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N° 1834

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne
et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore
et les juridictions non coopératives
(documents E 4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Elisabeth GUIGOU et M. Daniel GARRIGUE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Daniel Garrigue, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Mme Marylise Lebranchu, MM. Robert Lecou, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Christian Paul, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 11

PREMIERE PARTIE : LES MARCHÉS MONETAIRES ET FINANCIERS INTERNATIONAUX SONT INDISPENSABLES, MAIS COMPORTENT DE VERITABLES « TROUS NOIRS », DANGEREUX POUR L’ECONOMIE MONDIALE 19

I. DES MARCHÉS INDISPENSABLES MAIS DEVENUS DÉMESURÉS ET DANGEREUSEMENT COMPLEXES : 19

A. DEUX ILLUSTRATIONS DE LA FORMIDABLE – ET DANGEREUSE – COMPLEXITÉ DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL : LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LES FONDS SPÉCULATIFS 19

1. Le développement des produits dérivés 19

2. Les fonds spéculatifs ou fonds « de couverture » (hedge funds) 21

B. L’HYPERTROPHIE DE LA SPHÈRE FINANCIÈRE PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE 24

C. LA MULTIPLICATION, À CÔTÉ DES MARCHÉS RÉGULÉS, DE NOUVEAUX MARCHÉS FRAGMENTÉS, OPAQUES ET INORGANISÉS 26

II. LE DÉVELOPPEMENT HORS CONTRÔLE DES PARADIS FISCAUX ET D’IMMENSES ZONES OPAQUES, VÉRITABLES « TROUS NOIRS » DE LA FINANCE 29

A. UN STOCK DE CAPITAUX DU MÊME ORDRE DE GRANDEUR QUE LE PIB DE L’UNION EUROPÉENNE 29

1. Le captage d’une part significative des capitaux mondiaux 29

2. Des centres financiers hypertrophiés dans lesquels sont présentes toutes les grandes banques 34

3. Des places de transit importantes, sans rapport avec l’économie réelle, pour les investissements étrangers directs 36

4. Une capacité d’expansion potentiellement sans fin 39

B. TROIS PRINCIPAUX MOTIFS DE LOCALISATION D’AMPLEUR VARIABLE : ÉCHAPPER À L’IMPÔT ; BLANCHIR ET PROTÉGER L’ARGENT DU CRIME ET DE LA DÉLINQUANCE ; PROFITER DE RÈGLEMENTATIONS FINANCIÈRES MOINS EXIGEANTES 39

1. Les deux instruments communs : le secret bancaire et les structures écrans non transparentes garantissant l’anonymat, notamment les trusts 39

a) Le secret bancaire vis-à-vis des autorités publiques 39

b) Les trusts et autres entités écrans 40

2. Le motif classique : la fraude ou l’évasion fiscales 41

3. Le motif financier : l’exemple des Iles Caïmans sur la localisation, hors d’une régulation et supervision trop contraignantes, d’instruments financiers de spéculation de plus en plus sophistiqués, conçus ailleurs, à Londres, à New York ou en Suisse 43

4. Le motif pénal : le blanchiment de l’argent du crime, de la corruption et des escroqueries financières 47

5. Le cas des abus de marché 50

C. DES ETATS ET TERRITOIRES PRÉSENTS SUR TOUS LES CONTINENTS, NOTAMMENT EN EUROPE, ET NON SEULEMENT DANS LES ÎLES TROPICALES 50

1. Trois foyers d’implantation principaux : en Europe, à la fois dans l’Union européenne et en dehors d’elle, aux Caraïbes et en Asie 50

a) La situation 50

b) La spécificité de l’Europe avec des Etats membres de l’Union européenne, des territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Etats non membres de l’Union européenne 51

2. Le cas particulier des grands centres d’ingénierie financière anglo-saxons, notamment de Londres 52

3. La situation de certains Etats fédérés des Etats-Unis 53

4. Le cas de certains territoires de la République 54

5. Une prépondérance de la Suisse sur le plan mondial 54

6. Une logique de proximité 54

D. UNE SITUATION FAVORISÉE PAR LE COMPORTEMENT DES PRINCIPAUX ACTEURS 57

1. Les Etats et territoires concernés : des transparences à géométrie variable qui offrent des échappatoires dans l’articulation entre le fiscal et le pénal 57

2. Le manque de continuité des actions internationales entreprises à la fin des années 1990, faute de volonté politique 60

3. L’utilisation des paradis fiscaux au nom de certains intérêts d’Etat : les exemples des « Foreign sales corporations » américaines et des sociétés écrans de la RDA 64

4. L’ambivalence des banques 64

E. LA LÉGITIMITÉ D’UNE ÉLIMINATION RAPIDE DES PRATIQUES DES PARADIS FISCAUX, PARADIS BANCAIRES ET PARADIS JUDICIAIRES 66

1. Un facteur de risques multiples 66

a) Un risque financier et prudentiel majeur que l’économie mondiale ne peut se permettre une deuxième fois 66

b) Un risque permanent d’utilisation pour le blanchiment et la criminalité financière 67

c) Un risque d’autant moins tolérable de pertes fiscales que le niveau maximum de prélèvement sur les plus aisés a baissé et que les dettes publiques explosent en raison notamment des aides qu’il a récemment fallu verser au secteur financier 68

2. Une incitation permanente à la déréglementation 69

3. Un frein au développement et une aide au pillage des ressources de certains pays du tiers monde, notamment par les manipulations des prix de transfert et la corruption qu’elles alimentent 70

4. Des arguments de compétence et de savoir faire locaux qui ne justifient en rien le secret bancaire 72

DEUXIEME PARTIE : LE G20 ENTRE VOLONTÉ AFFICHÉE ET RISQUE DE RECHUTE 73

I. LA VOLONTÉ AFFICHÉE DU G20 75

A. LES DÉCISIONS DU G20 DE LONDRES (2 AVRIL 2009) 75

B. LA PRÉPARATION DU G20 DE PITTSBURGH (24-25 SEPTEMBRE 2009) 78

II. LA RÉACTIVATION DES TROIS ORGANISATIONS INTERNATIONALES CONCERNÉES 79

A. LA LISTE FISCALE PUBLIÉE PAR L’OCDE LE 2 AVRIL 2009 79

1. Une liste renouvelée et une procédure qui met l’accent sur la mise en œuvre effective des normes internationales de coopération fiscale, et non plus sur la seule intention 79

2. Des résultats dans l’immédiat 83

3. Un suivi réactivé 84

B. LES TRAVAUX DU GAFI SONT FONDÉS SUR LA PRESSION PAR LES PAIRS : DANS L’ATTENTE D’UNE NOUVELLE LISTE DE PAYS NON COOPÉRATIFS 84

C. LE FORUM DE STABILITÉ FINANCIÈRE (FSF), ET SON SUCCESSEUR, LE CONSEIL DE STABILITÉ FINANCIÈRE (CSF) 88

III. LA RÉACTION DES ETATS-UNIS 91

A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE CLAIREMENT AFFICHÉE DE LONGUE DATE PAR CERTAINS MEMBRES DU CONGRÈS 91

1. Les travaux de la sous-commission permanente d’enquête du Sénat américain, présidée par M. Carl Levin, sénateur du Michigan 91

2. Un deuxième dépôt en mars 2009 du Stop Tax Haven Abuse Act 92

B. UNE ADMINISTRATION OBAMA QUI MONTRE PLUS D’ALLANT QUE SON PRÉDÉCESSEUR 92

1. Les réformes annoncées par l’Administration Obama en matière de régulation et de supervision financières 92

a) Les grands axes de réforme, annoncés en mars 2009 92

b) Le contenu de la réforme, présenté en juin 2009 94

2. Le discours du Président Obama relatif aux paradis fiscaux 96

C. LES RÉSISTANCES À WALL STREET ET AU CONGRÈS 97

IV. LES PROFONDES AMBIGUITES DE L’UNION EUROPEENNE 99

A. UNE ACTION DISPERSÉE FAUTE DE COORDINATION 99

B. LES ATERMOIEMENTS DE LA DIRECTIVE « ÉPARGNE » : UNE ILLUSTRATION DE L’EXTRÊME LENTEUR DE L’HARMONISATION FISCALE POUR LES IMPÔTS DIRECTS 100

1. La directive « épargne » de 2003 : un texte important mais incomplet adopté 15 ans après les premières initiatives sur les revenus de l’épargne 101

a) D’Evian à Santa Maria de Feira : plus d’une décennie d’attente pour un accord politique sur la fiscalité de l’épargne 101

b) Des lacunes certaines même si elles n’ont pas fait obstacle à la perception de l’impôt sur des sommes jusque-là non imposées 104

c) Un bilan qui fait ressortir l’importance de la Suisse et du Luxembourg comme places financières et l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni comme pays de résidence des « clients » 104

2. Les lenteurs des travaux sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés 106

3. Des interventions communautaires très limitées sur la question des prix de transfert 109

C. L’EFFORT CONDUIT SUR LA SUPERVISION VA DANS LA BONNE DIRECTION, MAIS LA PROPOSITION DE RÉGLEMENTATION DES FONDS ALTERNATIFS EST INACCEPTABLE EN L’ÉTAT 110

a) L’effort conduit sur la supervision marque certes une étape, mais devrait être prolongé 110

(1) La crise financière a représenté un constat d’échec pour le système de supervision existant 110

(2) Les recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. de Larosière en matière de supervision financière 112

(3) Le Conseil européen a approuvé le principe de la création d’un Comité européen du risque systémique et d’un Système européen de surveillance financière 116

b) Le « cheval de Troie » de la proposition relative aux gestionnaires de fonds alternatifs 119

(1) Les travaux du Parlement européen 119

(2) Les décisions du G20 relatives aux « hedge funds » 120

(3) La proposition de directive relative aux gestionnaires de fonds alternatifs 121

(4) Une proposition très controversée, inacceptable en l’état 123

c) L’état des travaux européens sur les produits dérivés et sur la question des chambres de compensation pour les marchés de gré à gré 128

d) De nombreux autres chantiers législatifs vont être lancés au niveau communautaire dans le domaine des services financiers au cours des prochains mois 133

(1) Vers une révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers ? 133

(2) Les autres initiatives annoncées par la Commission européenne 135

D. LES FAIBLESSES CONSTITUTIVES DU TROISIÈME PILIER 136

1. Les conventions internationales dressent le cadre général de la lutte contre le blanchiment et la délinquance financière 136

2. L’Union européenne a adopté en 2005 la troisième directive contre le blanchiment dont la transposition a pris beaucoup de retard 139

3. Mais, en l’état actuel des traités, la coopération judiciaire pénale au sein de l’Union demeure régie par l’unanimité et marquée par un caractère intergouvernemental, ce qui entrave les progrès 140

4. La lutte contre la criminalité financière en France présente encore des faiblesses 143

TROISIÈME PARTIE : LES MESURES ANNONCÉES SONT POSITIVES, MAIS ENCORE LARGEMENT PERFECTIBLES, ET LA QUESTION MAJEURE RESTE CELLE DE LA VOLONTÉ POLITIQUE 151

I. IDENTIFIER CLAIREMENT LES PARADIS FISCAUX ET LES CENTRES FINANCIERS QUI LEUR SONT LIES, AINSI QUE LEURS PRATIQUES 151

A. ETABLIR POUR CHAQUE DOMAINE – ÉVASION FISCALE, DÉRÉGULATION FINANCIÈRE, BLANCHIMENT D’ARGENT – DES LISTES RÉGULIÈREMENT MISES À JOUR ET COORDONNÉES 151

B. VEILLER AU CARACTÈRE EXHAUSTIF DES LISTES POUR ÉVITER LE MAINTIEN DE « TROUS NOIRS » OU « ZONES GRISES » 152

C. INSTITUER DES SANCTIONS ET LES APPLIQUER 153

II. ETABLIR UNE TRANSPARENCE FISCALE SANS FRONTIÈRE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE COMME A L’ECHELLE INTERNATIONALE 155

A. GÉNÉRALISER LA CONCLUSION D’ACCORDS BILATÉRAUX DE TRANSPARENCE, MÊME SI CETTE SOLUTION NE CONSTITUE, POUR L’HEURE, QU’UN PIS ALLER 155

1. Un nombre important de conventions ou d’avenants récents 155

2. Une démarche de transparence d’autant plus indispensable que les contribuables disposent en parallèle de la faculté de s’adresser à une cellule de régularisation fiscale 156

3. La nécessité d’une réflexion sur l’articulation entre le droit pénal et le droit fiscal en France 158

B. A L’ÉCHELLE DE L’UNION EUROPÉENNE, FAIRE RAPIDEMENT PROGRESSER LES DIFFÉRENTES PROPOSITIONS DE DIRECTIVES PORTANT SUR LA COOPÉRATION FISCALE 160

1. Affirmer pour l’Union européenne un rôle leader en matière de lutte contre les paradis fiscaux et s’appuyer sur le rôle moteur du couple franco-allemand 160

2. Obtenir sur la révision de la directive « épargne » un accord politique sur un texte renforcé, prenant largement en compte l’avis du Parlement européen 161

3. Mettre rapidement fin au secret bancaire fiscal entre Etats membres et développer l’échange automatique de renseignements grâce à l’adoption de la proposition de directive « coopération administrative », et de la proposition « assistance mutuelle au recouvrement » 166

C. DÉCIDER, AU PROCHAIN G20, LE PRINCIPE DE L’ÉVALUATION MUTUELLE SUR L’APPLICATION DES CONVENTIONS MODÈLE OCDE D’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS ET SE DONNER DES ÉCHÉANCES POUR LE RENFORCEMENT DE LA NORME DE TRANSPARENCE 169

1. Obtenir du prochain G20 le principe de l’évaluation mutuelle par les pairs, suivant l’exemple du GAFI 169

2. Aller bien au-delà du nouveau critère des douze conventions fiscales 169

3. Se donner des échéances précises pour aller au-delà de l’échange d’informations sur demande 170

D. FIXER UNE NORME UNIVERSELLE FONDÉE SUR LA CENTRALISATION DANS CHAQUE ETAT DES BÉNÉFICIAIRES DES COMPTES BANCAIRES COMME DES SOCIÉTÉS, FONDATIONS, FIDUCIES OU TRUSTS 171

III. BÂTIR UNE SUPERVISION FORTE ET ETENDRE LE CHAMP DE LA REGULATION FINANCIERE AU NIVEAU EUROPÉEN ET MONDIAL 175

A. METTRE EN PLACE RAPIDEMENT LA NOUVELLE ARCHITECTURE EUROPÉENNE DE SUPERVISION, ET L’AMÉLIORER 175

1. Dans l’attente des propositions législatives nécessaires à la mise en place du nouveau système de surveillance macro- et micro-prudentielle 175

2. Lorsqu’il sera en place, ce nouveau système représentera un indiscutable progrès, mais il faut le considérer comme un étape et non comme un aboutissement 176

B. FAIRE PROGRESSER AVEC DÉTERMINATION L’EXTENSION DU CHAMP DE LA RÉGULATION ET L’AMÉLIORATION DU CORPUS LÉGISLATIF EUROPÉEN RELATIF AUX MARCHÉS, PRODUITS ET SERVICES FINANCIERS 177

C. NE PAS MENER TOUTES CES RÉFORMES AU SEUL NIVEAU EUROPÉEN, MAIS ENTRETENIR SIMULTANÉMENT UNE COOPÉRATION ÉTROITE AVEC LES AUTRES PARTENAIRES, NOTAMMENT AMÉRICAIN, AFIN D’OPÉRER UN INDISPENSABLE RAPPROCHEMENT 178

IV. DÉVELOPPER LA COOPÉRATION PÉNALE EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE 181

A. LA COOPÉRATION JUDICIAIRE PÉNALE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE 181

1. Développer de nouveaux outils 181

2. Les avancées du traité de Lisbonne 183

3. S’impliquer fortement dans la définition du programme de Stockholm 185

B. LA COOPÉRATION JUDICIAIRE PÉNALE INTERNATIONALE 186

V. AFFIRMER AU NIVEAU DU G20 COMME AU NIVEAU EUROPÉEN UNE VOLONTÉ POLITIQUE SANS FAILLE 189

A. LE RÔLE CLEF DU PROCHAIN G20 DE PITTSBURGH EN SEPTEMBRE 2009 189

B. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX AFFIRMER LA DÉTERMINATION EUROPÉENNE À L’OCCASION DU PROCHAIN RENOUVELLEMENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 190

CONCLUSION 193

TRAVAUX DE LA COMMISSION 195

PROPOSITION DE RESOLUTION 199

ANNEXES 205

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS ET REMERCIEMENTS 207

ANNEXE 2 : EXEMPLES DE PUBLICITÉ SUR LES OPÉRATIONS BANCAIRES ET LES CREATIONS D’ENTITES OFFSHORE EXTRAITS D’UN MAGAZINE ECONOMIQUE BRITANNIQUE DE REFERENCE 211

ANNEXE 3 : ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES 213

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Pourquoi y a-t-il encore des paradis fiscaux, des centres offshore opaques, des pays ou territoires non coopératifs en matière pénale, et plus généralement des zones d’ombre et des « trous noirs » dans l’économie et la finance mondiales ? Pourquoi y transite-t-il chaque année près de la moitié des transactions financières mondiales, soit une masse de quelque 10 000 milliards de dollars captés et recyclés ?

A cette question que tout citoyen se pose, aucune réponse convaincante ne peut être apportée. L’actuelle crise économique a une origine clairement financière : l’excès de spéculation sur les crédits subprime. Sa violence est telle que seule la crise de 1929 peut lui être comparée.

Les paradis fiscaux et centres offshore ont une responsabilité particulière en raison de leur rôle, direct ou indirect, dans la promotion des innovations financières de la dernière décennie et de leurs excès.

Le fait que l’élément déclencheur de la crise ait été la faillite de Lehman Brothers à New York et les défaillances du secteur réglementé de la finance américaine ne les exonèrent en rien de cette responsabilité. Les facteurs d’instabilité étaient là en tout état de cause.

C’est pourquoi les chefs d’Etat et de Gouvernement des principales puissances économiques, lors de la réunion du G20 à Londres, le 2 avril dernier, ont placé la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives au cœur des actions nécessaires au renforcement du système financier international.

Ils se sont ainsi déclarés prêts à mettre en œuvre des sanctions à leur encontre pour protéger les finances publiques et le système financier. Ils ont affirmé que l’ère du secret bancaire était révolue et ont salué la publication par l’OCDE d’une liste des pays qui, après évaluation, ne remplissent pas les critères internationaux au regard des normes internationales d’échange d’informations en matière fiscale. C’était éminemment nécessaire.

Contrairement aux arguments qu’ils avancent pour leur défense, les paradis fiscaux, centres offshore et autres juridictions non coopératives ne relèvent plus de la logique de refuge qui avait pu présider à leur première expansion, dans l’entre-deux-guerres, en raison des instabilités économiques, monétaires et politiques de l’époque. Ils sont au contraire le fruit d’une volonté stratégique délibérée des Etats concernés, comme des territoires dépendant d’une métropole, de se développer en implantant par tous moyens une activité financière. Leur nombre s’est accru depuis 1945 et leur expansion a été exponentielle à partir des années 1960. Selon certaines estimations, ils hébergent de d’ordre de
10.000 milliards de dollars de capitaux et représentent la moitié des transactions financières internationales.

Comment en est-on arrivé là ? Cette lutte contre les paradis fiscaux n’est pourtant pas la première tentative.

En 1989 déjà, le Sommet G7 de l’Arche avait créé le GAFI pour lutter contre le blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux. A la fin des années 1990, dans des circonstances voisines de crise économique et financière, avec notamment la crise mexicaine de 1994-1995, la crise asiatique de 1997 puis la crise russe de 1998, laquelle mettait en cause pour la première fois un fonds spéculatif, un hedge fund, le LTCM, la communauté internationale avait inscrit la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives à son agenda politique, au plus haut niveau. En 1996, le sommet du G7 à Lyon prévoit des actions en matière de coopération internationale pour la lutte contre les pratiques fiscales déloyales ainsi que contre la corruption et la criminalité financière. Ces orientations sont ensuite confirmées par les sommets de Denver en 1997, puis Birmingham en 1998 et Cologne en 1999. Simultanément, le Forum de Stabilité Financière (FSF) est créé en février 1999 à l’initiative des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G7, pour régler la question des nouveaux facteurs d’instabilité résultant de la mondialisation financière.

Cette volonté politique débouche sur la publication en 2000 de trois listes. Une liste fiscale établie par l’OCDE. Une liste financière et règlementaire établie par le Forum de stabilité financière récemment créé. Une liste relative au blanchiment établie par le Groupe d’action financière, le GAFI.

Chacune de ces trois listes correspond à l’un des griefs que l’on peut nourrir contre ces entités territoriales, Etats souverains ou territoires dépendant d’une métropole, qui garantissent non seulement un secret bancaire absolu, ou presque, mais permettent en outre de créer des structures écrans opaques, sociétés non résidentes ou offshore, trusts ou fondations, notamment, qui assurent l’anonymat de leurs bénéficiaires et des véritables détenteurs des capitaux dont elles sont les propriétaires apparents, les prête-noms.

Un grief fiscal : les paradis fiscaux attirent les capitaux grâce à une fiscalité nulle ou très faible et sont une incitation à la fraude et à l’évasion fiscale, ce qui érode les ressources publiques des autres pays. Un grief de sécurité financière : les centres offshore défendent ce qu’ils appellent leur compétitivité
– leur capacité à capter des capitaux – par une sous-réglementation chronique qui fait courir des risques financiers majeurs, y compris d’ordre systémique, à l’économie mondiale. Un grief d’ordre moral et pénal : les juridictions non coopératives sont un havre pour la grande délinquance financière et la criminalité internationales.

Mais, comme l’a remarqué M. Renaud van Ruymbeke, les paradis des uns sont l’enfer pour les autres : les Etats victimes et leurs citoyens, les magistrats, les autorités publiques.

Sur le fond, cette démarche s’inscrit dans une perspective plus globale, celle de la prise de conscience des excès, dans un contexte de libéralisation complète et généralisée des mouvements de capitaux, de la déréglementation financière mise en œuvre dans les années 1980 à partir des Etats-Unis, en application des principes de la Révolution conservatrice du Président Reagan et du Royaume-Uni, Mme Margaret Thatcher étant Premier ministre, sans avoir à évoquer l’expérience antérieure du Chili du Général Pinochet.

Pour ce qui concerne spécifiquement l’Europe, cette prise de conscience est antérieure. La nécessité de prévoir et organiser des contrepoids est reconnue dès juin 1988, lors d’une rencontre entre le Président de la République François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl, à Evian. Deux demandes françaises y font l’objet d’un accord de principe : l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne comme contrepartie à la libéralisation des mouvements de capitaux ; une monnaie unique européenne. La Commission européenne présente quelques mois plus tard, en février 1989, sa proposition de directive visant à instaurer une retenue à la source de 15 % sur les revenus de l’épargne. C’est cependant, dans l’immédiat, un échec. Pour des raisons tant d’intérêt national qu’idéologiques face à l’idée d’un plancher fiscal, la proposition se heurte à l’opposition du Luxembourg et du Royaume-Uni. L’unanimité étant nécessaire en matière fiscale, elle n’aboutit pas.

L’obstacle est cependant surmonté ultérieurement, avec l’adoption en 2003 de la directive dite « épargne », assurant un minimum d’imposition sur les revenus sous forme d’intérêts, après cinq ans de travaux, à partir d’une nouvelle proposition présentée par le commissaire européen Mario Monti en 1998.

En outre, sur le plan pénal, l’Appel de Genève de magistrats anti-corruption d’octobre 1996, relayé en octobre 1998 par « l’appel d’Avignon » demandant que l’Europe donne aux magistrats les moyens de lutter contre la criminalité transfrontière, les paradis fiscaux et l’argent sale, et chargeant la Garde des Sceaux française de transmettre le texte correspondant à la Présidence finlandaise de l’Union européenne, a un écho certain. Adopté sous Présidence finlandaise, le programme de Tampere donnera une impulsion décisive à la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Tampere puis le programme de La Haye permettent des avancées essentielles en une décennie, telles que la création d’Eurojust, le mandat d’arrêt européen qui permet d’éviter les procédures d’extradition pour les infractions les plus graves et l’harmonisation des législations des Etats membres pour la criminalité organisée, notamment.

Cette meilleure perception des enjeux en Europe s’explique. La liberté de mouvement des capitaux est l’une des quatre libertés fondamentales prévues dès l’origine par le traité de Rome, dans un marché intérieur qu’il faut organiser. Cette organisation s’arrête néanmoins aux frontières de l’Union. Au-delà, seules les règles de la finance mondiale s’appliquent.

Néanmoins, après 2000, faute de la même volonté politique, notamment, mais pas uniquement, aux Etats-Unis après l’élection du Président George W. Bush, les procédures en cours prennent des orientations moins politiques. Seules les mesures prises après le 11 septembre 2001 font exception, avec notamment l’adjonction par le GAFI des neuf recommandations spécifiques à la lutte contre le terrorisme aux quarante édictées dès 1990 pour la lutte contre le blanchiment. Sinon, les listes du GAFI et de l’OCDE se réduisent. Le premier organisme met en place des procédures d’évaluation mutuelle dont l’impact politique est trop peu visible. Le programme d’évaluation des centres financiers offshore du FMI repose sur une base volontaire. L’OCDE élabore un nouveau modèle de convention fiscale en avril 2002. Son article 26 prévoit l’échange d’informations sur demande, entre administrations fiscales.

A l’automne 2008, la liste du GAFI est vide, celle du Forum de stabilité financière aussi. Pourtant, ni le blanchiment d’argent, ni l’évasion règlementaire n’ont disparu. Seule la liste de l’OCDE comporte des noms, mais ils ne sont que trois : Monaco, Andorre et le Liechtenstein.

Le problème des paradis fiscaux, des paradis judiciaires et des centres offshore demeure donc entier.

Tel est d’abord le cas en matière fiscale.

Ainsi, dès 2007, le témoignage de l’un de ses anciens employés devant la sous-commission d’enquête permanente du Sénat américain, qui travaille sur les paradis fiscaux sous l’impulsion notamment de M. Carl Levin, sénateur du Michigan, met au jour les pratiques de la banque suisse UBS, qui a délibérément aidé des contribuables américains à frauder le fisc grâce à des opérations « transfrontalières » conduites directement sur le sol des Etats-Unis à partir de la Suisse, en contradiction avec l’esprit des accords de coopération avec les Etats-Unis, qui obligent les banques ayant des comptes détenus par des Américains à le signaler.

Face à la menace de perdre son accréditation, la banque suisse, qui a déjà déclaré abandonner ses activités « transfrontalières » et accuse en outre pour 2008 des pertes d’une ampleur exceptionnelle, conclut un premier accord extrajudiciaire divulgué début 2009 : elle paie une amende de 780 millions de dollars aux autorités américaines et révèle 300 noms. L’affaire ne s’arrête cependant pas là, car les Etats-Unis demandent à connaître l’identité des 52 000 clients concernés de la banque.

Pour ce qui concerne l’Europe, c’est l’affaire des fondations au Liechtenstein qui remet, en février 2008, la question au premier plan. Le Gouvernement allemand, qui détient, grâce à l’achat de renseignements auprès d’un ancien employé de la LGT, quelque 4 000 noms de personnes possédant des intérêts dans une fondation (Stiftung) dans cet Etat, n’accepte pas que la principauté refuse de coopérer selon les mêmes principes que ceux prévus par l’accord d’entraide judiciaire conclu avec les Etats-Unis. L’affaire est connue du public. Des poursuites pénales ont été engagées en Allemagne. Une liste de 200 auteurs potentiels d’évasion fiscale a été communiquée à l’administration fiscale française.

La Commission européenne commence à réagir. Elle présente en septembre 2008 le premier rapport triennal d’évaluation de la mise en œuvre de la directive « épargne » de 2003. La proposition de révision du 13 novembre suivant propose d’intégrer dans son champ d’application les fondations de la principauté, au nombre de 50.000 au total selon certaines sources, notamment.

Ensuite, c’est à l’automne 2008 au titre des règles prudentielles et de la sécurité financière que la question des paradis fiscaux se pose une troisième fois de manière aiguë, lorsque la crise financière s’aggrave et s’accélère avec la faillite de Lehman Brothers.

Bien que la responsabilité directe des centres offshore ne soit pas engagée, puisque la crise vient des Etats-Unis et du secteur financier réglementé, leur implication indirecte est indéniable, sans même devoir rappeler qu’ils doivent l’origine de leur développement à la monétisation des déficits commerciaux américains à partir des années 1960 dans le cadre du marché des eurodollars, source initiale de bien des déséquilibres actuels.

D’abord, ils sont le terrain privilégié de localisation des SPV (special purpose vehicules). Ils ont donc permis de faire jouer l’effet de levier plus que nécessaire, de même qu’une distribution de crédit supérieure à ce qu’aurait recommandé un plus strict respect des principes prudentiels. Ensuite, abritant notamment aux Iles Caïmans et aux Bermudes les fonds spéculatifs, les hedge funds, ils ont amplifié la chute du prix des actifs à l’automne, lorsque ceux-ci ont dénoué leurs opérations. En outre, de manière constante, le manque de transparence des structures et des opérateurs qui y sont implantés a biaisé l’information dont pouvaient disposer les marchés, ce qui a accru les dangers de la spéculation. Enfin, on peut ajouter qu’ils permettent de localiser des rémunérations cachées, lesquelles sont pour le secteur financier profondément nocives. L’opacité ne permet pas aux superviseurs bancaires et financiers d’avoir une image exacte de la politique de rémunération des opérateurs et de contrôler si celle-ci incite ou non à prendre des risques inconsidérés.

Avec l’excès des rémunérations, ils représentent l’un des aspects les plus choquants du « capitalisme voyou » qui a tant prospéré ces dernières années.

Dans cette perspective, le présent rapport adopte un point de vue plus large que celui auquel conduirait le seul examen des quatre propositions de directives soumises à l’examen de la commission des affaires européennes conformément à l’article 88-4 de la Constitution : la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (E 4096), la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (E 4264), la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (E 4267) et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE (E 4467).

Par conséquent, au-delà des instruments et des actions d’ensemble pour éradiquer ces « trous noirs » de la finance que constituent les paradis fiscaux, notamment en parachevant la panoplie des instruments fiscaux et pénaux dont disposent les Etats et l’Union européenne, il aborde la question de la régulation et de la supervision financière au niveau européen et mondial.

En effet, les excès de la déréglementation financière ont pu prendre corps d’autant plus aisément et massivement que la Réserve fédérale américaine, la Fed, a mené jusqu’en 2008 une politique de facilité monétaire, avec des taux d’intérêt plus bas que nécessaire. Cette politique d’argent facile a créé des liquidités d’autant plus abondantes au niveau mondial, qu’en contrepoint, la mondialisation croissante du marché des biens et des services a bridé, en raison d’une concurrence accrue, toute pression inflationniste sur les biens et services. Les salariés ont été d’autant plus incités à s’endetter que la politique salariale de compétitivité se traduisait par la stagnation des revenus du travail du plus grand nombre.

