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No 1230

_______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LEGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2008

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION CHARGEE
DES AFFAIRES EUROPEENNES (1),

sur les taux réduits de TVA
(E 3915)
,

ET PRÉSENTÉ

par M. Daniel GARRIGUE,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

La Commission chargée des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Pierre Moscovici, Didier Quentin, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; M.Alfred Almont, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Lionnel Luca, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

_____

Pages

INTRODUCTION 7

I. LES TAUX RÉDUITS DE TVA : DES PRINCIPES SIMPLES MAIS DES EXCEPTIONS NOMBREUSES ET COMPLEXES HÉRITÉES DE L’HISTOIRE FISCALE DE CHACUN DES ETATS MEMBRES 9

A. Des règles de base simples 9

1) Une taxation au taux normal à défaut de mesure spécifique 9

2) La possibilité d’appliquer un ou deux taux réduits à une liste limitée de biens et de prestations de services figurant à l’annexe III de la directive TVA 10

B. Le maquis des cas particuliers : le hors liste, les dispositions temporaires et les dérogations 13

1) Le hors liste : l’application du taux réduit à des biens et services non mentionnés à l’annexe III, mais explicitement inscrits dans le corps de la directive 13

2) Les dispositions temporaires pour l’application du taux réduit à certains services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO) 14

3) Les dérogations applicables soit jusqu’à l’instauration d’un régime définitif de TVA, soit, pour une durée précise, jusqu’au 31 décembre 2010 17

a) Le « gel » du passé : la faculté de maintenir le taux « zéro » ainsi que des taux super-réduits, inférieurs à 5 % 17

b) La faculté pour l’Espagne et le Luxembourg d’appliquer un taux réduit inférieur à 5 % 18

c) La possibilité de maintenir au-delà du 1er janvier 1991 un taux réduit pour la restauration, le logement, ainsi que les vêtements et chaussures pour enfants 18

d) L’organisation d’une transition par étapes vers le taux normal : le taux réduit à titre dérogatoire et les taux « parkings » 19

e) Les mesures propres à un Etat membre 20

4) Les taux spécifiques applicables à certains territoires 20

C. Des règles inégales selon les Etats membres : le cas de la restauration 21

II. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPEENNE 25

A. Un débat approfondi mené depuis plusieurs années 25

1) La poursuite du débat sur la proposition de directive de juillet 2003 25

2) Les conclusions très équilibrées du rapport des experts de Copenhagen Economics 27

3) Le pragmatisme de la communication de la Commission européenne de juillet 2007 29

B. La proposition de directive du 7 juillet dernier : une plus grande flexibilité des Etats membres pour la taxation des services délivrés localement 32

1) La pérennisation au-delà du 31 décembre 2010, avec certaines extensions, de l’éligibilité au taux réduit des services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO) 32

2) La mention de l’ensemble de la construction et non plus du seul logement social, dans la liste des biens et services éligibles à taux réduits 34

3) L’inclusion de la restauration, à l’exception des boissons alcooliques, dans la liste des prestations de services éligibles au taux réduit pour rétablir une égalité entre Etats membres 35

4) Une même application du principe de flexibilité aux autres prestations de services délivrées localement 36

5) Quelques adaptations techniques d’ampleur variable dans la liste des biens et services déjà éligibles au taux réduit 37

6) Une application prévue au 1er janvier 2011 38

C. L’opportunité d’une adoption rapide de la proposition de la Commission européenne 38

1) Une avancée certaine qui donne satisfaction à la France sur ses demandes prioritaires 38

2) Une proposition réaliste aux enjeux déjà largement débattus, notamment sur la restauration 39

3) Une date d’application qui évite la contrainte des enjeux budgétaires immédiats, notamment sur la question de la restauration et de la construction neuve 40

4) L’opportunité d’une adoption rapide qui permettrait de passer à d’autres débats de fond sur la TVA 41

5) Une négociation encore difficile en raison des réticences de certains Etats membres et qui invite par conséquent le Parlement à manifester dès maintenant son soutien au Gouvernement 41

6) La proposition de compromis de la présidence française 42

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 49

ANNEXE : Liste des taux de TVA appliqués dans les Etats membres 51

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il y a cinq ans, la Commission européenne a ouvert le débat de fond sur les taux réduits de TVA.

Elle a déposé le 23 juillet 2003 sa proposition modifiant la directive 77/388/CEE (COM [2003] 397 final/document E 2365).

L’ambition était d’opérer une rationalisation des règles, très complexes, régissant cette question, en raison des nombreuses dérogations bénéficiant à certains Etats membres au titre d’un « gel » de leur histoire fiscale.

L’objectif n’a cependant pas été atteint.

D’une part, la procédure d’adoption des textes communautaires en matière fiscale est très exigeante. L’article 93 du traité instituant la Communauté européenne requiert l’unanimité.

D’autre part, sur le fond, la proposition contraignait certains Etats à procéder à des adaptations difficiles.

La TVA est, en effet, un impôt sensible.

Son produit est essentiel aux Etats membres. Il représente en moyenne 20 % de leurs prélèvements obligatoires et près de 8 % de leur PIB.

Elle pèse directement sur les prix.

En outre, elle fait l’objet entre les économistes comme entre les différents courants politiques d’importants débats.

Aussi, après deux ans et demi d’examen, l’accord intervenu au sein du Conseil « Ecofin » en janvier 2006 n’a-t-il conduit qu’à un texte d’ampleur limitée.

La directive 2006/16/CE du 14 février 2006 s’est donc bornée à la reconduction, jusqu’au 31 décembre 2010, de la faculté pour les Etats membres d’appliquer un taux réduit aux services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO), notamment à la rénovation et à la réparation de logements privés et aux soins à la personne à domicile, et à l’extension du taux réduit aux livraisons de chauffage urbain, comme c’était déjà le cas pour le gaz naturel et l’électricité.

Cependant, sur le plan politique, la discussion sur les taux réduits de TVA n’a pas pour autant été close.

Le Conseil « Ecofin » de janvier 2006 a, en effet, explicitement demandé à la Commission les éléments pour le poursuivre. Une disposition a été ajoutée en ce sens à la directive TVA et reprise lors de la nouvelle codification dans la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qui a remplacé la première directive TVA de 1967 comme la sixième directive TVA de 1977.

Conformément à ce mandat, la Commission a présenté, dans une communication du 5 juillet 2007 :

– les résultats d’une étude menée par un groupe indépendant de réflexion économique, le Copenhagen Economics, établi au Danemark ;

– les différentes solutions envisageables pour faire évoluer les règles relatives aux taux réduits.

Ainsi relancé, le débat a débouché sur la présente proposition de directive relative à l’application des taux réduits de la TVA, présentée par la Commission le 7 juillet dernier, et soumise à l’examen de la Commission chargée des affaires européennes.

Sa teneur modeste, mais réaliste, impose de se prononcer dès maintenant en faveur de son adoption et de soutenir ainsi les efforts du Gouvernement pour la pérennisation du taux réduit de TVA aux service à forte intensité de main-d’œuvre, notamment aux travaux de rénovation du bâtiment et aux soins à la personne à domicile, ainsi que, conformément à un choix politique fort, l’inscription de la restauration sur la liste des biens et services éligibles au taux réduit.

I. LES TAUX RÉDUITS DE TVA : DES PRINCIPES SIMPLES MAIS DES EXCEPTIONS NOMBREUSES ET COMPLEXES HÉRITÉES DE L’HISTOIRE FISCALE DE CHACUN DES ETATS MEMBRES

La TVA est l’impôt dont le niveau d’harmonisation est le plus élevé au niveau communautaire. En sont ainsi précisément encadrés non seulement l’assiette et les modalités de recouvrement, mais également les taux applicables et le champ d’application de chacun d’entre eux.

Alors que les règles de base sont simples, la multiplicité et l’ampleur des exceptions et dérogations rendent la manière complexe.

A. Des règles de base simples

1) Une taxation au taux normal à défaut de mesure spécifique

En matière de TVA, les biens et prestations de services taxables relèvent en principe du taux normal, qui est le taux de droit commun.

A ce principe, deux exceptions sont prévues, d’une part, pour les biens et services exonérés, et d’autre part, pour ceux éligibles à un taux inférieur.

Le niveau du taux normal est librement fixé par chaque Etat membre, dans le respect d’un minimum de 15 %.

Aucun plafond n’est formellement prévu, mais un consensus s’est établi entre les Etats membres pour ne pas dépasser le seuil de 25 %.

Au 1er juillet 2008, les taux normaux retenus par les Vingt-sept s’échelonnaient entre 15 % (Chypre) et 25 % (Suède et Danemark), comme l’indique le tableau de l’annexe.

