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Commission des affaires européennes

mercredi 17 novembre 2010

14 heures

Compte rendu n° 174

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

Réunion commune des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar sur la politique européenne de défense (ouverte à la presse) (suite)

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 17 novembre 2010 à 14 heures

Présidence de MM. Pierre Lequiller,
Président

La séance est ouverte à 14 heures

Réunion commune des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar sur la politique européenne de défense (ouverte à la presse) (suite)

M. Pierre Lequiller, Président de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. Evoquer l’Europe de la défense, c’est aborder l’une des questions les plus délicates de la construction européenne, qui touche au cœur de la souveraineté et de la sécurité de chaque pays. Il est opportun d’envisager d’importantes avancées dans les années qui viennent, car plusieurs progrès sont récemment intervenus.

Sur le plan institutionnel, d’abord, il y a les acquis du traité de Lisbonne : l’élargissement du champ de la PSCD, la coopération structurée permanente et la clause d’assistance mutuelle. La question de fond est donc celle de la volonté politique commune.

Ensuite, l’articulation avec l’OTAN est clarifiée. La réintégration de la France dans la structure de commandement intégré exclut toute ambiguïté en la matière. Il ne s’agit pas de faire concurrence à l’alliance, mais au contraire d’y constituer un véritable pilier européen.

Enfin, les Etats européens ont en matière de défense une importante expérience commune : une stratégie européenne de sécurité, des capacités militaires, quelques coopérations en matière d’équipements, l’Agence européenne de défense, un début de coopération pour les hommes avec l’Erasmus militaire, ainsi que l’expérience commune de la gestion des crises, dans le cadre des opérations de la PESD, et de la PSDC maintenant.

Il s’agit dorénavant d’aller beaucoup plus loin.

D’abord, les Etats membres de l’Union européenne sont financièrement « au pied du mur ». Ils n’ont plus la possibilité de reporter à plus tard les avantages, en termes de coût, d’une mutualisation, s’ils veulent conserver un niveau de défense crédible.

Cette exigence est incontournable, en particulier pour nous, Polonais, Allemands et Français. Non seulement il faut maintenir et développer les capacités en matière d’opérations de PSDC, mais aussi rester à niveau, d’une manière plus générale, en termes d’équipement, de déploiement et d’interopérabilité. Il s’agit de disposer dans le futur des équipements indispensables à notre sécurité comme de maintenir une industrie de défense compétitive. Il y a aussi une dimension de recherche à ne pas négliger.

Les questions sous-jacentes sont importantes. Les Etats-Unis représentent près des trois-quarts des investissements de l’alliance et si l’écart se creuse trop avec les pays européens, la relation transatlantique rencontrera des difficultés. Les Etats-Unis sont d’ailleurs demandeur d’un « partage du fardeau » et la question de la répartition des responsabilités et des tâches est aussi posée.

Concernant aussi la défense du territoire européen, nous ne pouvons négliger les incertitudes sur la capacité américaine à continuer à garantir dans les mêmes conditions qu’actuellement notre sécurité.

S’agissant du calendrier, les questions de défense sont d’ores et déjà inscrites à l’agenda européen. L’actuel trio des présidences (la Belgique, la Hongrie et la Pologne) s’est prononcé dans le cadre d’un document présenté par la présidence belge pour une coopération structurée permanente. C’est une hypothèse qui reçoit d’ailleurs un accueil favorable de la part des milieux industriels concernés. Le texte du traité apparaît suffisamment souple pour avancer d’une manière pragmatique. C’est nécessaire pour répondre d’une manière adaptée à la grande hétérogénéité de la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant en Europe, avec des budgets de niveaux très variables, presque tous inférieurs à l’objectif OTAN de 2 % du PIB, et donc insuffisants, et qui sont malheureusement en réduction.

Enfin, il y a depuis peu en matière de défense une dynamique nouvelle en Europe, puisque la France vient de conclure avec le Royaume-Uni une série d’accords.

Il s’agit de créer une force expéditionnaire conjointe sous commandement unique, ainsi que de partager les porte-avions à partir de 2020 pour déployer une force aéronavale intégrée, de rapprocher, pour en partager les coûts de développement, les programmes en matière de sous-marins, de drones et de missiles et d’avoir en commun un laboratoire d’essais nucléaires, ce qui va très loin, car c’est le cœur de notre spécificité et, vous le savez, car nous sommes en France très attachés à l’indépendance de notre force de frappe.