L’inflation s’est ainsi trouvée cantonnée à la sphère des actifs, dans le cercle vicieux d’une spéculation auto-entretenue, et l’économie mondiale a été de bulle en bulle : bulle Internet de 1997 à 2000, puis bulle immobilière et sur les produits structurés de titrisation de prêts immobiliers (les subprimes) aux Etats-Unis notamment, mais pas seulement, jusqu’en 2008.

Là encore, l’Europe s’est trouvée en décalage. Bien que souvent critiquée, la politique monétaire plus stricte menée par la Banque centrale européenne, sous la présidence de M. Jean-Claude Trichet, a été plus adaptée, même si elle n’a pu éviter les bulles immobilières d’Espagne et d’Irlande notamment. Il convient donc de la saluer. Néanmoins, les produits financiers circulant, l’Europe a été contaminée par les placements subprime comme elle l’avait été par les start up Internet.

En dépit du bref délai dont ils ont disposé pour traiter un sujet aussi vaste, puisqu’il convient de conclure suffisamment tôt, avant les prochaines réunions du G20, celle des ministres les 4 et 5 septembre, celle des chefs d’Etat et de Gouvernement à Pittsburgh (Etats-Unis) un peu plus tard, les
24 et 25 septembre
, les rapporteurs ont pu rencontrer un panel varié d’interlocuteurs : la Commission européenne, le Conseil d’Etat, des organisations internationales (OCDE), une ONG, grâce à Transparence France qui est la section française de Transparency International, des magistrats, des diplomates, des représentants des professions concernées, des superviseurs du secteur de la finance et des parlementaires européens.

Ils ont également pu recueillir des informations auprès des grandes administrations concernées. Ils ont pu ainsi s’entretenir avec les services de la Chancellerie, ainsi qu’avec le cabinet de la Garde des Sceaux, Mme Rachida Dati. Par ailleurs, les notes établies par le ministère de l’économie et le ministère des comptes publics en réponse à leur questionnaire technique leur ont été utiles pour l’audience que leur accordée la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Christine Lagarde.

Sur le fond, les rapporteurs ont acquis trois convictions :

– l’objectif est clair et simple : c’est la transparence. Le bon fonctionnement de l’économie et de la finance mondiales exige de pouvoir connaître et contrôler. Cela exige la suppression de l’ensemble des mécanismes actuels qui assurent en droit ou de fait l’opacité des opérations bancaire comme des structures implantées dans les paradis fiscaux et les centres offshore. Aucune exception pour quelque territoire que ce soit ne peut être tolérée, ni par intérêt ni par complaisance ;

– le prochain sommet du G20, celui de Pittsburgh des 24 et 25 septembre prochain constitue une occasion unique. Il ne faut pas la laisser passer. L’environnement politique actuel se prête à des actions de fond. L’accord obtenu à Londres témoigne de la convergence entre deux inspirations différentes : d’une part, celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, encore très marqués par la « révolution reagano-thatchérienne » des années 1980 et, d’autre part, celle, continentale, de l’Allemagne et de la France, exprimée par l’accord de mars dernier préalable au Conseil européen entre la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, et le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. Cette communauté de vue représente une opportunité unique pour s’opposer à ceux qui ont projeté l’économie mondiale au bord du gouffre en octobre dernier quand le marché interbancaire s’est trouvé paralysé, et qui espèrent qu’après la crise, tout reprenne comme avant ;

– Pour éviter que cela ne recommence, il est indispensable et urgent que les instruments actuellement prévus pour lutter contre les paradis fiscaux et les centres offshore, ainsi que la régulation et la supervision financière, soient complétés et perfectionnés, au niveau international comme au niveau européen. En Europe, les harmonisations nécessaires doivent être clairement programmées et mises en œuvre, en matière fiscale et pénale, notamment.

PREMIERE PARTIE :
LES MARCHÉS MONETAIRES ET FINANCIERS INTERNATIONAUX SONT INDISPENSABLES, MAIS COMPORTENT DE VERITABLES « TROUS NOIRS », DANGEREUX POUR L’ECONOMIE MONDIALE

I. DES MARCHÉS INDISPENSABLES MAIS DEVENUS DÉMESURÉS ET DANGEREUSEMENT COMPLEXES :

La quasi-disparition de la confiance, cet élément-clé du bon fonctionnement des marchés financiers, et la difficulté de son rétablissement, caractéristiques de la crise financière mondiale qui s’est déclenchée à partir de l’été 2007, amènent parfois à oublier combien les marchés financiers sont indispensables pour l’économie. Les marchés financiers permettent de drainer les capitaux nécessaires aux entreprises, et aux épargnants de réaliser des plus-values. Qu’il s’agisse des opérations à court ou à long terme, chaque segment des marchés financiers a son utilité pour optimiser l’allocation des ressources entre les agents économiques. Le marché primaire contribue au financement de l’économie, le marché secondaire assure la liquidité du marché.

Les innovations financières, processus constant et d’une créativité considérable, se sont accélérées dans les années 1980, pour mieux répondre aux besoins et développer les investissements, qu’il s’agisse d’innovations sur les produits, comme les titres hybrides, les OPCVM, les produits dérivés, ou d’innovations de procédés, comme les outils informatiques de plus en plus sophistiqués permettant d’intervenir « en temps réel » sur toutes les places du monde ou la spécialisation des Bourses dans tel ou tel type de produits.

Mais tous ces marchés ont pris des dimensions qui donnent le vertige et leur complexité toujours croissante s’est traduite par de dangereuses dérives.

A. Deux illustrations de la formidable – et dangereuse – complexité du système financier international : les produits dérivés et les fonds spéculatifs

1. Le développement des produits dérivés

Les produits dérivés sont des contrats financiers permettant de négocier et de redistribuer les risques générés dans l’économie réelle. Ils constituent donc des outils importants de transfert des risques pour les acteurs économiques. Ils sont utilisés aussi bien pour couvrir des risques que pour en acquérir dans le but de réaliser des bénéfices. Ils sont appelés « dérivés » parce que leur valeur dérive de celle d’un actif sous-jacent (action, devise, matière première…).

Il existe de nombreux types de produits dérivés : des produits dérivés d’engagement ferme (swap, terme) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…), des produits standardisés et d’autres non standardisés car adaptés aux besoins spécifiques d’un utilisateur. Les produits dérivés normalisés sont habituellement négociés via des systèmes de négociation organisés, où les prix sont rendus publics, par exemple les Bourses spécialisées dans les dérivés, tandis que les produits dérivés non standardisés sont négociés de gré à gré, en privé, sans que les prix soient rendus publics.

L’encours des transactions sur les marchés de gré à gré de produits dérivés, qui représentait environ 80 000 milliards de dollars fin 1998, atteignait 592 000 milliards de dollars fin 2008 selon la Banque des règlements internationaux (BRI), tandis que l’encours sur les marchés organisés pour les dérivés demeurait inférieur à 100 000 milliards de dollars à cette date.

Certains produits dérivés, du fait de leur sophistication, mêlée à celle d’autres instruments financiers et, le cas échéant, à l’utilisation des centres financiers off shore, ont contribué à introduire un haut degré d’opacité dans la répartition des risques entre les acteurs des marchés financiers dans leur ensemble.

La question des produits dérivés et de leur insuffisante régulation n’est pas directement liée au problème des centres financiers offshore : le présent rapport les évoque dans la mesure où, comme les centres offshore, ces marchés constituent l’un des « trous noirs » de la régulation financière au niveau mondial, et font l’objet, dans le cadre des travaux du G20, d’appels à la vigilance.

Une catégorie de dérivés est constituée par les dérivés de crédit, dans lesquels le sous-jacent est une créance ou un titre représentatif d’une créance, et dont le but est de transférer les risques relatifs au crédit sans transférer l’actif lui-même. L’une des formes les plus courantes de dérivés de crédit est le « contrat d’échange contre le risque de crédit » ou « credit default swap » (CDS). Le CDS est un contrat financier bilatéral par lequel un acheteur de protection paie périodiquement une prime à un vendeur de protection qui promet de compenser les pertes sur un actif de référence (titre de dette souveraine, d’institution financière ou d’entreprise) en cas d’évènement tel qu’une faillite, un défaut de paiement ou une restructuration. Le CDS est donc un mécanisme d’assurance contre le risque de crédit.

Les dérivés de crédit sont des produits qui relient ensemble des institutions et des marchés d’une manière difficile à comprendre et à surveiller, tant au niveau de chaque institution qu’au niveau systémique. Les CDS sont un marché moins volumineux que d’autres marchés de dérivés(2), mais particulièrement risqué. Pourquoi ?

Le marché des CDS est extrêmement concentré : quelques banques sont partie à ces contrats entre 80 et 90 %; la défaillance de l’une d’entre elles est donc porteuse d’implications dramatiques non seulement pour ce marché mais pour l’ensemble des marchés financiers, comme l’a démontré la faillite de Lehman Brothers. D’autre part, ces contrats sont non fongibles, et la fixation de leur valeur est très difficile. Enfin, les CDS constituent un facteur procyclique, comme l’a notamment souligné le rapport sur la régulation présenté en mars 2009 par Lord Turner, président de l’Autorité de régulation britannique, la FSA.

Les produits dérivés sont utiles pour l’économie, mais ils peuvent la mettre en péril. La crise financière a montré que ces risques n’étaient pas théoriques mais bien réels. Bear Stearns, Lehman Brothers et AIG étaient des acteurs importants du marché de gré à gré des produits dérivés. Les problèmes que ces trois entreprises ont connus trouvent leur origine hors des marchés de dérivés de gré à gré, mais sont entrés sur ces marchés par la voie des CDS qu’elles avaient conclus et, en raison du rôle important qu’elles jouaient sur tous les marchés de dérivés de gré à gré, ils se sont étendus au-delà des CDS et ont touché l’économie mondiale.

L’opacité du marché a empêché, d’une part, les autres acteurs de savoir exactement quelle était l’exposition de leurs contreparties à ces trois groupes, ce qui a conduit à une défiance et à un assèchement soudain de la liquidité. D’autre part, elle a empêché les autorités de régulation de déceler suffisamment tôt les risques qui s’accumulaient dans le système. Comme l’indique la Commission européenne dans une communication du 3 juillet 2009, « la crise a montré que les produits dérivés en général, et les CDS en particulier, avaient créé un réseau de dépendances mutuelles difficile à comprendre, à démêler, et à maîtriser immédiatement après une défaillance »(3).

2. Les fonds spéculatifs ou fonds « de couverture » (hedge funds)

Les fonds spéculatifs mettent en commun le capital d’un petit nombre d’individus fortunés ou d’institutions sous la direction d’un seul gestionnaire ou d’une petite équipe. Les stratégies de gestion qui caractérisent les hedge funds ont un objectif commun : la recherche d’une performance « absolue », c’est à dire peu ou non corrélée à l’évolution des principaux marchés, et régulièrement supérieure au marché monétaire. Une des techniques clés consiste à utiliser des positions courtes et longues, ce qui peut constituer une protection dans l’éventualité d’un marché qui chute, d’où l’appellation en anglais d’un fonds spéculatif, « hedge fund » (fonds de couverture). To hedge signifie couvrir : les fonds spéculatifs se protègent des aléas du marché par un système de couverture, c’est à dire qu’ils couvrent une position en prenant une autre position.

Tous les fonds spéculatifs ont une chose en commun : ils n’achètent pas des actifs pour en faire une source de revenus. Leur objectif est de rentabiliser leurs investissements uniquement en réalisant des plus-values sur le capital. Loin d’être conservateurs dans leur style d’investissement, ces fonds ne cherchent pas à réaliser des investissements à long terme. Ils ne constituent que des portefeuilles transactionnels.

Pour atteindre ces objectifs, les principales stratégies visent à réaliser des arbitrages, c’est à dire à tirer avantage d’« inefficiences » ou d’imperfections de marchés, en prenant, par exemple, simultanément des positions à la hausse sur certains actifs et à la baisse sur d’autres actifs. La principale « vertu » des hedge funds est de réguler les risques : en exploitant soit les inefficiences du marché, soit les défauts de gouvernance des entreprises, ils les corrigent. Les opérations menées augmentent ainsi l’efficience des marchés. Les fonds spéculatifs participent également à l’amélioration de la circulation des liquidités mondiales. Ils apportent en effet aux marchés de la liquidité en prenant les risques que personne d’autre ne souhaite encourir.

Utiles, les hedge funds n’en sont pas moins porteurs de déséquilibres. M. Michel Prada, ancien président de l’AMF (Autorité des marchés financiers) estimait début 2007, avant que n’éclate la crise financière actuelle, que les hedge funds présentent cinq risques principaux(4): un risque systémique ; un risque d’abus de marché (d’éventuelles manipulations de cours et délits d’initiés) ; un risque pour la gouvernance des sociétés cotées ; un risque opérationnel de mauvaise valorisation des actifs ; et le « misselling », c’est-à-dire la distribution inadaptée de produits alternatifs à une clientèle insuffisamment avertie.

Les hedge funds échappent aux catégories traditionnelles. C’est donc un secteur peu régulé, développé principalement aux Etats-Unis et dans les zones dites «offshore». Les experts insistent sur le fait que ce secteur demeure toujours très mal connu. Malgré leur puissance financière, ces fonds ne sont pas réglementés, ils ne sont soumis ni à des obligations de transparence, ni à la publication d’information.

Les hedge funds gèrent aujourd’hui de manière indirecte une fraction non négligeable de l’épargne retraite des particuliers. L’argument selon lequel il fallait les laisser hors de tout contrôle car ils gèrent l’argent d’investisseurs avisés apparaît de moins en moins pertinent, tandis que les cas de fraude se sont récemment multipliés.

Les hedge funds étaient, avant la crise financière actuelle, plus de 8 000, gérant 2 000 milliards de dollars (soit environ 10 % des actifs détenus par les investisseurs institutionnels dans le monde). Les hedge funds, localisés pour la plupart dans des « paradis fiscaux » ont souvent été accusés de déstabiliser les marchés par leurs stratégies opaques ou par leur quête de gains rapides. Epargnés au début par la crise financière, ils ont été rattrapés par les effets de celle-ci : la faillite de Lehman Brothers, l’extension de la crise aux pays émergents, la prohibition de certaines opérations (ventes à découvert), et plus récemment l’affaire de la « fraude Madoff », se sont répercutées sur les résultats de ces entités. Des pertes historiques ont amené une vague de décollecte et certains de ces fonds ont dû fermer.

Selon une étude de la Direction de la stabilité financière de la Banque de France relative à la crise financière(5), les hedge funds jouent un rôle économique en offrant aux investisseurs une source de diversification des risques et peuvent jouer un rôle positif comme pourvoyeurs de liquidités.

L’étude souligne qu’il n’existe pas de définition unique du hedge fund, mais que les caractéristiques communes attribuées à ces fonds sont les suivantes : la recherche d’une performance absolue décorrélée des évolutions des marchés, une liberté totale de style de gestion, l’utilisation par leurs gérants de la vente à découvert, le recours intensif à des effets de levier, une rémunération de leurs gérants basée sur la performance. Les stratégies suivies par les hedge funds sont très nombreuses : l’intervention lors d’annonces de fusions-acquisitions, l’investissement dans des entreprises sous-évaluées ou au bord du dépôt de bilan, l’investissement sur les marchés émergents… En théorie, ces acteurs participent à l’efficience des marchés, comme pourvoyeurs de liquidités dans des secteurs délaissés ou habituellement peu liquides. La bonne performance des hedge funds en a fait jusqu’à présent un instrument privilégié de diversification des risques pour les investisseurs, qui recherchaient de plus en plus des produits alternatifs capables de doper leurs rendements traditionnels.

Toujours selon cette étude, les hedge funds sont toutefois potentiellement porteurs de risques importants.

Les hedge funds sont particulièrement actifs sur certains marchés, notamment ceux des instruments dérivés, souvent contractés sur les marchés de gré à gré (non régulés). L’importance de l’effet de levier auquel ils ont recours peut engendrer un risque de propagation des faillites, c’est-à-dire un risque systémique. Appuyant leurs activités sur l’exploitation des anomalies de marché, les hedge funds sont contraints d’opérer rapidement et discrètement pour maintenir leurs opportunités d’arbitrage. Ce manque de transparence peut dissimuler des fraudes – comme l’a montré l’affaire Madoff – ou aboutir à un risque opérationnel élevé avec de mauvaises valorisations d’actifs illiquides et complexes.

B. L’hypertrophie de la sphère financière par rapport à l’économie réelle

Les analyses des causes de la crise financière qui a éclaté en août 2007 mettent souvent l’accent sur les dérives, négligences et imprudences commises, sciemment ou non, par différents acteurs du système financier international. Il est certain que ces facteurs ont joué un grand rôle, qu’il s’agisse de l’activité de traders, d’agences de notation, de fonds spéculatifs ou des paradis fiscaux. Mais de simples dérives ne suffisent pas à expliquer l’ampleur des faillites et des pertes constatées, notamment en ce qui concerne certaines des banques les plus anciennes et les plus puissantes de dimension mondiale.

Le système financier présente de très graves et très profondes vulnérabilités, liées à plusieurs facteurs, parmi lesquels les limites du système monétaire international et du FMI, les faiblesses de la régulation et de la supervision internationales, et l’hypertrophie de la sphère financière par rapport à l’économie réelle, qui s’est traduite notamment par des effets de levier développés de manière inconsidérée, notamment via les structures ad hoc (« special purpose vehicules ») situés dans les paradis fiscaux. Ces effets de levier ont joué un rôle considérable dans le développement et la propagation de la crise financière.

Les estimations relatives aux montants globaux des transactions financières rapportées aux dimensions de l’économie réelle varient beaucoup selon les sources. Toutefois, nul ne conteste qu’il existe un gigantesque décalage – et qui ne fait que croître – entre la sphère financière et la sphère réelle.

On citera à titre d’exemple les travaux de M. François Morin, ancien membre du Conseil général de la Banque de France et du Conseil d’analyse économique, qui se basent sur une estimation, pour 2005, de 44 385 milliards de dollars (44,4 « tera-dollars ») pour l’économie réelle et de plus de deux millions de milliards de dollars au total pour la sphère financière (51 000 milliards pour l’ensemble des marchés boursiers, 566 000 milliards de dollars pour l’ensemble des marchés des changes, et pas moins de 1,4 million de milliards de dollars pour les marchés de produits dérivés)(6). L’activité de la sphère financière serait donc près de cinquante fois supérieure à l’activité de l’économie réelle.

Ce gigantesque déséquilibre trouve son origine dans un double phénomène. En premier lieu, la fin des parités fixes entre les monnaies et donc les nombreuses et fortes fluctuations des taux de change à partir du début des années 1970 (qui se traduisent par les montants considérables des transactions sur le marché des changes). D’autre part, à partir de la fin des années 1980, la fin de l’encadrement du crédit par les Etats et donc du contrôle exercé sur les taux d’intérêt. Ceux-ci ont alors, comme les cours des monnaies, commencer à varier.

En conséquence de ces deux bouleversements, est né le besoin, pour les entreprises exportatrices, de se protéger, de se « couvrir », contre les variations des cours des monnaies et contre les variations des taux d’intérêt, besoin qui a suscité l’invention de produits de couverture leur permettant de s’assurer contre ces risques. D’où le formidable développement des produits dérivés, appuyés sur des catégories d’actifs toujours plus diverses, allant du pétrole et des produits alimentaires aux cours de Bourse, aux taux d’intérêt, et aux crédits hypothécaires (ce qui a donné naissance aux subprimes).

Ce double besoin des entreprises, et donc les innovations financières qu’ils ont suscitées, étaient au départ parfaitement compréhensibles et légitimes, et ne suffisent pas en eux-mêmes à expliquer la croissance exponentielle de l’activité financière : le motif initial de couverture a été largement supplanté par des phénomènes de spéculation. Les risques ont alors été transmis, tranférés, à travers des montages de plus en plus complexes, notamment ceux des hedge funds.

Ces évolutions ont été largement favorisées par le mouvement de dérégulation des marchés financiers, en particulier aux Etats-Unis mais également en Europe. La crise financière extrêmement grave que le monde traverse depuis 2007 sanctionne l’échec de l’autorégulation(7). Les prises de risque excessives et l’expansion démesurée des opérations financières en tout genre ont par ailleurs été favorisées par des politiques de rémunération contestables.

Au-delà des mesures prises en réponse à la crise, des réformes de très grande ampleur sont nécessaires. Les débats engagés dans le cadre du G20 ont, certes, un champ très vaste, et il est bien sûr impératif de concrétiser au plus vite les engagements pris, mais il faut parallèlement lancer ou relancer les réflexions au plus haut niveau sur les causes profondes de la démesure et de la dangerosité du système financier mondial.

L’idéal serait d’aller vers :

– un étalon de change monétaire, une convertibilité parfaite des monnaies, voire une monnaie commune ; il s’agit de restaurer une certaine stabilité, à l’échelle mondiale, ce que l’Europe peut tout particulièrement promouvoir en faisant valoir combien l’existence de l’euro a protégé du pire les pays de la zone euro face à la crise. Bâtir un système monétaire mondial équilibré et plus stable permettrait notamment de ramener le marché des changes à de plus modestes dimensions ;

– une harmonisation fiscale à l’échelle planétaire ;

– l’institution d’une taxe Tobin prélevée sur chaque transaction, de manière à sensibiliser les acteurs économiques sur l’incidence des mouvements de capitaux et à les obliger à faire des choix de moins court terme ;

– une véritable coopération internationale contre le blanchiment d’argent et contre la corruption ;

– une régulation et une supervision monétaires et financières permanentes ; au niveau mondial, les institutions financières internationales, en particulier le FMI, sont l’objet de critiques fortes et récurrentes portant autant sur leurs structures et leur mode de fonctionnement insuffisamment démocratiques que sur les modalités de leur intervention.

Or nous sommes très loin de ce schéma idéal, et sans doute même de plus en plus éloignés.

C. La multiplication, à côté des marchés régulés, de nouveaux marchés fragmentés, opaques et inorganisés

Ainsi que l’a exposé aux rapporteurs M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, il existe aujourd’hui deux sortes de marchés : des marchés régulés, comme Euronext, où l’offre et la demande de titres sont transparentes, et des marchés opaques, où les transactions se font de gré à gré (« over the counter »), les « dark pools » (plateformes de négociation opaques). Les émetteurs ne savent pas ce qui s’y passe, sur leurs propres titres. Les régulateurs n’en ont qu’une vision parcellaire. Ces marchés opaques sont désormais prépondérants en volume dans les transactions financières, car ces « nouvelles Bourses » gagnent chaque jour des parts de marché. Selon M. Jean-Pierre Jouyet, l’enjeu, aujourd’hui, c’est que notre économie est en train de se faire de plus en plus sans marché, c’est-à-dire par le biais de transactions privées, opaques et non régulées.

En Europe, cette situation a été favorisée par la directive dite « MIF » (marchés d’instruments financiers) dont l’objectif était de stimuler la concurrence entre les Bourses pour faire baisser les prix des transactions(8). Il en est résulté que des banques d’investissement ont créé leurs propres plateformes de négociation.

Le phénomène a pris une telle importance que les Bourses traditionnelles elles-mêmes, chargées d’animer les marchés régulés, peuvent être amenées… à créer des plateformes « alternatives » ! C’est ainsi le cas de NYSE-Euronext, l’opérateur des Bourses de Paris, New York, Amsterdam et Lisbonne, qui a créé une « dark pool » dédiée à la négociation de blocs d’actions, où les échanges sont anonymes, ainsi qu’une deuxième « dark pool » dédiée aux marchés européens hors zone Euronext-NYSE Arca Europe(9).

Le marché des credit default swaps (CDS) illustre particulièrement ce problème : en dépit de sa taille (plus de 40 000 milliards d’euros fin 2008 selon la Banque des règlements internationaux) et de sa croissance exponentielle, ce marché reste essentiellement « de gré à gré » (« over-the-counter » ou OTC), ce qui constitue son « talon d’Achille » en cette période où le risque de contrepartie attaché à ces produits a augmenté.

Suite à la crise financière, la solidité de la plupart des intervenants de ce marché est désormais sujette à caution. Ainsi, à la suite de la faillite de Lehman Brothers, le dénouement des opérations de dérivés OTC de ce groupe a posé problème, et plusieurs contreparties se sont retrouvées sans protection par rapport aux risques qu’elles souhaitaient couvrir, ou se sont trouvées dans l’incertitude quant à la possibilité de récupérer leur « collatéral » (gage) ou leur mise de fonds. Or ce marché ne fonctionne que si les acheteurs de protection ont la garantie d’être indemnisés par leur contrepartie en cas de défaut. Les dérivés OTC ont également joué un rôle crucial dans la faillite de l’assureur AIG.

Dans ce contexte, la « sécurisation » du marché des CDS devient urgente – préoccupation qui se justifie d’ailleurs pour l’ensemble des dérivés. Dans la période antérieure à l’actuelle crise financière et économique, le lien entre, par exemple, le CDS d’une entreprise cotée en Bourse et l’action de cette entreprise n’était pas considéré comme assez fort pour justifier une régulation des CDS. Aujourd’hui, beaucoup raisonnent différemment, et font valoir qu’en cas de risque de faillite de cette entreprise, le cours de son action va dépendre largement de l’évaluation de ce risque.

Se pose par conséquent la question des infrastructures qu’il est possible de créer pour encadrer ces marchés et y amener de la transparence. Ce problème fait actuellement l’objet d’une réflexion au niveau européen et sera donc abordé dans la deuxième partie du présent rapport.

Les marchés financiers opaques et non réglementés sont des « places » virtuelles, des « trous noirs » du système financier sur lesquels interviennent des opérateurs géographiquement basés dans les différents pays. Les « paradis fiscaux » constituent également des « trous noirs » du système financier international, mais sous forme de territoires, de juridictions présentes sur tous les continents.

II. LE DÉVELOPPEMENT HORS CONTRÔLE DES PARADIS FISCAUX ET D’IMMENSES ZONES OPAQUES, VÉRITABLES « TROUS NOIRS » DE LA FINANCE

A. Un stock de capitaux du même ordre de grandeur que le PIB de l’Union européenne

1. Le captage d’une part significative des capitaux mondiaux

Il n’existe par définition pas de liste unique des paradis fiscaux et assimilés : lorsqu’il figure sur une telle liste, tout pays ou territoire concerné a tendance à avancer des arguments contraires. On doit donc s’en tenir à des estimations pour ce qui concerne leur poids économique.

On rappellera juste ici que quatre critères ont été retenus par l’OCDE dans les années 1990 : une fiscalité inexistante ou insignifiante ; une absence de transparence dans les structures bancaires ou l’organisation des activités (recours aux formules telles que les trusts, les fiducies, les sociétés écrans) ; des lois notamment bancaires ou des pratiques administratives qui empêchent un véritable échange de renseignements à des fins fiscales avec les autres administrations ; l’admission le cas échéant des sociétés ou structures sans activité substantielle (shell companies).

On cite en général une fourchette, entre 10 000 et 12 000 milliards de dollars de flux annuels, pour les capitaux logés dans les paradis fiscaux et assimilés. En 2005, l’ONG Tax Justice Network avait avancé entre 9 000 et
10 000 milliards de dollars. C’est le même ordre de grandeur que le PIB annuel des 27 Etats membres de l’Union européenne.

On cite également une proportion, environ la moitié des flux financiers mondiaux, selon une estimation avancée par le FMI dans un document de travail de 2000, « Offshore financial centres ».

Pour sa part, le rédacteur en chef adjoint d’Alternatives économiques, M. Christian Chavagneux, a lui aussi estimé à partir de son analyse des statistiques de la BRI, que les centres offshore représentent plus de la moitié de l’activité internationale des banques. Cette proportion élevée découle cependant directement de son choix d’une conception large des paradis fiscaux, avec notamment l’inclusion du Royaume-Uni.

Selon une conception un peu plus étroite et classique reprise par le rapport intitulé « Paradis fiscaux et développement (Tax havens and development) » de la Commission sur la fuite des capitaux provenant des pays en développement, présidée par le professeur Guttorm Schjelderup, de la Norwegian School of Economics and Business administration(10), la proportion des paradis fiscaux est moindre, mais reste néanmoins significative.

D’une part, la position nette des banques vis-à-vis des paradis fiscaux et centres offshore représentait, selon les données de la BRI, environ 8 000 milliards de dollars pour le passif (dettes et dépôts) et près de 7 000 milliards de dollars pour l’actif, avec une croissance spectaculaire à partir de 2002, comme l’indique le graphique suivant :

Position des banques des pays de la BRI vis-à-vis des paradis fiscaux : une croissance spéctaculaire depuis 2001-2002

Source : BRI.

Aktiva : Actif (en millions de dollars US).
Passiva
 : Passif (idem).

D’autre part, selon cette même conception étroite, la part des centres offshore et paradis fiscaux représentait 14 % de la position internationale des banques pour le passif et 12 % pour l’actif. Le graphique suivant permet de souligner la stabilité de ces proportions dans le temps, après un rebond en 2001.

Position des banques vis-à-vis des paradis fiscaux
(conception étroite) en proportion de leur position internationale

Source : BRI.

Par comparaison, selon la conception large, qui inclut Londres, Singapour, le Luxembourg, Dublin, Hong Kong et les Pays-Bas et les ajoute aux pays et territoires précédemment pris en compte, ces proportions passent respectivement à 25 % pour la position internationale en passif et 20 % pour les actifs.

Position des banques vis-à-vis des paradis fiscaux

(conception large) en proportion de leur position internationale

Source : BRI.

Une tout autre approche repose sur la seule estimation de la fortune des personnes privées placée offshore. Un tableau de synthèse en a été dressé par l’OCDE et communiqué aux rapporteurs.

Là encore, ces évaluations appellent trois précautions d’ordre méthodologique. D’une part, il ne s’agit que d’estimations. D’autre part, elles ne correspondent pas toutes au même périmètre. Enfin, la définition des territoires et entités offshore varie.

Sous le bénéfice de ces réserves, on peut constater que l’écart des évaluations est de 1 à 6, comme l’indique le tableau suivant allant de 1,7 milliard de dollars pour les seuls investissements en portefeuille selon le FMI à presque 12 000 milliards de dollars selon Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale).

Estimations du total des actifs detenus offshore

AUTEUR

MONTANT (USD)

PORTEE DE L’ESTIMATION

MÉTHODOLOGIE / SOURCE DES DONNEES

CITATION

Oliver Wyman Group

8 milliards (2008)

Fortune de détenteurs d’un actif net élevé placée offshore

Extrapolation statistique corroborée par des données accessibles au public et des chiffres déduits de l’expérience du projet d’Oliver Wyman

The Future of Private Banking, mars 2008, Oliver Wyman Group

Boston Consulting Group

7,3 milliards (2007)

Fortunes détenues offshore

Enquête, interviews, expérience, étude sur le marché de la gestion de fortune

Global Wealth 2008, Boston Consulting Group

Réseau mondial pour la justice fiscale

11,5 milliards (2005)

Actifs détenus par des personnes privées dans des paradis fiscaux

Données de la BRI sur les dépôts dans des banques offshore, modèles de répartition des actifs

The Price of Offshore, Réseau mondial pour la justice fiscale, 2005

Alessandra Sanelli

(bourse de recherche di Battista, OCDE)

1,5-2 milliards (2004)

Total de l’augmentation annuelle des dépôts pour la période 1990-2002

Données du FMI et de la BRI

Economics of bank secrecy, 2004

FMI

1,7 milliard (2000)

Placements de portefeuille via des centres offshore

Ecart entre les investissements de portefeuille (en titres participatifs et en titres à long terme) et les actifs d’investissement à l’échelle mondiale

FMI Publishing Global Portfolio Investment Survey, 2000

Oxfam

6-7 milliards (2000)

Argent détenu dans des centres offshore

Données de la CNUCED sur les IDE, taux moyen d’imposition des sociétés dans la zone OCDE, etc.

