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Commission des affaires européennes

mardi 17 mai 2011

16 h 45

Compte rendu n° 202

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Christophe Caresche, Bernard Deflesselles et Robert Lecou sur l’Union européenne et le G20 (point d’étape)

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 17 mai 2011

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 17 h

Le Président Pierre Lequiller. Comme vous l’avez constaté, le projet de rapport relatif aux régimes des droits de plantation de vigne a été retiré de notre ordre du jour, afin de favoriser la recherche d’un consensus, comme il en est d’usage dans notre Commission. Dans cet esprit, le Président Jean-Marc Ayrault m’a demandé de surseoir à l’examen de la proposition de résolution du groupe SRC.

La majorité et l’opposition devraient parvenir rapidement à une rédaction commune, un accord semble à portée de main. Cela donnera davantage de force à la France pour peser au niveau européen. Nous devrions reprendre ce texte le mardi 31 mai.

M. Philippe Armand Martin. Plusieurs Etats européens se retrouvent pour revenir au plan européen sur la décision qui a été prise de mettre un terme au régime des droits de plantation. Il aurait donc été mal venu que les partis politiques français ne parviennent pas à s’entendre. Avec Mme Quéré, nous avançons effectivement bien.

I. Examen du rapport d’information de MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Christophe Caresche, Bernard Deflesselles et Robert Lecou sur l’Union européenne et le G20 (point d’étape)

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Le G20 pourrait être qualifié de projet de gouvernance économique multilatérale pour corriger les grands déséquilibres et gérer les fluctuations et asymétries de croissance de façon coordonnée. Notre groupe a été chargé d’analyser les enjeux et d’émettre des recommandations contribuant à améliorer le rôle joué par l’Union européenne dans le processus décisionnel, à travers ses quatre Etats membres participant aux travaux du G20 – l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie – comme à travers ses instances propres. Rappelons en effet que le G20 est en réalité le groupe des dix-neuf pays les plus développés du monde plus l’Union européenne.

Le G20 suit un processus évolutif. Ce n’est pas une organisation internationale investie d’un pouvoir normatif, appuyée par une administration pour le faire respecter et obéissant à des règles de fonctionnement intangibles, mais un forum de dialogue traçant des pistes de réformes et édictant des recommandations aux pouvoirs publics nationaux et aux organisations internationales. Cela dit, si ses orientations ne sont pas liantes juridiquement, elles le sont politiquement, dans la mesure où les sommets se concluent toujours par une déclaration finale commune adoptée par consensus.

Compte tenu de l’étendue des champs thématiques inscrits par le Président de la République à l’agenda de la présidence française du G20, nous avons choisi au départ de nous concentrer sur un aspect, multidimensionnel et sans doute le plus crucial pour le devenir de l’économie mondialisée, la régulation des marchés, avec trois volets : la poursuite de l’encadrement des marchés et services financiers engagé depuis le premier sommet du G20, en 2008 ; la réforme du système monétaire international (SMI), qui en est restée, jusqu’à présent, à ses balbutiements ; la lutte contre la volatilité des prix des matières premières agricoles, thème novateur sur la scène diplomatique internationale. Cependant, au fil des auditions, il nous est aussi apparu incontournable de nous pencher sur le mode de gouvernance du G20.

La Commission des affaires européennes est particulièrement qualifiée pour suivre le G20, non seulement en raison du poids de l’Europe dans l’économie mondiale, mais aussi du fait que l’Union européenne est l’échelon politique auquel se prennent désormais la majeure partie des décisions de nature financière, commerciale et monétaire engageant les Vingt-sept. De surcroît, eu égard au savoir-faire qu’elle a acquis depuis plus de soixante ans en matière de négociations multilatérales, de recherche du consensus et d’organisation d’un marché intérieur, elle est vouée à jouer un rôle central dans le G20. Cela devrait devenir plus vrai encore lorsque la gouvernance économique européenne aura été renforcée, au terme des travaux qui sont en cours dans ce domaine.

