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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 24 octobre 2007

16 h 15

Compte rendu no 15

Présidence de M. Daniel Garrigue Vice-président de la Délégation pour l’Union européenne et de M. Patrick Ollier Président de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Audition, commune avec la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la politique agricole commune, ouverte à la presse

Audition, commune avec la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la politique agricole commune, ouverte à la presse

Le Président Patrick Ollier a remercié, au nom de l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture et du développement rural, pour sa présence et sa disponibilité.

L’organisation de cette audition conjointe avec la délégation pour l’Union européenne, sur la politique agricole, sujet qui est au cœur des préoccupations de la commission des affaires économiques, était un événement important. En effet, les questions à aborder ensemble ne manquent pas, qu’il s’agisse des échéances à court terme, comme la finalisation de la réforme de l’organisation commune du marché (OCM) vitivinicole, ou, à plus longue échéance, le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) à mi-parcours et la prochaine réforme de la politique agricole à l’horizon 2013, dont il faut se saisir dès à présent.

Les ministres français de l’agriculture, aujourd’hui M. Michel Barnier, M. Hervé Gaymard en son temps, présent en tant que membre de la délégation pour l’Union européenne, ont tous de grandes ambitions pour l’agriculture française. L’objectif que le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a fixé est à la fois simple et difficile : faire en sorte que les agriculteurs puissent vivre du prix de leurs productions et non des aides qu’on leur verse. Pour ce faire, ils ont besoin de filets de sécurité et de dispositifs de stabilisation du marché afin de pouvoir réagir en temps de crise. Ils ont également besoin qu’on mette des outils à leur disposition pour se prémunir contre les risques climatiques et sanitaires et faire face aux aléas, comme aujourd’hui avec l’épidémie de fièvre catarrhale ovine. Quel est l’avis de la Commission de Bruxelles à la fois sur cet objectif ambitieux et sur la mise en place au niveau communautaire de tels mécanismes ?

Après avoir excusé le Président Pierre Lequiller, souffrant, M. Daniel Garrigue, vice-président de la délégation pour l’Union européenne, a souhaité à son tour la bienvenue à Mme Mariann Fischer-Boel pour sa deuxième audition conjointe par la Commission des affaires économiques et la délégation pour l’Union européenne, la première ayant eu lieu il y a deux ans.

Le premier sujet qui s’impose pour cette audition est sans aucun doute la réforme de l’OCM vitivinicole. Si la proposition de la Commission a été plutôt bien accueillie dans ses principes par la profession, des questions demeurent, en particulier sur la possibilité, pour les producteurs de vins à indications géographiques ou appellations d’origine, de conserver leurs pouvoirs d’organisation, qu’il s’agisse des droits de plantation, de la possibilité de faire de la promotion sur le marché intérieur – qui représente tout de même 70 % du marché mondial – ou des aides à l’export.

Le second sujet à aborder est évidemment le bilan de santé de la PAC à mi-parcours, sur lequel travaillent déjà trois membres de la délégation pour l’Union européenne, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Claude Fruteau et M. Jean Dionis du Séjour. Des interrogations demeurent cependant sur les intentions de la Commission et sur le contenu de la communication qu’elle doit faire le 20 novembre prochain.

Enfin, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, se fondant sur les évolutions actuelles du marché mais également sur les évolutions structurelles de l’agriculture, a récemment appelé à une révision profonde des mécanismes de la PAC afin de laisser plus de place aux prix et à la production et a encouragé la mise en œuvre d’une véritable « préférence communautaire ». Il serait intéressant de savoir comment ces prises de position, qui ont eu un large écho en France, ont été reçues à Bruxelles.

Après avoir remercié ses hôtes, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture, s’est félicitée de l’occasion qui lui était donnée de faire le point sur la politique agricole et rurale. Paraphrasant le docteur Pangloss dans Candide, elle a estimé que si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n’en restait pas moins beaucoup de travail. Appréciant de pouvoir échanger avec des interlocuteurs comme le ministre français de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, ouvert aux idées nouvelles et aux changements, elle a indiqué qu’elle partageait un certain nombre de vues avec la France sur la PAC, comme la nécessité de maintenir le caractère concurrentiel du secteur agricole, tout en renforçant le tissu rural et en prenant en compte les questions environnementales.

Sur la prochaine réforme de la PAC, un changement radical n’est pas nécessaire car la politique agricole actuelle est déjà sur la bonne voie. Le Président Sarkozy dans son discours sur l’agriculture a fait référence aux politiques de paiement unique, de découplage et de modulation : ce ne sont certes pas les notions les plus transparentes qui soient, mais derrière ces notions, se cachent des réalités tangibles très importantes et très bénéfiques pour l’agriculture.

Ainsi, le système de paiement unique découplé s’avère aujourd’hui beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs qu’un système de soutien aux prix : il leur appartient en effet désormais de prendre la décision de produire, en fonction des équilibres sur le marché, plutôt que de chercher à obtenir de Bruxelles les meilleures subventions possibles. C’est ce qui a permis notamment à la filière bovine de passer d’une production axée sur la quantité à une production de qualité. Dans ce nouveau système, lorsque les prix sont élevés, les producteurs ont la liberté de réagir aux signaux du marché et, en cas de crise, ils bénéficient d’aides beaucoup plus efficaces.