Tax havens: Releasing the Hidden billions for Poverty Eradication, 2000

Merrill Lynch/Cap gemini

5,8 milliards (1997)

Fortune de détenteurs d’un actif net élevé placée dans des centres offshore

Statistiques du FMI, de la Banque mondiale, etc. sur les comptes nationaux

World Wealth Report 1998, Merrill Lynch/Cap Gemini

Kochen (journaliste et analyste)

1 milliard (1991)

Dépôts bancaires privés placés dans des centres offshore

Pas d’information

Cleaning up by cleaning up, Euromoney, 73-77, avril 1991

Source : OCDE.

Les estimations de Merrill Lynch, d’Oliver Wyman et du Boston Consulting Group ne sont pas nécessairement en contradiction avec celle du Réseau pour la Justice fiscale. Celle de Merrill Lynch notamment recouvre un public plus restreint, celui des personnes qui disposent d’au moins 1 million de dollars de placements ou de disponibilités financiers. Or, une partie des avoirs détenus dans les paradis fiscaux, notamment dans les pays européens peut provenir d’une clientèle au départ moins aisée : certains qualifient le Luxembourg de place financière des « classes moyennes » des pays environnants.

2. Des centres financiers hypertrophiés dans lesquels sont présentes toutes les grandes banques

Les paradis fiscaux et les centres offshore sont des centres financiers surdéveloppés par rapport à la taille du pays.

D’une part, l’activité bancaire et financière y détient une part beaucoup plus élevée qu’ailleurs. Comme l’indique le tableau suivant, ce secteur représente 50 % du PIB à Jersey. La proportion dépasse même 20 % aux Bermudes, à l’Île de Man et à Guernesey.

Part du secteur financier dans le PIB et l’emploi

 

Part dans le PIB

Part dans l’emploi

Création de valeur par employé dans le secteur
(en millier de dollars)

Jersey

50,0

22,0

303

Bermudes

32,5

17,9

209

Ile de Man

28,6

20,9

109

Guernesey

25,5

22,6

118

Bahreïn

18,4

2,4

308

Iles Vierges britanniques

18,1

6,3

176

Dominique

12,9

2,0

44

Iles Caïmans

11,9

17,1

46

Seychelles

10,2

2,9

79

Singapour

9,5

5,0

108

Maurice

8,0

2,7

69

Panama

7,8

1,2

88

Etats-Unis

7,8

5,9

139

Bahamas

6,4

2,2

105

       

Royaume-Uni

 

11,8

 

Norvège

2,4

2,0

164

Source : Rapport précité « Paradis fiscaux et développement ».

En Suisse, le secteur bancaire représente plus de 11 % de l’activité et 6 % de l’emploi.

D’autre part, selon un deuxième critère, le poids des actifs financiers internationaux par rapport au PNB est particulièrement élevé dans les paradis fiscaux et centre offshore. Son niveau est très haut aux Iles Caïmans, à raison de 7 fois le PIB, en raison de la très forte localisation, déjà évoquée, des fonds spéculatifs (hedge funds).

Actifs internationaux dans quelques paradis fiscaux (2006)

 

En pourcentage du PIB

En milliards de dollars

Iles Cayman

724,09

1 671 922

Jersey

66,68

444 064

Guernesey

56,54

182 970

Bahamas

52,24

343 250

Ile de Man

22,45

77 039

Monaco

22,32

21 780

Gibraltar

15,47

16 486

Bahreïn

11,93

159 674

Antilles Néerlandaises

7,37

20 647

Andorre

5,89

16 324

Singapour

4,57

603 565

Chypre

3,21

51 307

Irlande

3,14

819 137

Hong Kong

3,00

621 332

Anguilla

2,91

317

Suisse

2,63

1 122 005

Bermudes

2,29

10 313

Vanuatu

2,16

1 069

Macau

1,59

22 653

Panama

1,31

22 176

Source : Rapport précité « Paradis fiscaux et développement ».

Enfin, une dernière caractéristique, liée aux deux précédentes, est la très forte implantation des établissements bancaires.

Selon les estimations du FMI, les centres offshore hébergent près de 4 000 banques, à savoir établissements, filiales ou succursales. Elles y sont établies notamment pour tenir les comptes bancaires des quelque 2 millions de sociétés écrans.

Toutes les grandes banques, et mêmes les moins grandes, sont donc implantées dans les paradis fiscaux et les centre offshore.

Les banques françaises ne font pas exception. Selon les données de la Commission bancaire, les implantations bancaires dans les pays ou territoires identifiés par l’OCDE comme des paradis fiscaux représentaient 160 filiales et 84 succursales, avec notamment 90 entités au Luxembourg, 52 en Belgique, 28 en Suisse et 22 à Singapour.

Pour sa part, l’hebdomadaire Marianne a publié en mars 2009 la carte suivante, sur les avoirs bancaires français dans les paradis fiscaux.

Source : hebdomadaire Marianne, mars 2009.

3. Des places de transit importantes, sans rapport avec l’économie réelle, pour les investissements étrangers directs

Les statistiques de la CNUCED sur les investissements étrangers directs (les IED), en dépit de leurs imperfections dues au système déclaratif sur lequel elles reposent, mettent en évidence les paradis fiscaux et centre offshore comme centres de transit des investissements directs. Les chiffres sont une fois encore hors de proportion avec l’activité des secteurs non financiers, avec l’économie réelle.

D’une part, le stock des investissements directs en proportion du PIB y est particulièrement élevé, à raison de soixante fois le PNB pour les Îles Vierges britanniques, de vingt fois pour les Bermudes et pour les Iles Caïmans, comme l’indique le diagramme suivant :

Stock d’investissements directs entrant dans les pays
ou territoires oÙ il dépasse le PIB
(en milliers de dollars)



Source : CNUCED.

Ensuite, la comparaison des flux d’investissements directs reçus et émis par tête corrobore ce point de vue, avec en tête de liste dans un cas comme dans l’autre les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans et Hong Kong. Les deux schémas suivants récapitulent ces éléments.

Stock d’investissements directs entrants per capita dans les 10 pays ou territoires

oÙ il est le plus élevé

Milliers de dollars par tête

Source : CNUCED.

Stock d’investissements directs sortants per capita des 10 pays ou territoires
oÙ il est le plus élévé

Milliers de dollars par tête

Source : CNUCED.

4. Une capacité d’expansion potentiellement sans fin

L’extension des paradis fiscaux et centres offshore est potentiellement sans fin. Un nombre croissant d’Etats ou de pays peuvent considérer opportun de monnayer ainsi leur souveraineté fiscale et réglementaire pour attirer les capitaux, si aucune limite n’est fixée par la communauté internationale.

Il s’agit soit pour des Etats d’essayer de copier le modèle des pays voisins, selon le mode d’extension des paradis fiscaux en zone caraïbe, soit pour certains acteurs de la finance ou de l’industrie de contourner toujours les règles peu à peu édictées, sous la pression internationale et sous la surveillances des grandes organisations internationales, pour lutter contre les principales dérives.

Le cas récent le plus significatif est celui de l’Afrique, en dépit du risque politique toujours présent. The Observer a révélé le 3 mai dernier que la banque Barclay’s avait depuis plusieurs années demandé au Gouvernement ghanéen de pouvoir opérer, d’ailleurs seule dans ce cas, comme un établissement offshore et que cet Etat venait de modifier en ce sens sa législation bancaire.

Les ONG ont vu d’un œil suspicieux cette opération, dans un pays dont certains voisins (Nigeria, Sierra Leone et Guinée équatoriale) ont un territoire riche en pétrole et matières premières.

B. Trois principaux motifs de localisation d’ampleur variable : échapper à l’impôt ; blanchir et protéger l’argent du crime et de la délinquance ; profiter de règlementations financières moins exigeantes

1. Les deux instruments communs : le secret bancaire et les structures écrans non transparentes garantissant l’anonymat, notamment les trusts

C’est le secret, parfois qualifié de « garantie de confidentialité », et les conditions de sa protection qui sont l’élément commun aux paradis fiscaux proprement dits, aux centres offshore et aux paradis judiciaires.

Il connaît deux déclinaisons : le secret bancaire et les structures écrans.

a) Le secret bancaire vis-à-vis des autorités publiques

Le secret bancaire est la base des paradis fiscaux. Il ne s’agit pas seulement d’une protection par le droit civil, mais également par le droit pénal. La loi bancaire suisse de 1934 sert d’exemple : la violation de ce secret constitue une infraction pénale.

Que le secret bancaire existe vis-à-vis des personnes privées est normal. En revanche, qu’il s’applique aussi aux autorités publiques et les empêche d’établir l’impôt, de protéger l’épargne et de permettre à la justice d’intervenir n’est pas admissible.

En général cependant, ce secret n’est plus absolu, alors qu’il l’était autrefois. Avec la lutte contre le blanchiment, certaines autorités administratives ou judiciaires étrangères peuvent avoir accès sur demande aux informations bancaires, selon les conditions prévues par les conventions internationales applicables. Il en résulte une situation complexe et différenciée.

Ainsi, la Suisse et le Luxembourg coopèrent sur le plan pénal par exemple pour la lutte contre le blanchiment, mais pas en matière fiscale.

Ainsi que l’a rappelé aux rapporteurs lors de son audition M. Renaud Van Ruymbeke, c’est grâce à la coopération de la Suisse et à la levée du secret bancaire que l’affaire dite Elf a pu en France aboutir, puisqu’elle était pénale.

En revanche, certains Etats pratiquent une rétention systématique d’information, y compris en matière pénale. C’est le cas de Singapour, en l’absence de convention d’entraide pénale avec la France. Les demandes qui sont adressées par les magistrats à cet Etat ne font pas l’objet d’une procédure automatique, mais d’une décision au cas par cas. Avant toute demande sur un compte bancaire, il est ainsi demandé à la personne mise en cause son accord pour toute divulgation d’éléments bancaires. C’est semble-t-il également le cas à l’Ile Maurice.

b) Les trusts et autres entités écrans

Le droit interne aux paradis fiscaux, centres offshore et juridictions non coopératives prévoit des structures ad hoc qui permettent au véritable bénéficiaire des actifs, le bénéficiaire économique, de ne pas apparaître. Il n’y a pas de registre public des associés ou des bénéficiaires économiques. Il n’y a pas non plus, par ailleurs, d’obligation de dépôt de documents comptables.

Tel est le cas du trust, formule d’origine anglaise qui aurait été créée au Moyen Âge pour gérer le patrimoine des croisés. Il s’agit d’un contrat par lequel une personne, le constituant, remet un bien à un gestionnaire, le trustee, qui en assure la garde et la gestion au bénéfice d’un tiers, le bénéficiaire (qui peut d’ailleurs être le constituant).

La formule a son équivalent en droit germanique, sous forme de la fiducie, gérée par un fiduciaire. Au Liechtenstein, la formule de l’Anstalt est voisine ; c’est un fonds autonome avec des bénéficiaires, mais ni membres ni parts. Il y a aussi la Fondation (Stiftung) au Liechtenstein, également présente dans d’autres territoires, notamment aux Antilles néerlandaises, sans membres ni parts également, mais avec des bénéficiaires. Elle n’est pas inscrite sur un registre public. Elle est administrée par un bureau de gestionnaires.

Sans être exhaustif, tant les formules se déclinent selon des variantes que seules des subtilités distinguent, il faut citer le cas des International business corporation (IBC), souvent disponibles « sur étagère » dans les juridictions de droit anglo-saxon. Elles permettent de lever des capitaux par émission d’actions ou d’obligations et ne sont en général pas imposables, ni sur leur résultat, ni sur les plus-values des parts. Les obligations comptables et administratives sont allégées (dispense de présence aux réunions du conseil d’administration, pas de dépôt régulier de comptabilité). Elles sont en principe uniquement destinées aux activités offshore, car interdites d’activité sur le territoire qui a autorisé leur constitution. Une autre catégorie, voisine, est celle des sociétés exemptes (Exempt companies).

D’un pays ou d’un territoire à l’autre, les mêmes acteurs interviennent pour effectuer les montages : les banques ; les professionnels du droit, avocats et lawyers ; les professionnels du chiffre ; les activités diverses de conseil, enfin.

2. Le motif classique : la fraude ou l’évasion fiscales

Au premier chef, c’est la fraude et l’évasion fiscales par dissimulation d’avoirs, de capitaux, de biens et de revenus (ce que les Anglais appellent tax evasion) qui motivent le recours à un paradis fiscal.

Pour les particuliers, les procédés peuvent rester simples avec la détention de comptes bancaires ou de portefeuilles financiers ou la propriété d’actifs immobiliers, qu’ils soient à usage personnel ou répondent à un objectif de rendement par location ou réalisation de plus-values de cession. Des montages élaborés, mais plus coûteux, reposent sur la création de trusts, fondations ou sociétés. Ils impliquent en principe une rémunération du gestionnaire au pourcentage du capital concerné.

Pour les entreprises, il y a nécessairement montage avec recours à une société ou à une structure écran : sociétés, trust ou fondation.

Ces procédés font l’objet de mesures anti-fraudes dans les législations nationales des autres pays. Les mesures en vigueur sont très voisines d’un Etat à l’autre. Les procédés des fraudeurs étant les mêmes, les moyens mis en œuvre par les Etats pour rétablir l’assiette de l’impôt sont également du même ordre.

Pour ce qui concerne la France, les principales mesures destinées à éviter le recours aux paradis fiscaux sont prévues au code général des impôts (CGI).

Pour les résultats des entreprises, quelle que soit leur forme juridique et notamment pour les sociétés, sont prévues les mesures suivantes :

– l’imposition en France des transferts indirects de bénéfices à l’étranger entre entreprises liées, soit sous la forme d’une manipulation (diminution ou majoration) des prix de transfert (prix de facturation à l’achat ou à la vente entre entreprises liées), soit par tout autre moyen (versement de redevances excessives ou sans contrepartie notamment), à l’article 57 du CGI ;

– l’obligation de justifier, pour les déduire du résultat imposable, les paiements à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié, à l’article 238 A du CGI. Il s’agit plus précisément d’une obligation d’apporter la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Le régime fiscal privilégié correspond à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France ;

– la réintégration dans le bénéfice imposable des entreprises des bénéfices provenant de sociétés liées établies dans un pays à régime fiscal privilégié, sauf lorsqu’ils correspondent à une activité industrielle ou commerciale effective sur le territoire considéré, à l’article 209 B (celui-ci ne s’applique pour les pays de l’Union européenne qu’en cas de montage fictif) ;

– la réintégration dans le résultat imposable, des produits provenant des actifs transférés hors de France, sans contrepartie immédiate (tel est notamment le cas pour les opérations de défaisance de dettes), à l’article 238 bis 0I.

En outre, il faut mentionner que l’article 155 A du CGI prévoit que sont imposées en France les rémunérations perçues au titre des prestations de services qui y sont délivrées par des personnes physiques comme des personnes morales, et versées à des structures liées établies hors de France. Cette mesure a initialement été destinée à éviter le recours à des sociétés écrans par les artistes de variétés. Elle s’applique également lorsque les prestataires de services sont établis hors de France. Le bien fondé de sa mise en œuvre a été confirmé par le Conseil d’Etat pour une personne physique fiscalement domiciliée en Suisse et ayant eu recours à une société britannique qui n’exerçait pas de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services (arrêt du Conseil d’Etat n° 271366, 28 mars 2008, Charles A.).

Pour les personnes physiques, le droit fiscal français pose le principe de l’obligation fiscale illimitée, c’est-à-dire de l’imposition en France sur leurs revenus mondiaux, quelle qu’en soit l’origine.

Les mesures destinées à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales sont, outre l’article 155 A précité, l’obligation de déclarer les transferts à l’étranger au-delà de 10 000 euros (article 1649 quater A du code général des impôts) et l’obligation de déclarer les comptes financiers et les contrats d’assurance vie auprès d’établissements établis hors de France (articles 1649 A et 1649 AA).

Par ailleurs, l’article L. 64 du livre des procédures fiscales sur les abus de droit (les fraudes à la loi) s’applique aux montages internationaux.

3. Le motif financier : l’exemple des Iles Caïmans sur la localisation, hors d’une régulation et supervision trop contraignantes, d’instruments financiers de spéculation de plus en plus sophistiqués, conçus ailleurs, à Londres, à New York ou en Suisse

Les « paradis bancaires » sont avant tout des entités avec une réglementation moins exigeante ou plus flexible qu’ailleurs. Il peut d’ailleurs s’agir soit des règles applicables, soit de la disproportion des moyens de contrôle et des entités à superviser.

Les Iles Caïmans en sont une illustration. Elles ont d’ailleurs fait l’objet d’un article dans le quotidien Le Monde daté du 24 juin dernier. Leur cas est très éclairant et révélateur des places financières d’une taille inhabituelle par rapport au pays. Dès sa séparation d’avec la Jamaïque en 1962, lorsque celle-ci est devenue une république, cet archipel de 52 000 habitants, qui souhaitait conserver des liens étroits avec le Royaume-Uni, s’est transformé en place financière, grâce au concours de financiers partant des Bahamas, jugés à tort ou à raison politiquement moins stables.

D’après la base d’information de la CIA, le PIB par habitant des Iles Caïmans se situe au 13e rang mondial. Leur économie repose sur le tourisme et la finance. Les dépenses publiques sont financées pour l’essentiel par les droits de douanes et impôts indirects.

La flexibilité des règles de la place s’est illustrée en 1993, avec la loi sur les mutual funds, qui a été copiée par d’autres entités. En 2005, la réforme de cette législation est intervenue après un travail de concertation avec les professionnels. La principale mesure contraignante, à savoir le relèvement de 50 000 à 100 000 dollars du capital initial pour les Registrated Mutual Funds, les plus nombreux des fonds offshore, a été expliquée par l’un des associés d’Ogier, dans le Hedgeweek, comme ne posant pas problème, car seuls 5 % au maximum des fonds existants étaient en dessous du nouveau seuil et qu’ils ne seraient en tout état de cause pas concernés, en application de la clause dite du « grand-père ».

Pour sa part, le site Internet de la bourse de l’archipel (la Cayman Islands Stock Exchange ou CISE) précise que l’administration fiscale du Royaume-Uni (UK HMRC) reconnaît les valeurs qui y sont cotées comme éligibles aux plans de retraite personnels (personal pension plans), après avoir indiqué qu’il n’y avait pas de formalités non nécessaires et coûteuses et que la directive européenne «prospectus » sur l’information des épargnants(11) n’était pas applicable.

La supervision est exercée par la Cayman Islands Monetary Authority (CIMA), qui exerce des missions d’ordre monétaire, notamment la gestion de la monnaie locale et des réserves de change, outre la régulation et la supervision des services financiers, et le contrôle de l’application des règles contre le blanchiment.

Le site Internet de la CIMA montre que pour l’exercice de l’ensemble de ses missions, cette institution disposait en 2006, hors les chefs de divisions et leurs adjoints, de 20 analystes et 2 chefs analystes à la division des banques et trusts, 6 analystes et 1 chef analyste à la division de l’application, 4 personnes à la division des devises, 5 analystes à la division des services fiduciaires, 10 analystes et 2 chefs analystes à la division de supervision des assurances, 11 analystes et 3 chefs analystes à la division des investissements et valeurs mobilières.

En comparaison, les chiffres des institutions financières contrôlées laissent perplexe.

Le montant des avoirs internationaux s’élevait encore à quelque 1 700 milliards de dollars en mars 2009, en dépit d’une forte baisse depuis l’automne 2008, et le nombre des acteurs était important à raison de :

– 338 banques et établissements financiers, dont 18 banques habilitées aux opérations internes et externes, 252 banques pour les opérations externes (limitations pour les activités internes), 67 nominee trusts et 7 services monétaires (changeurs pouvant effectuer quelques autres opérations simples comme l’encaissement de chèques contre espèces) ;

– 259 institutions disposant de licences fiduciaires, toutes catégories confondues (gestion de trust et services de gestion de sociétés) ;

– 953 prestataires de services d’assurance, dont 787 licences pour les seules opérations internationales ;

– près de 12 000 mutual funds ou prestataires de services financiers d’investissement. Parmi ces 12 000 entités figuraient à cette date quelque 9 500 mutual funds, dont un peu plus de 9 000 utilisant le statut de fonds autorisé par le CIMA sans qu’une licence soit pour autant exigée.

Comme l’indique le graphique suivant, extrait du site Internet de la CIMA, cette situation est le résultat d’un développement exponentiel, avec une multiplication par 10 en 10 ans du nombre des fonds :

Source : CIMA.

Cette situation de souplesse n’explique pas seule que l’essentiel des hedge funds (80 %) soient localisés aux Iles Caïmans.

De toute évidence, le secret semble également avoir joué un rôle. Comme le confirme un article de la presse locale(12) du 23 juin dernier, la coopération internationale a été pour l’instant limitée à la communication par la CIMA du numéro d’enregistrement du fonds, de la catégorie dont il relève (il y a plusieurs catégories) et de la date à laquelle il a été autorisé. Selon la même source, des concertations avec les professionnels sont actuellement en cours pour transmettre à l’avenir plus d’informations.

Il en est de même de la fiscalité, semble-t-il. Comme le précise un article du Washington Post de MM. John Solomon et Alec Mac Gillis, du 23 avril 2007, un groupe d’investissement américain, Fortress Investment Group, situé à New York, enregistré au Delaware et dont l’ancien sénateur John Edwards a été un consultant, avait créé son hedge fund aux Iles Caïmans pour éviter d’avoir à payer l’impôt aux Etats-Unis.

La liste des mutual funds mise à jour au 24 avril 2009 était éloquente :

– 24 fonds portent le nom de Lehman Brothers, dont deux créés en 2005 et 2007 portent l’acronyme CDO, relatif au produit financier à l’origine de la crise des subprimes ;

– 66 fonds portent le nom de la banque Suisse UBS, dont notamment, en tête de liste, un UBS China opportunity, un UBS Islamic Fund Ltd, constitué le 28 juin 2001, et plusieurs fonds incluant dans leur dénomination Alpha, nom homophone du fonds Luxalpha de l’affaire Madoff ;

– 7 fonds portaient le nom de la banque britannique Barclays ;

– de nombreux fonds japonais, dont un Samuraï Fund Ltd ;

– parmi les autres fonds on trouve des noms moins signifiants pour le grand public tel qu’un Paulson credit opportunities enregistré en 2006, en première page du registre.

On peut ajouter qu’un seul immeuble sert de siège à quelque 18 000 sociétés.

C’est un exemple et une illustration du schéma classique : les innovations sont mises au point dans les grandes capitales de l’ingénierie financière à savoir Londres, New York ou encore Zurich ou Genève, prennent ensuite corps dans les paradis fiscaux, en raison des facteurs précédemment évoqués, et les capitaux reviennent ensuite sur ces mêmes grandes places financières.

Néanmoins, les Iles Caïmans n’ont pas le monopole des hedge funds. Selon les données communiquées par le quotidien Les Echos du 3 juillet dernier, 80 % des hedge funds européens étaient à la City de Londres, soit 500 fonds.

Cette fonction de recyclage a d’ailleurs fait l’objet d’un article du Guardian du 15 juin dernier, suivant lequel les dépôts provenant des Iles Caïmans auprès des banques anglaises ont chuté ces douze derniers mois.

Lors de son audition, la secrétaire générale de la Commission bancaire, Mme Danièle Nouy, a confirmé ce point de vue. Il n’est pas nécessaire de prévoir des accords avec certains superviseurs locaux, car les documents essentiels se trouvent en Europe, en France par exemple, et non dans quelque juridiction lointaine.

4. Le motif pénal : le blanchiment de l’argent du crime, de la corruption et des escroqueries financières

Les paradis fiscaux et autres centres offshore sont naturellement des cibles privilégiées pour le blanchiment des capitaux, même si le système des normes éditées par le GAFI couvre 175 Etats ou entités, et si les autres territoires ou Etats ne sont pas un désert complet, car sont couverts au titre des actions du FMI ou de la Banque mondiale.

La part prise par l’argent du crime n’a pas cessé d’augmenter. C’est particulièrement vrai du trafic de stupéfiants qui a très fortement progressé depuis les années 1970, avec la montée de la demande dans les pays les plus riches, et qui est aujourd’hui très puissamment organisé dans certaines régions du monde (Colombie, Afghanistan) ou, pour certaines filières spécialisées (produits dopants), dans les pays occidentaux eux-mêmes. Mais on ne peut sous-estimer non plus la part prise par les trafics d’êtres humains – en particulier, la prostitution, les filières clandestines d’immigration, le travail au noir et l’esclavage, le commerce et l’exploitation des enfants – ou encore par la corruption et les trafics d’armes.

Dans tous ces domaines, les données sont difficiles à quantifier, mais il est clair que les paradis fiscaux jouent souvent un rôle clef pour le recyclage de l’argent du crime et de la corruption, quelles qu’en soient les origines. Le blanchiment de capitaux consiste à retraiter des capitaux d’origine criminelle pour en masquer l’origine illégale. Ce processus revêt une importance essentielle puisqu’il permet au criminel de profiter de ses bénéfices tout en protégeant leur source. La législation française définit à l’article 324-1 du code pénal le délit de blanchiment comme le fait de faciliter par tout moyen la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.

Les criminels s’emploient à masquer les sources de leurs profits, en agissant sur la forme que revêtent les fonds ou en les déplaçant vers des lieux où ils risquent moins d’attirer l’attention.

Le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) a été créé lors du Sommet du G7 à Paris en 1989 afin de mettre au point une action coordonnée à l’échelle internationale pour lutter contre le blanchiment de capitaux. L’une des premières tâches du GAFI a consisté à élaborer des Recommandations, 40 au total, qui énoncent les mesures que les gouvernements doivent prendre pour appliquer des plans efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux.

S’agissant de l’ampleur du problème à l’échelle mondiale, les estimations sont par nature incertaines. Comme l’indique le GAFI sur son site Internet : « Par sa nature même, le blanchiment de capitaux est en dehors du champ normal couvert par les statistiques économiques. Néanmoins, comme pour d’autres aspects de l’activité économique souterraine, on a pu avancer des estimations grossières afin de donner une idée de l’ampleur du problème. En 1996, d’après le Fonds monétaire international, le volume agrégé du blanchiment de capitaux dans le monde se situerait dans une fourchette de deux à cinq pour cent du produit intérieur brut mondial. Si l’on se réfère aux statistiques pour l’année 1996, ces pourcentages permettraient de penser que le blanchiment de capitaux a représenté de 590 à 1 500 milliards de dollars américains. »

Pour l’année 2007, le PIB brut mondial s’est élevé à 54 584 milliards de dollars selon la Banque mondiale, soit une estimation du blanchiment de capitaux qui serait comprise entre 1 091 et 2 729 milliards de dollars.

Une part importante du blanchiment porte également sur l’argent de la corruption. Celle-ci est présente dans un nombre considérable d’Etats, quel que soit leur niveau de développement, mais elle constitue en outre un frein très lourd à la progression des pays les moins développés.

Une commission d’experts présidée par le professeur Guttorm Schjelderup, économiste, a rendu un rapport intitulé « Paradis fiscaux et développement » mi-juin à M. Erik Solheim, ministre de l’environnement et du développement international de Norvège. Le rapport estime que, sur les 10 000 à 12 000 milliards de dollars qui transitent chaque année par les paradis fiscaux, 20 % pourraient provenir des pays en voie de développement. Ces flux de capitaux, dont la majorité sont illégaux, proviennent soit d’activités criminelles soit d’infractions à la loi (évasion fiscale).

La corruption, dénoncée dans le rapport Schjelderup s’agissant des pays en voie de développement, est un phénomène mondial. Malgré les efforts des années récentes (convention de l’ONU dite de Mérida de 2003), il progresse et la corruption constitue une source majeure des besoins de blanchiment, ont indiqué les magistrats spécialisés entendus. Lutte contre la corruption et contre le blanchiment doivent aller de pair.

Le dernier rapport du GAFI, relatif au blanchiment de capitaux via le secteur du football, donne quelques exemples possibles de recours aux paradis fiscaux pour le blanchiment ou la fraude fiscale :

– les transactions sur joueurs avec des commissions versées dans des paradis fiscaux ou l’intervention d’investisseurs ou de groupes d’investisseurs qui y sont basés ;

– le transfert indirect d’argent liquide, blanchi grâce à une majoration fictive des ventes de billets et des recettes des buvettes, vers des paradis fiscaux, grâce à des surfacturations de travaux organisés par une société offshore ;

– l’achat de matches ;

– l’implantation de sociétés d’image dans les paradis fiscaux.

Par ailleurs, un exemple d’escroquerie financière est donné par le schéma « Madoff » vis-à-vis de la banque CIC avec, selon le Nouvel Observateur :

- une souscription du CIC à des instruments financiers placés à Jersey ;

- un investissement des sommes dans un fonds domicilié aux Iles Vierges britanniques ;

- une administration de ce fonds par une société domiciliée aux Bermudes ;

- M. Madoff, établi à New York, étant dépositaire et gérant des actifs.

Le schéma est le suivant :






Etats-Unis Iles Vierges britanniques Bermudes Jersey France







Note
 : Les flèches indiquent les flux financiers.

5. Le cas des abus de marché

Pour être exhaustif, il faut également évoquer la question de la protection par le secret des abus de marché - tels que les délits d’initiés, la propagation d’informations fausses ou trompeuses, ou encore les manipulations portant sur les cours des instruments financiers - réalisés à partir de paradis fiscaux, centres offshore et juridictions non coopératives.

Faute de coopération internationale et de levée du secret bancaire, les superviseurs se heurtent à des murs opaques lorsqu’ils veulent s’assurer qu’il n’y a pas manipulation des cours ou franchissement de seuil à partir d’une place étrangère, par exemple.

Ainsi des ordres passés de places financières étrangères peuvent actuellement être utilisés pour contourner les règles françaises ou, plus largement, européennes.

Le cas du Liban a été évoqué auprès des rapporteurs, s’agissant de la difficulté à obtenir des réponses aux questions posées.

Ce n’est pas le seul pays concerné. La situation change favorablement. S’agissant de la Suisse, Crédit Suisse vient d’indiquer à ses clients, le 2 juillet dernier, qu’il communiquerait les données qu’elle lui demanderait à l’Autorité des marchés financiers (AMF).

C. Des Etats et territoires présents sur tous les continents, notamment en Europe, et non seulement dans les îles tropicales

Contrairement à l’image traditionnelle du paradis fiscal, île tropicale où il fait bon vivre, les paradis fiscaux sont implantés dans le monde entier, notamment en Europe, et certains sont des Etats membres de l’Union européenne.