Nous avons déjà procédé, à Paris et à Bruxelles, à de nombreuses auditions. Certains d’entre nous se sont aussi rendus à Rome, à Berlin et à Budapest, dans le cadre de la présidence hongroise de l’Union. Nous irons aussi bientôt aux Etats-Unis, en Chine, au Japon et en Pologne, qui prendra la présidence de l’Union au second semestre.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Nous connaissons bien le sujet de la régulation, sur lequel le G20 a déjà pris des positions assez volontaristes, déclinées au niveau européen sous l’autorité de Michel Barnier.

Outre la lutte contre les juridictions non coopératives, qui s’est notamment traduite par la publication d’une liste de paradis fiscaux, plusieurs actions ont porté sur l’encadrement des marchés et des produits bancaires et financiers.

En matière de renforcement des fonds propres des établissements bancaires, les accords de Bâle III imposeront le respect de ratios de liquidité et de solvabilité, ce qui donne lieu à des débats. La question des pratiques de rémunération et des bonus a aussi fait l’objet de déclarations d’intention assez fortes. L’accent a beaucoup été mis sur la régulation des produits dérivés, la titrisation étant dans une large mesure à l’origine de la crise.

L’enjeu tient désormais à l’application de ces orientations. Au fil des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons mesuré qu’il existe des différences de mise en œuvre assez sensibles d’un pays à l’autre. Les Etats-Unis sont assez avancés sur la question de la solvabilité du système bancaire, organisée dans le cadre du Dodd-Frank Act. En revanche, sur la question des bonus, les Américains ne veulent même pas en entendre parler. A contratrio, l’Europe a bien avancé sur la question des bonus mais exprime des réticences à propos des ratios de Bâle III – la Fédération française bancaire, par exemple, juge, au regard des pratiques des établissements français, que le ratio de liquidité prévu est excessif.

S’agissant des produits dérivés, chaque place financière s’efforce de préserver sa compétitivité en restreignant le plus possible les règles contraignantes. C’est en particulier le cas en Grande-Bretagne.

Il reste donc énormément de travail d’harmonisation à mener. Derrière les bonnes intentions, une fois la crise passée, les problématiques nationales reprennent le dessus. A cet égard, le G20 devra rappeler un certain nombre de principes et revenir sur le métier.

La question de la gouvernance, avec un éventuel secrétariat permanent, n’est pas neutre du point de vue du suivi des orientations du G20 : quels moyens se donne-t-il pour aller au-delà des déclarations ? ne doit-il pas se doter d’un système permettant de vérifier leur mise en application ?

La taxation sur les transactions financières est une proposition nouvelle, résolument portée par la France et le Président de la République. Sa finalité est double : elle pourrait contribuer à limiter les transactions à haute fréquence mais aussi dégager une recette mondiale pour lancer des financements innovants, notamment en faveur de l’aide au développement et de la lutte contre le changement climatique. Il est certes peu probable que cette mesure soit définitivement adoptée dans des délais brefs mais l’idée, portée par plusieurs pays et autour de laquelle des alliances pourraient se nouer, est appelée à prospérer.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Malgré les déclarations annonçant un « nouveau Bretton Woods », entendues avant chaque sommet, force est de constater que la conception et l’organisation d’un nouvel ordre monétaire mondial est compliquée. Rappelons que les pays du G20 représentent 85 % des productions de richesses mondiales.

Le Président de la République a prôné en janvier dernier « la construction d’un système monétaire international plus stable et plus robuste ». La problématique centrale est celle de la confrontation entre le yuan et le dollar, qui pourrait être assimilée à une « guerre des changes ». D’un côté, les Etats-Unis, afin de compenser une croissance trop faible au regard des attentes de la société, ont utilisé l’endettement public puis privé pour soutenir l’activité économique, à tel point que la dette publique atteint aujourd’hui 14 000 milliards de dollars, soit 95 % du PIB américain. De l’autre, la Chine, grâce à son modèle économique fondé sur des coûts de production très bas favorisant les exportations et la constitution d’excédents commerciaux, a accumulé des réserves de change colossales. Au total, ces comportements se traduisent par l’injection d’une trop grande quantité de liquidités dans l’économie mondiale, porteuse d’importants déséquilibres macroéconomiques : flux de capitaux internationaux excessifs, notamment vers les pays émergents ; anomalies dans la constitution des taux de change, avec une dépréciation du dollar ; hausses de prix spéculatives sur des actifs comme l’immobilier ou les matières premières ; tensions inflationnistes inquiétantes.