Avec 19,6 %, la France est dans une situation intermédiaire.

2) La possibilité d’appliquer un ou deux taux réduits à une liste limitée de biens et de prestations de services figurant à l’annexe III de la directive TVA

La taxation au taux normal étant de droit commun, l’application d’un taux réduit de TVA doit être explicitement prévue.

Aussi la directive TVA 2006/112/CE fixe-t-elle la liste limitative des biens ou prestations de services éligibles.

Cette taxation au taux réduit est facultative pour les Etats membres qui exercent, librement, leur choix à cinq niveaux.

En premier lieu, ils peuvent décider ou non d’appliquer un taux réduit. Un Etat membre n’a pas exercé cette option, le Danemark. Tous les biens et services y sont donc uniformément taxés au taux normal qui est un taux unique, égal à 25 %.

En deuxième lieu, les Etats membres peuvent appliquer un ou deux taux réduits, selon leur choix.

La plupart des 26 Etats membres qui ont fait le choix du taux réduit n’en ont qu’un seul. Tel est le cas de la France avec le taux de 5,5 %.

En revanche, sept pays, la Belgique (6 et 12 %), Chypre (5 et 8 %), la Lituanie (5 et 9 %), le Luxembourg (6 et 12 %), le Portugal (5 et 12 %), la Finlande (8 et 17 %) et la Suède (6 et 12 %), appliquent deux taux réduits.

En troisième lieu, le libre choix des Etats s’exerce sur le niveau du ou des taux réduits, sous réserve du respect d’un minimum de 5 %.

Il n’y pas de maximum. Avec deux taux réduits, dont l’un de 17 % (taux normal de 25 %), la Finlande représente le cas de figure où l’un des taux réduits est même supérieur au taux normal en vigueur dans d’autres Etats membres.

Pour sa part, la France, avec un taux réduit de 5,5 % est un peu au-dessus du minimum.

Le tableau de l’annexe récapitule les taux réduits en vigueur dans les Etats membres.

En quatrième lieu, chaque Etat membre choisit au sein de la liste de biens et services éligibles ceux qu’il souhaite effectivement taxer à taux réduit.

Cette liste, qui représente l’essentiel du champ normal de l’application du taux réduit, était autrefois définie à l’annexe H de la sixième directive de 1977.

Elle figure dorénavant à l’annexe III de la directive de 2006.

Elle comprend 18 catégories de biens et services éligibles, que récapitule le tableau suivant :

1) Les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires ;

2) la distribution d'eau ;

3) les produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine ;

4) les équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou traiter des handicaps, à l'usage personnel et exclusif des handicapés, y compris la réparation de ces biens, ainsi que la livraison de sièges d'enfant pour voitures automobiles ;

5) le transport des personnes et des bagages qui les accompagnent ;

6) la fourniture de livres, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité ;

7) le droit d'admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d'attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires ;

8) la réception de services de radiodiffusion et de télévision ;

9) les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus ;

10) la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ;

11) les livraisons de biens et les prestations de services d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l'exclusion, toutefois, des biens d'équipement, tels que les machines ou les bâtiments ;

12) l'hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d'hébergement de vacances et la location d'emplacements de camping et d'emplacements pour caravanes ;

13) le droit d'admission aux manifestations sportives ;

14) le droit d'utilisation d'installations sportives ;

15) la livraison de biens et la prestation de services par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des oeuvres d'aide et de sécurité sociales, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136 ;

16) les prestations de services fournies par les entreprises de pompes funèbres et de crémation ainsi que la livraison de biens qui s'y rapportent ;

17) la fourniture de soins médicaux et dentaires ainsi que les cures thermales, dans la mesure où ces prestations ne sont pas exonérées en vertu de l'article 132, paragraphe 1, points b) à e) ;

18) les prestations de services fournies dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l'enlèvement des ordures ménagères et du traitement des déchets, autres que les services fournis par les organismes visés à l'article 13.

En cinquième et dernier lieu, lorsqu’un Etat membre décide d’appliquer le taux réduit à une catégorie de biens ou de services, il n’est donc pas obligé de l’appliquer à tous les biens ou toutes les prestations qui en relèvent, mais peut le faire à une partie seulement d’entre eux.

Il doit uniquement s’abstenir de créer des distorsions dans la taxation de biens ou de prestations de services équivalents entre eux.

B. Le maquis des cas particuliers : le hors liste, les dispositions temporaires et les dérogations

1) Le hors liste : l’application du taux réduit à des biens et services non mentionnés à l’annexe III, mais explicitement inscrits dans le corps de la directive

Intervenant à droit constant, la directive de TVA 2006/112/CE a maintenu une spécificité antérieure, à savoir l’éligibilité au taux réduit et hors liste de produits et services ne figurant pas dans l’annexe III, mais mentionnés dans le corps de la directive.

Il s’agit des catégories suivantes :

– les produits de l’agriculture non alimentaires. L’article 122 de la directive autorise l’application du taux réduit aux produits de la floriculture et de l’horticulture, ainsi qu’aux livraisons de bois de chauffage. Cette mesure est cependant, en principe, provisoire, car en vigueur jusqu’à l’expiration de l’actuel régime dit transitoire(1) de TVA ;

– la fourniture de gaz naturel et d’électricité, ainsi que de chauffage urbain. L’article 102 de la directive soumet cependant cette faculté à une condition : l’absence de distorsion de concurrence. L’appréciation de son respect relève des compétences de la Commission européenne ;

– les objets d’art, d’antiquité ou de collection : importations, livraisons par leur auteur ou ses ayants droit ; livraisons, dans certaines conditions, effectuées à titre occasionnel par un assujetti autre qu'un assujetti-revendeur.

2) Les dispositions temporaires pour l’application du taux réduit à certains services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO)

Instaurée « à titre expérimental » par la directive 1999/85/CE, la faculté pour les Etats membres d’appliquer, sur autorisation, un taux réduit à des services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO) a été depuis reconduite sans discontinuer.

En janvier 2006, une nouvelle reconduction, avec une extension de son champ d’application aux nouveaux Etats membres entrés dans l’Union en mai 2004, est intervenue.

L’échéance est prévue pour le 31 décembre 2010.

Les services éligibles sont mentionnés à l’annexe IV de la directive 2006/112/CE. Il s’agit :

1) des petits services de réparation : bicyclettes ; chaussures et articles en cuir; vêtements et linge de maison (y compris les travaux de réparation et de modification) ;

2) de la rénovation et de la réparation de logements privés, à l'exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni ;

3) du lavage de vitres et du nettoyage de logements privés ;

4) des services de soins à domicile tels que l'aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées ;

5) de la coiffure.

Dans cette liste, chaque Etat peut choisir deux catégories. Dans des cas exceptionnels, il peut appliquer un taux réduit de TVA à trois de ces catégories.

La plupart des Etats membres (18, dont la France) ont demandé à faire usage de cette faculté.

Tel n’est cependant pas le cas des 9 pays suivants : l’Allemagne, le Danemark, l’Estonie, la Lituanie, l’Autriche, la Slovaquie, la Finlande et la Suède, ainsi que de la Bulgarie, qui a adhéré après 2006.

Pour sa part, le Royaume-Uni en a fait un usage très limité en appliquant pour la seule île de Man le taux réduit pour la réparation de logements privés.

La France applique dans ce cadre un taux réduit à la rénovation et la réparation de logements privés, au lavage de vitres et nettoyage de logements privés et aux soins à domicile.

Le tableau suivant récapitule les demandes d’application de ce dispositif par les Etats membres, suivant la décision du Conseil du 7 novembre 2006, ainsi que celle du 30 janvier 2007 relative à la seule Roumanie.

Toutefois, d’après le site Internet de la Commission européenne, il semble que certains Etats membres n’aient pas fait usage de la faculté qui leur était offerte.

Liste des Etats membres qui peuvent appliquer un taux réduit de TVA aux services
à forte intensité de main-d’
œuvre
(services visés à l’annexe IV de la directive 2006/112/CE)

 

BE

CZ

EL

ES

FR

IE

IT

CY

LV

LU

HU

MT

NL

PL

PT

RO

SI

FI

UK

1. Petits services

de réparation

                                     

a) Bicyclettes

x

 

x

   

x

     

x

x

x

x

x

     

x

 

b) Chaussures et

articles de cuir

x

 

x

   

x

     

x

x

x

x

x

     

x

 

c) Vêtements et linge

de maison

x

 

x

   

x

     

x

x

x

x

x

 

x

 

x

 

2. Rénovation et

réparation de

logements privés

x

x

x

x

x

x

x

x

x

 

x

 

x

x

x

 

x

 

x

3. Lavage de vitres et

nettoyage de logements

privés

 

x

   

x

x

     

x

                 

4. Services de soins à

domicile

 

x

x

 

x

 

x

     

x

x

   

x

x

     

5. Coiffure

     

x

 

x

 

x

x

x

   

x

x

     

x

 

3) Les dérogations applicables soit jusqu’à l’instauration d’un régime définitif de TVA, soit, pour une durée précise, jusqu’au 31 décembre 2010

Les articles 109 à 122 de la directive 2006/112/CE prévoient un régime de dérogations permettant d’appliquer des taux de TVA inférieurs aux taux normalement applicables aux biens et services concernés, taux normal ou taux réduits.