1. Trois foyers d’implantation principaux : en Europe, à la fois dans l’Union européenne et en dehors d’elle, aux Caraïbes et en Asie

a) La situation

On ne dispose pas aujourd’hui d’une liste des paradis fiscaux et centres offshore ou autres centres financiers, en l’absence de volonté affirmée de les combattre. En outre, tout Etat ou territoire inscrit souhaite toujours faire valoir ses arguments en sens contraire.

Néanmoins, en se fondant sur ce qui est communément admis, notamment sur la liste de l’OCDE publiée le 2 avril dernier, on distingue trois centres principaux : l’Europe, le monde caraïbe et l’Extrême-orient.

Pour l’Europe, on distingue principalement les pays de l’arc Alpin, à savoir la Suisse et le Liechtenstein, auquel on rajoute l’Autriche, en raison notamment de son secret bancaire, le Luxembourg, les tout petits Etats (Monaco, Andorre et Saint-Marin) et les dépendances de la Couronne britannique, à savoir les Iles anglo-normandes (Jersey, Guernesey) et l’Ile de Man, ainsi que Gibraltar.

Pour la zone caraïbe, sans être exhaustif, les plus développés sont les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans, les Bermudes, ainsi que Panama, les Bahamas, les Antilles néerlandaises, Aruba, Anguilla, Antigua et Turks-et-Caïcos, notamment.

Pour la zone Asie-Pacifique, les trois principaux centres sont Singapour, Hong Kong et Macao. Certains Etats de petite taille sont aussi concernés : les Iles Cook, les Iles Marshall ou encore le Vanuatu, ainsi que Nauru, l’une des dernières juridictions non coopératives à avoir figuré sur la liste noire du GAFI, avec le Myanmar et le Nigeria.

Pour être exhaustif, il faut mentionner que Bahreïn, au Proche-Orient figure aussi sur la liste de l’OCDE.

b) La spécificité de l’Europe avec des Etats membres de l’Union européenne, des territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Etats non membres de l’Union européenne

On observe en Europe une situation différenciée avec trois catégories de pays à secret bancaire :

– trois Etats membres de l’Union européenne : l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg ;

– des territoires dépendants et associés au Royaume-Uni : Gibraltar, l’Ile de Man, Jersey, Guernesey ;

– des Etats non membres de l’Union européenne : outre la Suisse, le Liechtenstein et Saint-Marin (San Marino), deux territoires qui ont des liens particuliers et anciens avec la France : Andorre et Monaco.

C’est ce qui explique toute la difficulté des négociations sur ce sujet car aucun ne veut en général consentir une avancée sans que les autres le fassent aussi.

2. Le cas particulier des grands centres d’ingénierie financière anglo-saxons, notamment de Londres

L’une des questions les plus controversées est la qualification ou non des grands centres financier anglo-saxons comme centres offshore.

Selon M. John Christensen, directeur de Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale), dans l’entretien accordé au quotidien Le Monde du 24 mars 2009, tel est le cas pour les principales places financières, à savoir New York et Londres.

C’est le débat entre l’approche dite étroite et l’approche large, qui fait cas ou non de la souplesse des pratiques des places financières.

Pour Londres, on invoque l’argument, qui n’est pas sans fondement, mais que le présent rapport ne saurait trancher, selon lequel la place est indissociable dans son fonctionnement de celui des territoires dépendants ou associés, notamment des îles anglo-normandes, de l’Ile de Man et des territoires caraïbes (Anguilla, les Iles Caïmans, etc.).

En outre, on observe depuis longtemps une certaine complaisance de la place pour les pratiques offshore. Dès la fin des années 1950, c’est la « souplesse » de la Banque d’Angleterre qui a permis le développement du marché des eurodollars, en dehors des contraintes applicables aux opérations financières internes. La permanence de cette culture s’illustre encore dans la presse, comme en témoigne la publication régulière dans l’hebdomadaire The Economist de publicités d’opérateurs basés à Londres pour la création d’entreprises ou pour des opérations bancaires offshore, et non seulement au Royaume-Uni (Cf. annexe 2).

C’est cette souplesse qui est avancée pour expliquer le rôle de Londres, à parité avec New York, dans l’ingénierie financière.

Comme l’indique le rapport précité de la Commission norvégienne, le problème se pose s’agissant de l’Europe pour le Royaume-Uni, l’Irlande ainsi que les Pays-Bas.

Selon le dernier Global financial centres index (mars 2009) établi à Londres pour évaluer la compétitivité des places financières, on observera que les places estimées les plus compétitives sont Londres et New York, puis Singapour, Hong Kong, Zurich, Genève, Chicago, Francfort, Boston et Dublin.

Après Toronto à la 11e place, on trouve immédiatement Jersey, Guernesey et Luxembourg.

Beaucoup de pays ou territoires considérés comme des paradis fiscaux ou des centre offshore y figurent donc en bonne place.

Par ailleurs, Londres a longtemps fait bénéficier toute une partie de la City de règles favorables pour l’impôt sur le revenu, prévoyant que les contribuables résidents au Royaume-Uni sans y être domiciliés sont assujettis au titre des seuls revenus de source britannique et dans la mesure où ces revenus sont effectivement rapatriés. C’est la règle dite de « remittance basis ». Les bonus à Jersey n’étaient pas concernés. La règle a cependant été modifiée à partir du 6 avril 2008 avec, dans certains cas, le paiement d’une somme forfaitaire annuelle de £ 30 000 par personne au titre de ces revenus non rapatriés. Cette solution peut être fort intéressante pour les contribuables qui paieraient, si le droit fiscal s’appliquait normalement, une somme supérieure à ce forfait, sur les revenus concernés. Elle est très favorable à ceux qui veulent se soustraire à l’impôt.

3. La situation de certains Etats fédérés des Etats-Unis

Lors du débat sur les paradis fiscaux préalable à la réunion du G20 d’avril dernier, le Premier ministre du Luxembourg a évoqué le cas particulier de certains Etats fédérés des Etats-Unis : le Delaware, le Nevada, ainsi que le Wyoming.

La remarque vaut surtout pour le Delaware, qui a d’ailleurs été déclaré paradis fiscal par le Brésil en 2008. Cet Etat concentre plus de la moitié des sociétés enregistrées aux Etats-Unis. Elle vaut aussi pour le Nevada. Le cas des trusts du Wyoming est en général jugé plus mineur.

Le site paradis.fiscaux@com propose de créer une société non résidente ou offshore dans le Delaware, pour un coût de l’ordre de 2 500 à 3 000 euros.

Il rappelle les avantages suivants : pas d’impôt sur les résultats (seule une contribution forfaitaire de l’ordre de 200 euros est demandée pour une LLC, société à responsabilité limitée, formule la plus courante créée en 1992) ; des délais très brefs pour créer une société, grâce à un kit (jusqu’à 48 heures pour une LLC) ; possibilité de la créer par correspondance ; pas d’obligation de dépôt des documents comptables ; pas de registre public des associés ou des beneficial owners, lesquels peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales ; en outre, il est possible de créer une société avec un seul associé.

Le rapport d’évaluation mutuelle du GAFI concernant les Etats-Unis, daté du 23 juin 2006, met ainsi en évidence, pour le Delaware : 695 000 entités enregistrées ; la moitié environ des sociétés cotées au Stock Exchange ; 130 000 créations par an ; beaucoup de fusions.

Pour le Nevada, ce même rapport, qui indique 280 000 entités actives, et 80 à 85 0000 créations par an, rappelle que seules 20 % des sociétés sont créées par des résidents de l’Etat, l’essentiel provenant en fait des initiatives des résidents de Californie (40 %) et le reste des autres Etats américains. Les avantages cités sont l’absence d’impôt d’Etat, l’absence d’accord de partage d’information avec l’administration fiscale fédérale (l’Internal Revenue Service - IRS), le minimum de formalité et la confidentialité des renseignements.

4. Le cas de certains territoires de la République

S’agissant de la France, certaines collectivités d’outre-mer sont parfois citées comme des paradis fiscaux : Saint-Martin, Saint-Barthélémy, la Polynésie française et aussi la Nouvelle-Calédonie.

Ces collectivités territoriales ont, certes, la compétence en matière fiscale, mais la France peut avoir sur ces territoires une influence déterminante.

5. Une prépondérance de la Suisse sur le plan mondial

Selon un article de MM. Guy Marchal et Florent Berthat publié dans l’AGEFI du 19 mars dernier, la Suisse joue un rôle clef dans les fonds non résidents, à raison de 2 000 milliards de dollars, avant le Royaume-Uni et ses dépendances, ainsi que l’Irlande, à raison de 1 700 milliards de dollars. Le graphique suivant reprend ces éléments.

Source : l’AGEFI.

6. Une logique de proximité

Les paradis fiscaux et les centres offshore reposent largement sur une logique de proximité.

Le rapport supplémentaire au rapport de 2008 du FMI sur le programme d’évaluation des centres offshore (Offshore Financial Centers. Report on the Assessment Program and proposal for the Integration with the Financial Sector Assessment Program. Supplementary Information) met en évidence à partir des seules données des pays étudiés que les résidents du Royaume-Uni et d’Europe ont recours aux paradis fiscaux européens, ou du Proche-orient, que les Américains utilisent la zone caraïbe (appelée hémisphère occidental) et que les paradis fiscaux de la zone Asie-Pacifique abritent plutôt des capitaux japonais ou issus d’autres pays de cette même zone.

Les graphiques suivants récapitulent ces éléments.

Répartition géographique des actifs et passifs transfrontaliers(13)

D. Une situation favorisée par le comportement des principaux acteurs

1. Les Etats et territoires concernés : des transparences à géométrie variable qui offrent des échappatoires dans l’articulation entre le fiscal et le pénal

Pour leur défense, les paradis fiscaux et les centres offshore invoquent la protection du secret, notamment du secret bancaire, et la protection de la vie privée.

Il n’est pas recevable de placer le débat sur ce terrain-là.

En effet, ce qui en cause n’est pas l’accès d’autres personnes privées à des informations que d’aucuns jugent confidentielles, mais l’accès d’autorités publiques elles-mêmes soumises au principe de la confidentialité des données (secret fiscal notamment) à des informations essentielles, à savoir :

– des éléments sur le revenu et le patrimoine des particuliers, pour pouvoir établir l’impôt d’une manière correcte et équitable ;

– des éléments sur les bénéfices et les transactions des entreprises, de manière également à pouvoir établir l’impôt sur des bases identiques, ce qui est essentiel au bon fonctionnement du marché qui repose sur la loyauté de la concurrence, au-delà de l’aspect légal et moral qui vient d’être évoqué ;

– des informations sur les infractions pénales, de manière à pouvoir les établir et à les sanctionner par un jugement et ainsi à faire appliquer les éventuelles condamnations. C’est une question d’ordre public. Elle est indiscutable ;

– des données relatives au fonctionnement des marchés, notamment des marchés financiers, afin de bien s’assurer du respect des normes prudentielles et des principes qui président à la sécurité financière, à la protection de l’épargne et à la véracité des transactions de marché.

Certes, la situation a beaucoup progressé depuis le début des années 1990, depuis que les premières procédures de lutte anti-blanchiment ont été mises en œuvre en application des décisions du G7 du sommet de l’Arche en 1989.

En matière de lutte contre la corruption notamment, les principales conventions internationales ont, depuis, été adoptées, avec la convention de l’OCDE de 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, ratifiée en 2000 par la France après l’adoption en mai 1999 de la loi autorisant sa ratification (loi n° 99-424 du 27 mai 1999), ainsi que la convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption du 27 janvier 1999 et son protocole additionnel du 15 mai 2003, la convention des Nations unies contre la corruption, adoptée le 31 octobre 2003 à New York (dite « convention de Mérida ») et la convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne.

Néanmoins, nous sommes encore loin de la situation idéale où le principe de transparence jouerait sans restriction et permettrait aux juges comme aux autorités publiques d’accéder sans frontière aux informations nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Avec des Etats ou territoires qui sont ou non transparents et coopèrent ou non, avec en outre la question des modalités plus ou moins aisées d’obtention des renseignements dans la pratique, la situation est devenue très complexe.

En effet, la coopération internationale entre Etats ou avec des territoires autonomes, mais qui ne sont pas totalement souverains, repose soit sur des conventions multilatérales, soit sur des conventions bilatérales, soit, pour ce qui concerne l’Union européenne, sur des instruments communautaires, des directives ou des décisions cadres des premier et troisième piliers. Il faut déterminer avec précision le droit applicable.

Le droit laisse de nombreuses possibilités d’échappatoires notamment dans les cas suivants :

- l’échange d’informations n’est pas automatique ;

- il est parfois exigé d’être tellement précis dans la commission rogatoire qu’il faudrait disposer des éléments que l’on demande pour pouvoir la rédiger ;

- la levée du secret bancaire ou la détention d’éléments sur une structure écran n’est une étape, en raison des possibilités de recours ultérieures ;

- des recours peuvent, en effet, être exercés avant transmission des éléments demandés, soit sur les procédures, soit sur le fond ;

- enfin, l’utilisation des renseignements communiqués est restreinte.

En outre, il faut bien distinguer que les règles en matière pénale et celles en matière fiscale ne sont pas les mêmes.

Selon les informations communiquées aux rapporteurs, la situation est précisément la suivante.

En premier lieu, certains pays refusent de coopérer en raison des différences d’approches entre la France et eux-mêmes, en matière de fraude fiscale.

Les obstacles juridiques peuvent naître de problèmes de ratification des instruments juridiques.

D’autres obstacles peuvent être liés au problème de double incrimination. En Suisse, il est obligatoire de donner suite à une demande d’entraide relative à une infraction fiscale, lorsque les faits poursuivis dans l’Etat relèvent en Suisse de l’escroquerie fiscale (qui implique une action volontaire frauduleuse, mais ne recouvre pas l’hypothèse de la simple soustraction à l’impôt par omission). En Belgique, minorer son imposition sans manœuvre frauduleuse ne constitue pas un délit. L’Italie, enfin, fixe un seuil au-delà duquel la soustraction à l’impôt devient pénalement punissable.

Enfin, le principe de spécialité peut nuire à la coopération (les éléments recueillis dans le cadre d’une demande d’entraide ne peuvent être utilisés comme moyen de preuve dans le cadre d’une procédure distincte pour laquelle l’entraide est exclue, par exemple le blanchiment).

Par ailleurs, l’articulation entre les conventions d’entraide pénale et les conventions fiscales reste parfois un point délicat, car celles-ci ont leurs champs d’application propres. Ainsi, lorsque l’infraction pénale pour laquelle l’entraide judiciaire est demandée a des implications en matière fiscale, cet élément peut affecter le fonctionnement de l’entraide judiciaire de deux façons :

– le motif de refus « fiscal » : la demande d’entraide judiciaire peut être refusée au motif qu’elle se rapporte à une infraction que l’Etat requis qualifie d’infraction fiscale ;

– la règle de spécialité dans l’utilisation des données, qui permet d’interdire toute utilisation des données communiquées dans le cadre d’une procédure pénale, pour les besoins d’une procédure fiscale.

Les instruments récents adoptés dans le cadre de l’Union européenne ont permis de lever progressivement ces restrictions dans les rapports entre les Etats membres : la convention du 29 mai 2000 et son protocole de 2001 suppriment toute possibilité d’opposer le motif de refus fiscal, qu’il s’agisse de fiscalité directe ou indirecte.

Par ailleurs, la règle de spécialité est assouplie afin de permettre l’utilisation des données dans le cadre de « procédures judiciaires ou administratives directement liées à la procédure pour laquelle l’entraide a été demandée ».

Ces deux limites subsistent toutefois dans le cadre des conventions du Conseil de l’Europe (convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et ses protocoles). Elles sont ainsi toujours appliquées par des Etats comme la Suisse ou Monaco.

Il serait trop lourd de renégocier l’ensemble des conventions bilatérales liant la France à la seule fin de supprimer ces deux limites à la coopération. En revanche, la négociation d’avenants ou de nouvelles conventions bilatérales sont l’occasion de supprimer ces deux limites ou d’en limiter au maximum la portée.

Sur le principe de spécialité, qui veut que les éléments transmis ne puissent être utilisés pour une autre procédure que celle qui a motivé la commission rogatoire concernée, la France reste parfois prudente, selon la Chancellerie, car il lui permet aussi de s’assurer que les éléments transmis aux pays qui ont une autre conception des droits de l’homme qu’elle, seront en tout état de cause utilisés d’une manière aussi proche que possible de sa vision de l’Etat de droit.

2. Le manque de continuité des actions internationales entreprises à la fin des années 1990, faute de volonté politique

Les actions continues du G7 à partir du Sommet de Lyon en 1996, déjà évoquées en introduction, ont entraîné un important travail de recensement des Etats et des territoires posant problème, dans le cadre de trois instances :

– l’OCDE, avec le Forum sur les pratiques fiscales dommageables, qui a traité de la concurrence fiscale déloyale selon deux volets : d’une part, sur les pratiques fiscales déloyales, régimes fiscaux dérogatoires au droit commun des Etats concernés et destinées à attirer les capitaux étrangers ; d’autre part, les paradis fiscaux ;

– la liste du Forum de stabilité financière (FSF) créé en 1999 pour formuler des recommandations sur différents aspects essentiels au maintien de la stabilité financière internationale (liste des codes et standards internationaux, liste des centres offshore selon la qualité de supervision, gestion des crises, risque financier systémique posé par les hedge funds, notamment) ;

– le GAFI pour les juridictions non coopératives en matière de lutte contre le blanchiment (respect des 40 recommandations initiales, les 9 relatives au terrorisme étant ultérieures).

Les trois listes ont été publiées presque simultanément en 2000. Elles sont différentes les unes des autres.

La liste du Forum de stabilité financière (FSF), qui gradue le risque des pays ou territoires concernés selon 3 niveaux, a été publiée en février 2000 et comprend 42 noms. Celle de l’OCDE a été publiée en avril 2000, avec 35 Etats ou territoires. La dernière a été celle du GAFI ; 15 juridictions non coopératives (pays ou territoires) ont été retenues en juin 2000.

Ces trois listes sont récapitulées de manière comparative dans le tableau suivant :

Etats listés en 2000

Etat ou territoire

FSF(*)

OCDE

GAFI

Andorre

II

X

 

Anguilla

III

X

 

Antigua et Barbuda

III

X

 

Antilles néerlandaises

III

X

 

Aruba

III

X

 

Bahamas

III

X

X

Bahreïn

II

X

 

Barbade

II

X

 

Bélize

III

X

 

Bermudes

II

   

Iles Caïmans

III

 

X

Iles Cook

III

X

X

Costa Rica

III

   

Chypre

III

   

Dominique

 

X

X

Dublin

I

   

Gibraltar

II

X

 

Grenade

 

X

 

Guernesey

I

X

 

Jersey

I

X

 

Hong-Kong

I

   

Iles Vierges britanniques

III

X

 

Iles Vierges des Etats-Unis

 

X

 

Israël

   

X

Labuan

II

   

Liban

III

 

X

Liberia

 

X

 

Liechtenstein

III

X

X

Luxembourg

I

   

Macao

II

   

Malte

II

   

Iles de Man

I

X

 

Iles Marshall

III

X

X

Maurice

III

   

Monaco

II

X

 

Montserrat

 

X

 

Nauru

III

X

X

Niue

III

X

X

Panama

III

X

X

Philippines

   

X

Rép. des Maldives

 

X

 

Russie

   

X

Samoa

III

X

 

Seychelles

III

X

 

Singapour

I

   

Saint-Kitts et Nevis

III

X

X

Saint-Vincent et les Grenadines

III

X

X

Sainte-Lucie

III

X

 

Suisse

I

   

Tonga

 

X

 

Turks et Caïcos

III

X

 

Vanuatu

III

X

 

(*) Le FSF a classé les pays en trois groupes : ceux avec un système de réglementation de relativement meilleure qualité (I), ceux dont les performances sont inférieures aux standards mondiaux (II) et ceux qui posent problème (III).

Source : FSF, OCDE, GAFI.

Ensuite, le mécanisme s’enlise.

D’une part, le principe de dénonciation publique sur lequel il repose, que les Anglo-saxons appellent le « name and shame » (la désignation et la honte) provoque une réaction des entités concernées. Douze d’entre elles suivent l’initiative de la Barbade et constituent l’International Tax Investment Organisation (ITIO), que 5 autres entités rejoindront ultérieurement. Elles appartiennent toutes au monde caraïbe ou pacifique. La liste des 17 membres actuels figure dans le tableau suivant :

Caraïbes

Anguilla

 

Antigua & Barbuda

 

Bahamas

 

Barbade

 

Belize

 

Iles Vierges britanniques

 

Iles Caïmans

 

St Christophe & Nevis

 

Sainte-Lucie

 

St Vincent & lesGrenadines

 

Turks & Caicos

Amérique latine

Panama

Pacifique

Iles Cook

 

Samoa

 

Vanuatu

Deux reproches sont adressés à la démarche de l’OCDE : l’inscription sans débat contradictoire sur la liste de 2000 ; son caractère intolérable car résultat d’une volonté des pays riches et protégeant les pays à secret bancaire membres de l’OCDE, notamment la Suisse.

Ensuite, la volonté politique n’est plus la même. L’Administration Bush, notamment, se montre peu encline à aller de l’avant. Lors de son audition le 18 juillet 2001 par la sous-commission du Sénat américain sur l’initiative de l’OCDE, le secrétaire d’Etat au Trésor, M. Paul H. O’Neil, indique que les Etats-Unis préfèrent s’engager dans une démarche de coopération et de dialogue plutôt que de sanction, et ainsi dans la voie des conventions bilatérales plutôt que dans une voie multilatérale. Ce changement est important, car l’OCDE fonctionne traditionnellement par consensus.

En outre, après le 11 septembre, la lutte contre le terrorisme passe au premier plan. Dès octobre 2001, le GAFI publie Huit Recommandations Spéciales pour lutter contre le financement du terrorisme, et y ajoute, en octobre 2004, une Neuvième Recommandation Spéciale.

Enfin, les listes sont révisées et, sur la base de simples engagements, leur teneur diminue.

En avril 2002, celle de l’OCDE ne comprend plus que 7 pays n’ayant pas pris d’engagement de transparence en matière fiscale. Par la suite, Nauru et Vanuatu ont pris un engagement en 2003 et le Liberia et les Iles Marshall en 2007. Les trois dernières juridictions concernées ont donc été in fine, jusqu’en mai 2009, Andorre, le Liechtenstein et Monaco.

Pour ce qui concerne les autres listes, elles connaissent également la même évolution. C’est en partie lié au fait que l’évaluation sur laquelle reposent ces listes a été également opérée par le FMI, qui a engagé à partir de 2000 sa propre démarche avec le programme d’évaluation des centres financiers offshore(14), sur une base volontaire.

La liste du FSF est donc devenue sans objet.

Quant à celle du GAFI, elle s’est également réduite pour ne plus comprendre en 2005 que le Myanmar (ex-Birmanie) et le Nigeria (le FMI surveillant de ce point de vue les Etats qui ne sont pas membres du GAFI ou de l’une de ses organisations régionales homologues).

Pourtant, bien qu’elle ait disparu de l’agenda politique, la question des paradis fiscaux et des centres offshore a continué à faire l’objet des travaux tant du GAFI, avec les procédures d’évaluation mutuelle et la publication régulière des rapports correspondants, qu’au niveau de l’OCDE dans le cadre des travaux du Comité des affaires fiscales.

3. L’utilisation des paradis fiscaux au nom de certains intérêts d’Etat : les exemples des « Foreign sales corporations » américaines et des sociétés écrans de la RDA

Certaines stratégies d’utilisation des paradis fiscaux ont été favorisées par les Etats.

Un premier exemple est celui des Foreign sales corporations (FSC) des Etats-Unis. Issu d’une législation introduite en 1971 sur les Domestic International Sales Corporations (DISC), ce dispositif devait favoriser la compétitivité des entreprises américaines en leur permettant de localiser dans les paradis fiscaux, notamment les Iles vierges américaines et la Barbade, les bénéfices provenant de leurs exportations. Contesté par les Européens devant l’OMC, il a été condamné. Il n’a été finalement supprimé que face à la menace de mesures de rétorsions (surtaxes douanières) par le vote en 2004 du Job Act, qui a cependant prévu un délai de transition jusqu’au 31 décembre 2006 et une clause, dite de « grand fathering » permettant à certaines entreprises, notamment Boeing, de continuer pendant plusieurs années encore à bénéficier d’avantages fiscaux. Selon la Commission européenne, cela représente par exemple un avantage fiscal annuel de quelque 615 millions d’euros pour Boeing sur les dix ans à venir.

Un second exemple concerne l’ex-République démocratique allemande, selon un reportage de MM. Ulrich Stoll et Herbert Klar sur le Liechtenstein, diffusé le 9 juin dernier sur la chaîne Arte. Il révèle que « l’Allemagne de l’Est » a eu recours à des entités créées dans la Principauté pour se procurer des devises.

Ces pratiques, qui peuvent intervenir dans des secteurs sensibles, relèvent de la raison d’Etat. Elles peuvent être couvertes par le secret défense.

4. L’ambivalence des banques

La présence des banques étrangères, notamment des banques françaises, américaines, japonaises ou européennes, dans les paradis fiscaux et centres offshore est difficile à justifier.

Aux questions posées par les rapporteurs, la réponse est toujours la même : chaque banque justifie sa présence par celle de la concurrence et par l’impossibilité d’abandonner un terrain sur lequel sa clientèle souhaite être présente ; elle indique également avoir, au-delà des procédures légales applicables sur place, des normes internes qui sont celles de son pays d’origine.

C’est notamment évoqué pour ce qui concerne le blanchiment.

Néanmoins, il ressort des éléments transmis aux rapporteurs par la Commission bancaire que celle-ci, territorialement non compétente, mais néanmoins responsable de la surveillance sur une base consolidée, a dû pointer certaines insuffisances de procédures de contrôle interne des groupes : défauts de contrôle ou de remontée d’informations des filiales ; lacunes dans les dispositifs de contrôle anti-blanchiment. En 2004, une sanction publique a été prononcée contre CALYON, pour des lacunes dans l’efficacité des recommandations en matière de lutte anti-blanchiment à des entités étrangères du groupe. Gibraltar, Monaco, la Suisse et le Luxembourg sont cités.

La Commission bancaire a également sanctionné disciplinairement, dans le cadre de décisions publiques, des établissements bancaires pour défaut de renseignements suffisants dans le cadre d’opérations commerciales avec des pays figurant sur la liste OCDE (Liechtenstein, Panama, Iles Vierges britanniques, Iles Caïmans, ainsi que les Bermudes, le Luxembourg et la Suisse).

Le tableau suivant présente les décisions rendues depuis 2005 ainsi que les montants des sanctions pécuniaires infligées.

Décisions rendues par la Commission bancaire comportant
un grief de blanchiment

 

2005

2006

2007

2008

Etablissements de crédit et entreprises d’investissement :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nombre de décisions

11

5

3

3

 

 

 

 

 

Montant le plus élevé

400 000 euros

400 000 euros

200 000 euros

300 000 euros

 

 

 

 

 

Montant le moins élevé

50 000 euros

30 000 euros

200 000 euros

100 000 euros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Changeurs manuels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nombre de décisions

0

2

2

1

 

 

 

 

 

Montant le plus élevé

-

50 000 euros

20 000 euros

5 000 euros

 

 

 

 

 

Montant le moins élevé

-

20 000 euros

10 000 euros

5 000 euros

 

 

 

 

 

E. La légitimité d’une élimination rapide des pratiques des paradis fiscaux, paradis bancaires et paradis judiciaires

1. Un facteur de risques multiples

a) Un risque financier et prudentiel majeur que l’économie mondiale ne peut se permettre une deuxième fois

Les paradis fiscaux ont été identifiés, comme on l’a vu, par le G7 dès la fin des années 1990 comme recelant un risque financier et prudentiel majeur.

En dépit des travaux et actions précités du FMI et du FSF, ce diagnostic vaut toujours, même si les modalités en ont changé.

Pour ce qui concerne l’actuelle crise financière, la responsabilité directe des centres offshore n’apparaît pas, car ce ne sont pas les hedge funds, dont l’essentiel y est localisé (à raison plus de 10 000 fonds avant la crise, soit 80 % des actifs mondiaux placés dans ces supports) qui ont eu un rôle direct dans le déclenchement de la crise, contrairement à 1998 avec le LTCM.

En revanche, il existe des canaux moins directs mais tout aussi nocifs, tels que celui mis en évidence par M. Patrick Artus, dans le Special Report de Natixis du 23 mars dernier (n° 85), et intitulé « Des places offshore à la monétisation d’une partie des dettes en dollars par la banque centrale de Chine ».

Il en ressort que les excès du recours à l’effet de levier et de la titrisation de leurs crédits par les banques américaines, qui sont à l’origine de la crise, ont été aggravés par les places offshore.

On rappellera que les banques américaines n’avaient à la fin de 2008 à leur bilan que 7 500 milliards de dollars de crédits sur les 20 000 distribués, grâce à la faculté de placer ces crédits dans des véhicules off shore, tels que des SPV, financés par des émissions de titres et sans disposer de fonds propres règlementaires.

Les centre offshore ont donc permis, avec une moindre surveillance des superviseurs, l’exportation de créances des banques dans des structures non soumises aux exigences de capital et dont l’actif était constitué uniquement de créances et le passif uniquement de dettes.

Sans ce mécanisme, l’augmentation du volume des crédits aux Etats-Unis n’aurait pu se faire au même rythme, car les obligations de fonds propres bancaires auraient été calculées sur l’ensemble des crédits et non sur les seuls crédits non titrisés.

Par conséquent, même indirecte, la responsabilité des mécanismes propres aux paradis fiscaux et centres off shore n’en est pas moins écrasante et certaine dans le déclenchement de la crise actuelle, la plus grave depuis 1929.

Ce constat est partagé par le rapport précité de la Commission norvégienne qui estime que la localisation d’une large part des produits financiers innovants dans les centre offshore et paradis fiscaux représente un risque en elle-même. Celle-ci a été notamment l’année dernière à l’origine d’une défiance qui a fortement réduit la liquidité des actifs des structures qui y étaient établies. Le risque de contrepartie en a été accru et, par conséquent, le risque de déstabilisation économique en raison des doutes sur la capacité des autorités locales pour assumer le rôle incombant normalement à la Banque centrale ou au Trésor dans de telles circonstances.

On peut, au-delà, rappeler deux éléments qui ont anéanti la confiance nécessaire au fonctionnement des marchés depuis l’automne dernier.

D’une part, un arrêt presque total du marché interbancaire, dès lors que les actifs douteux de type CDO n’étaient pas émis aux Etats-Unis, mais plutôt dans les centres offshore.

D’autre part, un manque structurel d’information et de protection des investisseurs sur les produits concernés, en raison du secret. Le cas typique est celui du fonds Luxalpha établi au Luxembourg et que les clients d’UBS en Suisse ont eu en portefeuille alors que ses actifs, qui étaient censés être des actifs « Madoff », étaient inexistants.

De toute évidence, après les difficultés de l’automne dernier, dont le coût économique, humain et financier est insupportable, l’économie mondiale n’a plus les possibilités d’assumer une deuxième fois de tels risques.

