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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 11 juillet 2007

10 heures

Compte rendu no 2

Présidence de M. Pierre Lequiller Président de la Délégation pour l’Union européenne et de M. Axel Poniatowski Président de la Commission des affaires étrangères

Audition commune avec la Commission des affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes

Audition commune avec la Commission des affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes

M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères, après avoir remercié le ministre de sa disponibilité pour les membres de la commission des affaires étrangères et ceux de la délégation pour l’Union européenne, a indiqué que l’élaboration du traité simplifié, les priorités de la présidence française de l’Union et le rôle de l’Union européenne sur la scène internationale, retenaient plus particulièrement l’attention de la commission.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, s’est réjoui de la tenue de cette audition conjointe avec la commission des affaires étrangères et a appelé de ses vœux la multiplication de ces réunions communes, y compris avec d’autres commissions permanentes. Puis, il s’est félicité de la présence du ministre à un moment décisif de l’actualité européenne marquée par l’ouverture d’une nouvelle Conférence intergouvernementale fin juillet et le retour de la France dans le jeu européen.

M. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a salué l’intérêt porté par l’Assemblée nationale sur les sujets européens, comme en témoigne le nombre important de députés présents à cette réunion.

Le ministre est d’abord revenu sur l’accord obtenu lors du Conseil européen des 21 et 22 juin sur le futur traité simplifié. Evoquant les tentatives passées à Amsterdam, à Nice, à la Convention puis lors de la conférence intergouvernementale de 2004, il s’est félicité que le dispositif institutionnel de l’Union soit enfin stabilisé. C’est la proposition d’un traité simplifié, présentée par le Président de la République, qui a rassemblé les Européens et la confrontation entre les pays qui avaient ratifié le traité constitutionnel, ceux qui l’avaient rejeté et ceux qui ne s’étaient pas encore prononcés, a pu être surmontée. Le ministre a souligné le rôle joué par le Président de la République aux côtés d’une présidence allemande jugée unanimement remarquable. L’accord à vingt-sept est un événement politique important et constitue un signal fort de la relance de l’Europe. Le ministre a alors détaillé les avancées institutionnelles et démocratiques du futur traité, telles que l’extension de la majorité qualifiée et de la co-décision l’élection du président de la Commission par le Parlement européen et les nouveaux pouvoirs confiés aux parlements nationaux pour contrôler le respect du principe de subsidiarité. Le traité permettra également à l’Europe de mieux s’affirmer comme puissance politique sur la scène internationale grâce à l’instauration d’un Haut Représentant qui disposera à la fois de la légitimité du Conseil et des moyens et des compétences techniques de la Commission européenne.

Les préoccupations exprimées par le peuple français ont été prises en compte puisque tout ce qui pouvait être assimilé – à tort ou à raison – à un super Etat, ou ce qui donnait le sentiment que certaines politiques étaient gravées dans le marbre a disparu : devise, symboles, ordre juridique. Des clarifications importantes ont également été opérées : la concurrence n’est plus une fin en soi mais un simple instrument, parmi d’autres, au service des consommateurs et de la croissance ; l’exigence de qualité et d’accès aux services publics est reconnue et l’Europe se donne pour la première fois comme objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation. Les droits sociaux sont également confortés par la Charte des droits fondamentaux et le rôle des partenaires sociaux est désormais explicitement reconnu dans les traités. Sur la forme, le ministre a insisté sur le changement de méthode puisqu’il s’agit désormais de procéder à une révision des traités existants et non de leur substituer un texte unique.