Deux cas de figure se présentent : l’application dérogatoire d’un taux réduit à une catégorie qui devrait normalement être taxée au taux normal ; l’application d’un taux inférieur au minimum de 5% prévu par la directive pour les taux réduits.

Ces dérogations sont prévues pour être temporaires selon deux modalités alternatives : soit une échéance précise est fixée ; soit elles sont en vigueur pour la durée du système transitoire(2)de TVA.

a) Le « gel » du passé : la faculté de maintenir le taux « zéro » ainsi que des taux super-réduits, inférieurs à 5 %

La directive 2006/112/CE permet aux Etats membres concernés de maintenir, au-delà du 1er janvier 1991 l’application dérogatoire, d’une part, de taux super-réduits (inférieurs à taux minimal précité de 5 % pour les taux réduits), d’autre part, de taux « zéro » (exonération de la TVA avec droit à remboursement de la taxe acquittée en amont, alors que l’exonération simple ne permet pas une telle récupération).

Les taux correspondants doivent cependant être conformes à la législation communautaire et avoir été instaurés pour des « raisons d’intérêt social bien définies et en faveur des consommateurs finaux ».

C’est cette disposition qui permet le maintien, en France, de l’application d’un taux de TVA spécifique de 2,10 % aux médicaments remboursables par la sécurité sociale, alors que les autres médicaments sont assujettis au taux réduit de 5,5 %.

b) La faculté pour l’Espagne et le Luxembourg d’appliquer un taux réduit inférieur à 5 %

La directive 2006/112/CE permet également aux Etats membres qui ont été obligés à partir de 1992 d’augmenter leur taux normal de plus de 2 %, en raison de l’instauration du minimum de 15 %, d’appliquer en contrepartie un taux réduit inférieur à 5 % non seulement aux opérations éligibles listées à l’annexe III, mais également à la restauration et au logement, ainsi qu’aux vêtements et chaussures pour enfants.

Cette mesure ne concerne en pratique que l’Espagne et le Luxembourg.

c) La possibilité de maintenir au-delà du 1er janvier 1991 un taux réduit pour la restauration, le logement, ainsi que les vêtements et chaussures pour enfants

Selon les dispositions d’application générale de la directive, la restauration, du logement, les vêtements et chaussures pour enfant relèvent du taux normal.

Toutefois, certains Etats membres appliquaient des taux réduits à ces biens et services.

Une disposition particulière leur permet de poursuivre au-delà du 1er janvier 1991 l’application d’un taux réduit.

d) L’organisation d’une transition par étapes vers le taux normal : le taux réduit à titre dérogatoire et les taux « parkings »

Afin de ne pas « piéger » les Etats membres dans les exceptions, la directive TVA permet d’aller par étapes vers la taxation au taux normal d’un bien ou un service taxé de manière préférentielle.

Il faut distinguer deux cas : d’une part, la taxation dérogatoire au taux réduit ; d’autre part, la taxation à un taux « parking » d’au moins 12 %, spécifique.

• L’application dérogatoire du taux réduit en remplacement d’un taux zéro ou d’un taux super-réduit

La directive 2006/112/CE autorise les Etats membres à taxer au taux réduit des biens et services hors liste (non inscrits à l’annexe III), qui étaient antérieurement taxés à un taux « zéro » ou à un taux super-réduit. Le taux réduit est donc, dans ces circonstances, une étape dérogatoire de transition du taux zéro ou du taux super-réduit, vers le taux normal.

Le Royaume-Uni est ainsi sorti par étapes de l’application du taux « zéro » au fioul domestique et à l’électricité, en appliquant un taux réduit de 8 % avant le passage au taux normal en 1995.

• La possibilité d’un taux « parking » d’au moins 12 %

Les Etats membres qui appliquaient avant le 1er janvier 1991 un taux réduit à des biens et services non listés, peuvent appliquer un taux dit « parking », à savoir un taux réduit d’au moins 12 %.

La Belgique, l’Irlande le Luxembourg et le Portugal, ainsi que l’Autriche ont un tel taux parking. Il est de 13,5 % pour l’Irlande et de 12 % pour les quatre autres Etats membres (cf. annexe).

e) Les mesures propres à un Etat membre

• les mesures en faveur des anciens Etats membres, jusqu’à l’échéance de l’actuel système transitoire de la TVA

La directive 2006/112/CE prévoit un certain nombre de dérogations en faveur de certains Etats membres leur permettant d’appliquer des taux préférentiels dérogatoires.

Celles-ci sont négociées au moment de leur adhésion.

On citera notamment les cas de la Suède et la Finlande pour certaines publications, ainsi que l’Autriche pour la restauration.

Ces dispositions dérogatoires sont prévues pour durer autant que l’actuel régime « transitoire » de la TVA.

• les mesures temporaires en faveur des Nouveaux Etats membres, applicables jusqu’au 31 décembre 2010

S’agissant des Nouveaux Etats membres, qui ont adhéré depuis 2004, les dérogations accordées sont temporaires.

Initialement, la plupart de celles-ci étaient initialement prévues pour expirer à la fin de l’année 2007 (1er janvier 2010 pour Malte).

Cependant, la directive 2007/75/CE du 20 décembre 2007, qui a également supprimé les mesures devenues inutiles ou obsolètes, a harmonisé les échéances au 31 décembre 2010, de manière à inclure ces exceptions dans le cadre de la réflexion d’ensemble menée sur les taux de TVA.

4) Les taux spécifiques applicables à certains territoires

Les dérogations territoriales sont fondées soit sur l’insularité, soit sur la situation géographique particulière. Elles s’ajoutent à d’autres particularités géographiques qui font que certains territoires sont en dehors du territoire fiscal de l’Union (les îles anglo-normandes pour le Royaume-Uni, ainsi que l’île de Helgoland et le territoire de Büsingen pour l’Allemagne, notamment).

Le premier cas de figure concerne Madère et les Açores, ainsi que, d’une manière différente et pour la durée du régime transitoire, certaines îles grecques.

Le second vise deux communes d’Autriche.

S’agissant de la France, des dispositions spécifiques en matière de taux concernent la Corse (taux de 0,90 % sur les premières représentations théâtrales et de cirque, et les ventes d'animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des non-redevables ; taux de 2,10 % pour les biens livrés en Corse, auxquels s'applique le taux réduit applicable en France continentale, sous réserve de quelques exceptions ; taux de 8 % sur certains travaux immobiliers, la construction autre que pour les logements sociaux, les matériels agricoles et les ventes à consommer sur place ainsi que les ventes d'électricité en basse tension, taux de 13 % sur les produits pétroliers). D’autres visent les départements d’outre-mer (sauf la Guyane) avec, pour l’essentiel, un taux réduit de 2,1 % un taux normal de 8,5 %.

C. Des règles inégales selon les Etats membres : le cas de la restauration

La restauration est l’un des exemples caractéristiques des différences de traitement qu’engendrent les exceptions actuelles en faveur de certaines Etats membres.

En effet, selon les règles de droit commun prévues par la directive 2006/112/CE, ces prestations devraient être taxées au taux normal dans tous les Etats membres, et les taux s’établir ainsi entre 15 % et 25 %.

Tel n’est pas le cas. Comme l’indiquent les données de la Commission européenne au 1er juillet dernier, la fourchette varie de 3 % au Luxembourg à 25 % en Suède et au Danemark.