Enfin, le rétablissement de l’économie mondiale passant par le renforcement de la supervision et de la régulation, il est impératif de supprimer toute possibilité d’échappatoire qui permettrait d’éviter les nouveaux dispositifs.

b) Un risque permanent d’utilisation pour le blanchiment et la criminalité financière

Les paradis judiciaires sont un risque permanent, car ils sont l’un des éléments qui permettent d’insérer les capitaux criminels dans l’économie réelle et normale.

Ils représentent également l’un des aspects les plus courants du « capitalisme voyou ».

On observera que toutes les faillites scandaleuses de ces dernières années mettent en cause des sociétés offshore et des montages : Parmalat, Enron, Tyco, Worldcom, Ahold, notamment.

c) Un risque d’autant moins tolérable de pertes fiscales que le niveau maximum de prélèvement sur les plus aisés a baissé et que les dettes publiques explosent en raison notamment des aides qu’il a récemment fallu verser au secteur financier

Par définition, il n’existe pas de mesure fiable des pertes de recettes liées à la fraude fiscale et à l’évasion fiscale, mais uniquement des estimations.

Celles-ci permettent à leur tour de procéder à une estimation des pertes de recettes fiscales.

Sur un plan général, le Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale) estime à 225 milliards de dollars les pertes fiscales pour les Etats, dues à la localisation dans les paradis fiscaux et les centres offshore d’une partie du patrimoine des personnes les plus fortunées, au niveau mondial.

Pour ce qui concerne les seuls pays en développement, les pertes ont été estimées à 50 milliards de dollars par l’ONG Oxfam et 100 milliards de dollars par un universitaire britannique, M. Alec Cobham, de l’Université d’Oxford, dans document de travail de 2005 (Tax evasion, tax avoidance and development finance).

Pour sa part, en ce qui concerne la fiscalité personnelle, l’OCDE a estimé selon une approche rigoureuse, et donc limitée, la fraude fiscale provenant du placement d’actifs dans les 12 entités prélevant un impôt faible ou nul et permettant des opérations offshore (Antilles néerlandaises, Bahamas, Bahreïn, Bermudes, Guernesey, Hong Kong, Ile de Man, Iles Caïmans, Jersey, Macao, Panama et Singapour) à quelque 28 à 36 milliards de dollars, à raison d’une base correspondant à plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs.

Dans le cadre de son rapport de 2006, la sous-commission d’enquête permanente du Sénat américain présidée par M. Carl Levin, a estimé à 40 milliards de dollars par an le coût pour le Trésor des Etats-Unis du recours aux paradis fiscaux.

Enfin, pour ce qui la concerne, la Commission européenne estime à plus de 200 milliards d’euros la fraude fiscale, dont 40 milliards au titre de la TVA.

Cette fraude fiscale des personnes les plus aisées grâce aux paradis fiscaux est maintenant d’autant moins tolérable que :

– la fiscalité sur les plus hauts revenus a depuis plusieurs années baissé dans les pays occidentaux, avec la réduction des taux marginaux des dernières tranches d’impôt sur le revenu. La norme définie par le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’un taux marginal de quelque 40 % s’est diffusée. Elle a notamment été mise en œuvre en France. En outre, dans notre pays, le bouclier fiscal qui évite un cumul trop élevé de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et des contributions sociales a été adopté en 2007 ;

– le niveau de besoins futurs de financement s’est considérablement accru en raison de la hausse du niveau de la dette publique dans les pays à fiscalité normale, en raison de la crise économique et du coût de sauvetage des banques ;

– la fraude fiscale ne peut plus être justifiée par la concurrence fiscale. Il n’est pas tolérable que les paradis fiscaux captent les capitaux et les revenus des autres Etats, et ainsi leurs ressources, alors qu’ils profitent eux aussi du maintien financier par d’autres de l’économie mondiale.

2. Une incitation permanente à la déréglementation

La sphère financière est depuis les débuts de la déréglementation un monde d’imitation, qui joue sur la crainte de la délocalisation d’une activité prestigieuse, technique et rémunératrice sous d’autres cieux, compte tenu de la libre circulation des capitaux et de l’absence de taxe sur les transactions de type taxe « Tobin ».

En effet, si le mouvement a commencé au Chili alors dirigé par le Général Pinochet, il a ensuite été impulsé par les Etats-Unis du Président Reagan et le Royaume-Uni du gouvernement de Mme Margaret Thatcher à partir des années 1980, avant de gagner l’Europe continentale.

L’argument de la compétitivité est toujours invoqué par les professionnels et c’est à partir d’une multitude d’éléments de la petite histoire que l’on pourrait écrire la grande histoire de la dérèglementation.

L’exemple le plus récent est donné par l’entretien accordé au quotidien Les Echos daté du 3 juillet, par M. Christopher Fawcett, directeur général de Fauchier Partners à propos de la proposition de directive relative aux fonds alternatifs (qui sera évoquée dans la Deuxième partie du présent rapport).

Celui-ci considère que cette proposition, pourtant très insuffisante, recèle un risque de délocalisation vers les centres financiers des Etats-Unis ou d’Asie.

3. Un frein au développement et une aide au pillage des ressources de certains pays du tiers monde, notamment par les manipulations des prix de transfert et la corruption qu’elles alimentent

Les rapporteurs soulignent que le phénomène de corruption touche les pays occidentaux comme les pays en voie de développement.

Le rapport précité de la Commission norvégienne a mis en évidence l’utilisation des paradis fiscaux et centres offshore dans le pillage du tiers-monde. Il estime que 20 % des dépôts dans les paradis fiscaux proviennent des pays en voie de développement, soit environ 2 000 milliards de dollars, et que la fuite des capitaux qui en est à l’origine représente 6 % à 8,7 % de leur PIB, avec une proportion plus élevée égale à 13 % du PIB pour les pays les plus pauvres.

Le rapport démontre l’implication des paradis fiscaux dans les mécanismes de corruption à l’aide d’exemples précis, notamment sur le pétrole ou sur les cas d’enrichissement d’anciens chefs d’Etat étrangers (Abacha, Nigeria ; Suharto, Indonésie), ainsi que leur rôle dans l’affaiblissement des institutions et des systèmes politiques des pays en voie de développement.

Ces sommes ont également pour origine des manipulations de prix de transfert sur leur commerce extérieur. Le total ainsi prélevé sur les transactions commerciales est évalué à 500 milliards de dollars en 2006, soit 6,5 % de leur total.

Selon une autre source, la Banque mondiale, les capitaux sortants se seraient établis à 571 milliards de dollars en 2006. D’autres estimations des départs d’argent illégal sont un peu plus élevées.

Le schéma des manipulations des prix de transfert le plus simple porte sur les matières premières, notamment le pétrole, ou les produits agricoles.

A la place d’un circuit de transaction direct comprenant peu d’étapes ou aucune étape entre le pays producteur et le pays destinataire et pas de société tierce entre l’exportateur et l’importateur, on a des circuits complexes avec plusieurs sociétés tierces implantées dans les paradis fiscaux.

On peut prendre l’exemple de la banane dollar, révélé par le Guardian daté du 6 novembre 2007. Sur un prix total égal à £1 à Londres et un prix d’importation de 60p au Royaume-Uni, l’écart de 47p avec le prix d’exportation de 13p s’explique ainsi :

– 8p aux Iles Caïmans pour l’achat ;

– 8p au Luxembourg pour les services financiers ;

– 4p en Irlande pour la marque (ou le logo) ;

– 4p à l’Ile de Man pour l’assurance ;

– 6p à Jersey pour les services de direction (management) ;

– 17p aux Bermudes pour les réseaux de distribution.

Ces éléments sont repris dans le schéma suivant :

Le kilo de banane dollar
de l’amerique latine a londres
(en pence)






Sur le plan économique, ces procédés de pillage des ressources naturelles de pays du tiers-monde sont à l’origine de plusieurs préjudices :

– un préjudice fiscal pour l’Etat de production ou d’extraction, qui perçoit moins d’impôt sur les bénéfices ;

– un préjudice économique et fiscal, car les capitaux expatriés sont autant d’investissements et d’activité économique en moins ;

– un préjudice institutionnel, car le climat de corruption ne permet pas la mise en place d’un Etat démocratique efficace et moderne capable de mener des politiques adaptées.

Ils alimentent une importante corruption, notamment dans le secteur des extractions minières et des hydrocarbures.

4. Des arguments de compétence et de savoir faire locaux qui ne justifient en rien le secret bancaire

La Commission bancaire a communiqué aux rapporteurs les arguments invoqués par les banques en réponse aux interrogations sur l’origine de la localisation, par leurs clients, d’opérations dans les paradis fiscaux.

La réponse tient en trois mots : la présence sur place de métiers.

Sont ainsi cités :

– les financements d’actifs, notamment par leasing maritime et aérien par l’intermédiaire de SPV ou de trusts aux Iles Caïmans, aux Iles Marshall, au Liberia, à Panama, au Luxembourg, ainsi qu’à Hong Kong ;

– le savoir faire en matière de banque privée (gestion de fortunes) : la Suisse, le Luxembourg, Gibraltar et les Bahamas ;

– la gestion d’actifs : les Iles Caïmans ; les Bermudes ;

– la réassurance : les Bermudes.

Cet argument d’une expertise unique, irremplaçable et présente seulement sur place est complété par trois éléments :

– un d’ordre général : les entités concernées sont des terrains neutres pour l’intervention conjointe de plusieurs banques de différents pays d’origine, sur des opérations très importantes (constitution de syndicats ou de « consortiums ») ;

– un élément de clientèle : certains clients internationaux souhaitent ces pays ou territoires ;

– des éléments juridiques : la constitution/radiation rapide de sociétés ; les garanties rapides et efficaces en matière de repossession ; les demandes de certains assureurs à l’exportation pour une « neutralité fiscale » et un pays tiers.

On constate qu’aucun de ces arguments ne fait référence au secret fiscal, bancaire ou judiciaire. Celui-ci doit être aboli.

DEUXIEME PARTIE :
LE G20 ENTRE VOLONTÉ AFFICHÉE ET RISQUE DE RECHUTE

Depuis l’éclatement de la crise financière, mais surtout au cours de ces derniers mois, il apparaît que s’affrontent deux tendances profondes dans la réponse globale à cette crise : la tentation – puissante et donc dangereuse – de minimiser les fautes et les erreurs commises antérieurement et de mettre en exergue tous les signes annonciateurs d’un retour à un fonctionnement quasi-normal des marchés financiers pour relativiser le besoin de réformes ; et la volonté lucide, portée au niveau politique, au niveau des régulateurs et des superviseurs et, il faut le saluer, par certains acteurs des marchés financiers conscients des limites intrinsèques de l’autorégulation, de tirer parti de cette crise, de son ampleur mondiale, de sa durée prolongée et de sa gravité, pour faire émerger un programme de réformes très ambitieux.

Cette volonté s’est traduite, au niveau international, par deux sommets du G20 d’une importance historique, le G20 ayant ainsi supplanté en quelques mois les autres enceintes politiques mondiales pour s’imposer comme le forum pertinent de gestion et de résolution de la crise.

Le premier sommet, celui de novembre 2008, a posé une série de principes. Le deuxième, en avril 2009, a fixé un programme d’action. Le troisième sommet, qui va avoir lieu fin septembre 2009, sera crucial. Sa réussite est un impératif : cette rencontre et ses résultats marqueront soit une nouvelle impulsion dans les réformes, soit l’essoufflement – fatal – de la volonté politique internationale.

Cette « fenêtre de tir » est unique et la laisser passer aurait des conséquences dramatiques. Si les décisions nécessaires ne sont pas prises ou si leur teneur est insuffisante, il y aura retour en arrière.

I. LA VOLONTÉ AFFICHÉE DU G20

Le G20, créé en 1999, est un forum international de discussion consacré aux questions de politique économique. Y participent les gouvernements et les Banques centrales des plus grandes économies mondiales, ainsi que l’Union européenne, le FMI et la Banque mondiale.

A la suite de l’Assemblée générale de l’ONU, le principe d’une série de sommets a été validé le 19 octobre 2008, ces sommets ayant pour objet d’analyser les progrès enregistrés dans la gestion de la crise et de rechercher un accord sur la réforme du système financier international. Le premier de ces sommets du G20 a eu lieu à Washington le 15 novembre 2008, et le deuxième à Londres le 2 avril 2009. L’Union européenne a joué un rôle très important dans leur préparation et dans leur déroulement, étant parvenue à définir une position européenne commune ; lors de ces sommets, l’Europe est apparue unie et déterminée(15).

Le sommet du G20 de Washington en novembre 2008 a débouché sur un Plan d’action pour la mise en œuvre de cinq principes de réforme du système financier international. La réalisation des quarante-sept actions de ce plan a été confiée aux ministres des finances, aux régulateurs et superviseurs nationaux, et aux organisations internationales (FMI, Forum de stabilité financière, producteurs de normes comptables, Organisation internationale des commissions de valeur…).

A. Les décisions du G20 de Londres (2 avril 2009)

S’agissant de la régulation et de la supervision financière, le G20 de Londres du 2 avril 2009 a adopté une « Déclaration sur le renforcement du système financier » qui pose des axes de réforme concernant :

- la coopération internationale (mise en place de collèges de superviseurs pour toutes les grandes entreprises transnationales, à partir de l’expérience des 28 collèges déjà constitués ; élaboration d’un cadre pour les arrangements internationaux en cas de faillite d’un établissement bancaire présent dans plusieurs Etats…) ;

- la réglementation prudentielle (renforcement des normes prudentielles, harmonisation de la définition du capital, constitution par les banques de réserves de ressources en période faste, révision des exigences en capital de manière à pouvoir procéder à des comparaisons internationales et à limiter l’accumulation des effets de levier, adoption progressive par tous les pays du G20 du cadre de « Bâle II » sur les fonds propres, amélioration des incitations en matière de gestion des risques liés à la titrisation…) ;

- l’étendue de la régulation (« Nous avons décidé que l’ensemble des institutions financières, des marchés et des produits financiers d’importance systémique devront être soumis à un niveau approprié de régulation et de supervision », notamment en obligeant les fonds spéculatifs ou leurs gestionnaires à s’enregistrer et à communiquer des informations de manière régulière aux superviseurs ou aux régulateurs, et en encourageant la normalisation et la mise en place de chambres de compensation sur les marchés de dérivés de crédit) ;

- les rémunérations (sur la base des principes définis par le Forum de Stabilité Financière, qui visent à garantir que les régimes de rémunération et de bonus dans les institutions financières significatives sont compatibles avec les objectifs à long terme des entreprises et une prise de risque raisonnable) ;

- les normes comptables (appel aux organismes qui les édictent à réduire leur complexité, à améliorer les normes relatives aux provisions, aux expositions « hors bilan » et au traitement des situations où la valorisation est incertaine, à progresser vers un ensemble unique de normes comptables internationales…) ;

- les agences de notation (instauration d’un régime réglementaire de surveillance).

Le sommet du G20 de Londres en avril 2009 a également abordé la question des paradis fiscaux et des centres financiers offshore. Les conclusions du sommet indiquent que ces juridictions créent des problèmes à la fois pour la stabilité financière et pour les finances publiques. Cependant, ce G20 a eu peu de résultats concernant spécifiquement la lutte contre les paradis fiscaux. La couverture médiatique du sommet s’est surtout concentrée sur la liste de juridictions publiée par l’OCDE.

Les conclusions du sommet prévoient que des sanctions pourraient être imposées aux pays qui ne se plieront pas aux standards internationaux de transparence en matière fiscale, cette notion de « standards internationaux » faisant probablement référence aux accords bilatéraux sur l’échange d’informations en matière fiscale recommandés par l’OCDE. Il est également fait référence, dans la « Déclaration sur le renforcement du système financier » annexée aux conclusions, aux évaluations effectuées par le FMI et le GAFI. Le G20 a chargé le Forum de Stabilité Financière, rebaptisé Conseil de stabilité financière ou Financial Stability Board (FSB), de servir de forum pour le développement d’une politique commune sur les questions de transparence et de stabilité financière.

Extraits de la Déclaration sur le renforcement du système financier
adoptée par le G20 à Londres le 2 avril 2009

(…) Paradis fiscaux et juridictions non coopératives

Il est essentiel de protéger les finances publiques et les normes internationales face aux risques que représentent les juridictions non coopératives. Nous appelons toutes les juridictions à adhérer aux normes internationales dans le domaine prudentiel, fiscal et pour l’application des normes LCB/FT. À cette fin, nous demandons aux organismes compétents de mener et de renforcer des examens par les pairs qui soient objectifs, sur la base des processus existants, y compris le PESF.

Nous appelons tous les pays à adopter la norme internationale en matière d’échange d’informations entérinée par le G20 en 2004 et reprise dans le modèle de Convention fiscale des Nations Unies. Nous notons que l’OCDE a rendue publique aujourd’hui une liste de pays évalués par le Forum mondial en fonction de la norme internationale applicable aux échanges d’informations. Nous nous félicitons des nouveaux engagements pris par un certain nombre de juridictions et nous les encourageons à en assurer promptement la mise en oeuvre.
Nous sommes prêts à agir contre les juridictions qui ne se conforment pas aux normes internationales en matière de transparence fiscale. À cette fin, nous sommes convenus de mettre au point une panoplie de contre-mesures efficaces à envisager par les pays, à savoir notamment :

· exiger des contribuables et des institutions financières qu’ils fournissent davantage d’informations sur les transactions qui impliquent des juridictions non coopératives ;

· prélever des taxes sur une large gamme de versements ;

· refuser toute déduction sur les versements effectués au profit de bénéficiaires résidant dans une juridiction non coopérative ;

· réexaminer notre politique de conventions fiscales ;

· demander aux institutions internationales et aux banques régionales de développement de réexaminer leurs politiques d’investissement ;

· accorder un poids accru aux principes de transparence fiscale et d’échange d’informations lors de la conception des programmes d’aide bilatérale.

Nous sommes également convenus d’examiner d’autres options concernant les relations financières avec ces juridictions.

Nous avons pris l’engagement d’élaborer, d’ici à fin 2009, des propositions permettant aux pays en développement de bénéficier plus facilement d’un nouvel environnement fiscal coopératif.

Nous sommes également attachés au renforcement de l’adhésion aux normes internationales prudentielles, réglementaires et de surveillance. Le FMI et le CSF évalueront, en coopération avec les organismes normatifs internationaux, la mise en oeuvre de ces normes par les juridictions concernées, dans le prolongement des PESF existants. Nous demandons au CSF d’élaborer une panoplie de mesures pour promouvoir l’adhésion aux normes prudentielles et la coopération avec les juridictions.

Nous avons décidé d’un commun accord que le GAFI réviserait et relancerait la procédure d’examen concernant l’évaluation du respect par les juridictions des normes LCB/FT, en utilisant des rapports conjoints d’évaluation lorsque ceux-ci existent.

Nous invitons le CSF et le GAFI à présenter un rapport sur l’adoption et l’application de ces décisions lors de la prochaine réunion des ministres des finances et gouverneurs de banque centrale du G20. (…)

B. La préparation du G20 de Pittsburgh (24-25 septembre 2009)

Le prochain sommet réunissant les membres du G20 au niveau des chefs d’Etat aura lieu les 24 et 25 septembre 2009 aux Etats-Unis (Pittsburgh). La liste des thèmes qui seront inscrits à l’ordre du jour de ce sommet n’a pas encore été rendue publique, mais devrait notamment comprendre la réforme de la régulation financière internationale (état d’avancement des travaux annoncés par le G20 d’avril 2009), la gouvernance et le financement du FMI et des autres institutions financières internationales, la question des stratégies de sortie de crise, et le commerce mondial.

Au niveau de l’Union européenne, c’est désormais à la Suède, qui exerce la présidence du Conseil, de veiller à la bonne coordination de la position européenne sur ces sujets. Les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 affirment que « l’Union européenne continuera à jouer un rôle de premier plan au niveau mondial, en particulier au sein du G20 ». Tel doit effectivement être l’objectif.

La coordination des positions des Etats de l’Union européenne dans le cadre de la préparation de ce G20 est à ce stade, selon le Gouvernement français, globalement satisfaisante. La France est très active dans ce processus, tout comme la Présidence suédoise de l’Union. Comme pour le G20 d’avril 2009, l’efficacité de la coordination européenne dépendra de la capacité à faire émerger à vingt-sept des positions communes offensives sur les sujets sur lesquels l’Union européenne a bien progressé par rapport à ses partenaires. Un Conseil « Ecofin » exceptionnel, consacré à la préparation du G20, aura lieu le 2 septembre. Et la Présidence suédoise envisage d’organiser un Conseil européen extraordinaire mi-septembre sur le même thème.

A l’approche de ce sommet, on doit noter que les gouvernements français et allemand mettent l’accent sur les paradis fiscaux et paraissent manifester l’intention de prévoir des sanctions en cas de non-respect des règles de transparence.

Devrait aussi figurer à l’agenda du prochain G20 une réforme des normes comptables et prudentielles.

II. LA RÉACTIVATION DES TROIS ORGANISATIONS INTERNATIONALES CONCERNÉES

Comme en 2000, il est apparu que les actions ne devaient pas intervenir dans un seul domaine, mais dans les trois concernés : le fiscal, le judiciaire et le financier. Si seule une liste a été publiée le 2 avril 2009 lors de la réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement du G20 à Londres, c’est qu’elle était prête grâce aux travaux antérieurs du Forum mondial sur la fiscalité établi dans le cadre de l’OCDE. En revanche il n’existait plus aucune liste au GAFI sur le blanchiment et au Forum de stabilité financière sur l’insuffisance de régulation financière.

Il appartient par conséquent au GAFI et au nouveau Conseil de stabilité financière d’engager la même démarche que l’OCDE, et aux gouvernements de donner l’impulsion politique indispensable à la publication de ces listes.

A. La liste fiscale publiée par l’OCDE le 2 avril 2009

1. Une liste renouvelée et une procédure qui met l’accent sur la mise en œuvre effective des normes internationales de coopération fiscale, et non plus sur la seule intention

Par rapport à celle publiée il y a près de dix ans, qui comprenait 35 pays sous contrôle, la liste de l’OCDE désigne sensiblement les mêmes Etats ou territoires, avec cependant quelques changements.

Sur le plan formel, les changements sont importants. Il s’agit d’un panorama complet de l’ensemble des 84 Etats et des territoires exerçant la souveraineté fiscale et relevant du Forum mondial de l’OCDE sur la transparence fiscale et l’échange d’informations.

Par ailleurs, ce panorama comprend trois parties :

– une liste blanche des Etats et territoires appliquant de manière substantielle les normes fiscales internationales de coopération ;

– une liste grise, des Etats et territoires sous surveillance, à savoir des paradis fiscaux et des autres centres financiers s’étant engagés à appliquer ces normes, mais ne les mettant pas en oeuvre en l’état. C’est la plus longue, avec 42 pays ou territoires ;

– une liste noire des Etats ou territoires qui ne sont pas engagés à appliquer ces normes. Elle en comprend 4, dont aucun de la liste de fin 2007.

Ces trois listes sont les suivantes :

Etat de l’application des normes fiscales internationales en matière
d’échange de renseignements (conventions modèle OCDE)

(Situation au 2 avril 2009)

Juridictions appliquant substantiellement les normes fiscales internationales d’échange de renseignements

Afrique du Sud

Allemagne

Argentine

Australie

Barbade

Canada

Chine(16)

Chypre

Corée

Danemark

Emirats arabes unis

Espagne

Etats-Unis

Fédération de Russie Finlande

France

Grèce

Guernesey

Hongrie

Ile de Man

Iles Vierges américaines

Irlande

Islande

Italie

Japon

Jersey

Malte

Maurice

Mexique

Norvège

Nouvelle-Zélande

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République slovaque

République tchèque

Royaume-Uni

Seychelles

Suède

Turquie

Juridictions ayant pris l’engagement d’appliquer les normes fiscales internationales, mais ne les mettant pas substantiellement en œuvre

Pays

Année de l’engagement

Nombre de conventions

Pays

Année de l’engagement

Nombre de conventions

Paradis fiscaux

Andorre

2009

(0)

Iles Turks et Caicos

2002

(0)

Anguilla

2002

(0)

Îles Vierges britanniques

2002

(3)

Antigua et Barbuda

2002

(7)

Liberia

2007

(0)

Antilles néerl.

2000

(7)

Liechtenstein

2009

(1)

Aruba

2002

(4)

Monaco

2009

(1)

Bahamas

2002

(1)

Montserrat

2002

(0)

Bahreïn

2001

(6)

Nauru

2003

(0)

Belize

2002

(0)

Niue

2002

(0)

Bermudes

2000

(3)

Panama

2002

(0)

Dominique

2002

(1)

St Kitts &Nevis

2002

(0)

Gibraltar

2002

(1)

Ste Lucie

2002

(0)

Grenade

2002

(1)

Saint-Marin

2000

(0)

Îles Caïmans

2000

(8)

St Vincent & Grenadines

2002

(0)

Îles Cook

2002

(0)

Samoa

2002

(0)

Îles Marshall

2007

(1)

Vanuatu

2003

(0)

Autres centres financiers

Autriche

2009

(0)

Guatemala

2009

(0)

Belgique

2009

(1)

Luxembourg

2009

(0)

Brunei

2009

(5)

Singapour

2009

(0)

Chili

2009

(0)

Suisse

2009

(0)

Juridictions n’ayant pris aucun engagement

Pays

Nombre de conventions

Pays

Nombre de conventions

Costa Rica

(0)

Philippines

(0)

Malaisie (Labuan)

(0)

Uruguay

(0)

Source : Etabli d’après les données de l’OCDE.

Ce tableau appelle les explications suivantes :

En premier lieu, il est valable seulement pour la période d’après novembre 2008 et enregistre la situation au 2 avril 2009. Or, la perspective d’une telle liste étant annoncée depuis plusieurs semaines, les pays et territoires concernés, qui ont senti la pression internationale monter, ont pris les devants et se sont engagés peu de temps avant sa publication à conclure des conventions suivant le modèle de l’OCDE en matière d’échange de renseignements sur demande.

En deuxième lieu, ces évolutions ont pu être rapidement enregistrées grâce à l’important travail réalisé au sein du Forum mondial sur la fiscalité créé au début de la décennie pour associer des Etats et territoires non membres de l’OCDE aux travaux relatifs à la transparence et à l’échange d’informations, et répondre ainsi à la critique émise en 2000 contre la démarche précédente d’une norme des pays riches imposée aux pays pauvres.

Les normes internationales concernées sont les normes d’échanges d’informations en matière fiscale sans possibilité d’invoquer l’absence d’intérêt fiscal de l’Etat requis ou le secret bancaire. Il s’agit du dispositif prévu à l’article 26 de la convention modèle OCDE de 2002. Le texte en est reproduit dans l’encadré ci-après.

Article 26 de la Convention modèle OCDE

ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS

1. Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elles prévoient n’est pas contraire à la Convention. L’échange de renseignements n’est pas restreint par les articles 1 et 2.

2. Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un Etat contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au paragraphe 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède. Ces personnes ou autorités n’utilisent ces renseignements qu’à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d’audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements.

3.  Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l’obligation :

a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre Etat contractant ;

b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant ;

c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public.

4. Si des renseignements sont demandés par un Etat contractant conformément à cet article, l’autre État contractant utilise les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés, même s’il n’en a pas besoin à ses propres fins fiscales. L’obligation qui figure dans la phrase précédente est soumise aux limitations prévues au paragraphe 3 sauf si ces limitations sont susceptibles d’empêcher un État contractant de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national.

5. En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un État contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne.

Source : OCDE.

Ces normes de transparence ont été approuvées, par ailleurs sur le plan international, par les ministres des finances du G20 lors de leur réunion de Berlin en 2004, ainsi que par le comité des experts de l’ONU en matière fiscale, en 2008.

En troisième lieu, deux entités apparaissent en notes de bas de page et donc de manière criticable. Il s’agit de Hong Kong et Macao, qui sont des régions administratives spéciales de la Chine et il est précisé que seule la Chine, hors ces régions, répond aux normes de transparence.

En quatrième lieu, enfin, la situation de l’Autriche, de la Belgique, du Luxembourg et de la Suisse appelle des explications.

Ils sont classés parmi les autres centres financiers et non les paradis fiscaux car non seulement ils n’avaient pas été classés comme des paradis fiscaux en 2000 (ce sont des membres de l’OCDE), mais en outre, ils ont levé en mars 2009 les réserves qu’ils avaient exprimées antérieurement sur l’article 26 précité de la convention modèle OCDE de 2002 relative à l’échange d’informations.

Le classement de Singapour parmi les « autres centres financiers » paraît par ailleurs bienveillant.

2. Des résultats dans l’immédiat

La procédure de la liste publique a eu une certaine efficacité.

D’abord, quelques jours après sa publication, les quatre pays figurant sur la liste noire ont indiqué qu’ils étaient prêts à appliquer les normes fiscales OCDE en matière d’échange de renseignements. On doit toutefois rester très vigilant sur la réalité de ces engagements.

Ensuite, avant même sa publication mais également après sa publication, la liste des pays qui se sont engagés à conclure des conventions fiscales s’est accrue et ces engagements se sont réalisés. Dans le cadre des Etats ou territoires relevant du Forum mondial, 40 conventions fiscales ont été conclues depuis novembre 2008, soit autant qu’entre 2000 et 2008.

La position de la Suisse paraît avoir évolué.

Cet Etat a été mis en difficulté d’abord indirectement en raison de l’affaire UBS révélée dès 2007 par les auditions du Congrès américain (Cf. A du III ci-après), ensuite au moment de la crise financière de l’automne 2008 en raison des menaces de faillite pesant sur la banque (ainsi que sur Crédit suisse). Or, lors des crises telles que celle de l’automne 2008, l’actuel prêteur en dernier ressort est la Réserve fédérale américaine.

Ainsi, de même que l’Autriche et le Luxembourg et en coordination avec eux, la Suisse a indiqué renoncer au secret bancaire, le 13 mars dernier, à la veille de la réunion des ministres des finances du G20 consacrée à la préparation du sommet du G20 de Londres du 2 avril.

Certains estiment que c’est le verrou qui a débloqué la situation, à la surprise d’ailleurs de beaucoup d’observateurs qui pensaient le secret bancaire suisse intangible…

En raison des engagements qu’ils ont pris et qui restent à vérifier, les pays qui étaient inscrits sur la liste noire ont été classés dans la liste grise.

La question de la valeur des critères, et notamment de leur exigence, celle de la portée des contrôles exercés sur les territoires non coopératifs, celle aussi des sanctions envisagées restent, pour autant, pleinement posées.

3. Un suivi réactivé

Afin d’éviter que les intentions ne soient pas suivies d’effet, un suivi de la conclusion des accords est assuré par le Forum de l’OCDE, dans le cadre de rapports. C’est une différence par rapport au début de la décennie.

Ainsi dans le cadre de son rapport de progrès du 3 juillet dernier, le Forum a actualisé le nombre des conventions conclues par les pays ou territoires sous surveillance.

B. Les travaux du GAFI sont fondés sur la pression par les pairs : dans l’attente d’une nouvelle liste de pays non coopératifs

La lutte contre le blanchiment s’est d’abord orientée à la fin des années 1980 vers la lutte contre le blanchiment de l’argent de la drogue. Le groupe d’action financière (GAFI), créé en 1989 au cours du G7 à Paris, est un organisme intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux. En octobre 2001, le mandat du GAFI a été étendu à la lutte contre le financement du terrorisme. Le GAFI cherche à impulser les politiques de réforme nécessaires.