Le système monétaire international n’a certes pas failli pendant la crise mais il n’est plus adapté à l’échelle des forces économiques mondiales : 80 % des transactions commerciales internationales sont libellées en dollars alors que les Etats-Unis ne produisent plus que 25 % de la richesse mondiale.

Tous les acteurs mondiaux conviennent que ces déséquilibres doivent être résorbés. Il y a un mois, la banque centrale chinoise a annoncé que ses réserves de change avaient augmenté de 24,4 % en un an pour atteindre, fin mars, un record de 3 044 milliards de dollars. Les Chinois, qui n’ont pas intérêt à mettre tous leurs œufs dans le même panier, cherchent à diversifier progressivement leurs actifs monétaires en se tournant vers l’euro. Conscients de courir un risque patrimonial élevé lié à la valeur du dollar, ils s’efforcent de ne rien faire qui puisse en accélérer la chute, tout en étant animés par la volonté d’accompagner un rééquilibrage progressif. Le premier ministre chinois a récemment déclaré que la Chine continuerait d’augmenter la flexibilité du taux de change du yuan, mais toujours graduellement, prudemment, afin de prendre en considération la pression sur les entreprises et l’emploi, dans un souci de contrôle de la stabilité sociale.

Après avoir proposé, au sommet de Séoul, que les excédents et déficits commerciaux nationaux soient enserrés dans un tunnel de plus ou moins 4 %, les Américains ont suscité l’instauration d’indicateurs de suivi, dont le principe a été retenu à la réunion des ministres des finances du G20 des 19 et 20 février, à Paris : la dette et le déficit publics, les taux d’épargne et d’endettement privés, la balance commerciale. Lors de la réunion ministérielle suivante, le 14 avril, à Washington, il a été décidé que les sept principales puissances économiques mondiales seraient concernées par ce suivi.

Pour tenir compte de l’essor de nouvelles monnaies et de nouveaux flux commerciaux, il conviendrait également de revoir le système des droits de tirage spéciaux (DTS). Créés en 1969 pour compléter les réserves monétaires et se substituer à l’or monétaire dans les transactions internationales, leur valeur est déterminée à partir d’un panier de monnaies composé du dollar, du yen, de l’euro et de la livre sterling. Les pays émergents, à commencer par la Chine et la Russie, seraient favorables à un recours plus grand aux DTS dans les réserves souveraines et à un élargissement du panier au yuan et à d’autres devises, ce qui contribuerait à réduire les déséquilibres entre balances des paiements et à limiter la volatilité des prix des matières premières agricoles.

M. Robert Lecou, co-rapporteur. La lutte contre la volatilité des prix des matières premières énergétiques et surtout agricoles est considérée comme une valeur ajoutée majeure de la présidence française. Si le ressort principal des émeutes de la faim qui ont secoué le monde en 2008 et du « printemps arabe » de cette année est sans aucun doute de nature politique, il est aussi alimenté par la colère de classes populaires de plus en plus privées des produits de premières nécessité et le ressentiment de classes moyennes paupérisées par la hausse des prix alimentaires.

Avec 1,3 milliard d’emplois, la production agricole est la première activité mondiale. Plus de 40 % de la population active mondiale dépend directement des marchés agricoles. Les produits de l’agriculture représentent 10 % du commerce mondial. L’explosion des prix de certains produits agricoles constatée ces dernières années, en particulier sur les céréales, a donc des effets considérables sur l’économie mondiale.

Les pays du G20 représentent quelque 54 % des surfaces agricoles et même 65 % des terres arables mondiales. Cette zone concentre 80 % des exportations et importations agroalimentaires en valeur. Autant de données qui confèrent au G20 légitimité et capacité à intervenir.

Le sommet de Séoul avait mandaté les organisations internationales pour réfléchir à ce sujet. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), fin mars, a remis un pré-rapport à la présidence française. Plusieurs pistes tracées reprennent des axes de proposition de la France.

Le phénomène principalement mis en accusation est l’opacité des marchés agricoles. La FAO suggère la création d’un dispositif de croisement des données relatives à la production, à la consommation et aux stocks de céréales, sur le modèle de celui existant pour le secteur pétrolier. Pour rassembler la totalité des grands producteurs et consommateurs de céréales du monde, il conviendrait certainement d’associer au G20 la Thaïlande, le Vietnam, le Bangladesh, le Nigeria et l’Egypte.

