Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mardi 1er décembre 2009

16 h 30

Compte rendu n° 128

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert sur la préparation de la Conférence de Copenhague

II. Audition, dans le cadre du rapport de Mme Odile Saugues sur la sécurité aérienne, de MM. Antonio Tajani, Vice-président de la Commission européenne, Patrick Goudou, Directeur exécutif de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, Patrick Gandil, Directeur général de l’Aviation civile, et Pierre-Henri Gourgeon, Directeur général exécutif du groupe Air France KLM (ouverte à la presse)

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 1er décembre 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

I. Examen du rapport d’information de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert sur la préparation de la Conférence de Copenhague

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. La conférence de Copenhague qui s’ouvrira dans quelques jours doit permettre de définir l’accord qui succédera après 2012 au protocole de Kyoto. Elle réunira les représentants de 192 pays, dont plus de 60 chefs d’Etat. L’enjeu est immense. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), dont les rapports font autorité, estime que si le réchauffement climatique dépasse 2° d’ici 2050, il sera très difficile de s’adapter à ses conséquences, telles que des phénomènes climatiques extrêmes, un bouleversement des écosystèmes et la disparition de zones côtières et de nombreuses îles. Le changement climatique s’explique par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. Depuis la révolution industrielle, la croissance repose sur les énergies émettrices de carbone et le défi est aujourd’hui de trouver de nouvelles formes de croissance s’appuyant sur des énergies propres.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Le GIEC souligne que l’objectif de 2° implique une réduction des émissions mondiales d’au moins 50 % d’ici 2050, dont une baisse de 80 à 95 % des émissions des pays développés et une déviation importante de celles des pays en développement par rapport à leur tendance actuelle. Le protocole de Kyoto, qui couvre la période 2008-2012, ne fixe d’objectifs qu’aux pays développés, à l’exception des Etats-Unis qui ne l’ont pas ratifié. En outre, son application est insuffisante : si l’Union européenne est en bonne voie pour respecter ses objectifs, de nombreux Etats n’ont pas mis en œuvre leurs engagements. Le contexte mondial a évolué depuis les années 1990. La Chine, qui n’a pas d’objectif contraignant dans le cadre du protocole de Kyoto, est devenue le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Comme le prévoit le plan d’action de Bali, adopté en 2007, le futur accord devra avoir une dimension mondiale.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Aux Etats-Unis, le Président Obama souhaite sincèrement faire de la lutte contre le changement climatique une priorité mais un engagement juridique est exclu sans l’adoption préalable d’une législation interne par le Congrès. L’administration souhaite en effet éviter à tout prix la répétition de l’échec du protocole de Kyoto, qui avait été signé par l’exécutif mais auquel le Sénat s’était ensuite opposé. Si la Chambre des représentants a d’ores et déjà voté un texte fixant des objectifs, la procédure au Sénat sur une proposition parallèle a pris du retard et le texte ne pourra pas être voté avant le printemps 2010. Les deux propositions devront ensuite converger vers un texte unique. Le vote à la Chambre des Représentants a été très serré et cela sera encore plus difficile au Sénat car 60 sénateurs sur 100 doivent soutenir la proposition pour qu’elle puisse être discutée.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. L’objectif de réduction qui figure dans le texte voté par la chambre des Représentants et qui est proposé par l’administration pour l’accord de Copenhague, – 17 % d’ici 2020 par rapport à 2005, correspond à une réduction de 4 % seulement par rapport à 1990, l’année de référence du protocole de Kyoto. Il est donc très en dessous des efforts requis et des engagements de l’Union européenne. Celle-ci s’est en effet fixé un objectif de réduction de ses émissions de 20 %, qu’elle pourra porter à 30 % en cas d’accord international suffisamment ambitieux.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Le fait que la Chine aspire à jouer un rôle international important l’amène à s’écarter des positions du G 77, qui représente l’ensemble des pays en développement. Elle s’est fixé des objectifs internes ambitieux, - 40 à - 45 % de réduction de son intensité carbone d’ici 2020 par rapport à 2005, mais refuse de leur donner un caractère contraignant dans le cadre du futur traité.

L’Inde est dans une situation différente. Sa position sur le changement climatique est fondée sur l’impératif de développement social et économique. Actuellement, sur une population de 1,2 milliard de personnes, 450 millions au moins n’ont pas accès à l’électricité. Le niveau des émissions par habitant, 1,2 tonne d’équivalent CO2, est l’un des plus faibles du monde. L’Inde refuse de prendre des engagements contraignants de limitation de ses émissions mais souhaite mettre en œuvre des actions nationales regroupées dans un plan annoncé en 2008.

La France s’efforce de favoriser l’obtention d’un accord entre pays en développement et pays développés, à travers la position commune qu’elle a adoptée avec le Brésil, ainsi que le plan « Justice climat » qui propose des financements pour les pays les plus vulnérables et une approche différenciée de l’atténuation selon le niveau de développement des pays.

Il est difficile de faire des pronostics sur l’issue de la conférence de Copenhague car les positions des Etats peuvent évoluer jusqu’au dernier jour. La conclusion d’un traité ne sera pas possible, compte tenu de l’état d’avancement des négociations, du fait notamment de la position des Etats-Unis et des délais pour l’adoption de leur loi intérieure. Copenhague doit déboucher sur un accord politique permettant d’atteindre l’objectif des 2°. Il faut que cet accord comporte des engagements précis et chiffrés. Le fait que de nombreux chefs d’Etat participent à la conférence est un signal positif. Le Président Obama y viendra le 9 décembre, avant ses homologues, ce qui est difficile à interpréter. La conclusion d’un traité interviendra l’année prochaine, peut-être lors de la prochaine conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur le climat, prévue à Mexico en novembre 2010.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie vivement les deux rapporteurs pour la présentation de ce qui constitue un rapport d’étape. Je vous rappelle qu’un débat est organisé demain, mercredi 2 décembre, dans l’hémicycle. Et notre commission aura l’occasion d’aborder à nouveau ces sujets après la conférence de Copenhague.

M. Philippe Tourtelier. On sait depuis longtemps que les Etats-Unis ne seront pas en mesure d’accepter un accord contraignant. Il est important que la conférence de Copenhague aboutisse au moins à une « feuille de route » à réaliser dans les années qui viennent dans le cadre de l’ONU.