Le GAFI est composé de 32 Etats(17) et de deux organisations régionales (Commission européenne et Conseil de coopération du Golfe). Plusieurs groupes régionaux sont membres associés du GAFI : Groupe Asie/Pacifique sur le blanchiment de capitaux (GAP), Groupe d’action financière des Caraïbes (GAFIC), Conseil de l’Europe – MONEYVAL, Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux en Amérique du sud (GAFISUD), Groupe d’Action Financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord (GAFIMOAN). Ces organismes régionaux de type GAFI regroupent, sur une assise régionale, des pays qui s’engagent à mettre en œuvre les 40+9 recommandations et qui ont accepté de se soumettre à des évaluations mutuelles de leurs systèmes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La République de Corée et l’Inde ont le statut d’observateurs.

Les quarante recommandations du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment ont été élaborées en 1990 puis révisées dernièrement en 2003. Elles recouvrent les systèmes juridiques, les mesures à prendre par les institutions financières et les professions non financières, les mesures institutionnelles nécessaires ainsi que la coopération internationale. Neuf recommandations spéciales ont été édictées en 2001 et révisées en 2004 en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

Les normes du GAFI ont été approuvées directement par plus de 180 pays ainsi que par le FMI et la Banque mondiale. Il existe une trentaine de pays qui n’appartiennent ni au GAFI ni à aucun groupe de type GAFI. Le tableau suivant présente les juridictions ayant entrepris d’appliquer les
40+9 recommandations du GAFI.

JURIDICTIONS AYANT ENTREPRIS D’APPLIQUER LES 40+9 RECOMMANDATIONS

Juridiction

Membre de…

Juridiction

Membre de…

Afghanistan

GAP

Kirghizstan

Groupe Eurasie

Afrique du sud

GABAOA, GAFI

Labuan

GOSBO

Albanie

Moneyval

Lesotho

GABAOA

Algérie

GAFIMOAN

Lettonie

Moneyval

Allemagne

GAFI

Liban

GAFIMOAN

Andorre

Moneyval

Liberia

GIABA

Anguilla

GAFIC

Liechtenstein

Moneyval

Antigua-et-Barbuda

GAFIC

Lituanie

Moneyval

Antilles néerlandaises

GAFIC, GAFI(18), GOSBO

Luxembourg

GAFI

Arabie saoudite

GCC, GAFIMOAN

Macao, Chine

GAP, GOSBO

Argentine

GAFI, GAFISUD

Malaisie

GAP

Arménie

Moneyval

Malawi

GABAOA

Aruba

GAFIC, GAFI(5), GOSBO

Mali

GIABA

Australie

GAP, GAFI

Malte

Moneyval

Autriche

GAFI

Maroc

GAFIMOAN

Azerbaïdjan

Moneyval

Mexique

GAFI, GAFISUD

Bahamas

GAFIC, GOSBO

Moldavie

Moneyval

Bahreïn

GCC, GAFIMOAN

Monaco

Moneyval

Bangladesh

GAP

Mongolie

GAP

Barbade

GAFIC, GOSBO

Monténégro

Moneyval

Belgique

GAFI

Montserrat

GAFIC

Belize

GAFIC

Mozambique

GABAOA

Bénin

GIABA

Myanmar

GAP

Bermudes

GAFIC, GOSBO

Namibie

GABAOA

Biélorussie

Groupe Eurasie

Nauru

GAP

Bolivie

GAFISUD

Népal

GAP

Bosnie-et-Herzégovine

Moneyval

Nicaragua

GAFIC

Botswana

GABAOA

Niger

GIABA

Brésil

GAFI, GAFISUD

Nigeria

GIABA

Brunei Darussalam

GAP

Niué

GAP

Bulgarie

Moneyval

Norvège

GAFI

Burkina Faso

GIABA

Nouvelle-Zélande

GAP, GAFI

Cambodge

GAP

Oman

GCC, GAFIMOAN

Canada

GAP, GAFI

Ouganda

GABAOA

Cap Vert

GIABA

Ouzbékistan

Groupe Eurasie

Chili

GAFISUD

Pakistan

GAP

Chine

Groupe Eurasie, GAFI

Palaos

GAP

Chypre

Moneyval

Panama

GAFIC, GOSBO

Colombie

GAFISUD

Paraguay

GAFISUD

Costa Rica

GAFIC, GOSBO

Pays-Bas

GAFI19, Moneyval

Côte d’Ivoire

GIABA

Pérou

GAFISUD

Croatie

Moneyval

Philippines

GAP

Danemark

GAFI

Pologne

Moneyval

Dominique

GAFIC

Portugal

GAFI

Egypte

GAFIMOAN

Qatar

GCC, GAFIMOAN

El Salvador

GAFIC

République d’Irak

GAFIMOAN

Emirats arabes unis

GCC, GAFIMOAN

République de Corée

GAP

Equateur

GAFISUD

Rép. dém. pop. lao

GAP

Espagne

GAFI

République dominicaine

GAFIC

Estonie

Moneyval

Rép. islamique de Mauritanie

GAFIMOAN

Etats-Unis

GAFI

République tchèque

Moneyval

Ex-République yougoslave de Macédoine

Moneyval

Roumanie

Moneyval

Fédération de Russie

Groupe Eurasie, GAFI, Moneyval

Royaume-Uni

GAFI

Fidji

GAP

Saint Marin

Moneyval

Finlande

GAFI

Sainte Lucie

GAFIC

France

GAFI, Moneyval

Samoa

GAP

Gambie

GIABA

Sénégal

GIABA

Géorgie

Moneyval

Serbie

Moneyval

Ghana

GIABA

Seychelles

GABAOA

Grèce

GAFI

Sierra Leone

GIABA

Grenade

GAFIC

Singapour

GAP, GAFI

Guatemala

GAFIC

Slovaquie

Moneyval

Guernesey

GOSBO

Slovénie

Moneyval

Guinée

GIABA

Soudan

GAFIMOAN

Guinée Bissau

GIABA

République dominicaine

GAFIC

Guyana

GAFIC

Sri Lanka

GAP

Haïti

GAFIC

Saint-Kitts-et-Nevis

GAFIC

Honduras

GAFIC

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

GAFIC

Hong Kong, China

GAP, GAFI

Suède

GAFI

Hongrie

Moneyval

Suisse

GAFI

Ile de Man

GOSBO

Suriname

GAFIC

Ile Maurice

GABAOA, GOSBO

Swaziland

GABAOA

Iles Caïmans

GAFIC, GOSBO

Syrie

GAFIMOAN

Iles Cook

GAP

Tadjikistan

Groupe Eurasie

Iles Marshall

GAP

Taiwan, Chine

GAP

Iles Salomon

GAP

Tanzanie

GABAOA

Iles Turks-et-Caicos

GAFIC

Thaïlande

GAP

Iles Vierges britanniques

GAFIC, GOSBO

Togo

GIABA

Inde

GAP

Tonga

GAP

Indonésie

GAP

Trinité-et-Tobago

GAFIC

Irlande

GAFI

Tunisie

GAFIMOAN

Islande

GAFI

Turquie

GAFI

Israël

Moneyval(19)

Ukraine

Moneyval

Italie

GAFI

Uruguay

GAFISUD

Jamaïque

GAFIC

Vanuatu

GAP, GOSBO

Japon

GAFI

Venezuela

GAFIC

Jersey

GOSBO

Vietnam

GAP

Jordanie

GAFIMOAN

Yémen

GAFIMOAN

Kazakhstan

Groupe Eurasie

Zambie

GABAOA

Kenya

GABAOA

Zimbabwe

GABAOA

Koweït

GCC, GAFIMOAN

   

La progression et la diffusion des normes du GAFI reposent sur des évaluations mutuelles (d’une durée de dix à douze mois par pays) et sur la pression exercée par les pairs. Les rapports publiés à chaque évaluation mutuelle sont complets mais peu de publicité leur est faite. Ils dressent un état des lieux de la réglementation dans un pays, attribuent une note pour chaque recommandation (allant de conforme à non conforme) et formulent des actions à mettre en œuvre pour améliorer la lutte contre le blanchiment.

Le GAFI avait également élaboré une liste des Etats et territoires non coopératifs en matière de blanchiment à partir de 1998 afin de renforcer la pression internationale.

23 Etats et territoires ont été identifiés comme non coopératifs sur la base des 25 critères du GAFI. Mais les juridictions ont été retirées de la liste à mesure de leurs progrès en matière de lutte contre le blanchiment et le plus souvent sur la base de leurs engagements. Les derniers Etats et territoires non coopératifs sortis de la liste sont le Myanmar (Birmanie) (2006), le Nigeria (2006) et Nauru (2005).

Le GAFI, au-delà de la stigmatisation à travers la publication de la liste, a préconisé des sanctions applicables aux territoires non coopératifs. Selon la recommandation n° 21, les Etats devraient porter une attention particulière dans leurs relations d’affaires et leurs transactions avec les pays et territoires non coopératifs. Le GAFI recommande également d’imposer des prescriptions rigoureuses pour identifier les clients, de renforcer ou systématiser les déclarations d’opérations financières et de mettre en garde les entreprises du secteur non financier. La France a joué un rôle de premier plan dans la promotion de ces contre-mesures au plan européen et national.

En décembre 2001, le GAFI a imposé des contre-mesures à Nauru.

Depuis, l’ensemble des pays et territoires non coopératifs qui avaient été listés ont pris des mesures jugées adéquates par le GAFI et ont été retirés de la liste après avoir accompli des progrès, de sorte qu’il n’existe plus de liste des pays et territoires non coopératifs aujourd’hui. Cette situation est surprenante et ne correspond pas à la réalité vécue par beaucoup d’interlocuteurs des rapporteurs, notamment les magistrats qui se heurtent à l’opacité et à l’absence de coopération de certains pays.

Plus récemment, le GAFI a réaffirmé le risque que présentent l’Iran, l’Ouzbékistan et le Turkménistan en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (déclaration du 25 février 2009, suite à la déclaration du 28 février 2008).

Il convient de rappeler que les travaux du GAFI peuvent également avoir pour base des signalements de non coopération émis par des Etats membres. Il appartient donc aux Etats de faire part des problèmes qu’ils rencontrent avec certaines juridictions.

A l’évidence, on ne peut se satisfaire de l’interruption de ce processus d’évaluation conduit en 2000 et 2001. Il est clair que la dénonciation des territoires non coopératifs devrait être plus stricte et être impérativement poursuivie.

Le G20 de Londres a, dans sa « Déclaration sur le renforcement du système financier » du 2 avril 2009, indiqué : « Nous avons décidé d’un commun accord que le GAFI réviserait et relancerait la procédure d’examen concernant l’évaluation du respect par les juridictions des normes relatives au blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en utilisant des rapports conjoints d’évaluation lorsque ceux-ci existent ».

La publication d’une liste de pays et territoires non coopératifs constitue un instrument majeur de lutte contre le blanchiment et l’élaboration d’une nouvelle liste selon une méthodologie réactualisée devrait être achevée fin 2009. La question des pays non membres d’une organisation de type GAFI devrait être traitée avec attention et les autorités françaises ont indiqué souhaiter que le critère de la lutte contre la fraude fiscale fasse partie des critères d’examen du GAFI. Ceci accroîtrait significativement son mandat et permettrait d’avoir une vision globale des problèmes que posent certains pays.

C. Le Forum de stabilité financière (FSF), et son successeur, le Conseil de stabilité financière (CSF)

Le Forum de stabilité financière (FSF) a été constitué par les Etats du G7 en 1999 pour renforcer la stabilité financière par la collaboration internationale dans le domaine de l’échange d’informations et de la régulation des marchés financiers. Outre les pays du G7, l’Australie, Hong Kong, les Pays-Bas, Singapour et la Suisse sont membres du FSF, ainsi qu’un certain nombre d’organisations internationales(20).

Les travaux du FSF sur le système financier international sont orientés autour de deux axes : les vulnérabilités conjoncturelles et les vulnérabilités structurelles. C’est dans ce second axe que le FSF s’intéresse à la question de la robustesse et de la qualité des infrastructures de marché et aux places financières offshore. Le FSF utilise la même notion que le FMI, celle de « centre financier offshore ». Ses travaux se sont concentrés sur les faiblesses dans les échanges d’informations et dans les fonctions de régulation dans les centres offshore. Le FSF a ainsi proposé que soit établi un classement des centres offshore selon la qualité de la supervision.

En mars 2000, le groupe de travail du FSF sur les centres financiers offshore et la stabilité financière (créé en avril 1999) a présenté les conclusions de ses travaux dans un rapport qui a été adopté par le FSF lors de sa réunion plénière et transmis aux ministres des finances et gouverneurs de banque centrale des pays du G7, du G20, et aux dirigeants du FMI et de la Banque mondiale. Le FSF a procédé à un classement des centres financiers offshore en trois catégories :

- les centres financiers offshore présentant un bon niveau de coopération avec les superviseurs des centres onshore, une haute qualité de supervision, et un bon niveau de respect des normes internationales de régulation ; ce premier groupe comprenait : Dublin, Guernesey, Jersey, Hong Kong, le Luxembourg, l’île de Man, Singapour et la Suisse.

- les centres financiers offshore disposant de procédures de supervision et de coopération mais qui dans la pratique se situent en dessous des standards internationaux ; ce deuxième groupe était constitué par : Andorre, Bahreïn, la Barbade, les Bermudes, Gibraltar, Labuan (Malaisie), Macao, Malte et Monaco.

- les centres financiers offshore ayant une supervision de faible qualité et (ou) ne coopérant pas avec les superviseurs des centres onshore, et qui ne manifestent que peu ou pas de volonté de se conformer aux normes internationales. Ce troisième groupe était formé par Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les Antilles néerlandaises, Aruba, les Bahamas, Bélize, les Iles Caïmans, les Iles Cook, le Costa Rica, Chypre, les Iles Vierges britanniques, le Liban, le Liechtenstein, les Iles Marshall, Maurice, Nauru, Niue, Panama, Samoa, les Seychelles, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Turks et Caicos, et Vanuatu.

Il est intéressant de noter que ce rapport, rédigé en 1999-2000, soulignait que si les centres financiers offshore ne semblaient pas, à cette date, avoir constitué une cause majeure de création de problèmes systémiques, la croissance très forte des actifs et des dettes d’institutions financières basées dans ces places financières et les estimations préoccupantes concernant le développement considérable d’activités hors bilan localisées dans ces places augmentaient le risque de contagion.

Le rapport relevait que les « centres financiers offshore problématiques » (« problematic OFCs »), c’est-à-dire ceux qui sont incapables ou qui refusent de se conformer aux standards internationaux de supervision et ne pratiquent donc qu’une supervision faible et peu ou pas de coopération ni de transparence, permettent aux acteurs du marché d’opérer des arbitrages règlementaires et constituent des « maillons faibles » dans la supervision d’un système financier mondial de plus en plus intégré.

Ces travaux du FSF n’ont guère eu de retentissement, ni de suites. Pourtant, en mars 2005, commentant les résultats des évaluations effectuées sur 41 territoires par le FMI, le FSF a déclaré que la liste de 2000 avait atteint son but et n’avait plus de raison d’être… ce que contredisait totalement le constat, fait par le FMI dans ces évaluations, selon lequel les réformes réalisées dans ces territoires n’étaient pas satisfaisantes sur le plan de la coopération internationale et de la politique règlementaire.

Lors du G20 de Londres, il a été décidé de créer le Conseil de Stabilité Financière (CSF) ou « Financial Stability Board » (FSB) pour succéder au Forum de stabilité financière avec des compétences renforcées. Il est notamment prévu que le CSF collaborera avec le FMI pour permettre une alerte précoce sur les risques macroéconomiques et financiers et les mesures nécessaires pour y faire face, et pour assurer le suivi, avec également le GAFI, des progrès réalisés dans la réalisation des actions prévues par le G20.

En ce qui concerne les centres financiers offshore, la « Déclaration sur le renforcement du système financier » adoptée par le G20 prévoit que le FMI et le CSF évalueront la mise en œuvre, par ces Etats et territoires, des normes internationales prudentielles, règlementaires et de surveillance, dans le prolongement des Programmes d’évaluation du système financier (du FMI) existants. Le G20 a expressément demandé « au CSF d’élaborer une panoplie de mesures pour promouvoir l’adhésion aux normes prudentielles et la coopération avec les juridictions ». Il a enfin invité le CSF et le GAFI à présenter un rapport sur l’application de ces décisions lors de la prochaine réunion des ministres des finances et gouverneurs de banque centrale du G20 (qui aura lieu au début du mois de septembre 2009).

III. LA RÉACTION DES ETATS-UNIS

A. Une volonté politique clairement affichée de longue date par certains membres du Congrès

1. Les travaux de la sous-commission permanente d’enquête du Sénat américain, présidée par M. Carl Levin, sénateur du Michigan

Au Congrès américain, c’est le Sénat qui a montré le plus d’allant sur la question de la lutte contre les paradis fiscaux, sous l’impulsion notamment de M. Carl Levin, sénateur du Michigan, en tant notamment que président de la sous-commission permanente d’enquête.

Deux rapports sont intervenus : l’un en août 2006 sur les abus liés aux paradis fiscaux, les acteurs, les instruments et le secret ; l’autre en juillet 2008, sur les banques des paradis fiscaux et le respect de la législation américaine.

C’est dans le cadre des auditions correspondantes qu’a éclaté l’affaire UBS, grâce au témoignage de l’un de ses anciens employés.

Ont été révélées les pratiques de la banque suisse, qui a délibérément aidé des contribuables américains à frauder le fisc grâce à des opérations « transfrontalières » conduites directement sur le sol des Etats-Unis à partir de la Suisse, en contradiction avec l’esprit des accords de coopération avec les
Etats-Unis, qui obligent les banques ayant des comptes détenus par des Américains à le signaler.

On a notamment appris que l’un des procédés d’exportation illicite des capitaux reposait sur l’acquisition d’œuvres d’art à des prix très majorés sur le sol américain, une partie du surcoût étant ensuite crédité sur un compte suisse. C’est un procédé coûteux, mais classique, de transfert de capitaux à l’étranger.

Face à la menace de perdre son accréditation, la banque suisse, qui avait déjà déclaré abandonner ses activités « transfrontalières » et accusait en outre pour 2008 des pertes d’une ampleur exceptionnelle, a conclu un premier accord extrajudiciaire divulgué début 2009 : elle paie une amende de 780 millions de dollars aux autorités américaines et révèle 300 noms. L’affaire ne s’est cependant pas arrêtée là, car les Etats-Unis demandent à connaître l’identité des 52 000 clients concernés de la banque.

Les travaux de la sous-commission permanente n’ont pas cessé. Ils ont repris sur l’affaire UBS, dans le cadre de la nouvelle mandature.

2. Un deuxième dépôt en mars 2009 du Stop Tax Haven Abuse Act

En réponse aux fraudes constatées, a été déposée en février 2007 une proposition législative pour lutter contre les paradis fiscaux, par les sénateurs Carl Levin (Michigan), Norm Coleman (Minnesota) et Barack Obama (Illinois). Il s’agit d’une version durcie d’un texte de réforme fiscale antérieurement présenté par les mêmes congressmen.

Ce texte n’avait pas été adopté faute d’adhésion de la majorité sénatoriale d’alors.

Il a été redéposé au début du mois de mars dernier par les quatre sénateurs suivants : M. Carl Levin (Michigan), M. Sheldon Whitehouse (Rhode Island), Mme Claire McCaskill (Missouri) et M. Bill Nelson (Floride).

B. Une Administration Obama qui montre plus d’allant que son prédécesseur

1. Les réformes annoncées par l’Administration Obama en matière de régulation et de supervision financières

a) Les grands axes de réforme, annoncés en mars 2009

Les grandes orientations de la réforme profonde de la régulation et de la supervision financières ont été annoncées à la fin du mois de mars 2009 par le ministre des finances, M. Timothy Geithner.

Auditionné par le Congrès, M. Geithner a annoncé le 26 mars 2009 l’intention du Gouvernement américain de créer un organisme fédéral qui serait chargé de superviser l’ensemble du système financier des Etats-Unis. Constatant que la structure actuelle de la réglementation américaine est « inutilement complexe et fragmentée », M. Geithner a reconnu qu’elle avait eu pour effet de ne pas attribuer des responsabilités claires quant à la réalisation de certains objectifs, notamment en matière de stabilité financière. Il en a conclu qu’il était nécessaire de revoir la réglementation financière américaine de fond en comble, d’établir de nouvelles règles, et non pas simplement d’apporter des modifications.

Le ministre des finances a déclaré à cette occasion que la réforme porterait sur quatre domaines : éviter les risques systémiques, protéger les consommateurs et les investisseurs, supprimer les lacunes de la réglementation, et favoriser la coordination internationale.

Il a indiqué que le nouvel organisme fédéral devrait soumettre à un examen plus approfondi les fonds spéculatifs, les sociétés d’assurance, les sociétés publiques comme « Fannie Mae » et « Freddie Mac »(21), et le secteur bancaire. En ce qui concerne la protection des consommateurs et des investisseurs, il ressort de la fraude dite « Madoff » qu’il convient de mieux réglementer les activités des conseillers financiers et les fonds de placement qu’ils gèrent. S’agissant de la structure de réglementation, M. Geithner a expliqué que les établissements financiers avaient pris l’habitude de sélectionner parmi les organismes de réglementation celui dont les normes et obligations étaient les moins strictes, et que les luttes intestines entre les multiples organismes de réglementation ont contribué à la faiblesse du contrôle exercé avant la crise.

Dans un article publié dans le Washington Post, M. Timothy Geithner et le directeur du National Economic Council, M. Lawrence Summers, ont décrit le cadre américain de régulation financière comme étant « criblé de lacunes, de faiblesses et de chevauchements et [souffrant] d’une conception dépassée du risque financier »(22).

L’architecture de la régulation financière actuelle aux Etats-Unis

Secteur

Organismes compétents

Banques

- Federal Reserve Bank (Banque centrale des Etats-Unis), créée en 1913 ; exerce une supervision sur les banques holding et certaines autres banques ;

- Office of Thrift Supervision (OTS), créé en 1989, principal régulateur des « federal savings associations» ;

- Un régulateur dans chacun des Etats fédérés, compétent pour les banques enregistrées au niveau des Etats fédérés, qu’il s’agisse de banques américaines ou d’agences de banques étrangères;

- Office of the Comptroller of the Currency, créé en 1863, qui enregistre, réglemente et supervise toutes les banques américaines à statut fédéral et
50 branches fédérales de banques étrangères aux Etats-Unis ;

- Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), créée en 1933, qui assure les

dépôts jusqu’à hauteur de 250 000 dollars par déposant et par banque ; elle intervient donc dans la résolution des faillites.

- National Credit Union Administration (NCUA), créée en 1934, qui enregistre et supervise les « federal credit unions » et fournit une assurance pour l’épargne placée dans les « credit unions » fédérales et dans la plupart des « credit unions » situées au niveau des Etats fédérés. Les « credit unions » sont des petites banques à vocation non commerciale.

Assurances

Autant de régulateurs qu’il y a d’Etats fédérés ; un organisme fédéral (NAIC) élabore des règlementations, mais celles-ci sont soumises à l’approbation par les Chambres de chaque Etat.

La résolution des faillites relève du juge des banqueroutes.

Marchés de matières premières / opérations à terme

Commodity Futures Trading Commission (CFTC), créée en 1974 par le Congrès pour réguler les opérations à terme sur les matières premières et les marchés d’options

Marchés de titres

- US Security and Exchange Commission (SEC), créée en 1934, qui supervise les marchés américains de titres (securities) ;

- les procureurs généraux des Etats fédérés (state attorneys-general) interviennent parfois pour faire appliquer la réglementation relative aux marchés ;

- les régulateurs des Etats fédérés pour les titres (state securities regulators), qui ont des compétences similaires à celles de la SEC mais uniquement à l’échelle de leur Etat ;

- Financial Industry Regulatory Authority (Finra), organe d’auto-régulation créé en 2007.

« Freddie Mac » et « Fannie Mae »

Federal Housing Finance Agency

b) Le contenu de la réforme, présenté en juin 2009

Les modalités de la réforme ont été présentées par le Président Barack Obama le 17 juin et sont exposées dans un Livre blanc du Ministère des Finances relatif à la refondation de la régulation et de la supervision financières(23).

Lors d’une conférence de presse, le Président Obama a dévoilé les détails de son « Plan pour la stabilité financière » (« Financial Stability Plan »), qui vise à modifier le fonctionnement des établissements financiers américains et les modalités de contrôle du secteur financier. Ce plan a été élaboré par les services de la Maison-Blanche, après consultation de représentants du secteur financier, des chefs de file du Congrès et des responsables des organismes fédéraux de supervision. Le plan doit à présent être examiné par le Congrès, où il est susceptible d’être profondément modifié.

Le Plan prévoit un contrôle plus strict des instruments financiers complexes et des établissements financiers qui les créent et les mettent sur le marché. Il vise à autoriser la Réserve fédérale (la « Fed »), la Banque centrale des Etats-Unis, à superviser les sociétés de holding bancaires et d’autres grandes sociétés financières (qu’il s’agisse ou non de banques) dont la faillite pourrait entraîner des risques pour l’économie américaine. Il prévoit de renforcer les exigences en matière de fonds propres et de liquidités pour les sociétés considérées comme trop importantes pour faire faillite (« too big to fail »), et d’établir un règlement méthodique pour les cas où se produiraient des faillites.

Les réformes annoncées visent aussi à encadrer la titrisation par l’exigence que les créateurs de ces produits ou les courtiers qui les vendent en informent davantage les autorités compétentes et qu’ils prennent à leur charge une partie des risques liés à ce genre d’instruments. En outre, seraient désormais réglementés des instruments financiers complexes tels que les CDS et les autres produits dérivés.

En revanche, le plan de l’Administration Obama ne prévoit pas la simplification de l’architecture extrêmement complexe des autorités fédérales de contrôle (auxquelles s’ajoutent des autorités de contrôle également complexes au niveau des Etats fédérés).

A la place, il prévoit la création de deux nouveaux organismes : d’une part, un Conseil de surveillance des services financiers (« Financial Services Oversight Council »), présidé par le Ministre des Finances et chargé de signaler les lacunes de la réglementation, de faciliter la coordination des mesures et le règlements des conflits et de surveiller l’apparition des risques dans les établissements et les activités du secteur financiers. D’autre part, il est prévu de créer un nouvel organisme chargé de protéger les consommateurs en ce qui concerne divers produits financiers parmi lesquels les cartes de crédit et les prêts hypothécaires.

Le seul élément de simplification des structures existantes figurant dans le plan va consister à demander au Congrès d’autoriser la fusion de l’un des superviseurs bancaires fédéraux, l’Office of Thrift Supervision, organisme à qui il a été reproché de ne pas avoir découvert les difficultés touchant plusieurs établissements financiers placés sous son contrôle (IndyMac, Washington Mutual, AIG…), avec l’Office of the Comptroller of the Currency qui relève du Ministère des Finances. Cette fusion avait déjà été préconisée par M. Hank Paulson, le prédécesseur de M. Geithner. Les projets d’une réforme plus profonde de la structure de la supervision et de la réglementation se heurtent notamment à l’opposition des présidents de plusieurs commissions du Congrès.

Le projet de loi relatif à la création de l’Agence fédérale de protection des consommateurs en matière financière (« Consumer Financial Protection Agency ») a été déposé sur le Bureau du Congrès le 30 juin 2009. La mission de cette Agence sera à la fois de protéger les consommateurs et de promouvoir l’accès aux produits financiers, sur la base de cinq principes : la transparence, la simplicité, l’équité, la responsabilité et le libre accès.

Le système existant éparpille la responsabilité de la protection des consommateurs entre de multiples organes, dont beaucoup se concentrent prioritairement sur la supervision prudentielle des établissements financiers et non pas sur la protection des consommateurs ; cette responsabilité fragmentée reviendra toute entière à un acteur unique, la future Agence. Celle-ci sera chargée de surveiller continuellement le marché pour détecter les risques pour les consommateurs, de protéger ainsi les consommateurs contre les pratiques injustes et frauduleuses, et de présenter un rapport au moins une fois par an.

2. Le discours du Président Obama relatif aux paradis fiscaux

Le Président Barack Obama a prononcé un discours le 4 mai 2009 sur le double thème de la lutte contre les paradis fiscaux et de l’élimination des incitations fiscales aux délocalisations d’emplois.

S’agissant des paradis fiscaux, il a proposé d’une part, de remettre en vigueur de manière effective la disposition du code des impôts qui oblige les firmes américaines à déclarer les sommes transférées à leurs filiales localisées dans les paradis fiscaux, et d’autre part, d’obliger les filiales des banques étrangères aux Etats-Unis à transmettre autant d’informations au fisc que les banques américaines, sauf à souffrir d’une présomption d’aide à l’évasion fiscale et donc à subir une retenue à la source. L’Administration Obama envisage également d’accroître les obligations d’information pour les investissements à l’étranger des particuliers.

L’Administration américaine affiche pour objectif de récupérer 95,2 milliards de dollars en dix ans grâce à son action de lutte contre les paradis fiscaux, dont 86,5 milliards provenant d’entreprises et 8,7 milliards provenant de particuliers. Le plan Obama prévoit le recrutement d’environ 800 agents supplémentaires pour les services du fisc (Internal Revenue Service), qui seront spécialement affectés à l’application de cet ensemble de réformes contre l’évasion et la fraude fiscales.

C. Les résistances à Wall Street et au Congrès

Rapidement, certains milieux financiers ont jugé inopportuns le renforcement proposé du contrôle de la Fed sur les grandes institutions financières et la future Agence de protection des consommateurs de produits financiers (Consumer Financial Protection Agency).

Ces critiques ont été relayées au Congrès tant par le Président de la Commission des affaires bancaires du Sénat, M. Christopher Dodd, que par celui de la Commission des affaires financières de la Chambre des Représentants, M. Barney Frank. Ce dernier, pourtant optimiste sur l’avenir de l’essentiel de la réforme législative, n’a pas caché ses doutes sur l’extension du rôle de la Banque centrale. Celle-ci aurait complètement « raté » sa mission aux yeux du peuple américain en tant que régulateur, selon les propos du sénateur Richard Shelby.

D’ailleurs, d’une manière générale, le climat des banques américaines incline vers un retour au passé. C’est en ce sens qu’il faut interpréter le remboursement intervenu au début du mois de juin, et accepté par M. Timothy Geithner, de quelque 70 milliards de dollars d’aides publiques par les grandes banques concernées (Morgan Chase, Goldman Sachs et Morgan Stanley) dans le but de renouer avec une liberté totale en matière de stratégie bancaire et de politique des rémunérations.

IV. LES PROFONDES AMBIGUITES DE L’UNION EUROPEENNE

A. Une action dispersée faute de coordination

Le collège des commissaires ne fonctionne pas.

Ce constat d’un parlementaire européen s’est largement confirmé sur la question de la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives.

Aucune coordination entre les commissaires concernés, susceptible de donner à la Commission européenne l’approche d’ensemble que la difficulté du sujet impliquait, n’est intervenue.