Quoique l’impact de la spéculation sur la volatilité des prix agricole soit régulièrement remis en cause, une autre proposition consisterait à poursuivre la réglementation des marchés à terme, particulièrement aux Etats-Unis et en Europe. En effet, même si l’essentiel de la volatilité provient de fondamentaux physiques – évolution de l’offre et de la demande, aléas climatiques et politiques, croissance du prix du pétrole –, la financiarisation de l’agriculture amplifie le phénomène.

La FAO souligne deux autres problèmes majeurs.

D’une part, les restrictions aux exportations, souvent motivées par des considérations nationales, voire politiciennes, et dénuées de rationalité économique, jouent beaucoup sur les tensions haussières, comme ce fut le cas, le 5 août dernier, lorsque la Russie décréta un moratoire sur la vente de blé. La FAO préconise que les restrictions aux exportations ne soient permises que dans les situations où le risque de pénurie alimentaire est avéré.

D’autre part, l’augmentation de la productivité agricole est tombée de 3 % dans les années 1960 à 1970 à 1,3 % aujourd’hui, alors que la demande progresse de 2 % par an. Pour inverser la tendance, il faut investir dans l’agriculture, secteur souvent négligé par les gouvernements nationaux de tous les pays du monde depuis deux ou trois décennies. C’est plus particulièrement le cas dans les pays en développement, qui n’investissent que 5,5 % de leur PIB dans l’agriculture, au lieu des 10 % auxquels ils s’étaient engagés il y a une dizaine d’années.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Les débats du G20 peuvent connaître des hauts et des bas en fonction du poids politique du pays exerçant la présidence, avec le risque que les attentes soient déçues. De ce point de vue, nous sommes au demeurant dans une situation exceptionnelle, la France exerçant à la fois la présidence du G8 et du G20. Par ailleurs, il est crucial d’assurer un bon suivi des orientations prises lors des sommets. A ce stade, dans ce point d’étape, nous ne vous proposons pas de conclusion ferme, car beaucoup d’idées circulent.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. La question de la gouvernance n’est pas une mince affaire.

M. Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, a réuni, de manière informelle, un panel d’experts internationaux au sein du groupe de travail intitulé « Initiative du Palais Royal », qui a rendu un rapport au Président de la République, le 18 janvier dernier. Il préconise une vraie gouvernance pour le G20 et une organisation selon trois cercles concentriques : celui des chefs d’État ou de gouvernement ; celui des ministres des finances et des gouverneurs de banques centrales ; celui des administrateurs contrôlant les travaux du FMI. Les trois échelons seraient organisés sur la base d’une sectorisation par circonscriptions géographiques, méthode suivie par le FMI et la Banque mondiale. Il n’y a pas beaucoup d’autres pistes. Lors de nos différentes visites, nous avons ressenti un certain flou.

Je plaide en faveur de l’idée de la France, qui pousse à la constitution d’un secrétariat permanent. Certains estiment que ce serait un nouveau « machin », une « ONU bis ». Mais le pays président, qui change tous les ans, ne peut porter seul tout le poids de l’organisation intellectuelle du G20 pour faire en sorte d’aboutir. Un secrétariat permanent, même léger et collégial, serait en mesure d’assurer un suivi au fil de l’eau. Il est insuffisant de se retrouver une fois par an, quelques mois avant le sommet, pour conduire les négociations.

Avec Jérôme Lambert, nous suivons une autre initiative, menée dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Immédiatement après le demi-échec du sommet de Copenhague, un grand nombre de pays, dont les Etats-Unis, en ont tiré la conclusion que l’organisation onusienne ne valait rien, qu’il fallait changer de braquet. Heureusement, la France, parmi d’autres pays, a tenu le cap pour faire en sorte que les 192 Etats des Nations unies continuent à participer aux négociations internationales. Lors du sommet suivant, celui de Cancun, il a d’ailleurs démontré que ce niveau d’organisation est le bon.

Pour le G20, la problématique est similaire : même si le pays organisateur peut jouer le rôle de facilitateur, d’aiguillon, cela ne suffit pas pour prendre des mesures de portée mondiale.