Les pays qui bénéficient actuellement d’une dérogation sont les suivants :

– la Grèce, avec un taux réduit de 9 % applicable aux prestations de restauration, les boissons alcoolisées étant cependant taxées au taux normal de 19 % ;

– l’Espagne, avec un taux de 7 %, qui est le taux réduit ;

– l’Irlande, qui applique son taux réduit de 13,5 % aux seules prestations de restauration stricto sensu, les boissons alcooliques relevant du taux normal de 21 % ;

– l’Italie, qui applique le taux réduit de 10 % à l’ensemble des prestations, y compris les boissons alcoolisées ;

– Chypre, où le taux réduit de 8 % s'applique aux services de restauration sur place ou à emporter, à l'exception des boissons alcooliques, de la bière et du vin, qui continuent d'être taxés au taux normal de 15 % ;

– le Luxembourg, qui applique à l’ensemble de la restauration, y compris les boissons alcooliques, un taux super-réduit de 3 % ;

– les Pays-Bas, où le taux réduit de 6 % s’applique, sauf sur les boissons alcooliques qui sont assujetties au taux normal de 19 % ;

– l’Autriche, où le taux réduit de 10 % s’applique sur les aliments, le lait et le chocolat, tandis que le café, le thé et les autres boissons, alcoolisées ou non, relèvent du taux normal de 20 % ;

– la Pologne, où s’applique le taux réduit de 7 % tandis que les boissons alcoolisées sont taxées au taux normal de 22 % ;

– le Portugal, où l’ensemble de la restauration relève du taux réduit de 12 %. On observera que c’est le plus élevé des deux taux réduits dont dispose cet Etat membre (5 et 12 %). Cet Etat a bénéficié en 2000 d’une dérogation lui permettant de revenir à la situation qu’il appliquait avant le 1er janvier 1991 mais qu’il avait abandonnée à partir de 1992, après une modification générale des taux, notamment pour des raisons politiques et budgétaires, en appliquant le taux normal. Il a pu bénéficier à titre exceptionnel d’une rétroactivité ;

– la Slovénie, où le taux réduit de 8,5 % s’applique aux préparations de repas, au lieu du taux normal de 20 %.

Par rapport à la situation antérieure de 2005, on observera que seule la Hongrie est sortie du régime de l’exception pour entrer dans le droit commun.

Une telle situation est génératrice d’inégalités à deux points de vue :

– d’une part, elle crée manifestement deux groupes de pays : les 11 qui appliquent un taux réduit, groupe auquel le Luxembourg avec son taux super-réduit est assimilable, et les 16 autres Etats membres ;

– d’autre part, à l’intérieur de la première catégorie, une distinction est opérée entre les anciens Etats membres, qui bénéficient d’une dérogation pérenne, jusqu’à l’adoption du régime définitif de TVA, et les nouveaux Etats membres pour lesquels la dérogation est limitée dans le temps et fait donc l’objet d’un réexamen donnant lieu à une décision prise à l’unanimité.

Du point de vue de la France, cette situation n’est en outre pas satisfaisante dans la mesure où :

– à l’exception de la Belgique (taux normal de 21 %) et de l’Allemagne (taxation au taux normal de 19 %), tous les Etats voisins ou proches de la France appliquent un taux préférentiel aux prestations de restauration avec lequel notre taux normal de 19,6 % ne soutient pas la comparaison : 10 % en Italie ; 7 % en Espagne ; 3 % au Luxembourg ; 12 % au Portugal ; 10 % en Autriche ; 6 % aux Pays-Bas. Même en Suisse, la restauration, qui est taxée au taux de TVA le plus élevé des trois taux en vigueur, subit une moindre pression qu’en France : elle est imposée au taux de 7,6 % ;

– si l’on considère la seule activité touristique, la France est désavantagée par rapport à l’ensemble de ses concurrents européens, notamment méditerranéens. Tous y compris la Grèce et Chypre, peuvent, en effet, appliquer un taux réduit à la restauration.

Le tableau qui suit récapitule ces éléments, hors mention des quelques exceptions précitées.

Taux de TVA applicables aux services de restauration

(en %)

BIENS ET SERVICES

BE

BG

CZ

DK

DE

EE

EL

ES

FR

IE

IT

CY

LV

LT

LU

HU

MT

NL

AT

PL

PT

RO

SI

SK

FI

SE

UK

Restaurants

21

20

19

25

19

18

9

7

19,6

13,5

10

8

18

18

3

20

18

6

10

7

12

19

8,5(1)

19

22

25

17,5

Plats à emporter

6

20

9

25

7

18

9

7

5,5

13,5

10

8

18

18

3

20

18

6

10

7

12

19

8,5(1)

19

17

12

0(2)

Boissons alcoolisées

21

20

19

25

19

18

19

7

19,6

21

10

15

18

18

3

20

18

19

20

22

12

19

20

19

22

25

17,5

(1) Ce taux de 8,5 % s’applique aux préparations de repas.

(2) 17,5 % si achetés dans un lieu de restauration.

Source : Commission européenne.

II. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPEENNE

A. Un débat approfondi mené depuis plusieurs années

1) La poursuite du débat sur la proposition de directive de juillet 2003

La discussion actuelle n’est que la poursuite de celle qui a été engagée sur les taux réduits de TVA en 2003, avec le dépôt de la proposition précitée (COM [2003] 397 final/E 2365).

On rappellera que, par ce texte, la Commission européenne voulait faire œuvre de rationalisation en :

– mentionnant dans une seule disposition de la sixième directive encore en vigueur (l’annexe H), les biens et services éligibles, au choix des Etats membres, au taux réduit ;

– pérennisant la faculté d’appliquer des taux réduits aux SFIMO ;

– étendant, d’une manière limitée, la liste des taux réduits aux seuls biens et services pour lesquels certains Etats membres disposaient déjà d’une faculté d’appliquer à titre dérogatoire des taux réduits ou des exonérations. Il s’agissait d’une mesure d’égalité entre les Etats membres. Cette extension concernait notamment la restauration, le logement et les services de soins à domicile ;

– abolissant les taux « parkings » ;

– limitant, pour les quelques Etats membres qui peuvent en bénéficier, les taux zéros et super-réduits aux seuls biens et services éligibles au taux réduit, de manière que les autres pays soient en mesure d’appliquer des taux réduits pour éviter les effets de concurrence ;

– restructurant, enfin, les dérogations permettant aux Etats membres d’appliquer des taux inférieurs aux taux de droit commun sur certaines parties de leur territoire.

Les Etats membres n’étaient pas tous prêts à suivre la Commission européenne.

C’est donc après plus de deux ans et demi de débats qu’est intervenue la directive 2006/14/CE qui a pour l’essentiel prolongé jusqu’au 31 décembre 2010 l’application « à titre temporaire » des taux réduits aux SFIMO.

Les débats au Conseil ont été assez importants et ont débouché sur la question de fond :

– quelle latitude peut-on laisser aux Etats membres pour fixer librement le niveau du taux de TVA applicable aux services délivrés localement et pour lesquels la divergence n’entraîne pas de distorsion de concurrence dans le cadre du marché intérieur ?

– d’une manière plus générale, peut-on ainsi légitimement, dans le domaine des services délivrés localement, faire ou non jouer la en matière de TVA ?

Cette discussion n’a pas abouti.

L’Allemagne notamment craignait les effets de contagion et des demandes d’alignement systématique des taux de TVA à la baisse dans la restauration, si la France obtenait sur ce point gain de cause.

Une expertise économique étant indispensable pour la poursuite des discussions politiques, celle-ci a été prévue la disposition insérée à l’article 101 de la directive 2006/112/CE et précisant :

« Au plus tard le 30 juin 2007 et sur la base d'une étude menée par un groupe de réflexion économique indépendant, la Commission soumet au Parlement européen et au Conseil un rapport d'évaluation générale sur l'impact des taux réduits appliqués à des services fournis localement, y compris les services de restauration, notamment en termes de création d'emplois, de croissance économique et de bon fonctionnement du marché intérieur. »

2) Les conclusions très équilibrées du rapport des experts de Copenhagen Economics

Répondant à l’invitation qui lui a été ainsi adressée, la Commission européenne a confié à l’institut Copenhagen Economics¸ situé au Danemark, l’étude économique prévue en janvier 2006.

Celle-ci, intitulée Study on reduced VAT applied to goods and services in the member states of the European Union, a été rendue publique en juillet 2007, accompagnant une communication de la Commission européenne.

Sa rédaction est très mesurée et très nuancée : sa principale conclusion est qu’il y a des arguments de poids en faveur d’un taux unique de TVA, mais qu’il y a également des arguments forts en faveur d’une taxation différente, à taux réduit, de certains biens et services.

De manière plus détaillée, ses grandes conclusions sont les suivantes :

– d’un point de vue strictement économique, l’application d’un taux unique de TVA uniformément applicable à tous les biens et services concernés est l’option la plus efficace, car elle assure la plus grande fluidité du marché intérieur. Elle est, en outre, la plus simple et la moins coûteuse à gérer, tant pour l’Etat que pour les entreprises. A terme, elle améliore par conséquent le pouvoir d’achat des ménages ;

– néanmoins, l’application ciblée de taux réduits peut être justifiée et avoir des effets bénéfiques, selon deux points de vue : d’une part, sur le plan économique, pour améliorer l’emploi et la productivité du travail ; d’autre part, sur le plan politique, pour atteindre certains objectifs d’équité sociale en rendant certains produits plus accessibles.