L'objectif partagé est que les Européens assument leur part du fardeau de la sécurité commune. Comme la France et le Royaume-Uni représentent aujourd'hui près de 50 % de l'effort de défense et des capacités militaires en Europe, la sécurité de l’Europe y gagne naturellement, mais on doit aller au-delà et envisager d’étendre la même démarche à l’échelle européenne pour examiner de manière très concrète les éléments sur lesquels nous pouvons faire avancer la coopération et la mutualisation, en particulier entre la Pologne, l’Allemagne et la France.

M. Edmund Wittbrodt, Président de la Commission des affaires de l'Union européenne du Sénat polonais. Pour ce qui concerne la Pologne, il n’y a aucun doute sur la nécessité d’une participation efficace de l'Union européenne à la sécurité mondiale, ce qui exige de développer la PSDC et d’établir de nouveaux instruments. Nous sommes ainsi d’accord pour améliorer la situation actuelle et développer nos capacités d’une manière autonome, mais dans un cadre qui assure l’interopérabilité avec l’OTAN. Ce sont des sujets qui sont inscrits à l’agenda de la future présidence polonaise de l'Union européenne et il est clair que nous aurons, à cette occasion, des débats de fond sur ces questions tout à fait stratégiques.

M. Andrzej Gałażewski, Vice-président de la Commission des affaires européennes du Sejm polonais. Si la PAC, qui est une politique ancienne de l'Union européenne, avec ses traditions et son histoire, donne déjà lieu à d’importantes controverses, la PSDC va susciter entre nous des débats encore plus importants. Il y a en la matière un écart entre les intentions, les discours et la réalité. Ainsi, l’on ne sait pas très bien comment financer cette politique et l’on constate aussi un véritable puzzle, avec différents dispositifs, ainsi que des Etats diversement préparés et engagés. Certains pays de l’Union européenne ne sont même pas intéressés du tout par la défense, comme l’Autriche. Nous notons avec un grand intérêt que la France a complètement réintégré la structure du commandement de l’OTAN, ce qui est un premier élément de simplification. Quant à savoir combien d'Europe il doit avoir dans l’OTAN et combien d’OTAN dans l'Europe, je remarquerai que notre continent ne peut être que trop heureux de se trouver actuellement dans la situation où il n’a pas à se défendre contre une menace extérieure. Il y a néanmoins un enjeu réel à parler de défense européenne puisque les Européens n’ont pas été en mesure de régler seuls le conflit des Balkans qui, pourtant, était au cœur de leur continent. Ayant personnellement des doutes sur le fait de savoir si nous sommes prêts, ou non, à aller plus loin, je me limite donc à constater qu’il y a des questions sans réponse.

Pour ce qui concerne les accords récents entre la France et le Royaume-Uni, ils sont remarquables, d’autant plus que nous savons bien que le Royaume-Uni entretient d’excellentes relations avec les Etats-Unis et l’ensemble de l'Europe et que, s’agissant de la France, les relations avec d’autres Etats membres de l’Europe ou les Etats-Unis n’ont pas toujours été du même ordre. Pour ce qui concerne les pays du Triangle de Weimar, il y a très certainement matière à une politique commune mais nous devons aussi donner des suites concrètes à nos intentions, car il convient maintenant de mettre en place effectivement notre groupement tactique. Il ne suffit pas de s’en tenir à des opérations d’entraînement. Il faudrait pouvoir être enfin en mesure d’envoyer ce groupement en opération, si nécessaire. La Pologne demande que soit ainsi petit à petit développée notre capacité commune de défense européenne, et que l’on puisse même, par exemple, créer un commandement intégré.

Par ailleurs, tout renforcement de notre coopération militaire conduit directement à la question de notre coopération en matière d’industrie de défense, domaine où les enjeux sont très complexes car les différences sont très importantes d’un pays à l’autre, en ce qui concerne le niveau technologique comme les possibilités d’exportation, qu’il s’agisse des ventes aux autres Etats membres de l'Union européenne ou de celles à des pays tiers. En outre, les marchés de défense sont très protégés et les gouvernements, pas seulement eux d’ailleurs, y accordent une attention particulière. Nous estimons que l’Agence européenne de défense peut jouer un rôle essentiel pour nous apprendre à intégrer petit à petit nos industries européennes de défense, jusqu’à créer davantage d’entreprises de dimension multinationale, au niveau européen. Nous avons déjà un certain acquis en la matière. Il y a d’excellents exemples de coopérations européennes en matière d’équipements. D’un autre côté, lorsqu’elle s’est équipée, il y a quelques années, en avions de combat américains, la Pologne a opté pour cette solution non seulement après examen des éléments financiers ou de capacités de combat, mais aussi pour des raisons clairement politiques.