Le ministre a alors apporté des précisions relatives au calendrier d’élaboration du traité simplifié. La conférence intergouvernementale (CIG) s’ouvrira le 23 juillet par une réunion des ministres des affaires étrangères et conduira ses travaux sur la base d’un mandat que les chefs d’Etat ou de gouvernement ont voulu le plus détaillé et le plus technique possible, ce qui explique une certaine complexité. La présidence portugaise de l’Union européenne souhaite aller vite : les ministres des affaires étrangères se réuniront à nouveau en septembre à l’occasion d’un Conseil informel pour évaluer si nécessaire, le travail technique qu’effectueront pendant l’été les jurisconsultes de l’Union européenne. Le traité pourrait alors faire l’objet d’un accord politique lors du Conseil européen d’octobre, ce qui rendrait possible une signature du texte avant la fin de l’année 2007. Le ministre a alors assuré la commission des affaires étrangères et la délégation pour l’Union européenne de sa pleine disponibilité et de celle du ministre des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, pour tenir le Parlement informé des travaux de la CIG. Une fois le traité signé, s’ouvrira la période de ratification dans chacun des 27 Etats membres. La ratification, qui sera en France vraisemblablement précédée d’une révision de la Constitution, se fera par la voie parlementaire. Le ministre a souhaité que la période de ratification permette aussi le dialogue et le débat avec la société civile et les citoyens, pour faire la pédagogie de l’Europe.

Le ministre a ensuite évoqué la réunion de l’Eurogroupe qui s’est tenue la 9 juillet et à laquelle a participé le Président de la République Nicolas Sarkozy. Cette réunion a permis au Président de clarifier les intentions de notre pays : la France mènera ses réformes structurelles tout en faisant ses meilleurs efforts pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2010, ou au plus tard en 2012 si la croissance n’était pas suffisante pour compenser les effets à court terme du volet fiscal du programme de réformes. Il ne s’agit en aucun cas pour la France de différer un effort de maîtrise des dépenses publiques. Il s’agit en revanche de reconnaître pleinement la nécessité du Pacte de stabilité et de croissance tout en cherchant à l’appliquer de manière souple et dynamique, dans le respect des objectifs de la modernisation de notre économie, comme l’Allemagne a su le faire. Le message de la France a été compris par nos partenaires européens, par M. Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe et par le commissaire Joaquin Almunia, chargé des affaires économiques et monétaires.

Puis le ministre a donné des précisions sur la préparation de la future présidence française de l’Union européenne, au second semestre 2008. Après avoir salué la réussite et l’exemplarité de la présidence allemande de l’Union qui s’est appuyée sur une organisation sans faille, il a indiqué la nomination en Conseil de ministres de M. Claude Blanchemaison aux fonctions de secrétaire général de la présidence française de l’Union européenne. Celui-ci prend actuellement ses marques dans le paysage interministériel et sera très rapidement à l’œuvre. Les premières décisions concerneront le recensement des manifestations qu’il appartiendra aux différentes administrations d’organiser, en particulier celles qui relèveront du président de la République, ainsi que les sommets envisagés avec les pays tiers. Des décisions seront également rapidement prises au sujet de la politique de communication. Les marchés qui permettront l’identification graphique de notre présidence et l’élaboration des outils de communication doivent être lancés rapidement pour permettre d’assurer la meilleure visibilité possible à notre présidence. Sur le fond, le ministre a indiqué que la réflexion était engagée sur les priorités politiques qui seront arrêtées le moment venu par le Président de la République et par le Premier ministre. Le programme de la présidence française fera l’objet d’une coordination avec les présidences suivantes placées sous la responsabilité de la République tchèque et de la Suède. A ce stade, le ministre a présenté les axes autour desquels pourraient s’articuler les travaux menés sous présidence française, à savoir :

- la construction d’une Europe de la croissance et de l’emploi, ce qui comprend la mise en œuvre d’une politique industrielle au niveau européen. A cet égard, le ministre s’est félicité de l’inflexion opérée par la Commission européenne pour mieux prendre en compte les objectifs industriels ; l’amélioration de la gouvernance et de la visibilité de la zone euro, au fur et à mesure de son élargissement ; le renforcement d’une Europe qui protège les citoyens, d’une Europe sociale et d’une meilleure insertion des personnes handicapées ;une prise en compte des services publics, à leur juste valeur ; une approche globale en matière d’immigration et d’intégration.