On constate au contraire que les compétences ont été fragmentées à raison de :

– cinq commissaires européens concernés : le commissaire chargé des questions de justice, liberté et sécurité, le Vice-président Jacques Barrot ; le commissaire aux affaires économiques et monétaires, M. Joaquín Almunia ; le commissaire à la fiscalité et à l’Union douanière, M. László Kovács ; le commissaire au marché intérieur et aux services, M. Charlie McCreeevy ; et la commissaire à la concurrence, Mme Nelly Kroes ;

– cinq directions générales, celles correspondant aux compétences de commissaires notamment la DG Taxud et la DG Marché intérieur et services.

Au-delà des éléments qu’ont pu constater les rapporteurs lors de leur déplacement à Bruxelles et à l’occasion des rencontres avec trois commissaires, le Vice-président Jacques Barrot, M. Joaquín Almunia, M. László Kovács, ainsi qu’avec le cabinet du Président Barroso et le cabinet du Commissaire au marché intérieur et aux services, l’insuffisante coordination est apparue de manière patente à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai 2009 avec la publication de manière presque concomitante de deux textes contradictoires :

– d’une part, la Commission européenne a présenté sa stratégie d’ensemble en matière de lutte contre les paradis fiscaux, dans le cadre d’une communication (COM (2009) 201 final) intitulée « Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal » ;

– d’autre part, la proposition de directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE (E 4467) a prévu, elle, la faculté de faire entrer sur le marché européen les fonds alternatifs offshore.

L’une développe une stratégie de lutte contre les paradis fiscaux.

L’autre prévoit au contraire la possibilité pour les fonds alternatifs implantés dans ces mêmes entités de bénéficier d’un « passeport européen » leur donnant accès au marché européen en entier, et non uniquement au marché de ceux des Etats membres qui les acceptent.

Certes la coordination est apparente, car la signature d’accords de coopération fiscale prévoyant l’échange d’informations sur demande est exigée par la proposition sur les gestionnaires de fonds alternatifs.

Mais il s’agit d’une coordination purement formelle, et non d’une harmonisation de fond.

Pour la « directive McCreevy », en effet, il faudrait prévoir un dispositif sur le niveau de régulation de supervision et de sécurité financière des pays tiers qui soit efficace, et non une coopération fiscale qui est importante mais ne concerne pas directement la question du risque prudentiel et financier.

B. Les atermoiements de la directive « épargne » : une illustration de l’extrême lenteur de l’harmonisation fiscale pour les impôts directs

Avec le passage du marché commun au marché unique, avec l’adoption en 1988 de la directive sur la libération totale des mouvements de capitaux, la question de l’harmonisation fiscale et devenue un enjeu primordial au sein de l’Union européenne. Laisser persister des écarts importants entre les régimes fiscaux des différents Etats et encourager ainsi les pratiques de dumping fiscal revient à ouvrir des failles et des dérives considérables dans la localisation des placements et des investissements. C’est là ouvrir un risque mortel pour l’unité du marché et pour le développement de l’Union européenne.

C’est pourquoi par delà l’effort d’harmonisation déjà engagé sur les impôts indirects – TVA, accises --, la question de l’harmonisation des impôts directs – impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu – a pris désormais une importance considérable.

1. La directive « épargne » de 2003 : un texte important mais incomplet adopté 15 ans après les premières initiatives sur les revenus de l’épargne

a) D’Evian à Santa Maria de Feira : plus d’une décennie d’attente pour un accord politique sur la fiscalité de l’épargne

Au niveau européen, la question de l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne a été évoquée assez tôt, comme l’y invitait la perspective de la création du marché unique à la suite de l’Acte unique de 1986.

Dès juin 1988, lors d’une rencontre à Evian entre le Président de la République, François Mitterrand, et le Chancelier Helmut Kohl, deux demandes françaises ont été acceptées : d’une part, l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne comme contrepoids à la libération des mouvements de capitaux ; d’autre part, la monnaie unique. C’est immédiatement après qu’a, en effet, été adoptée la directive du Conseil 88/361/CEE du 24 juin 1988 prévoyant la libéralisation totale des mouvements de capitaux entre les Etats membres.

Sous l’impulsion de M. Jacques Delors, Président de la Commission européenne, celle-ci a présenté quelques mois plus tard, en février 1989, sa proposition visant à instaurer une retenue à la source de 15 % sur les revenus de l’épargne, à savoir sur les intérêts versés. Celle-ci s’est heurtée à l’opposition du Royaume-Uni et du Luxembourg. L’unanimité étant nécessaire en matière fiscale, elle n’a donc pas abouti.

Cet échec n’a pas été définitif.

C’est à la suite d’une décision du Conseil du 5 décembre 1997 que la Commission européenne a de nouveau présenté, en juin 1998, sous l’impulsion du Commissaire à la fiscalité, dans le cadre du « paquet Monti », une proposition de directive visant à garantir un minimum d’imposition effective des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts à l’intérieur de la Communauté (COM (1998) 295), en même temps qu’une proposition de directive sur les intérêts et redevances entre sociétés liées et un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

Cette initiative, présentée comme une première pierre dans la lutte contre les paradis fiscaux, selon le titre du rapport alors présenté au nom de la Délégation pour l’Union européenne par M. Gérard Fuchs, député (rapport d’information n° 1537 du 8 avril 1999), ne prévoyait qu’une solution de compromis modeste dite «  modèle de la coexistence  », permettant à chaque Etat membre de choisir entre deux régimes possibles : une retenue à la source sur les paiements d’intérêts effectués en faveur de personnes physiques résidentes d’autres Etats membres ; la fourniture des informations aux Etats membres de résidence de ces bénéficiaires.

Lors du Conseil européen de Santa Maria de Feira des 19 et 20 juin 2000, les Etats membres ont décidé à l’unanimité d’aller plus loin et de faire de l’échange d’informations, sur une base aussi large que possible, l’objectif ultime de l’Union.

Ils sont également convenus que seuls quelques Etats membres pourraient appliquer la retenue à la source à titre transitoire (pendant sept ans au maximum) et qu’ils transféreraient, en compensation, une part appropriée de la recette correspondante aux Etats de résidence des investisseurs.

Enfin, il fut décidé que dès que le Conseil serait parvenu à un accord sur le contenu essentiel de la directive, la Présidence engagerait immédiatement des discussions avec les Etats-Unis et les principaux Etats tiers concernés (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre, Saint-Marin) afin de favoriser l’adoption par eux de mesures équivalentes et que les Etats membres encourageraient l’adoption de telles mesures dans leurs territoires dépendants ou associés (Iles anglo-normandes, Ile de Man et Caraïbes).

Cette nouvelle orientation a conduit la Commission européenne, sur le fondement notamment des conclusions du Conseil « Ecofin » des 26 et 27 novembre 2000, à présenter une nouvelle proposition de directive. C’est cette nouvelle proposition qui a ensuite été adoptée par le Conseil « Ecofin » en 2003.

Sur le fond, la directive 2003/48/CE a repris le principe de coexistence entre deux régimes, l’un permanent, celui de la transparence et l’autre transitoire, celui de la retenue à la source :

– d’une part, l’échange automatique d’informations (et non l’échange sur demande), au moins une fois par an, entre les administrations fiscales concernées. Sont ainsi communiqués l’identité des particuliers non résidents bénéficiaires de revenus d’épargne et les montants perçus. C’est la procédure de droit commun. Elle est appliquée, sauf exception, par les Etats membres, conformément à l’objectif du Conseil européen de Santa Maria de Feira ;

– d’autre part, et à titre d’exception transitoire uniquement, une retenue à la source est accordée pour les trois Etats qui n’acceptent pas l’échange automatique d’informations (l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg).

Le produit en est partagé entre l’Etat où sont perçus les revenus correspondants, qui ne reçoit un quart, et celui où le bénéficiaire est fiscalement domicilié, qui en reçoit les trois quarts.

Le taux de la retenue à la source augmente : il est de 15 % pour les trois premières années d’application de la directive, de 20 % pour les trois suivantes et de 35 % ensuite.

La durée de cette période transitoire ne comporte pas de terme précis : son achèvement est prévu lorsque la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Monaco et Saint-Marin auront conclu avec l’Union européenne des accords prévoyant l’échange d’informations suivant la convention modèle de l’OCDE du 18 avril 2002 et que le Conseil aura constaté à l’unanimité que les Etats-Unis s’engagent à échanger des informations sur demande, sur le paiement des intérêts, selon ce même modèle de la convention OCDE.

On observera qu’au sommet de Feira, une durée de sept ans avait été prévue pour la période transitoire, mais que la règle de l’unanimité a conduit à la sacrifier.

Sur le fond, la directive couvre les produits de taux, à savoir les intérêts et créances de toute nature, et notamment, les revenus d’obligations nationales et internationales, les intérêts courus obtenus lors de la cession, du remboursement et du rachat des créances, les intérêts capitalisés des obligations à coupon zéro et produits similaires, les revenus distribués par les fonds de placement et les intérêts capitalisés des fonds de capitalisation pour autant que ces revenus ou ces intérêts se rattachent à des créances (une « clause de grand-père » a permis, toutefois, d’exclure du champ de la directive les revenus des titres de créance négociables se rapportant à des émissions dont les prospectus ont été visés avant le 1er mars 2001, ou, en l’absence de prospectus, à des émissions réalisées avant cette même date).

Au total, il a fallu cinq ans et une nouvelle proposition pour adopter un texte. L’unanimité des Etats membres, notamment l’accord du Luxembourg, de la Belgique, de l’Autriche, ainsi que du Royaume-Uni, était nécessaire.

L’entrée en vigueur de la directive n’est cependant intervenue qu’ultérieurement.

Conformément à l’accord politique de Feira, il a fallu attendre la conclusion par la Communauté européenne des accords prévoyant des mesures équivalentes à celles de la directive, avec les pays tiers ainsi qu’avec les territoires dépendants et associés d’Etats membres de l’Union, mais fiscalement souverains tels que les Îles anglo-normandes, de telle sorte que les capitaux non résidents qui seraient dorénavant taxés dans les Etats membres de l’Union européenne n’y trouvent pas refuge dans des conditions plus favorables.

C’est donc à l’issue d’un délai de deux ans, une fois conclus de tels accords avec la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, l’Andorre et Saint-Marin, ainsi qu’avec dix territoires dépendants et associés soit du Royaume-Uni (les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans, Guernesey, l’Ile de Man, Jersey, Montserrat, ainsi que Turks et Caicos), soit des Pays-Bas (Anguilla, Aruba et les Antilles néerlandaises), que la directive est entrée en vigueur, le 1er juillet 2005, soit 16 ans après la première directive proposée par M. Jacques Delors.

b) Des lacunes certaines même si elles n’ont pas fait obstacle à la perception de l’impôt sur des sommes jusque-là non imposées

Dès l’origine, les lacunes de la directive sont apparues, mais elles ont été admises à titre temporaire, car l’objectif premier était d’obtenir un accord politique unanime.

Elles peuvent se résumer ainsi :

– un champ d’application limité aux seules personnes physiques, et excluant les personnes morales, même lorsqu’elles sont créées pour s’interposer et faire obstacle à l’application de la directive, de même que les structures type trusts ;

– une prise en compte des seuls revenus de l’épargne sous forme d’intérêts ou leurs équivalents, à savoir les produits de taux, à l’exclusion de produits similaires ou d’assurance vie comparables, ainsi que des dividendes et des plus-values ;

– une période transitoire sans terme précis.

c) Un bilan qui fait ressortir l’importance de la Suisse et du Luxembourg comme places financières et l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni comme pays de résidence des « clients »

En dépit de son objet restreint et de ses imperfections, la directive « épargne » a donné des résultats, recensés par la Commission européenne dans une étude d’évaluation des premiers effets de sa mise en œuvre.

Les conclusions en ont été présentées dans un rapport au Conseil le 15 septembre 2008 (COM (2008) 552 final), avec un document de travail annexé (SEC (2008) 2420) et, ultérieurement, une actualisation des statistiques, parfois significative.

Plusieurs éléments sont ainsi apparus.

En premier lieu, la liste des pays qui procèdent à l’échange automatique d’informations fait ressortir l’importance des places financières respectives en matière d’épargne des non résidents.

C’est ainsi le Royaume-Uni qui a communiqué le montant le plus élevé pour les revenus d’épargne versés à des non résidents : 9,1 milliards d’euros du 1er juin 2005 au 5 avril 2006.

Les autres pays sont loin derrière : la France, avec 2 milliards d’euros en 2006 est en deuxième position, devant l’Italie (1,6 milliard d’euros), l’Allemagne (1,4 milliard d’euros), les Pays-Bas (816 millions d’euros), l’Irlande (771 millions d’euros), l’Espagne (423 millions d’euros) et le Danemark
(415 millions d’euros).

Le paiement moyen par bénéficiaire donne une hiérarchie un peu différente, même si l’absence de données pour le Royaume-Uni est très dommageable : 6 559 euros versés par non résident pour l’Allemagne, 6 375 euros pour la France et 5 677 euros pour l’Irlande.

En deuxième lieu, certains « paradis fiscaux » ont accepté l’échange automatique d’informations pour les revenus de l’épargne relevant du champ des accords portant mesures équivalentes à celles de la directives : Anguilla, Aruba, les Iles Caïmans et Montserrat. Les sommes déclarées versées à des non-résidents originaires de l’Union européenne sont cependant faibles : 90 000 euros pour Aruba et 18 millions d’euros pour les Iles Caïmans.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les pays qui appliquent la retenue à la source, on observera que les deux tiers du produit de cet impôt sont perçus par la Suisse (255 millions d’euros, soit 45 %) et par le Luxembourg (125 millions d’euros, soit 22 %). Ces deux pays confirment leur rôle de premier plan comme lieux de placement de l’épargne non résident. Toutefois, le Luxembourg semble n’avoir pas appliqué correctement la directive et devoir verser davantage. En effet, la Commission européenne a décidé en juin dernier de traduire devant la Cour de justice cet Etat, car il refuse d’appliquer la directive sur la fiscalité de l’épargne aux bénéficiaires effectifs qui jouissent du statut de « résident non domicilié » dans leur pays de résidence.

Les autres Etats membres ou entités concernés ont un poids moindre, à raison :

– de 44 millions d’euros (7,4 % du produit total) pour l’Autriche et 26 millions d’euros (4,6 %) pour la Belgique, les deux autres Etats membres de l’Union européenne qui appliquent ce régime ;

– de 12,8 millions d’euros pour l’Andorre, 11,7 millions pour Monaco, 7,5 millions pour Saint-Marin et 7,1 millions pour le Liechtenstein ;

– de 32,15 millions d’euros (6,2 % du produit total) pour Jersey, 20,35 millions pour l’Ile de Man et 16,8 millions pour Guernesey.

Les sommes versées par Turks et Caicos sont insignifiantes et les données relatives aux Antilles néerlandaises et aux Iles Vierges britanniques sont indiquées comme n’étant pas disponibles.

En troisième lieu, l’examen des versements reçus par les Etats membres de l’Union européenne dont les ressortissants détiennent des capitaux dans les « paradis fiscaux », révèle que l’essentiel des paiements, et donc des capitaux qui sont placés, concernent trois pays : l’Allemagne (192,7 millions d’euros pour 2005 et 2006), l’Italie (112,9 millions d’euros), le Royaume-Uni (105,2 millions d’euros).

La Belgique vient après, avec 71,6 millions d’euros, dont les trois quarts en provenance du Luxembourg.

La France vient ensuite au cinquième rang (62,8 millions d’euros), avant l’Espagne (48,8 millions d’euros), les Pays-Bas (22,6 millions d’euros) et la Grèce (13,7 millions d’euros).

Sur un plan général, la Commission européenne relève que la mise en œuvre de la directive n’a pas eu d’influence sur les placements de capitaux.

Néanmoins, le taux de prélèvement n’étant que de 15 % sur la période étudiée, il est encore trop tôt pour rendre un avis définitif.

En février 2008, la révélation de la mise au jour d’un important circuit de fraude fiscale au Liechtenstein, sous le couvert de fondations (Stiftung) impliquant pour l’essentiel des Allemands, mais aussi quelque 200 contribuables français, a montré les lacunes de l’actuel dispositif.

Elle a servi de base à la proposition de révision, qui sera évoquée au 2 du A du II de la Troisième partie du présent rapport.

2. Les lenteurs des travaux sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés

En matière d’impôt sur les sociétés, les lenteurs des travaux relatifs à l’harmonisation de son assiette sont patentes.

Pourtant, le précédent « code de conduite » publié le 6 janvier 1998 en matière de fiscalité des entreprises prévoyant un gel puis un démantèlement des mesures fiscales dites dommageables pouvait inciter à l’optimisme.

Le groupe dit du code de conduite, présidé au départ par Mme Dawn Primarolo (Royaume-Uni), a rapidement été constitué. Dans un rapport de novembre 1999, ce groupe a relevé 66 mesures fiscales présentant des éléments dommageables (40 dans les Etats membres de l’Union européenne, 3 à Gibraltar et 23 dans les territoires dépendants ou associés). Le démantèlement, la révision ou le remplacement des dispositifs ont été étudiés, avec parfois l’octroi de certains délais au-delà de l’échéance de droit commun du 31 décembre 2005 prévue pour les bénéficiaires de droits acquis.

En revanche, pour l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, la procédure est beaucoup plus lente.

Sans remonter au rapport de 1962 et au rapport Van den Temple de 1970, on peut observer que la Commission européenne a publié, en 1975, sa première proposition, fondée sur d’une part, un régime commun d’imposition et, d’autre part, un alignement des taux, dans une fourchette de 45 % à 50 %. En 1980, le rapport sur les perspectives de convergence des systèmes de la Communauté (COM (80) 139 final) a ensuite estimé que « toute tentative de résoudre le problème par une harmonisation serait probablement vouée à l’échec », bien que des motifs de concurrence rendent une telle harmonisation souhaitable.

La question n’a ensuite pas évolué avant d’être reprise dans le cadre des travaux du Comité Ruding, constitué d’experts indépendants en 1991. Son rapport a été remis en 1992. Il partait du constat selon lequel 58 % des implantations d’entreprises étaient, selon une enquête, motivées par des considérations fiscales. Il proposait en conséquence une certaine harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, portant sur les principaux éléments de détermination du bénéfice imposable (amortissements, provisions, charges déductibles, report des pertes), ainsi que l’adoption d’une fourchette allant de 30 % à 40 % pour les taux nominaux. Il avançait l’objectif d’un taux minimum de 30 % pour éviter que la concurrence à la baisse entre les Etats membres ne conduise à une érosion fiscale trop importante. Il suggérait également une harmonisation des allégements fiscaux, dans une optique de transparence.

La Commission européenne n’a en définitive repris que certaines des conclusions du Comité Ruding, notamment sur l’amélioration des opérations transfrontalières. Telle est l’origine des trois directives d’harmonisation sur des questions précises intervenues depuis lors : la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, dont la directive 2003/123/CE a élargi le champ d’application et a amélioré le dispositif ; la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 destinée à éviter que les opérations de restructurations transfrontalières ne soient pénalisées et organisant, sous la forme d’un différé d’imposition des plus-values alors constatées, la neutralité fiscale des opérations de fusions, scissions, apports partiels d’actifs et échanges d’actions, dont le champ d’application a été étendu par la directive 2005/19/CE aux scissions partielles, ainsi qu’aux sociétés européennes (SE) et aux sociétés coopératives européennes (SCE) ; la directive 2003/49/CE dite « intérêts-redevance » qui vise à éliminer les retenues à la source pour les paiements intervenant au titre des intérêts ou des redevances entre les sociétés liées, ou leurs établissements stables, implantés dans plusieurs Etats membres.

En octobre 2001, la question d’une harmonisation d’ensemble de l’impôt sur les sociétés a été remise au premier plan, avec la publication de la communication « Vers un marché intérieur sans entraves fiscales - Une stratégie pour permettre aux entreprises d’être imposées sur la base d’une assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés couvrant l’ensemble de leurs activités dans l’Union européenne » (COM (2001) 582 final).

Deux approches ont été avancées : pour les grandes entreprises, une assiette commune consolidée, c’est-à-dire une assiette d’imposition commune aux Etats membres avec en outre une consolidation entre les implantations d’une entreprise dans différents pays ; pour les PME, un système pilote d’imposition selon les règles de l’Etat de résidence.

Ces orientations ont été confirmées en 2003 par une nouvelle communication : « Un marché intérieur sans obstacles liés à la fiscalité des entreprises: réalisations, initiatives en cours et défis restants » (COM (2003) 726 final du 24 novembre 2001). Une consultation sur l’utilisation des normes comptables internationales a été organisée la même année. Le processus ne s’est pas interrompu ensuite, avant 2008.

En 2004, suivant les éléments présentés par la Commission européenne dans le cadre d’un « non-papier », le Conseil « Ecofin » informel de septembre a fait apparaître un large soutien en faveur de la création d’un groupe de travail sur l’assiette commune consolidée, le GT ACCIS (le régime relatif aux PME ne suscite pas d’intérêt dès lors que l’assiette commune est obligatoire pour toutes les sociétés, par souci de simplicité).

Chargé d’une mission technique, constitué d’experts des 27 Etats membres et des services de la Commission européenne, associant également des experts provenant des milieux d’affaires et scientifiques, ce groupe de travail a constitué différents sous-groupes en son sein.

Depuis sa constitution en novembre 2004, il a tenu 13 réunions, dont la dernière en mai 2008.

Depuis, on est en attente d’une proposition législative. Les obstacles techniques étant surmontés, il s’agit d’un blocage politique notamment dans l’attente des résultats du second référendum irlandais sur le traité de Lisbonne.

Le préjudice est pourtant incontestable pour l’Europe. Faute de base claire permettant de comparer les taux réels et non les taux nominaux, la concurrence fiscale joue d’une manière désordonnée entre les Etats membres.

Dans le cadre de son étude de 2007 sur l’impôt sur les sociétés, KPMG a relevé que la comparaison des taux de l’impôt sur les sociétés effectuée au début de l’année 2007 dans 92 pays révèle un taux moyen de 24,2 % dans l’Union européenne, contre 27,8 % dans les pays de l’OCDE, 28 % en Amérique latine et 30,1 % dans la région Asie-Pacifique, et que les taux européens restent loin derrière les Etats-Unis et le Japon avec des taux respectifs de 40 % et 40,7 %.

L’Union européenne est donc, pour l’impôt pour les sociétés, une zone de basse pression fiscale, sans que son économie en soit plus prospère.

3. Des interventions communautaires très limitées sur la question des prix de transfert

Les opérations sur prix de transfert, c’est-à-dire des prix de facturation transfrontalière des biens ou prestations de services entre entreprises liées, ont principalement pour objectif de localiser les résultats des entreprises là où il est fiscalement plus intéressant qu’ils le soient.

Ces arbitrages et ces optimisations, qui se traduisent par des prix supérieurs ou inférieurs aux prix de marché, se font au détriment des Etats. Ceux-ci ont par conséquent prévu des procédures de redressement. Néanmoins, comme toute rectification de la base imposable dans un Etat implique une rectification symétrique dans l’autre Etat(24), une coopération est nécessaire, soit dans le cadre bilatéral, soit dans le cadre multilatéral.

Les interventions communautaires sont cependant restées limitées en la matière, en raison notamment de blocage de la part des Etats.

La Commission européenne a présenté dès novembre 1976 une proposition de directive sur les réajustements à opérer après redressement fiscal portant sur les prix de transferts entre entreprises associées implantées dans plusieurs Etats membres. Cette proposition de directive a prévu deux procédures entre les Etats membres : une procédure amiable et, en cas d’échec de cette dernière, une procédure arbitrale. Elle s’est heurtée à l’opposition des Etats membres, en raison du transfert de souveraineté qu’impliquait l’arbitrage, lequel s’imposait à eux.

Ce projet n’a donc pu aboutir qu’ultérieurement, plus d’une décennie plus tard, dans la perspective du marché intérieur, grâce à la signature, par les Etats membres, de la convention multilatérale 90/436/CEE, du 23 juillet 1990, relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, la procédure arbitrale ayant été remplacée par une demande d’avis auprès d’une commission consultative et la Commission européenne ayant renoncé à la forme de la directive (les conventions bilatérales conclues entre les Etats membres sur le modèle OCDE prévoyaient déjà une semblable procédure amiable).

En 2002, la Commission européenne a mis en place le Forum conjoint de l’Union européenne sur les prix de transfert, rassemblant des professionnels et des représentants des administrations fiscales. L’objectif est une documentation commune sur les questions relatives aux doubles impositions et aux accords préalables.

En novembre 2004, le Conseil a d’ailleurs adopté sur la base de ses travaux, le code de conduite visant à éliminer la double imposition dans les dossiers transfrontaliers, pour une application plus efficace et plus homogène de la convention de 1990.

Pour sa part, l’OCDE déploie depuis 1963 une activité importante en la matière. Elle fixe notamment les principes des différentes méthodes qui doivent permettre de déterminer le « prix de pleine concurrence » qui est estimé comme le juste prix des transactions en cause.

Néanmoins, comme il ne s’agit que de principes indicatifs, il serait souhaitable que l’Union européenne soit plus exigeante en la matière.

C. L’effort conduit sur la supervision va dans la bonne direction, mais la proposition de réglementation des fonds alternatifs est inacceptable en l’état

a) L’effort conduit sur la supervision marque certes une étape, mais devrait être prolongé

(1) La crise financière a représenté un constat d’échec pour le système de supervision existant

La crise financière, en particulier à partir du moment où elle a pris un caractère systémique, est un constat d’échec pour les superviseurs nationaux et pour le dispositif embryonnaire existant à l’échelle européenne, celui des « comités de niveau 3 » de la procédure Lamfalussy (voir encadré ci-dessous). Comme le relève la Commission européenne dans une communication sur la surveillance financière européenne du 27 mai 2009, « le dispositif de surveillance n’a pu ni prévenir, ni gérer, ni résoudre la crise. Les systèmes de surveillance, ayant une base nationale, se sont avérés dépassés par rapport à la réalité intégrée et interconnectée des marchés financiers européens actuels »(25).

L’Europe ne dispose pas, à l’heure actuelle, des mécanismes indispensables de prévention et de gestion des crises. La Banque centrale européenne a bien joué le rôle qui est le sien mais n’a pas cette compétence, et les « comités de niveau 3 » n’ont pas de pouvoir décisionnel.

L’organisation actuelle de la supervision dans le domaine des services financiers au niveau européen : la procédure Lamfalussy

Compte tenu des difficultés rencontrées pour l’adoption de directives ou de règlements par voie de
co-décision dans le domaine financier, de la nécessité d’adapter rapidement ces textes au rythme de l’innovation financière, des disparités de mise en
œuvre en pratique de ces textes au niveau national, et compte tenu enfin de l’ampleur du Plan d’Action pour les Services Financiers adopté en 1999, les institutions européennes ont commencé à rechercher dès 2000 une manière de réviser l’approche législative pour les textes communautaires en matière financière.

Un « comité de sages », présidé par M. Alexandre Lamfalussy, a rendu un rapport en février 2001. Ce rapport préconisait une approche législative à quatre niveaux, visant à la fois à accélérer la vitesse d’adoption et de révision des textes communautaires et à renforcer l’harmonisation des pratiques d’un Etat membre à l’autre. Pour ce faire, le « niveau 1 » de l’approche Lamfalussy devait être constitué de directives-cadre et de règlements-cadre, se limitant à des « principes essentiels » pour pouvoir être adoptés plus rapidement en
co-décision.

Ces textes devaient être complétés si nécessaire par des mesures d’exécution dites « de niveau 2 », sous forme de règlements d’application ou de directives d’application, adoptés par la Commission européenne selon une procédure comitologique. Ces mesures devaient fournir les détails techniques complémentaires des « principes essentiels » du niveau 1.

Le « niveau 3 »
, visant à renforcer la coopération entre régulateurs nationaux, était constitué de recommandations produites par des comités réunissant des représentants de ces régulateurs, afin de mettre en
œuvre de manière uniforme, d’un régulateur national à l’autre, les dispositions prévues aux niveaux 1 et 2. Ces textes de niveau 3 sont de nature non contraignante.

Enfin, au « niveau 4 », la Commission européenne devait s’assurer que les textes européens étaient bien mis en
œuvre au niveau national et ouvrir des procédures d’infraction le cas échéant.

Suite au « rapport Lamfalussy », les institutions européennes sont tombées d’accord pour que la Commission européenne mette en place trois comités au niveau européen, constitués des régulateurs nationaux de tous les Etats membres de l’Espace économique européen. Ces « comités de niveau 3 » sont :

- le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM / en anglais CESR), créé en juin 2001 ; son secrétariat se trouve à Paris ; pour la France, c’est l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) qui en est membre ;

- le Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB / en anglais CEBS), créé en novembre 2003 ; son secrétariat se trouve à Londres ; pour la France, c’est la Commission bancaire qui en est membre ;

- le Comité européen des contrôleurs des assurances et des pensions professionnelles (CECAPP/ en anglais CEIOPS), créé en novembre 2003 ; son secrétariat se trouve à Francfort ; pour la France, c’est l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM) qui en est membre.

Ces comités “de niveau 3” ne doivent pas être confondus avec les “collèges de superviseurs” qu’il est proposé de créer dans le secteur bancaire et dans le secteur des assurances.

Le concept de “collège de superviseurs” est applicable lorsqu’une entreprise bancaire a des activités dans plusieurs pays européens et relève donc simultanément de plusieurs superviseurs nationaux et non pas seulement du superviseur de l’Etat dans lequel l’entreprise a son siège : comme ce groupe multinational va se trouver en contacts réguliers avec plusieurs superviseurs différents, susceptibles d’exiger de lui des informations et des démarches différentes, des problèmes peuvent surgir, et il apparaît utile que les individus qui, au sein des organismes nationaux de supervision concernés, suivent les activités de ce groupe bancaire se rencontrent. Les “collèges de superviseurs” ont donc vocation à être aussi nombreux que les banques transnationales européennes (un collège se constituant ad hoc pour chacune de ces banques “systémiques”). Alors que les “comités de niveau 3” se situent “au sommet”, et ont pour rôle de produire des recommandations de portée générale, les “collèges de superviseurs” se situent “à la base”, chacun d’eux ayant pour objet les activités d’une banque et d’une seule.

(2) Les recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. de Larosière en matière de supervision financière

En octobre 2008, le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, a confié à un « groupe de travail de haut niveau » présidé par M. Jacques de Larosière la mission de présenter, avant le Conseil européen de mars 2009, des recommandations sur l’avenir de la réglementation et de la surveillance financières en Europe.

Le rapport du groupe de travail, présenté le 25 février 2009, a été très largement salué, et la Commission européenne, puis le Conseil européen, s’en sont très directement inspirés pour réformer profondément l’architecture de la supervision financière européenne.

En matière de supervision financière, le « rapport Larosière » formule une série de recommandations concernant l’Europe et une seconde série de propositions à appliquer au niveau mondial.

Au niveau européen, le « rapport Larosière » présente un projet de nouvelle architecture articulant un niveau national doté de moyens renforcés (les autorités nationales de supervision existantes), trois nouvelles Autorités européennes de surveillance microprudentielle, et un nouvel organe chargé de la surveillance macroprudentielle.