M. Stanisław Iwan, sénateur. Nous savons tous que nous nous trouvons dans une situation nouvelle en matière de PSDC. Si le traité de Lisbonne met à notre disposition un certain nombre d’instruments juridiques qui ont été déterminés de manière quelque peu générale, il s’agit maintenant les traduire concrètement et de les mettre en pratique, et donc de les interpréter. M. Leon Kieres, Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat polonais, a, lors d’une réunion au sein du Parlement européen le 28 septembre dernier, attiré notre attention sur certains éléments, comme la coopération structurée permanente. La mise en œuvre de ces nouveaux champs ouverts par le traité est indispensable pour que l’Union européenne s’engage dans un système de sécurité qui ne soit pas cantonnée à l’Union européenne mais qui soit global, c'est-à-dire mondial, ce qui inclut sa participation à la résolution de situations de crise. Même si aucune guerre n’est imminente, certaines menaces, comme le terrorisme, doivent être prises en compte.

Du point de vue de la Pologne, qui appartient à la fois à l’Union européenne et à l’OTAN, la PSDC doit s’articuler autour de ces deux entités. Il est important que le traité de Lisbonne précise que, pour les Etats membres de l’OTAN, la clause d’assistance mutuelle et les dispositifs prévus dans le cadre s’appliquent aussi. En effet, la Pologne est fière de faire partie de l’OTAN. Aussi sommes-nous satisfaits qu’il n’y ait plus de controverse autour du rôle de l’organisation vis-à-vis de la PSCD. Le problème le plus délicat à résoudre sera celui de la coopération structurée permanente. Sur ce point, l’attitude de la Pologne semble plus souple que celle de la France. En tout état de cause, cette coopération ne doit pas se limiter aux seuls pays qui disposent de capacités de défense les plus importantes mais doit pouvoir s’étendre à d’autres Etats membres. Si le plus grand nombre possible d’Etats doit y participer, il n’est cependant pas nécessaire de trouver des solutions concrètes immédiates, ni de définir des obligations précises, et un consensus doit être recherché.

Pour sa part, la clause d’assistance mutuelle prévue par le traité de Lisbonne doit être replacée dans le contexte de la disparition de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) et de la fin de toute autre alternative. La Pologne estime par ailleurs que cette clause doit être applicable aux menaces dans tous les domaines comme, par exemple, pour les matières premières, les domaines économiques étant aussi importants que les aspects militaires.

Dans la perspective de la présidence polonaise de l’Union, notre pays mettra en avant trois objectifs sur ces sujets. Le premier est l’amélioration des aptitudes de l’Union européenne à réagir aux situations de crise à travers notamment une meilleure adaptation de nos mécanismes institutionnels, dont le Haut représentant. Le deuxième est le développement des capacités de défense par la constitution de groupements tactiques. Ainsi le « groupement tactique de Weimar » pourrait-il constituer un champ d’expérimentation, afin d’aboutir à une meilleure intégration et une optimisation des synergies afin de pallier les lacunes qui ont pu être constatées dans la conduite de certaines opérations. Enfin, sur un troisième plan, nous travaillerons sur l’approfondissement de la coopération au niveau politique entre Etats membres dans le domaine de la défense, afin de parvenir à une plus grande complémentarité et davantage de partenariat avec l’OTAN.

M. Gunther Krichbaum, Président de la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand. Je ne reviendrai pas sur tous les points qui ont été abordés mais je souhaiterais dire que le traité de Lisbonne constitue la base sur laquelle nous aborderons les nouveaux champs de la PSDC. En tant que député, le point capital me semble être la forme que prendra ce processus au niveau parlementaire et comment l’accompagner au niveau interparlementaire. Les présidences hongroise et polonaise seront pour nous l’occasion de frapper à la porte de l’histoire. Comment voyons-nous les choses au moment où l’UEO disparaît ? Plusieurs formats de coopération interparlementaire peuvent être envisagés. On pourrait réfléchir -et nous y serions favorables- à un format type COSAC qu’il faudra sans doute adapter en fonction des thèmes traités, en donnant plus de poids aux commissions des affaires étrangères, par exemple. Il est nécessaire que cela corresponde aux attentes du Parlement européen. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que les parlements nationaux aient leur mot à dire et, aussi, à ne pas entrer en concurrence avec l’OTAN et à répartir les rôles entre les parlements nationaux et le Parlement européen. Le pilotage pourrait être fait au sein de la Troïka, avec l’appui du secrétariat de la COSAC. Nous devons mener ces réflexions dès à présent pour éviter tout risque de nous trouver face au « fait accompli », lorsque les décisions seront prises.

