N° 693
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIEME LEGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2008
RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),
sur le monopole des jeux au regard des règles communautaires,
ET PRÉSENTÉ
par MM. Emile BLESSIG et Jacques MYARD,
Députés.
________________________________________________________________
(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.
La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Thierry Mariani, Pierre Moscovici, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; MM.Alfred Almont, Jérôme Bignon, Emile Blessig, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, Mme Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.
SOMMAIRE
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Pages
Résumé des propositions des rapporteurs 7
Zusammenfassung der Vorschläge der Berichterstatter 9
Summary of the proposals by the rapporteurs 11
Yhteenveto esittelijöiden tekemistä ehdotuksista 13
Riassunto delle proposte dei relatori 15
Sammanställning av rapportörernas förslag 17
INTRODUCTION 19
I. GOUVERNES PAR LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, LES JEUX SONT ASSUJETTIS A DES REGLEMENTATIONS VARIABLES AU SEIN DE L’UNION EUROPEENNE 23
A. La spécificité du secteur des jeux 23
1) La reconnaissance par la jurisprudence d’une large marge d’appréciation des Etats membres 23
a) La faculté ouverte aux Etats d’instituer une réglementation 23
(1) La licéité des limitations apportées au principe de libre prestation des services 23
(2) Des limitations toutefois encadrées 25
b) Le choix par les Etats des moyens de mise en œuvre de leur réglementation 27
2) L’exclusion des jeux d’argent et de hasard de certaines législations communautaires 29
a) La directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique 29
b) La directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur 29
B. La diversité des législations existantes 30
1) L’ouverture à la concurrence à Malte et au Royaume-Uni 30
a) L’ambition de concilier ouverture et efficacité du contrôle des opérateurs 30
b) Une ouverture, source de dérives 38
(1) L’assimilation du jeu à une activité économique ordinaire 38
(2) L’aggravation des distorsions de concurrence au sein de l’Union 40
2) Le maintien de régimes de droits exclusifs dans plusieurs Etats membres 41
a) Des régimes différenciés 41
(1) L’instauration d’un régime de monopole sur l’ensemble des segments de jeux : Finlande, Suède 41
(2) Des régimes combinant monopole et autorisations : Italie, Allemagne et France 43
b) Des objectifs communs 52
(1) La nécessité de garantir un niveau élevé de protection de l’ordre public et de l’ordre social 52
(2) Le financement d’activités d’intérêt général 53
II. L’AFFIRMATION D’UNE LOGIQUE DE LIBERALISATION 55
A. Une rupture initiée par la jurisprudence et amplifiée par la Commission 55
1) L’adoption d’une jurisprudence prétorienne par la Cour de justice relayée par les juridictions des autres Etats membres 55
a) La remise en cause de la marge d’appréciation des Etats membres 55
(1) La prise en compte des atteintes à la liberté d’établissement 56
(2) Une approche extensive des restrictions à la libre prestation des services 60
(3) Le contrôle resserré des objectifs poursuivis par les Etats 61
b) Un revirement jurisprudentiel d’importance 63
(1) L’alignement des Cours de cassation française et italienne sur la Cour de justice 63
(2) La position nuancée de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne et de la Cour de l’AELE (Association européenne de libre échange) 66
2) La volonté de la Commission d’instrumentaliser le revirement jurisprudentiel de la Cour de justice 70
a) L’objectif ancien poursuivi par la Commission de parvenir à une réglementation libérale du secteur des jeux 71
b) L’ouverture de procédures à l’encontre de plusieurs Etats membres 72
B. Une évolution très préoccupante 77
1) La claire négation de la souveraineté des Etats 77
a) Un cas d’école : l’imbroglio italien 77
b) Les débats intervenus dans les autres Etats membres 79
2) Le risque d’un affaiblissement accru des Etats 86
a) Les changements révolutionnaires introduits par internet 86
(1) Internet met en échec l’application des lois nationales 86
(2) La mondialisation des infractions économiques 88
(3) Internet : un facteur contribuant à l’extension du jeu pathologique 90
b) L’aggravation inévitable des dérives d’internet du fait de cette logique de libéralisation 93
III. L’URGENTE NECESSITE A INSTAURER UN CADRE QUI SOIT A LA HAUTEUR DES ENJEUX 95
A. Réaffirmer la primauté des Etats 96
1) La consécration expresse de la spécificité des jeux et de leur clair assujettissement au principe de subsidiarité 96
a) Pour un accord intergouvernemental à vingt-sept 96
b) Pour une déclaration de la France au Conseil européen 97
2) L’exclusion du principe de la reconnaissance mutuelle 98
B. Prendre en compte la Planète internet afin de concilier la nécessité d’un contrôle fort des Etats et la promotion du jeu responsable 98
1) Pour une ouverture maîtrisée 98
a) Délivrance de licences nationales : mise en place d’un cahier des charges strict 99
b) Promouvoir l’offre licite 100
c) La nécessaire mise en place d’un organe de contrôle 101
d) Lutter contre l’offre illicite 101
(1) L’interdiction des paris à la cote pour les paris sportifs 101
(2) Le strict encadrement de la publicité 102
(3) Le blocage des sites internet 102
(4) Le blocage des transactions bancaires illégales 103
e) Instituer une coopération internationale très étroite 103
2) Promouvoir le jeu responsable 104
a) Mettre en place une politique cohérente des jeux et une réelle politique de prévention du jeu addictif pathologique 104
b) Développer des actions de sensibilisation dans la population 106
3) Préserver les sources de financement de la filière hippique et des bonnes causes 106
Annexe 1 : Personnes entendues par les rapporteurs 115
Annexe 2 : Dispositif des principaux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes rendus dans le domaine des jeux et paris 125
Annexe 3 : Dispositions des directives 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur excluant les jeux d’argent de leur champ d’application 129
Annexe 4 : Données statistiques sur le marché des jeux 131
Annexe 5 : Principales dispositions du droit français régissant les jeux 133
Résumé des propositions des rapporteurs |
I. REAFFIRMER LA PRIMAUTE DES ETATS |
1. Consécration expresse de la spécificité des jeux et de leur clair assujettissement au principe de subsidiarité |
a) Pour un accord intergouvernemental européen à 27 |
b) Pour une déclaration de la France au Conseil européen |
2. Exclusion du principe de reconnaissance mutuelle |
II. PRENDRE EN COMPTE LA PLANETE INTERNET AFIN DE CONCILIER CONTROLE FORT DES ETATS ET PROMOTION DU JEU RESPONSABLE ET DE PRESERVER LE FINANCEMENT DE LA FILIERE HIPPIQUE ET DES BONNES CAUSES |
1. Pour une ouverture maîtrisée |
a) Délivrance de licences nationales à travers la mise en place d’un cahier des charges strict |
b) Promouvoir l’offre licite |
c) Mettre en place un organe de contrôle des jeux |
d) Lutter contre l’offre illicite |
(1) L’interdiction des paris à la cote pour les paris sportifs |
(2) Le strict encadrement de la publicité |
(3) Le blocage des sites internet illégaux |
(4) Le blocage des transactions financières illégales |
e) Instituer une coopération internationale très étroite |
2. Promouvoir le jeu responsable |
a) Mettre en place une politique cohérente des jeux et une réelle politique de prévention du jeu addictif pathologique |
(1) Une ardente obligation pour les Etats |
(2) La responsabilité des opérateurs |
b) Développer des actions de sensibilisation dans la population |
(3) Préserver le financement de la filière hippique et des bonnes causes |
Zusammenfassung der Vorschläge |
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1. Ausdrückliche Festschreibung, dass die Spiele besondere Merkmale aufweisen und dem Grundsatz der Subsidiarität unterliegen |
a) Befürwortung eines europäischen Regierungsabkommens der 27 Mitgliedstaaten |
b) Befürwortung einer Erklärung Frankreichs im Europäischen Rat |
2. Ausschluss des Grundsatzes der gegenseitigen Anerkennung |
II. BERÜCKSICHTIGUNG DES PLANETEN INTERNET, UM EINE STRENGE KONTROLLE DER STAATEN UND DIE FÖRDERUNG EINES VERANTWORTUNGSBEWUSSTEN SPIELS MITEINANDER IN EINKLANG ZU BRINGEN UND DIE FINANZIERUNG VON PFERDEWETTEN UND WOHLTÄTIGKEITSVERANSTALTUNGEN AUFRECHTZUERHALTEN |
1. Befürwortung einer kontrollierten Öffnung |
a) Erteilung nationaler Lizenzen mittels eines strengen Lastenhefts |
b) Förderung des legalen Angebots |
c) Einrichtung eines Organs zur Kontrolle der Spiele |
d) Bekämpfung des illegalen Angebots |
(1) Verbot von Buchmacherwetten bei Sportwetten |
(2) Strikte Reglementierung der Werbung |
(3) Blockierung der illegalen Internet-Seiten |
(4) Blockierung der illegalen Finanztransaktionen |
e) Begründung einer sehr engen internationalen Zusammenarbeit |
2. Förderung eines verantwortungsbewussten Spiels |
a) Verfolgung einer kohärenten Politik im Bereich der Spiele und einer wirklichen Politik zur Verhütung krankhafter Spielsucht |
(1) Strenge Verpflichtungen für die Staaten |
(2) Verantwortlichkeit der Betreiber |
b) Maßnahmen zur Sensibilisierung der Bevölkerung |
(3) Aufrechterhaltung der Finanzierung von Pferdewetten und Wohltätigkeitsveranstaltungen |
Summary of the proposals by the rapporteurs |
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1. Formal enshrinement of the specificity of games and their clear subjection to the subsidiarity principle |
a) For a 27-State European intergovernmental agreement |
b) For a French declaration at the European Council |
2. Exclusion of the mutual recognition principle |
II. TAKING THE INTERNET PLANET INTO ACCOUNT IN ORDER TO RECONCILE STRONG STATE CONTROL AND THE PROMOTION OF RESPONSIBLE GAMING |
1. For a controlled opening |
a) Issue of national licenses through the setting in place of strict terms and conditions |
b) Promoting lawful supply |
c) Setting a gaming control body in place |
d) Combating unlawful supply |
(1) Banning odds betting for sports bets |
(2) Strict framing of advertising |
(3) Blocking of illegal Internet sites |
(4) Blocking of illegal financial transactions |
e) Instituting very close international cooperation |
2. Promoting responsible gaming |
a) Setting in place a coherent gaming policy and a genuine prevention policy of pathological addictive gaming |
(1) An ardent obligation for States |
(2) The responsibility of operators |
b) Developing awareness-raising activities among the population |
(3) Safeguarding financing of the horse sector and of good causes. |
Yhteenveto esittelijöiden tekemistä ehdotuksista I. VALTIOIDEN ENSISIJAISUUDEN VAHVISTAMINEN 1. Pelien erityisluonteen selkeä tunnustaminen ja alistaminen läheisyysperiaatteelle a) Hallitustenvälisen, 27 jäsenvaltion hyväksymän sopimuksen puolesta b) Ranskan Eurooppa-neuvostolle antaman julistuksen puolesta 2. Vastavuoroisen tunnustamisen periaatteen poissulkeminen II. INTERNET-PELAAMISEN HUOMIOON OTTAMINEN SITEN ETTÄ VOIDAAN SOVITTAA YHTEEN VALTIOIDEN VALVONTAVALTA JA VASTUULLISEN PELAAMISEN EDISTÄMINEN SEKÄ SÄILYTTÄÄ HEVOSURHEILUN JA HYVÄNTEKEVÄISYYDEN RAHOITTAMINEN 1. Hallitun markkinoiden avaamisen puolesta a) Kansallisten lupien myöntäminen tarkoin määriteltyjen vaatimusten perusteella b) Laillisen tarjonnan edistäminen c) Pelejä valvovan elimen perustaminen d) Laittoman tarjonnan vastustaminen (1) Kiinteäkertoimisen vedonlyönnin kieltäminen urheiluvedonlyönnissä (2) Tarkat säännöt mainostamiselle (3) Laittomien Internet-sivustojen toiminnan estäminen (4) Laittomien rahoitustapahtumien estäminen e) Erittäin tiiviin kansainvälisen yhteistyön perustaminen 2. Vastuullisen pelaamisen edistäminen a) Johdonmukaisen pelipolitiikan ja varsinaisen sairaalloista peliriippuvuutta ennaltaehkäisevän politiikan luominen (1) Valtioiden voimakas velvoittaminen (2) Pelipalveluntarjoajien vastuu b) Väestölle suunnatun tiedotustoiminnan kehittäminen (3) Hevosurheilun ja hyväntekeväisyyden rahoittamisen säilyttäminen |
Sammanställning av rapportörernas förslag |
I. PÅ NYTT BEKRÄFTA ATT STATERNA HAR FÖRETRÄDE |
1. Uttrycklig bekräftelse av spelens specifika karaktär och deras klara beroende av subsidiaritetsprincipen |
a) För ett mellanstatligt europeiskt avtal med 27 medlemsländer |
b) För ett franskt uttalande i europeiska rådet |
2. Uteslutande av principen om ömsesidigt erkännande |
II. TA I BEAKTANDE PLANETEN INTERNET FÖR ATT FÖRENA EN STARK KONTROLL AV STATERNA OCH FRÄMJANDE AV FÖRNUFTIGT SPEL SAMT BEVARA FINANSIERINGEN AV TRAVSPORTEN OCH GODA ÄNDAMÅL |
1. För en öppning under kontroll |
a) Utfärdande av nationella licenser genom införande av strikta specifikationer |
b) Främja det lagliga utbudet |
c) Inrätta ett organ som kontrollerar spelmarknaden |
d) Bekämpa det olagliga utbudet |
(1) Förbjuda vadslagning via bookmaker inom sportvadslagning |
(2) Strikt reglering av reklamen |
(3) Spärrning av olagliga webbplatser på internet |
(4) Spärrning av olagliga finansiella transaktioner |
e) Införa ett mycket nära internationellt samarbete |
2. Främja förnuftigt spel |
a) Genomföra en konsekvent politik i fråga om spel och vidta reella förebyggande politiska åtgärder mot patologiskt spelberoende |
(1) En synnerligen viktig skyldighet för staterna |
(2) Operatörernas ansvar |
b) Vidta åtgärder för att höja befolkningens medvetande |
(3) Bevara finansieringen av travsporten och goda ändamål |
Mesdames, Messieurs,
« Rien ne va plus » a déploré l’avocat général, M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer dans ses conclusions sur l’affaire Placanica(1). Car, selon lui, « la Cour ne peut éviter plus longtemps d’examiner de façon approfondie les incidences des libertés fondamentales du traité CE sur le secteur des jeux de hasard ».
Si les rapporteurs tiennent également à souligner que « rien ne va plus », c’est pour, au contraire, exprimer leur très vive inquiétude devant la logique de libéralisation initiée par la Cour de justice depuis plusieurs années, dont l’arrêt Placanica précité est l’expression.
En effet, en érigeant désormais le jeu en une simple activité économique ordinaire – régie par les principes de libre établissement et de libre prestation des services – cette nouvelle jurisprudence – que l’on peut qualifier de prétorienne – marque une rupture non seulement avec les conceptions juridiques et politiques de plusieurs Etats membres mais aussi avec la jurisprudence antérieure de la Cour.
Nous avons pu ainsi constater que des Etats membres
– Allemagne, Belgique, Italie, Finlande et Suède – partageaient la même conception que la France, selon laquelle, comme l’a rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat(2) la réglementation des jeux constitue une mesure de police relevant de la matière pénale et donc des autorités nationales.
Pour sa part, dans les premiers arrêts qu’elle a rendus en la matière, la Cour de justice a reconnu expressément une large marge d’appréciation des Etats dans la détermination des objectifs et des moyens de leur politique en matière de jeux. En particulier, la Cour de Luxembourg avait souligné la particularité de ce secteur, dont la réglementation touche – entre autres – à l’ordre public et reflète les conceptions morales, culturelles et sociales des Etats, ce qui, par exemple, a amené la Cour de justice à confirmer la licéité des monopoles, dont l’existence est admise par l’article 31 du traité instituant la Communauté européenne.
C’est pourquoi, il nous est apparu, au fil de nos entretiens et de nos déplacements, que la Cour n’a pas pleinement mesuré les dangers susceptibles de découler de son revirement. Car, il y a lieu de craindre que la conception excessive de la concurrence qu’elle a épousée et tente désormais d’imposer aux Etats – par exemple en leur demandant d’ouvrir leurs jeux et paris en ligne offerts sur internet – ne soit pas une réponse appropriée. La Cour de justice n’a ainsi malheureusement pas voulu ou pu voir qu’internet avait introduit des changements révolutionnaires qui, entre autres, mettent en évidence le fossé existant entre les fulgurants progrès technologiques et nos instruments juridiques traditionnels. En effet, internet a démultiplié les possibilités offertes aux joueurs et aux opérateurs. Ce faisant, il contribue aussi à aggraver deux fléaux : le premier concerne l’addiction au jeu, qui risque, dans l’avenir, de toucher une fraction de la population plus élevée qu’aujourd’hui et ainsi de devenir un enjeu majeur de la politique de santé. Le deuxième a trait aux facilités accrues – en termes de blanchiment ou de fraude fiscale – dont le crime organisé peut bénéficier.
Il est clair que les Etats ne pourront faire face à ces défis simplement par l’ouverture – telle qu’elle est préconisée par la Cour de justice – ni par une politique d’interdiction. La nouvelle donne à laquelle est confrontée l’Union européenne – et au-delà le monde entier – est si complexe, que toute démarche réductrice est vouée à l’échec.
Or, malgré cela, la Commission, saisissant l’occasion offerte par ce revirement jurisprudentiel, l’a instrumentalisé pour tenter de poursuivre l’objectif d’une réglementation libérale, qu’elle avait déjà envisagée dans le passé. C’est l’objet des procédures en infraction qu’elle a ouvertes – au cours des deux dernières années – à l’encontre de plusieurs Etats membres – dont la France – auxquels la Commission reproche le maintien d’un régime de droits exclusifs et d’autorisations.
Dès lors, les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de rappeler, que le jeu est une activité sui generis – et non pas une activité économique ordinaire – relevant de la réglementation des Etats membres et qu’en remettant en cause le principe qu’elle a elle-même établi dans les années 90, la Cour de justice – et suivie en cela par la Commission – a ouvert une boîte de Pandore à travers la logique de libéralisation qu’elle a initiée.
Mais soucieux d’aller au-delà de la critique de ces dérives, nous souhaiterions, à l’heure où le Gouvernement envisage l’hypothèse d’une ouverture dite maîtrisée des paris sportifs de La Française des Jeux et des paris hippiques, engager une réflexion sur les contours possibles d’une politique des jeux, qui permettra aux Etats d’affronter les défis induits par le développement d’internet.
*
* *
I. GOUVERNES PAR LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, LES JEUX SONT ASSUJETTIS A DES REGLEMENTATIONS VARIABLES AU SEIN DE L’UNION EUROPEENNE
Cette spécificité repose sur le pouvoir discrétionnaire dont disposent les Etats pour déterminer les voies et moyens de leur politique des jeux et sur l’exclusion de ces derniers du champ d’application des directives sur le commerce électronique et sur les services.
1) La reconnaissance par la jurisprudence d’une large marge d’appréciation des Etats membres
La Cour de justice a ainsi admis que les Etats, par les moyens de leur choix, pouvaient, de façon licite, apporter des limitations à l’application, dans le domaine des jeux, de la règle de libre prestation des services consacrée à l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne, alors que cette même disposition interdit, en principe, de telles limitations.
a) La faculté ouverte aux Etats d’instituer une réglementation
(1) La licéité des limitations apportées au principe de libre prestation des services
Cette faculté ouverte aux Etats de déroger au principe de libre prestation des services a été reconnue par la Cour de justice, dans un arrêt Schindler du 24 mars 1994, par lequel elle a eu à connaître pour la première fois de la question des jeux. Dans cette affaire, il était demandé à la Cour, par voie de question préjudicielle, de statuer sur la licéité de la confiscation par les autorités britanniques du matériel publicitaire d’une loterie allemande, effectuée sous couvert de la législation britannique, laquelle à cette époque interdisait l’activité de loterie, à l’exception de certaines loteries locales.
Tout en ayant reconnu – comme l’avocat général, M. Gulmann – que l’activité de loterie pouvait être qualifiée de prestation des services, la Cour a également souligné le caractère particulier de cette activité économique :
« Il n’est pas possible de faire abstraction, tout d’abord, des considérations d’ordre moral, religieux ou culturel qui entourent les loteries comme les autres jeux d’argent dans tous les Etats membres. Celles-ci tendent, de manière générale, à limiter, voire à interdire, la pratique des jeux d’argent et à éviter qu’ils ne soient une source de profit individuel. Il convient, ensuite, de relever que, compte tenu de l’importance des sommes qu’elles permettent de collecter et des gains qu’elles peuvent offrir aux joueurs, surtout lorsqu’elles sont organisées à grande échelle, les loteries comportent des risques élevés de délit et de fraude. Elles constituent, en outre, une incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables. Enfin, sans que ce motif puisse, en lui-même, être regardé comme une justification objective, il n’est pas indifférent de relever que les loteries peuvent participer, de manière significative, au financement d’activités désintéressées ou d’intérêt général telles que les œuvres sociales, les œuvres caritatives, le sport ou la culture.». (Point 60)
La Cour a estimé que ce sont ces particularités qui
« justifient que les autorités nationales disposent d’un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la protection des joueurs et, plus généralement, compte tenu des particularités socioculturelles de chaque Etat membre, la protection de l’ordre social, tant en ce qui concerne les modalités d’organisation des loteries, le volume de leurs enjeux, que l’affectation des profits qu’elles dégagent. Dans ces conditions, il leur revient d’apprécier, non seulement s’il est nécessaire de restreindre les activités des loteries, mais aussi de les interdire, sous réserve que ces restrictions ne soient pas discriminatoires ». (Point 61)
La Cour faisait ainsi écho aux conclusions de l’avocat général Gulmann, qui, de façon plus précise, avait exposé les trois justifications possibles des limitations de la libre prestation des services, à savoir : la prévention de la criminalité et la protection des consommateurs contre la fraude(3) ; éviter de stimuler la demande de jeux d’argent et le préjudice moral et financier qu’ils entraînent pour les participants et la société en général ; enfin, s’assurer que les jeux d’argent ne sont pas organisés en vue de la réalisation de bénéfices personnels ou commerciaux mais uniquement à des fins charitables, sportives ou pour d’autres bonnes causes.
Sur la base de ces principes, la Cour a ainsi admis la licéité de :
- l’interdiction d’importer des matériels destinés à permettre aux ressortissants d’un Etat membre de participer à des loteries organisées dans un autre Etat membre (arrêt Schindler du 24 mars 1994) ;
- la législation finlandaise, qui accorde à un seul organisme public des droits exclusifs d’exploitation des machines à sous (arrêt Läärä du 21 septembre 1999) ;
- la législation italienne qui réserve à certains organismes le droit de collecter des paris sur les événements sportifs (arrêt Zanetti du 21 octobre 1999) ;
- la législation portugaise, qui n’autorise l’exploitation et la pratique des jeux de hasard ou d’argent que dans les salles de casinos existant dans les zones de jeu permanentes ou temporaires instituées par décret-loi (arrêt Anomar du 11 septembre 2003).
(2) Des limitations toutefois encadrées
Ces différentes formes de restrictions apportées à la liberté de prestation des services doivent, pour être licites, reposer non seulement sur ce que la Cour de justice appelle les « impérieuses raisons d’intérêt général », dont l’arrêt Schindler a fourni des illustrations. Mais, en outre, les mesures concernées ne doivent être ni discriminatoires, ni disproportionnées.
L’interprétation de ces deux dernières conditions est toutefois très délicate, comme le montrent les divergences d’appréciation, dont elles font l’objet.
S’agissant d’abord du principe de non–discrimination énoncé à l’article 12 du traité, il interdit toute discrimination fondée sur la nationalité. Dans le domaine des jeux, il en résulte que si un Etat membre prévoit des limitations de la libre prestation des services, elles doivent être applicables indistinctement aux ressortissants de cet Etat membre et à ceux des autres, quelle que soit leur nationalité.
Dans l’affaire Schindler, la Commission et les défendeurs ont considéré qu’une législation du type de la législation britannique sur les loteries était en fait discriminatoire. Ils ont fait valoir que, si elle interdisait les grandes loteries sur le territoire britannique de manière apparemment non discriminatoire, une législation de ce type autorise, d’une part, l’organisation simultanée par une même personne de plusieurs petites loteries, c’est-à-dire l’équivalent d’une grande loterie, d’autre part, l’organisation de jeux de hasard d’une nature et d’une ampleur comparables à celles des grandes loteries, tels que les pronostics sur les matches de football ou le « bingo ».
La Cour n’a pas retenu cette argumentation au motif, notamment, que, même s’ils peuvent donner lieu à des montants d’enjeux comparables à ceux des loteries de grande ampleur et s’ils comportent une part importante de hasard, les jeux ainsi autorisés au Royaume-Uni sont différents dans leur objet, dans leurs règles ainsi que dans leurs modalités d’organisation, des loteries de grande ampleur qui, jusqu’à l’intervention de la loi de 1993 sur la Loterie nationale et autres, étaient établies dans d’autres Etats membres.