De manière plus détaillée, sur ces deux derniers éléments, l’étude conclut que :

– plusieurs arguments tant théoriques qu’empiriques plaident en faveur d’un taux réduit de TVA aux prestations de services dans les secteurs où soit le travail clandestin, soit le travail domestique (bricolage etc.) sont importants. Tel est notamment le cas pour les prestations de services délivrées localement pour lesquelles l’éventuelle application de taux réduits ne perturbe pas le fonctionnement du marché intérieur, en l’absence d’échanges transfrontaliers. Les secteurs de « l’hospitalité » (i.e. hôtellerie et restauration) sont nommément cités ;

– des éléments théoriques vont en faveur d’une même éligibilité au taux réduit de ces mêmes secteurs, pour développer l’emploi de personnes non qualifiées ou peu qualifiées. C’est le résultat du simple effet de l’augmentation de la demande consécutive à la réduction des prix. L’effet final dépend toutefois de la flexibilité du marché du travail du pays considéré. Cependant, sur le plan empirique, les résultats des simulations opérées par l’Institut ne sont pas claires ;

– l’application d’un taux réduit de TVA aux produits qu’il convient, dans un souci d’équité, de rendre plus accessibles aux foyers les plus pauvres, n’a d’effet positif que si les structures de consommations sont différentes entre les foyers, selon leur niveau de revenu, et que si ces différences sont stables. Elle est également d’autant plus efficace que l’inégalité des revenus est forte. Pour sa part, la question de la taxation au taux réduit des produits alimentaires est assez complexe, notamment par l’écart qu’elle creuse entre l’alimentation à domicile et la restauration ;

– certains éléments plaident enfin pour l’application d’un taux réduit de TVA à des secteurs pour lesquels la « consommation » est spontanément insuffisamment développée : la culture et les produits économes en énergie sont cités.

En outre, l’étude remarque que des mécanismes de subvention permettent, sur le plan économique, de parvenir au même résultat que des taux réduits de TVA.

Enfin, elle considère que pour chaque mesure envisagée de baisse de TVA, il convient de :

– la comparer avec les autres mesures également envisageables pour atteindre le même objectif (aide ou subvention spécifique, réduction d’un autre impôt) ;

– prendre en compte les coûts de gestion qu’impliquent des différences de taux de TVA, que des estimations suédoises jugent élevés, ainsi que les risques de contentieux dès lors que des produits très voisins connaissent des écarts de taux ;

– tenir compte des cas spécifiques pour lesquels une telle baisse n’atteint pas son objectif, car l’effet de la réduction d’impôt est inefficace (la réduction de la TVA sur certains produits n’affecte pas la consommation des ménages les plus aisés qui bénéficient néanmoins de l’avantage fiscal) ;

– ne pas négliger l’effet des mesures fiscales ou budgétaires qui sont sa contrepartie : une augmentation consécutive de l’impôt sur le revenu peut avoir un effet opposé ; un relèvement du taux de la TVA sur d’autres biens ou services peut creuser l’écart et faciliter la réalisation de l’objectif.

Sur le plan économique, l’effet positif est estimé à 1 % pour les secteurs concernés.

3) Le pragmatisme de la communication de la Commission européenne de juillet 2007

Dans sa communication de juillet 2007 (COM [2007] 380 final), la Commission européenne a fondé son approche sur des bases extrêmement pragmatiques.

Elle a, en effet, constaté :

– qu’à l’exception d’un seul Etat membre, le Danemark, tous les membres de l’Union européenne appliquaient un ou deux taux réduits de TVA ;

– que les biens et services concernés ne répondent pas nécessairement à une logique bien structurée, car ils sont le reflet de l’histoire ;

– que les principaux paramètres pour une évaluation de la situation sont, d’un point de vue communautaire : la contribution à la stratégie de Lisbonne ; les impératifs liés au marché intérieur ; le principe de subsidiarité ou celui de flexibilité.

S’agissant de ce dernier, la Commission européenne a indiqué estimer que les conditions dans lesquelles la subsidiarité peut jouer sont différentes de celles qui prévalaient en 1992.

Le but de la refonte du système de TVA en 1992 et de l’harmonisation des taux était double avec :

– un objectif de marché intérieur : éviter des distorsions de concurrence entre les Etats membres pour les biens susceptibles de faire l’objet de transactions transfrontalières aux conditions locales, notamment les ventes à distance ;

– harmoniser le plus possible le niveau des taux dans la perspective du passage au système définitif de la TVA, marqué par la suppression des frontières fiscales entre les Etats membres.

Cet objectif du passage rapide au régime définitif étant très éloigné, faute d’accord des Etats membres, la Commission considère donc qu’il y a lieu de faire jouer le principe de subsidiarité d’une manière plus marquée et de laisser aux Etats membres une plus grande latitude pour taxer au taux réduit les services délivrés localement et qui ne sont pas susceptibles de faire l’objet de prestation à distance.

Sur ces bases, la Commission européenne a ainsi défini son approche selon deux étapes.

D’une part, elle a identifié les impératifs à prendre en compte :

– l’égalité de traitement entre les Etats membres ;

– la volonté des Etats membres d’appliquer des taux réduits voire nuls sur certains biens et services, notamment à des fins sociales ;

– la difficulté de faire passer les produits d’une catégorie à l’autre : d’une part, toute augmentation du taux sur un produit se répercute sur ses prix et les écarts sont tels que l’effet en est très sensible ; d’autre part, pour des raisons budgétaires, les reclassements des biens et prestations de services d’une catégorie à l’autre sont toujours très difficiles ;

– la nécessité d’équilibrer l’accroissement de la flexibilité pour le choix des Etats membres par une maîtrise des coûts liés à une réglementation plus complexe.

D’autre part, la Commission européenne a indiqué, sans prétendre qu’il s’agit du seul choix possible, sa préférence, sur une telle base, pour une structure à trois taux, avec un taux normal et deux taux préférentiels, avec :

– un taux très bas, de 0 à 5 %, pour les biens et services de première nécessité comme les denrées alimentaires ;

– un autre taux réduit, mais plus élevé que le premier, situé entre 10 et 15%, pour les biens et services qui ne concernent pas des besoins de base, mais pour lesquels d’autres motifs commandent ou recommandent d’appliquer un traitement préférentiel ;

– une définition très claire des catégories de biens et services concernés.

B. La proposition de directive du 7 juillet dernier : une plus grande flexibilité des Etats membres pour la taxation des services délivrés localement

1) La pérennisation au-delà du 31 décembre 2010, avec certaines extensions, de l’éligibilité au taux réduit des services à forte intensité de main-d’œuvre (SFIMO)

Depuis 1999, l’éligibilité des SFIMO au taux réduit de TVA n’est que temporaire.

A l’origine, le dispositif a, en effet, été conçu à titre expérimental, dans l’attente de mesurer son effet sur l’emploi.

Son objectif ayant clairement été atteint, la mesure a été prolongée depuis plusieurs fois. La dernière prorogation est ainsi intervenue en janvier 2006, avec une échéance au 31 décembre 2010.

On rappellera que les services concernés sont mentionnés à l’annexe IV de la directive, à savoir :

1) les petits services de réparation : bicyclettes ; chaussures et articles en cuir; vêtements et linge de maison (y compris les travaux de réparation et de modification) ;

2) la rénovation et la réparation de logements privés, à l'exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni ;

3) le lavage de vitres et nettoyage de logements privés ;

4) les services de soins à domicile tels que l'aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées ;

5) la coiffure.

La pérennisation de ce dispositif, qui a fait ses preuves, s’impose.

Pour ce qui concerne le plus important des secteurs concernés, celui du bâtiment, la Fédération de l`Industrie Européenne de la Construction (FIEC) estime que l’application du taux réduit de TVA pour la rénovation et l’entretien des bâtiments en Belgique, Espagne, France, Italie et Portugal a été à l’origine de quelque 170 000 emplois supplémentaires permanents.

Selon ses simulations, si chacun des 15 Etats membres les plus anciens décidait d’appliquer un taux de TVA de 6 % à ces travaux, le nombre d’emplois supplémentaires serait de 240 000 à 270 000, sans même évoquer les effets bénéfiques en aval et en amont de la filière et l’avantage de la réduction du niveau du travail dissimulé.

En outre, le 6 octobre dernier, le président de la FIEC, M. Dirck Cordeel a estimé que le non-renouvellement de la mesure, qui n’est encore que temporaire, menacerait 250 000 emplois.