M. Andrej Hunko, député allemand. Le parti auquel j’appartiens, Die Linke, considère de façon très critique l’évolution intervenue depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les dépenses militaires atteignent 1,6 % du PIB dans l'Union européenne, avec des disparités très fortes entre les Etats membres, contre 4,7 % aux Etats-Unis. Au cours de l’élaboration du traité de Lisbonne, nous nous sommes battus pour faire passer l’idée qu’il ne doit entraîner aucune dépense militaire supplémentaire. Comment l'Union européenne va-t-elle donc gérer les différences existant entre les Etats membres ?

S’agissant, par ailleurs, du débat sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN, dans la perspective du prochain sommet de Lisbonne, je tiens à souligner, car il faut le déplorer, que les membres du Bundestag n’ont pas eu accès aux documents correspondants de l’OTAN. Par ailleurs, l'Union européenne est l’un des plus gros exportateurs d’armes au monde, à un rang qui ne nous fait pas honneur. C’est une question qu’il nous faudra également discuter entre nous.

Enfin, en 2011, sera décidée la forme du contrôle parlementaire pour la PSDC. Le traité de Lisbonne exclut le contrôle des parlements nationaux. Le professeur Wouters a souligné, au cours de la dernière COSAC, à juste titre, ce paradoxe de l’accroissement des compétences militaires au niveau européen sans développement correspondant d’un contrôle parlementaire. Une instance de type COSAC pourrait permettre de combler cette lacune.

Mme Marietta Karamanli. Je souhaiterais mettre en avant quelques préoccupations liées à la disparition de l’UEO. Je suis en effet chargée au sein de l’Assemblée de l’UEO d’un rapport intitulé « Mise en œuvre du traité de Lisbonne : les débats en cours dans les Parlements nationaux sur le suivi de la PSCD », qui sera présenté dans quelques jours, lors de la prochaine session plénière. Il convient de ne pas s’opposer à la légitimité du Parlement européen de s’intéresser à ces sujets, mais la question se pose de la place à réserver aux parlements nationaux, car ce sont ces derniers qui votent les budgets de la défense. Il faut donc prévoir une place pour eux, en parallèle au rôle du Conseil en la matière. Il aurait été souhaitable que ce sujet soit abordé beaucoup plus tôt. Il faut mettre en œuvre, en urgence, une solution avant le mois de juin prochain, par la mise en place d’une structure interparlementaire permanente et efficace associant les parlements nationaux. Il n’est pas nécessaire de prévoir un grand nombre de membres, mais plutôt la présence des parlementaires qui suivent régulièrement ces questions. Il faut aussi dans cette structure travailler avec le Parlement européen. Il faudrait également associer les pays qui ne sont pas membres de l’OTAN ou de l’Union européenne, mais malheureusement, cette voie ne semble pas pour l’instant devoir être choisie.

M. Jacques Desallangre. L’Europe de la Défense ne doit-elle pas être pour nous tous une politique à la hauteur de notre rôle ou de notre ambition plutôt que d’être placée sous la protection bienveillante de l’allié américain ? L’Europe de la défense ne doit-elle être un potentiel de défense véritablement partagé en cohérence avec la construction de l’Europe ? Que serait, en effet, une diplomatie européenne qui ne disposerait pas des moyens de faire appliquer de manière indépendante ses décisions et de défendre ses intérêts essentiels ? Pour avancer sur le chemin de la construction d’une véritable défense européenne, il est indispensable de clarifier les relations entre l’Union européenne et l’OTAN, le débat étant ouvert de savoir si cette dernière doit être la pierre angulaire de la défense européenne. La PESD est la conséquence logique de l’échec du projet de bâtir au sein de l’alliance une identité européenne de sécurité et de défense, dit-on. On doit en prendre acte, mais ne pas se contenter de ce constat. L’Union européenne a désormais un service européen d’action extérieure et une Haute représentante, mais quid d’une politique de défense vraiment commune ? Comment surmonter dans la construction de l’Europe de la Défense l’application des principes de la coopération intergouvernementale et non de l’intégration communautaire ? Une réflexion sur l’outil de défense commune peut-elle s’affranchir d’une réflexion préalable sur les objectifs de cette défense ? Sans une réflexion sur les valeurs et son cap, celle-ci n’est-elle pas vaine ? A ce jour, tous les documents traitant de la défense européenne font très largement référence à l’OTAN. C’est qu’ont aussi fait, récemment, le Royaume-Uni et la France lorsqu’ils ont présenté leurs accords. L’article 42 du traité sur l’Union européenne fait également référence à l’OTAN, pour les Etats membres de l’alliance. Pourquoi alors une Europe de la Défense ? Notons en effet que pour l’armée française, les standards techniques de l’OTAN sont déjà en application avec ou sans réintégration dans le commandement intégré, de même que les armées allemandes et polonaises, dont les industriels américains sont des fournisseurs, sont largement à ces standards.