Le système actuel est par ailleurs fondé sur le principe de « respect croisé » qui garantit que lorsqu’un producteur perçoit des aides, qui sont de l’argent public, il peut justifier en contrepartie, vis-à-vis du contribuable et du consommateur européen, qu’il respecte des standards élevés en matière de bien-être animal, de respect de l’environnement et de sécurité sanitaire des produits.

La modulation des aides directes correspond à une équation simple où le développement de l’agriculture va de pair avec la préservation des zones rurales et le respect de l’environnement. Si d’aucuns s’accordent sur les fondements de cette équation, la seule option pour la concrétiser a été jusqu’à présent de la financer en prélevant les sommes nécessaires sur les paiements directs.

Enfin, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des déclinaisons nationales des droits à paiement unique ne plaident pas pour leur abolition au bout de deux années seulement d’application de la réforme.

Il reste donc beaucoup à faire. Depuis la réforme de 2003, 12 nouveaux membres ont rejoint l’Union européenne, le marché international a beaucoup changé et de nouveaux défis se sont présentés. Dans ce contexte, la PAC doit continuer à donner les résultats escomptés dans un cadre simple et efficace : des ajustements sont donc nécessaires d’ici 2013 pour que la politique agricole continue dans la bonne direction et ouvre la voie à l’après-2013.

À cet égard, la communication de la Commission à la mi-novembre devrait aborder la question de la révision du système actuel des paiements uniques et plus précisément de la partie couplée de ces paiements. Le couplage répondait initialement à une demande de flexibilité dans la mise en œuvre des droits à paiement unique (DPU), qui ne se justifie plus, en particulier dans certains secteurs comme les céréales. Il conviendrait également d’évoluer vers un modèle où le paiement à l’hectare est le même partout : comment expliquer dans dix ans le maintien de certaines aides sur la seule base des références historiques ? Par ailleurs, l’instauration d’une limite de paiement inférieure, liée par exemple à la superficie des exploitations, doit également être étudiée. Enfin, s’agissant des mesures de marché, la question de l’intervention devra être abordée lors du bilan de santé, ainsi que celle de la jachère, qui apparaît certes aujourd’hui comme un outil dépassé, mais dont l’abolition pourrait avoir des conséquences importantes sur le marché des céréales.

À cet égard, le niveau actuel des prix des céréales mérite qu’on s’y arrête et qu’on clarifie certains points. Ce niveau de prix n’est en aucun cas le résultat de l’orientation en Europe de la culture de céréales vers la production d’éthanol, celle-ci représentant moins de 2 % de la production céréalière totale. Les mauvaises conditions météorologiques, la limitation des exportations des deux grands pays producteurs que sont la Russie et l’Ukraine, ainsi que la décision des États-Unis de s’engager massivement dans la production de maïs destiné à la filière éthanol suffisent à expliquer ce phénomène. Par ailleurs, l’élévation des prix des céréales ne peut justifier à elle seule l’augmentation du prix du pain : en effet, une étude réalisée en Allemagne démontre que seuls 4 % du prix du pain sont dépendants du prix du blé ; les postes transports, main-d’œuvre et énergie sont des facteurs beaucoup plus importants. En outre, il convient de rappeler que, si les prix des céréales ont beaucoup augmenté, ils partaient d’un niveau historiquement bas puisqu’ils n’avaient pas bougé depuis près de vingt ans.

Pour répondre à cette situation, l’Union européenne a réagi avec promptitude en prenant rapidement la décision d’abolir la jachère, décision effective pour les semailles d’automne. Cette question sera également abordée dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Enfin, la suspension des droits de douane à l’importation a également été proposée. Parallèlement, pour les filières qui subissent de plein fouet la hausse des cours des matières premières, des solutions seront avancées, comme le déblocage d’une aide au stockage privé qui a été décidé pour la filière porcine.

S’agissant du secteur laitier, les quotas devront être éliminés d’ici 2015. L’augmentation considérable de la demande par rapport à l’offre démontre en effet qu’il y a un problème dans cette filière, problème dans lequel la France a sa part. Un « atterrissage en douceur » (« soft landing ») avant l’abolition des quotas devra néanmoins être proposé.

Enfin, d’autres points devraient être traités dans le cadre du bilan de santé de la PAC : l’orientation de la politique agricole vers le développement rural, la lutte contre les changements climatiques, une meilleure gestion de l’eau et le développement des bioénergies, singulièrement des biocarburants de deuxième génération.

S’agissant maintenant de la réforme de l’OCM vitivinicole, beaucoup de rumeurs circulent sur les intentions de la Commission, qui sont fausses. S’il est normal que le débat soit passionné, il est regrettable que de telles erreurs, de tels mythes, soient véhiculés sur le sujet. Ainsi, il faut avant tout rappeler que le premier préalable à la réforme est rempli : chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’un changement. Alors que la production et les importations augmentent, les exportations et la consommation intérieure diminuent. Aussi, si le régime actuel devait perdurer, ce serait quelque 13 millions d’hectolitres de vins excédentaires qui seraient produits chaque année.