L’interprétation du principe de proportionnalité se révèle non moins difficile, car elle donne lieu également à des conclusions opposées. Ainsi, dans l’affaire Läärä, l’avocat général La Pergola avait-il estimé que l’interdiction de gérer et d’installer des machines à sous, telle que celle prévue par la loi finlandaise sur les jeux de hasard ne satisfaisait pas au principe de proportionnalité. Il avait fait notamment valoir qu’une telle interdiction n’était pas propre à limiter efficacement la demande de jeu, du fait des campagnes publicitaires massives et agressives auxquelles recourait l’entité bénéficiaire du droit exclusif.
A l’inverse, la Cour avait considéré que la législation finlandaise était justifiée par les objectifs d’intérêt général qu’elle poursuivait.
« Une autorisation limitée de ces jeux (les machines à sous) dans un cadre exclusif, qui présente l’avantage de canaliser l’envie de jouer et l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé, de prévenir les risques d’une telle exploitation à des fins frauduleuses et criminelles et d’utiliser les bénéfices qui en découlent à des fins d’utilité publique, s’inscrit aussi dans la poursuite de tels objectifs (d’intérêt général) ».
b) Le choix par les Etats des moyens de mise en œuvre de leur réglementation
Il s’agit là de la conséquence du large pouvoir discrétionnaire dont, d’après la Cour de justice, les Etats membres jouissent dans la réglementation des jeux de hasard.
A la Commission qui a indiqué au cours de l’audience sur l’affaire Schindler qu’il est probablement nécessaire que les Etats membres aient, chacun en ce qui le concerne, la possibilité à travers un système de concession non discriminatoire, de limiter l’offre, l’avocat général Gulmann a répondu :
« Il ne nous paraît pas possible d’interpréter les règles du traité relatives aux services – pas plus d’ailleurs que les règles du traité relatives au droit d’établissement – en ce sens que les Etats membres seraient empêchés sur une base objective d’interdire les jeux. On ne peut ainsi pas, sur la base du traité, constater une obligation pour les Etats membres d’introduire un système de concession dans un secteur où ils estiment qu’une forme de jeu dont il s’agit doit être interdite ».
Parce que les Etats disposent ainsi d’un pouvoir discrétionnaire, les disparités qui existent entre leurs législations sont parfaitement licites et légitimes.
Dans l’arrêt Läärä, la Cour a considéré que :
« La seule circonstance qu’un Etat membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre Etat membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la compatibilité de telles mesures avec le traité ».
De même dans ses conclusions sur l’arrêt Anomar, l’avocat général Antonio Tizzano a-t-il déclaré :
« Il nous semble donc évident que les disparités existantes en la matière entre les législations nationales, loin d’être une cause d’«invalidité » de la réglementation nationale limitant de manière plus rigoureuse l’exploitation des jeux, sont le résultat de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que la Cour a toujours reconnu, dans ce domaine, aux Etats membres ».
Au total, nous ne saurions trouver de meilleure illustration du rôle joué par le principe de subsidiarité dans le secteur des jeux que celle fournie par les conclusions de l’avocat général Gulmann sur l’affaire Schindler.
L’avocat général Gulmann, en réponse à la Commission qui a plaidé en faveur d’une ouverture des marchés, a déclaré :
« On peut donc, selon nous, conclure à l’absence d’intérêts majeurs, destinés à être pris en compte à travers les objectifs du traité, militant à l’encontre de la thèse que les Etats membres doivent continuer d’avoir la possibilité de limiter la libre prestation des services, alors qu’il y a lieu, en revanche, d’accorder une importance certaine aux raisons invoquées unanimement par les Etats membres en faveur de la non ouverture des marchés. Il s’agit d’un domaine pour lequel il existe de bonnes raisons de continuer à respecter la compétence réglementaire des Etats membres, aussi longtemps qu’il est acquis que la Communauté n’entend pas exercer sa compétence réglementaire en la matière ».
Ces propos et les arrêts précédemment cités sont apparemment respectueux de la souveraineté des Etats. Pour autant, en considérant que la réglementation des jeux relève du régime de la libre prestation des services et non de l’ordre public visé à l’article 30 du traité instituant la Communauté européenne, ils contiennent en germe le revirement jurisprudentiel effectué par la Cour de justice, qui aura pour effet d’assimiler davantage les jeux à des activités économiques ordinaires et d’enserrer les régimes de droits exclusifs dans un cadre toujours plus restrictif.
2) L’exclusion des jeux d’argent et de hasard de certaines législations communautaires
a) La directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique
Dans son article premier, paragraphe 5, alinéa d), cette directive exclut de son champ d’application :
« les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions sur les paris ».
Cette exclusion a été décidée par la position commune arrêtée par le Conseil.
Il en résulte notamment que les Etats membres qui interdisent ou réglementent l’exploitation de casinos ou de loteries ne sont pas obligés d’accepter que soient offerts à des résidents de leur territoire des jeux ou paris en ligne provenant d’un prestataire établi dans un autre Etat membre, même si celui-ci a autorisé de telles activités sur son territoire.
Or, c’est une tout autre conséquence que la Cour de justice a tirée dans son arrêt Gambelli du 6 novembre 2003, puisque, comme nous aurons l’occasion de le voir, elle a considéré que la législation italienne qui interdit – sous peine de sanctions pénales – la collecte, l’acceptation, l’enregistrement et la transmission de paris sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l’Etat membre constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.
b) La directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur
Cette directive reprend une formulation analogue à celle de la directive sur le commerce électronique, en excluant, dans son article 2, paragraphe 3, alinéa b) :
« Les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard, y compris les loteries, les casinos et les transactions portant sur des paris ».
Mais là encore, l’arrêt Gambelli déjà cité et l’arrêt Placanica du 6 mars 2007 n’ont pas tenu compte de cette directive.
1) L’ouverture à la concurrence à Malte et au Royaume-Uni
a) L’ambition de concilier ouverture et efficacité du contrôle des opérateurs
Cette ouverture concerne tous les segments du jeu, notamment les paris en ligne que Malte et le Royaume-Uni ont été les premiers Etats membres à réglementer. A Malte, les jeux et les paris en ligne sont apparus en 2000 et ont fait l’objet de deux réglementations en 2001, à travers le Lotterie and Other Games Act et le Remote Gaming Regulations en 2004. Quant à la Grande-Bretagne, elle s’est dotée du Gambling Act en 2005, qui est entré en vigueur au 1er septembre 2007.
Cette politique de libéralisation repose sur deux idées-forces. La première se rattache à l’ambition clairement affichée – dans le cas du Royaume-Uni – « d’être le leader mondial dans les différents domaines du jeu »(4) Dans cette perspective, le Gambling Act a, par exemple, apporté divers assouplissements à la législation antérieure, qui régissait les casinos, en élargissant les conditions d’accès du public(5) ou encore en autorisant les casinos régionaux à mettre en service des machines à sous dont les enjeux et les gains sont illimités.
Dans la même perspective, le Gambling Act retient un champ d’application large des jeux en ligne, en incluant ceux qui sont effectués par internet, la télévision, la radio ou le téléphone.
En second lieu, il s’agit de dissuader les joueurs de s’adresser à des sites étrangers illégaux. Ici, les législateurs britannique et maltais ont estimé, à la différence du législateur américain, que pour atteindre un tel objectif, il valait mieux libéraliser la législation des jeux et paris en ligne, plutôt que d’énoncer une interdiction, laquelle est difficile à faire respecter pleinement.
Le législateur britannique a ainsi décidé d’autoriser la publicité pour des sites de jeux d’argent en ligne établis dans l’Espace économique européen – y compris Gibraltar –ou dans des Etats tiers inclus dans une liste blanche (Whitelist). Etablie par le Gouvernement, cette liste comprend les pays qui ont apporté la preuve au Gouvernement que leur législation en matière de jeux comporte des mesures satisfaisantes qui visent notamment à :
– lutter contre le crime ;
– s’assurer que les opérateurs sont soumis aux règles prohibant le blanchiment d’argent et imposant la transparence financière.
Ces Etats doivent également montrer qu’ils adhèrent aux principes d’une fiscalité loyale, à savoir, qui soit basée sur la transparence et l’égalité de traitement.
Si ces conditions sont remplies, les sites internet de ces Etats sont autorisés par la Gambling Commission – l’autorité administrative indépendante chargée d’appliquer le Gambling Act – à faire leur publicité au Royaume-Uni.
A ce jour, les Etats inscrits sur cette liste blanche sont : l’Ile de Man et Alderney(6).
Ont été rejetées les demandes présentées par Alexander (réserve indienne du Canada), les Antilles néerlandaises, la Tasmanie, Kehnawaki (Canada) et Antigua.
Des pays – comme Costa Rica et Bélize, qui n’ont d’ailleurs pas déposé de candidature - ont vu leurs sites automatiquement interdits le 1er septembre 2007, date d’entrée en vigueur du Gambling Act.
De même, le Département de la culture, des médias et des sports a cité les sites interdits. Il a, en outre, rappelé que l’interdiction de publicité qui les frappe concernait celle effectuée par la télévision, la radio, les journaux, les taxis, les bus, le métro et certains sites internet. Les entreprises contrevenant à cette interdiction encourent des amendes et même des peines d’emprisonnement.
(2) Un contrôle étroit des opérateurs
Ø Au Royaume-Uni, il existe deux autorités principales de contrôle(7) :
– La commission de la Loterie nationale (The National Lottery Commission)
Il s’agit d’un établissement public financé par le ministère de la culture et dont les cinq administrateurs sont désignés par le Gouvernement. Son activité est régie par deux lois : Lottery Act de 1993 et Lottery Act de 1998.
La commission veille principalement au bon fonctionnement de la loterie et à ce que les joueurs soient traités équitablement. C’est aussi elle qui mène la procédure visant à choisir l’opérateur.
En application du Lottery Act de 1993, ce dernier est titulaire d’un monopole. Celui-ci lui est accordé pour une durée de sept années, à l’issue d’un appel d’offres.
L’actuel opérateur – Camelot – gère le monopole depuis 1993. Son contrat a été renouvelé en 2001 et il vient de recevoir une troisième licence.
Camelot est tenu de se soumettre aux obligations définies par la section 5 du Lottery Act, notamment en ce qui concerne l’utilisation des fonds collectés. Ainsi près d’un tiers des ressources de la loterie est affecté au financement des « bonnes causes », ce qui a représenté 1,6 milliard de livres, soit plus de 2,4 milliards d’euros en 2004-2005.
Ces bonnes causes correspondent à des projets culturels que la loterie finance non pas directement mais à travers quinze partenaires, parmi lesquels figurent l’agence semi-gouvernementale de promotion du cinéma au Royaume-Uni, l’agence du ministère de la culture pour le développement du sport et le Conseil des arts.
La commission de la Loterie nationale exerce un pouvoir de contrôle et de sanction. Elle a ainsi accès à tous les documents et fichiers de l’opérateur et peut lui infliger des pénalités financières ou encore supprimer sa licence.
– La Gambling Commission
Créée par le Gambling Act de 2005, entré en vigueur depuis le 1er septembre 2007, cette commission a le statut d’établissement public indépendant, mais le ministère de la culture nomme les dix membres et finance le budget.
Sa compétence est vaste puisqu’elle régule – à l’exception de la Loterie nationale – tous les jeux d’argent (casinos, bingo, machines à sous, loteries) et depuis le 1er septembre 2007 les paris (incluant les courses) et les paris à distance (y compris par internet) fournis à partir du Royaume-Uni.
Elle poursuit trois objectifs :
- empêcher la criminalité ;
- s’assurer que les jeux de hasard sont conduits de façon ouverte et équitable ;
- assurer la protection des mineurs et des personnes fragiles.
Depuis 2007, la Gambling Commission est l’autorité unique qui détermine les conditions d’attribution des licences aux institutions souhaitant fournir des jeux de hasard. Mais le pouvoir de délivrer des licences est confié aux autorités locales.
La principale nouveauté introduite par le Gambling Act réside, en effet, dans l’obligation impartie à tous les prestataires, y compris ceux fournissant leurs services à distance (« remote gambling ») d’obtenir une licence.
Il existe trois catégories de licences :
– les licences opérationnelles (« operational licences ») : elles sont requises à partir du moment où tout équipement de jeux se trouve au Royaume-Uni, y compris vis-à-vis des opérateurs de jeux en ligne établis hors du Royaume-Uni, mais qui y disposent de logiciels. Elles sont aussi requises pour la vente, la commercialisation et l’entretien des équipements de jeux.
Lorsqu’un prestataire propose des jeux en ligne et d’autres types de jeux, il doit solliciter deux licences, les jeux en ligne faisant l’objet d’une licence spécifique :
- les licences personnelles (« personal management licence ») : doit en être titulaire le personnel occupant des fonctions de direction ou certaines fonctions spécifiques, telles que caissier ou croupiers.
- les licences pour les locaux (« premises licences ») : elles sont obligatoires, en sus de la licence opérationnelle, afin d’offrir les jeux dans certains lieux.
Pour bénéficier et conserver de telles licences, les opérateurs doivent s’engager à se conformer à des obligations leur impartissant de promouvoir un jeu responsable :
- rendre l’information disponible aux joueurs sur la manière de jouer de façon responsable ;
- s’engager à s’expliquer sur la façon dont ils contribueront à l’identification et au traitement des joueurs à risque ;
- mettre en place des procédures afin d’empêcher les mineurs de jouer en vérifiant l’âge des clients ;
- former leur personnel sur le problème de l’addiction au jeu ;
- se conformer aux exigences en matière de prévention du blanchiment d’argent.
La Gambling Commission peut sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles en prononçant des amendes, ou même en révoquant la licence.
Ø A Malte, nous avons pu constater, lors de notre déplacement, que c’est l’existence d’un cadre réglementaire sécurisé pour les opérateurs et les joueurs qui explique, au moins autant qu’une fiscalité attractive, le développement rapide du secteur des jeux, qui représente aujourd’hui 4 % du PIB de cet Etat.
L’activité des jeux en ligne est placée sous la responsabilité d’une autorité de régulation, la Lotteries and Gaming Authority, laquelle est réglementée par le « Lotteries and other Games Act », adopté en 2001, et par le « Remote Gaming Regulations » d’avril 2004.
Le premier texte définit les conditions d’obtention d’une licence de paris et de jeux en ligne et le second le complète en conciliant notamment les impératifs de sécurité des joueurs et la compétitivité des opérateurs.
La Lotteries and Gaming Authority a pour mission de protéger les mineurs et les personnes vulnérables, sauvegarder les droits des joueurs, promouvoir un jeu responsable dans un environnement sécurisé et enfin maintenir les activités de jeu à l’écart des activités criminelles.
La procédure de délivrance des licences comprend trois étapes :
Ø Dans le cadre de la première étape, l’autorité étudie toutes les informations relatives aux personnes impliquées dans le financement et la gestion du projet, en particulier, celles qui ont trait à la nature des jeux offerts ou encore aux technologies utilisées (internet, téléphone, fax, téléphone portable, etc.). De même, le demandeur doit fournir des renseignements sur le logiciel utilisé pour les systèmes de jeu et de contrôle ainsi que sur un projet d’affaires de trois ans incluant les bénéfices escomptés et un plan financier, qui explicite les sources de financement et établit une distinction claire entre les fonds apportés par les actionnaires et les autres fonds.
Ø Au cours de la deuxième étape, consacrée à l’«évaluation de la capacité technique et financière », le candidat sera tenu de fournir, entre autres, les documents suivants :
- un manuel opérationnel détaillé mentionnant notamment les procédures de sécurité et de contrôle ainsi que les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
- les méthodes de paiement, le système de paiement et ses garants ;
- les accords avec les partenaires financiers.
Ø La troisième étape, relative au contrôle de conformité (compliance audit), comportera, en particulier, l’examen des éléments suivants :
∙ l’accord passé avec le fournisseur d’équipement à Malte présentant clairement ses fonctions et ses responsabilités. Un plan indiquant la localisation des équipements doit être joint à l’accord ;
∙ une évaluation du traitement de l’information dans les opérations sera menée et des recommandations seront faites afin d’améliorer la protection des informations personnelles des joueurs ;
∙ les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire seront réexaminées, de même que les procédures de changement de manager ;
∙ le site web sera réexaminé afin de vérifier que ce site agisse dans le respect des règlements et qu’il applique les mesures de protection des joueurs requises par la Lotteries and Gaming Authority ;
∙ le solde des comptes bancaires sera comparé avec le solde des comptes des joueurs afin de s’assurer que les dettes soient suffisamment absorbées.
Au terme du processus de dépôt du dossier, l’opérateur ne reçoit qu’une licence provisoire pour six mois. Cette licence ne devient ferme (pour cinq ans) que si l’opérateur a fait la preuve de son professionnalisme et a scrupuleusement respecté la législation maltaise en vigueur.
Les dossiers déposés auprès de la Lotteries and Gaming Authority sont instruits par un organisme indépendant qui donne un premier avis. C’est uniquement sur la base de cet avis que la Lotteries and Gaming Authority peut accorder de nouvelles licences aux opérateurs de jeux en ligne.
Cette procédure est assez sévère puisque, sur 250 dossiers déposés auprès de la Lotteries and Gaming Authority, 50 auraient été rejetés dès la phase d’instruction.
Les licences délivrées sont réparties en quatre classes :
- la classe 1 inclut les jeux de style casino, les machines à sous, la roulette ;
- la classe 2 a trait aux paris sportifs ;
- la classe 3 comprend les échanges de paris entre joueurs (peer to peer), les tournois, le bingo ;
- la classe 4 : cette licence est délivrée à ceux qui fournissent le logiciel et décident de le louer.
Les contrôles auxquels la Lotteries and Gaming Authority procède sont très rigoureux.
S’agissant des personnes, les contrôles touchent aux gestionnaires et aux joueurs. Grâce, en particulier, à une étroite coopération avec Interpol, la Lotteries and Gaming Authority détient des renseignements précis sur chacun des actionnaires possédant au moins 5 % du capital des opérateurs établis à Malte.
Pour ce qui est des joueurs, des fichiers non nominatifs permettent de contrôler leur âge.
En vue de garantir la sécurité et la transparence des transactions, les comptes joueurs et d’exploitation des opérateurs sont séparés.
Quant aux matériels, la Lotteries and Gaming Authority effectue des contrôles inopinés et systématiques et vérifie les sceaux qu’elle appose sur les machines, grâce aux interventions permanentes – jour et nuit – d’une équipe de 14 inspecteurs vérificateurs. En outre, les jeux en ligne donnent lieu à des vérifications toutes les cinq secondes de différents paramètres garantissant la transparence et l’honnêteté des jeux proposés.
La qualité de ces dispositifs commence à être reconnue au plan international, au point que, comme la Belgique récemment, certains pays demandent l’assistance de Malte pour mettre sur pied ou améliorer leur propre système.
b) Une ouverture, source de dérives
(1) L’assimilation du jeu à une activité économique ordinaire
Dans un pays tel que le Royaume-Uni, où le jeu est une composante importante de la culture, puisqu’il compte 9 000 bookmakers pariant sur tout et qu’il est le marché le plus important de l’Union(8), il est inévitable que le jeu soit considéré comme une activité économique ordinaire, conception que certains de nos interlocuteurs maltais partagent également.
Toutefois, on perçoit une tendance inverse, selon laquelle les jeux ne sont pas une activité ordinaire, opinion qui serait celle du Premier ministre.
Une telle vision emporte deux conséquences majeures. Tout d’abord, il est clair que les législations maltaise et britannique ont joué le rôle de catalyseur dans le revirement jurisprudentiel de la Cour de justice, en particulier en ce qui concerne l’interprétation extensive – en comparaison de celle dégagée dans les arrêts antérieurs – de la notion de libre prestation des services retenue dans l’arrêt Gambelli du 6 novembre 2003. La Cour juge, en effet, que :
« la libre prestation des services comporte non seulement la liberté du prestataire d’offrir et d’effectuer des services aux destinataires établis dans un Etat membre autre que celui sur le territoire duquel se trouve ce prestataire, mais aussi la liberté de recevoir ou de bénéficier, en tant que destinataire, des services offerts par un prestataire établi dans un Etat membre, sans être gêné par des restrictions ».
(point 55)
En second lieu, nous avons pu mesurer à Malte la profondeur des divergences – pour ne pas dire le dialogue de sourds –, qui nous ont opposés à l’un de nos interlocuteurs, sur la spécificité des paris hippiques en France. Notre interlocuteur a justifié l’organisation, à partir de Malte, de paris hippiques sur les courses se déroulant en France, en établissant un parallèle avec les paris sur les matches de football. Il a ainsi fait valoir que, dans ce dernier cas, il n’existait pas de monopole, puisque, d’une part, les paris portent sur les résultats des matches, lesquels relèvent du domaine public. D’autre part, l’organisation de tels paris n’a pas pour effet de réduire le chiffre d’affaires des clubs ou des fédérations de football, puisque les uns et les autres perçoivent – entre autres – des droits sur la retransmission télévisée des matches.
Visiblement, notre interlocuteur n’a pas voulu comprendre que l’organisation par le PMU des paris hippiques servait à financer la filière hippique et que celle-ci cesserait d’exister dès lors que des opérateurs concurrenceraient le PMU dans la collecte des paris.
Corrélativement, cet interlocuteur est resté insensible au fait qu’en cas de rupture de ce lien entre l’organisation des paris et le financement de la filière hippique, c’est le sort de 130 000 personnes employées par cette dernière qui pourrait être en jeu. Cet argument lui est apparu d’autant plus irrecevable que, selon lui, les employés pourraient être repris par les concurrents.
Enfin, les rapporteurs ayant fait observer que le caractère très compétitif des sites internet de certains Etats tiers - par exemple les Iles Caïman - pouvait avoir pour effet de faire perdre des parts de marché à Malte, cette personnalité a souligné qu’il s’agissait là d’une situation tout à fait banale à laquelle l’Etat maltais s’adapterait en tout état de cause, comme lorsqu’il a dû enregistrer la perte de certaines industries.
(2) L’aggravation des distorsions de concurrence au sein de l’Union
Incontestablement, c’est le taux d’imposition peu élevé pratiqué à Malte, qui permet à cet Etat de favoriser l’établissement des opérateurs et à ces derniers d’offrir des taux de retour attractifs aux joueurs.
Ainsi, le taux réel d’imposition des revenus des actionnaires des sociétés de jeux à distance est – jusqu’au 31 décembre 2010 – de 4,17 % pour les actionnaires ayant des participations dans des sociétés déjà établies à Malte et de 5 % pour les actionnaires de tout nouvel établissement.
En plus de l’impôt unique sur les bénéfices des sociétés (35 %), les opérateurs licenciés payent également une taxe spécifique aux jeux en ligne. Calculée en fonction du type d’opérations, cette taxe s’élève à 0,5 % des mises engagées pour les paris et à 5 % de la marge brute pour les jeux.
Cette fiscalité apparaît donc très avantageuse, si on la compare à celle de la France, par exemple, où l’Etat prélève en moyenne, sur les casinos, 57 % du produit brut des jeux(9).
Les disparités sont également très fortes entre le Royaume-Uni et la France. Depuis l’ouverture de son marché, le Royaume-Uni a, en effet, régulièrement abaissé son taux de taxation. Ainsi, les impôts sur les jeux consistent-ils en une taxe de 15 % du produit brut des jeux, soit sur la base d’un produit brut des jeux moyen de 8 %, une taxe portant sur 1,2 % des mises. Les pronostics sportifs de La Française des Jeux sont, quant à eux, soumis à un impôt sur les mises de 16 % en moyenne en 2006. Le taux de la fiscalité française est donc treize fois supérieur à celui de la fiscalité britannique.
2) Le maintien de régimes de droits exclusifs dans plusieurs Etats membres
(1) L’instauration d’un régime de monopole sur l’ensemble des segments de jeux : Finlande, Suède
Ø En Finlande, il existe trois monopoles titulaires d’une licence d’une durée de cinq ans, expirant en 2011, entre lesquels les activités de jeux sont réparties. Veikhaus Oy possède une licence pour gérer les loteries, les salles de jeux et les paris. L’Association finlandaise des machines à sous – Ray – a une licence pour assurer la maintenance des machines à sous, la gestion des casinos et la gestion de leurs activités. Fintoto Oy est titulaire d’une licence pour gérer les paris hippiques mutuels.
Veikhaus Oy est une société limitée entièrement contrôlée par l’Etat. Elle opère dans le giron du ministère de l’éducation. L’Association des machines à sous est une association de droit public, dont les membres sont désignés soit par le Gouvernement, soit par l’assemblée générale de l’Association. Elle opère dans le giron du ministère des affaires sociales et de la santé. Fintoto Oy est une société limitée, entièrement possédée par le trot finlandais et l’Association d’élevage. Cet opérateur exerce ses activités dans le giron du ministère de l’agriculture et de la forêt.
Ces opérateurs ne sont pas directement mentionnés dans la loi sur les loteries, mais se sont vu octroyer leur licence par le ministère de l’intérieur.
Le système de licences à durée limitée est justifié par des considérations tirées de la nécessité d’assurer une surveillance et d’appliquer une réglementation.
C’est pourquoi, les questions concernant les objectifs de rentabilité et de distribution des bénéfices sont traitées par chacun des ministères « de tutelle » dont relèvent les opérateurs.