Par ailleurs, dans son discours tenu à Munich, le 7 février 2009, le Président de la République a souligné que la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN était un geste politique en direction des Etats-Unis. Mais, à titre personnel, je pense qu’en ne percevant la défense que par le prisme de l’OTAN, nous nous interdisons la réflexion stratégique européenne sur la définition de nos intérêts spécifiques et l’élaboration d’un Livre blanc européen. Les choix tactiques de l’OTAN risquent par ailleurs de phagocyter nos budgets militaires dans des projets coûteux aux effets incertains comme la défense anti-missile, ce qui a pour conséquence de nous démunir sur les projets conventionnels et de nous rendre encore plus dépendante de notre puissant voisin. Quel intérêt d’une défense commune si ce n’est pour assurer l’indépendance de chacun et la souveraineté de chacun d’entre nous ? La définition des intérêts vitaux et la mutualisation des moyens militaires peuvent se développer au niveau européen dès lors qu’il sera affranchi de la tutelle atlantiste, car nos intérêts ne sont pas strictement identiques à ceux des Etats-Unis. Mon opinion est très personnelle, mais d’autres la partagent et elle montre l’intérêt d’une discussion ouverte sur ces questions en préalable aux choix constructeurs de l’Europe de la Défense, de même qu’il convient d’avoir une clarification de la position de nombreux pays à la fois membres de l’OTAN et de l’Union européenne.

On peut aussi se poser la question de savoir si l’OTAN a davantage à perdre ou à gagner avec une Union européenne mieux dotée en capacités militaires et autonome dans la conduite de programmes industriels et d’interventions extérieures ? Comment en définitive faire progresser l’Europe de la Défense ? Si celle-ci ne doit pas être qu’un élément de l’OTAN, alors la question reste ouverte et le triangle de Weimar peut être l’un des éléments de la démarche.

M. Tadeusz Iwiński, député polonais. Quelques remarques sur ces sujets, qui sont très controversés. D’un côté, il est juste, et bon, que soit inscrite dans le traité de Lisbonne une nouvelle référence à l'Europe de la défense, à l’Agence européenne de Défense et à l’assistance mutuelle, mais, d’un autre côté, et je m’exprime davantage en tant qu’universitaire, je remarque que le rôle du facteur militaire décroît, quels que soient les aspects de la guerre entre la Russie et la Géorgie, et que l’aspect économique est au premier rang. Nous, Polonais, n’avons pas de force de frappe propre, nous n’avons par d’atoll où nous aurions pu faire des essais mais, bien en entendu, nous sommes un membre important de l’alliance atlantique et de l’Union européenne. A mon avis, considérer la PSDC comme une priorité pour la présidence polonaise semble encore être un sujet à discuter. Je voudrais rappeler, ce qui est peu connu, que le Costa Rica, il y a un siècle environ, avait décidé de se désarmer entièrement et d’assurer ainsi sa sécurité. On ne peut suivre cette voie, mais dans la situation de la crise actuelle et comme nous avons prévu que 1,95 % du PIB serait consacré à la défense, j’estime que les choses ne devraient pas être aussi rigides, d’autant plus que seuls six pays de l’OTAN dépassent ce seuil d’environ 2  %.

Certains éléments du contexte d’ensemble changent également. L’UEO va être dissoute. Nous pouvons tirer certaines leçons du conflit dans le Caucase. Je pense ainsi qu’il est actuellement essentiel d’élargir le champ des missions de Petersberg, car il s’agit de missions de désarmement, de missions humanitaires ainsi que de missions de sauvetage et de conseil.

Hier, s’est terminée l’Assemblée parlementaires de l’OTAN, mais la date a été mal choisie, car le secrétaire général de l’Alliance aurait pu y venir et aurait été en mesure d’y délivrer un autre message si cette session s’était tenue après le prochain sommet de l’Organisation, à Lisbonne.