2020, c’est dans dix ans. Parvenir à une réduction des émissions de 20 % constituerait déjà un résultat appréciable. Il est important de réaffirmer que l’atténuation et l’adaptation sont aussi importantes l’une que l’autre. Il faut également faire le lien de manière très forte entre la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre la pauvreté. Compte tenu de l’échec, à la fois, des « Objectifs du Millénaire » et du dispositif de Kyoto, il faut absolument réunir les deux démarches, dans le cadre des Nations Unies, alors qu’apparaît le risque de l’émergence d’un « G 2 » Etats-Unis/Chine. Il faut par ailleurs souligner que la lutte contre les « paradis fiscaux » est un des moyens de la lutte pour le développement.

L’Union européenne était crédible grâce à son dispositif « énergie-climat », mais a perdu cette crédibilité en raison des tergiversations européennes sur la question du financement.

Je regrette que ma proposition qui consistait à opérer une compensation de la dette écologique par une aide au développement grâce aux fonds issus des enchères n’ait pas été retenue.

Une « taxe carbone » aux frontières, pour éviter le dumping écologique, sera très difficile à mettre en œuvre.

M. Philippe-Armand Martin. Nous avons tous compris que la conférence de Copenhague est une occasion à ne pas manquer.

J’approuve particulièrement le paragraphe 11 des propositions de conclusions, sur la nécessité d’engagements précis en matière de financement des actions dans les pays en développement, et d’un renforcement substantiel des moyens correspondants. C’est un point important.

M. Jacques Myard. Les deux rapporteurs proposent d’aller vers une organisation internationale dotée de pouvoirs contraignants ; ceci est parfaitement utopique, compte tenu de la présentation qui vient d’être faite. Une autre méthode internationale, celle de la « soft law » ou « droit mou », serait aussi efficace pour réaliser les objectifs, comme cela a été le cas avec les accords d’Helsinki.

Les rapporteurs préconisent-ils l’instauration d’une « taxe carbone » aux frontières de l’Europe ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Oui, dans le dernier paragraphe des propositions de conclusions.

M. Jacques Myard. Il faudrait préciser ce point de manière explicite.

M. Jacques Desallangre. Sur quels éléments se fonde votre espoir de voir un accord politique conclu à Copenhague être suivi, dans quelques mois, par un traité contraignant ?

Mme Anne Grommerch. Je souscris tout à fait au paragraphe 19 de vos propositions de conclusions, qui demande le maintien d’un niveau d’exigence élevé vis-à-vis des partenaires de l’Union européenne, en particulier des Etats-Unis et de la Chine. Quelle est votre vision des choses en ce qui concerne la Chine et l’Inde ?

M. Michel Herbillon. Je remercie également les rapporteurs, tout en exprimant une certaine amertume. Les Etats-Unis n’ont pas bouclé leur dispositif politique, l’Inde est guidée par ses préoccupations internes, la Chine ne veut pas se trouver contrainte par un accord international : dans ces conditions, selon quelle grille de lecture pourra-t-on apprécier si le résultat de la conférence de Copenhague est un vrai succès ou un semi-échec ?

M. Christophe Caresche. Malgré le sentiment que nous avons qu’il y a des blocages partout, tous ces pays ne pourront pas s’abstraire de leurs responsabilités au plan mondial, ce qui laisse donc la place pour un certain espoir, d’autant que les opinions publiques exercent une réelle pression.

La position de la France me pose problème, ainsi que son articulation avec la position commune européenne. Le paragraphe 17 des propositions de conclusions approuve le plan « Justice-Climat » qui est – sauf erreur – strictement français, mais le paragraphe 19 demande que l’Union européenne parle d’une seule voix. N’est-ce pas contradictoire, ou du moins, ambigu ?

M. Gérard Voisin. Pourriez-vous expliciter l’expression « fuites de carbone » ? D’autre part, toute cette énorme machinerie coûte très cher… Et si M. Claude Allègre avait raison ?

M. Yves Bur. La solidarité avec les pays en développement est-elle suffisante ? Et l’Union européenne ne risque-t-elle pas d’être le « dindon de la farce » ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Pour répondre à M. Philippe Tourtelier, je suis d’accord avec l’idée qu’il faut inscrire tout ce processus dans le cadre de l’ONU. En revanche, je ne pense pas que la crédibilité de l’Union européenne ait été remise en cause, car lors de nos déplacements, nos interlocuteurs dans les différents pays ont reconnu devant nous la réalité de l’action de l’Europe et son leadership.

S’agissant des moyens mis en œuvre à destination des pays en développement, évoqués par M. Philippe Armand Martin, il s’agit des orientations décidées en 2008 à Potsdam, concernant à la fois des transferts de technologies et des aides financières. Le problème est qu’ensuite il ne s’est rien passé pendant des mois, et qu’un fossé s’est ainsi creusé entre les pays développés et les pays en développement. Ce fossé a commencé à se réduire à partir du moment où l’Union européenne a mis des propositions sur la table.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Les conditions d’un accord contraignant ne sont certes pas réunies aujourd’hui. Le succès sera là quand chacun aura pris des engagements, chiffrés, et contrôlables, et que des moyens seront donnés aux pays en développement pour se développer sans augmenter leurs émissions. Copenhague est une étape, pas un terme. Même si un traité est conclu ensuite dans quelques mois à Mexico, il faudra évaluer son application et prendre les décisions nécessaires à sa mise en œuvre, ce qui implique la poursuite d’un processus de concertation internationale.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Un accord politique assez ferme pourrait intervenir d’abord, puis une définition concrète des responsabilités dans les dix mois qui vont suivre.

S’agissant des positions françaises et européennes, je ne crois pas qu’elles soient en décalage. La France a fait preuve d’allant. Le Conseil « Environnement » du 23 novembre a très bien accueilli le plan « Justice-Climat » proposé par la France. A l’occasion du récent sommet Etats-Unis-Chine, les autres pays ont craint que ces deux puissances ne s’entendent à l’exclusion de leurs partenaires. La démarche du président Nicolas Sarkozy et du ministre Jean-Louis Borloo vise à rallier le plus grand nombre d’Etats possible pour peser sur le résultat de Copenhague.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. L’Union européenne ne sera pas le « dindon de la farce », l’Union européenne joue un rôle moteur, elle prend ses responsabilités vis-à-vis du monde. Nous devons aller de l’avant et convaincre.