En 2006, le montant total des jeux d’argent s’est élevé à 2,2 milliards d’euros répartis à hauteur de 62 % pour la loterie, 29 % pour les machines à sous et les jeux de casino(10) et 9 % pour les paris mutuels.
Ø En Suède, l’organisation est sensiblement différente. Trois opérateurs dominent le marché des jeux.
l Svenska Spel (La Suédoise des Jeux) : créée en 1997, Svenska Spel est une entreprise publique.
Avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros et une part de marché de 57 %, cet acteur domine le secteur des jeux(11). En complément d’une vingtaine de jeux de paris sportifs, Svenska Spel contrôle également, par l’intermédiaire de sa filiale Casino Cosmopol, les quatre casinos du pays ainsi que 2 000 machines à sous logées dans le secteur de la restauration suédoise. Depuis 2006, Svenska Spel fait également concurrence aux acteurs privés dans le domaine des jeux de poker en ligne, qui connaît actuellement une très forte expansion. Ainsi, Svenska Spel compte, après seulement un an d’activité, 110 000 joueurs enregistrés, ce qui lui assure une part de marché de l’ordre de 35 %.
l ATG (PMU suédois) : entreprise détenue par les fédérations hippiques, ATG dispose pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, d’une part de marché de 30 %.
Les courses hippiques suédoises sont organisées par des associations locales qui possèdent et gèrent les hippodromes. Ces associations locales sont regroupées au sein de deux sociétés mères :
- l’une pour le trot, Svenska Travsportens Centralforbund (STC) ;
- l’autre pour le galop, Svenska Galoppsportens Centralforbund (SGC).
Les deux sociétés mères ont créé en 1974 une filiale commune – ATG –, détenue à 90 % par STC (trot) et à 10 % par SGC (galop), qui dispose du monopole pour la prise de paris hippiques en Suède. Seuls les paris mutuels sont autorisés. AGT est par ailleurs placée sous la tutelle de l’Etat qui nomme 6 des 12 membres du comité de direction, dont le Président.
l Les associations et mouvements populaires (fölkrörchser) représentent environ 12 % du marché.
(2) Des régimes combinant monopole et autorisations : Italie, Allemagne et France
Ø En Italie, la loi n° 401 du 13 décembre 1989 précise, dans son article 4, le champ d’application et le régime des jeux légaux. Ce sont :
- le loto, les paris ou les paris mutuels réservés à l’Etat ou à des opérateurs licenciés ;
- les paris et les paris mutuels sur les événements sportifs gérés par le Comité national olympique, ses organismes auxiliaires et l’UNIRE (l’organisme qui chapeaute les courses de chevaux) ;
- les paris publics sur d’autres compétitions entre individus ou animaux et sur des jeux d’adresse autorisés par le Gouvernement ;
- les loteries et jeux analogues organisés dans des pays étrangers et autorisés par l’agence régulatrice AAMS (Agence autonome du monopole d’Etat), ou la collecte d’enjeux et la distribution de gains qui y sont liés, ou leur promotion et la publicité en leur faveur.
Un sous-paragraphe 4 précise que les sanctions pénales prévues à l’article 4 sont applicables « à toute personne qui exerce en Italie, sans être titulaire d’une licence, toute activité organisée dans le but d’accepter, de collecter ou de faciliter la collection de quelque manière que ce soit – y compris par téléphone ou en ligne – des paris de toute sorte acceptés par quiconque en Italie ou à l’étranger ». Conformément au sous-paragraphe 4-ter, l’article 4 s’applique également à toute personne qui effectue, par téléphone ou en ligne (per via telefonica o telematica) la prise de paris pour le loto, les paris mutuels, à moins d’être autorisée à recourir à de telles méthodes.
Dans le souci de compléter le cadre législatif applicable aux jeux en ligne, la loi de finances pour 2007 du 26 décembre 2006 a imparti à l’agence régulatrice pour les jeux et paris AAMS de fixer les moyens par lesquels les jeux en ligne doivent être empêchés, lorsque de telles offres sont effectuées en violation des lois et règlements nationaux. Ce pouvoir est accordé à AAMS en vue de faire face à l’extension des jeux irréguliers et illégaux, à l’évasion fiscale dans le secteur du jeu et pour assurer l’ordre public et la protection des parieurs.
En application de ces dispositions, AAMS a publié un décret, en date du 2 janvier 2007, qualifié de « décret d’obscurcissement ». Celui-ci fait obligation aux opérateurs d’empêcher l’accès à leur site d’organisations interdites en Italie et figurant sur une liste établie par AAMS.
En effet, les opérateurs en ligne ne sont pas seulement tenus responsables d’informations émanant d’une organisation de jeux non autorisée, mais également de toute information sur l’organisation interdite qui reste stockée dans leurs systèmes. En particulier, ils ont l’obligation de coopérer avec les administrations intéressées ou de rapporter tout exemple de tout ce qui pourrait être porté à leur connaissance, en ce qui concerne les opérateurs de jeu agissant sans les autorisations nécessaires.
Les sanctions applicables aux violations des obligations prévues dans le décret d’obscurcissement sont importantes, une amende allant de 30 000 à 180 000 euros pour chaque violation constatée. Elle s’ajoute à toute autre sanction résultant de la responsabilité pour tout délit commis du fait des violations.
Mais, alors qu’était en suspens l’arrêt Placanica de la Cour de justice rendu le 6 mars 2007 – sur lequel nous reviendrons de façon plus détaillée ultérieurement –, le gouvernement italien a pris une mesure surnommée loi Bersani du 4 août 2006. La section 38(2) de cette loi permet ainsi, de façon expresse, certains jeux « pour les opérateurs qui exercent leur activité dans un Etat membre, dans les Etats membres de l’AELE (Association européenne de libre-échange)(12) et également pour les opérateurs d’autres pays, seulement s’ils satisfont aux exigences de confiance définies par l’AAMS ». Ainsi, au mois de décembre 2006, l’Etat italien a-t-il organisé un appel d’offres concernant l’attribution de 16 500 concessions - dont 10 000 pour les paris hippiques et 6 500 pour les paris sportifs. 14 000 concessions ont été réellement distribuées, notamment à des grands groupes étrangers.
La nouvelle loi remplace donc l’exigence qui prévalait jusqu’alors, selon laquelle un opérateur de jeu doit être titulaire d’une licence délivrée par l’Italie. Corrélativement, elle consacre – à tort – le principe de reconnaissance mutuelle, puisque celui-ci n’a nullement été exigé par l’arrêt Placanica, en autorisant la reconnaissance formelle par le gouvernement italien d’une licence attribuée par un autre Etat membre. Nous aurons l’occasion de voir que cette quasi-déréglementation et les arrêts contradictoires rendus par les tribunaux ont débouché sur l’imbroglio, auquel l’Italie est actuellement confrontée.
Ø S’agissant de l’Allemagne, la législation actuelle sur les loteries, les paris sportifs et les casinos résulte d’un nouveau traité d’Etat – Staatsvertrag – conclu entre les Länder en 2006 et entré en vigueur le 1er janvier 2008. Il et prévu de l’appliquer jusqu’en 2011.
Ce texte a été pris à la suite d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 28 mars 2006. Elle a considéré que le monopole dont disposait alors le Land de Bavière dans l’organisation des paris sportifs n’était pas compatible avec l’article 12 de la Loi fondamentale, relatif à la liberté d’entreprendre. La Cour a jugé que le monopole, tel qu’il était alors organisé, ne garantissait pas une politique de prévention effective du jeu addictif pathologique, laquelle pourrait, à ses yeux, justifier le monopole et l’exclusion des opérateurs privés.
Dans cette affaire, la Cour a été saisie par la titulaire d’une concession de bookmaking pour les paris hippiques désireuse d’étendre son activité aux paris sportifs à cote fixe, dont la prise relevait du monopole de l’opérateur public ODDSET. Or, la Cour a constaté et critiqué la « publicité agressive » à laquelle se livrait ce dernier.
Le nouveau traité d’Etat, tout en introduisant des dispositions destinées à prévenir l’addiction – qu’on abordera ultérieurement – réglemente les jeux en ligne et confirme le principe du monopole des Länder dans l’organisation des jeux et paris.
Sur le premier point, le traité d’Etat pose, dans son article 4, alinéa 4, le principe de l’interdiction de l’organisation et de la prise de paris par internet. En application de cette disposition, les lois de certains Länder précisent que cette interdiction concerne aussi les casinos en ligne.
En second lieu, l’article 5, alinéa 3, interdit la publicité pour les jeux de hasard par voie de télévision, par internet et par tout moyen de télécommunication.
Comme dans le cas des législations italienne ou américaine, la question principale soulevée par de telles interdictions est celle de leur application effective.
Enfin, le quatrième alinéa de l’article 5 interdit la publicité pour les jeux non autorisés.
La violation de ces diverses interdictions fait l’objet de sanctions pénales.
Quoi qu’il en soit les opérateurs ont très vivement critiqué ces interdictions, tout comme le maintien du principe du monopole des Länder dans l’organisation des jeux.
Ce principe est rappelé par l’article 4, alinéa premier, du traité d’Etat aux termes duquel :
« Les jeux de hasard publics ne peuvent être organisés et pris qu’avec l’autorisation des autorités compétentes de chaque Land ».
L’application de ce principe peut revêtir des formes variées selon les secteurs et les Länder.
∙ En ce qui concerne les jeux de loterie, il existe un opérateur dans chaque Land, lequel peut être le Land lui-même ou une société de droit privé dans laquelle les Länder possèdent directement ou par l’intermédiaire de personnes morales, la majorité des actions, voire la totalité. Les opérateurs des seize Länder se sont rassemblés au sein d’une société de personnes – Deutsche Lotto und Tottoblock – afin d’uniformiser leurs produits et leurs points de vote.
Le traité d’Etat maintient l’exclusion de son champ d’application des « petites loteries » – c’est-à-dire de celle des lots dont la somme est inférieure à 40 000 euros – dont la recette est affectée à des buts charitables ou d’intérêt général.
∙ Comme les loteries, les casinos sont régis par les lois des Länder. Ils ne peuvent être exploités que sur autorisation de ces derniers, pour une durée de dix ans en règle générale, laquelle est portée à quinze ans dans certains Länder.
Leur statut est très diversifié. La moitié des lois sur les casinos réservent les autorisations d’exploiter un casino au Land lui-même, à une personne morale de droit public ou à une société détenue entièrement ou partiellement par une personne morale de droit public.
Mais, même dans les Länder, dans lesquels le marché est libéralisé, la plupart des casinos sont exploités par des opérateurs à statut public ou par des sociétés de droit privé dont les capitaux sont majoritairement publics.
De plus, certains Länder instaurent un numerus clausus (deux à Berlin et en Sarre, six dans le Mecklembourg-Poméranie, quatre en Rhénanie du Nord, quatre en Saxe-Anhalt), ou imposent une localisation géographique en énumérant les communes dans lesquelles les casinos doivent être exploités.
Quoi qu’il en soit, le secteur des casinos a connu une très forte expansion. Alors qu’il n’existait en 1980 que 27 casinos en Allemagne de l’Ouest, leur nombre était passé en 2006 à 65. Aujourd’hui, il s’élève à 86 sur l’ensemble de l’Allemagne. L’extrait ci-après d’une étude récente confirme ce réel dynamisme.
En ex-RDA, 5 casinos ont directement été créés au moment de la réunification ; on en compte aujourd’hui 21. Le Mecklembourg-Poméranie compte à lui seul 6 casinos. Mais la Basse-Saxe reste en tête avec 11 casinos, suivie de la Bavière avec 9 et même le petit Land de Sarre en compte 8. En revanche, la Rhénanie du Nord-Westphalie se contente de 5 casinos et la Thuringe d’un seul.
Rapportée à la densité de la population, la Sarre se révèle être le Land affichant le plus grand nombre de joueurs : 7,6 casinos pour 1 million d’habitants. Brême en a 4,5 pour 1 million d’habitants et le Mecklembourg-Poméranie 3,5. La Bavière est en queue de liste avec 0,7 casino pour 1 million d’habitants, ainsi que la Thuringe et le Bade-Wurtemberg qui n’affichent qu’un petit 0,4. Enfin, vient la Rhénanie du Nord-Westphalie, avec 0,3 casino pour 1 million d’habitants.
A l’origine, les casinos consistaient en de grandes tables de jeu : roulette, baccara, black jack ou encore poker. Aujourd’hui, les casinos offrent davantage de machines à sous qui – contrairement aux machines à sous dans des bars – ne posent pas de limite en termes de mises, de gains et pertes. En outre, il est possible de remporter de gros jackpots, interdits pour les machines à sous dans des bars. Par ailleurs, le nombre des machines à sous présentes dans les salles des casinos n’est pas limité(13). Les casinos comptent souvent plus de 100 machines à sous, celles-ci produisent aujourd’hui les trois quarts des bénéfices bruts réalisés par les casinos.
Sur les 86 casinos que compte aujourd’hui l’Allemagne, 46 proposent autant de jeux de table que de machines à sous ; 38 casinos offrent exclusivement des machines à sous – en 1980, on n’en comptait que deux.
Source : Institut der deutschen Wirtschaft, Cologne n° 41 du 11 octobre 2007.
Cette même étude relève que les casinos publics et le Lotto und Tottoblock enregistrent à eux seuls deux tiers de l’ensemble des mises et observe que, dans ce contexte :
« Les 75 % de parts de marché que détient l’Etat expliquent pourquoi l’Etat veut tenir éloignée la concurrence que représentent les opérateurs privés. Il s’agit, en effet, d’un pactole de 27,5 milliards d’euros ».
∙ Quant aux paris sur les courses hippiques, ils sont régis par la loi fédérale du 8 avril 1922 sur les courses de chevaux.
L’organisation des paris mutuels est réservée aux associations autorisées, qui doivent avoir pour objet la promotion de l’élevage de chevaux. La licence est délivrée par les autorités du Land. Elle peut n’être valable que pour certains hippodromes et pour une durée limitée.
L’organisation des paris à la cote requiert également une autorisation des autorités du Land.
Comme c’est le cas dans d’autres pays – Belgique, Italie, Pays-Bas – la possibilité ouverte aux bookmakers d’organiser des paris a provoqué, en Allemagne, une profonde crise de la filière hippique, au financement de laquelle ils ne contribuent pas.
Cette situation de crise risque même de s’aggraver, puisque les bookmakers vont tenter de tirer profit du fait, qu’ils n’ont pas manqué de souligner, que les paris sur les courses hippiques ne sont pas concernés par l’interdiction des paris en ligne édictée par le traité d’Etat. En outre, ils font valoir que le marché de ces paris
– évalué à 300 millions d’euros en 2006 – possède un potentiel élevé de croissance.
Ø En France, les jeux sont soumis également, comme c’est le cas des législations précédemment examinées, à un régime dérogatoire dont la violation est sanctionnée pénalement.
- Ainsi, les loteries et les paris sportifs relèvent-ils d’un monopole confié à La Française des Jeux par dérogation à la loi du 21 mai 1836 qui interdit les loteries.
En application du décret du 9 novembre 1978, La Française des Jeux est une entreprise publique constituée sous forme de société anonyme, dont l’Etat détient 72 % du capital(14).
Une convention d’une durée indéterminée signée le 29 décembre 1978 entre le ministère chargé du budget et La
Française des Jeux a fixé les objectifs que doit respecter l’offre qu’elle propose au public :
- assurer l’intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation ;
- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l’autorité publique, afin de prévenir les risques d’une exploitation des jeux d’argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d’argent ;
- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance.
En ce qui concerne les paris sportifs, le monopole en a été confié à La Française des Jeux par un décret de 1985, pris en application de la loi de finances pour 1985 du 29 décembre 1984, en vue de contribuer au développement du sport.
Le chiffre d’affaires total de La Française des Jeux s’est élevé à 9,5 milliards d’euros, en 2006.
- Quant aux paris hippiques, la loi du 22 juin 1891 – par dérogation - confère aux sociétés de course, agréées par le ministère de l’agriculture, dont l’unique objet est l’amélioration de la race chevaline, le droit exclusif d’organiser un pari mutuel sur les courses de chevaux moyennant un prélèvement en faveur des œuvres de bienfaisance et de l’élevage.
Dans ce système, dont la caractéristique principale est d’être entièrement intégré à la filière hippique(15), le PMU, opérateur privé à proprement parler, ne détient aucun monopole sur les paris hippiques. Ayant pris la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE) depuis 1983, le PMU a pour mission d’organiser la prise de paris en mode mutuel à l’échelon national. Sa forme de GIE garantit notamment un fonctionnement non lucratif et transparent.
Le montant total des paris sur les courses s’est établi à 8,3 milliards d’euros en 2006.
- S’agissant des casinos, la loi du 15 juin 1907 ayant autorisé leur ouverture dans les stations balnéaires, thermales et climatiques, ainsi que la loi du 5 mai 1987 qui a autorisé l’introduction des machines à sous dans les casinos, dérogent au principe traditionnel rappelé par la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, laquelle réprime les jeux de hasard et interdit les appareils automatiques de jeux de hasard, dont les machines à sous.
Leur exploitation est subordonnée à une autorisation du ministre de l’intérieur et à la passation d’une convention de délégation de service public avec une commune.
Le conseil municipal doit se prononcer sur le principe de l’installation d’un casino sur son territoire et sur celui de la concession.
Le montant total des mises effectuées dans les jeux des casinos s’est élevé à 20 milliards d’euros en 2006.
Enfin, la France, comme l’Allemagne et l’Italie, s’est dotée de dispositions visant à réglementer certains aspects des jeux en ligne à travers la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Celle-ci prévoit, d’une part, l’obligation pour les fournisseurs d’accès à internet de signaler à leurs abonnés les sites de jeux d’argent illégaux.
D’autre part, elle comporte des mesures destinées à lutter contre le développement des jeux d’argent sur internet. Ainsi, sur décision conjointe des ministres de l’intérieur et des finances, les établissements bancaires bloqueront les flux financiers provenant des personnes - physiques ou morales - qui organisent des activités de jeux, de paris ou de loteries prohibées par la loi française.
Une deuxième catégorie de mesures a pour objet de renforcer les sanctions pénales encourues en cas d’organisation des jeux illégaux et en cas de publicité pour de telles activités.
A l’heure actuelle, seuls La Française des Jeux et le PMU sont habilités à offrir des jeux en ligne.
Au-delà des nuances qui les caractérisent, les différents régimes que l’on vient d’examiner poursuivent des objectifs qui, tout en étant conformes au droit communautaire, sont aussi analogues à ceux du droit français.
(1) La nécessité de garantir un niveau élevé de protection de l’ordre public et de l’ordre social
Les lignes suivantes extraites d’un document du ministère de l’intérieur finlandais résument les principes justifiant un régime de droits exclusifs :
« Dans le jeu, il y a un risque d’abus et d’activité délictueuse, mais aussi un risque concernant l’addiction au jeu. Ces différents dangers pourraient donner lieu à des fraudes mais aussi au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. C’est pourquoi les activités se rapportant au jeu doivent faire l’objet d’une réglementation et d’un contrôle.
[…]
Du fait que l’Etat exerce, en tant que propriétaire, un contrôle et une influence sur les opérateurs, il peut réguler les activités de jeu, par exemple, en posant des règles internes et des objectifs de rentabilité à ces organisations et en leur assignant des directives de développement »(16).
Or, ce sont bien les mêmes préoccupations qui sont au cœur des législations italienne, allemande et française, en ce qui concerne, par exemple, l’encadrement des jeux en ligne. Celui-ci a pour objet d’opposer aux opérateurs non agréés une offre alternative attractive, de façon à canaliser les joueurs vers une offre sécurisée et respectueuse des objectifs d’encadrement social.
Il s’agit donc là d’objectifs dans lesquels l’arrêt Läärä de la Cour de justice du 21 septembre 1999 a vu des « raisons impérieuses d’intérêt général ».
(2) Le financement d’activités d’intérêt général
S’il n’est pas contestable qu’un monopole privé, tel que l’opérateur britannique de loterie - Camelot - peut également financer des bonnes causes, force est toutefois de constater que la contribution des monopoles publics au développement du sport et de la filière équine est décisive. A la différence du sponsoring, qui est très souvent lié aux résultats, la contribution des opérateurs publics est pérenne.
- En Finlande, en 2005, 38 % du soutien accordé par le ministère de l’éducation au sport et à l’éducation, 53 % du soutien aux arts et 32 % du soutien à la science et à la technologie ont été financés grâce aux bénéfices tirés du jeu.
- En Allemagne, Lotto und Tottoblock verse 3,3 milliards d’euros pour les bonnes causes, dont 550 millions pour le sport amateur.
- En France, La Française des Jeux a versé 171 millions d’euros en 2006 et 194 millions d’euros en 2007 au Centre national pour le développement du sport (CNDS), cette contribution représentant 80 % des ressources du CNDS.
En ce qui concerne la contribution du prélèvement sur les paris hippiques au développement de la filière équine, le tableau ci-dessous permet de mesurer le fossé qui sépare un système de pari mutuel et un système de pari à cote fixe tel qu’il est pratiqué au Royaume-Uni.
France |
Finlande |
Suède |
Italie |
Allemagne |
Grande-Bretagne | |
Offre de paris |
Mutuel uniquement |
Mutuel uniquement |
Mutuel uniquement |
Mutuel Majoritairement (<99%) |
Bookmaking Majoritaire (estim. :2/3) |
Bookmaking majoritaire (97,75%) |
Retour filière hippique |
14,18 % soit 1 176 M € (dont frais de gestion) |
20,2 % soit 40,4 M € |
18,5 % soit 124,23 M € |
Retour Unire (mutuel) : 14,2 % Bookmaking : NC Soit 391,78 M € |
Mutuel : 27,3 % soit 23,08 M € Bookmaking : 0 % |
Mutuel : 3,9 % Bookmaking : 0,9 % Soit 157,89 M € |
Sources : PMU, 2006, et Fintoto.
Pari mutuel et bookmaking
Le pari mutuel
Le principe du pari mutuel consiste à répartir entre les parieurs gagnants les enjeux des parieurs après déduction des prélèvements légaux revenant à l’Etat et aux sociétés de courses. Cette répartition se traduit par la détermination du « rapport » qui est le résultat de la division des enjeux entre les mises des parieurs gagnants.
Si les mises gagnantes sont peu nombreuses (en cas de la victoire d’un outsider), le rapport est élevé. Dans le cas contraire (victoire d’un favori), il est faible. Autrement dit, les parieurs, dans ce système, jouent les uns contre les autres et l’opérateur n’a aucun intérêt propre.
Le Bookmaking
Le bookmaking est un jeu de contrepartie. Le but d’un bookmaker est d’arriver à dégager un bénéfice en fonction de la répartition des enjeux des parieurs sur les chevaux, à des cotes diverses.
Le bookmaker doit :
- évaluer la cote qu’il doit offrir aux parieurs pour chacun des concurrents de la course ;
- évaluer le bénéfice qu’il se réserve en tenant compte de la masse d’enjeux qu’il estime que les parieurs engageront sur chacun des concurrents.
Il apparaît donc que le bookmaker a un intérêt opposé à celui du parieur qu’il a intérêt à voir perdre.
Cette logique résulte d’un net revirement de la Cour de justice puisqu’elle impose des limitations aux Etats qui seront désormais contraints de justifier de la licéité de leurs monopoles, alors que dans sa jurisprudence des années 90, elle avait reconnu une large marge d’appréciation en faveur des Etats pour limiter ou supprimer des activités de jeux.
Cette évolution ne peut manquer d’être préoccupante, car non seulement elle est le fruit d’une jurisprudence prétorienne, relayée par plusieurs juridictions des Etats membres et que la Commission a instrumentalisée, pour imposer une ouverture dans les Etats, regardés comme de futurs marchés-cibles prometteurs par les opérateurs.
Mais, en outre et surtout, les effets combinés de cette nouvelle jurisprudence et des changements révolutionnaires introduits par internet risquent d’affaiblir considérablement les Etats.
1) L’adoption d’une jurisprudence prétorienne par la Cour de justice relayée par les juridictions des autres Etats membres
a) La remise en cause de la marge d’appréciation des Etats membres
Cette remise en cause n’est pas fortuite, car la nouvelle jurisprudence tire les conséquences d’idées déjà évoquées au cours des années 90 par certains avocats généraux ou certains arrêts, qui débouchent sur l’élargissement du contrôle par la Cour de justice des limitations apportées par la réglementation des Etats à travers la prise en compte des atteintes à la liberté d’établissement, une approche extensive des restrictions à la libre prestation des services et un contrôle resserré des objectifs poursuivis par les Etats.
(1) La prise en compte des atteintes à la liberté d’établissement
Dans un arrêt du 6 novembre 2003 – Gambelli – la Cour de justice a jugé que :
« Une réglementation nationale qui interdit – sous peine de sanctions pénales – l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur des événements sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l'Etat membre concerné, constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle règlementation, au regard de ses modalités concrètes d’application, répond véritablement aux objectifs susceptibles de la justifier et si les restrictions qu’elle impose n’apparaissent pas disproportionnées au regard de ces objectifs ».