M. Jean-Pierre Jouyet a déclaré que la présidence française de l’Union européenne, au cours du second semestre 2008, devait être l’occasion de jeter les bases de la future Europe, avec de nombreux chantiers en perspective que ce soit dans le domaine du développement durable, de l’énergie ou de l’environnement avec une réflexion sur la création d’une fiscalité écologique. D’autres projets devront être soutenus en matière de recherche et de développement, comme le projet Galileo ainsi que la création de l’Institut européen de technologie. Enfin, une priorité sera accordée aux échanges, notamment entre jeunes européens, dans le cadre d’un programme Erasmus renforcé.

- Enfin, le ministre a mis l’accent sur la priorité que constitue l’influence de l’Union européenne sur la scène internationale. A cet égard, la présidence française aura un rôle important à jouer en préparant l’entrée en fonction du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères dans les meilleures conditions ainsi que la mise en place du Service européen pour l’action extérieure. Il s’agira également de poursuivre les efforts engagés en matière de défense, dans le prolongement des décisions prises en décembre 1998, lors du sommet franco-britannique de Saint Malo, pour développer cette politique. La présidence française devra également œuvrer à une meilleure utilisation des instruments de dialogue existants en vue de renforcer les relations de l’Union européenne avec les pays émergents, comme cela a déjà été réalisé avec le Brésil. Il conviendra également de conduire un dialogue ferme et fort avec la Russie ainsi qu’avec l’Ukraine, dans le cadre de la politique de voisinage. Un autre chantier d’envergure pour la présidence française consistera à définir les contours d’une Union méditerranéenne, en veillant à son articulation avec le projet euro méditerranéen. Enfin, la coopération avec le continent africain sera inscrite en tête de l’ordre du jour de la présidence française.

M. Jean-Pierre Jouyet a conclu son intervention en déclarant que, pour mener à bien l’ensemble de ces projets, le soutien des parlementaires français sera essentiel à l’action du Gouvernement et qu’il se tiendra à leur disposition pour éclairer les orientations prises.

Après avoir remercié le ministre pour la clarté et la précision de sa présentation, le Président Axel Poniatowski s’est interrogé sur les limites de l’exercice de synthèse qui a été conduit au dernier Conseil européen entre, d’une part, les partisans d’une Europe politique et, d’autre part, ceux qui veulent en rester à une Europe « marché », c’est-à-dire une Europe réduite à une vaste zone de libre échange. A cet égard, il a souhaité recueillir l’opinion du Ministre sur la suggestion, formulée par M. Valéry Giscard d’Estaing, de prévoir un statut particulier pour le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.

Evoquant la réunion des présidents de commissions parlementaires des affaires européennes qui venait de se tenir à Lisbonne, le Président Pierre Lequiller a fait part de l’unanimité qu’a recueilli le projet d’un traité simplifié ainsi que le principe de son adoption dans les meilleurs délais. Puis, s’appuyant sur les travaux du Président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne, M. Hubert Haenel, sur la revalorisation du rôle des parlements nationaux, il a insisté sur la nécessité d’associer des parlementaires nationaux aux travaux de la prochaine Conférence intergouvernementale, en qualité d’observateurs. A cet égard, il a indiqué que le ministre portugais des affaires étrangères, M. Luis Amado, avait appuyé la proposition d’une participation d’élus des parlements nationaux de l’actuelle « Troïka » composée de l’Allemagne, de la Slovénie et du Portugal. Dans le prolongement des engagements du ministre portugais, peut-on attendre un soutien de la France sur le principe d’une participation de parlementaires nationaux, à titre d’observateurs, aux travaux de la CIG ? Soulignant ensuite la nécessité de relancer la politique européenne des brevets – à laquelle il a, avec M. Daniel Garrigue, membre de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, consacré des travaux – M. Pierre Lequiller a souhaité obtenir des précisions sur les perspectives de ratification du protocole de Londres. Enfin, il a rappelé avoir insisté, lors du dernier débat sur l’Europe en séance publique, sur l’importance d’une ratification rapide par la France du traité simplifié. Cette ratification devrait intervenir rapidement, non pas avant les élections européennes de 2009 comme certains l’avancent, mais avant même le début de la présidence française afin de renforcer sa crédibilité et permettre de se concentrer sur la définition et la conduite des politiques communes.