Pour ce qui concerne plus précisément la France, la CAPEB estime que le nombre des emplois créés s’établit à 53 000 (+ 7 % d’activité sur le segment concerné) et que le passage à un taux normal entraînerait la perte de 66 000 emplois, en raison de l’augmentation des prix et d’un retour du travail dissimulé.

Elle estime aussi que le bilan est positif pour les finances publiques, les recettes nouvelles étant supérieures à la dépense fiscale, d’environ 500 millions d’euros par an.

La Commission européenne propose d’inclure la liste des prestations de services dans l’annexe III des biens et services éligibles au taux réduit.

Pour être exhaustif, il ne s’agit cependant pas d’une simple pérennisation du dispositif existant, car quelques extensions sont prévues :

– d’une part, la limitation à deux voire trois catégories sur les cinq concernées n’a plus lieu d’être, puisqu’il ne s’agit plus d’un dispositif « expérimental » ;

– d’autre part, l’ensemble des services de réparation des biens meubles serait concerné, à l’exception des moyens de transport autres que les vélos et les tricycles, et non plus les seuls articles précités : bicyclettes, chaussures, articles de cuir, vêtements et linge de maison ;

– d’autre part, s’agissant du logement, les opérations de transformations seraient dorénavant éligibles, ainsi que les opérations portant sur les lieux de culte, le patrimoine culturel et les monuments historiques.

Cette dernière extension peut faire débat, mais elle est cohérente avec la proposition de la Commission de faire basculer la majeure partie du secteur du bâtiment, notamment l’ensemble de la construction de logements, qui représente la moitié de son activité, dans la liste de l’annexe III.

2) La mention de l’ensemble de la construction et non plus du seul logement social, dans la liste des biens et services éligibles à taux réduits

En matière de logement, la Commission ne s’est pas limitée à proposer la pérennisation du dispositif propre aux SFIMO.

Elle propose en fait d’inclure la moitié du secteur du bâtiment dans les catégories de biens et services éligibles au taux réduit, et avec l’ensemble de la construction de logements.

En effet, l’actuelle catégorie 10 de l’annexe III de la directive 2006/112/CE réserve actuellement l’application du taux réduit de TVA au seul logement social. Sont visées de manière très précise la livraison, la construction, la rénovation et la transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale.

Cette disposition n’est cependant pas appliquée d’une manière homogène par les Etats membres. Dans son étude d’impact, la Commission européenne relève que chaque Etat membre en a sa propre approche.

En outre, plusieurs Etats membres, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, la Pologne, le Portugal, la Slovénie et la République tchèque, bénéficient de dérogations permettant l’application d’un taux réduit ou du taux zéro à certains éléments de la construction autre que sociale. Certaines d’entre elles expirent à la fin de l’année 2010.

Aussi la Commission européenne propose-t-elle la solution juridiquement la plus simple.

Ce n’est pas la plus facile sur le plan budgétaire, car elle concerne environ 3,5 % de la valeur ajoutée communautaire.

3) L’inclusion de la restauration, à l’exception des boissons alcooliques, dans la liste des prestations de services éligibles au taux réduit pour rétablir une égalité entre Etats membres

La Commission européenne propose d’inclure dans la liste des prestations de services éligibles au taux réduit les services de restaurants et de restauration, conformément à la conclusion de sa communication de 2007 suivant laquelle cette insertion ne présente pas de risque pour le bon fonctionnement du marché intérieur et aux conclusions de l’étude économique précitée de Copenhagen Economics.

La flexibilité peut donc jouer.

En outre, pour la Commission européenne, il s’agit d’assurer l’égalité entre les Etats membres, puisque, comme on l’a vu, 11 sur 27 bénéficient d’un régime dérogatoire en la matière.

L’enjeu économique est important. Les restaurants (avec les cafés) représentent 6,1 % de la consommation de Etats membres (hors la Roumanie et la Bulgarie) et 1,9 % de la valeur ajoutée.

Avec l’hôtellerie, la branche représente 4,4 % de l’emploi total de l’ensemble des Vingt-sept et le poids de la restauration avec les cafés et traiteurs est estimé à 3,3 %.

La suggestion de la Commission comporte cependant une restriction, puisque les boissons alcooliques seraient exclues du champ du taux réduit.

Celle-ci appelle deux observations :

– elle est cohérente avec la politique de l’Union qui vise, par le biais des accises notamment, à maintenir un régime de fiscalité plus élevé sur les boissons alcooliques que sur les autres produits, pour des motifs de santé publique ;

– elle est conforme à ce que font déjà la plus grande partie des Etats membres qui appliquent un taux réduit à la restauration. Sur les onze Etats membres concernés, seuls quatre d’entre eux appliquent un taux réduit aux boissons alcoolisées : l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et le Portugal. A défaut d’adaptation du dispositif général ou les concernant, sur ce point, ces quatre Etats membres devront augmenter la TVA sur les boissons alcooliques servies dans les restaurants. Néanmoins, une telle hypothèse n’est pas des plus probables, compte tenu des ressources du droit communautaire pour laisser aux Etats membres libre choix sur des éléments de ce type.

4) Une même application du principe de flexibilité aux autres prestations de services délivrées localement

L’étude économique de Copenhagen Economics ayant validé cette hypothèse, la Commission européenne propose d’inclure les services délivrés localement dans la liste des biens et prestations de services de l’annexe III éligibles au taux réduit.

Sur le plan juridique, deux hypothèses étaient envisageables :

– soit l’inscription du principe de l’assujettissement de ces prestations au taux réduit, de manière que les Etats membres puissent faire jouer, de manière incontestable, dans un cadre juridique sécurisé, la subsidiarité ;

– soit une liste de services, procédure qui offre une flexibilité accrue, mais néanmoins encadrée, pour les Etats membres.

La Commission européenne a préféré la seconde hypothèse. C’est d’un point de vue juridique la solution la plus sécurisante, pour un système clair, coordonné et encadré.

Elle propose ainsi que soient éligibles aux taux réduit :

– les prestations de jardinage et d’aménagement paysager, ainsi que l’entretien des jardins ;

– les soins personnels du type de ceux fournis dans les établissements d’esthétique corporelle.

5) Quelques adaptations techniques d’ampleur variable dans la liste des biens et services déjà éligibles au taux réduit

La Commission européenne propose, enfin, de procéder à plusieurs adaptations qu’elle présente comme des « adaptations techniques rédactionnelles ».

Celles-ci ont cependant des teneurs différentes.

Certaines concernent le fond et permettent l’extension du taux réduit à des produits ou services qui n’étaient pas jusque-là concernés.

Elles appellent un bref commentaire.

Pour ce qui concerne les réseaux de gaz, d’électricité et de chaleur, qui sont hors liste, la Commission propose d’adapter la rédaction de manière à mettre la rédaction de la directive en conformité avec la technique, les réseaux de chaleur étant parfois et également des réseaux de réfrigération.

S’agissant de la catégorie 3 de l’annexe III, qui regroupe les produits pharmaceutiques et assimilés, la Commission propose d’étendre le taux réduit aux langes pour bébés, et de ne plus seulement le réserver à la protection féminine.

Pour ce qui concerne la catégorie 4 (équipements) pour personnes handicapées, il s’agit également d’une adaptation technique de manière à couvrir les véhicules et les appareils électriques et électroniques tels que les claviers informatiques en braille, spécialement conçus pour les handicapés.

Sur la catégorie 6 (livres), qui ne couvre actuellement que les livres sur support papier, la Commission propose tout autant une adaptation au progrès technique de manière à couvrir les livres audio enregistrés sur CD et cédéroms ou tout support similaires. Il s’agit, en effet, du même contenu.

Concernant la catégorie 18 (nettoyage des voies publiques et traitement des déchets notamment), l’objectif est d’élargir la rédaction de manière à inclure les services d’égouttage et de recyclage des déchets (et non plus seulement de traitement des déchets) dans le champ du taux réduit.

6) Une application prévue au 1er janvier 2011

Pour la date d’application de ses propositions, la Commission propose le 1er janvier 2011.

C’est par coordination avec la date d’échéance, le 31 décembre 2010, de l’application du taux réduit aux SFIMO et des dérogations temporaires en faveur des douze Etats membres qui ont adhéré à l’Union européenne depuis 2004.

Ce choix n’est donc pas contestable.