Dans cette affaire, M. Gambelli et d’autres personnes géraient en Italie des agences de transmissions de données, qui collectaient des paris sportifs pour le compte d’un bookmaker britannique – la société Stanley – auquel ils étaient reliés par internet. Les prévenus ont été poursuivis pour violation de la loi italienne qui interdit, au moyen de sanctions pénales, l’exercice d’activités par quiconque et en tout lieu de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les évènements sportifs, en l’absence des conditions de concessions et d’autorisations prescrites par le droit interne.
Les prévenus ont considéré que cette situation constituait une restriction à la liberté d’établissement et, de surcroît, était contraire au principe de reconnaissance mutuelle.
Comme l’a relevé l’avocat général, M. Siegbert Alber, la matière des jeux de hasard transfrontaliers n’avait pas encore été examinée par la Cour sous l’angle du droit d’établissement, car seules certaines conclusions des avocats généraux rendues sur des arrêts antérieurs ont donné des indications relatives à l’applicabilité des dispositions en matière de liberté d’établissement.
Aux termes de l’article 43 du traité instituant la Communauté européenne, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. Il en est ainsi de la création d’agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d’un Etat membre établis sur le territoire d’un autre Etat membre.
Quant à l’article 48 du traité instituant la Communauté européenne, il prévoit que les sociétés constituées en conformité de la législation d’un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées pour l’application des dispositions relatives à la liberté d’établissement aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres.
L’avocat général, M. Siegbert Alber, constate que Stanley est une société de capitaux de droit britannique et, en tant que personne morale poursuivant un but lucratif, elle est, en application de l’article 48, paragraphe 2, du traité, un utilisateur potentiel du droit d’établissement.
A la différence de l’avocat général et de la Commission, la Cour a admis que le bookmaker Stanley pouvait être véritablement établi en Italie par l’entremise de son partenaire italien, poursuivant, selon les termes de l’arrêt, l’activité de collecte des paris par l’intermédiaire « d’une organisation d’agences établies dans un autre Etat membre ». Dès lors, les restrictions imposées aux activités de ces agences – notamment celles découlant des sanctions pénales prévues par la législation italienne – constituent des entraves à la liberté d’établissement.
En second lieu, la Cour constate que l’absence d’opérateurs étrangers parmi les concessionnaires du secteur des paris sportifs était due au fait que la réglementation italienne en matière d’appels d’offres excluait, en pratique, la possibilité pour les sociétés de capitaux – telle que Stanley – cotées sur les marchés des autres Etats membres d’obtenir des concessions. C’est pourquoi, aux yeux de la Cour, une telle réglementation constitue « à première vue » une restriction à la liberté d’établissement et ce, même si elle s’impose indistinctement à toutes les sociétés, qu’elles soient établies en Italie ou dans un autre Etat membre.
Les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Gambelli ont été confirmés par elle dans l’arrêt Placanica du 6 mars 2007.
Dans cette espèce, dont les faits sont rappelés ci-après, la Cour, citant l’arrêt Gambelli, a jugé que :
« les restrictions imposées à des intermédiaires tels que les prévenus au principal constituent des entraves à la liberté d’établissement de sociétés établies dans un autre Etat membre, telles que Stanley, qui poursuivent l’activité de collecte de paris dans d’autres Etats membres par l’intermédiaire d’une organisation d’agences telles que les CTD (Centres de transmission des données) gérés par les prévenus ».
Selon la loi italienne, l’organisation de jeux de hasard ou la collecte de paris nécessite au préalable l’attribution d’une concession et d’une autorisation de police. Toute infraction à ces règles est passible de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à une peine d’emprisonnement de trois ans.
En 1999, les autorités italiennes compétentes ont, à la suite d’appels d’offres, attribué 1 000 concessions de paris sur les compétitions sportives et 671 nouvelles concessions pour les compétitions hippiques (329 concessions existantes ont été renouvelées automatiquement). Ces concessions étaient valables pour six ans et renouvelables pour la même durée. Les appels d’offres excluaient notamment les opérateurs constitués sous la forme de sociétés dont les actions étaient cotées sur les marchés réglementés.
Parmi ces derniers se trouvait la société de droit anglais Stanley International Betting Ltd, titulaire d’une licence de la municipalité de Liverpool et faisant partie du groupe Stanley Leisure plc, société anglaise cotée à la bourse de Londres, à l’époque quatrième plus grand bookmaker et premier tenancier de maisons de jeux au Royaume-Uni. Stanley opère en Italie par les biais de « centres de transmission de données » (CTD), gérés par des opérateurs indépendants liés contractuellement à Stanley, qui offrent aux parieurs un parcours télématique leur permettant d’éaccéder au serveur de Stanley situé au Royaume-Uni.
MM. Placanica, Palazzese et Sorricchio sont tous les trois des gérants de CTD liés à Stanley. En 2004, ils ont été inculpés devant le Tribunal di Larino et le Tribunal de Teramo pour avoir exercé une activité organisée de collecte de paris sans l’autorisation de police requise. Ces juridictions ont demandé à la Cour de justice si la législation italienne relative aux jeux de hasard est compatible avec les principes communautaires de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services.
Comme c’était le cas dans l’arrêt Gambelli, la Cour voit une autre restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services dans l’exclusion du secteur des jeux de hasard des opérateurs constitués sous la forme de sociétés de capitaux, dont les actions sont cotées sur les marchés réglementés.
La Cour a considéré qu’une telle mesure allait « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de lutte contre la criminalité » et qu’il existait d’autres moyens pour contrôler la transparence des comptes, tout en apportant une moindre restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services (par exemple, recueillir des informations sur les principaux actionnaires).
Or, une telle prise de position ne tient nullement compte d’un arrêt de la Cour de cassation italienne du 26 avril 2004 qui, au contraire, a légitimé une telle exclusion. La Cour suprême italienne a, en effet, considéré que la réglementation italienne n’opérait aucune discrimination au détriment des sociétés étrangères, même de manière indirecte, car elle a pour effet d’exclure non seulement les sociétés de capitaux étrangères mais aussi italiennes, dont les actionnaires ne peuvent pas être précisément identifiés.
Quoi qu’il en soit, la Cour de justice tire la conséquence que la procédure d’octroi de l’autorisation présupposant une concession est, ipso facto, entachée des mêmes vices qui affectent l’octroi de concessions. Le défaut d’autorisation ne pourra donc être reproché à des personnes qui n’auraient pu les obtenir du fait qu’elles avaient, en violation du droit communautaire, été exclues de l’octroi d’une concession.
Dans la même logique, la Cour réaffirme qu’un Etat membre ne peut appliquer une sanction pénale pour une formalité administrative non remplie, lorsque l’accomplissement de cette formalité est refusé ou rendu impossible par l'Etat membre. Car, selon la Cour, même si la législation pénale est décidée exclusivement par les Etats membres, le droit communautaire peut poser des limites à cette compétence, la législation pénale d’un Etat ne pouvant pas restreindre les libertés fondamentales garanties par le droit communautaire, en l’espèce la liberté d’établissement et la libre prestation des services. Par conséquent, les prévenus au principal ne pouvaient se voir appliquer des sanctions pénales pour l’exercice d’une activité organisée de collecte de paris sans concession ou sans autorisation de police.
(2) Une approche extensive des restrictions à la libre prestation des services
Dans l’affaire Gambelli, la Cour de justice a jugé que la libre prestation des services comportait non seulement la liberté du prestataire d’offrir et d’effectuer des services aux destinataires établis dans un Etat membre autre que celui sur le territoire duquel se trouve ce prestataire, mais aussi la liberté de recevoir ou de bénéficier, en tant que destinataire, des services offerts par un prestataire établi dans un autre Etat membre sans être gêné par des restrictions.
Or, le gouvernement italien a confirmé, lors de l’audience, que le fait, pour un particulier résidant en Italie, de se connecter de son domicile par internet à un bookmaker établi dans un autre Etat membre en utilisant sa carte de crédit comme moyen de paiement était constitutif d’un délit sanctionné pénalement.
La Cour a considéré qu’une telle interdiction, assortie de sanctions pénales, de participer à des paris organisés dans des Etats membres autres que celui sur le territoire duquel est établi le parieur constituait une restriction à la libre prestation des services.
La Cour a refusé de tirer la conséquence, comme l’y ont invité les avocats généraux dans les affaires Gambelli et Placanica, que le principe de reconnaissance mutuelle devait être consacré(17). Pour autant, il y a lieu de craindre que cette conception extensive des atteintes à la libre prestation des services n’ait pour effet de déboucher sur une situation régie par la disposition de l’article 3 de la directive 200/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Ce dernier interdit aux Etats membres de restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre Etat membre.
Par conséquent, la Cour de justice aurait réintroduit les jeux d’argent dans le champ d’application de la directive, alors qu’ils en sont exclus.
(3) Le contrôle resserré des objectifs poursuivis par les Etats
Dans l’arrêt Placanica, la Cour rappelle certes que « les Etats sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard », conformément aux principes dégagés par la jurisprudence des années 90.
Mais dans le même temps, elle estime qu’« il convient d’examiner séparément pour chacune des restrictions imposées par la législation nationale, notamment si elle est propre à garantir la réalisation du ou des objectifs invoqués par l'Etat membre en cause et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ».
Or, il s’agit là d’un recul par rapport à la jurisprudence antérieure, qui admettait le principe d’un « examen dans leur ensemble » des raisons impérieuses d’intérêt général, comme le rappelle l’arrêt Läärä (point 33).
Une autre illustration du resserrement du contrôle établi par la Cour est l’ajout de la notion de « limitation cohérente et systématique » de l’offre de jeux dans l’énumération des raisons impérieuses d’intérêt général. Selon la Cour, il ne suffit pas qu’un Etat se prévale de la protection des consommateurs, de la prévention de la fraude et de l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu, comme l’avait prescrit la jurisprudence des années 90.
« Encore faut-il que les restrictions fondées sur de tels motifs et sur la nécessité de prévenir les troubles à l’ordre social soient propres à garantir la réalisation desdits objectifs en ce sens que ces restrictions doivent contribuer à limiter les activités de paris d’une manière cohérente et systématique »(18).
Une telle préoccupation était déjà présente dans l’arrêt Zenetti(19). Toutefois, l’application, à partir de l’arrêt Gambelli, de ce critère conduit la Cour de justice à préconiser un contrôle très rigoureux. Ainsi, dans l’arrêt Gambelli, constatant que l’Etat italien ayant poursuivi une politique de forte expansion du jeu et des paris afin que le trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier, la Cour a estimé que cet Etat ne saurait invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des atteintes à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.
Dans l’arrêt Placanica, la Cour va encore plus loin en proposant de distinguer, d’une part, l’objectif visant à réduire les occasions de jeu et, d’autre part, dans la mesure où les jeux sont autorisés, l’objectif visant à lutter contre la criminalité en assujettissant les opérateurs actifs dans ce secteur à un contrôle et en canalisant les activités de jeux de hasard dans les circuits autorisés.
S’agissant du premier objectif, si des restrictions du nombre des opérateurs sont, en principe, susceptibles d’être justifiées, ces restrictions doivent, en tout état de cause, répondre au souci de réduire véritablement les occasions de jeu et de limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique.
Pour ce qui est du second objectif, la Cour de justice constate qu’il est identifié comme le but réel de la réglementation italienne, tant par la Cour de cassation que par le gouvernement italien. Dans cette optique, la Cour juge qu’une politique d’expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard peut être tout à fait cohérente avec l’objectif visant à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites en tant que telles vers des activités autorisées et réglementées.
C’est pourquoi elle estime qu’il appartient aux juridictions de renvoi de vérifier si, dans la mesure où elle limite le nombre d’opérateurs agissant dans le secteur des jeux de hasard, la réglementation italienne répond véritablement à l’objectif invoqué par le gouvernement italien, à savoir la prévention de l’exploitation des activités à des fins criminelles et frauduleuses.
Il apparaît au terme de cet examen que l’un des aspects les moins négatifs de ce revirement jurisprudentiel réside dans l’accent mis sur la nécessité dans laquelle se trouvent les Etats de mener une politique efficace de prévention de l’addiction, à laquelle ils n’ont porté attention que tardivement, comme on le verra. Il y a toutefois lieu de déplorer que, dans cette démarche, la Cour de justice ait préféré se focaliser davantage sur la « paille » de la politique cohérente et systématique de prévention de l’addiction que sur la « poutre » des dérives qu’emporte sa conception des libertés fondamentales.
b) Un revirement jurisprudentiel d’importance
Cette nouvelle jurisprudence aura d’autant plus de portée qu’elle devra être appliquée par les juridictions des Etats membres. Comme l’ont rappelé, par exemple, le Conseil d’Etat à la Cour constitutionnelle italienne, les arrêts rendus par la Cour de justice, lorsqu’elle est saisie d’un recours préjudiciel, doivent être appliqués par les tribunaux des Etats membres.
(1) L’alignement des Cours de cassation française et italienne sur la Cour de justice
Ø La Cour de cassation française
Par un arrêt Zeturf du 10 juillet 2007, la Cour de cassation s’est appuyée sur la jurisprudence de la Cour de justice pour casser l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, ayant obligé la société maltaise Zeturf à faire cesser le trouble manifestement illicite qui consistait à porter atteinte au droit exclusif réservé au PMU.
En première instance, le président du Tribunal de grande instance de Paris avait rendu une ordonnance de référé le 8 juillet 2005, à la demande du PMU, en vue d’ordonner à la société Zeturf, installée à Malte, et exploitant le site zeturf.com, de mettre fin à son activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France.
L’ordonnance de référé a notamment indiqué :
« que c’est au PMU qu’a été confiée la gestion relative à l’organisation par les sociétés de courses autorisées du pari mutuel en dehors des hippodromes, comme prévu par l’article 27 du décret n° 97-456 du 5 mai 1997 modifié par le décret n° 02-1346 du 12 novembre 2002 ;
que la prise de paris en ligne cause donc bien un trouble manifestement illicite au PMU dès lors qu’elle n’a pas été autorisée ; »
Zeturf ayant interjeté appel de cette ordonnance, la Cour d’appel de Paris a rendu son arrêt le 4 janvier 2006. Elle a confirmé l’ordonnance et porté l’astreinte quotidienne de 15 000 euros fixée par le premier juge à 50 000 euros, à l’expiration d’un délai de 48 heures suivant la signification de l’arrêt.
La Cour a constaté que la réglementation française en matière de paris hippiques constitue une restriction à la libre prestation des services et qu’une telle restriction ne pouvait être justifiée que par des raisons impérieuses d’intérêt général n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif.
Elle a considéré que les dispositions françaises ne poursuivaient pas un objectif de nature économique mais avaient pour objet la protection de l’ordre public français, notamment en évitant que les paris soient une source de profits individuels et qu’existent des risques de délits et de fraudes.
En outre, elle a jugé que la réglementation française était appliquée de manière non discriminatoire, puisque toute société de courses de chevaux répondant aux critères, quelle que soit sa nationalité, peut être autorisée après contrôle à organiser les paris, le GIE PMU ne faisant que regrouper les sociétés de courses.
La Cour a conclu que la réglementation française n’était pas contraire au droit communautaire.
Zeturf s’est pourvu en cassation. La Cour de cassation a rendu son arrêt le 10 juillet 2007.
La Cour de cassation a d’abord rejeté un moyen soulevé par Zeturf par lequel il avait demandé que les justifications des restrictions à la libre prestation des services admises par la Cour de justice tirées de la protection de l’ordre social et de l’ordre public n’étaient pas compatibles avec le fait que l’Etat adopte une politique d’expansion des jeux, afin d’augmenter les recettes du Trésor public.
La Cour de cassation a écarté cet argument au motif que :
« la seule circonstance que l’Etat retire de l’activité de jeux d’argent des bénéfices sur le plan financier ne suffit pas à écarter toute possibilité de justifier, au regard de l’objectif visant à réduire les occasions de jeux, une réglementation qui opère une restriction à la libre prestation des services en réservant à un organisme le droit exclusif d’organiser de tels jeux ».
En revanche, la Cour de cassation juge que les éléments sur lesquels la Cour d’appel s’est fondée pour rendre son arrêt favorable au PMU n’étaient pas suffisants et que la Cour d’appel ne pouvait pas déduire que la réglementation française sur les paris sur les courses de chevaux tendait réellement à éviter les risques de délit et de fraude et à limiter les paris et les occasions de jeux.
De plus, s’appuyant sur les arrêts Zenatti, Gambelli et Placanica, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché, comme elle y était invitée, si les autorités nationales n’adoptaient pas une politique expansive dans le secteur des jeux afin d’augmenter les recettes du Trésor public.
La Cour de cassation juge que, sur ce point, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Enfin, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel
« n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si l’intérêt général sur lequel se fondent les objectifs consistant à limiter les occasions de jeux et à prévenir l’exploitation des jeux à des fins criminelles ou frauduleuses n’est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans l'Etat membre où il est établi ».
Malheureusement, en statuant ainsi, la Cour de cassation a été au-delà des arrêts de la Cour de justice puisque, comme on l’a vu, elle a refusé de suivre l’invitation formulée par les avocats généraux dans les affaires Gambelli et Placanica à consacrer le principe de reconnaissance mutuelle.
Ø La Cour de cassation italienne
Avant l’arrêt Placanica, la Cour de cassation italienne avait estimé, comme l’a rappelé la Cour de justice, que la législation italienne limitant la liberté d’établissement était compatible avec le droit communautaire.
Mais dans un arrêt du 28 mars 2007, postérieur à la jurisprudence Placanica du 6 mars 2007, la Cour de cassation italienne reprend littéralement l’un de ses motifs, jugeant illicite le régime des concessions prescrit par la loi italienne :
« Il convient de constater que les articles 43 et 49 CE doivent être interprétés comme s’opposant à une réglementation nationale telle que celle dont il est ici question, qui impose une sanction pénale aux personnes qui ont exercé une activité de paris sans concession ni autorisation de la police exigée par la réglementation nationale, alors que ces personnes n’ont pas pu obtenir ces autorisations en raison du refus de l'Etat membre, en violation du droit communautaire de les leur concéder ».
De même, certaines autres juridictions italiennes, citant cet arrêt de la Cour de cassation et s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice ont également jugé illicite le régime des concessions en vigueur en Italie.
(2) La position nuancée de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne et de la Cour de l’AELE (Association européenne de libre échange)
A la différence des Cours de cassation française et italienne, ces deux Cours ne s’alignent pas à proprement parler sur la jurisprudence de la Cour de justice, bien que sur certains points, elles émettent des observations analogues à celles de la Cour de Luxembourg.
Ø La Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne
La Cour constitutionnelle fédérale a rendu un arrêt le 28 mars 2006 par lequel elle a estimé que le monopole sur les paris sportifs exercé par l’opérateur public ODDSET du Land de Bavière était incompatible avec le droit fondamental de la liberté d’entreprendre énoncé à l’article 12 de la Loi fondamentale. Elle estime que dans son organisation actuelle, ce monopole ne garantit pas une politique effective de prévention de l’addiction, laquelle, à ses yeux, pourrait justifier le monopole et l’exclusion d’opérateurs privés.
Tout en ne contestant pas que l’ouverture du marché entraînera un accroissement de l’addiction, elle souligne toutefois que le monopole étatique sur les paris mis en place en Bavière constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, parce qu’existe un conflit entre l’objectif de prévention de l’addiction, qui n’est pas encore atteint, et les intérêts financiers que l’Etat tire du monopole. Or, la Cour rappelle le fait notoire que l’opérateur public ODDSET poursuit de tels intérêts financiers et qu’en raison de la large publicité à laquelle il se livre, il contribue peu à prévenir l’addiction.
Sur ce point, la Cour observe que l’administration étatique en charge du Loto se borne à mettre à disposition des informations sur l’addiction, la prévention et les possibilités de traitement, sans aller jusqu’à poursuivre une politique active de prévention.
C’est pourquoi la Cour estime que le législateur pourrait parvenir à une situation conforme à la Loi fondamentale, par deux voies différentes :
- soit en maintenant le monopole, à condition que ce dernier soit organisé de façon cohérente, pour lui permettre réellement de mener un politique de prévention de l’addiction ;
- soit en mettant en place une politique d’autorisations contrôlée, qui ouvrirait la possibilité à des opérateurs privés de prendre des paris.
La Cour constitutionnelle avait imparti au législateur – en pratique aux Länder – de confectionner une nouvelle loi avant le 1er janvier 2008. Elle avait, en outre, précisé que, durant la phase transitoire, le régime du monopole continuerait de s’appliquer.
Un nouveau traité d’Etat (Staatsvertrag) est certes entré en vigueur au 1er janvier 2008. Mais, comme on le verra, sa conformité à la Loi fondamentale suscite de vifs débats.
Il importe d’observer que, si la démarche de la Cour constitutionnelle n’est pas très éloignée de celle de la Cour de justice – qu’elle cite d’ailleurs, en particulier l’arrêt Gambelli – elle considère in fine que ce sont les prescriptions du droit communautaire qui correspondent à celles de la Loi fondamentale.
Ø La Cour de l’AELE
La Cour a rendu deux arrêts en 2007, davantage inspirés par la jurisprudence de la Cour de justice des années 90 que par celle inaugurée par l’arrêt Gambelli.
Dans l’arrêt du 14 mars 2007, la Cour a eu à connaître d’une requête introduite par l’Autorité de surveillance de l’AELE(20)
– ASE –. Elle a fait valoir que le droit exclusif d’exploitation des machines à sous accordé par un projet de loi du gouvernement norvégien à la société publique Norsk Tipping enfreignait les articles 31 et 36 de l’accord sur l’espace économique européen, ces articles correspondant aux articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.
Pour l’essentiel, la Cour a retenu les arguments soulevés par le gouvernement norvégien et a rejeté la requête de l’Autorité de surveillance.
La Cour a rappelé tout d’abord qu’il appartenait à l’Etat instituant une restriction des libertés de prouver que la mesure est justifiée. A cet égard, elle a jugé que bien que l’objectif de maintenir les recettes ait été clairement exprimé par le Gouvernement, il n’est, conformément à l’arrêt Zenatti de la Cour de justice, qu’un bénéfice accessoire et non la justification réelle de la restriction, ce qui ne saurait remettre en cause la légitimité du système.
En second lieu, elle a constaté que le fait que la législation contestée vise seulement les machines à sous ne la rendait pas inappropriée à l’objectif de réduction des occasions de jeu. Toutefois, en réponse au gouvernement norvégien qui soulignait la nécessité d’un développement progressif et modéré de la gamme des jeux, afin de canaliser le goût du jeu, en particulier ceux offerts par internet, elle a jugé qu’une politique cohérente et systématique de lutte contre l’addiction impliquait un contrôle efficace des activités du monopole, lorsque la législation contestée sera entrée en vigueur.
Enfin, la Cour a rappelé que, comme l’a soutenu également le gouvernement norvégien, selon l’arrêt Läärä, le choix des mesures nécessaires est du ressort de l’Etat, pour autant que les mesures ne soient pas disproportionnées. Elle a, en outre, considéré qu’un monopole sous le contrôle des pouvoirs publics était plus efficace pour lutter contre l’addiction qu’un système d’exploitants privés dont les activités dépendent des produits du jeu. L’Etat peut, en effet, contrôler plus facilement un opérateur qui lui appartient que des opérateurs privés, car il a des moyens autres que la réglementation et les contrôles pour exercer son influence sur l’opérateur.
Dans un deuxième arrêt du 30 mai 2007 – Ladbrokes Ltd contre le Royaume de Norvège – la Cour a été saisie d’un recours préjudiciel par la Cour du district d’Oslo.
L’origine de l’affaire est le refus du gouvernement norvégien d’accorder une licence de paris en Norvège à la société Ladbrokes Ltd, un bookmaker britannique. En 2004, Ladbrokes avait demandé des licences d’exploitation concernant divers jeux en Norvège et s’était heurtée à une fin de non-recevoir car ces licences ne peuvent être attribuées à un opérateur commercial privé.
Trois des réponses formulées par la Cour revêtent un intérêt particulier :
- une législation nationale, qui prévoit que certaines formes de jeux ne peuvent être offertes que par un opérateur consacrant ses gains au bénéfice des sports et de la culture, doit poursuivre des objectifs légitimes tels que la lutte contre la dépendance au jeu et le maintien de l’ordre public, de manière appropriée et cohérente, la législation ne devant pas aller au-delà de ce qui est nécessaire afin d’atteindre ces objectifs ;
- le financement des sports et de la culture ne peut pas constituer la justification réelle de la législation mais seulement une conséquence bénéfique accessoire. Eviter l’appropriation privée des profits du jeu est un objectif en soi pouvant justifier la législation mais la politique de l’Etat en matière de jeu doit traduire les préoccupations morales sous-jacentes à cet objectif ;
- dans la mesure où le tribunal national conclut que le système de droits exclusifs établi par la loi en matière de jeu constitue des restrictions légales, les autorités nationales ont le droit d’interdire la fourniture et le marketing de jeux de hasard étrangers, peu importe que ceux-ci soient légaux ou non dans leur pays d’origine. Il en est de même lorsque le tribunal national conclut que l’exclusion des opérateurs privés par la législation nationale constitue une restriction légale à la libre prestation des services.
2) La volonté de la Commission d’instrumentaliser le revirement jurisprudentiel de la Cour de justice
Dans les communiqués à la presse qu’elle a publiés sur les procédures en infraction qu’elle a ouvertes à l’encontre de plusieurs Etats membres, la Commission prend soin de préciser qu’elle ne veut ni porter atteinte aux monopoles, ni viser une libéralisation du marché des services de jeux d’argent(21).