Le premier objectif que doit poursuivre la réforme est de garantir la compétitivité du secteur en équilibrant l’offre et la demande. Néanmoins les conséquences en termes d’environnement, de tissu social et de paysage des régions viticoles doivent également être prises en considération. La filière viticole doit sortir renforcée de cette réforme et non affaiblie. Le second objectif est de parvenir à dépenser le budget actuel alloué au secteur, 1,3 milliard d’euros par an, de manière plus intelligente. Quelles sont les grandes lignes de la proposition de la Commission ?

Il s’agit tout d’abord de mettre fin au système des droits de plantation afin de donner plus de liberté aux producteurs. Il est aujourd’hui avéré que le système des droits de plantation a échoué à mettre le secteur à l’abri des crises et désormais l’étrangle. Face à l’énorme potentiel de consommation que représentent les marchés chinois et indien (avec en moyenne 25 à 30 millions de personnes qui entrent dans la classe moyenne de ces pays chaque année), il convient de libérer notre potentiel de production. Alors que le système des droits de plantation doit expirer en 2010, la Commission propose de le laisser progressivement s’éteindre jusqu’en 2013. Sa suppression permettra ainsi d’abolir tout encouragement à la surproduction dans la mesure où les exploitants planteront alors à leurs propres frais. Cette réforme ne menace en aucun cas les indications géographiques, même si elles sont parfois mal utilisées, et ne contribuera pas à les dévaloriser.

S’agissant ensuite de l’arrachage, celui-ci ne sera pas obligatoire. Il s’agit essentiellement d’une mesure à caractère social qui doit rendre plus facile le passage à la fin du système des droits de plantation en 2013 en permettant à ceux qui le désirent de se retirer dans la dignité, sans faillite. Ceux qui choisiront cette option seront payés pour arracher et verront les droits attachés à leur terre transférer dans le système des paiements uniques. Cette mesure pourra en outre être complétée par d’autres programmes d’accompagnement, comme des aides au départ en retraite anticipée. Le chiffre de 200 000 hectares à arracher, qui a été avancé, n’est pas un objectif à atteindre mais une simple projection.

Enfin, sur les labels, des hypothèses circulent concernant les procédés de vinification, selon lesquelles les raisins pourraient être vinifiés hors des zones géographiques correspondant aux indications géographiques : c’est absurde. En revanche, l’utilisation de la référence au cépage pourrait constituer une opportunité intéressante : c’est par ce biais que les vins de Californie, d’Argentine ou du Chili se sont frayé un chemin jusqu’à nos marchés.

En conclusion, la réforme de l’OCM vitivinicole doit offrir aux producteurs des conditions de rentabilité renforcée. Pour les aider, un budget de 120 millions d’euros par an sera disponible au sein des enveloppes nationales pour la promotion des vins. Ainsi, même si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faut continuer à « cultiver notre jardin ».

Le Président Patrick Ollier a ensuite donné la parole aux orateurs des groupes et à ceux de la délégation pour l’Union européenne.

M. Antoine Herth, pour le groupe UMP, a remercié la commissaire de sa venue et de son exposé et a souligné que ses collègues ne manqueraient sans doute pas de la questionner sur le secteur sucrier, la filière porcine, l’élevage de volailles et la production de tabac. Mais comment ne pas s’interroger sur l’état des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’occasion du bilan de santé à mi-parcours de la PAC, alors que la réforme de 2003 avait en son temps été conçue comme la contribution de l’Europe à la conclusion d’un accord international ? qu’en sera-t-il du bilan de santé, alors que cet accord n’est toujours pas conclu et que nos partenaires ne font aucune concession ?

Comment, dans le bilan de santé de la PAC, sera abordée la question de la gestion des crises ? Certes, les aides découplées constituent un plus mais un outil spécifique au niveau communautaire ne serait-il pas nécessaire ?

Comment également seront pris en compte les enjeux environnementaux, notamment l’objectif de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, à l’heure où, en France, le processus du Grenelle de l’environnement affiche des objectifs ambitieux en la matière ?

D’un point de vue non plus technique mais politique, quelle signification la Commission donne-t-elle à la notion de préférence communautaire défendue récemment par le Président de la République ?

L’adoption du projet de traité simplifié changera-t-elle quelque chose pour la seule véritable politique commune européenne, la politique agricole ?

Enfin, quel est votre avis sur le transfert d’une partie des crédits de la politique agricole vers le programme Galileo ?

M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, après avoir remercié Mme la commissaire pour sa disponibilité, sa franchise et sa précision, a ensuite exprimé son adhésion, à l’idée d’organiser un bilan de santé de la PAC à mi-parcours eu égard à l’évolution de la situation générale depuis 2003. L’analyse faite par la Commission de la mise en place des paiements uniques et de l’utilisation des références historiques est également partagée par le groupe socialiste. Le critère utilisé est injuste et d’autant moins justifié que l’agriculture européenne s’inscrit dans le cadre du marché unique. La modulation des aides enfin est une bonne chose, à condition de s’entendre sur l’affectation des crédits ainsi dégagés.

