rapprochant des Européens de l’Est.

Ce projet de traité modifie la philosophie économique de l’Union. En précisant que la concurrence est un moyen et non une fin en soi, il confirme le rôle des services publics.

Le « non » de notre peuple au traité constitutionnel a été respecté. Le « oui » à l’Europe politique a été restauré. La ratification de ce nouveau traité sera soumise au Parlement au début de l’année 2008. S’engagera alors la présidence française de l’Union européenne. Elle sera dominée par des défis autour desquels tout mon gouvernement sera mobilisé.

Il faut que l’Europe joue un rôle moteur dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Il faut davantage de recherche européenne. Il faut aider l’agriculture française et européenne, plus indispensable que jamais, à être performante et respectueuse de l’environnement. Il faut une politique énergétique commune pour assurer nos approvisionnements. Il faut une politique commerciale mieux affirmée et moins naïve. Il faut une politique industrielle permettant à l’Europe d’être plus présente dans les secteurs stratégiques. Il faut une Europe sociale forte, manifestation de nos valeurs communes de solidarité et de justice. Il faut enfin débattre de l’identité de l’Europe et fixer ses frontières. Il faut développer les relations entre l’Europe et ses voisins et poser les bases d’une Union méditerranéenne comme nous y invite le Président de la République.

Mesdames et messieurs les députés, l’identité de la France se forge au jour le jour, dans notre capacité à vivre ensemble, en transcendant les origines, les préjugés, les discriminations, en combattant les peurs qui nous divisent. Dans les quartiers, il existe une jeune génération de Français qui cherche sa place, des repères et du respect. Cette jeunesse a souvent été trompée. Trompée par des discours complaisants. Trompée par la faiblesse d’un État qui a cédé devant les lois de la rue, qui est resté trop souvent passif face à la pression exercée sur des jeunes filles dont le seul tort était de vouloir vivre librement. Trompée par ceux qui, par discrimination, mettent au panier le CV d’un jeune des cités dont les mérites sont pourtant éclatants.

Cette jeunesse a de l’énergie et du talent.

Cette jeunesse ne demande qu’une chose : que la République se montre fidèle à ses idéaux. Et la République ne demande, en retour, qu’une chose : que les droits qui lui sont réclamés soient honorés par le respect des devoirs.

Un plan « Respect et égalité des chances » sera lancé. Visant les quartiers difficiles, il s’attachera d’abord à les désenclaver. L’incident du RER la semaine passée a bien montré à quel type de difficultés se heurtent au quotidien nos concitoyens et comment, dans bien des cas les services publics répondent mal à leur attente.

Ce plan mettra en avant l’égalité des chances par l’éducation avec la réduction du nombre d’élèves dans les établissements où se concentrent les difficultés.

Nous soutiendrons les internats de réussite éducative. Enfin, une dynamique nouvelle sera enclenchée sur la formation et l’accompagnement à l’emploi.

L’effort massif engagé en faveur de la rénovation des quartiers se poursuivra. En l’espace de cinq ans, notre retard en matière de construction, pris à la fin des années quatre-vingt-dix, devra être comblé. Pour cela, nous devrons nous tenir à un objectif de 500 000 nouveaux logements construits par an, dont 120 000 logements sociaux.

Un système de caution publique afin de fluidifier et de sécuriser le marché de la location sera mis en place. L’accession à la propriété, qui sera facilitée par la déduction des intérêts d’emprunt, doit s’accompagner d’un élargissement du marché de la vente. Nous permettrons aux locataires de logement HLM d’en devenir propriétaire avec un objectif de 40 000 accessions à la propriété par an.

Mesdames et messieurs les députés, toute politique d’intégration suppose, en parallèle, une politique d’immigration choisie et non subie.

La France est une terre d’asile, une terre d’accueil. La France a du cœur, mais elle n’est pas assez riche pour être la terre promise de tous les peuples en détresse, cette terre que des réseaux mafieux vendent comme un pays de cocagne aux déshérités.

Je n’accepterai jamais de régularisation globale qui n’aurait pas d’autre effet que de relancer des hommes et des femmes sur les chemins de l’exil. Le Gouvernement combattra avec la plus grande détermination les filières d’immigration illégales et le travail dissimulé, parce que j’y vois une forme moderne de traite des êtres humains.

Nous sommes une nation, une nation d’intégration. Et l’intégration signifie que celui qui vient légalement en France adopte la France, et que, dès lors, la France l’adopte comme l’un des siens.