Fort malheureusement, ces déclarations risquent de n’être que des pétitions de principe. Car l’objectif poursuivi constamment par la Commission est de parvenir à une réglementation libérale du secteur des jeux, ce que le revirement jurisprudentiel a facilité, celui-ci servant de fondement aux procédures qu’elle a ouvertes au cours des deux dernières années.
a) L’objectif ancien poursuivi par la Commission de parvenir à une réglementation libérale du secteur des jeux
Il y a quinze ans, lors du sommet du Conseil européen d’Edimbourg des 11 et 12 décembre 1992, ce dernier a pris acte de la décision de la Commission de renoncer à règlementer les jeux.
Pour autant, elle était si fortement attachée à la poursuite d’un tel objectif que la Commission n’a pas manqué, dans ses observations à l’audience sur l’affaire Schindler, de plaider de façon appuyée en faveur du principe de l’ouverture à la concurrence du marché des loteries.
Certaines des nombreuses objections émises alors par l’avocat général Gulmann méritent d’être rappelées, car elles demeurent d’actualité :
« La Commission fait certes valoir qu’une ouverture des marchés signifiera que les consommateurs auront des possibilités accrues de choisir entre les fins d’intérêt général qu’ils souhaitent soutenir et qu’une ouverture signifiera que les consommateurs auront des gains plus élevés. Il est possible que la Commission ait raison à court terme en ce qui concerne le premier point. Mais, ainsi qu’il a été indiqué, on ne peut pas écarter l’hypothèse qu’une ouverture des marchés puisse entraîner à long terme l’éviction d’une série de loteries du marché, ce qui se traduira par une limitation des possibilités de choix des consommateurs.
En ce qui concerne le deuxième point, la Commission a, ainsi qu’il a été indiqué, probablement raison. En revanche, nous n’estimons pas que cela puisse faire partie des objectifs que le traité a pour but de réaliser. Une augmentation du montant des gains est susceptible, d’une part, d’accroître la passion du jeu et, d’autre part, d’impliquer une réduction de la part relative du chiffre d’affaires de la loterie, destinée en tant qu’excédent à être affectée à des fins publiques ou d’intérêt général ».
Enfin, les tentatives les plus connues ont résidé dans le choix délibéré de la Commission d’inclure les jeux de hasard dans le champ d’application de la directive sur le commerce électronique et celui de la directive sur les services.
Si le Parlement européen et le Conseil s’y sont opposés avec succès, on peut toutefois s’interroger sur la portée réelle de telles exclusions, du fait de l’assimilation, très nette depuis l’arrêt Gambelli, des jeux à des services et notamment à des services de la société de l’information, en ce qui concerne les jeux en ligne.
b) L’ouverture de procédures à l’encontre de plusieurs Etats membres
A ce jour, onze Etats membres se sont vu adresser soit une mise en demeure, soit un avis motivé, comme le montre le tableau ci-dessous :
Avis motivé |
Mise en demeure |
Pologne : 12 octobre 2006 (fiscalité sur les jeux étrangers) |
Autriche : 12 octobre 2006 (législation sur les casinos) |
Danemark : 21 mars 2007 (législation sur les paris sportifs) |
Italie : 12 octobre 2006 (paris sportifs) |
Finlande : 21 mars 2007 (paris sportifs, machines à sous) |
Pays-Bas : 21 mars 2007 (législation sur les casinos) |
Hongrie : 21 mars 2007 (législation sur les paris sportifs) |
Allemagne : 21 mars 2007 (paris sportifs, casinos) ; 30 janvier 2008 (certaines dispositions du traité d’Etat) |
France : 27 juin 2007 (paris sportifs, paris hippiques) |
Grèce : 27 juin 2007 (législation sur les paris sportifs |
Suède : 27 juin 2007 (paris sportifs, paris hippiques) |
Suède : 30 janvier 2008 (législation sur le poker et les tournois de poker) |
L’avis motivé adressé à la France et la première mise en demeure adressée à l’Allemagne sont particulièrement significatifs de ce souhait de la Commission d’instrumentaliser la nouvelle jurisprudence de la Cour, c'est-à-dire de lui donner –selon les cas – une interprétation restrictive ou extensive.
Nous nous limiterons ici à deux exemples.
Le premier est tiré de l’avis motivé à la France dans lequel la Commission vise la discrimination dont plusieurs opérateurs étrangers, titulaires d’un agrément dans un autre Etat membre, se sont vu empêchés de faire en France la promotion de leurs services.
La Commission affirme, à leur sujet, que :
« La Commission estime incompatible avec le droit communautaire une législation nationale empêchant tout opérateur de prouver que les contrôles auxquels il est astreint dans son Etat d’établissement garantissent une protection équivalente à celle exigée par les autorités nationales ».
Comme on l’a vu précédemment, même si l’arrêt Gambelli a consacré une conception extensive de la notion de libre prestation des services, la Cour de justice a toutefois refusé de répondre à l’invitation qui lui était adressée par l’avocat général de consacrer le principe de reconnaissance mutuelle, regardé comme le corollaire logique de cette conception extensive de libre prestation des services.
Dès lors, les autorités françaises, dans leur réponse à l’avis motivé, ont parfaitement raison de souligner que, d’une part, la Cour de justice n’a jamais appliqué le principe automatique de reconnaissance mutuelle dans le secteur des jeux d’argent. D’autre part, la Cour insiste, au contraire, aux yeux des autorités françaises, sur le large pouvoir d’appréciation dont disposent les Etats dans la détermination de l’étendue de la protection qu’ils entendent assurer sur leur territoire, cette position étant encore confirmée dans l’arrêt Placanica.
Pour autant, devant la profondeur des changements introduits depuis l’arrêt Gambelli, qui ont précisément pour effet de réduire la marge d’appréciation des Etats, cette vision des autorités françaises risque d’apparaître trop optimiste.
Cette instrumentalisation de la jurisprudence est également illustrée par l’interprétation de la Commission de la notion de politique cohérente et systématique. En effet, dans la mise en demeure qu’elle a adressée aux autorités allemandes, la Commission met en cause le fait que l’interdiction des jeux en ligne se limite à la loterie et aux paris sportifs et n’inclue pas, dans son champ d’application, les machines à sous et les paris hippiques qui, sur le plan de l’addiction, représentent un danger plus élevé.
Les autorités allemandes contestent que, comme l’estime la Commission, l’arrêt Gambelli impose, pour l’appréciation du caractère cohérent et systématique de la politique des jeux, qu’un tel examen soit effectué de façon séparée pour chacun des segments de jeux et non de façon globale. Au demeurant, les autorités allemandes font observer que les machines à sous sont incluses par un texte réglementaire dans l’interdiction frappant les jeux en ligne.
Quant aux autorités françaises qui se sont vu reprocher leur inertie dans le domaine de la lutte contre l’addiction, du fait de la politique d’expansion mise en œuvre par La Française des Jeux, elles ont fait observer que la Commission s’appuyait seulement sur la notion de limitation cohérente et systématique dégagée par l’arrêt Gambelli, sans tenir compte ni de l’arrêt Placanica ni de l’arrêt de la Cour de l’AELE, Ladbrokes c/ Norvège du 30 mai 2007.
Le premier admet :
« qu’une politique d’expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard peut être tout à fait cohérente avec l’objectif visant à attirer des opérateurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdits en tant que telles vers des activités autorisées et réglementées ».
Quant à la Cour de l’AELE, elle a étendu aux finalités d’ordre social – la lutte contre l’addiction – la solution que l’arrêt Placanica avait limitée aux finalités d’ordre public – à savoir la lutte contre le jeu clandestin et le financement du crime organisé.
La Cour de l’AELE estime, en effet, que :
« le développement de l’offre et du marketing en matière de jeux par un organisme titulaire de droits exclusifs peut ne pas être contradictoire avec l’objectif de protection d’ordre social s’il permet de « canaliser » la demande et de l’écarter des jeux à forte addictivité offerts sur les réseaux mal contrôlable comme internet ».
Outre les avis motivés et les mises en demeure précédemment évoqués, la Commission a également introduit deux recours en manquement.
Le premier a trait à la législation grecque qui a interdit l’installation et l’exploitation de tous les jeux électriques, électromécaniques – y compris les jeux techniques récréatifs – et tous les jeux ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos.
La Commission y a vu notamment une violation des articles 28 (interdiction des restrictions quantitatives à l’importation), 43 (droit d’établissement) et 49 (libre prestation des services).
Les autorités grecques avaient soutenu, en particulier, qu’en raison de l’évolution de la technologie, les jeux consacrés par la loi étaient facilement convertibles en jeux de hasard, lesquels étaient toujours illicites en Grèce en dehors des casinos et que la situation était devenue incontrôlable. De graves problèmes sociaux étaient ainsi apparus, tels que, notamment, l’addiction des joueurs ou encore l’enrichissement facile et illégal des personnes impliquées dans l’exploitation, l’installation et le commerce des jeux électroniques.
L’arrêt du 26 octobre 2006 de la Cour de justice a jugé que les jeux concernés ne pouvaient être considérés comme des jeux de hasard. Dès lors, et ce, contrairement à ce qu’avaient fait valoir les autorités grecques, les considérations retenues par la Cour dans les arrêts Schindler(22) et Läärä(23) au sujet des jeux de hasard n’étaient pas transposables à ces jeux.
Par conséquent, la Cour a considéré que les autorités grecques avaient manqué à leurs obligations prévues par les articles 28, 43 et 49 du traité.
Dans cette affaire, on regrettera que la Commission et la Cour n’aient pas suffisamment pris en compte le réel danger, que nous ont signalé des opérateurs spécialisés dans les jeux vidéo, résultant de l’extrême facilité – et peu coûteuse – à les convertir en machines à sous, venant ainsi alimenter le marché clandestin de ces dernières. Pour prendre la mesure de la gravité de cette situation, l’un de nos interlocuteurs nous a indiqué qu’il existait 60 000 machines à sous clandestines en France, rapportant 3 000 euros chacune au minimum par mois.
Le deuxième recours en manquement concerne, à la suite de l’affaire Placanica, la législation italienne sur l’attribution des concessions. Le gouvernement italien a, en effet, porté de 329 à 1 000 le nombre des centres de collecte et de réception des paris hippiques. A cet effet, 671 nouvelles concessions ont été accordées à la suite d’une procédure d’appel d’offres alors que les 329 anciennes concessions existantes ont été renouvelées sans mise en concurrence.
La Cour indique que l’attribution de la gestion et de la collecte des paris hippiques en Italie constitue une concession de service public et qu’une telle qualification a été retenue par l’arrêt Placanica.
Le gouvernement italien justifiait le renouvellement sans appel d’offres par la nécessité, notamment, de décourager le développement d’activités clandestines de collecte et d’attribution des paris. Toutefois, il n’a pas expliqué sur quelle base l’absence de toute procédure de mise en concurrence serait nécessaire à cet égard et n’a pas justifié comment le renouvellement des concessions existantes en dehors de toute procédure de mise en concurrence pourrait faire obstacle au développement d’activités clandestines dans le secteur des paris hippiques.
La Cour rappelle qu’il appartient aux autorités nationales de démontrer, d’une part, que leur réglementation répond à un intérêt essentiel au sens des articles 45 et 46 du traité(24) ou à une exigence impérieuse d’intérêt général consacrée par la jurisprudence et, d’autre part, que ladite réglementation est conforme au principe de proportionnalité.
La Cour juge que le fait pour la République italienne de renouveler les 329 anciennes concessions de paris hippiques sans mise en concurrence n’est pas propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par la République italienne et va au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter que les opérateurs actifs dans le secteur des paris hippiques ne soient impliqués dans des activités criminelles ou frauduleuses. Il s’ensuit qu’aucune des raisons impérieuses d’intérêt général invoquées par le gouvernement italien pour justifier le renouvellement des 329 anciennes concessions en dehors de toute procédure de mise en concurrence ne saurait être accueillie.
La Cour estime donc qu’en ayant procédé au renouvellement de 329 concessions pour la gestion des paris hippiques en dehors de toute procédure de mise en concurrence, l’Italie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 et 49 du traité et a, en particulier, violé le principe général de transparence ainsi que l’obligation de garantir un degré de publicité adéquat.
1) La claire négation de la souveraineté des Etats
a) Un cas d’école : l’imbroglio italien
Pour certains de nos interlocuteurs italiens, « l’Italie c’est le Far-West », car on ne sait plus quelle est la législation applicable en matière de jeux.
Pour d’autres, en revanche, il est erroné d’évoquer l’idée d’une déréglementation, la législation italienne demeurant fondée, comme en droit français, sur un régime d’interdictions sanctionnées pénalement.
Pour autant, force est de constater que depuis l’arrêt Gambelli, la Cour de justice a mis à mal plusieurs volets de la législation italienne, que ce soit celle qui concerne l’attribution des concessions ou celle qui régit les jeux en ligne.
En outre, bien qu’il ne s’agisse pas d’une conséquence directe de l’arrêt Placanica, mais d’une mauvaise interprétation de ce dernier par les autorités italiennes, la loi Bersani du 4 août 2006 (laquelle modifie le décret dit Bersani) a consacré, à l’exemple de la législation britannique, le principe de reconnaissance mutuelle. L’article 38(2) de cette loi permet l’accès à certains jeux
« des opérateurs qui exercent leur activité dans un Etat membre, dans les Etats membres de l’Association européenne de libre échange et également des opérateurs d’autres pays, seulement s’ils satisfont aux exigences de confiance définies par l’AAMS (Agence autonome du monopole d’Etat) ».
Cette disposition de la loi Bersani remplace ainsi l’exigence selon laquelle un opérateur de jeu doit être titulaire d’une licence délivrée par l’Italie. Elle autorise la reconnaissance formelle par le gouvernement italien d’une licence attribuée par un autre Etat membre.
Parallèlement, les jurisprudences contradictoires rendues par les tribunaux ont accrédité les idées d’instabilité et d’insécurité juridiques.
En effet, les juridictions ont statué différemment selon qu’il s’est agi de juridictions pénales ou de tribunaux administratifs. Les premières, qui ont eu à juger d’incriminations intervenues avant l’arrêt Placanica et la loi Bersani ont rendu des arrêts de rejet. Par exemple, le 26 février 2007, lors du jugement de l’affaire Stanley
– bookmaker anglais accusé d’opérer sans licence – le Tribunal correctionnel de Rome a rejeté une poursuite intentée contre 53 personnes, au motif que l’article 4 de la loi n° 401 du 13 décembre 1989 – dont une disposition règlemente les jeux en ligne – ne pouvait plus être appliqué à la lumière de l’arrêt Placanica. Pour le même motif, d’autres juridictions ont rejeté les accusations portées contre Stanley, à la suite de l’arrêt Placanica.
Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2007 tranche désormais les difficultés d’interprétation. Elle a jugé que l’arrêt Placanica lie les juges italiens ; qu’aucune amende ni limitation de la liberté individuelle ne sont autorisées, si l’activité de jeu est exercée par des entreprises qui n’ont pas – ou pu – participé(r) à l’appel d’offres pour l’octroi des licences organisé en Italie et qui ont leurs principaux sièges dans un Etat membre dans lequel elles opèrent après avoir obtenu les licences nécessaires ; que le système italien de licences doit, dès à présent, être revu à la lumière de la législation communautaire et des arrêts de la Cour de justice.
En ce qui concerne les juridictions administratives, le Tribunal administratif régional de Rome a rejeté un recours de Stanley qui a exigé la suspension du décret d’obscurcissement, au motif que ce décret a violé les exigences de l’arrêt Placanica. En outre, le 6 avril 2007, il a rejeté deux autres recours fondés sur les mêmes moyens. De façon ironique, ces recours, qui se sont fondés sur l’arrêt Placanica, ont été rejetés sur la base même de cet arrêt. Les tribunaux administratifs ont motivé leurs arrêts refusant d’ordonner la suspension du décret obscurcissement des sites illégaux sur le paragraphe 57 de l’arrêt Placanica :
« Un système de licences … constitue un mécanisme efficace permettant le contrôle d’opérateurs du secteur des jeux et des paris, en vue d’empêcher l’exploitation de ces activités à des fins criminelles et frauduleuses ».
b) Les débats intervenus dans les autres Etats membres
(1) La défense vigoureuse du monopole
Que les Etats visés par une procédure aient jugé nécessaire de défendre le monopole montre bien a contrario qu’ils ont vu dans la nouvelle jurisprudence une atteinte à leur souveraineté.
C’est dans cette perspective que s’inscrit leur attachement au caractère spécifique des jeux, que les autorités françaises ont réaffirmé dans leur réponse à l’avis motivé, tout comme les autorités finlandaises à travers les observations suivantes :
« Les activités de jeu, de par leur nature même, ne constituent pas une activité économique ordinaire. Aucune valeur économique ajoutée n’est créée par le fait de collecter l’argent des enjeux et de le redistribuer. Dès lors, la législation communautaire ne devrait pas stimuler la croissance dans ce secteur. Il est plus important – compte tenu des problèmes liés au jeu – de veiller à ce que la réglementation prenne en considération, conformément au principe de subsidiarité, les conditions historiques, sociales, culturelles et religieuses de chaque Etat membre, que de s’attacher à assurer une grande disponibilité des services. L’évolution future de la législation communautaire pourrait limiter l’occasion d’une réglementation nationale spécifique fondée sur les particularités historiques, sociales, culturelles et religieuses d’un Etat membre »(25).
Or, ces propos sont parfaitement significatifs des défis auxquels les Etats sont confrontés, puisque d’un côté, ils ne cessent de se fonder sur la jurisprudence des années 90. De l’autre, ils doivent faire face à la logique de marché intérieur encouragée depuis l’arrêt Gambelli, laquelle limite la marge d’appréciation des Etats.
Il est de fait que depuis l’arrêt Gambelli, les Etats rappellent, avec insistance, que les régimes de droits exclusifs ont été déclarés licites par la jurisprudence des années 90, qui a reconnu une large marge d’appréciation en faveur des Etats.
C’est pourquoi, pour les autorités françaises, par exemple, le régime spécifique retenu en France – fondé notamment sur les droits exclusifs accordés à La Française des Jeux et au PMU – ne saurait être qualifié de contraire au principe de la libre prestation des services, au motif qu’il existerait dans d’autres Etats membres des régimes d’autorisations ou de licences qui sont plus ou moins stricts en matière de jeux.
En d’autres termes, les autorités françaises refusent l’imposition d’un système de reconnaissance mutuelle défendu par certains avocats généraux mais écarté formellement par la Cour de justice, ainsi que l’extension à toute l’Europe d’un modèle inspiré du Royaume-Uni ou de Malte.
C’est vers ce modèle que la Cour de justice et la Commission veulent tendre malgré le respect, affiché par la Cour de justice, des principes dégagés par la jurisprudence des années 90.
Or, comme c’est le cas de la législation italienne, il existe une contradiction claire entre la législation pénale applicable aux jeux et paris en ligne adoptée par l’Allemagne et la France et la nouvelle jurisprudence communautaire.
Ainsi, dans la mise en demeure adressée par la Commission à l’Allemagne, la Commission estime que l’interdiction des jeux et paris en ligne édictée par le traité d’Etat ne constitue pas une mesure appropriée pour atteindre les objectifs de prévention de l’addiction et de la protection de la jeunesse invoqués par les autorités allemandes. Elle pourrait être jugée disproportionnée, puisqu’il existe des mesures pour atteindre de tels objectifs qui emportent une limitation moindre des libertés fondamentales.
Le raisonnement de la Commission s’est appuyé sur un considérant de l’arrêt Placanica(26), dont, aux yeux de la Commission, il résulte que les seules restrictions autorisées à l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne, relatif à la libre prestation des services, sont celles qui ne sont pas discriminatoires et qui sont justifiées pour des raisons impérieuses d’intérêt général.
Les autorités allemandes ont récusé l’interprétation de la Commission, estimant que la mesure d’interdiction ne saurait se limiter à une question de proportionnalité des moyens. Il s’agit plutôt d’une décision sur le niveau de protection recherchée qui, d’après une jurisprudence constante de la Cour, relève de l’appréciation des Etats.
Quant à la France, les dispositions de la loi du 5 mars 2007 relatives à la prévention de la délinquance, destinées notamment à empêcher le développement des jeux illégaux sur internet, ne seraient pas – selon certains – conformes à la jurisprudence communautaire, et notamment à l’arrêt Placanica. Celui-ci a considéré que constituait une restriction à la libre prestation des services, le fait de sanctionner pénalement la participation à des paris en ligne organisés dans des Etats membres autres que celui sur le territoire duquel est établi le parieur. Or, la loi du 5 mars 2007 prévoit le blocage des flux financiers provenant des personnes – physiques ou morales – qui organisent des activités de jeu, de paris ou de loteries prohibées par la loi française. En outre, elle renforce les sanctions pénales encourues en cas d’organisation des jeux illégaux et en cas de publicité pour de telles activités.
On observera qu’au grief formulé dans l’avis motivé à l’encontre des restrictions apportées aux activités d’opérateurs établis dans d’autres Etats membres, qui souhaitent offrir des paris sportifs en France, les autorités françaises ont opposé des arguments non dépourvus de pertinence, selon lesquels notamment :
- l’interdiction de la communication commerciale relative aux jeux de hasard par des opérateurs étrangers est justifiée en raison de la compatibilité des monopoles avec les règles du marché intérieur. De même que la Cour a admis la justification de l’interdiction de publicité des boissons alcoolisées en raison de la protection de la santé, de même peut-on souligner que l’interdiction de toute communication relative aux jeux de hasard est indispensable afin de protéger l’ordre public et l’ordre social. Car elle a pour but de « canaliser » la demande et de l’écarter du jeu clandestin (arrêt Placanica), ainsi que des jeux à forte addictivité (arrêt Ladbrokes) offerts sur les réseaux mal contrôlables comme internet. ;
- accepter la publicité pour les opérateurs non autorisés à offrir des jeux d’argent sur le territoire français conduirait à nier la politique des autorités françaises consistant à confier au PMU et à La Française des Jeux la mission de constituer une « alternative fiable » et suffisamment viable pour les joueurs.
Constitue un second défi le fait que les conséquences financières positives ou négatives des jeux de hasard pour les budgets des Etats ne peuvent être considérées comme des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier l’exclusion des opérateurs des autres Etats membres du marché des jeux(27). Or, d’un côté, la Commission – comme de nombreux opérateurs –accuse certains Etats dont la France(28) de vouloir défendre le monopole seulement en vue d’alimenter les caisses de l’Etat, à l’aide d’une politique d’expansion. Une telle accusation ne tient toutefois pas compte du fait que le taux élevé de fiscalité sur les jeux est un moyen de réduire les occasions de jeu, conformément aux objectifs d’ordre social et public que la France poursuit. De même sont passées sous silence les très considérables disparités entre les opérateurs publics, qui sont précisément assujettis à cette lourde fiscalité et leurs concurrents, qu’ils soient situés dans des Etats membres à basse fiscalité ou dans les sites off shore.
De l’autre côté, il est clair que la perspective d’une ouverture des marchés – à laquelle poussent la Cour et la Commission – aura inévitablement pour effet d’abaisser le montant des recettes tirées des jeux. C’est ce dont est certes conscient l’avocat général, M. Siegbert Alber, dans ses conclusions sur l’arrêt Gambelli, tout en restant toutefois très vague sur l’opportunité d’y remédier(29), alors que les sommes concernées sont loin d’être négligeables : ainsi, en Allemagne, les Länder ont-ils tiré des recettes d’un montant de 4,4 milliards en 2006. En Finlande, les autorités estiment que si le montant des recettes tirées des jeux devait provenir de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine, il serait nécessaire d’augmenter ces derniers de 7,6 %. Quant à la France, le montant du prélèvement effectué sur le PMU équivaut à 2 points de l’impôt sur le revenu.
Enfin, il existe un troisième défi qui est lié à la nécessité pour les Etats de mener une politique de jeux cohérente et systématique, posée par l’arrêt Gambelli.
Comme le montre l’exemple du traité d’Etat allemand, la mise en œuvre d’une telle politique – dont l’objet est notamment d’obliger les Etats à prévenir l’addiction – peut se traduire effectivement par une réduction de l’offre de jeux de la part de l’opérateur public et, par conséquent, par une baisse de recettes fiscales.
Ainsi, l’article 10 du traité d’Etat impartit-il aux Länder de diminuer le nombre de bureaux de prises de paris, en vue d’atteindre les objectifs fixés à l’article premier, dont le premier réside dans la mise en place des conditions d’une politique efficace de prévention de l’addiction.
De même, l’article 21, paragraphe 2, interdit-il l’organisation de paris durant les manifestations sportives et par téléphone.
(2) L’intense contestation du monopole
Ø En Allemagne ; le traité d’Etat – comme c’était déjà le cas avant son entrée en vigueur – est l’objet de vives controverses. Certains – dont de nombreux professeurs de droit et avocats – le jugent inconstitutionnel, au motif qu’il porte atteinte à la liberté d’entreprendre des opérateurs privés et que son champ d’application n’inclut pas des jeux beaucoup plus addictifs que la loterie, tels que les machines à sous ou les paris hippiques. D’autres s’élèvent contre la réduction du nombre de bureaux de prises de paris et les suppressions d’emplois corrélatives.