L’analyse de Mme Fischer Boel sur la hausse des prix des céréales est tout à fait pertinente. En revanche, si la suspension des tarifs douaniers à l’importation apparaît aujourd’hui comme une proposition cohérente, si tant est qu’il y ait encore des céréales disponibles sur le marché, il convient de rester vigilant dans sa mise en œuvre afin de pouvoir rétablir aussi rapidement ces droits de douane en cas de retournement de tendance et ne pas se retrouver contraints, notamment dans le contexte des négociations à l’OMC, d’y renoncer définitivement.

Le débat autour de la notion de préférence communautaire mérite effectivement d’être éclairci.

S’agissant des quotas laitiers, il faut rappeler qu’en France ceux-ci ont permis de sauver à la fois l’agriculture familiale et la production de lait dans les zones défavorisées du territoire. Il est donc à craindre que leur abandon n’ait a contrario pour conséquence de concentrer l’activité de production dans les zones les plus favorisées.

La filière porcine pâtit en ce moment de la hausse des prix des céréales ainsi que du taux de change de l’euro par rapport au dollar. Il ne s’agit pas d’un problème de compétitivité et il paraît difficile que la filière puisse se contenter d’une aide au stockage privé. Ne pourrait-on pas alors envisager de mettre en place une subvention à l’exportation sur le modèle des montants compensatoires monétaires ?

M. André Chassaigne, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine, a réaffirmé la nécessité d’une définition claire du concept de préférence communautaire, qui figure de surcroît dans la lettre de mission adressée au ministre français de l’agriculture par le Président de la République.

Par ailleurs, les agriculteurs demandent aujourd’hui l’instauration d’un système de mutualisation des risques à l’échelle européenne. Qu’en pense la Commission ?

Les travaux du Grenelle de l’environnement font état de l’opportunité d’une réorientation de l’agriculture française en faveur de la filière biologique. Ce choix serait-il compatible avec l’objectif de compétitivité poursuivi par la Commission ?

La Commission semble envisager de faire évoluer le système des paiements uniques découplés vers un paiement à l’hectare. L’idée d’instaurer un plafond et un plancher a également été évoquée. Quelle pourrait être la limite inférieure d’éligibilité imposée aux petites exploitations ?

Quid de la prise en compte des handicaps naturels dans le bilan de santé de la PAC, en particulier de l’élevage en montagne ?

Dans le secteur de la viticulture, il y a une contradiction entre, d’une part, la suppression des droits de plantation et la volonté affichée de replanter, et, d’autre part, des mesures d’arrachage. On peut redouter que l’arrachage ne concerne in fine que les petits viticulteurs, qui ont pourtant opéré des investissements longs à rentabiliser, à la fois dans la terre et le matériel.

M. Hervé Gaymard, au nom du groupe UMP de la délégation pour l’Union européenne, a considéré que la politique agricole commune n’existait pas réellement mais, qu’elle était plutôt une juxtaposition d’organisations communes de marché d’intensité et d’effectivité variables, avec parallèlement une politique de développement rural. L’enjeu aujourd’hui est donc de fonder une politique agricole globale en créant des outils de gestion de marché modernes tout en soutenant des projets de développement rural.

Le maintien d’un découplage partiel des aides a permis de conserver une activité agricole dans des zones fragiles du territoire, comme dans le bassin allaitant ou encore dans les zones intermédiaires s’agissant des productions céréalières. Ne pourrait-on pas garder à l’avenir des formules de découplage partiel ?

Les droits à paiement unique pourraient-ils à l’avenir être utilisés comme des outils de gestion de crise contracycliques, sur le modèle du système optionnel de garantie des revenus qui existe aux États-Unis, tout en respectant les règles de l’organisation mondiale du commerce ?

Enfin, la question des quotas laitiers n’a pas été abordée lors de la réforme de 2003. Il faut garder à l’esprit qu’ils ne correspondent pas en France à des droits à produire marchandisés comme ils peuvent l’être dans d’autres États membres, mais qu’ils constituent avant tout un outil de la politique d’aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Fruteau, au nom du groupe socialiste de la délégation pour l’Union européenne, a remercié la commissaire, se souvenant de la franchise de leurs dialogues au Parlement européen et estimé qu’il fallait nuancer les propos de M. Hervé Gaymard : il existe bien, depuis longtemps, une politique agricole commune et c’est grâce à elle qu’il reste encore des agriculteurs dans l’Union européenne. Pour autant, de fortes hétérogénéités demeurent entre les États membres, encore accrues par la réforme de 2003. Les objectifs poursuivis peuvent être partagés par tous : maintenir une agriculture de qualité, compétitive et durable, visant l’autosuffisance alimentaire. La finalité des réformes en cours ne saurait toutefois conduire à une dérégulation progressive, qui aboutirait d’ailleurs à la disparition de la PAC. Les contraintes qui pèsent sur le budget de l’Union européenne étant connues, quelles garanties peut-on avoir que la réforme de la PAC ne sera pas un prétexte pour diminuer les crédits qui lui sont consacrés ?