A l’issue de ce débat, la commission a adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu les conclusions du Conseil Environnement du 21 octobre 2009,

Vu la directive n°2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive n° 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre,

Vu la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les Etats membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 janvier 2009 intitulée « Vers un accord global en matière de changement climatique à Copenhague » (COM [2009] 39),

Vu la communication de la Commission européenne du 10 septembre 2009 intitulée « Accroître le financement de la lutte contre le changement climatique : un projet européen pour l’accord de Copenhague » (COM [2009] 475),

1. Regrette vivement que, compte tenu de l’état d’avancement des négociations internationales, du fait notamment de la position des Etats-Unis et de l’état actuel de leur législation, la Conférence de Copenhague ne puisse permettre la conclusion d’un accord juridiquement contraignant en décembre 2009 ;

2. Demande que l’accord qui sera conclu à Copenhague comporte des engagements précis et chiffrés qui, selon le principe de bonne foi, devront être repris dans le cadre d’un traité et souligne qu’il est impératif que la Conférence de Copenhague fixe un calendrier précis pour l’adoption de ce texte juridiquement contraignant en 2010 ;

3. Estime que l’accord de Copenhague devra inclure des objectifs permettant de limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2050 ; à cette fin, les Etats parties devraient fixer l’année à partir de laquelle les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront décroître et s’accorder sur un objectif global de réduction d’au moins 50 % d’ici 2050 par rapport à 1990, les pays développés devant réduire leurs émissions d’au moins 80 % ;

4. Souhaite que les Etats développés réduisent collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990 ;

5. Se félicite de l’objectif de l’Union européenne qui s’est engagée à réduire ses émissions de 20 % d’ici 2020 et de 30 % en cas d’accord international suffisamment ambitieux ;

6. S’inquiète du fait que la plupart des pays développés aient annoncé des objectifs insuffisants ; souligne en particulier que, si l’annonce d’objectifs par les Etats-Unis est un pas important dans les négociations, ceux-ci restent trop faibles par rapport aux efforts nécessaires ;

7. Insiste sur la nécessité d’éviter un report des crédits d’émissions excédentaires après 2012 car ce report diminuerait substantiellement le niveau d’ambition de l’accord ;

8. Demande que l’accord prévoie une limitation de la croissance des émissions des Etats en développement, de façon à obtenir une déviation de 15 à 30 % par rapport à leur tendance actuelle, et précise que ces efforts devront être différenciés en fonction du niveau de développement, seuls les Etats émergents devant prendre des engagements contraignants de limitation de leurs émissions ;

9. Juge positif le fait que la Chine ait annoncé un objectif domestique ambitieux de limitation de son intensité carbone et souhaite qu’elle s’engage davantage en acceptant un objectif contraignant de limitation de ses émissions ;

10. Souligne que l’accord de Copenhague devra comporter des engagements précis en matière de financement des actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement ; ces engagements devront permettre un renforcement substantiel des moyens, conformément à la demande de l’Union européenne qui estime les besoins à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020, dont 22 à 50 milliards d’euros de financement public ;

11. Estime que l’accord doit permettre une réduction de la déforestation dans les pays en développement, en prévoyant des financements spécifiques ;

12. Approuve la proposition de la Commission européenne de lancement d’un financement s’élevant à 5 à 7 milliards d’euros pour la période 2010-2012 à destination des pays les plus vulnérables et souhaite que ce financement fasse l’objet d’un accord lors de la Conférence de Copenhague ;

13. Souhaite que soit explorée la possibilité de recourir à des financements novateurs, tels qu’une taxe sur les transactions sur les valeurs mobilières, pour le financement de la lutte contre le changement climatique ;

14. Souligne l’importance du transfert de technologies faiblement émettrices de carbone vers les pays en développement et la nécessité d’augmenter au plan mondial les budgets alloués à la recherche et au développement dans le domaine de l’énergie ;

15. Appelle l’attention sur l’enjeu de l’adaptation au changement climatique, particulièrement dans les pays en développement qui seront les plus touchés par les conséquences du réchauffement, et souhaite que l’accord de Copenhague permette de définir un cadre d’action global pour l’adaptation ;

16. Considère qu’un rapprochement avec les pays d’Afrique, les petits Etats insulaires vulnérables et les autres pays les moins avancés est souhaitable et approuve à ce titre le plan « Justice climat » proposé par la France ;

17. Soutient la proposition de la France tendant à la création d’une organisation mondiale de l’environnement, qui aurait notamment pour mission de contrôler les obligations des Etats dans le cadre du futur traité sur le changement climatique ;

18. Demande que l’Union européenne parle d’une seule voix dans les négociations et qu’elle maintienne un niveau d’exigence élevé vis-à-vis de ses partenaires, en particulier des Etats-Unis et de la Chine ;

19. Souligne la nécessité pour l’Union européenne de prendre en compte le risque de fuite de carbone et soutient la mise en œuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières en cas d’échec de la Conférence de Copenhague, conformément à l’option ouverte par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive n° 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

II. Audition, dans le cadre du rapport de Mme Odile Saugues sur la sécurité aérienne, de MM. Antonio Tajani, Vice-président de la Commission européenne, Patrick Goudou, Directeur exécutif de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, Patrick Gandil, Directeur général de l’Aviation civile, et Pierre-Henri Gourgeon, Directeur général exécutif du groupe Air France KLM (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller. J’ai le grand plaisir de souhaiter la bienvenue au Vice-président de la Commission européenne, M. Antonio Tajani, qui va certes changer de responsabilités puisqu’il sera chargé de l’industrie et de l’entreprenariat, mais qui continuera à s’occuper de Galileo. J’ai également le plaisir d’accueillir M. Patrick Goudou, Directeur exécutif de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, M. Patrick Gandil, Directeur général de l’Aviation civile et M. Pierre-Henri Gourgeon, Directeur général exécutif du groupe Air France KLM.

Mme Odile Saugues. Nous sommes très honorés d’accueillir dans nos locaux les principaux responsables de la sécurité aérienne européenne et française.

Depuis 1944 et la Convention de Chicago, l’OACI détermine les conditions du transport aérien mondial, chaque Etat étant responsable de l’application des règles dans son pays. Aujourd’hui les agréments et les normes en matière de sécurité aérienne sont définis à Bruxelles et à Cologne et les autorités nationales disposent essentiellement d’un pouvoir d’exécution. C’est pourquoi il m’a semblé que nous ne pouvions pas discuter sérieusement de la sécurité aérienne en l’absence de la Commission européenne et de son bras exécutif l’AESA. Cette évolution modifie considérablement les procédures de l’administration française qui est chargée, à travers la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), de les mettre en œuvre et des compagnies aériennes qui doivent intégrer dans un délai court des normes revisitées.