En réponse à ces interrogations, M. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes a apporté les précisions suivantes. En premier lieu, il a déclaré avoir une approche plus nuancée sur l’implication des différents pays dans le projet européen qui ne venait pas corroborer à ce jour l’idée d’une Europe à deux vitesses. D’ores et déjà, des coopérations fortes existent au sein de l’Union, qu’il s’agisse de la zone euro ou de l’espace Schengen. En outre, le compromis qui a été trouvé permet, certes, au Royaume-Uni de ne pas s’impliquer davantage sans pour autant lui reconnaître une capacité de blocage des coopérations qui se mettent en place. A l’avenir, rien n’empêchera le Royaume-Uni de revenir sur ses décisions et de participer étroitement à un projet de coopération déterminé, en matière de justice ou de lutte contre le terrorisme, par exemple. Autrement dit, ce compromis ne doit pas être interprété dans un seul sens dans la mesure où il met en place un processus ouvert. Le choix en revient au Royaume-Uni. En second lieu, le ministre a indiqué que la France soutiendrait une initiative du ministre portugais des Affaires étrangères en faveur de la participation de parlementaires nationaux aux négociations de la CIG, en qualité d’observateurs. En troisième lieu, il s’est déclaré favorable à la ratification du protocole de Londres par la France. Cet engagement en faveur de la ratification du protocole a été confirmé par le Président de la République. L’adoption du protocole de Londres est importante pour préserver la compétitivité des entreprises mais elle doit s’accompagner d’avancées sur le brevet communautaire et un système juridictionnel dans ce cadre. Enfin, il a confirmé qu’une ratification du traité simplifié, par voie parlementaire, devait avoir lieu le plus tôt possible. La France pourrait ainsi assumer ses responsabilités, à la présidence de l’Union européenne, avec détermination au cours du second semestre 2008.

M. Roland Blum a, ensuite, évoqué les modalités de renforcement du rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. Si le principe est largement partagé et régulièrement rappelé, quel sera son contenu exact dans le corps du traité simplifié ? Au niveau national, comment sera-t-il mis en application par le Gouvernement, en particulier dans son appréciation de la nature des projets d’actes européens transmis au Parlement ? Il a rappelé qu’aux termes de l’article 88-4 de la Constitution, seuls les projets d’actes européens de nature législative au sens communautaire du terme sont obligatoirement soumis au Parlement, ce qui exclut par exemple les communications de la Commission sur des sujets comme les négociations d’adhésion avec la Turquie ou les perspectives financières de l’Union pour 2007-2013. Afin de permettre cette transmission, un amendement a été présenté sous la précédente législature qui a, malheureusement, été rejeté. Quelle sera l’attitude du Gouvernement sur cette question à l’avenir ? Conviendra-t-il de la nécessité de mieux associer le Parlement au débat européen ou se contentera-t-il de lui faire jouer un rôle de chambre d’enregistrement ?

Après avoir adressé ses encouragements au ministre pour les responsabilités qui lui incombent désormais, M. Pierre Moscovici a fait part de son scepticisme sur le calendrier, extrêmement court, prévu pour la CIG ; son expérience antérieure des négociations européennes, lors de l’élaboration du Traité de Nice notamment, le conduisant, en effet, à craindre que ces travaux ne puissent se limiter à des aspects purement techniques. Un certain nombre d’incertitudes ou d’insuffisances demeurent qui incitent à penser que le calendrier fixé pêche par excès d’optimisme. Dans ce contexte, quelles sont précisément les priorités de la France dans les négociations qui vont s’engager ? Evoquant ensuite la participation du Président de la République à la réunion de l’Eurogroupe, il s’est étonné de la présentation élogieuse de cette initiative alors même que de réelles incertitudes financières et budgétaires demeurent à l’horizon 2010 ou 2012. Il a, en outre, souhaité connaître les aspects concrets des discussions qui ont eu lieu sur la gouvernance économique de l’Eurogroupe ainsi que l’accueil qui a été réservé aux initiatives françaises.