Ceux qui veulent venir en France devront avoir les moyens de s’y intégrer. Ils devront avoir un travail, et, à cet égard, des objectifs quantitatifs pluriannuels seront établis après consultation des acteurs économiques et sociaux. Ils devront respecter nos valeurs républicaines. Ils devront apprendre notre langue.

Parce que partager un destin commun, mesdames et messieurs les députés, c’est vivre dans la confiance et l’estime réciproques. Ce n’est pas verrouiller sa porte dès la nuit tombée. Ce n’est pas baisser le regard en traversant son quartier. La peur et la défiance sont les adversaires de l’unité nationale.

Le Gouvernement ne craint pas d’employer le mot « fermeté ». Il n’hésitera pas non plus à utiliser celui d’ « autorité ». Face à la culture de la violence, je n’ai qu’un mot d’ordre : ne rien céder ! J’utilise le mot de « culture » à dessein, car c’est bien toute notre société qui est interpellée dans ses valeurs et sa morale.

Nous avions promis d’agir contre les multirécidivistes : le projet de loi qui vous sera présenté respecte notre engagement. Les délinquants auteurs d’actes graves, lorsqu’ils sont en situation de récidive, feront l’objet de peines planchers.

Nous vous avions également promis de traiter la délinquance des mineurs. Dorénavant, la minorité ne sera plus un alibi d’office pour les jeunes délinquants.

À force d’être excusés, impunis, certains jeunes délinquants en ont conclu que la société n’avait ni le courage de les recadrer, ni la générosité de les replacer dans le droit chemin. Eh bien, c’est cela qui doit cesser !

Mesdames et messieurs les députés, la justice est l’un des fondements de l’État.

Elle doit s’adapter aux évolutions de la société. Nous devons revoir la carte judiciaire. La carte actuelle, héritée d’un autre âge, ne correspond plus aux exigences de l’efficacité. Bien sûr, rien ne saurait se faire sans concertation. Mais on ne peut plus disperser les moyens. On ne peut plus laisser vivre de telles disparités entre les tribunaux au point que la manière d’y rendre de la justice finit par s’en ressentir, au mépris de l’égalité devant la justice.

Le Gouvernement s’attachera aussi, dans le cadre d’une loi qu’il vous soumettra, à faire progresser notre système pénitentiaire.

Nous devons consentir l’effort nécessaire pour garantir des conditions décentes de détention aux prisonniers en même temps que de bonnes conditions de travail aux surveillants.

D’ailleurs, dès cette session extraordinaire, le Gouvernement vous proposera de créer un contrôleur général des prisons et des autres lieux privatifs de liberté.

Mesdames et messieurs les députés, concernant la sécurité, le Gouvernement ne négligera rien et ne lâchera rien.

Pour une meilleure performance de nos forces de sécurité intérieures, les moyens techniques et scientifiques de la police et de la gendarmerie seront étoffés dans le cadre d’une nouvelle loi d’orientation et de programmation.

La fusion de la DST et des renseignements généraux sera rapidement menée à bien.

Les événements récents survenus dans le sud de la France, en Espagne et surtout en Grande-Bretagne, montrent que les menaces terroristes demeurent très présentes. La France n’est pas à l’abri.

Les services de renseignements sont en alerte. La coopération internationale est intense. Rien ne sera laissé au hasard.

En particulier, nous évaluerons ensemble les bénéfices qu’a retirés la Grande-Bretagne de l’installation d’un réseau de télésurveillance.

De la même façon, nous ne relâcherons pas notre action contre les violences quotidiennes.

L’excellence de nos résultats par le passé, qui doit beaucoup à l’action de l’ancien ministre de l’intérieur, ne devra pas s’infléchir. Je compte sur l’action des policiers et des gendarmes auxquels je dis toute ma confiance et tout mon soutien.

Mesdames et messieurs les députés, au cœur de la crise nationale, il y a un cancer : le chômage de masse. Ce cancer qui, depuis un quart de siècle, ronge nos capacités de production, lamine le corps social, bloque l’intégration, alimente l’extrémisme. L’objectif de mon gouvernement est donc simple et clair : c’est le plein-emploi.