C. L’opportunité d’une adoption rapide de la proposition de la Commission européenne

1) Une avancée certaine qui donne satisfaction à la France sur ses demandes prioritaires

Dans l’ensemble, la proposition de directive représente pour la France une avancée certaine :

– elle tient compte des principes de flexibilité et d’équité entre les Etats membres ;

– elle applique le principe de flexibilité aux prestations de services délivrés localement, ce qui va dans le sens d’une demande ancienne de la France,

– elle donne satisfaction à notre pays sur deux de ses priorités, à savoir :

• la pérennisation de l’application du taux réduit de TVA aux SFIMO, notamment aux travaux d’entretien du bâtiment et aux services à la personne ;

• l’inscription de la restauration dans la liste des biens et services éligibles à l’annexe III de la directive 2006/112/CE.

2) Une proposition réaliste aux enjeux déjà largement débattus, notamment sur la restauration

Ainsi que l’indique l’exposé des motifs de la proposition de directive, et comme l’a confirmé au rapporteur le Commissaire à la fiscalité et à l’union douanière, M. Laszlo Kovacs, la Commission européenne a volontairement limité l’ampleur et le champ de sa proposition de directive.

Cette concentration sur des questions très concrètes sériées et urgentes est opportune.

L’expérience de la précédente proposition de directive, de juillet 2003, a montré que toute proposition de restructuration de la TVA plus ambitieuse était vouée à l’échec.

Ce pragmatisme d’une démarche reposant sur des étapes d’ampleur limitée est d’autant plus adapté que la fiscalité est l’un des domaines ou le traité prévoit l’unanimité des Etats membres.

En outre, aucune des questions que soulève la proposition n’est nouvelle.

Elles font l’objet depuis plus de cinq ans de débats à propos de la proposition de 2003, notamment sur la restauration.

Ceux-ci ont été enrichis et éclairés par l’étude de Copenhagen economics.

La Commission a également fait une étude complémentaire en synthétisant les réponses des Etats membres à un questionnaire sur le coût budgétaire d’un point de TVA et en rappelant l’intérêt de la mesure.

En outre, lors des Conseils « Ecofin » de septembre et d’octobre, la présidence française n’a pas manqué de procéder à un débat général avant de passer le mois prochain à l’examen au fond de la directive.

3) Une date d’application qui évite la contrainte des enjeux budgétaires immédiats, notamment sur la question de la restauration et de la construction neuve

Comme on l’a vu, la date d’application prévue pour la proposition de directive est le 1er janvier 2011.

Au-delà des considérations techniques qui la justifient, cette date présente l’avantage de reporter à une date suffisamment éloignée la question d’un éventuel arbitrage budgétaire et par conséquent l’un des arguments essentiels qui peuvent être opposés aux mesures proposées.

L’enjeu financier est, en effet, de taille pour la restauration et pour la construction neuve.

S’agissant du premier secteur, les résultats des simulations remises par les Etats membres à la Commission européenne sont clairs. La diminution d’un point du niveau de la TVA représente une charge de 231 millions d’euros en France, 28 millions en Allemagne et 389 millions en Italie.

Pour le second, l’impact serait de 237 millions d’euros en France et de 187 millions d’euros par point de TVA en moins.

C’est pour la France le reflet d’une conception fiscale, plus étroite que dans d’autres Etats membres, du logement social.

Cette simulation présente l’avantage de permettre d’évaluer toutes les hypothèses envisageables : l’application du taux réduit unique actuellement pratiqué par les Etats membres concernés ; la création, comme le permet la directive 2006/112/CE, d’un deuxième taux réduit de TVA, plus élevé, qui permettrait aux Etats membres les plus réticents ou budgétairement les plus contraints de trouver une solution intermédiaire.

4) L’opportunité d’une adoption rapide qui permettrait de passer à d’autres débats de fond sur la TVA

La Commission européenne indique clairement dans son exposé des motifs que la proposition de directive représente une étape qui n’épuise pas les débats sur la TVA, notamment sur une éventuelle restructuration en profondeur des taux.

Pour ce qui concerne la France, ce pragmatisme présente l’avantage de permettre d’envisager d’ores et déjà le débat sur la TVA à un taux réduit pour les produits protecteurs de l’environnement.

La TVA environnementale est d’ailleurs une préoccupation partagée par le Royaume-Uni, pour un régime de faveur pour les produits « verts » et répond à la demande du Conseil européen de mars 2008.

Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître que le mécanisme de la TVA lui-même qui repose sur la collecte à chaque stade du réseau de production et de distribution est mis en cause par certains Etats membres. L’Allemagne et l’Autriche souhaiteraient, en effet, la généralisation du mécanisme de l’auto-liquidation, actuellement utilisé comme mécanisme de lutte contre la fraude, à titre dérogatoire, par certains Etats membres et uniquement pour certains secteurs.

5) Une négociation encore difficile en raison des réticences de certains Etats membres et qui invite par conséquent le Parlement à manifester dès maintenant son soutien au Gouvernement

Bien que les débats soient restés très généraux, l’opposition de certains Etats membres à l’extension des taux réduits proposée par la Commission européenne s’est déjà manifestée.

C’est notamment le cas de l’Allemagne.

La mesure est mise en cause en raison du déséquilibre entre les risques budgétaires qu’elle fait encourir aux Etats membres, dont les autorités financières sont soumises à des pressions pour baisser l’impôt, et son impact sur l’emploi et la réduction du travail clandestin, est estimé marginal.

L’argument esquissé par Copenhagen Economics selon lequel une politique d’aides directes, de subventions peut être plus efficace est également avancé.

Enfin, est pointée une contradiction avec la stratégie de Lisbonne.

Il n’appartient pas à la Commission chargée des affaires européennes de déterminer ce qui dans ces oppositions relève de la stratégie de négociation, des impératifs liés au débat de politique interne de chacun des Etats membres ou des convictions les plus profondes.

En revanche, il lui incombe, dans de telles circonstances, d’affirmer d’ores et déjà son soutien au Gouvernement, en vue d’une décision rapide qui permette à la France d’avoir notamment satisfaction sur deux de ses plus anciennes priorités : la pérennisation de l’éligibilité des SFIMO au taux réduit de TVA par son inscription à l’annexe III de la directive TVA 2006/112/CE, de même que l’inscription de la restauration dans cette même liste.

Les circonstances, difficiles, dans lesquelles, hors délai, en janvier 2006, la prorogation pour 4 ans du régime des SFIMO a été obtenue après plus de 2 ans de débats l’y invitent clairement.

6) La proposition de compromis de la présidence française

Dans la perspective de l’Ecofin du 4 novembre, la présidence française a élaboré une proposition de compromis qui, bien qu’évoquée par la presse depuis quelques jours, n’a été transmise au rapporteur que juste avant la réunion de la Commission.

Celle-ci vise pour l’essentiel à permettre aux Etats membres de cibler l’application du taux réduit aux prestations de services, sur les seuls opérations ou matériaux les concernant qui ont un impact environnemental favorable ou une meilleure performance énergétique.

Cette approche, sans épuiser pour autant le débat sur la TVA « verte », rejoint les préoccupations exprimées tant dans le cadre du Grenelle de l’environnement que par la Commission européenne ou d’autres Etats membres tels que le Royaume-Uni.

Elle doit être soutenue.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 29 octobre 2008, sous la présidence de M. Daniel Garrigue, Vice-président et rapporteur, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Jérôme Lambert. Les éclairages apportés par le rapporteur sur une matière complexe sont bienvenus. Je souscris à ses conclusions, en rappelant que ce fut le Gouvernement de Lionel Jospin qui est à l’origine de la demande d’un taux réduit sur les services à forte intensité de main-d’œuvre, en particulier les travaux de réparation et de rénovation des logements privés. La directive permettrait, en effet, de se saisir enfin de ce « serpent de mer » qu’est l’application des taux réduits à la restauration. Cependant, n’y a-t-il pas une contradiction dans la proposition de conclusions entre la volonté de « donner plus de flexibilité aux Etats membres » pour appliquer les taux réduits et l’ambition « de ne pas les placer dans des situations inégales » ?

Le rapporteur. L’objet même de la directive, en rationalisant des régimes aujourd’hui disparates, est d’introduire de « l’égalité dans la flexibilité » en faisant que les Etats membres puissent librement choisir à partir d’options ouvertes, dans les mêmes conditions, à tous.

M. Gérard Voisin. Voila le résultat d’une longue quête ! Car on ne rappellera jamais assez l’absurdité de la situation actuelle qui fait une différence, dans les faits souvent artificielle, entre la restauration rapide, qui bénéficie d’un taux de TVA avantageux, et la restauration « normale », qui souffre d’une taxation excessive. Cependant, rien ne semble encore acquis. L’Allemagne et l’Autriche, longtemps hostiles à l’élargissement des taux réduits, ont-elles évolué et disposent-elles elles-mêmes de taux réduits sur ces mêmes services de restauration, sur place ou à emporter ? Par ailleurs, l’horizon de 2011 pour l’entrée en vigueur de la directive est bien lointain.