A Berlin, où nous nous sommes rendus la semaine dernière, j’ai poussé l’idée d’un secrétariat permanent, à laquelle les Allemands ont toujours été réfractaires. Mais, poussés dans leurs derniers retranchements, lorsque nous leur expliquons que c’est un facteur d’efficacité, ils réfléchissent. La partie, sans être gagnée, n’est donc pas perdue. Sans fil rouge pour suivre les décisions et les mettre en musique, les chances de réussir sont minces. Sur le climat, sans secrétariat permanent, les avancées seraient plus modestes. Pour le G20, ce n’est pas la question prioritaire mais cela pourrait le devenir.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Certains préconisent que le secrétariat permanent pourrait être assuré par l’OCDE ou par le FMI ; mais, à mesure que la crise s’éloigne, ces questions apparaissent comme moins urgentes.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. La question de la régulation financière me semble faire l’objet des discussions les plus essentielles et difficiles. Les grandes difficultés rencontrées par la plupart des pays du monde, en particulier ceux qui sont constamment observés au microscope, comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, sont connus. Beaucoup des interlocuteurs de notre groupe de travail – dont trois membres se rendront aux Etats-Unis –, ont souligné que, d’un côté, les pays sous observation prennent des mesures très difficiles, tandis que, de l’autre, les autorités américaines font marcher la planche à billets et les ménages américains se sont lourdement endettés. Cela suscite beaucoup d’inquiétudes. Les Etats-Unis apparaissent comme le mauvais élèves et ne prennent pas la mesure de la nécessité de l’assainissement des finances publiques et privées.

M. Jean Gaubert. Les banques françaises affirment qu’elles sont prudentes, ce qui semble vrai pour leurs activités en France ; pour autant, elles n’apparaissent pas totalement blanches en ce qui concerne les risques qu’elles ont pris dans leurs activités à l’étranger. En outre, Bâle III risque de construire un monde où les banques seront les seules entreprises prospères dans une économie marquée par le manque de financement. Disposez-vous de documents à ce sujet, en particulier sur l’affaiblissement relatif de notre secteur bancaire ?

La question de la volatilité des prix agricoles est d’autant plus aiguë que l’état des stocks est inconnu. Quand l’Union européenne connaissait ses stocks, un accompagnement était effectivement assuré en cas de mauvaises récoltes et la spéculation restait faible. Allons-nous prendre la mesure de cet enjeu et trouver un moyen d’évaluer les stocks, comme les Etats-Unis, qui continuent de constituer des stocks de précaution ?

M. Hervé Gaymard. Il faut se féliciter que l’enceinte du G20 réunisse les pays de plusieurs horizons. Souvenons-nous que le premier G20, créé à Cancun en 2001, était uniquement constitué de pays émergents. Aujourd’hui, tous les partenaires sont autour de la table.

L’inscription du problème de la volatilité des prix agricoles à l’ordre du jour est très importante car, jusqu’à présent, c’était un sujet tabou. Certains pays sont animés par une idéologie libre-échangiste, considérant que les dispositifs STABEX (Système de stabilisation des recettes d’exportation) et SYSMIN (Système de développement du potentiel minier) ont été des échecs, ce que je ne pense pas.

En matière de gouvernance, l’encadrement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est un vrai sujet. En effet, sa charte constitutive lui fixe comme objectif de favoriser l’expansion du commerce international mais ne traite ni des questions de normes, ni des questions environnementales, ni des questions sociales. Or tous ces points doivent être pris en compte, dans la recherche d’un nouvel ordre économique mondial.

Une autre dimension importante est celle du numérique, du point de vue économique comme de ceux de l’éthique et de la diversité culturelle. La première loi du monde sur le livre numérique sera votée ce soir à l’Assemblée nationale : ce seront les éditeurs qui en fixeront le prix, afin d’éviter tout moins-disant que voudraient imposer les distributeurs. Cette question doit également être traitée dans un cadre mondial.

Le Président Pierre Lequiller. Je signale que cette question fera l’objet très prochainement d’une proposition de résolution de notre commission à l’initiative d’Hervé Gaymard.