M. Thierry Mariani, chargé du suivi de la réforme de l’OCM vitivinicole au nom de la délégation pour l’Union européenne, est intervenu sur ce sujet, constatant d’emblée que tout le monde approuvait en privé la proposition d’arrachage dénoncée en public. En revanche, la gestion concrète de cet arrachage suscite des interrogations : selon quelles modalités seront menées ces opérations ? à quel rythme ? trois ou cinq ans ? la totalité des surfaces pour lesquelles les producteurs souhaitent souscrire à l’arrachage seront-elles éligibles ou feront-elles l’objet de quotas ?

Sur la promotion des vins, pourquoi exclure le marché intérieur, alors qu’il représente l’essentiel des débouchés ?

Sur la préférence communautaire, on peut penser qu’elle signifie que nos producteurs doivent lutter à armes égales avec leurs concurrents : dans cette perspective, est-il envisagé d’imposer aux vins produits dans les pays tiers les mêmes contraintes de traçabilité, notamment sur les produits phytosanitaires, que celles qui pèsent sur les vins européens ?

S’agissant des conséquences structurelles de la réforme de l’OCM vitivinicole, comment peut-on aider les caves coopératives, qui seront vraisemblablement obligées de fusionner parce qu’elles n’atteignent plus la taille critique sur le marché ?

Enfin, pourquoi ne pas maintenir les droits de plantation pour les appellations haut de gamme qui ne subissent pas la concurrence des produits extérieurs ?

En réponse aux questions des parlementaires, Mme Mariann Fischer Boel a apporté les indications suivantes :

– les négociations à l’OMC se poursuivent dans le cadre du mandat donné à la Commission européenne par les États membres, qui stipule de ne pas aller au-delà des concessions déjà apportées dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003. Le négociateur européen devrait donc obtenir préalablement l’accord du Conseil s’il souhaitait introduire de nouveaux éléments en lien avec le bilan de santé de la PAC à mi-parcours ;

– de nombreuses idées ont été formulées pour améliorer la gestion des crises : accroître la modulation en faveur d’un second pilier ou prélever un pourcentage sur le premier pilier destiné à cofinancer un système d’assurance pour les risques santé et météo. Ce sujet sera débattu sans nul doute lors du bilan de santé ;

– sur la préférence communautaire, la traduction de ce qu’a voulu dire le président de la République française est un peu délicate. Il n’est pas question de construire une forteresse Europe. En revanche, il faut tenir compte du fait que l’agriculture européenne ne répond pas exclusivement à des préoccupations commerciales : le respect de l’environnement, de la sécurité sanitaire, du bien être animal impose de garantir un paiement de base à nos agriculteurs. Fermer les frontières serait en revanche contre-productif et nuirait à la compétitivité de nos produits sur les marchés extérieurs. A contrario, la diminution de nos droits de douane permet à nos produits d’accéder aux marchés émergents ;

– le nouveau Traité entraînera de profonds changements pour la politique agricole, qui sera à l’avenir copilotée par le Parlement européen. Il faudra donc veiller à la mise en place d’une coopération efficace et rapide entre les futurs acteurs de la politique agricole ;

– quant au transfert d’une partie du budget de la PAC vers le financement du programme Galileo, il ne s’agit que d’une utilisation ponctuelle de crédits disponibles, car inutilisés en 2007 en raison de la conjoncture favorable, afin d’aider au démarrage de ce programme. Il n’est pas question de diminuer à long terme le budget de la PAC à cette fin ;

– s’agissant de la modulation des aides directes en faveur du second pilier, elle devrait grandement contribuer à l’avenir à régler les problèmes qui se posent dans le cadre de la politique de développement rural ;

– sur les droits de douane sur les céréales, leur réduction ne vaut que pour un an. Si le marché changeait, ces droits seraient rétablis sans hésitation ;

– une suppression brutale des quotas laitiers est exclue. Il est évident que dans certaines zones du territoire, comme les zones de montagne, les quotas laitiers constituent une forme de soutien, c’est pourquoi il doit s’agir d’une évolution en douceur ;

– quant au marché du porc, la période actuelle est très difficile, mais l’aide au stockage privé est une bien meilleure solution que les restitutions à l’export. Il faut en effet envoyer des signaux clairs à la profession en faveur d’une baisse de la production ;

– le développement de l’agriculture biologique est certes soutenu dans le cadre de la politique de développement rural, mais la filière doit aussi se confronter directement au marché. Or, en termes de compétitivité, les modes de production biologiques sont plus coûteux. Toutefois, si un marché parvient à émerger pour ces produits alors des opportunités de développement se présenteront pour la filière ;