L’amélioration de la sécurité aérienne est un combat permanent dont la nécessité nous a été rappelée par les deux catastrophes qu’ont connu Air France et la Yemenia. Et je rappelle ici que 57 % seulement des normes de l’OACI sont mises en œuvre par les Etats membres de la Convention de Chicago.

La Commission européenne vient sur votre proposition d’engager une procédure visant à réformer les enquêtes accidents et nous souhaiterions avoir vos explications, M. le Vice-président et M. le Directeur général de l’AESA, sur cette proposition et bien sur la réaction des pouvoirs publics français et des compagnies aériennes.

Je propose donc à nos invités d’articuler leur propos liminaire autour des quatre thèmes suivants, auxquels nous pouvons rattacher une dizaine de questions.

Ø la mise en place des outils de la sécurité aérienne

– la liste noire des compagnies aériennes, dont je rappelle qu’elle constituait le préconisation n° 26 du rapport d’information sur la sécurité aérienne de 2004 ;

– le rôle réglementaire de la Commission ;

– l’accroissement des prérogatives de l’AESA, dans le contexte du paquet « ciel unique » ;

Ø La proposition de réforme des enquêtes accidents

– l’organisme certificateur peut-il être partie à l’enquête ?

– comment l’Union européenne peut-elle intégrer les compétences essentiellement britanniques et françaises dans ce domaine par la création d’un réseau ? Aura-t-elle un rôle de conseil et de coordination ?

Ø Les rapports avec les autorités nationales

– le retour des informations est-il satisfaisant ?

– est-il possible de confier aux « DGAC » une plus grande latitude d’adaptation ?

Ø Les rapports avec les compagnies aériennes

– comment sont traitées les informations sur les incidents notés par les pilotes ou les compagnies (« reporting ») ?

– quelles suites sont données par les pouvoirs publics au « reporting » (consignes, injonctions, pénalités…) ?

Je prendrai un exemple récent pour étayer mon propos : celui des tubes « Pitot », dont les carences étaient connues. Au final, la question qui se pose est d’identifier le décideur. S’agissant des enquêtes accidents, pensez-vous qu’une coopération volontaire soit suffisante ? La proposition de règlement proposée par la Commission cite « le renforcement des droits des victimes et de leur famille ». Comment pouvez-vous agir pour que les familles n’attendent pas des délais souvent très longs avant d’obtenir le résultat des enquêtes ?

– l’AESA aura-t-elle le pas sur les autorités nationales ?

Le Président Antonio Tajani. Je souhaite tout d’abord vous remercier d’avoir pris l’initiative de ces auditions sur la sécurité aérienne, le jour où nous fêtons l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

La politique des transports doit favoriser la mobilité de tous les citoyens et la croissance de l’industrie. Elle a le double impératif de développer des transports respectueux de l’environnement et d’assurer leur sécurité.

La sécurité aérienne est une priorité de la politique européenne des transports et est élaborée en collaboration avec les Etats membres et maintenant avec les Parlements nationaux. Son objectif est d’assurer un haut niveau de sécurité pour l’aviation civile de façon uniforme dans toute l’Europe.

La politique européenne de la sécurité aérienne est principalement basée sur une collaboration étroite entre la Commission européenne, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), Eurocontrol, les autorités nationales de l’aviation civile, les constructeurs aéronautiques et les compagnies aériennes.

Cette politique repose sur quatre piliers : des règles communes dans toute l’Europe ; une Agence européenne de la sécurité aérienne ; les contrôles nécessaires ; le retour d’expérience.

Des règles communes dans toute l’Europe : ces règles, s’appliquant à la fois à l’industrie et aux autorités de l’aviation civile, ont été adoptées en 2002 et 2003 et concernaient d’abord la navigabilité et l’environnement. Elles ont été complétées en 2006 par des mesures intéressant l’exploitation des avions utilisés en transport aérien commercial (règlement dit « EU-OPS »). Une première extension de ces règles a été adoptée en 2008 complétant, d’une part, l’« EU-OPS » et, d’autre part, s’appliquant à la formation et à la qualification des équipages ainsi qu’à l’autorisation des compagnies de pays tiers à effectuer des vols au sein de l’Union. Le 21 octobre dernier, une deuxième extension a concerné la sécurité des aérodromes, la fourniture de services de navigation aérienne et la gestion du trafic aérien (« Single sky »).Les règles d’application de ces extensions de compétences devraient être adoptées par la Commission d’ici à 2012-2013.

Une Agence européenne de la sécurité aérienne : créée en 2002, elle est la pierre angulaire de cette politique de sécurité aérienne. Son rôle est double : épauler la Commission pour définir et contrôler les règles communes, centraliser les tâches de certification jusqu’alors exercées par les Etats. Cette fonction est une source d’économies considérables car, désormais, un nouvel aéronef est certifié une seule fois, au niveau de l’Union, et non plus par chaque Etat membre.

Exercer les contrôles nécessaires : les autorités compétentes des Etats membres sont responsables du contrôle de l’application des règles communes, mais il est néanmoins nécessaire de s’assurer qu’elles le sont vraiment et de manière uniforme. L’ASEA exerce ce contrôle en réalisant annuellement une centaine d’inspections de « normalisation » dans tous les Etats membres. Au vu de leurs résultats, la Commission peut décider des sanctions telles que suspension de la reconnaissance mutuelle des certificats ou recours en carence contre les Etats membres.

Un autre instrument important de contrôle est le programme européen SAFA créé en 1996, établi au niveau communautaire en 2004 et auquel participent 42 pays. Selon ce programme confié à l’ASEA, tout avion, européen ou non, peut être soumis à des inspections de sécurité sur tout aéroport européen. En 2008, plus de 10 000 inspections ont été effectuées concernant plus de1 000 compagnies relevant de plus de 100 Etats. Les infractions constatées peuvent être sanctionnées par des restrictions d’exploitation ou, même, par des interdictions de transporteurs aériens. La France est, à travers la Délégation générale à l’aviation civile, un des plus importants contributeurs à ce programme.

Sur la base des informations transmises par les Etats membres, l’ASEA, Eurocontrol et l’OACI, la Commission peut décider s’il y a lieu d’interdire certaines compagnies dans l’Union. Suite à certain nombre d’accidents en 2004-2005, et, notamment, celui de Charm-El-Cheik, et suivant en cela la proposition de Mme Odile Saugues, une liste des compagnies interdites ou soumises à des restrictions d’exploitation a été élaborée.

Sans équivalent dans le monde, cette « liste noire » est très efficace, d’une part, pour interdire le ciel européen aux compagnies ne respectant pas les règles de sécurité et, d’autre part, pour informer les citoyens européens sur les transporteurs aériens jugés peu sûrs. Cette liste est révisée tous les quatre mois environ depuis 2006 et concerne près de 250 compagnies aériennes issues de plus de quinze pays.