Quoi qu’il en soit, EGBA, une association européenne de paris a introduit, il y a quelques semaines, un recours devant la Cour constitutionnelle fédérale.
La situation – au plan judiciaire – est actuellement très confuse. En effet, une cour d’appel de Saxe a considéré que la licence accordée à l’opérateur Bwin, par l’ex-RDA, résultait d’une législation exceptionnelle à laquelle le traité d’Etat n’a toutefois pas mis fin. Par conséquent, Bwin continue d’offrir des paris sportifs en ligne, dans le seul ressort du territoire de l’ex-RDA. Comme la presse a pu l’écrire, « A Berlin-Est on peut prendre des paris de Bwin et non à Berlin-Ouest »(30).
De même, des juridictions allemandes ont-elles saisi la Cour de justice de questions préjudicielles sur la conformité du traité d’Etat au traité et à la jurisprudence de la Cour de justice dégagée depuis l’arrêt Gambelli. Dans une autre affaire, la Cour de justice aura à connaître de la conformité au traité de la période transitoire de 21 mois – suivant l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 28 mars 2006 – durant laquelle cette dernière a autorisé le maintien du monopole des Länder sur l’organisation des jeux.
Ø En France, le 18 janvier 2008, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Versailles a été saisie du recours d’un ex-dirigeant de l’entreprise de paris en ligne Unibet – basée à Malte et cotée en Suède – poursuivi pour « loterie illicite », en vertu de deux plaintes de La Française des Jeux et du PMU pour atteinte à leur monopole.
Considérant dans son arrêt, « qu’en l’état des éléments du dossier, elle n’est pas en mesure de se prononcer », la Cour a demandé à un juge d’enquêter sur plusieurs points, pour lui permettre d’apprécier la conformité de la législation française au traité.
Dans son arrêt, la Cour donne ainsi pouvoir au magistrat instructeur « d’entendre tout responsable des ministères compétents, apte à fournir les justifications que le gouvernement français entend développer au soutien de sa position au cours des discussions entreprises avec la Commission européenne ».
Elle précise également que l’Etat doit pouvoir démontrer que le monopole de La Française des Jeux a été mis en place « pour prévenir l’exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables », cette formulation étant ainsi reprise de la jurisprudence de la Cour de justice, tout comme celle par laquelle il est demandé à l’Etat de prouver que La Française des Jeux est capable, dans un souci d’ordre public, de « réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique ».
Pour prendre la mesure de l’importance des enjeux, il convient de rappeler que, jusqu’à présent, le monopole de La Française des Jeux avait été considéré, par le Conseil d’Etat, comme conforme à la jurisprudence Läärä et Zenatti de la Cour de justice, c’est-à-dire à celle qui a été dégagée au cours des années 90 (arrêt du 15 mai 2000, Confédération des professionnels en jeux automatiques). Quant à un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 janvier 2008, il estime également, à l’exemple du Conseil d’Etat, que le monopole de La Française des Jeux est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice.
En second lieu, le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours de Zeturf, par lequel il s’est pourvu contre le refus du Premier ministre d’abroger le décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel. A l’appui de ce recours, Zeturf invoque la violation du droit communautaire par ce texte, qui confirme les droits exclusifs du PMU.
Ø En Finlande, bien que l’organisation actuelle fasse l’objet d’un consensus politique(31) et populaire très fort, et soit jugée conforme à la jurisprudence Läärä(32), nos interlocuteurs finlandais nous ont précisé qu’un débat avait toutefois lieu sur l’avenir du monopole et, en particulier, sur les options qui seront choisies en 2011 lors du renouvellement des licences des trois opérateurs publics. Ou bien le régime de monopole serait maintenu en l’état, ou bien un système d’appels d’offres serait institué.
Ø En Suède, les entretiens que nous avons pu avoir, en particulier celui avec plusieurs membres des différents groupes de la commission des affaires culturelles du Riksdag, révèlent un consensus sur l’idée que le jeu n’est pas un commerce ordinaire. C’est pourquoi même si, par exemple, trois des quatre partis du Gouvernement veulent libéraliser le marché des jeux, ils constatent que cet objectif n’est pas aussi aisé à mettre en œuvre, en raison de la nécessité de veiller, notamment, à la protection des personnes dépendantes. L’absence d’unité partisane et la prise de conscience de la complexité du dossier des jeux ont été à l’origine de la création d’une Commission chargée de proposer des orientations de réforme, notamment en distinguant les jeux « néfastes » qui seraient maintenus sous le monopole de l’Etat et ceux qui ne le sont pas, qui pourraient être libéralisés. Toutefois, un arrêt rendu ces derniers jours par la Cour suprême, par lequel celle-ci a demandé à la Cour d’appel de s’assurer de la conformité de la loi sur les loteries aux articles 12 (non-discrimination), 43 (droit d’établissement) et 49 (libre prestation des services) du traité, pèsera à coup sûr dans le débat en cours.
2) Le risque d’un affaiblissement accru des Etats
a) Les changements révolutionnaires introduits par internet
Internet a fondamentalement changé la donne sur trois points :
- internet met en échec l’application des lois nationales ;
- internet est un vecteur de la mondialisation des infractions économiques ;
- internet favorise le jeu addictif pathologique.
(1) Internet met en échec l’application des lois nationales
C’est en particulier le cas des lois pénales et fiscales.
Cette limitation à l’application des lois pénales concerne non seulement les activités exercées dans les Etats tiers, mais aussi celles déployées au sein de l’Union européenne.
Les premières peuvent certes se voir appliquer, dans le cadre du droit français, par exemple, la théorie dite de l’ubiquité consacrée par l’article 113-2 du code pénal. En application de cette disposition, une infraction pourra être réputée commise sur le sol national dans la mesure où l’opération, offerte à partir d’un site situé à l’étranger et réceptionnée en France implique un acte positif sur le territoire français – à savoir celui de parier – et un acte positif commis à l’étranger, celui d’offrir ou de recevoir un pari d’un participant résidant en France.
Dès lors, des poursuites pourraient être engagées à l’encontre des opérateurs sur la base de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, de la loi du 2 juin 1891 relative aux paris sur courses de chevaux ou encore de la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. C’est précisément ce qui s’est passé dans les recours intentés par le PMU contre la société Zeturf, qui a proposé des paris hippiques à partir de Malte.
Toutefois, les opérateurs concernés risquent d’être hors d’atteinte des autorités françaises, protégés par le voile de sociétés « offshore », sociétés créées à moindre coût et dans lesquelles seuls apparaissent des administrateurs de paille.
En outre, le repérage des sites illégaux eux-mêmes peut aisément être rendu impossible grâce à l’intervention de serveurs appelés « rerouteurs-anonymiseurs », qui reçoivent des informations vers les destinataires finaux, après avoir anonymisé l’émetteur. Ainsi, un serveur organisant des jeux de hasard ou une loterie pourrait prétendre émettre depuis les Caraïbes, grâce à un rerouteur-anonymiseur qui y est établi, alors qu’il est en réalité situé en France.
De surcroît, à supposer même que des responsables soient identifiés et jugés par défaut en France, aucune extradition ne sera possible, soit parce que fait défaut un traité d’extradition, soit parce que les délits relatifs aux jeux incriminés ne sont pas punissables dans l’Etat requis.
Au sein de l’Union, ces difficultés d’ordre juridique apparaissent théoriquement moindres grâce notamment aux possibilités ouvertes par le mandat européen(33) et par le règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale(34).
Mais que les sites illégaux soient situés dans les Etats tiers ou au sein de l’Union, ce sont des obstacles de nature technique qui peuvent empêcher l’application d’une législation pénale interdisant les jeux et paris en ligne. Du fait de la nature décentralisée et mondiale d’un instrument tel qu’internet, il est extrêmement difficile pour un Etat de parvenir à bloquer indéfiniment des sites.
Sur ce point, certains de nos interlocuteurs ont émis des avis divergents. On observera qu’en ce qui concerne le décret d’obscurcissement pris par les autorités italiennes pour bloquer l’accès aux sites illégaux, ces dernières nous ont indiqué que les blocages étaient contournés grâce à des petits programmes qui pouvaient être téléchargés et qui réorientaient les parieurs vers un autre site. En revanche, d’après d’autres informations, les autorités italiennes seraient parvenues à bloquer plus d’un millier de sites.
Quant à la disposition prévue par le traité d’Etat impartissant aux banques allemandes de bloquer les paiements des gains des parieurs, les professionnels font déjà état de l’impossibilité d’appliquer une telle disposition, en raison du fait que les opérateurs peuvent changer constamment de compte(35).
Les Etats rencontrent également des difficultés à faire respecter leurs lois fiscales. Il est clair qu’une telle tâche s’avère impossible lorsque le site est situé à l’étranger.
(2) La mondialisation des infractions économiques
Ces infractions sont d’autant plus appelées à se multiplier que le marché des jeux en ligne est considérable : les revenus de ces jeux devraient passer, via les téléphones mobiles, de 200 millions de dollars en 2004 à 7 milliards de dollars en 2009 et les paris sportifs de 110 millions à 3 milliards de dollars. D’autres estimations avancent les chiffres suivants : 7,4 milliards de dollars en 2004 et 18,4 milliards en 2010(36). Gaming Party à Gibraltar aurait un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros. De façon générale, il faut voir que, selon les spécialistes, les marchés asiatiques contribueront, du fait de la forte demande qui s’y exprime, à renforcer cette croissance.
Internet permet de commettre très rapidement de nombreux délits dans plusieurs Etats, notamment des délits à caractère économique. Le message électronique émis à partir d’un Etat peut, en effet, être reçu et lu dans le monde entier.
Ces délits revêtent notamment les formes suivantes :
- Les organisations criminelles reprennent les méthodes des hackers en s’introduisant, par exemple, dans le site d’un casino en ligne pour y déclencher une augmentation du trafic, telle que les serveurs sont inondés de requêtes erronées. Les clients deviennent frustrés de ne pouvoir jouer correctement et partent vers d’autres sites. Ces attaques dites de « déni de service » sont utilisées pour appuyer une extorsion de fonds et peuvent causer des pertes pouvant atteindre pour un seul 10 milliards de dollars, soit environ 7,7 milliards d’euros.
- Le blanchiment : celui-ci peut, en particulier, résulter d’une manipulation des primes d’entrée qui sont censées être versées aux joueurs. Non distribuées, elles constituent un gain légitimé. Au travers de faux sites de jeux judicieusement installés dans des pays non contrôlables, des sommes illégitimes peuvent être ainsi blanchies, puisqu’en définitive, il n’en restera aucune trace.
- Le trucage des paris sportifs, notamment par la corruption des joueurs. Ce délit touche un nombre croissant de sports – individuels, comme le tennis, ou collectifs, comme le football. Dans ce dernier sport, le nombre de matches truqués tend à augmenter du fait de
l’extrême variété des paris proposés, tel le spread betting(37). En second lieu, la manipulation des paris revêt une dimension mondiale, la mafia chinoise ayant été à l’origine de matches de football truqués en Europe.
- Les fraudes dont les joueurs peuvent être victimes : ces fraudes tiennent, par exemple, à l’absence de fiabilité des algorithmes ou au non-versement des gains. Or, d’après certains professionnels, ces fraudes seraient en pleine expansion. C’est d’ailleurs pourquoi certaines sociétés spécialisées ont mis en place des procédures de sécurisation des paiements.
L’énumération de ces différents exemples montre bien qu’internet, outil fabuleux, peut permettre la multiplication des instruments de fraude. Au demeurant, il est à craindre que les fraudes n’augmentent, d’autant que, selon certains de nos interlocuteurs, le marché des jeux et paris en ligne – à la différence de celui de la pornographie – n’est pas encore arrivé à maturité et, de ce fait, est appelé à croître dans l’avenir, comme l’illustre avec éclat l’explosion du poker en ligne.
(3) Internet : un facteur contribuant à l’extension du jeu pathologique
D’après les spécialistes, cinq symptômes caractérisent le joueur addictif pathologique : il doit jouer régulièrement ; le jeu prévaut sur tous les autres intérêts ; son optimisme n’est pas entamé par les échecs répétés ; il ne cesse jamais de jouer tant qu’il gagne ; enfin, malgré les précautions qu’il se promet de prendre, il finit par prendre trop de risques, car lorsqu’il joue, il est à la recherche d’une sensation à la fois douloureuse et source de plaisir.
A cet égard, des jeux comme les machines à sous favorisent plus que d’autres le développement de cette pathologie.
Cette maladie, qui emporte de très sérieuses conséquences sanitaires, sociales et humaines, touche une fraction s’étageant selon les études entre 1,5 % à 7 %(38). En France, le nombre de personnes concernées serait de 400 000.
Or, face à cette maladie, dont le traitement entraîne des coûts considérables, notamment en Australie(39), les Etats sont confrontés à un double handicap :
- leur approche souffre de sérieuses lacunes ;
- internet a aggravé les difficultés en démultipliant les risques d’addiction pathologiques.
L’approche des Etats a, en effet, été tardive, confuse et insuffisante.
Les premières recherches en la matière remontent à une trentaine d’années et ont débuté dans les pays anglo-saxons. La France a accusé un retard très important par rapport à ces derniers. Ce n’est qu’au début des années 2000 que l’addictologie y a été reconnue officiellement et fait l’objet d’un enseignement dans les CHU, sanctionné par un diplôme spécialisé complémentaire.
Nous avons pu constater également en Italie combien les autorités politiques s’étaient peu intéressées à cette question. Le professeur Cesare Guereschi, directeur de Infoazzardo, centre spécialisé en addictologie à Rome, nous a ainsi indiqué qu’il avait été appelé à se pencher sur le cas des joueurs pathologiques addictifs et à créer un service d’addictologie à travers le cas de certains de ses patients qu’il a consultés dans son service d’alcoologie et qui lui ont précisé que leur état alcoolique était imputable aux dettes de jeux qu’ils ont contractées.
L’approche des Etats est ensuite confuse. C’est ainsi que dans son avis sur le Gambling Act de 2005, le Collège royal de psychiatrie du Royaume-Uni critique très sévèrement les contradictions que recèle cette législation. D’un côté, il estime que le Gouvernement ne peut prétendre vouloir mener une « politique de jeu responsable », alors que de l’autre, il insiste sur le fait que le cadre législatif mis en place est destiné à assurer la croissance des jeux de hasard au Royaume-Uni, ce qui, selon le Collège, ne manquera pas d’accroître le risque de pathologie au sein de la classe moyenne.
De telles critiques rappellent celles que la Cour de justice et d’autres juridictions ont formulées à l’encontre de l’absence de politique cohérente et systématique de certains opérateurs publics.
Enfin, cette approche est insuffisante, non seulement parce que les crédits qui y sont consacrés sont jugés modestes(40). Mais, au-delà, on ne peut manquer d’être frappé par l’absence de statistiques précises, dans la plupart des Etats, sur la population touchée et de recherche socio-économique sur ce qui risque de devenir une réelle catastrophe sanitaire.
Or, internet ne pourra que l’amplifier, en raison des différents avantages qu’il offre et qu’une étude récente a ainsi résumés :
Motifs du recours au jeu en ligne(41)
Motif |
Explication |
Accessibilité |
internet fonctionne tous les jours 24h sur 24h |
Média financièrement abordable |
Le coût d’une connexion d’une minute est moins élevé qu’une minute de téléphone |
Anonymat |
Motif particulièrement important pour les joueurs à problème |
Commodité |
Accès aisé de son propre domicile, en particulier pour ceux qui n’aiment pas jouer dans les casinos et les bars |
Interactivité |
Connexion avec d’autres joueurs à travers le pari peer to peer (pair à pair) et les chats |
Fréquence du jeu |
Possibilité de jouer sur des sites multiples simultanément |
Pour ces raisons, selon la même étude, 74 % des parieurs en ligne étaient classés en joueurs à problèmes et en joueurs pathologiques contre 22 % pour les joueurs qui ne recouraient pas à internet.
Cette étude souligne également les dangers que représente l’addiction croissante des jeunes aux jeux en ligne, fait sur lequel notre attention a été très fréquemment appelée. Les causes citées par cette étude sont très souvent évoquées : faible niveau de surveillance des opérateurs, des régulateurs et des parents ; familiarité des jeunes avec internet et similitude entre internet et les jeux vidéos.
L’étude déplore toutefois l’absence de connaissances précises sur le nombre de jeunes joueurs en ligne et sur des données touchant à leur profil, leurs motivations et à leur comportement.
b) L’aggravation inévitable des dérives d’internet du fait de cette logique de libéralisation
On peut très raisonnablement craindre que la conception extensive de la liberté d’établissement et de libre prestation des services consacrée depuis l’arrêt Gambelli ne prive les Etats de leurs moyens de contrôle et ne leur permette de faire face à l’augmentation de l’offre de jeux qu’entraînera ce que certains de nos interlocuteurs ont appelé la « déferlante » des jeux en ligne(42).
C’est la conclusion qui ne peut qu’être malheureusement tirée de certains des considérants de l’arrêt Gambelli, qui auront pour effet d’interdire aux Etats tout contrôle sur la licéité du site concerné et de son serveur. Il en est ainsi du considérant 46, aux termes duquel :
« …Dans la mesure où Stanley, établi dans un Etat membre, poursuit l’activité de collecte de paris par l’intermédiaire d’une organisation d’agences établies dans un autre Etat membre, les restrictions imposées aux activités de ces agences constituent des entraves à la liberté d’établissement ».
Dès lors, compte tenu des conditions restrictives posées par la Cour de justice et des mesures de libéralisation prises par le gouvernement italien, on peut redouter que ce dernier ne soit pas réellement en mesure de lutter contre le crime organisé, même si les autorités italiennes nous ont déclaré que la mise en place, en 2008, d’une véritable autorité régulatrice pourrait être de nature à améliorer la situation actuelle.
La crise financière internationale actuelle vient confirmer, à l’appui de la discussion de ce dossier des jeux, la nécessité dans laquelle se trouvent les Etats de se départir de cette propension au désengagement, qui dure depuis plusieurs années déjà, au nom de la logique du marché intérieur. Il est clair que des abandons trop rapidement consentis de souveraineté en vue d’une déréglementation mal encadrée ne peuvent mener qu’à des impasses dont l’autorité des Etats souffre inévitablement, avec des risques importants compte tenu de la spécificité des jeux.
C’est pourquoi nous jugeons absolument essentiel que, pour prévenir des dérives supplémentaires dans le domaine de la politique des jeux, les Etats réaffirment leur primauté et maintiennent un contrôle strict sur cette activité.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas ouvrir les yeux sur le nouveau monde engendré par internet. La Planète internet est une réalité qui s’impose à tous, dont on doit tirer les conséquences.
Dans cette perspective, les Etats se doivent d’instaurer des dispositifs conciliant contrôle fort et promotion du jeu responsable.
1) La consécration expresse de la spécificité des jeux et de leur clair assujettissement au principe de subsidiarité
a) Pour un accord intergouvernemental à vingt-sept
On ne peut que déplorer très vivement le fait que les auteurs du traité de Lisbonne n’aient pas pu ou voulu se pencher sur les multiples dangers découlant de la jurisprudence téléologique de la Cour de justice, alors même qu’à deux reprises les Etats dans deux directives se sont fermement opposés à ce que la libre prestation des services gouverne les jeux. Une telle qualification de la jurisprudence est parfaitement appropriée puisque, comme nous avons pu le voir, la jurisprudence de la Cour depuis l’arrêt Gambelli est guidée par le seul but de soumettre les jeux au principe de la libre prestation des services, à l’aide d’une interprétation extensive de cette dernière.
Or, en l’espèce, les Etats auraient pu et dû s’inspirer du précédent du Protocole Barber(43) annexé au traité de Maastricht. Ce protocole sur l’article 141 (ex article 119) du traité instituant la Communauté européenne, relatif à l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes a été adopté en vue d’introduire un correctif aux limites apportées à l’application du principe d’égalité des sexes à la notion de rémunération, telle qu’elle est interprétée par la Cour de justice.
Certes, la conclusion d’un tel protocole aurait requis l’unanimité des Etats membres. Elle s’avérait toutefois absolument nécessaire, pour mettre fin à l’interprétation très contestable de certains avocats généraux, que la Cour n’a pas écartée.
Ainsi, selon M. Siegbert Alber(44), au motif que la directive sur le commerce électronique n’est pas applicable aux jeux d’argent
« il n’y a pas lieu de considérer qu’il existe une réglementation en droit dérivé. C’est pourquoi, si l’on considère qu’il n’existe pas de réglementation communautaire spécifique, il y a lieu d’appliquer dès lors le droit primaire et d’ailleurs le droit dérivé doit s’interpréter à la lumière de celui-ci ».
En conséquence, face à la montée quasi exponentielle de l’offre de jeux qu’entraînerait une dérégulation presque totale dans la logique de l’article 49 du traité relatif à la libre prestation des services, il apparaît souhaitable que les Etats de l’Union établissent par accord intergouvernemental des règles précises qui lient la Commission et la Cour de justice.
b) Pour une déclaration de la France au Conseil européen
Sans attendre la conclusion de cet accord intergouvernemental et afin d’agir vite, il nous apparaît impérieux que le Conseil européen soit saisi le plus rapidement possible, sous présidence slovène, d’une déclaration, qui comporterait deux points :
- Le premier rappellerait que le jeu ne peut être regardé comme un commerce ordinaire et que, de ce fait, il ne saurait entrer dans le champ d’application de l’article 49 du traité instituant la libre prestation des services. Une telle exclusion repose sur les considérations tirées de l’ordre public - lutte contre la criminalité et la fraude - ou encore de la santé publique - telle que la prévention de l’addiction.
- Il importerait, en second lieu, de réaffirmer le droit des Etats, conformément au principe de subsidiarité, de se doter de la politique des jeux de leur choix, en fonction de leur contexte culturel, social et éthique tout en respectant le principe de non discrimination. Une telle démarche prendra nécessairement une tout autre dimension que celle qui s’attache à la position de la Cour de justice. En effet, celle-ci, à la différence de la déclaration, prétend concilier attachement à la jurisprudence des années 90 et conception extensive de la libre prestation des services, alors qu’en définitive, c’est cette dernière que la Cour fait prévaloir.
2) L’exclusion du principe de la reconnaissance mutuelle
Ce principe d’exclusion est un corollaire logique et indispensable de la consécration du principe de subsidiarité par la Déclaration évoquée précédemment.
En outre, il est clair que, à défaut de ce principe d’exclusion, le nombre d’opérateurs tendra de façon inéluctable à s’accroître. Or, il pourrait en résulter nécessairement une concurrence déloyale dans le cas où le niveau d’exigence en matière d’agrément des opérateurs ne serait pas harmonisé.
Au demeurant, nous avons pu constater que, même à Malte, la possibilité de s’y établir est subordonnée à l’octroi d’une licence par les autorités maltaises au terme d’un processus de contrôle très minutieux et sévère.
Ceci apporte une nouvelle confirmation que l’activité des jeux relève avant toute chose de l’ordre public et non de la libre prestation des services.
B. Prendre en compte la Planète internet afin de concilier la nécessité d’un contrôle fort des Etats et la promotion du jeu responsable
L’arrivée d’internet a bouleversé le domaine des jeux et a rendu obsolète le cadre national alors même que les Etats sont les acteurs traditionnels et nécessaires de la maîtrise des jeux.
Cette situation inédite commande à la fois de faire preuve de réalisme, tout en recherchant des solutions adaptées.
1) Pour une ouverture maîtrisée
Le défi d’internet et l’augmentation très forte de l’offre de jeux qui l’accompagne posent un dilemme.
- soit tout défendre et poursuivre les joueurs eux-mêmes qui jouent sur des sites illégaux ;
- soit favoriser une offre nationale maîtrisée, transparente et responsable.
Dans ce cas, il importera de la subordonner à un cadre très rigoureux. Car l’enjeu réside ici dans l’existence d’une offre légale, suffisamment abondante, apportant des garanties de qualité et de sécurité aux consommateurs à un tarif compétitif.
A cet égard, pour ce qui est de la France, certains de nos interlocuteurs ont appelé notre attention sur la nécessité de ne pas répéter certaines erreurs comme, par exemple dans l’affaire du téléchargement de la musique, domaine dans lequel l’absence d’offre légale a conduit au développement d’une offre illicite foisonnante.
Pour pouvoir assurer une maîtrise efficace de l’offre licite, trois séries d’actions devraient être envisagées :
a) Délivrance de licences nationales : mise en place d’un cahier des charges strict
Ce cahier des charges définirait les critères d’agrément des opérateurs pour la délivrance de licences nationales, dans le respect du principe de non discrimination.
Ces agréments pourraient être accordés à trois niveaux :
- au niveau de la personne morale exploitante : il sera impérieux qu’elle revête une forme juridique qui soit la plus transparente possible, par exemple, celle de la société anonyme à directoire ;
- au niveau des services de communication au public en ligne exploités, c’est-à-dire les sites internet : ceci implique que les serveurs soient situés en France, afin que les autorités de contrôle nationales puissent y accéder à leur demande.
- au niveau de chaque type de jeu offert sur le site internet.
Ces différents critères pourraient être combinés de telle sorte qu’un agrément puisse être envisagé pour les personnes et les sites internet exploités.