M. Michel Herbillon s’est réjouit de l’accord qui a été trouvé sur le traité simplifié. Cette initiative permet, en effet, à l’Europe de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouvait depuis le rejet de la Constitution européenne lors des référendums français et néerlandais. Les objectifs affichés recueillent l’assentiment de tous que ce soit en matière de politique industrielle, de protection des citoyens ou de développement durable. Toutefois, relevant dans les propos du ministre, le terme de « pédagogie », il l’a interrogé sur les initiatives concrètes envisagées par le Gouvernement pour faire sortir l’Europe du cercle des experts et des initiés et diffuser le projet dont elle est porteuse non seulement au Parlement, mais également auprès des collectivités locales, des associations et des citoyens. Autrement dit, qu’est-il concrètement envisagé pour faire descendre l’Europe dans la rue ?

M. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes a apporté les éléments suivants de réponse :

− les parlements nationaux seront appelés à jouer un plus grand rôle dans la construction européenne, non seulement auprès de leur Gouvernement, mais également des Institutions européennes, selon une procédure spécifique qui sera mise en œuvre dès lors que plus de la moitié des parlements nationaux aura exprimé un avis motivé sur une proposition de la Commission européenne. En ce qui concerne plus particulièrement le parlement français, des améliorations ont été apportées en matière de transmission des documents. Le ministre a indiqué que, sans s’immiscer dans les travaux du Parlement, il comprenait que des discussions étaient en cours sur la manière de renforcer la prise en compte des enjeux européens à l’Assemblée et au Sénat ;

− on ne peut naturellement exclure la possibilité de réouverture de certains dossiers au cours de la prochaine CIG, mais ce n’est de l’intérêt d’aucun Etat membre sur le plan politique. Tous nos partenaires européens ont manifesté une volonté d’aller vite dans l’élaboration et l’adoption du futur traité simplifié, ce qui amène à considérer à ce stade, que le calendrier fixé pour les travaux de la CIG est un calendrier réaliste ;

− les résultats de la récente réunion de l’Eurogroupe appellent trois observations. Tout d’abord, l’initiative du Président de la République a eu pour premier résultat la désignation unanime et rapide d’un candidat européen, M. Dominique Strauss-Kahn, au poste de directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Ensuite, un calendrier a été fixé qui permet à la France de présenter, en septembre, de nouvelles hypothèses économiques à l’horizon 2010 et 2012 avec différents scénarios de croissance et de respect des critères définis dans le cadre du Pacte de stabilité. Enfin, la discussion s’est concentrée sur la présentation du programme économique de la France ; les contours de la gouvernance économique de l’Eurogroupe seront probablement évoqués lors des prochains Conseils européens afin de garantir une meilleure visibilité des orientations prises. En tout état de cause, l’objectif sera de parvenir à un rééquilibrage du dialogue entre les ministres européens des finances, chargés de définir les grands orientations de la politique économique, et la Banque centrale européenne, dans le respect de ses prérogatives établies dans le Traité ;

− le souci exprimé de mieux expliquer le projet européen constitue une préoccupation partagée que le ministre a eu l’occasion d’évoquer récemment avec différentes associations à vocation européenne. Toutefois, l’idée européenne souffre sans doute moins d’un défaut d’information des citoyens que d’une surabondance, sans stratégie claire de communication. Il s’agit aussi de toucher le plus grand nombre. Des progrès dans ce domaine sont indispensables et devront très certainement associer étroitement l’ensemble des élus.

M. Michel Destot a interrogé le ministre sur trois points. Il lui a demandé tout d’abord comment accorder plus d’attention aux nouveaux Etats membres. L’attitude de ces derniers vis-à-vis de la France est distante, notamment depuis la crise irakienne. Un renforcement de nos liens, par exemple par des échanges commerciaux plus nourris, serait souhaitable.

D’autre part, au-delà du septième Programme-cadre de recherche et développement, est-il envisageable de transposer le modèle des pôles de compétitivité afin d’accroître le poids de l’Union et sa compétitivité face à ses principaux concurrents ?

Enfin, concernant le développement durable, seule l’énergie ayant été évoquée par le ministre alors que les transports sont pourtant un sujet d’une grande importance dans ce domaine, notamment les transports urbains, il a souhaité connaître son appréciation sur le projet de Transports communs en site propre soutenu notamment par le vice-président de la Commission chargé des transports M. Jacques Barrot. Une telle initiative souscrirait en outre à l’objectif de renforcer la place de l’Union européenne dans la vie quotidienne des citoyens.