Pour terminer, il est indubitable que l’événement le plus important de l’année est la signature de l’accord Start entre les Etats-Unis et la Russie et si cet accord est ratifié par le Congrès et la Douma, nous pourrons passer à une nouvelle étape et diminuer nos dépenses d’armement de plusieurs milliards d’euros. C’est un événement historique. Je rappellerai aussi que la Norvège, qui est un membre de l’OTAN, vient de mettre fin à un conflit avec la Russie sur la délimitation de sa frontière sur le continent et en Arctique. Diminuer l’importance des conflits, c’est ainsi, je crois, que nous devons agir.

M. Dariusz Lipiński, Vice-président de la Commission des affaires européennes du Sejm polonais. Nous sommes au tout début de la mise en œuvre du traité de Lisbonne et, en matière de sécurité et de défense, le principe reste celui de l’unanimité, en outre toujours respecté dans la pratique.

Cet élément étant rappelé, il est impossible de ne pas commenter le sommet de Deauville qui a récemment réuni la France, l’Allemagne et la Russie, car il concernait la sécurité et a suscité d’importantes controverses dans de nombreux Etats membres. Parmi les critiques, il y a celle concernant le format trilatéral d’une telle rencontre sur des sujets qui concernent l’Europe tout entière. Il n’était pas, en effet, nécessaire de passer au-dessus des autres Etats. Il n’était pas non plus utile de faire jouer un double rôle à l’OTAN, dont font partie nos trois pays et qui reste la principale organisation qui assure notre sécurité. Si l’Union européenne doit traiter ces questions, elle dispose de la Haute représentante, Lady Ashton, dont il se trouve qu’elle n’était pas présente. De même, le président Van Rompuy n’était pas là. Enfin, si l’objectif du sommet était de développer la sécurité régionale, alors, il est incompréhensible que la Turquie, par exemple, n’ait pas été invitée. C’est partenaire important et pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, et qui fait en outre partie de l’OTAN. Enfin, le bouclier anti-missiles est dans une large mesure une entreprise américaine et non européenne.

Nous sommes donc sur des sujets où il y a discordance entre nous. Je tenais avant tout à vous sensibiliser au fait que, à partir du moment où nous avons un traité qui prévoit des institutions et des procédures de décision sur la politique de défense de l’Union, la création d’autres mécanismes semble inutile et peut être même nocive en ce qu’elle concerne l’image de l’Union, alors que celle-ci peut être l’un des acteurs de la politique mondiale.

M. Gérard Voisin. En réponse à notre collègue Andrej Hunko, je souhaite souligner que, selon moi, la puissance de défense européenne n’est pas un déshonneur. La solidarité entre nos pays, nantis, est une chance. Si nous ne sommes pas appelés à être les plus puissants, nous ne pouvons pas désarmer l'Europe car la paix n’est jamais totalement installée et la première réussite de l'Europe a été de porter la paix. L’armement constitue incontestablement une clé essentielle dans l’édification de la paix.

Le Président Pierre Lequiller. Je suis très heureux de cette conversation franche. Le sommet de Deauville n’est pas un nouveau mécanisme d’ordre institutionnel. Il s’agit d’une rencontre spécifique destinée à aborder certaines questions à un moment donné. S’agissant du couple franco-allemand, je souhaiterais rappeler une anecdote éclairante. Au cours des travaux de la Convention, le Président Romano Prodi m’avait confié, dans son bureau, que la procédure d’élaboration du projet de traité constitutionnel avait besoin d’une meilleure entente franco-allemande, qui n’était pas suffisante à ce moment là. Puis les choses ont changé, la coopération entre la France et l’Allemagne s’est très sensiblement renforcée et le même Romano Prodi a alors estimé que le couple franco-allemand oubliait les autres Etats membres ! C’est bien là toute la difficulté, car le couple franco-allemand est très important mais il faut toujours veiller à ce que cette coopération entre la France et l’Allemagne soit très clairement ouverte à nos autres partenaires. Je mesure bien les critiques émises par nos collègues polonais mais, en l’espèce, elles ne sont pas totalement fondées. Je comprends également très bien la sensibilité pour la Pologne des relations avec la Russie.

La séance est levée à 15h15

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 17 novembre 2010 à 14 heures

Présents. - M. Christophe Caresche, M. Jacques Desallangre, M. Jean Gaubert, Mme Anne Grommerch, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Tourtelier, M. Gérard Voisin

Excusé. - M. Pierre Bourguignon