Un des aspects importants de cet instrument est la protection des droits des passagers. La Commission travaille avec plus de 40 000 agents de voyages pour les tenir informés afin qu’ils puissent trouver des solutions de « re-routage ». La Commission fait actuellement le bilan de l’utilisation de cet instrument et devrait faire une communication avant la fin de l’année. Celle-ci devrait inclure un certain nombre de recommandations pour adapter et renforcer cet instrument. Cela devrait prendre la forme d’une coopération renforcée avec l’OACI et l’attribution de responsabilités accrues à l’EASA qui sera, à partir de 2012, responsable de la délivrance d’autorisations spécifiques aux compagnies et aux aéronefs souhaitant desservir l’Union européenne. L’efficacité de cet outil repose donc essentiellement sur l’obtention d’informations pertinentes de la part de l’OACI, des autorités compétentes des Etats membres et de l’AESA. Il est capital que l’ensemble des acteurs communiquent rapidement les informations sensibles pour la sécurité. Il s’agit de garantir la sécurité de tous les citoyens européens et du monde. Il est donc nécessaire d’engager des négociations avec l’OACI pour la mise en œuvre d’une liste noire mondiale. Je compte sur la France et sur l’ensemble des Etats membres pour pousser dans cette direction.

Si le transport aérien reste l’un des modes de transports les plus sûrs, des accidents se produisent malgré les efforts déployés par les législateurs et le secteur aéronautique. Force est de constater que la décroissance du taux d’accident constaté dans les dernières années a trouvé ses limites. Il nous faut aujourd’hui lancer de nouvelles initiatives. Face à la série d’accidents graves survenus en Europe en 2008 et 2009, la Commission considère qu’il est aujourd’hui nécessaire de renforcer le système européen de prévention des accidents. Des enquêtes indépendantes sur les accidents avec des moyens suffisants sont donc indispensables pour améliorer la sécurité du transport aérien. L’élément crucial dans la prévention des accidents est véritablement le retour de l’expérience, c'est-à-dire le signalement, la collecte et l’analyse des événements, incidents et autres erreurs vécues quotidiennement dans l’exploitation qui peuvent constituer autant de précurseurs d’accidents futurs. Ces principes importants ont été reconnus à travers la directive européenne de 2003 qui appelle les professionnels du secteur de l’aviation à signaler les événements anormaux qui, non corrigés, peuvent mener à un accident. Cette directive encourage l’établissement de systèmes de compte rendu volontaires et assure que toutes ces informations signalées peuvent être analysées, échangées et diffusées, de sorte à en tirer toutes informations utiles. Cette directive a été complétée en 2007 par des règles établissant un registre européen d’informations sur les événements affectant l’aviation civile et des règles concernant la diffusion des informations stockées dans les bases de données.

Les règles actuelles de l’Union européenne en matière d’enquêtes sur les accidents ne sont plus adaptées aux réalités du marché de l’aviation civile et à la complexité du secteur aéronautique mondial. Ces enquêtes exigent des compétences et des ressources beaucoup plus diversifiées qu’il y a dix ans. Le cadre institutionnel et juridique de l’Union européenne a lui aussi changé, compte tenu de la création de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), responsable de la certification des aéronefs dans l’Union. C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé il y a quelques semaines de moderniser le cadre réglementaire applicable aux enquêtes sur les accidents aériens. L’élément central de cette proposition est la création d’un réseau européen des autorités responsables des enquêtes qui sera chargé de coordonner et de renforcer la coopération entre les Etats membres, la Commission et l’AESA. Il devra également assumer un certain nombre de fonctions centrales, comme la coordination des activités de formation ou le partage des ressources d’informations disponibles dans l’Union. Les mesures proposées permettront de préciser le rôle de toutes les parties prenantes, de mieux protéger les informations sensibles en matière de sécurité et de garantir l’indépendance des enquêtes. La proposition de règlement vise également à renforcer la mise en œuvre des recommandations de sécurité en imposant l’obligation d’évaluer chaque recommandation résultant d’une enquête et si nécessaire, de la faire suivre d’effets. Le règlement renforcera également les droits des victimes d’accidents en établissant des règles communes qui prévoient la fourniture d’une assistance rapide et organisée en cas d’accident. Les victimes et les familles auront le droit d’obtenir des informations fiables sur le déroulement de l’enquête. Cette proposition de la Commission est très importante et est actuellement en cours d’examen par le Conseil et le Parlement européen. Nous comptons sur le débat d’aujourd’hui pour faire avancer ce projet qui pourrait être adopté en 2010 en première lecture.

Ce panorama dressé à grands traits mériterait d’être approfondi pour chaque point. Aussi répondrais-je à chacune de vos questions. Dans une conjecture difficile pour le transport aérien, nous devons veiller à poursuivre notre action européenne en faveur de la compétitivité du secteur tout en assurant une régulation juste et adéquate, particulièrement pour améliorer la sécurité en Europe et dans le monde. C’est la condition nécessaire d’un développement réussi du secteur aérien et nous devons travailler ensemble à la réalisation de cet objectif.

M. Patrick Goudou. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur les outils de la sécurité aérienne dont le premier est l’AESA qui est en quelque sorte le bras armé de la politique européenne en la matière. Ses missions sont nombreuses. Elle fait d’abord des propositions de réglementations qui toucheront bientôt l’ensemble des secteurs de l’aviation : avions, compagnies, pilotes, fournitures de services aux compagnies… Elle a également un rôle d’inspection et de vérification de la bonne application de la réglementation dans les Etats membres ; elle assure ce rôle au nom de la Commission européenne. Par ailleurs, elle exerce une mission de certification des avions et elle est seule habilitée à le faire. Enfin, elle certifie l’ensemble des acteurs du secteur aérien. Madame Odile Sorgues s’interrogeait sur le point de savoir si l’AESA pouvait assumer toutes ces tâches. Je réponds : oui, elle l’a fait et le fera plus encore si elle dispose des ressources nécessaires.

S’agissant de la réforme de la procédure des enquêtes sur les accidents aériens, l’AESA s’en réjouit. Il est nécessaire de clarifier le rôle de chacun des acteurs en tenant compte de l’existence de l’Agence. Il n’est en effet pas question que le certificateur que nous sommes soit absent de la procédure. Si l’enquête doit être confiée à des bureaux d’enquête indépendants, le certificateur doit y participer afin de recueillir des informations sur les faits et les événements afin de pouvoir réagir pour améliorer la sécurité de manière rapide.