Le caractère endémique du chômage dans notre pays a fait du plein-emploi une chimère, une promesse à laquelle les Français, si souvent déçus, ne croient plus. Pourtant, il n’y a là rien d’impossible, y compris en Europe, puisqu’une bonne moitié des membres de l’Union européenne connaissent le plein-emploi, parfois depuis une décennie. Il n’existe donc pas plus de fatalité du chômage de masse aujourd’hui qu’il n’en existait pour l’inflation hier.

Mon gouvernement se fixe ainsi pour objectif un taux de chômage de 5 % à la fin du quinquennat.

L’heure, mesdames et messieurs les députés, est venue de tourner la page du malthusianisme économique et du conservatisme social.

Que la politique monétaire de l’Union ne soit pas aussi réactive que nous le souhaiterions, que la faiblesse du dollar et du yuan ne facilite pas la tâche de nos exportateurs, c’est incontestable !

Mais le problème n’est pas que là. Le cœur du problème est d’abord chez nous ! Il faut sortir la France de l’impasse dans laquelle elle s’est enfermée : celle de la « vieille croissance ».

La « vieille croissance », c’est cette croissance molle marquée par une sous-activité, par une stagnation des revenus et par le décrochage de nos moyennes entreprises dans la compétition internationale.

Cette « vieille croissance », c’est la croissance à crédit. Ce sont les dépenses publiques qui ignorent les nouveaux modes de gestion et la responsabilisation des acteurs. C’est le choix des déficits et de la dette qui ont privé l’État de toute marge de manœuvre.

La « vieille croissance », c’est le dérapage incontrôlé des dépenses sociales qui n’aura pas empêché nombre de nos concitoyens de basculer dans la précarité.

La « vieille croissance », ce sont les prélèvements obligatoires pour soutenir à bout de bras un système asphyxié.

C’est la consommation qui ignore les consommateurs avec leurs exigences et avec leurs droits. C’est le partage du travail et l’idée fausse suivant laquelle les préretraites ouvrent le chemin de l’emploi aux jeunes. C’est l’opposition stérile entre la flexibilité du marché de l’emploi et la sécurisation des salariés.

Pour tout dire, la « vieille croissance », c’est, depuis quinze ans, un point de croissance en moins que la moyenne européenne et deux points de chômage en plus.

Mesdames et messieurs les députés, je vous propose d’imaginer ensemble une « nouvelle croissance » ! Une croissance forte. Une croissance saine, une croissance qui ne soit pas une croissance « à crédit » dopée artificiellement par les dépenses publiques. Une croissance solidaire destinée à consolider la cohésion nationale.

Gagner le point de croissance qui nous manque, tel est l’objectif que nous fixe le Chef de l’État. Nous le ferons par la revalorisation du travail, parce que nous croyons que c’est le travail des uns qui entraîne le travail des autres, c’est l’effort des uns qui stimule celui des autres, et c’est la récompense des uns qui motive les autres.

Cette logique nous a conduits à vous proposer des mesures qui visent tous les âges de la vie : ne plus soumettre le travail des étudiants à l’impôt ; faire sauter les verrous aux heures supplémentaires pour compenser l’effet étouffant des 35 heures ; conforter la réussite des dirigeants qui se distinguent par leurs performances, mais interdire le scandale qui consiste à récompenser ceux qui échouent ; adapter, enfin, nos prélèvements fiscaux pour que ceux qui ont créé de la richesse grâce à leurs efforts puissent transmettre ce capital à leurs proches.

Le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat cristallise notre stratégie économique. Mais il n’est que la première étape d’une réforme profonde du marché du travail et de l’environnement réglementaire de nos entreprises. Nos entreprises, et spécifiquement nos PME, ont d’abord besoin d’un cadre réglementaire qui les aide et non qui les contraigne.

Je veux réduire l’impôt papier, c’est-à-dire tout ce qui fait que l’administratif entrave le productif. Une commission, à l’image de la commission Rueff-Armand de 1959, sera constituée à cette fin sous la présidence du premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin.

Je proposerai aussi qu’à l’instar du Small Business Act américain, les PME françaises puissent se voir réserver une part des marchés publics.

Nous expérimenterons la suspension de certains effets de seuil. La « flexisécurité », qui a fait ses preuves en Europe du Nord, ne doit pas rester un sujet de voyages d’études : le contrat unique de travail, la réforme du mode d’indemnisation du chômage, la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, le revenu de solidarité active doivent réconcilier l’efficacité économique et la solidarité sociale.