La possibilité de concéder une sous-licence devrait être clairement proscrite, car elle serait de nature à favoriser une multiplication des sites de jeu sans réelle possibilité de contrôle.
Bien entendu, il va de soi que les opérateurs agréés devront également mettre en place les procédures nationales anti-blanchiment en vigueur.
En outre, il serait souhaitable que les cahiers des charges leur imposent des mesures précises de prévention de l’addiction.
Afin qu’une offre licite de qualité puisse être proposée aux consommateurs et éclipser l’offre illicite, une procédure de certification des sites devra être mise en place et associée à une série de mesures complémentaires.
En ce qui concerne, par exemple, la France, un portail officiel devrait rassembler les informations sur les sites autorisés en France et renvoyer, le cas échéant, vers les portails équivalents des autres pays de l’Union.
Un label devra être apposé sur la page d’accueil de l’ensemble des sites internet concernés avec un renvoi obligatoire vers le portail officiel.
Les intermédiaires techniques pourraient être associés également aux mesures imposées aux opérateurs. Il en est ainsi, par exemple, des moteurs de recherche, lesquels jouent un rôle-clé en vue de permettre l’accès aux sites de jeux.
Il serait très utile de les associer à la démarche, en vue d’améliorer le repérage des sites certifiés et des sites illicites.
De telles actions nécessiteraient la mise en place d’une base de données publique contenant la liste blanche des sites autorisés et une liste noire des sites interdits, sur le modèle de l’internet Watching Foundation britannique.
c) La nécessaire mise en place d’un organe de contrôle
A la différence de certains Etats membres - dont le Royaume-Uni, Malte et la Suède - la France est dépourvue d’un organe de contrôle, compétent pour mettre en oeuvre la politique des jeux et en surveiller l’application par tous les opérateurs.
Pourrait, dès lors, être envisagée la création d’un organe interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre, lequel, pour être efficace, devrait pouvoir disposer du concours en hommes et en matériels des autres ministères. Il serait, en effet, nécessaire qu’il puisse faire procéder à un contrôle continu des opérateurs. En outre, il devrait être doté d’un pouvoir de sanction administrative, comme le retrait ou la suspension de l’agrément et de celui de prononcer des amendes.
d) Lutter contre l’offre illicite
Ce volet pourrait revêtir quatre aspects :
(1) L’interdiction des paris à la cote pour les paris sportifs
Une telle interdiction serait applicable à tous les opérateurs.
Il importe de rappeler que le législateur de 1891 avait précisément interdit la pratique du pari à la cote dans les courses de chevaux, en raison des fraudes qu’il n’avait pas manqué de susciter. A cet égard, les autorités françaises ont parfaitement raison de rappeler dans leur réponse à l’avis motivé qu’en termes d’ordre public, le bookmaking reste potentiellement plus dangereux que le pari mutuel. Cette dangerosité est régulièrement illustrée par la presse qui s’est fait à plusieurs reprises l’écho d’affaires liées à la pratique du bookmaking. En Belgique, la présence d’une autorité de contrôle n’a pas empêché l’organisation de matches de football truqués faisant l’objet de paris. En outre, au Royaume-Uni, des jockeys ont été mis en cause pour avoir influé sur le résultat de courses hippiques faisant l’objet de paris.
Enfin, le directeur de Ladbrokes, l’un des grands bookmakers britanniques, déclarait en mai 2004, qu’une course par jour était truquée au Royaume-Uni.
(2) Le strict encadrement de la publicité
Une telle mesure n’est pas dépourvue d’effet dissuasif, puisque, comme le montre l’exemple britannique de la liste blanche, des sites – considérés comme illégaux par le Gouvernement britannique – sachant qu’ils n’obtiendraient pas d’agrément, n’ont même pas présenté de demande en vue d’y figurer.
Cela étant, tant les exemples de l’Allemagne, que la France illustrent les limites que rencontre une limitation globale, surtout lorsque les sites sont installés à l’étranger.
(3) Le blocage des sites internet
Le blocage peut déjà intervenir par l’intermédiaire de systèmes de contrôle parental. Ces systèmes, que tous les fournisseurs d’accès sont tenus de mettre à disposition de leurs abonnés, pourraient être paramétrés par défaut pour exclure les sites de jeu d’argent. En cas d’accès à un tel site, l’utilisateur serait confronté à un message d’avertissement. Toutefois les internautes n’utilisent ces logiciels que de manière très imparfaite et les désactivent fréquemment(45).
Le filtrage des sites internet de jeux d’argent pourrait être également imposé aux fournisseurs d’accès à internet. La législation américaine introduite par le Unlawful internet Gambling Enforcement Act (UIGEA) signé en octobre 2006 par le Président Bush prévoit déjà ce type de mesure. Ce texte qui interdit aux entreprises de jeux d’accepter des paiements liés à des activités illégales de jeux d’argent en ligne, prévoit que les fournisseurs d’accès à internet peuvent être contraints – suite à la demande d’une autorité de poursuite – de supprimer les sites de jeux illégaux ou ceux contenant des liens hypertextes vers des sites illégaux, mais seulement pour les sites qu’ils hébergent. Ils n’ont cependant pas l’obligation de contrôler, de façon active, le fonctionnement de ces sites, pour y identifier d’éventuelles transactions litigieuses.
Outre cette limitation d’ordre juridique, des spécialistes nous ont fait valoir que le filtrage n’était, pour les fournisseurs d’accès, envisageable qu’à la condition qu’ait été mise en place une base de données publique sur les sites illicites. Car, dès lors que la liste des sites autorisés et interdits est volumineuse, le filtrage peut s’avérer plus délicat.
(4) Le blocage des transactions bancaires illégales
Ce blocage des transactions bancaires, c’est-à-dire l’interdiction faite aux banques de verser les gains tirés de jeux sur des sites illégaux, est prévu par diverses législations (Etats-Unis, France, Allemagne, Danemark, notamment).
Là encore, de nos entretiens avec les spécialistes, il ressort que cette interdiction a eu un effet dissuasif sur certains opérateurs qui proposaient leur offre sur le marché américain, ces derniers ayant décidé de se tourner vers les marchés d’Europe.
Pour autant, certains sites seraient néanmoins parvenus à contourner une telle interdiction en dirigeant les joueurs concernés sur d’autres sites, sur lesquels leurs gains auraient été versés.
Mais, malgré ces limitations d’ordre technique, l’opérateur de loterie suédoise Svenska Spel a considéré qu’il importait, en tout état de cause, de mettre en place des mécanismes de blocage des gains car, à défaut de ces derniers, c’est le crime organisé qui pourrait accroître ses activités, tout en ayant également conscience qu’une mesure d’interdiction est assimilée à une atteinte aux libertés individuelles.
e) Instituer une coopération internationale très étroite
Plusieurs de nos interlocuteurs nous ont fait part de leur pessimisme quant aux chances de conclusion d’une convention internationale, qui pourrait contribuer à encadrer les sites de jeux illicites. Ils ont soutenu que, à la différence de la lutte contre la pédophilie, ou la pornographie, domaines dans lesquels il existe déjà des conventions internationales(46), la répression des sites de jeux illégaux ne serait pas réellement un sujet consensuel, du fait des intérêts beaucoup trop divergents entre les Etats.
Pour autant, il est clair que, compte tenu du nombre élevé des sites illicites – qui serait de plusieurs milliers – et de l’importance des flux financiers que drainent les marchés clandestins du jeu, il importe que les principaux Etats s’attellent à la mise en place d’un tel cadre, dont l’urgence ne manquera pas de s’affirmer davantage. En ce domaine, l’inertie pénalisera incontestablement les Etats au profit des mafias.
C’est pourquoi la France pourrait, lors des prochains G8 et G20, demander que ces derniers engagent une réflexion en la matière, afin qu’elle se concrétise par le dépôt d’un projet de convention à l’ONU, pour encadrer cette cybercriminalité.
2) Promouvoir le jeu responsable
a) Mettre en place une politique cohérente des jeux et une réelle politique de prévention du jeu addictif pathologique
(1) Une ardente obligation pour les Etats
Le cas australien auquel nous avons fréquemment fait référence, ainsi que l’extrême gravité des faits qui nous été rapportés(47), imposent aux Etats de voir désormais, dans l’addiction une urgence sanitaire, surtout dans ceux où, comme en France, le désintérêt a trop longtemps prévalu.
En ce qui concerne la France, les mesures prises au cours de ces dernières méritent d’être saluées : mise en place le 27 juin 2006 du COJER, Comité du jeu responsable, comité consultatif chargé d’éclairer les pouvoirs publics sur la politique du jeu de La Française des Jeux ; présentation du plan d’addictions pour 2007-2011 par le Ministère de la santé et présentation au mois de mars 2008 par l’INSERM d’une expertise pluridisciplinaire sur le jeu pathologique.
Il conviendrait toutefois d’aller plus loin, par exemple en créant un Observatoire spécifique chargé d’étudier l’addiction au jeu et d’effectuer des études épidémiologiques, qui font actuellement défaut.
(2) La responsabilité des opérateurs
L’association des opérateurs – publics ou privés – à la prévention de l’addiction peut d’abord revêtir la forme d’un concours financier.
Ainsi, La Française des Jeux et le PMU ont signé le 20 décembre 2007, une convention avec le CHU de Nantes en vue de la création en 2008 du premier centre de référence sur le jeu excessif.
Cette convention a été signée pour trois ans et porte sur un montant global supérieur à un million d’euros.
En second lieu, les opérateurs se voient de plus contraints de prendre des mesures en vue de protéger les mineurs et les personnes incapables. A ce titre, par exemple, depuis le 1er juillet 2007, les jeux de loterie et de pronostics sportifs de La Française des Jeux sont interdits aux mineurs.
De même, le Forum des droits sur l’internet préconise-t-il la mise en place d’une procédure fiable de contrôle de la majorité ainsi que l’interdiction de proposer des jeux directement destinés aux mineurs, s’appuyant par exemple sur leur univers ludique.
Pour ce qui est de l’identité du contrôle du joueur, le Forum propose un mécanisme permettant aux intervenants qui le désirent, d’être inclus dans le fichier des interdits de casino.
En outre, chaque site internet disposant d’un agrément pourrait se voir contraint de limiter le temps de jeu ou des montants dépensés.
b) Développer des actions de sensibilisation dans la population
Dans la mesure où, au vu de nos entretiens, l’addiction au jeu pathologique peut toucher n’importe quel individu, il importe d’y intéresser le plus grand nombre de personnes.
A cet égard, le parallèle que M. Alex Türk, Président de la commission nationale Informatique et libertés, a établi avec les campagnes de sensibilisation qu’il mène en cette qualité, dans son domaine de compétences, doivent ici servir de leçon. M. Alex Türk s’est déclaré, en effet, surpris que certains auditoires de jeunes étudiants étaient très enthousiasmés par certaines expériences, qui pourtant pourraient être regardées comme une atteinte grave aux libertés(48). C’est pourquoi, il a estimé qu’il serait plus utile d’effectuer un travail pédagogique auprès des jeunes et de leurs parents, plutôt que de confectionner des dispositions législatives qui risquent d’être mal ou peu appliquées.
En matière de jeux, c’est également auprès des jeunes et mêmes des très jeunes adolescents – génération baignant dans le foisonnement des jeux vidéos, qui sont un vecteur redoutable de l’addiction – qu’un effort de sensibilisation particulièrement intense doit être mené.
3) Préserver les sources de financement de la filière hippique et des bonnes causes
Le PMU permet le financement de la filière hippique avec un retour net de 653 millions d’euros. Le développement d’internet risque de tarir ce financement car les paris en ligne échappe à tout prélèvement fiscal, comme on le constate en Allemagne, en Belgique et en Italie.
De surcroît, les loteries nationales comme La Française des Jeux financent les bonnes causes tel que le développement du sport amateur.
Incontestablement, nos différents entretiens ont renforcé notre conviction qu’il importe de se garder de toute approche réductrice, écueil que nous évoquions dès nos propos liminaires.
Il est tout aussi dangereux et inefficace de libéraliser sans s’entourer de précautions que de vouloir tout interdire, car les deux voies mènent à des impasses.
Certes, en la matière, la ligne de crête est très étroite, puisqu’il s’agit de conserver au jeu sa fonction de divertissement et d’empêcher qu’il ne se transforme en aliénation, tout en ayant conscience que, d’une part, internet ne fera qu’amplifier l’attrait du jeu illicite et que, d’autre part, il sera impossible d’éliminer totalement ce dernier.
Mais, précisément, ces limites imposent aux Etats d’élaborer une politique des jeux cohérente qui soit très mûrement réfléchie et qui prenne en compte toute la complexité des problèmes. En somme, face aux dérives qui menacent leur autorité, les Etats seraient bien inspirés, en ce domaine, comme dans d’autres, d’agir selon l’idée que « l’intelligence du monde est une valeur en soi »(49).
La Délégation s’est réunie le mercredi 6 février 2008, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.
M. Daniel Fasquelle a remercié les deux rapporteurs et souligné l’enjeu que représentent les jeux pour les communes touristiques, en prenant pour exemple les ressources importantes que génèrent les casinos et les hippodromes pour les communes où ils sont situés. Il a demandé aux rapporteurs d’apporter deux précisions : étant donné que le problème touche à plusieurs domaines du droit communautaire, la libre circulation des marchandises, la libre prestation des services et la libre concurrence, les rapporteurs ont-ils recueilli le point de vue de la direction générale de la concurrence de la Commission ? Par ailleurs, plutôt que de rédiger un accord intergouvernemental et une déclaration du Conseil européen, dont on peut douter de l’impact sur la jurisprudence de la Cour de justice, ne faut-il pas demander la rédaction d’un texte juridiquement contraignant ? Sans remettre nécessairement en cause les monopoles existants des Etats membres, il faudrait une directive pour infléchir la jurisprudence de la Cour.
M. Jacques Myard a constaté qu’il existe déjà deux directives, et que l’article 49 du traité fait obstacle à l’ajout d’une troisième directive. Le seul moyen de faire évoluer la jurisprudence de la Cour de justice est de conclure un accord de droit primaire, puisque la Cour s’appuie sur les traités. Le problème est qu’aujourd’hui il n’y a aucune volonté politique des Etats en faveur de l’adoption d’une directive en ce domaine car les différences entre les législations nationales sont importantes. Pour que la Cour change d’orientation, il faut que les chefs d’Etat prennent position, que les Etats membres déclarent solennellement que le secteur des jeux est un domaine très particulier. Peut-on y parvenir ? Il est probable que 25 des 27 Etats seront d’accord, et que seuls Malte et le Royaume-Uni seront contre, encore que la position du Royaume-Uni soit susceptible d’évoluer.
Mme Arlette Franco a évoqué le problème du financement du sport. En France notamment, le seul financement pérenne du sport est le financement par les jeux. La lutte contre les monopoles doit être conciliée avec ce souci. Il convient d’insister sur ce point car la Commission manifeste une tendance à vouloir casser les monopoles.
M. Jacques Myard a indiqué qu’il ne sera pas possible pour les sociétés comme La Française des Jeux, détentrices d’un monopole, d’échapper à une clarification en la matière. A moins d’en faire des régies, il y aura forcément des appels d’offres. M. Jacques Myard a cité le cas britannique, l’entreprise Camelot ayant obtenu son monopole à l’issue d’un appel d’offres.
M. Emile Blessig a précisé que les deux offres en présence pour la loterie nationale britannique étaient une société indienne et une société britannique, Camelot.
M. Jacques Myard a estimé que la question du financement des bonnes causes est négligée par la Cour, qui considère que les Etats membres n’ont qu’à rechercher d’autres modes de financement. Le financement de la filière hippique est également un problème. Ainsi on voit des participants britanniques, allemands et belges venir prendre part aux courses sur les hippodromes français car, dans leurs pays respectifs, ils ne peuvent plus espérer de gains suffisants, dans la mesure où le développement d’internet et des bookmakers prive de tout retour financier la filière hippique.
Le Président Pierre Lequiller a remercié les rapporteurs et a rappelé qu’il avait été dit lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe que les activités de jeux ne constituent pas une activité économique ordinaire. Il a estimé qu’un équilibre doit être trouvé entre la libre prestation des services et la défense de l’ordre public. Il a jugé important de distinguer la question des monopoles, sur laquelle la France ne peut espérer avoir gain de cause, de la question de la réglementation. S’agissant des propositions des rapporteurs, il a demandé que la formulation des deux premières propositions soit revue au profit d’une formulation plus réaliste, puisqu’il est certain qu’au moins deux Etats membres s’opposeront à un accord intergouvernemental et à l’adoption d’une déclaration par le Conseil européen.
MM. Jacques Myard et Emile Blessig ont reconnu que ces propositions expriment leur position personnelle et ont dit leur souhait de présenter des propositions fortes étant donné le caractère fondamental du problème.
M. Jérôme Lambert a demandé aux rapporteurs ce qui allait se passer pour le PMU et La Française des Jeux si les choses restent en l’état.
M. Jacques Myard a pris l’exemple de Zeturf, dont le chiffre d’affaires est passé de 90 millions d’euros en 2006 à 170 millions d’euros en 2007, donc en croissance très forte, avec 94 % de retour aux parieurs. Il a indiqué que le risque est bien celui de perdre cette manne, de tuer l’industrie hippique et les casinos français, puisqu’internet échappe totalement aux Etats. Il a conclu qu’il fallait avoir une politique nationale des jeux plus cohérente et réaffirmer qu’il s’agit de la compétence des Etats.
Le Président Pierre Lequiller a ensuite soumis au vote de la Délégation une modification de la formulation de la première proposition des co-rapporteurs.
La Délégation a préféré demander aux autorités françaises de saisir le Conseil européen de la question de la spécificité des jeux et de leur assujettissement au principe de subsidiarité et d’émettre une déclaration en ce sens.
Puis la Délégation a autorisé la publication du rapport d’information.
Annexe 1 :
Personnes entendues par les rapporteurs
1) A Paris
l Commission nationale informatique et libertés
- M. Alex Türk, sénateur du Nord, président ;
- Mme Sophie Tavernier, directrice des affaires juridiques.
l Inspection générale des finances
- M. Bruno Durieux, ancien ministre, inspecteur général des finances ;
- Mme Yasmina Goulam, inspectrice de l’administration.
l Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)
- M. Gilles Briatta, secrétaire général ;
- Mme Carine Soulay, conseiller juridique ;
- Mme Caroline Lemasson-Gemer, chef du secteur MICA (Marché intérieur, aides d’Etat).
l Ministère de l’agriculture et de la pêche
- M. Jérôme-André Gauthier, conseiller technique au cabinet du ministre ;
- Mme Sylvie Alexandre, adjointe au directeur général de la forêt et des affaires rurales ;
- M. Christophe Sodore, adjoint à la sous-direction du cheval.
l Ministère de l’économie, des finances et du budget
- M. Hugues Bied-Charreton, chef de service à la direction du budget.
l Ministère de l’intérieur (direction centrale des Renseignements généraux)
- M. Dominique Bertoncini, commissaire divisionnaire, chef de la division des affaires judiciaires et des nouvelles technologies ;
- M. Robert Hofmann, commissaire divisionnaire, sous directeur des courses et des jeux.
l Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports
- M. Laurent Hanoteaux, chef de la mission des affaires juridiques et du contentieux du secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports.
l Personnalités qualifiées
- Mme Emilie Akoun, doctorante à l’université de Grenoble ;
- M. Laurent Baup, chargé de mission au Forum des droits sur internet ;
- Mme Anne Jacquemet, doctorante à l’Université de Grenoble ;
- M. Jean-Marc Belorgey, rapporteur général adjoint au Conseil de la concurrence ;
- Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du Forum des droits sur internet ;
- M. Dominique Main, avocat général près la Cour de cassation ;
- Maître Jacques Molinie, avocat au Barreau de Paris ;
- Mme Christine du Fretay, présidente de e-enfance ;
- M. Noël Pons, conseiller au service central de prévention de la corruption ;
- Dr Marc Valleur, médecin, chef de l’hôpital de Marmottan spécialisé dans les pratiques addictives ;
- M. le professeur Jean-Luc Venisse, chef du centre de soins cumulatoires en addictologie au CHU de Nantes ;
- Maître Thibaut Verbiest, avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles ;
- M. François Werner, directeur de Tracfin.
l Associations d’aide aux joueurs
- Mme Armel Achour, présidente de SOS-Joueurs ;
- M. Eric Bouhanna, président d’Adictel ;
- Mme Christine Therry, déléguée générale de Familles de France.
l Organisations professionnelles
a) La Française des Jeux
- M. Christophe Blanchard-Dignac, président-directeur général ;
- Mme Amel Bouzoura, responsable des relations institutionnelles.
b) PMU
- M. Bertrand Belinguier, président-directeur général.
c) Groupe Partouche
- M. Patrick Partouche, président du directoire.
d) ASL-Interactifs
- M. Olivier Sigoignet, président ;
- Mme Muriel Lavole, secrétaire générale.
e) Société Keynechtis
- M. Thierry Dassault, président-directeur général ;
- M. Pascal Colin, directeur général ;
- M. Bernard Delecroix, conseiller en stratégie et en développement commercial ;
- M. Frédéric Brun, assistant parlementaire.
2) A Londres
l Mission économique
- M. Jean-Pierre Laboureix, ministre-conseiller, chef des services de la mission économique ;
- Mme Claire Montfollet-Laget, adjointe au conseiller financier.
l Camelot Group (Loterie nationale)
- M. Richard Hickson, Manager Policy & Public Affairs.
l Department for Culture Media and Sport
- Mme Eleanor Van Heyningen, Head of Betting and Racing Branch ;
- Mme Jane Glastonbury, Senior Policy Adviser, Betting and Racing Branch.
l HM Treasury
- M. Paul Miller, Head of Gambling and Tobacco Taxes Branch ;
- Mme Prajapat Reshma, Gambling Tax Policy Advisor.
l Gambling Commission
- Mme Jenny Williams, Chief Executive ;
- M. Tom Kavanagh, Deputy Chief Executive.
l Association of British Bookmakers
- M. Tom Kelly, président-directeur général ;
- M. Wes Himes, conseiller de la Remote Gambling Association ;
- M. Brian Wright, Business Manager, Remote Gambling Association.
l National Lottery Commission (régulateur de la loterie)
- Dr Anne Wright, présidente ;
- Mme Marcia Boys, chef du service de la délivrance des licences.
3) A Bruxelles
l Représentation permanente de la France
- M. Philippe Leglise Costa, représentant permanent adjoint.
l Commission européenne
- M. Martin Power, directeur de cabinet de M. Charlie Mac Creevy, commissaire européen « Marché intérieur et des services ».
l Commission des jeux de hasard
- M. Etienne Marique, président ;
- M. Marc Callu, expert.
l Jockey-Club de Belgique et Fédération belge des courses hippiques
- M. Philippe Casier, président du Jockey-Club de Belgique et vice-président de la Fédération belge des courses hippiques ;
- M. Achille Cassart, président de la Fédération belge des courses hippiques et administrateur du Jockey-Club de Belgique ;
- M. Thierry Lohest, vice-président du Jockey-club de Belgique et administrateur de la Fédération belge des courses hippiques.
l Association des paris mutuels européens (APME)
- Mme Florence Gras.
l Centre national olympique et sportif français
- M. Matthieu Fonteneau, chargé de mission affaires européennes.
4) A Berlin
l Ambassade de France
- Son Exc. M. Bernard de Montferrand, ambassadeur de France ;
- Mme Svenja Gamp, attachée à la mission économique.
l Ministère de l’économie et de la technologie
- M. Schönleiter, sous-directeur (compétent pour les dossiers jeux et paris) ;
- Mme Anja Stenger, (compétente pour les dossiers travailleurs indépendants, droit des sociétés).
l Ministère des finances de Hambourg
- Mme Marianne Gschwendtner, coordinatrice du groupe de travail « jeux et paris » au Bundesrat.
l Chancellerie du Land de la Hesse
- Mme Dr. Mechthild Müller, chef de file actuel au niveau de la conférence des ministres-présidents des Länder.
l Chancellerie de la Basse-Saxe
- M. Herbert Seifert, chef de file jusqu’en octobre 2007 au niveau de la conférence des ministres-présidents des Länder.
l Ministère de l’intérieur de la Bavière
- M. Dr. Thomas Gößl, chef de bureau « jeux de hasard ».
l Association professionnelle du trot
- M. Max Stradler, président.
l Personnalités qualifiées
- Dr Guido Brinkel, directeur du bureau politique des médias de Bitkom (association professionnelle allemande des technologies de l’information et de la communication) ;
- M. Sven Rawe, avocat du Cabinet Steltemeier & Rawe, de la société privée de paris en ligne BWin ;
- Prof. Dr. Rupert Scholz, du cabinet GleissLutz, avocat et auteur d’une expertise juridique portant sur les jeux de hasard en Allemagne.
5) A Rome
l Ambassade de France
- Son Exc. M. Jean-Marc de la Sablière ;
l Mission économique
- M. Jean-Marie Metzger, ministre-conseiller, chef de la mission économique ;
- Mme Eléonore Para, attachée à la mission économique.
l Administration autonome des monopoles d’Etat (AAMS)
- M. Antonio Tagliaferri, directeur-général du département « jeux » ;
- M. Francesco Rodano, directeur.
l Infoazzardo
M. Cesare Guereschi, directeur.
l Agicos (agence de presse nationale spécialisée dans les jeux et paris sportifs)
- M. Fabio Felici, directeur.
l Personnalités qualifiées
- M. Francesco Tolotti, député ;
- Maître Stefano Sbordoni, avocat spécialisé en matière de jeux et paris sportifs.