– pour le vin, la législation actuelle sur les droits de plantation court jusqu’en 2010. La disparition progressive de ce système doit coïncider avec la réalisation du schéma d’arrachage, de préférence sur cinq ans. Si celui-ci ne s’étend que sur trois ans, il faudra alors adapter la compensation en contrepartie de l’arrachage, qui doit être maximale la première année, afin d’être incitative ;

– il y a toujours une politique agricole commune. En revanche, l’introduction de politiques cofinancées par les États membres au sein du premier pilier, idée qui est parfois avancée à l’approche de la révision des perspectives financières de l’Union européenne, signerait la mort de la PAC. Mais bien sûr une certaine souplesse doit être préservée dans l’application des politiques européennes car les modèles « taille unique » ne fonctionnent pas ;

– les outils de gestion des marchés devront être examinés et adaptés à l’occasion du bilan de santé ;

– sur le régime des paiements uniques, la préservation d’aides couplées sur certaines productions dans un but écologique ou d’aménagement du territoire devra être discutée dans le cadre du bilan de santé mais le couplage partiel des aides dans le secteur des céréales ne paraît pas pouvoir être maintenu. Quant aux DPU, il est exclu qu’ils évoluent sur le modèle américain alors même que l’Union européenne lutte à l’OMC pour que le système des paiements contracycliques disparaisse, car c’est le mécanisme qui fausse le plus les échanges. Il doit exister des solutions plus élégantes à nos problèmes ;

– une extension au marché intérieur de la promotion des vins est envisageable. Par ailleurs, les indications géographiques pourront conserver leurs mesures de restriction de plantation si elles le souhaitent.

Le Président Patrick Ollier a ensuite donné à nouveau la parole aux parlementaires pour des questions.

M. François Brottes a demandé à la commissaire si elle envisageait encore un avenir pour l’agriculture de montagne, en dehors de l’aspect développement rural. Pensez-vous que la situation de l’agriculture de montagne justifie un traitement particulier pour l’aider à surmonter ses handicaps naturels (gel, pente, neige etc.) ?

Alors que le changement climatique est une préoccupation croissante, la sylviculture, qui remplit également le vide de la déprise agricole, pourrait-elle être pleinement intégrée au portefeuille de la commissaire ?

M. Philippe-Armand Martin a demandé s’il ne serait pas raisonnable de maintenir un système d’ouverture des droits de plantation en fonction des débouchés, soulignant le risque que se développe en cas de libéralisation une concurrence déloyale avec la multiplication, autour des grandes appellations, des plantations par des marques de vins de table venant concurrencer les vins de pays et les appellations d’origine contrôlée (AOC).

Ne serait-il pas préférable par ailleurs de substituer au système actuel de distillation de crise un système de distillation obligatoire mais sans financement donnant aux interprofessions la possibilité de réguler les excédents ?

Sur l’étiquetage, la création de vins de table à indication de provenance risque de mettre en difficulté les vins de pays et les vins à appellation. Ne pourrait-on pas les remplacer par une référence à l’État membre ?

S’agissant des pratiques œnologiques, la suppression du saccharose proposée dans le cadre de la réforme risque de créer des difficultés dans certaines régions où celui-ci est employé et où les productions marchent bien, comme la Champagne, pour imposer des moûts quasiment invendables en provenance d’autres régions.

Enfin, quelles seront, dans le cadre de la réforme, les compétences des groupements de producteurs, en particulier par rapport aux interprofessions actuelles qui dans certaines productions fonctionnent très bien ?

M. Alfred Almont a rappelé que parallèlement au bilan de la PAC à mi-parcours aurait lieu l’évaluation du volet agricole du dispositif POSEI qui inclut désormais les soutiens communautaires à la banane, au sucre et aux filières de diversification que sont l’élevage et les cultures maraîchères. Ce dispositif ayant été récemment mis en œuvre, la Commission peut-elle nous assurer que le bilan de santé n’affectera pas le niveau de soutien communautaire aux productions d'outre-mer ? Sous le mandat de la commissaire, plusieurs réformes importantes ont été conduites pour l’agriculture d’outre-mer qui ont permis de donner une visibilité aux filières et procurer un certain équilibre aux économies locales. Au niveau international, les accords de partenariat économique (APE) remettent cependant en cause ces évolutions positives. Dans ce contexte, le cadre financier du POSEI ne devrait-il pas être consolidé afin de compenser aux producteurs locaux la perte de compétitivité résultant de l’entrée sur les marchés communautaires, continental et local de productions identiques à celles d’Outre-mer ?

Mme Corinne Erhel a demandé à la commissaire son opinion sur la déclinaison française de la réforme des droits à paiement unique basée sur les références historiques par opposition à l’option de la régionalisation, avec modulation et plafonnement. Sur l’agriculture biologique, la Commission souhaite-t-elle encourager ce mode de production ?