La sécurité aérienne est un système dont la pièce maîtresse est l’AESA qui entretient des rapports étroits avec les autorités nationales. Celles-ci sont présentes au sein du Conseil d’administration de l’Agence et participent donc à la prise de décision. Elles contribuent à l’élaboration des réglementations en fixant des priorités. Par ailleurs, au niveau des institutions européennes, notamment dans le cadre de la comitologie, elles peuvent exercer une influence. Enfin, elles sont chargées du respect de l’application de la réglementation et cofinancent ou sous-traitent des études. Dans le monde de la sécurité aérienne européenne, tout le monde travaille main dans la main dans un esprit de partenariat.

Comment sont traitées les informations relatives à la sécurité aérienne ? Un système de gestion des risques a été mis en place et fonctionne en boucle permanente. Il est d’abord fait une évaluation des risques, d’où l’importance du recueil des données de sécurité. Ensuite est établi un plan d’action pour diminuer, voire supprimer ces risques. Les résultats de ces plans d’action sont estimés et les risques sont réévalués à la lumière des résultats des plans d’action.

Le programme de sécurité aérienne européenne va permettre d’harmoniser l’ensemble des programmes nationaux ainsi que le demande l’OACI.

M. Patrick Gandil. Compte tenu de la relation articulée entre les autorités nationales et l’AESA que décrivait M. Goudou, je souhaiterais apporter des compléments sur le rôle de la Direction générale de l’aviation civile. La DGAC est un acteur essentiel de la sécurité aérienne. En effet, elle participe au contrôle aérien par un ensemble d’activités concourrant à cette sécurité : guidage d’avions, informations météorologiques… Elle a également un rôle de formation des pilotes de ligne, notamment à l’Ecole nationale de l’aviation civile. Son rôle principal est d’être l’autorité nationale de sécurité exécutive. Ses principaux outils sont le rapport annuel et le programme de sécurité. A la suite du rapport de Madame Saugues, un rapport annuel est en effet établi. Y sont recueillies des statistiques, ce qui permet d’assurer une chaîne continue d’informations. L’exploitation des statistiques en matière aérienne où les accidents sont rares doit faire l’objet d’une observation attentive afin de tirer de chaque cas, des renseignements pertinents. Le deuxième outil est le programme de sécurité. Les différentes sources des accidents y sont analysées et des objectifs sont ensuite fixés. Ainsi on a pu constater que de nombreux accidents étaient dus à une approche non stabilisée. Des colloques ont réuni l’ensemble des acteurs concernés : de ces éléments de formation, des progrès sont espérés.

Dans le contexte difficile de l’année 2009, M. Dominique Bussereau a demandé que soit améliorée significativement l’information des citoyens sur les compagnies aériennes. L’outil que constitue la liste noire est un bon outil qui a été complété par la mise à la disposition des citoyens, sur un site Internet, de l’ensemble des informations disponibles sur les compagnies aériennes : attendus du comité de la liste noire qui sont utiles dans la mesure où, par exemple, la compagnie Yemenia ne figurait pas sur la liste noire, audits de l’OACI, contrôles des autorités nationales, audits des compagnies par l’IATA, audits de nos collègues américains… Nous allons d’ailleurs mettre à profit la conférence mondiale de l’OACI en mars 2010 pour demander une collaboration étroite entre les compagnies européennes et l’ensemble des systèmes d’informations disponibles au niveau international.

La deuxième leçon qui doit être tirée de l’accident survenu au large du Brésil est la nécessité de sécuriser les informations sur le déroulement du vol. Aujourd’hui, ces informations sont fournies par la boîte noire. Dans le cas de cet accident, une troisième campagne de recherche va être lancée mais la probabilité de retrouver cette boîte noire est faible même si nous déployons des efforts sans compter. Il s’agit de localiser une boîte de chaussures dans l’immensité de l’océan ! Si nous ne la retrouvons pas, nous aurons certes des pistes mais il subsistera surtout des doutes. Dans les zones océaniques, les avions ne disparaissent pas des écrans comme on le dit : ils ne sont pas sur les écrans car on ne peut les enregistrer. Un système satellitaire permettrait à l’avion d’émettre sa position GPS qui serait ensuite reconnue et traitée au sol par un ordinateur. Certains points de report des avions ne peuvent pas être utilisés car la communication ne passe pas ; il est nécessaire d’établir un contact avec les avions même s’il n’est pas verbal. Des voies de progrès sont envisageables mais ils ne seront possibles que par une action internationale. Tous les Etats et toutes les compagnies doivent être équipées de tels systèmes.

Je voudrais souligner que le « reporting », la transmission des informations la plus transparente possible, est la clé de l’activité de sécurité aérienne. L’Autorité de surveillance et les compagnies doivent donner les éléments d’informations utiles aux constructeurs. Enfin, s’agissant de savoir s’il est possible de confier une plus grande capacité d’adaptation aux autorités nationales de surveillance, je le revendique dans certains cas particuliers : aviation légère, aviation historique, une partie du travail aérien et les petits aérodromes. En revanche, pour tout ce qui est aviation de transport et situations reproductibles dans lesquelles il est nécessaire d’assurer une homogénéité au niveau européen, l’arrivée de l’Agence a constitué un progrès et a fait ses preuves dés le début, notamment en matière de certification. Un équilibre doit être trouvé entre la nécessaire adaptation aux cas particuliers et à la standardisation, et donc entre les compétences des autorités nationales et celles de l’AESA.

M. Pierre-Henri Gourgeon. 2009 fut une année noire pour Air France. Le 1er juin, le terrible drame du Rio Paris a fauché 228 vies. La peine et la sympathie de l’ensemble des personnels de la compagnie à l’égard des victimes et de leurs familles sont immenses. Et Air France a fait, fait et fera sans relâche tout ce qu’il faut pour assumer ce qui est nécessaire.

Vous le savez, la situation est extraordinairement difficile. Pour la première fois à ma connaissance depuis plus de vingt ans, nous sommes confrontés à un accident majeur sans disposer des données de l’enregistreur de vol. Dans cette obscurité la plus cruelle, l’absence d’information est insupportable pour les victimes, bien sûr, mais aussi pour tous les acteurs de la sécurité aérienne et les opérationnels de l’entreprise. Cet exemple tragique plaide évidemment pour que l’on réfléchisse, dès à présent, au moyen, à l’avenir, de pouvoir recueillir d’autres données, par exemple grâce aux moyens satellitaires.