M. Jacques Desallangre. S’agissant de la régulation bancaire, je propose que nous complétions la proposition de conclusions en précisant que la Commission « Souhaite ardemment que le G20 s’attache à recommander très fortement la séparation des activités de banque de dépôt et de banque d’affaire ». En effet, les pays qui ont le mieux résisté à la crise, tel le Canada, sont précisément ceux dans lesquels les activités des banques sont efficacement séparées. Cette question mérite que l’on agisse.

Je pense aussi que nous devons être beaucoup plus fermes à propos de la spéculation sur les produits agricoles, inacceptable et aux conséquences humaines dramatiques, en réclamant explicitement qu’une attention soit portée aux marchés à terme, pour réduire la volatilité.

M. Jacques Myard. Je m’interroge quant à l’ordre des priorités ressortant de la proposition de conclusions, qui met d’abord en avant la régulation financière, alors que la France, en présidant le G20, avait porté en haut de l’agenda l’indispensable ajustement monétaire.

La première difficulté tient à l’absence de position européenne commune, qui constitue pourtant un préalable incontournable à toute avancée. Bien entendu, à cet égard, l’acteur clef, et sans doute l’obstacle naturel, demeure le Royaume-Uni, dont les intérêts sont assez différents des nôtres.

Sur la question plus générale de la gouvernance, au-delà de l’amélioration sans doute utile que constituerait l’instauration d’un secrétariat permanent du G20, je veux insister sur la nécessité de préserver le triangle institutionnel mondial. Certes, deux de ses pointes – le G20, qui concentre l’initiative politique indispensable, et les organismes internationaux spécialisés, qui fournissent l’expertise – sont pleinement impliqués. Mais il ne faut pas oublier le sommet du triangle, qui concentre la véritable légitimité internationale : les Nations unies. Nous devons être très attentifs à intégrer pleinement cet acteur essentiel et surtout à ne pas affaiblir sa crédibilité.

M. Pierre Forgues. Il me semble en effet important d’être plus précis dans la lutte contre la spéculation sur les denrées agricoles. Le problème fondamental, d’ordre éthique, concerne les produits indispensables aux populations, avec lesquels nul n’a le droit de jouer. Complétons donc nos conclusions en indiquant que nous appelons à une régulation « plus particulièrement à l’égard des produits céréaliers », dont l’évolution erratique des prix expose des pays entiers à la famine.

Pour le reste, les intentions sont excellentes, mais la perspective de leur concrétisation demeure malheureusement encore bien éloignée.

Le Président Pierre Lequiller. Je tiens à féliciter vivement les rapporteurs pour la grande qualité de leur travail et pour leur choix judicieux d’avoir partagé les analyses, chacun s’étant spécialisé sur l’un des nombreux aspects des travaux du G20.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Sur les questions bancaires, je commencerai par rappeler la situation contrastée des banques françaises, dont les caractéristiques particulières fondent à la fois leurs forces et leurs faiblesses. Grâce à une forte modernisation et à un mouvement de concentration exceptionnel, elles atteignent une taille très importante. L’assise financière qui en découle est sans doute un atout mais c’est aussi un risque, leurs éventuels difficultés faisant peser un risque majeur sur tout le système. On l’a bien vu lorsque a été révélé, par exemple, l’exposition importante de la Société générale aux opérations d’AIG, heureusement garanties par le gouvernement américain. Leur taille repose sur leur caractère universel, qui présente aussi un risque.

Même les pays plus libéraux, à commencer par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, se réorientent vers une séparation des activités de dépôt et des activités d’affaires, qui représente l’un des enjeux décisifs de la régulation. Certes, le phénomène diffus de la titrisation brouille inéluctablement la frontière entre ces deux activités. Il n’en reste pas moins que leur confusion est l’une des sources de la crise et que la construction d’un système stable commande que d’avancer sur ce sujet.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Monsieur Gaubert, la volatilité des prix des matières premières est d’autant plus importante que le volume des stock de produits alimentaires n’est pas connu, d’où les propositions de régulation de la FAO. je pense également qu’il faut associer d’autres pays au débat du G20 et que la question de l’opacité des marchés est aujourd’hui essentielle.

Monsieur Gaymard, la crise a eu du bon car elle a permis d’identifier des interlocuteurs pertinents. Cela se vérifie avec le G20, organisé au niveau des chefs d’Etats.