Quant à la restructuration de notre système de formation professionnelle, elle est absolument nécessaire : 24 milliards d’euros sont consacrés à la formation ; 60 % des salariés n’y accèdent jamais. Je le dis clairement aux partenaires sociaux : nous ne pouvons plus attendre.

J’entends qu’ils s’engagent dans une véritable refondation de la formation professionnelle. C’est un chantier pour 2008, et le Gouvernement, en concertation avec les régions, y sera particulièrement attentif.

Nos entreprises ont également besoin de prélèvements fiscaux et sociaux « intelligents ».

Si nous voulons encourager le travail et le pouvoir d’achat, nous devons cesser de taxer plus ceux qui travaillent plus.

Si nous voulons en finir avec les délocalisations et la fuite des capitaux, nous devons encourager ceux qui continuent à investir et à produire dans notre pays.

Si nous voulons lutter contre ceux qui polluent, nous devons aider davantage ceux qui respectent l’environnement.

Pour toutes ces raisons, le Président de la République a souhaité une réforme globale de notre système fiscal. Cette réforme n’est pas seulement un objectif, c’est un impératif.

Nos réflexions sur la TVA sociale s’inscriront dans le cadre de cet exercice.

Personne ne peut refuser ce débat. Pourquoi ? Parce que le coût de notre protection sociale est croissant et qu’il le restera si nous voulons en maintenir les principes et la qualité. Dès lors que ce coût est financé par des cotisations qui pèsent exclusivement sur le travail, nous aurons un choix clair : soit nous taxons toujours plus l’emploi, et nous laisserons partir à l’étranger les industries, immédiatement suivies par les services, soit nous trouvons un complément différent au financement de la solidarité nationale.

Donc, mesdames et messieurs les députés, le débat sur la TVA sociale aura lieu. Et nous déciderons ensemble de ce qui est bon pour la France. Ce sera notre premier défi.

Deuxième défi : celui du vieillissement. Nous ne pourrons le relever qu’à travers l’instauration de la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la dépendance.

Nous devrons aussi poursuivre la mise en œuvre de la réforme des retraites. L’allongement de la durée de cotisation prévu en 2003 n’est pas une option. Il aura lieu au terme de la procédure prévue par la loi.

Dans le même temps, au nom de la justice, au nom de l’équité, nous réformerons les régimes spéciaux de retraite.

Le troisième défi sera celui de l’assurance maladie. C’est celui qui s’impose comme le plus urgent, compte tenu de la dérive des dépenses.

Les mécanismes prévus par la réforme votée en 2004 joueront. Ils nous amèneront à ratifier sans délai le plan de retour à l’équilibre proposé par les gestionnaires de la sécurité sociale. Au-delà des mesures d’urgence, nous n’éviterons pas des décisions structurelles.

Que cela soit clair : si, comme je le pense, nous devons refuser le rationnement des soins, si nous rejetons la seule maîtrise comptable, si nous voulons améliorer nos hôpitaux, y développer les soins contre le cancer et les soins palliatifs, si nous voulons convenablement prendre en charge la maladie d’Alzheimer, alors oui, il faudra faire des choix courageux, et la mise en place de franchises peut être une solution.

Les contraintes techniques plaident en faveur d’une franchise fractionnée avec un plafond annuel par personne. C’est une solution possible pour 2008. Mais l’équité commandera de réfléchir plus avant. L’idée du « bouclier sanitaire » permettrait de plafonner ce que paie chacun pour sa santé en fonction de son revenu.

Je souhaite que s’ouvre sur ce sujet un débat sans a priori.

Mesdames, messieurs les députés, nous maintiendrons le cap du désendettement et du retour à l’équilibre budgétaire. Nous ramènerons notre dette publique en deçà de 60 % du PIB et nous rétablirons une situation budgétaire à l’équilibre en 2012. Au printemps prochain, nous inscrirons cet effort dans un cadre pluriannuel et, dès 2008, les dépenses de l’État seront strictement reconduites en volume.

Ce défi, nous le relèverons avec tous nos partenaires, au premier rang desquels les collectivités territoriales.

Les dotations de l’État qui leur sont allouées ne pourront pas globalement croître au-delà de l’inflation en 2008 et nous devrons rebâtir avec elles une relation contractuelle responsable. La contrepartie de cet effort partagé pourrait résider dans la simplification et la stabilité des normes qui leur sont imposées par l’État.