Les seules informations dont on dispose sont liées aux messages de maintenance émis par l’avion. Nous connaissons ainsi sa position, malheureusement quatre minutes avant la fin du vol, et une série de rapports d’incidents techniques qui impliqueraient notamment les indicateurs de vitesse.

Je veux ici rappeler que toutes les actions ont été engagées pour surmonter ce drame, afin que cette tragique expérience puisse participer au renforcement de la sécurité aérienne. Car la pire chose serait de ne pas bouger, par la seule crainte qu’agir soit considéré comme reconnaître des responsabilités. Les responsabilités, soyez en sûrs, seront déterminées par les autorités légitimes, les tribunaux d’un côté et le bureau enquête accident de l’autre. Notre responsabilité immédiate, notre devoir, c’est de tout faire pour améliorer la sécurité, sans préjugé ni tabou, dans tous les aspects de la conception, de la fabrication et de l’opération des avions. Même si nous ignorons les causes exactes de l’accident, cela ne nous exonère pas de notre devoir de réagir pour porter tout perfectionnement de la sécurité, tâche dans laquelle Air France KLM, vous le savez, est pleinement engagée. Notre niveau de sécurité est très haut. Mais nous allons retourner toutes les pierres et remplacer celles qui sont perfectibles. Puis nous allons examiner tout leur socle, puis refaire tous les joints… Telle est la seule démarche digne d’une compagnie aérienne qui fait de la sécurité son objectif intransigeant.

Mme Odile Saugues. Je voudrais poser à M. le Vice-président quelques questions très précises.

– votre rapport insiste largement sur la notion de « compagnies volontaires » pour l’amélioration de la sécurité. Mais la « volonté » est-elle suffisante face à de nombreuses compagnies qui, malheureusement, n’ont pas cette culture de la sécurité ?

– le renforcement des droits des victimes passe à mes yeux par leur information régulière sur les progrès de l’enquête, l’attente et l’ignorance étant les pires ennemis du travail de deuil. Quels progrès envisagez-vous en la matière ?

– l’Autorité européenne dont vous esquissez les contours aura-t-elle autorité sur les diverses agences nationales ?

– vous connaissez comme nous les limites de la liste noire européenne, contournées par de nombreuses compagnies. Ne serait-il pas possible de travailler avec la FAA afin d’élaborer, à terme, une liste noire mondiale ?

– se pose enfin un problème de coordination des divers acteurs impliqués dans le chantier de la sécurité aérienne. Qui décide ?

M. Gérard Voisin. Merci à M. le Président Lequiller et à Mme la rapporteure Odile Saugues d’organiser un débat d’une telle qualité.

Connaissant mieux les problématiques des transports terrestres et ferroviaires, je demeure quelque peu perplexe devant notre incapacité à pouvoir localiser partout dans le monde de très gros porteurs lorsqu’il est possible, grâce aux technologies modernes, de localiser un seul individu au cœur du Sahara…L’Union devra bien trancher sur cette question décisive.

Je veux aussi insister sur l’extrême complexité des tarifs aériens, parfois d’une hauteur indécente et pour d’autres parfois d’une modestie en deçà du seuil de rentabilité. Devant certains tarifs, on peut légitimement se demander s’ils n’impliquent pas, volontairement ou non, une certaine légèreté quant à la qualité du matériel volant ou à son entretien, dont chacun comprend qu’ils ont un coût. Un contrôle tarifaire ne serait-il pas une solution pour remettre un peu d’ordre et garantir le respect de la sécurité ?

Je m’interroge ensuite sur l’équilibre des droits des passagers à l’égard des équipages.

Enfin, l’actualité nous a donné l’exemple d’un incident sur l’un des fleurons de la flotte Air France. Dans ce cas, comment se déroulent concrètement le contrôle et le règlement de l’incident ?

M. Daniel Garrigue. Le commissaire Tajani pourrait-il préciser l’extension des règles communes prévues par le règlement du 21 octobre dernier en matière de sécurité aérienne et de gestion du trafic ? S’agit-il de fixer des normes ? Y aura-t-il une extension des contrôles ? Aura-t-on, le cas échéant, des listes noires ?

M. Jean-Claude Fruteau. Je m’associe aux remarques précédentes sur l’intérêt et l’utilité de ce type d’audition. Le commissaire Tajani pourrait-il donner des précisions sur les listes noires ? On observe, en effet, à la lecture des rapports actuels qu’un certain nombre de compagnies ne sont pas inscrites en dépit de manquements répétés à la sécurité. Bénéficient-t-elles d’une certaine tolérance ? Le cas de la compagnie Egyptair doit être évoqué, en raison de carences constatées de manière récurrente et préoccupante : la non-inscription vient-elle de la bonne volonté des autorités égyptiennes ou l’absence de sévérité provient-elle de considérations autres, diplomatiques ou économiques, qui l’emporteraient donc sur la sécurité ?

Par ailleurs, quel est le degré d’avancement du projet SESAR, dont l’objectif est de disposer d’un système européen de nouvelle génération capable d’assurer la sécurité du trafic à l’échéance 2020. Ce sera d’ailleurs pour un trafic plus important qu’actuellement. Le calendrier prévu avec la phase de développement pour 2008-2010 est-il tenu ?

M. André Schneider. Je m’en tiendrai à trois questions. Sommes-nous réellement en sécurité non seulement comme passager, mais également en tant que promeneur au sol ? Avez-vous les uns et les autres tous les moyens nécessaires pour faire respecter les règles de sécurité ? L’évolution de la sécurité aérienne est-elle en rapport avec l’augmentation du trafic ?

Le Président Antonio Tajani. En ce qui concerne le projet de règlement sur les enquêtes-accident, le texte proposé au Parlement européen et au Conseil repose effectivement sur un certain volontarisme. Cette étape est nécessaire car il est des domaines où il n’est pas facile d’imposer des obligations. Si l’assentiment du Parlement ne soulève pas de difficulté, tel n’est pas le cas pour le Conseil, en l’espèce. L’exemple de la sécurité routière le montre. La proposition sur les sanctions transfrontalières, destinée à éviter que les infractions commises en France avec un véhicule immatriculé dans un autre Etat membre ne soient plus sans suite, se heurte à des résistances des Etats membres. Le traité de Lisbonne apporte des améliorations, mais on est quand même dans un système de subsidiarité et non dans les Etats-Unis d’Europe. L’objectif du projet de règlement sur les enquêtes-accident est de prévoir des coopérations renforcées avec pour objectif un partage des ressources rares sans modifier les responsabilités existantes.