M. François Loncle a souhaité savoir quelles conséquences la signature du traité simplifié pouvait avoir sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, compte tenu notamment des réticences britanniques à l’égard de ce texte.

Il a également interrogé le ministre sur sa position personnelle concernant les frontières géographiques de l’Europe et la candidature de la Turquie.

M. Jean-Marc Roubaud a souhaité revenir sur un élément important du débat actuel : les Français comme les Européens dans leur ensemble n’aimeront l’Europe que s’ils la vivent de manière positive. La ratification du traité simplifié par le Parlement ne doit pas être vue comme une manière de contourner les résultats du dernier référendum. Il faudra donc expliquer que les nombreuses attentes exprimées lors de ce vote ont bien été prises en compte dans l’élaboration du texte du traité simplifié.

Il a par ailleurs demandé au ministre si la tendance actuelle lui paraissait être à l’émergence d’une Europe « à la carte » plutôt qu’à une homogénéisation du continent.

M. Daniel Garrigue a souligné combien la signature du traité simplifié constituait une évolution rapide au regard d’événements encore récents. Il y a quelques mois se tenait le sommet de Madrid qui réunissait les seuls pays ayant ratifié le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le traité simplifié permet de dépasser cette division et l’accord obtenu au Conseil européen est d’autant plus remarquable qu’il traduit un consensus de tous les Etats membres. M. Daniel Garrigue a ensuite interrogé le ministre sur la politique industrielle de l’Union. L’identification de secteurs-clés est une avancée mais il faut aller plus loin et s’intéresser aux outils mobilisables dans ce cadre, comme les fonds souverains allemands ou le projet français de législation sur les acquisitions d’entreprises sur fonds empruntés (leverage bail-outs). N’est-il pas temps de définir une stratégie et surtout les outils d’une politique industrielle européenne ? Ceci suppose toutefois d’élaborer une vision industrielle partagée par toute l’Europe.

Enfin, suite aux exigences notamment néerlandaises lors des négociations sur le traité simplifié, les parlements nationaux seront mieux associés à la prise de décision dans l’Union. Pour autant, tous les parlements ne sont pas sur un pied d’égalité. L’Assemblée nationale, notamment, ne dispose pas d’une Commission des affaires européennes mais d’une simple Délégation. Le moment n’est-il pas venu de créer une telle Commission ? Un autre intervenant souhaitait que l’Europe descende dans la rue : il faudrait déjà qu’elle descende dans l’hémicycle. Le projet de réforme constitutionnelle dont il est parfois fait mention pourrait permettre cette évolution.

En réponse le ministre a apporté les précisions suivantes aux différents intervenants :

- il s’est déclaré en accord sur les trois points soulevés par M. Destot. Ainsi, quels que soient les sentiments que l’attitude de la Pologne a pu nourrir chez ses partenaires, il s’avère que chaque Etat membre ayant adhéré en 2004 a demandé que la position polonaise soit mieux prise en compte lors des négociations sur le traité simplifié. Le ministre a annoncé qu’il se rendrait dans les nouveaux Etats membres de façon plus systématique. Des voyages sont ainsi prévus prochainement, notamment en Slovénie et, à l’automne, dans les Etats baltes. Il est clair que la France doit renforcer sa présence dans ces pays ;

- concernant la recherche, le Président de la Commission européenne M. Barroso a montré l’intérêt qu’il portait à ses questions par son implication dans le projet d’Institut européen de technologie. Celui-ci n’est qu’un premier pas et la politique de recherche gagnera en efficacité par un fonctionnement en réseaux et une approche par pôles, permettant une amélioration de la sélection des projets soutenus. Le ministre a également affirmé que la France soutiendra la Commission dans le domaine des transports afin d’accomplir des actions concrètes ;