Il est bon que toutes les questions soient mises sur la table mais je ne pense pas que l’apparition du G20 remette en cause le système onusien, monsieur Myard. Il me semble, pour ma part, que le G20 est d’une autre nature.

La communication que nous vous présentons aujourd’hui est un simple point d’étape. La question du numérique sera traitée ultérieurement.

Le Président Pierre Lequiller. Je tiens à ce que le texte que vous nous avez présenté soit d’ores et déjà publié sous la forme d’un rapport d’étape.

M. Robert Lecou, co-rapporteur. Les remarques de nos différents collègues à propos de la volatilité des prix des matières premières enrichissent le débat. La spéculation existe, c’est incontestable, mais elle vient amplifier les phénomènes physiques constatés sur les marchés réels, par exemple en cas de sécheresse ou à la suite de décisions politiques de fermeture des flux d’exportations, comme cela s’est produit en Russie.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie les co-rapporteurs pour ce rapport important, appuyé sur un travail de fond extrêmement intéressant.

Puis, la Commission a approuvé, à l’unanimité, la proposition de conclusions suivante :

« La Commission des affaires européennes

Approuve les priorités retenues par la présidence française du G20, en particulier les objectifs de régulation des marchés financiers, de réforme du système monétaire international et de lutte contre la volatilité des matières premières agricoles.

Souhaite que le G20 continue de progresser sur les questions relatives à la régulation bancaire et financière, afin de consolider son bilan dans ce domaine et de rappeler que le monde n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise systémique ;

Encourage la recherche d’une voie vers un nouveau système monétaire international en vue de résorber progressivement les déséquilibres économiques et commerciaux mondiaux ;

Soutient l’objectif de réduction de la volatilité des prix des matières premières, notamment agricoles, nuisible pour les producteurs comme pour les consommateurs ;

Emet le vœu que l’Union européenne et ses quatre Etats membres appartenant au G20 se coordonnent davantage pour peser ensemble en faveur d’un renforcement de la régulation mondiale ;

Estime nécessaire d’engager une réflexion sur le mode de gouvernance du G20, afin d’améliorer le suivi de la mise en œuvre des orientations fixées dans les déclarations finales des sommets. »

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Agriculture

- projet de règlement de la Commission du modifiant le règlement (UE) no 142/2011 portant application du règlement (CE) nos 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières en vertu de cette directive (E 6229).

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la signature de l’accord entre l’Union européenne et la Géorgie relatif à la protection des indications géographiques des produits agricoles et des denrées alimentaires (E 6222) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et la Géorgie relatif à la protection des indications géographiques des produits agricoles et des denrées alimentaires (E 6223) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant l’annexe I du règlement (CEE) nos 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (E 6227).

Ø Pêche

- proposition de règlement du Conseil relatif à l’attribution des possibilités de pêche au titre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République du Cap-Vert (E 6224) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un nouveau protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République du Cap-Vert (E 6225) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République du Cap Vert (E 6226) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) nos 57/2011 du Conseil en ce qui concerne les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques (E 6232).

Point B

La Commission a approuvé le texte suivant :

Ø Politique de développement

- proposition de décision du Conseil relative à l’allocation de fonds désengagés des projets au titre du 9e Fonds européen de développement (FED) et des FED précédents en faveur de la coopération au développement avec le Sud-Soudan (E 6234).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, du texte suivant :

- proposition de décision d’exécution du Conseil modifiant la décision d’exécution 2011/77/UE du 7 décembre 2010 sur l’octroi d’une assistance financière de l’Union à l’Irlande (E 6244).

Accords tacites

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits) et 28 janvier 2009 (actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- décision du Conseil portant nomination d’un membre néerlandais du Comité des régions (E 6235) ;

- décision du Conseil portant nomination d’un membre danois du Comité des régions (E 6236).

La séance est levée à 18 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 17 mai 2011 à 16 h 45

Présents. - M. Christophe Caresche, M. Bernard Deflesselles, M. Michel Delebarre, M. Jacques Desallangre, M. Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Gaubert, M. Hervé Gaymard, Mme Anne Grommerch, M. Michel Herbillon, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Diefenbacher, Mme Marietta Karamanli

Assistait également à la réunion. - M. Daniel Garrigue