S’agissant de l’information des familles, le texte prévoit certaines dispositions, à son article 23 : un plan national d’assistance aux victimes et à leurs familles ; la faculté pour les Etats membres et les pays tiers ayant des victimes de nommer un expert avec accès aux éléments de l’enquête. Par ailleurs, des sanctions, qu’il incombe aux Etats membres de préciser et de mettre en œuvre, sont prévues à l’article 25.

La question de la liste noire est complexe. C’est fondamentalement une bonne idée. La Commission doit toujours agir avec sévérité car il s’agit de défendre la sécurité aérienne. Il faut être très sévère, car il n’y a pas d’intérêt à défendre qui soit plus important que la vie humaine. C'est ainsi que la dernière mise à jour de la liste, que j'ai signée le 26 novembre, inclue tous les transporteurs de Djibouti, du Congo et de Sao Tomé et Principe. Cependant, avant de prendre une décision, la procédure prévoit des consultations avec les compagnies concernées et leurs autorités de tutelle. Ces consultations sont importantes car elles permettent souvent de faire évoluer la situation et d'amener des améliorations dans la sécurité des compagnies concernées sans qu'il soit besoin de les inscrire sur la liste. La Commission européenne reste vigilante pour un certain nombre de compagnies qui sont sous surveillance ; elles ne sont pas sur la liste mais peuvent être amenées à l'être. Il convient parfois d’attendre encore quelques semaines pour voir ce qui se passe. Pour la Commission européenne, l’objectif n’est pas de dresser une longue liste, mais d’agir de façon concrète et pragmatique pour améliorer la sécurité des transporteurs aériens. Par exemple, la compagnie TAAG Angolan Airlines est progressivement sortie de la liste grâce à un travail de contrôle, d’assistance et de garantie du Portugal. Ainsi, quatre avions supplémentaires peuvent maintenant assurer une liaison vers l’Europe.

SESAR (Single European Sky ATM Research), projet industriel européen de haute technologie, constitue un morceau du grand projet que j’ai eu l’honneur d’amener jusqu’à l’approbation du Parlement européen et du Conseil sur la réforme du « ciel unique » européen. Cette réforme réduit la pollution, les prix des billets pour les passagers, les prix de l’essence et crée un nouveau réseau d’autoroutes dans les airs. Grâce à cette réforme, nous devrons arriver à un seul système de contrôle du trafic aérien. Pour aller par exemple de Paris en Roumanie, il faut passer par plusieurs systèmes de contrôle du trafic aérien et c’est difficile pour le pilote comme pour l’organisation. Un contrôle plus technique et un contact au début et à la fin du voyage permettraient d’établir un système unique européen de contrôle et de renforcer la sécurité dans les cieux.

J’ai demandé au dernier conseil des ministres des transports, d’une façon informelle puis par lettre, d’essayer d’accélérer le début de la réforme du ciel unique et j’espère avoir des réponses positives des Etats membres. Il faut pousser dans plusieurs directions : la sécurité aérienne, la réduction des émissions de CO2, la réduction des prix et maintenant, dans une phase de crise, aider les compagnies à épargner, avec le nouveau réseau par exemple, de cinquante à quatre-vingt kilomètres de Paris à Madrid et donc de réduire les émissions.

Aujourd’hui en Europe, le système des transports est sûr. Malheureusement, des accidents surviennent quel que soit le mode de transport. Il y a en particulier des milliers de morts sur les routes et l’objectif de la sécurité routière d’une réduction de la mortalité de 50 % en 2010 sera difficile à atteindre, même si nous l’avons déjà réduite de plus de 30 %. Le train est également sûr, mais le récent désastre de Viareggio, en Italie, impliquant le transport de matières dangereuses m’amène à proposer de créer une agence européenne de la sécurité ferroviaire qui dispose de compétences élargies, sur le modèle de l’agence européenne de la sécurité aérienne.

En dépit de tous nos efforts, la sécurité dans les transports ne peut être assurée à 100 %. Il y a par exemple des dizaines de morts avec un mode de transport aussi anodin que le vélo. C'est pourquoi il nous faut toujours travailler plus pour renforcer partout la sécurité de tous les systèmes de transport afin de tendre partout vers l'objectif de zéro mort. La politique de sécurité est au cœur de la politique européenne des transports dont elle constitue une priorité.

Le système de transport des passagers ne pose pas seulement la question de la sécurité et je présenterai après-demain de nouvelles règles sur les droits des passagers dans le transport ferroviaire. On a de bonnes règles pour les droits des passagers à mobilité réduite dans le transport aérien et on est en train de les introduire dans le transport maritime, et je veux proposer, et j’espère que mon successeur le fera, de créer une autorité pour récupérer les bagages perdus, par million chaque année. Par ailleurs, la politique spatiale européenne devrait permettre d’avoir un bon système d’identification des avions dont on perd la trace par exemple dans l’Atlantique et de couvrir la zone de 300 kms non couverte par les radars du Brésil et du Sénégal.

Galileo et EGNOS devraient permettre de combler le vide pour établir un contrôle général du trafic aérien dans les années à venir. On est en train de renforcer EGNOS pour améliorer les données du GPS américain et délivrer un signal correct, très utile pour les petits aéroports au moment de l’atterrissage. Toutefois la technique et la science ont besoin d’argent et de temps pour essayer de donner les bonnes réponses. Concernant SESAR, j’espère que le timing sera respecté et je pousse les Etats membres et les entreprises en ce sens.

Enfin, je retrouverai Galileo dans mon prochain portefeuille de commissaire européen et je serai toujours à la disposition des députés français, ainsi que mon cabinet, pour répondre à vos questions, en ma qualité de francophile et francophone qui a connu Paris dans son enfance et se trouve toujours chez lui quand il vient à Paris.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie chaleureusement le commissaire européen et ami, M. Antonio Tajani, ainsi que les autres intervenants pour toutes les informations et réponses qu’ils ont données aux membres de notre Commission au cours de cette riche audition.

La séance est levée à 19 heures.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 1er décembre 2009 à 16 h 45

Présents. - Mme Monique Boulestin, M. Yves Bur, M. François Calvet, M. Christophe Caresche, M. Bernard Deflesselles, M. Jacques Desallangre, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Anne Grommerch, M. Michel Herbillon, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, Mme Valérie Rosso-Debord, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Philippe Tourtelier, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Delebarre, Mme Arlette Franco, Mme Danièle Hoffman-Rispal, Mme Marietta Karamanli, M. Francis Vercamer