6) A Malte
l Ambassade de France
- Son Exc. M. Jean-Marc Rives, ambassadeur de France ;
- M. Michel Hermitte, conseiller économique et commercial.
l Gouvernement maltais
- M. Tonio Fenech, secrétaire d’Etat aux finances.
l Lotteries and Gaming Authority (LGA)
- M. Joseph L. Zammit Maempel, président ;
- M. Mario Galea, directeur exécutif ;
- M. Philippe Waeree, inspecteur en chef ;
- Mme Phyllis Farrugia, responsable des affaires européennes ;
l Personnalités qualifiées
- M. François Brust, société B3Wgroup ;
- M. Alexandre Dreyfus, opérateur français créateur d’une société de jeux en ligne à Malte « Chili Poker » ;
- Maître Marc Miggiani, avocat d’affaires de la société Zeturf.
7) A Helsinki
l Ambassade de France
- Son Exc. M. Gérard Cros, ambassadeur de France ;
- M. Alain Bezard, adjoint au chef de la mission économique.
l Gouvernement
- M. Jonni Laiho, conseiller du Gouvernement ;
- M. Kimmo Hakonen, directeur de la police au ministère de l’intérieur.
l Opérateurs
a) Fintoto Oy (PMU)
- M. Ilmari Halinen, directeur général.
b) RAY (Finland’s Slot Machines – Association finlandaise pour les machines à sous)
- Mme Simikka Mönkäre, ancienne ministre, directrice générale.
8) A Stockholm
l Mission économique
- M. Olivier Rousseau, chef des services de la mission économique ;
- M. Jean-Pierre Dubois, adjoint en chef de la mission économique ;
- M. Frédéric Lemaître, chef du secteur Economie et Finance.
l Ministère suédois des finances (Finansdepartementet)
- M. Claes Sonnerby, directeur général ;
- Mme Monica Lundberg, conseiller technique ;
- Mme Maria Ramstedt, chef de bureau et responsable des questions relatives aux jeux ;
- M. Peter Alling, secrétaire de la commission des jeux.
l Commission des affaires culturelles du Riksdag
- Mme Siv Holma, présidente (Parti de gauche) ;
- M. Anders Åkesson (Centriste) ;
- Mme Margareta Israelsson (sociale-démocrate) ;
- Mme Camilla Lindeberg (Libéraux) ;
- M. Göran Montan (Modéré) ;
- M. Dan Kihlström (Chrétien-démocrate) ;
- Mme Esabelle Reshdouni (Modéré) ;
- M. Per Mårtensson, rapporteur général du secrétariat de la Commission.
l Lotteriinspektionen (régulateur du marché des jeux)
- M. Hases Per Sjöblom, directeur général.
l Institut national de la santé publique
- M. Anders Stymne, directeur général adjoint et chef de la direction chargée des problèmes liés aux jeux.
l ATG (PMU suédois)
- M. Benno Eliasson, directeur général adjoint ;
- M. Leif Almgren, directeur des affaires internationales.
l Svenska Spel (La Suédoise des Jeux)
- M. Bengt Palmgren, directeur des affaires juridiques.
Annexe 2 :
Dispositif des principaux arrêts
de la Cour de justice des Communautés européennes
rendus dans le domaine des jeux et paris
24 mars 1994, Schindler, aff. C-275/92 (Pays de la juridiction de renvoi : Royaume-Uni)
« La Cour juge que :
1) L'importation de documents publicitaires et de billets de loterie dans un Etat membre pour faire participer les habitants de cet Etat membre à une loterie organisée dans un autre État membre se rattache à une activité de « services », au sens de l'article 60 du traité, et relève, par suite, du champ d'application de l'article 59 du traité.
2) Une législation nationale qui, telle la législation britannique sur les loteries, interdit, sauf exceptions qu'elle détermine, le déroulement des loteries sur le territoire d'un État membre constitue une entrave à la libre prestation des services.
3) Les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services ne s'opposent pas à une législation du type de la législation britannique sur les loteries compte tenu des préoccupations de politique sociale et de prévention de la fraude qui la justifient ».
21 septembre 1999, Läärä, aff. C-124/97 (Pays de la juridiction de renvoi : Finlande)
« La Cour juge que les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services ne s'opposent pas à une législation nationale qui accorde à un seul organisme public des droits exclusifs d'exploitation des machines à sous, telle que la législation finlandaise, compte tenu des objectifs d'intérêt général qui la justifient ».
21 octobre 1999, Zenatti, aff. C-67/98 (Pays de la juridiction de renvoi : Italie)
« La Cour juge que les dispositions du traité CE relatives à la libre prestation des services ne s'opposent pas à une législation nationale qui réserve à certains organismes le droit de collecter des paris sur les événements sportifs, telle que la législation italienne, si cette législation est effectivement justifiée par des objectifs de politique sociale visant à limiter les effets nocifs de telles activités et si les restrictions qu'elle impose ne sont pas disproportionnées au regard de ces objectifs ».
11 septembre 2003, Anomar, C-6/01 (Pays de la juridiction de renvoi : Portugal)
« La Cour juge que :
4) Une législation nationale, telle la législation portugaise, qui n'autorise l'exploitation et la pratique des jeux de hasard ou d'argent que dans les salles des casinos existant dans des zones de jeu permanentes ou temporaires instituées par décret-loi et s'applique indistinctement aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d'autres Etats membres constitue une entrave à la libre prestation des services. Toutefois, les articles 49 CE et suivants ne s'opposent pas à une telle législation nationale, compte tenu des préoccupations de politique sociale et de prévention de la fraude sur lesquelles elle est fondée.
5) L'existence éventuelle, dans d'autres Etats membres, de législations établissant des conditions d'exploitation et de pratique des jeux de hasard ou d'argent moins restrictives que celles prévues par la législation portugaise est sans effet sur la compatibilité de cette dernière avec le droit communautaire.
6) Dans le cadre d'une législation compatible avec le traité CE, le choix des modalités d'organisation et de contrôle des activités d'exploitation et de pratique des jeux de hasard ou d'argent, telles la conclusion avec l'Etat d'un contrat administratif de concession ou la limitation de l'exploitation et de la pratique de certains jeux aux lieux dûment autorisés à cet effet, incombe aux autorités nationales dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation ».
6 novembre 2003, Gambelli, C-243/01 (Pays de la juridiction de renvoi : Italie)
« La Cour juge qu’une réglementation nationale qui interdit - sous peine de sanctions pénales - l'exercice d'activités de collecte, d'acceptation, d'enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, en l'absence de concession ou d'autorisation délivrée par l'Etat membre concerné, constitue une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle réglementation, au regard de ses modalités concrètes d'application, répond véritablement aux objectifs susceptibles de la justifier et si les restrictions qu'elle impose n'apparaissent pas disproportionnées au regard de ces objectifs ».
13 novembre 2003, Lindman, C-42/02 (Pays de la juridiction de renvoi : Finlande)
« La Cour estime que l'article 49 CE s'oppose à la législation d'un Etat membre selon laquelle les gains provenant de jeux de hasard organisés dans d'autres Etats membres sont considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre de l'impôt sur les revenus, tandis que les gains provenant de jeux de hasard organisés dans l'Etat membre en question ne sont pas imposables ».
6 mars 2007, Placanica, aff. C-338/04, C-359/04 et C-360/04 (Pays de la juridiction de renvoi : Italie)
« La Cour juge que :
1) Une réglementation nationale qui interdit l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation de police délivrées par l’Etat membre concerné, constitue une restriction à la liberté d’établissement ainsi qu’à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE.
2) Il incombera aux juridictions de renvoi de vérifier si, dans la mesure où elle limite le nombre d’opérateurs agissant dans le secteur des jeux de hasard, la réglementation nationale répond véritablement à l’objectif visant à prévenir l’exploitation des activités dans ce secteur à des fins criminelles ou frauduleuses.
3) Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans les affaires au principal, qui exclut et qui plus est continue d’exclure du secteur des jeux de hasard les opérateurs constitués sous la forme de sociétés de capitaux dont les actions sont cotées sur les marchés réglementés.
4) Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans les affaires au principal, qui impose une sanction pénale à des personnes telles que les prévenus au principal pour avoir exercé une activité organisée de collecte de paris en l’absence de concession ou d’autorisation de police exigées par la législation nationale lorsque ces personnes n’ont pu se munir desdites concessions ou autorisations en raison du refus de cet État membre, en violation du droit communautaire, de les leur accorder ».
*
* *
Recours en manquement
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 octobre 2006 - Commission des Communautés européennes / République hellénique
(Affaire C-65/05)
« En introduisant dans les articles 2, paragraphe 1, et 3 de la loi n° 3037/2002 l’interdiction, sous peine de sanctions pénales ou administratives prévues aux articles 4 et 5 de la même loi, d’installer et d’exploiter tous les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris tous les jeux pour ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi que l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998.
La République hellénique est condamnée aux dépens ».
Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 septembre 2007 - Commission des Communautés européennes / République italienne
(Affaire C-260/04)
« En ayant procédé au renouvellement de 329 concessions pour la gestion des paris hippiques en dehors de toute procédure de mise en concurrence, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 49 CE et a, en particulier, violé le principe général de transparence ainsi que l’obligation de garantir un degré de publicité adéquat.
La République italienne est condamnée aux dépens ».
Annexe 3 :
Dispositions des directives 2000/31 du 8 juin 2000 sur
le commerce électronique et 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur excluant
les jeux d’argent de leur champ d’application
1. Directive 2000/31 du 8 juin 2000 : article premier, relatif à l’objectif et au champ d’application : paragraphe 5 :
« 5 - La présente directive n’est pas applicable :
……………………………..
d) aux activités suivantes des services de la société de l’information :
……………………………..
- les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris ».
2. Directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : article 2, relatif à l’objectif et au champ d’application : paragraphe 2 :
« ……………………………..
2 - La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes :
……………………………..
h) les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard, y compris les loteries, les casinos et les transactions portant sur les paris ».
Annexe 4 :
Données statistiques sur le marché des jeux
1. Montant total des paris et des mises en 2006 (en milliards d’euros)
Allemagne |
30,5 |
Finlande |
2,2 |
France |
38 |
Italie |
41 |
Royaume-Uni |
62,5(50) |
2. Répartition des paris et des mises par type de jeu (en milliards d’euros)
Etats |
Loterie |
Paris sportifs |
Casinos + machines à sous |
Paris hippiques |
Total |
Allemagne |
10,4 |
3,5 |
16,8 |
0,3 |
30,5 |
Finlande |
1,37(51) |
- |
0,64 |
0,2 |
2,2 |
France |
9,1 |
0,39 |
20 |
8,3 |
38 |
Italie |
- |
2,2 |
18 |
3 |
41 |
Royaume-Uni |
10 |
31,2 |
6,5 |
15 |
62,5 |
Suède |
2,7(52) |
- |
- |
1,2 |
3,9 |
Annexe 5 :
Principales dispositions du droit français régissant les jeux
1. Les loteries
La loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et celle du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard posent le principe général de l’interdiction des jeux d’argent.
Toutefois, chacun des deux textes prévoit des dispositions dérogatoires.
Ainsi, la loi du 21 mai 1836 autorise-t-elle l’organisation des loteries dans le cadre de manifestations locales et dont la recette est affectée à des activités sportives, sociales et charitables.
Au fil du temps, d’autres dérogations ont été introduites. La loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933 a autorisé le Gouvernement à organiser une loterie. Cette disposition est à l’origine de la Loterie nationale. Celle-ci a ensuite diversifié ses activités : après le loto, apparu en 1976, elle a multiplié les autres jeux de hasard à partir des années 80, tandis que la loterie traditionnelle disparaissait en 1989. Le règlement qui applique actuellement la disposition législative de 1933 sur les jeux est le décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de loterie autorisés. Il confie l’organisation et l’exploitation des différents jeux de hasard à une « entreprise publique constituée sous forme de société anonyme ». C’est désormais La Française des Jeux, société anonyme dans laquelle l’Etat détient 72 % des actions, qui possède ce monopole d’organisation.
La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité permet, pour la première fois, une incrimination des personnes morales coupables d’infractions à la loi du 21 mai 1836 prohibant les loteries.
2. Les paris sportifs
En ce qui concerne les paris sportifs, l’article 42 de la loi de finances pour 1985 du 29 décembre 1984, conjointement avec le décret du 1er avril 1985, réserve l’organisation de ces paris – à l’exclusion des paris hippiques – à La Française des Jeux. Cette mesure a pour objet de contribuer au développement du sport.
3. Les casinos
La loi du 15 juin 1907 relative aux casinos ouvre à ces derniers la possibilité de bénéficier d’autorisations permettant à leurs clients de participer à certains jeux de hasard.
Les modifications ultérieures de la loi du 15 juin 1907 ont confirmé que celle-ci dérogeait à l’interdiction posée par la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.
Egalement par dérogation à cette loi, une loi du 5 mai 1987 a autorisé l’installation de machines à sous dans les casinos uniquement.
Enfin, une loi du 5 janvier 1988 autorise l’ouverture des casinos, après accord du ministre de l’intérieur, dans les villes ou stations touristiques constituant la ville principale d’une agglomération de plus de 500 000 habitants et participant pour plus de 40 %, le cas échéant avec d’autres collectivités territoriales, au fonctionnement d’un centre dramatique national, d’un orchestre national et d’un théâtre d’opéra présentant en saison une activité régulière d’au moins 20 représentations lyriques.
4. Les cercles de jeux
La loi du 30 juin 1923 portant fixation du budget général de l’exercice 1923 permet aux cercles constitués sous forme d’associations et titulaires d’une autorisation du ministère de l’intérieur d’organiser des jeux de hasard.
5. Les paris hippiques
Les paris sur les courses hippiques n’entrent ni dans le champ d’application de la loi du 21 mai 1836 ni dans celui de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. Ils sont régis par la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux. Cette loi interdit les paris sur les courses hippiques, à moins qu’ils ne soient organisés par des associations dénommées « sociétés de courses » qui ont « pour but exclusif l’amélioration de la race chevaline » et qui détiennent une autorisation délivrée par le ministère de l’agriculture. De plus, cette loi limite la dérogation aux seuls paris mutuels.
En outre, l’article 12 du décret n° 97-456 de mai 1997 (modifié par le décret du 12 novembre 2002) adopté en application de la loi du 2 juin 1891 prévoit que seul le « Pari Mutuel Urbain » (le PMU) a le droit d’organiser des paris sur les courses hippiques à l’extérieur des hippodromes. L’organisation des paris sur les courses hippiques dans l’enceinte des hippodromes est confiée à des sociétés séparées de courses hippiques ou au « Pari Mutuel Hippodrome ».
6. Réglementation de certains aspects des jeux en ligne
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance prévoit, d’une part, l’obligation pour les fournisseurs d’accès à internet de signaler à leurs abonnés les sites de jeux d’argent illégaux.
D’autre part, elle comporte des mesures destinées à lutter contre le développement des jeux d’argent sur internet. Ainsi, sur décision conjointe des ministres de l’intérieur et des finances, les établissements bancaires bloqueront les flux financiers provenant des personnes - physiques ou morales - qui organisent des activités de jeux, de paris ou de loteries prohibées par la loi française.
Une deuxième catégorie de mesures a pour objet de renforcer les sanctions pénales encourues en cas d’organisation des jeux illégaux et en cas de publicité pour de telles activités.
1 () Conclusions présentées le 16 mai 2006 sur les affaires jointes C338-04, C359-04 et C360-04, arrêt du 6 mars 2007.
2 () C.E. du 29 juillet 1994, Province Sud de la Nouvelle-Calédonie.
3 () Dans le cas des loteries transfrontalières, l’avocat général Gulmann a fait observer que ce risque de fraude était accru.
4 () Department for Culture, Media and Sport, the future regulation of remote gambling : a DCMS position paper (la réglementation future des jeux en ligne : la position du DCMS, avril 2003).
Ce département ministériel est en charge de l’élaboration et du suivi des mesures touchant à la politique du jeu.
5 () Il est à noter que, à la différence de la France où les jeunes âgés de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à jouer dans un casino, ces derniers peuvent, au Royaume-Uni, jouer sur les machines à sous de catégorie D, dont la mise et les gains sont toutefois plafonnés respectivement à 10-30 pences (environ 1,4 euro-4,2 euros) et à 5-8 livres (environ 7 et 11 euros).
6 () Au sujet d’Alderney et de l’Ile de Man, le département de la culture, des médias et du sport indique qu’il s’assurera que ces deux entités continueront à satisfaire aux exigences de la Whitelist.
7 () Les paris à risque (spread betting) sont régulés par la FSA (Financial Services Authority). C’est une autorité administrative indépendante, entièrement financée par les entreprises qui relèvent de son contrôle.
8 () D’après les statistiques du ministère de la culture, le montant total du chiffre d’affaires du secteur des jeux s’était élevé en 2005 à 53,8 milliards de livres sterling, soit environ 80 milliards d’euros, ce qui représenterait une somme supérieure à celle des crédits consacrés à l’enseignement supérieur.
9 () Le produit brut des jeux est égal à la différence entre les mises et les gains.
10 () Il existe un casino en Finlande.
11 () Le chiffre d’affaires global du secteur s’est élevé à 3,9 milliards d’euros en 2006.
12 () L’AELE comprend l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse.
13 () Pour les opérateurs privés, le nombre de machines à sous est limité à 12.
14 () Le reste étant réparti à hauteur de 20 % par les émetteurs de dixièmes de billets de la loterie nationale, de 5 % par le fonds commun de placement des salariés et de 3 % par la société civile de courtiers mandataires de La Française des Jeux.
15 () Les sociétés de courses comprennent des représentants de tous les échelons de la filière (propriétaires, éleveurs, entraîneurs et jockeys).
16 () Ministère de l’intérieur de Finlande, La politique finlandaise en matière de jeux, de bingo, de loteries et de jeu d’argent, directives édictées par le Forum sur le jeu, 10 mars 2006.
17 () Dans l’affaire Gambelli, l’avocat général avait estimé que « dans le cadre de la procédure d’attribution des concessions, il y aurait lieu de prendre en considération les contrôles effectués dans un autre Etat membre et les garanties fournies ».
18 () Arrêt Gambelli (point 68).
19 () « Une telle limitation (de la libre prestation des services) n’est admissible que si elle répond d’abord effectivement au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et si le financement d’activités sociales au moyen d’un prélèvement sur les recettes provenant des jeux autorisés ne constitue qu’une conséquence bénéfique accessoire et non la justification réelle de la politique restrictive mise en place ».
20 () L’ASE joue, au sein de l’Association européenne de libre-échange, un rôle analogue à celui de la Commission et la Cour de l’AELE à celui de la Cour de justice. Des procédures d’infraction peuvent être engagées par l’ASE contre un Etat membre de l’AELE et dont la Cour de l’AELE peut connaître.
21 () Cf. les communiqués à la presse du 4 avril 2006, 12 octobre 2006 et 27 juin 2007.
22 () Dans l’arrêt Schindler du 24 mars 1994, la Cour a admis que pouvaient être regardées comme des raisons impérieuses d’intérêt général justifiant une large marge d’appréciation des Etats la protection des consommateurs, la prévention de la délinquance, la protection de la moralité publique, la limitation des jeux d’argent, …
23 () Dans l’arrêt Läärä du 24 septembre 1999, la Cour, après avoir rappelé les raisons impérieuses d’intérêt général dégagées par l’arrêt Schindler justifiant les entraves à la libre prestation des services, a estimé que les dispositions du traité relatives à cette dernière ne s’opposent pas au fait que la législation finlandaise accorde à un seul organisme public des droits exclusifs d’exploitation des machines à sous.
24 () L’article 45 du traité excepte de l’application des dispositions relatives au droit d’établissement les activités participant à l’exercice de l’autorité publique. L’article 46 prévoit que les dispositions relatives au droit d’établissement ne préjugent pas l’applicabilité des dispositions prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
25 () La politique finlandaise en matière de jeux bingo, de loteries et de jeu d’argent, directives édictées par le Forum sur le jeu, ministère de l’intérieur, 10 mars 2006.
26 () Ce considérant prévoit un examen séparé des restrictions imposées par une législation nationale de leur proportionnalité et de leur caractère discriminatoire.
27 () Dans ses conclusions sur l’affaire Placanica, l’avocat général a rappelé que la Cour avait écarté comme raisons d’ordre public au sens de l’article 46 du traité instituant la Communauté européenne les objectifs de nature économique (arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda).
28 () La Commission profère cette accusation à l’encontre de la France dans l’avis motivé.
29 () « Si, à la suite d’une ouverture relative des marchés nationaux des jeux de hasard, les craintes concernant un bouleversement des recettes publiques devaient se vérifier, il y aurait lieu alors d’y remédier éventuellement par d’autres moyens appropriés. »
30 () Die Welt, 30 décembre 2007.
31 () Il nous a été indiqué que 200 parlementaires s’étaient exprimés en faveur du maintien du monopole.
32 () Cette jurisprudence a reconnu la licéité de la législation finlandaise, qui accorde à un seul organisme public des droits exclusifs d’exploitation des machines à sous.
33 () Le mandat européen a été mis en œuvre pour arrêter le dirigeant d’Unibet accusé d’avoir violé le monopole du PMU.
34 () C’est sur le fondement de ce texte que le PMU a tenté de faire appliquer par la justice maltaise, mais sans succès, le jugement de la Cour d’appel de Paris, qui avait fait droit à sa requête dans l’affaire qui l’avait opposé à Zeturf.
35 () Die Welt, 30 décembre 2007.
36 () M. Noël Pons, Cols blancs et mains sales, Edition Odile Jacob, p. 99.
37 () Très populaire au Royaume-Uni, le spread betting permet aux joueurs de parier sur un nombre total d’actions lors d’une rencontre sportive : par exemple, le nombre de corners tirés au cours d’un match de football. Le joueur pronostique que ce nombre se situera en dessous, ou au-dessus d’un certain niveau représenté par une fourchette (par exemple 10-11 corners au cours d’un match de football). Les gains ou les pertes des joueurs seront calculés en fonction de la différence entre le total d’actions et, selon les cas, le haut et le bas de la fourchette.
38 () Ce taux de 7 % est celui attribué à l’Australie, où l’addiction est devenue un fléau majeur. Mais des études effectuées aux Etats-Unis ont révélé que, dans certains Etats, le taux pouvait atteindre 35 %.
39 () D’après certaines estimations, on a calculé qu’en Australie, les coûts entraînés par le traitement de la pathologie étaient trois fois plus élevés que les recettes tirées des jeux par l’Etat australien.
40 () C’est ainsi, par exemple, que, selon les directives sur la politique du jeu, il aurait été souhaitable que le montant remboursé par les opérateurs finlandais à l’Etat au titre des coûts générés par la recherche sur les problèmes causés par la participation au jeu, en 2005, ait atteint non pas 280 000 euros mais 500 000 euros.
41 () RSe consulting, A Litterature Review and Survey of Statistical Sources on Remote Gambling, octobre 2006, p. 24.
42 () D’après certaines études réalisées en Allemagne, l’ouverture du marché des jeux devrait entraîner le doublement du montant des paris sportifs, lequel s’établirait alors à 8 milliards d’euros contre 3,5 milliards d’euros actuellement.
43 () Du nom d’un arrêt Barber rendu par la Cour de justice.
44 () Point 133 des conclusions sur l’affaire Gambelli
45 () Selon une récente étude menée par le CIEM (Collectif interassociatif enfance et media), si 96 % des parents interrogés sont informés de l’existence de ces logiciels, seuls 39 % d’entre eux en ont installé un. Au final, seul 1 parent sur 4 déclare être satisfait des logiciels de contrôle parental.
46 () Par exemple, la convention internationale du 20 novembre 1989 sur les droits de l’enfant que 191 Etats ont ratifiée – à l’exception de la Somalie et des Etats-Unis.
47 () En Australie, il est, semble-t-il, coutume de dire que du fait de l’addiction au jeu, certaines personnes ont pu perdre leur maison sans la quitter. En Italie, il nous a été indiqué qu’un joueur avait été amené à vendre trois appartements en 15 jours. En France, un joueur dépendant sur cinq commet des délits ayant trait à l’argent.
48 () Par exemple, l’insertion dans la peau d’une puce électronique, qui servirait de moyen de paiement aux clients de certains discothèques.
49 () M. Jean-Paul Fitoussi, Libération, 2-3 février 2008.
50 () Ce chiffre provient de statistiques émanant du Treasury et du Department for Culture Media and Sport. Elles ne comportent toutefois pas les données concernant les mises et paris effectués dans les sites off shore, notamment à Gibraltar. C’est pourquoi certaines autres sources telles que celles résultant du Betting and Gaming – Market Report 2007 font état d’un chiffre très nettement plus élevé : 91,5 milliards de Livres, soit 137 milliards d’euros.
51 () Inclut également les paris sportifs.
52 () Inclut les paris sportifs et les mises effectuées dans des casinos et un montant de 5 millions d’euros correspondant au chiffre d’affaires des associations et mouvements populaires.