Le rapporteur. S’il est vrai que certains partenaires demeurent peu convaincus, il faut pourtant relever que l’Allemagne a mis en place des taux réduits dans certains secteurs, notamment la vente à emporter, comme en France, et que l’Autriche a bénéficié de la faculté d’appliquer un taux réduit à la restauration. Si les réticences sont compréhensibles, en particulier au regard du coût budgétaire de telles mesures, elles devraient être levées par deux éléments décisifs : l’application du taux réduit est une faculté, et non une obligation pour chaque Etat membre ; la proposition de directive ménage une possibilité de deux taux réduits différents, permettant ainsi d’en lisser l’impact sur les finances publiques.

M. Jérôme Lambert. Outre la question du coût spectaculaire de ce type de mesure sur des finances publiques françaises bien fragiles, il importe de veiller à ce que cette réduction d’impôt profite bien aux consommateurs et ne disparaisse pas exclusivement dans les marges des restaurateurs.

M. Jean-Claude Fruteau. Cette proposition arrive, en effet, à un moment surréaliste. Certes, l’abaissement des taux de TVA sur la restauration est une vieille promesse politique. Mais les contraintes propres de l’agenda communautaire font réapparaître cette question à un moment où nos finances publiques sont extraordinairement vulnérables. Des études sérieuses ont-elles d’ailleurs été menées afin d’apprécier avec précision l’incidence économique et budgétaire de l’application des taux réduits ?

Le rapporteur. Il est vrai que la lenteur des procédures décisionnelles européennes aboutit parfois à des calendriers surprenants. Cependant, il faut insister sur les aménagements prévus par la proposition de directive. Son entrée en vigueur n’interviendrait qu’en 2011. Elle n’offre qu’une faculté d’abaissement des taux, et non une obligation, et selon le calendrier que les Etats membres souhaiteront retenir. La possibilité d’appliquer deux taux réduits différents permettra éventuellement d’étendre dans le temps la montée en puissance du dispositif et, partant, son coût. C’est un élément dans la négociation avec nos partenaires qui craignent de subir des pressions. Quant à l’incidence économique, il y a trois bénéficiaires potentiels de la mesure, les consommateurs, les restaurateurs eux-mêmes et leurs salariés, aspect important lorsqu’on se rappelle que le secteur souffre aujourd’hui d’une attractivité, notamment salariale, très perfectible. La répartition des gains est un élément de discussion pour les modalités de mise en œuvre future de la mesure.

M. Gérard Voisin. Pour ma part, je ne souhaite pas que le rapporteur suive les propositions de notre collègue car, au-delà de la question des promesses électorales, il s’agit d’une mesure attendue et qui aura des effets concrets : elle induira une meilleure santé tant des établissements de restauration que des établissements hôteliers. Et l’on sait bien que le tourisme constitue un gisement d’emplois considérable. Pour qui s’intéresse à la vie économique de ce secteur, il est certain que celui-ci ne permet pas de s’enrichir en France (la situation étant différente à l’étranger). Si aucune aide n’est attribuée, alors la situation peut devenir catastrophique car, lorsque les restaurants ferment, les hôtels arrêtent également leur activité. Il manque encore très certainement, en France, un vrai plan pour faire progresser cette industrie première et la baisse de la TVA constitue une occasion inespérée de la sauver.

M. Robert Lecou. Il me semble que, face à la crise, il faille faire en sorte que les créateurs de richesses ne soient pas pénalisés. Les entreprises du secteur connaissent de grandes difficultés et il est nécessaire de les accompagner afin de soutenir l’activité. La marge dégagée par la baisse de la TVA n’irait pas uniquement aux restaurateurs mais permettrait à la fois une augmentation des salaires et une création de richesses. Faisons confiance aux entrepreneurs.

M. Jean-Claude Fruteau. Je souhaite préciser que je suis d’accord avec les conclusions du rapporteur et que je ne suis pas opposé à la mesure. Pour autant, il est nécessaire d’être vigilant et de s’assurer que les suites qui seront données correspondent bien à ce que nous attendons. Peut-être un accord ou un protocole pourrait-il être signé avec les professionnels.

Le rapporteur. Je souhaite rappeler que tous les candidats à l’élection présidentielle ont pris un engagement fort en faveur de cette mesure et que celle-ci aura un impact réel sur ce secteur d’activité. Il faut également nous donner les moyens d’un vrai dialogue avec les Allemands sur ce sujet et, comme le suggère M. Gérard Voisin, les débats avec le Bundestag qui avaient eu lieu il y a quelques années pourraient reprendre. »

La Commission a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION


La Commission chargée des affaires européennes,

– Vu l'article 88-4 de la Constitution,

– Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de la taxe sur la valeur ajoutée [COM (2008) 428 final/E 3915],

– Vu la communication de la Commission européenne du 5 juillet 2007 relative aux taux de TVA autres que le taux de TVA normal [COM (2007) 380], notamment son annexe III,

– Vu l’étude de l’Institut Copenhagen Economics sur les taux réduits de TVA appliqués aux biens et services dans les Etats membres de l’Union européenne,

Considérant qu’il est opportun de donner plus de flexibilité aux Etats membres pour appliquer, s’ils l’estiment nécessaire, un taux réduit de la TVA aux prestations de services délivrées localement, dès lors que le bon fonctionnement du marché intérieur n’est pas altéré,

Considérant que les Etats membres doivent être placés dans des situations égales au regard des règles d’éligibilité des biens et services à un taux réduit de la TVA,

Considérant également qu’il y a lieu de pérenniser la taxation à taux réduit des services à forte intensité de main d’
œuvre, dès lors que leur mise en œuvre depuis presque 9 ans a montré son efficacité,

1. Se félicite de la perspective d’une inclusion des prestations de services fournies localement, notamment de la restauration, dans la liste des biens et services figurant à l’annexe III précitée ;

2. Considère également indispensable la pérennisation de la faculté pour les Etats membres de taxer à un taux réduit de TVA les services à forte intensité de main-d’
œuvre ;

3. Se déclare favorable à l’inclusion de critères environnementaux et d’économies d’énergie dans le champ d’application de la TVA à taux réduit.

ANNEXE :
Liste des taux de TVA appliqués dans les Etats membres

Etats membres

Sigles

Taux super réduit

Taux réduit

Taux normal

Taux parking

Belgique

BE

-

6 / 12

21

12

Bulgarie

BG

 

7

20

 

République tchèque

CZ

-

9

19

 

Danemark

DK

-

-

25

-

Allemagne

DE

-

7

19

-

Estonie

EE

-

5

18

 

Grèce

EL

4,5

9

19

-

Espagne

ES

4

7

16

-

France

FR

2,1

5,5

19,6

-

Irlande

IE

4,8

13,5

21

13,5

Italie

IT

4

10

20

 

Chypre

CY

-

5 / 8

15

-

Lettonie

LV

-

5

18

-

Lituanie

LT

-

5 / 9

18

-

Luxembourg

LU

3

6 / 12

15

12

Hongrie

HU

-

5

20

-

Malte

MT

-

5

18

-

Pays-Bas

NL

-

6

19

-

Autriche

AT

-

10

20

12

Pologne

PL

3

7

22

-

Portugal

PT

-

5 / 12

20

12

Roumanie

RO

 

9

19

 

Slovénie

SI

-

8,5

20

-

République slovaque

SK

-

10

19

-

Finlande

FI

-

8 / 17

22

-

Suède

SE

-

6 / 12

25

-

Royaume-Uni

UK

-

5

17,5

-

NB. Les cas d’exonération avec droit à remboursement (taux 0) ne sont pas repris ci-dessus

Source : Commission européenne.

1 () Le régime actuel de la TVA est dit « transitoire », car il maintient les frontières fiscales entre les Etats membres, alors que la pleine réalisation du marché intérieur exige leur suppression et la taxation dans le pays d’origine et non plus dans l’Etat membre de consommation.

Sa principale caractéristique est le mécanisme des opérations intracommunautaires fondé sur l’exonération des livraisons dans un autre Etat membre et, réciproquement, la taxation des acquisitions provenant d’un autre pays.

2 () Le régime actuel de la TVA est dit « transitoire », car il maintient les frontières fiscales entre les Etats membres, alors que la pleine réalisation du marché intérieur exige leur suppression et la taxation dans le pays d’origine et non plus dans l’Etat membre de consommation.

Sa principale caractéristique est le mécanisme des opérations intracommunautaires fondé sur l’exonération des livraisons dans un autre Etat membre et, réciproquement, la taxation des acquisitions provenant d’un autre pays.