M. Jean-Paul Charié a insisté sur le fait qu’aujourd'hui, pour certaines productions agricoles comme les céréales, qui connaissent une hausse des prix, les interventions de l'Union européenne sont moins attendues, voire moins souhaitables, qu'à d'autres époques. Cependant, alors que l’agriculture au niveau mondial est de moins en moins capable de répondre à l’augmentation de la demande, le maintien des outils de production et des savoir-faire demeure un impératif, notamment en temps de crise : est-ce que le co-financement d’un système d’assurance qui a été évoqué précédemment ne pourrait pas précisément répondre à cet objectif ? Par ailleurs, quelle est la position de la Commission sur les quotas betteraviers et le sucre, le maintien des capacités de production en France étant indispensable.

M. Germinal Peiro, après avoir rappelé que la tabaculture employait encore 100 000 personnes en Europe et reconnu que c’était un secteur très soutenu – le prix du tabac en France inclut ainsi 70 à 75 % de primes – s’est interrogé sur le maintien du dispositif actuel en faveur des producteurs de tabac, menacé par la politique de découplage, dans un contexte où l'Union européenne ne produit que 30 % du tabac qu'elle consomme. Le soutien aux producteurs de tabac est en effet à distinguer du soutien à la consommation du tabac, la lutte contre le tabagisme étant une priorité nationale.

M. Michel Piron a demandé quel type de régulation du marché était envisagé par la Commission dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole et quelle politique de promotion qualitative, dans la mesure où la question des AOC est fondamentale pour le vin.

Mme Pascale Got a souhaité que des outils de régulation du marché soient conservés dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole, suggérant de réformer la distillation plutôt que la supprimer et de se priver de tout moyen d’intervenir de manière conjoncturelle sur les stocks excédentaires. Ne serait-il pas également plus pertinent, plutôt que de prôner l’arrêt de la chaptalisation, de la laisser à l'initiative des territoires ? Enfin, l’arrachage, préconisé comme réponse à une production actuellement excédentaire, rend difficile tout retour en arrière en cas de changement de conjoncture : à cet égard, un système d’arrachage temporaire avec conservation des droits à plantation par le producteur ne serait-il pas un choix plus judicieux ?

M. Bernard Gérard a demandé à ce que la Commission veille à ce que le développement de la filière éthanol ne se fasse pas au détriment des filières classiques en privant d’approvisionnement les industries agro-alimentaires. Ainsi, aujourd'hui, les producteurs de levure ne trouvent plus de mélasse, car la betterave est utilisée pour faire de l'éthanol. Ce type de situation pourrait amener les entreprises à se délocaliser, privant la France et l’Union européenne non seulement d’un savoir-faire mais également d’une partie de ses capacités en termes de recherche et de développement.

Mme Claude Darciaux a déploré les effets de la réforme de l’OCM sucre sur l'industrie sucrière, soulignant que la baisse des quotas de sucre de plus de 20 % allait contraindre les grands groupes sucriers à fermer des sucreries en France. Or si l’Union européenne a prévu des aides pour ces groupes industriels et pour les planteurs de betteraves, elle a oublié les salariés des usines ainsi que les territoires que celles-ci faisaient vivre grâce aux emplois induits. En outre, alors que des usines vont aujourd’hui disparaître mettant en péril l’aménagement du territoire, ne risque-t-on pas à l’avenir de se retrouver dans la même situation pour le sucre que pour les céréales, avec une insuffisance de la production, eu égard à l'utilisation croissante qui est faite des betteraves dans la production d'éthanol ?

M. Gérard Voisin s’est associé à M. Philippe-Armand Martin pour déplorer la faiblesse du montant qu’il est prévu de consacrer à la promotion des vins dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole, avant d’évoquer l'épidémie de fièvre catarrhale et d’insister sur la nécessité de mettre en œuvre rapidement le nouveau règlement communautaire sur les mouvements d'animaux. Quelle sera par ailleurs la participation financière de l’Union européenne à la prochaine campagne de vaccination en vue de la reprise des échanges commerciaux au sein du marché communautaire et avec les pays tiers ?

M. William Dumas s'est inquiété des conséquences de l’arrachage de la vigne dans la région Languedoc Roussillon, dans la mesure où 100 000 hectares y ont déjà été arrachés il y a quelques années. Est-il vrai, comme on a pu le lire dans la presse, qu’il est prévu d’arrêter l’arrachage, dès que l’ensemble cumulé des opérations aura dépassé 10 % de la surface viticole ? Le rôle écologique de la vigne sera-t-il pris en compte dans le cadre de la réforme de l’OCM ? En effet, dans les régions sujettes aux incendies de forêt, comme le Languedoc Roussillon, la vigne s’avère un excellent pare-feu.

M. Michel Raison a demandé s’il fallait considérer les ajustements qui seraient présentés lors du bilan de santé le 20 novembre comme une préfiguration des réformes qui seraient proposées pour l’après-2013.

Les paiements uniques peuvent certes permettre de pallier en partie les risques climatiques ou économiques mais ils manquent de souplesse. Des filets de sécurité plus performants devraient être mis en œuvre, c'est-à-dire des gestions de marché plus prononcées. À cet égard, les hausses de prix que nous connaissons sont peut-être aussi la conséquence de ce manque d’organisation au niveau de l’Union européenne.