- la France veillera à ce que la Charte des droits fondamentaux ne subisse aucune modification lors de la Conférence intergouvernementale. Quant au choix fait par le Royaume-Uni de ne pas être lié par la charte, il appartient désormais aux partenaires sociaux et aux acteurs politiques de ce pays de convaincre le gouvernement britannique ;

- la question des frontières de l’Europe dépasse le cadre strictement géographique. L’Union européenne est une organisation fondée sur des valeurs communes, ce qui est le sens de l’existence des critères de Copenhague. Il faut donc mener une réflexion sur le contenu de ces valeurs et engager la discussion sur le sujet au bon moment. La position du Président de la République sur l’adhésion de la Turquie est connue. Sur ce sujet, il convient de ne pas compliquer la situation actuelle en Turquie. Des élections auront lieu le 22 juillet dans ce pays et il faudra tenir compte des nouveaux interlocuteurs qui apparaîtront peut-être. En attendant, les négociations sur certains chapitres techniques déjà ouverts peuvent se poursuivre ;

- un effort substantiel de communication sera accompli pour faire accompagner le processus de ratification du traité simplifié ;

- l’Europe n’est ni à la carte, ni homogène, il existe en revanche des domaines importants de convergence. Les Britanniques auront nécessairement un choix à faire mais il est impossible de préjuger d’ores et déjà de ce qu’il sera ;

- partageant le point de vue de M. Garrigue, le ministre a considéré que le changement d’attitude en Europe envers la France relèverait d’une véritable rupture ;

- un meilleur équilibre doit être trouvé entre politique de la concurrence et politique industrielle. Ceci a justifié la volonté de ne plus faire de « la concurrence libre et non faussée » un objectif de l’Union. Ce retrait permettra aux diverses autorités communautaires, notamment la Cour de justice, de ne plus voir dans la concurrence qu’un simple instrument et non pas une fin en soi ;

- une étape doit être franchie en matière de régulation financière afin de doter l’Europe d’un système autonome de règles dans ce domaine, notamment par rapport aux Etats-Unis ;

- enfin, le ministre a indiqué qu’il s’était déjà exprimé sur les avancées du traité simplifié concernant le rôle des Parlements nationaux et qu’il ne souhaitait pas se prononcer sur l’évolution des institutions françaises, du fait notamment du projet de création d’une Commission spécialement chargée de cette question.

M. Louis Guédon a regretté l’inertie européenne dans la crise actuelle de la pêche. L’absence de réponse globale aux difficultés de la pêche oblige à des discussions bilatérales complexes. Il a encouragé le Gouvernement français à clarifier sa politique européenne en cette matière arguant du fait que notre pays dispose de la zone littorale la plus étendue de l’Union.

Mme Elisabeth Guigou est revenue sur le dernier Conseil « Ecofin » pour s’étonner du non-respect des critères de Maastricht. Elle a demandé au ministre de préciser la méthode et le calendrier du Gouvernement pour parvenir à l’objectif de l’équilibre budgétaire. Elle a, en outre, souhaité que les chefs d’Etat ou de gouvernement prennent leurs responsabilités pour améliorer la gouvernance économique de la zone euro. En acceptant de traiter ces questions au sein du Conseil européen, les responsables européens faciliteraient leur dialogue avec la Banque centrale européenne. Elle a également interrogé le ministre sur le projet d’Union méditerranéenne, en espérant que cette belle idée ne sera pas gâchée : quelles conséquences pour la Turquie, quelle articulation avec l’Union européenne, quel modèle institutionnel, quel budget ? Autant de questions essentielles actuellement sans réponse. Elle a enfin souhaité connaître les sujets prioritaires de la prochaine présidence française de l’Union.

M. Hervé Gaymard a souligné l’importance pour l’Europe des questions énergétiques, au premier rang desquelles la tarification de l’énergie. Il a jugé essentiel de définir une stratégie industrielle européenne inventive. Il a interrogé le ministre sur la méthode retenue par le Gouvernement pour préparer la révision de la politique agricole commune en rappelant l’utilité de formuler des propositions en amont.

Mme Nicole Ameline s’est félicitée de la relance du processus de Barcelone et de l’ébauche d’un nouveau partenariat avec l’Afrique. Estimant que la voix de l’Europe porte aujourd’hui sur la scène politique internationale, elle a appelé le Gouvernement à soutenir une vision européenne de la mondialisation, qui lui permette de défendre ses valeurs dans un système multilatéral.