Dans cette perspective, je rencontrerai les associations d’élus dans les prochains jours. L’objectif de réduction des déficits et de désendettement de notre pays doit être partagé par tous.

Ce qui me semble au moins aussi important que les chiffres, ce sont les fondements de cet assainissement. Nous ne serons pas dans le factice ou le virtuel. Nous voulons conduire une remise à niveau de nos finances publiques qui repose sur des réorganisations pérennes. C’est pour cela que nous avons engagé la révision générale des politiques publiques et que nous avons d’ores et déjà annoncé le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C’est la même approche qui nous permettra de réformer profondément et de rationaliser les structures et les politiques publiques.

Chaque ministre travaillera en portant l’ambition d’un véritable recentrage du service public sur ses missions, dans la clarté et pour plus d’efficacité. Ici comme ailleurs, ma conviction est faite : tout doit être discuté, concerté et accompagné. Les fonctionnaires sont les premières victimes de l’immobilisme de l’État. Leurs conditions de travail, leurs rémunérations, leur place dans la société française s’en ressentent. Aussi, 50 % des économies retirées du non-remplacement de tous les départs à la retraite seront-elles affectées à l’amélioration des carrières dans la fonction publique.

Nous voulons faire partager par tous les fonctionnaires une même ambition : celle d’un État efficace et reconnu comme tel par la nation.

En quelques semaines, nous avons ouvert les chantiers du droit pénal de la récidive, de la fiscalité, du travail, de la protection sociale, de l’université, du service minimum dans les transports, de l’immigration. Nous continuerons d’aller de l’avant, comme le veut le Président de la République.

Je mesure l’ambition et les difficultés de notre tâche. Mais je vois aussi les atouts de notre réussite.

D’abord, les Français eux-mêmes. Je me souviens de ce chef d’entreprise, au bord de la faillite, m’expliquant qu’aucun de ses salariés n’avait manqué à son appel lorsqu’il avait fallu se retrousser les manches.

Je me rappelle de ce professeur de collège, disant à une jeune fille qui portait le voile : « Ici, on ne cache pas son visage, car dans l’école de la République chacun doit pouvoir se regarder sans se défier ni se juger ». Et je revois ce sous-officier français m’expliquer, qu’il y a quelques années, la première tâche de sa compagnie avait consisté à reconstruire la maternité détruite dans un village de Somalie constamment bombardé. Voilà les Français, avec leurs élans, leur engagement et leur cœur !

Et puis, il y a la République. Elle fait de chacun d’entre nous le compagnon de l’autre. La République, en France, vient de loin. Elle est née de siècles de combat pour faire triompher l’intérêt général, la liberté de conscience et l’égalité face à la dure résistance des privilèges et des corporatismes. La République, c’est une action continue, permanente. C’est une volonté politique, une révolte face aux facilités, aux injustices, aux échecs. La République n’est que mouvement : si elle tombe, elle se relève, tel Gavroche sur sa barricade. Elle se relève toujours et c’est la faute à Voltaire, la faute à Rousseau ; c’est aussi pour nous la faute à Victor Hugo, à Clemenceau, à Gambetta, à de Gaulle, aux héros de vingt ans de la Résistance et de la France libre !

« Vivre, ce n’est pas se résigner ! », écrivait Camus. Sans cesse dans son histoire, la France a cru au mouvement. Elle n’a jamais fait bon ménage avec le statu quo et les arrangements à la petite semaine, ce que le général de Gaulle qualifiait en son temps de « petite soupe sur son petit feu, dans sa petite marmite ». À ce nihilisme, nous avons opposé un sens aigu du progrès. Cette idée du progrès rassemble les Français. Les belles heures de notre histoire témoignent de cette soudaine unité dans l’action.

Bien entendu, le progrès réclame des choix, des sacrifices parfois. Il commande d’établir des priorités. Il compromet les rentes. Parce que le progrès accélère l’histoire, déjoue les scénarios écrits à l’avance, dénoue les situations que l’on disait compromises.

La France est fière et audacieuse. Nous lui avons proposé une rupture constructive : elle s’y est reconnue. Nous avons sollicité d’elle un mandat pour agir : elle nous l’a donné. Il y a dans le pays un souffle de confiance. Le Président de la République en est l’initiateur. J’en suis, devant vous, le dépositaire.

Cette confiance, au titre de l’article 49, alinéa premier, de la Constitution, le Gouvernement vous la demande.


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