Enfin, lors du bilan de santé, pourra t-on envisager qu’un éventuel accroissement de la modulation puisse être utilisé afin d’aider les productions porcines et ovines qui souffrent particulièrement aujourd’hui ?

Mme Mariann Fischer Boel a ensuite apporté les éléments de réponse suivants :

– la réforme du secteur sucre faisait partie de nos engagements pris à l’OMC. La Commission a proposé une réforme de l’OCM visant à restructurer le secteur avec des compensations très intéressantes pour abandonner la production. Le nombre de producteurs européens qui ont quitté le marché s’est cependant avéré insuffisant : ainsi, si la production a été réduite de 1 200 000 tonnes la première année, la deuxième année a été décevante. C'est pourquoi une nouvelle prime de 300 euros par tonne a été introduite cette année au bénéfice des planteurs qui quittent le secteur. La France est un producteur de sucre très compétitif mais la réforme était nécessaire. L'ajustement définitif de la production devrait être atteint en 2008-2009. Des aides à la restructuration de l’industrie sucrière ont également été mises en place. Par ailleurs, les planteurs de betteraves conservent la possibilité de produire hors quota pour la filière pharmaceutique, la production d’énergie ou la filière éthanol. La réforme s’étalera par ailleurs jusqu’en 2014 ;

– sur l’OCM vitivinicole, la Commission préférera retirer sa proposition et laisser perdurer le régime actuel plutôt que de consentir à une mauvaise réforme. Continuer à dépenser un demi-milliard d’euros tous les ans pour la distillation n’est pas une solution d’avenir. 120 millions d'euros par an pour la promotion du vin est la meilleure proposition que la Commission puisse faire. Si les crédits communautaires sont jugés insuffisants, il subsiste néanmoins des marges de manœuvre dans les enveloppes nationales, les États membres ayant le choix des outils susceptibles d’aider au mieux leurs producteurs. La chaptalisation est un sujet difficile qui devra faire l’objet d’un compromis ;

– l’agriculture biologique est une bonne niche de production : elle devrait se développer même si elle coûte plus cher aux consommateurs, en particulier en direction de ceux qui ne souhaitent pas consommer d’organismes génétiquement modifiés (OGM), puisque ces derniers sont interdits dans la production biologique ;

– l'Union européenne pourrait effectivement envisager de soutenir le secteur de la sylviculture : celle-ci présente un grand potentiel pour les biocarburants de deuxième génération, grâce aux copeaux de bois qui en outre n’entrent pas en conflit avec les productions alimentaires. À cet égard, il faut encourager la recherche sur les biocarburants de deuxième génération dont l'objectif est qu'ils représentent d’ici 2020 30 % des biocarburants ;

– sur la réforme de l’OCM vitivinicole, utiliser les cépages dans l’étiquetage est une bonne idée, en revanche les accoler au nom d’un État membre pourrait nuire aux indications géographiques. Rendre la distillation obligatoire sans qu’aucun financement ne soit prévu me paraît également difficile à réaliser ;

– s’agissant du POSEI, les producteurs d’Outre-mer ont obtenu des conditions financières très favorables de la Commission pour les bananes et le sucre. Si la situation économique devait évoluer, ces conditions seraient en outre réexaminées. En tout état de cause, le bilan de santé n’interférera pas avec ce système dans la mesure où il ne vise aucune production en particulier ;

– il sera intéressant, lors du bilan de santé, d’examiner les possibilités qui nous sont données de mettre en place un dispositif de gestion de crise, mais celui-ci devra être compatible avec les règles de l’OMC : il appartiendra donc aux États membres intéressés de se saisir du sujet pour faire avancer la réflexion ;

– l’industrie du tabac a fait l’objet d’une importante réforme en 2004 ; on se trouve actuellement dans une phase de transition qui prendra fin en 2009. Dans un système qui sera alors totalement découplé, le secteur sera régulé par le seul marché, qui décidera de l’avenir de la production de tabac en Europe.

Le Président Patrick Ollier a remercié Mme Fischer Boel pour sa franchise et son pragmatisme. Il faut cependant comprendre la vision française des questions agricoles, qui ne s’attache pas aux seules données de la production, mais prend également en compte le rôle que joue l’agriculture en matière d’aménagement du territoire. Cette vision est différente de celle de la Commission, c’est pourquoi il faut poursuivre le dialogue pour trouver des terrains d’entente.

Le Président Daniel Garrigue a remercié à son tour Mme Fischer Boel pour la précision de son propos et la logique de ses analyses. Les objectifs de la réforme de l’OCM vitivinicole emportent aujourd’hui l’adhésion mais s’il est vrai que le monde viticole a besoin de cette mise à jour, celle-ci ne se fera pas sans un accompagnement significatif. Enfin, si le terme de « préférence communautaire » n’a pas été repris par madame la commissaire, celle-ci a néanmoins utilisé celui de réciprocité dans les relations avec nos concurrents. Il s’agit là d’une notion très importante qui pourrait nous aider à aborder un certain nombre de problèmes agricoles de façon différente.