M Jean-Paul Lecoq a contesté le choix de la voie parlementaire pour la ratification du futur traité alors que le référendum avait suscité un réel intérêt des citoyens. Il a insisté sur la responsabilité pédagogique du Gouvernement dans le débat avec les citoyens. Il a estimé que l’idée très séduisante de l’Union méditerranéenne se heurtait à deux obstacles que la présidence française devra surmonter : la question palestinienne d’une part et la revendication du Sahara occidental d’autre part.

M. Jacques Myard a demandé des précisions sur quatre aspects du futur traité : Comment la politique industrielle sera-t-elle inscrite dans les textes ? Quelle sera la personnalité juridique de l’Union européenne ? Quel est le processus de décision pour les coopérations renforcées ? Quel sera le profil des candidats à la présidence s’il est interdit aux chefs d’Etat ou de gouvernement en exercice d’occuper cette fonction ?

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a apporté les précisions suivantes :

– afin de défendre les intérêts des pêcheurs, le Gouvernement a engagé des discussions avec l’Espagne et la Commission européenne à propos de la crise de la pêche à l’anchois. Le Conseil « Agriculture et Pêche » débat de cette question ;

– le critère de Maastricht relatif au déficit budgétaire est d’ores et déjà respecté. Quant à la dette, l’objectif est de parvenir à une stabilisation à 63,7 % en fin d’année. Le Gouvernement communiquera ses objectifs budgétaires ainsi que les moyens d’y parvenir avant le prochain Conseil « Ecofin » de septembre. Sans attendre la présidence française, la politique monétaire actuelle justifie en effet que les chefs d’Etat ou de gouvernement s’emparent de la question de la gouvernance économique afin de nouer un dialogue constructif avec la Banque centrale européenne ;

– le projet d’Union méditerranéenne ne constitue en aucun cas une alternative à l’Union européenne qui serait proposée à la Turquie. Ce projet vise à pallier les insuffisances du processus de Barcelone sans en remettre en cause les acquis. Il s’agit non seulement d’approfondir le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée mais également de renforcer la coopération entre les pays de la rive Sud. Inspirée par la construction européenne, l’Union méditerranéenne s’appuierait sur des projets concrets pour favoriser l’intégration régionale et pourrait ainsi faciliter le règlement de certains différends régionaux. Elle permettrait, en outre, de donner à la Méditerranée sa place dans la mondialisation qui lui fait actuellement défaut alors que l’Asie et dans une moindre mesure l’Afrique sont des zones clairement identifiées ;

– face aux accusations protectionnistes, l’Europe doit faire valoir l’absence de contradiction entre l’acceptation de la mondialisation et la défense des intérêts européens. La France fait la preuve que l’ouverture de ses frontières et de ses marchés et la défense de ses valeurs sont conciliables. L’articulation entre les instances multilatérales (en matière sociale, environnementale ou commerciale) doit être améliorée ;

– deux thèmes imposés sont inscrits à l’agenda de la présidence française : la révision des perspectives financières et l’évaluation de la politique agricole commune. La France souhaite travailler avec ses partenaires sur un diagnostic et une vision à moyen terme partagés qui ne se limite pas aux seuls aspects financiers ;

– outre la suppression de la concurrence dans les objectifs de l’Union, le futur traité contiendra des avancées sur les coopérations renforcées. La personnalité juridique unique de l’Union est acquise. Elle restera comparable à celle confiée aux organisations internationales. Quant au choix du futur président du Conseil européen, l’exclusion des chefs d’État ou de gouvernement en exercice n’empêchera pas de trouver de très bons candidats ;

– la politique énergétique préoccupe les responsables européens en raison des exigences contradictoires auxquelles celle-ci doit obéir : concilier concurrence, compétitivité et satisfaction du consommateur nécessite une approche pragmatique de ces questions qui ne pénalise pas les entreprises.

Le Président Axel Poniatowski a remercié le ministre pour son intervention.