Les neuf recommandations du « rapport Larosière »
concernant la réforme de la supervision financière
en Europe

« Recommandation 16:

Un nouvel organisme, dénommé «Conseil européen du risque systémique» (ESRC), dont la présidence serait assurée par le président de la BCE, devrait être mis en place sous les auspices de la BCE et avec son appui logistique.

- L’ESRC devrait être composé des membres du Conseil général de la BCE, des présidents du CECB, du CECAPP et du CERVM et d’un représentant de la Commission européenne. Chaque fois que la question traitée justifie la présence des autorités de surveillance des secteurs de l’assurance et des valeurs mobilières, le gouverneur pourrait décider de se faire représenter par le chef de l’autorité de surveillance nationale appropriée.

- L’ESRC devrait mettre en commun et analyser toutes les informations pertinentes pour la stabilité financière, relatives à la situation macroéconomique et aux évolutions macroprudentielles dans tous les secteurs financiers.

- Il convient d’assurer un flux d’informations approprié entre l’ESRC et les autorités de surveillance microprudentielle.

Recommandation 17:

Un système efficace d’avertissement sur les risques devrait être mis en place sous les auspices de l’ESRC et du Comité économique et financier (CEF).

- L’ESRC devrait émettre, en les hiérarchisant par ordre de priorité, des avertissements sur les risques macroprudentiels : un suivi devrait obligatoirement être donné à ces avertissements et, le cas échéant, des mesures devraient être prises par les autorités compétentes concernées dans l’UE.

- S’il s’agit de risques sérieux, ayant potentiellement une incidence négative sur le secteur financier ou l’économie dans son ensemble, l’ESRC devrait en informer le président du CEF, ce dernier mettant alors en oeuvre une stratégie visant à assurer le traitement efficace des risques détectés, en collaboration avec la Commission.

- Si les risques détectés ont trait à un dysfonctionnement mondial du système monétaire et financier, l’ESRC avertira le FMI, le FSF et la BRI afin de définir des mesures appropriées tant à l’échelon de l’UE qu’au niveau mondial.

- Si l’ESRC juge inadéquate la réaction d’une autorité de surveillance nationale à un avertissement portant sur un risque jugé prioritaire, il en informe le président du CEF, après discussion avec ladite autorité, afin que des mesures supplémentaires soient prises à l’encontre de cette dernière.

Recommandation 18:


Un Système européen de surveillance financière (ESFS)
devrait être mis sur pied. Il s’agirait d’un réseau décentralisé:

- les autorités de surveillance nationales existantes continueraient à assurer la surveillance courante;

- trois nouvelles Autorités européennes remplaçant le CECB, le CECAPP et le CERVM seraient créées, leur rôle étant de coordonner l’application des normes de surveillance et de garantir une coopération poussée entre les autorités de surveillance nationales;

- des collèges des autorités de surveillance seraient créés pour tous les grands établissements transfrontaliers.

Il faudra que l’ESFS soit indépendant des autorités politiques mais responsable devant elles.

Il devrait s’appuyer sur un ensemble commun de règles de base harmonisées et avoir accès à des informations de haute qualité.

Recommandation 19:

Lors de la première étape (2009-2010), les autorités de surveillance nationales devraient être renforcées en vue d’améliorer la qualité de la surveillance dans l’UE.

- Les États membres devraient envisager les réformes suivantes : aligner les compétences et pouvoirs des autorités de surveillance sur le système le plus complet existant dans l’UE, augmenter la rémunération des autorités de surveillance, faciliter les échanges de personnel entre le secteur privé et les autorités de surveillance, faire en sorte que toutes les autorités de surveillance appliquent une politique du personnel moderne et attractive.

- Les comités de niveau 3 devraient intensifier leurs efforts dans les domaines de la formation et des échanges de personnel. Ils devraient aussi oeuvrer à la création d’une culture forte de la surveillance à l’échelon européen.

- La Commission européenne devrait procéder à un examen du degré d’indépendance de toutes les autorités de surveillance nationales, en coopération avec les comités de niveau 3. Cet examen devrait déboucher sur des recommandations concrètes, notamment en ce qui concerne le financement des autorités nationales.

Au cours de cette première étape, la Commission européenne devrait immédiatement entamer les préparatifs des propositions législatives requises pour créer les nouvelles Autorités.

Recommandation 20:

Lors de la première étape, l’Union européenne devrait aussi élaborer un ensemble plus harmonisé de réglementations, pouvoirs de surveillance et régimes de sanctions en matière financière.

- Les institutions européennes et les comités de niveau 3 devraient lancer une initiative déterminée pour doter l’UE d’un ensemble de règles beaucoup plus cohérent pour le début de 2013. Les différences essentielles dans les législations nationales, découlant d’exceptions, de dérogations, d’ajouts effectués à l’échelon national ou d’ambiguïtés contenues dans les directives actuelles devraient être répertoriées et éliminées, afin qu’un ensemble harmonisé de normes de base soit défini et appliqué dans l’ensemble de l’UE.

- Les institutions européennes devraient lancer un processus conduisant à des régimes de surveillance et de sanctions nettement renforcés et plus cohérents dans les États membres.

Recommandation 21:


Le Groupe recommande immédiatement une évolution sensible dans le fonctionnement des comités de niveau 3, qui peut intervenir sans délai. Les comités de niveau 3 devraient par conséquent:

- bénéficier d’une augmentation significative de leurs ressources, à la charge du budget communautaire;

- améliorer la qualité et l’impact de leurs procédures d’examen par les pairs;

- préparer le terrain, notamment par l’adoption de normes de surveillance adéquates, à la création de collèges des autorités de surveillance pour toutes les grandes entreprises financières transfrontalières dans l’UE pour la fin de 2009.

Recommandation 22:

Au cours de la seconde phase (2011-2012), l’UE devrait établir un Système européen de surveillance financière (ESFS) intégré.

- Les comités de niveau 3 seraient transformés en trois Autorités européennes: une Autorité bancaire européenne, une Autorité européenne des assurances et une Autorité européenne des valeurs mobilières.

- Ces Autorités seraient gérées par un conseil d’administration composé des présidents des autorités de surveillance nationales. Leurs présidents et directeurs généraux devraient être des professionnels indépendants employés à plein temps. La nomination des présidents, pour une période de 8 ans, devrait être confirmée par la Commission, le Parlement européen et le Conseil.

- Les Autorités devraient être dotées de leur propre budget autonome à la mesure de leurs responsabilités.

- Outre les compétences actuellement exercées par les comités de niveau 3, les Autorités auraient notamment les compétences clés suivantes:

i) médiation juridiquement contraignante entre les autorités de surveillance nationales;

ii) adoption de normes de surveillance contraignantes;

iii) adoption de décisions techniques contraignantes applicables à des établissements financiers donnés;

iv) supervision et coordination des collèges des autorités de surveillance;

v) désignation, le cas échéant, d’autorités de surveillance de groupes financiers;

vi) octroi d’autorisations et surveillance de certains établissements d’envergure européenne (par exemple les agences de notation du crédit et les infrastructures postnégociation);

vii) coopération contraignante avec l’ESRC pour assurer une surveillance macroprudentielle adéquate.

- Les autorités nationales resteraient pleinement responsables de la surveillance courante des entreprises.
Recommandation 23:


Le Groupe recommande que la planification des deux étapes du nouveau système soit entamée immédiatement. À cet effet, un groupe de représentants à haut niveau des ministères des finances, du Parlement européen, des comités de niveau 3 et de la BCE, dont la Commission assurerait la présidence, devrait présenter pour la fin de 2009 un plan de mise en oeuvre détaillé.

Recommandation 24:


Le fonctionnement de l’ESFS devrait être réexaminé au plus tard 3 ans après son entrée en vigueur. Sur la base de ce réexamen, les réformes supplémentaires suivantes pourraient être envisagées :

- passer à un système qui s’appuierait seulement sur deux Autorités : la première serait responsable des questions de surveillance prudentielle des secteurs bancaire et des assurances, ainsi que de toute autre question pertinente pour la stabilité financière; la seconde serait responsable des questions de conduite des affaires et de marché ;

- octroyer aux Autorités des pouvoirs réglementaires plus larges, d’application horizontale ;

- examiner les arguments en faveur d’un renforcement des compétences de surveillance à l’échelon de l’UE. »

S’agissant des réformes à mener au niveau international, le « rapport Larosière » préconise :

- que soient mis en place rapidement des collèges internationaux réunissant les autorités nationales de supervision des pays dans lesquels sont actifs chacun des « grands groupes financiers transfrontaliers à structure complexe », pour permettre un renforcement de la coopération entre les autorités nationales ;

- que ces collèges effectuent des analyses de risques « complètes et fiables », se préoccupent des pratiques de ces groupes en matière de gestion interne des risques, et définissent une approche commune en faveur de l’harmonisation des incitations dans les systèmes de rémunérations ;

- que le Forum de stabilité financière (FSF) – devenu le Conseil de stabilité financière (CSF) suite au G20 de Londres – garantisse la cohérence internationale des pratiques de surveillance entre tous ces collèges ;

- que le FMI voit son rôle en matière de surveillance macroéconomique renforcé et qu’il soit chargé, en collaboration avec d’autres organisations internationales (le FSF/CSF, la BRI, les banques centrales…), d’élaborer et de gérer un système d’alerte précoce pour la stabilité financière.

(3) Le Conseil européen a approuvé le principe de la création d’un Comité européen du risque systémique et d’un Système européen de surveillance financière

Suite au « rapport Larosière », la Commission européenne a présenté le 27 mai 2009 une communication décrivant la réforme envisagée du système de supervision financière en Europe, dans la perspective du Conseil européen des 18 et 19 juin. La Commission européenne présentait sa proposition comme réaliste quant au fond, car il s’agissait de bâtir sur la base des structures existantes et non de créer de toutes pièces un Superviseur européen unique, et en même temps ambitieuse quant au calendrier, car elle souhaitait aller encore plus vite que ne le préconisait le « rapport Larosière » afin que le nouveau système fonctionne dès 2010 plutôt qu’à partir de 2012.

La Commission européenne a proposé la création d’un Conseil européen du risque systémique (CERS), chargé de la surveillance macroprudentielle, et d’un système européen de surveillance financière (SESF), pour la surveillance microprudentielle, formé par un réseau reliant les autorités nationales de surveillance et trois Autorités européennes se substituant aux trois « comités de niveau 3 » existants.

Les réactions à ces propositions de la Commission européenne, émanant tant des groupes politiques du Parlement européen que de l’industrie financière, ont été globalement positives.

Les Etats membres, dans le cadre du Conseil Ecofin (9 juin 2009) puis au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, les 18 et 19 juin 2009, ont approuvé les propositions de la Commission européenne. La Présidence suédoise, qui va être chargée de conduire les négociations sur les propositions législatives correspondantes que la Commission européenne présentera à l’automne, a indiqué espérer que le processus d’adoption de ces propositions aboutira d’ici décembre 2009, pour permettre le fonctionnement de la nouvelle architecture dès 2010.

Extraits des conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009

« 19. La communication présentée par la Commission le 27 mai 2009 et les conclusions du Conseil du 9 juin 2009 indiquent la voie à suivre en vue de la mise en place d’un nouveau cadre pour la surveillance macroprudentielle et microprudentielle. Le Conseil européen est favorable à la création d’un comité européen du risque systémique, qui sera chargé de surveiller et d’analyser les risques potentiels pour la stabilité financière et, le cas échéant, émettra des alertes sur les risques, formulera des recommandations quant aux mesures à prendre et en surveillera la mise en œuvre. Les membres du conseil général de la BCE éliront le président du comité européen du risque systémique.

20. Le Conseil européen recommande également qu’un système européen de surveillance financière constitué de trois nouvelles autorités européennes de surveillance soit mis en place afin d’améliorer la qualité et la cohérence de la surveillance au niveau national, de renforcer la surveillance des groupes transnationaux par la mise en place de collèges des autorités de surveillance et d’élaborer un "règlement uniforme" applicable à tous les établissements financiers exerçant des activités sur le marché unique. Eu égard aux dettes potentielles ou aux charges éventuelles qui peuvent en découler pour les États membres, le Conseil européen souligne que les décisions adoptées par les autorités européennes de surveillance ne devraient empiéter en rien sur les compétences budgétaires des États membres. Pour autant que ces conditions soient réunies et en complément des conclusions du Conseil du 9 juin 2009, le Conseil européen estime que le système européen de surveillance financière devrait disposer de pouvoirs de décision contraignants et proportionnés lui permettant d’établir si les autorités de surveillance se conforment aux exigences fixées dans un règlement uniforme et dans la législation communautaire pertinente, et de trancher en cas de désaccord entre les autorités de surveillance de l’État d’origine et de l’État hôte, y compris au sein des collèges des autorités de surveillance. Les autorités européennes de surveillance devraient également disposer de pouvoirs de surveillance à l’égard des agences de notation de crédit. Le Conseil européen souligne en outre qu’il importe de veiller à ce que le nouveau cadre favorise des marchés financiers européens sains et compétitifs.

21. Le Conseil européen se félicite de l’intention de la Commission de présenter, au plus tard d’ici le début de l’automne 2009, des propositions législatives en vue de l’établissement du nouveau cadre de surveillance financière dans l’UE, en respectant parfaitement l’équilibre des compétences et la responsabilité financière et en tenant pleinement compte des conclusions du Conseil du 9 juin 2009. Ces propositions devront être adoptées sans tarder afin que la mise en place du nouveau cadre soit entièrement achevée dans le courant de 2010. Le Conseil européen fera le point des progrès réalisés lors de sa réunion d’octobre 2009 et, si nécessaire, imprimera une nouvelle direction à ce processus. »

Dans un discours prononcé le 2 juillet à Paris, la ministre française de l’économie, Mme Christine Lagarde, a déclaré : « Le Conseil européen du 18 juin a permis une avancée décisive avec la création de trois nouvelles autorités qui seront enfin dotées de pouvoirs contraignants à l’égard des autorités nationales afin de décider de l’interprétation à avoir des normes européennes, de départager les superviseurs nationaux en cas de désaccord, et de superviser les agences de notation. Il fallait également que l’Europe dispose d’une « tour de guet » pour surveiller les risques systémiques et faire des recommandations au Conseil « Ecofin » et aux autorités européennes de supervision. Le Conseil européen a décidé sa création. C’est une grande avancée ».

Si le Conseil européen du 18 juin a marqué une avancée dans l’organisation de la supervision, on ne peut manquer d’observer que le Royaume-Uni et l’Allemagne ont imposé une restriction non négligeable en écartant la possibilité pour les autorités de supervision d’imposer des normes qui auraient des incidences budgétaires (renflouement de banques par exemple).

L’annonce des réformes proposées par l’Administration Obama aux Etats-Unis la veille de la réunion du Conseil européen a sans doute facilité l’émergence d’un accord entre les Vingt-Sept. Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a souligné lors de la conférence de presse qui a suivi le sommet que l’Union européenne était tenue de ne pas « faire moins » que les Etats-Unis.

S’agissant du Conseil ou Comité européen du risque systémique, les négociations ont été relativement aisées, le seul problème étant celui du rôle de la BCE et de la désignation du président du futur organe. Le Royaume-Uni, première place financière de l’Union européenne et pays non membre de la zone euro, a obtenu formellement que le président soit désigné parmi les 27 gouverneurs de banques centrales de l’Union européenne, même s’il est fort probable que c’est le président de la BCE qui sera effectivement désigné.

S’agissant du SESF, à la demande notamment du Royaume-Uni et de l’Allemagne, une limite a été clairement posée au champ de compétence des trois nouvelles autorités : leurs décisions ne devront « empiéter en rien sur les compétences budgétaires des Etats membres », c’est-à-dire ne pourront en aucun cas se traduire par des charges budgétaires pour les Etats ; chaque Etat restera maître notamment de la décision d’apporter ou non une aide publique à une banque en difficulté.

Les fortes réserves exprimées par le Royaume-Uni, pendant la préparation du Conseil européen, sur les pouvoirs des futures Autorités européennes de supervision n’ont finalement pas empêché l’adoption des conclusions entérinant plusieurs points-clé du « rapport Larosière ». En matière de réglementation comme en matière de supervision, les réticences britanniques sont malgré tout un problème majeur pour l’Union européenne. Il est clair que les acteurs de la City de Londres aspirent à un large retour aux situations et pratiques antérieures à la crise et résisteront aux tentatives de l’Union européenne d’imposer de nouvelles règlementations contraignantes.

Si les conclusions du Conseil européen, directement issues des recommandations du « rapport Larosière », représentent incontestablement un progrès significatif – à condition qu’elles soient suivies rapidement de la présentation et de l’adoption des initiatives législatives correspondantes dotant les trois nouvelles Autorités de pouvoirs réellement contraignants – on est encore
en deçà d’une supervision supranationale permettant de surmonter le fractionnement des contrôles.

Il faudra aller au-delà, vers l’établissement d’un véritable superviseur européen, à l’échelle de l’Union européenne toute entière ou de l’Espace économique européen (ou de trois superviseurs européens s’il n’est pas possible d’obtenir la réunion de la surveillance des banques, des assurances et des marchés financiers entre les mains d’une même autorité).

b) Le « cheval de Troie » de la proposition relative aux gestionnaires de fonds alternatifs

La notion de « fonds d’investissement alternatifs » n’est pas aisée à cerner, puisqu’elle est définie négativement : il s’agit de tous les fonds qui ne sont pas régis par la directive « OPCVM » de 1985(26). Cette notion inclut, entre autres, deux catégories bien différentes, ce qui est surprenant et criticable, les fonds de capital-investissement et les fonds de couverture. Les fonds de capital-investissement (« private equity ») investissent dans des sociétés en les achetant pour les revendre à un prix plus élevé ; les fonds de couverture (« hedge funds ») sont des véhicules d’investissement qui exploitent les imperfections des marchés afin d’obtenir des retours sur investissement même lorsque les marchés sont moins performants(27).

Tous ces fonds alternatifs (aux OPCVM) étaient jusqu’à présent peu réglementés, ce qui leur a permis de réaliser des investissements et de prendre des risques que les autres acteurs ne peuvent pas prendre. Bien qu’ils n’aient pas été déterminants pour le déclenchement de la crise financière – et bien qu’ils aient connu en raison de cette crise de graves difficultés – certains considèrent qu’ils ont pu l’empirer, du moins en ce qui concerne les hedge funds. Ainsi, comme le rappelle la Commission européenne dans la présentation de sa proposition, « la liquidation soudaine de positions importantes avec effet de levier, en réaction au durcissement des conditions de crédit et aux demandes de remboursement des investisseurs, a eu un effet procyclique sur les marchés en déclin et a pu avoir des effets négatifs sur la liquidité des marchés ».

La crise financière a soulevé la question de la réglementation de ces acteurs du système financier et d’une harmonisation des approches à l’échelle européenne et mondiale.

(1) Les travaux du Parlement européen

Le 23 septembre 2008, le Parlement européen a adopté une résolution sur les fonds de couverture (« hedge funds ») et les fonds de capital-investissement (« private equity ») exigeant de la Commission européenne qu’elle présente rapidement une ou plusieurs propositions législatives « couvrant tous les acteurs et participants pertinents des marchés financiers, y compris les fonds alternatifs ». Cette résolution résulte d’une initiative du Parlement européen lui-même, avec le rapport d’initiative de M. Poul Nyrup Rasmussen (PSE-Danemark).

Dans sa résolution, le Parlement européen a rappelé que les fonds alternatifs revêtent une importance croissante, mais suscitent des préoccupations en termes de stabilité financière, de normes de gestion des risques, d’endettement excessif (effet de levier), et d’évaluation des instruments financiers illiquides et complexes. Il a donc appelé la Commission européenne à « proposer une directive fixant des exigences minimales de transparence [concernant les hedge funds et les fonds de private equity] ».

Le Parlement européen a également appelé, dans le cadre de cette résolution, la Commission européenne à « étudier les possibilités de réglementer au niveau mondial les acteurs du marché extraterritoriaux (« off-shore ») ».

Dans les recommandations précises annexées à sa résolution, le Parlement européen a demandé en particulier à ce que les futures propositions législatives abordent : les exigences de fonds propres des entreprises d’investissement ; le renforcement des exigences de transparence applicables à tous les intermédiaires principaux « en fonction de la complexité et de l’opacité de la structure ou de la nature des risques auxquels leurs activités avec l’ensemble des produits et des acteurs, y compris les fonds de couverture et les fonds de capital-investissement, les exposent » ; la mise en place d’un régime européen permettant une distribution transfrontalière des produits d’investissement, y compris d’instruments d’investissement alternatifs, à des catégories éligibles d’investisseurs avisés.

Pour ce régime européen, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de définir les principes d’information, à l’égard des investisseurs et des autorités publiques concernées, sur la stratégie générale d’investissement des acteurs, leur système de gestion des risques, l’origine et le montant des fonds mobilisés, l’enregistrement et l’identification des actionnaires au-delà d’un certain seuil de détention…

Suite à l’adoption de cette résolution, la Commission européenne a lancé en décembre 2008 une consultation sur les fonds alternatifs. C’est sous la pression conjuguée du Parlement européen, de la France et de l’Allemagne que le président de la Commission européenne a finalement consenti à l’élaboration d’une directive.

(2) Les décisions du G20 relatives aux « hedge funds »

Lors du sommet de Londres du 2 avril 2009, le G20 a décidé « d’étendre la régulation et la surveillance à toutes les institutions financières, à tous les instruments et à tous les marchés d’importance systémique. Cela inclura, pour la première fois, les fonds spéculatifs d’importance systémique. » (paragraphe 15 des conclusions du Sommet).

Plus précisément, la « Déclaration sur le renforcement du système financier » adoptée lors de ce G20 annonce que « les fonds spéculatifs ou leurs gestionnaires seront enregistrés et seront tenus de communiquer aux superviseurs ou aux régulateurs de manière régulière, notamment en ce qui concerne leur effet de levier, les informations nécessaires pour évaluer les risques systémiques qu’ils font courir, à titre individuel ou collectif. L’enregistrement sera le cas échéant limité aux fonds d’une taille minimale. Les fonds spéculatifs ou leurs gestionnaires feront l’objet d’une supervision afin de s’assurer qu’ils disposent de mécanismes appropriés de gestion des risques. »

Et le G20 a demandé au Conseil de stabilité financière (FSB) « d’élaborer des mécanismes destinés à améliorer la coopération et l’échange d’informations entre les autorités compétentes, afin qu’une surveillance effective soit assurée lorsque le siège d’un fonds dépend d’une juridiction différente de celle de son gestionnaire. »

(3) La proposition de directive relative aux gestionnaires de fonds alternatifs

En réponse à la résolution adoptée par le Parlement européen et suite à l’engagement politique fort pris par le G20, la Commission européenne a présenté le 30 avril 2009 une proposition de directive relative aux gestionnaires de fonds alternatifs(28).

Les principales dispositions de cette proposition de directive sont les suivantes :

Les fonds concernés par le texte sont tous les fonds non réglementés par la directive « OPCVM », et incluent donc à la fois les hedge funds, les fonds de capital-investissement, les fonds immobiliers, les fonds de matières premières, les fonds d’infrastructures et d’autres types de fonds institutionnels. Au total, ils composent un secteur qui gère actuellement environ 2 000 milliards d’euros d’actifs selon la Commission européenne.

Les gestionnaires d’un ou plusieurs fonds alternatifs devront demander aux autorités compétentes de l’Etat membre dans lequel ils sont installés une autorisation pour pouvoir commercialiser et gérer des fonds alternatifs dans l’Union. Ils ne pourront en tout état de cause commercialiser des fonds alternatifs qu’auprès d’investisseurs institutionnels (tels que définis par la directive relative aux marchés d’instruments financiers, dite « directive MIF »), seuls en mesure de comprendre et d’assumer les risques liés à ce type d’investissements, et non pas auprès de particuliers, à moins qu’un Etat membre ne le permette expressément sur son propre territoire.

Pour obtenir l’agrément dans un Etat membre, les gestionnaires seront tenus de fournir des informations détaillées sur l’activité envisagée, l’identité et les caractéristiques des fonds alternatifs gérés, leur gouvernance, les dispositions pour l’évaluation et la garde des actifs ; ils devront aussi détenir et conserver un certain niveau de fonds propres, et prouver qu’ils sont dotés de mécanismes internes solides en ce qui concerne la gestion des risques. Ils seront aussi tenus de communiquer à l’autorité nationale sur une base régulière des informations sur les principaux marchés où ils sont actifs, leurs principales expositions, leurs performances et les concentrations de risque.

La Commission envisage donc d’imposer un enregistrement obligatoire des gestionnaires, personnes physiques ou morales (considérés comme responsables des décisions-clés) et une divulgation de leurs activités aux régulateurs, mais pas de régulation directe des fonds eux-mêmes. Les fonds seront donc laissés libres de développer leurs politiques d’investissement, malgré le fait que leur inclination au risque a été durement critiquée au cours des derniers mois.

Grâce à l’autorisation obtenue auprès des autorités d’un pays européen, ces gestionnaires pourront s’adresser aux investisseurs professionnels d’autres pays de l’Union, sur le modèle du « passeport européen » mis en place pour les sociétés de gestion pour les OPCVM.

Les fonds d’un montant inférieur à 100 millions d’euros ne sont pas couverts par la proposition de directive ; pour les fonds « qui ne recourent pas au levier et pour lesquels aucun droit de remboursement ne peut être exercé pendant une période de cinq ans suivant la date de constitution », le seuil est de 500 millions d’euros. Les gestionnaires de ces fonds n’auront donc pas l’obligation d’obtenir un agrément pour exercer leur activité dans l’Union. La Commission européenne justifie l’existence de ce seuil par le respect du principe de proportionnalité.

S’agissant des fonds domiciliés dans des pays tiers, ils pourront être commercialisés dans l’Union européenne par un gestionnaire établi dans un Etat de l’Union (ce qui est aujourd’hui interdit en France), après un délai de trois ans suivant la fin de la période de transposition de la directive et à condition que le pays tiers concerné ait conclu avec l’Etat membre sur le territoire duquel le fonds va être commercialisé un accord basé sur l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE.

La proposition prévoit également la possibilité pour les Etats membres d’autoriser des gestionnaires établis dans des pays tiers à commercialiser des fonds dans l’Union, à condition que cinq exigences soient remplies :

1 - équivalence des législations européenne et du pays tiers en matière de réglementation prudentielle et de surveillance (c’est la Commission européenne qui appréciera cette équivalence),

2 - accès comparable pour les acteurs établis en Europe au marché de ce pays tiers (également apprécié par la Commission),

3 - fourniture par le gestionnaire d’un certain nombre d’informations sur le fonds,

4 - existence d’un accord de coopération entre les autorités de l’Etat membre où le gestionnaire demande l’agrément et l’autorité de surveillance du gestionnaire,

5 - et signature d’un accord entre le pays tiers et l’Etat membre garantissant un échange d’informations en matière fiscale.

(4) Une proposition très controversée, inacceptable en l’état

Avant même sa présentation, cette proposition de directive a été très critiquée, les députés européens du PSE ayant adressé dès le 5 avril 2009 un courrier à la Commission européenne pour dénoncer le projet de texte en cours d’élaboration, au motif que celui-ci visait les gestionnaires de fonds alternatifs plutôt que les fonds eux-mêmes (alors que dans la réglementation des OPCVM, ce sont bien les fonds eux-mêmes qui font l’objet des directives).

Malgré des modifications apportées par la Commission européenne à la première version du projet, les critiques ont continué après la présentation du texte adopté par le collège des commissaires. M. Rasmussen en particulier considère que l’enregistrement proposé n’est qu’une formalité sans réel contenu contraignant, et que les exigences de fonds propres sont insuffisamment élevées.

Selon Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen (PSE-France), « le but de ce texte est, en réalité, d’étendre à l’ensemble de l’Union le système britannique. En enregistrant les seuls gestionnaires de fonds au niveau national et en étendant cet enregistrement à l’ensemble de l’Union, on fait à la fois échapper les fonds à toute régulation et on leur permet d’agir dans les Etats membres même si ces fonds sont domiciliés dans des paradis fiscaux, ce qui est le cas de la très grande majorité d’entre eux. Aucune règle prudentielle ne s’applique à eux et ils échapperaient même à l’obligation d’enregistrement s’ils ne dépassent pas 100 millions d’euros. Or l’expérience nous apprend à nous méfier des effets de seuils : cela va encourager ces fonds à se scinder en plusieurs entités pour échapper à cette régulation pourtant très légère »(29).

La Commission européenne admet elle-même que son texte ne couvrira que 30 % des gestionnaires de hedge funds et environ la moitié des gestionnaires d’autres fonds alternatifs. Elle souligne également, à juste titre, que ce texte ne sera pleinement efficace que s’il est accompagné d’initiatives parallèles dans d’autres juridictions clés, notamment les Etats-Unis.

Les discussions sur la proposition de directive ont commencé au Conseil sous Présidence tchèque et se poursuivront sous Présidence suédoise ; un examen du texte pourrait avoir lieu au Conseil le 10 novembre prochain ; il convient de noter que le vote se fera à la majorité qualifiée.

En revanche, les travaux au Parlement européen ne commenceront qu’une fois les députés nouvellement élus entrés en fonctions et une fois désigné le rapporteur sur ce texte – qui ne sera probablement pas nommé avant le mois de septembre 2009. Ce texte étant soumis à la procédure de codécision, le Parlement européen jouera un rôle essentiel.

La position de départ du Gouvernement français dans la négociation consiste à mettre l’accent sur la nécessité d’appliquer la transparence à tous les fonds, qu’ils soient basés dans l’Union européenne ou hors de l’Union, et sur l’opposition à l’octroi d’un « passeport européen » aux fonds non européens. La France fait également valoir que les hedge funds d’une part, et l’ensemble des autres fonds visés par la proposition de directive d’autre part, ne présentent pas le même risque systémique, et que l’effet de levier utilisé comme critère commun n’est pas pertinent.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’Economie, a souligné le 2 juillet 2009 que la présentation de cette proposition de directive est une bonne chose, et constitue une avancée, mais n’est pas à la hauteur des ambitions qu’il faut avoir pour ce secteur : « comment parler de la sécurité des investisseurs quand le « label de qualité » proposé par la Commission peut être obtenu par des fonds domiciliés dans des centres non coopératifs ? ». Il serait contradictoire, compte tenu des décisions prises dans le cadre du G20, « de combattre d’une main les centres non coopératifs et leur ouvrir de l’autre tout grand les portes de l’Europe » ; la proposition d’accorder, au terme d’une période transitoire, un « passeport européen » permettant la commercialisation dans toute l’Europe de fonds provenant de juridictions non-coopératives est inacceptable en l’état.

On peut noter que cette proposition fait quasiment l’unanimité contre elle, y compris s’agissant du secteur des fonds alternatifs, mais sur la base d’arguments bien différents : pour certains représentants du secteur des hedge funds, ce texte est, dans sa forme actuelle, protectionniste et susceptible de porter gravement préjudice à l’industrie européenne concernée, dont des places financières situées hors de l’Union européenne s’empresseraient d’attirer l’activité ainsi découragée. La City de Londres, qui concentre 80 % de l’industrie des hedge funds en Europe avec 500 fonds gérant au total 250 milliards de livres sterling et représentant 10 000 emplois directs(30), réagit très négativement face à ce texte, considérant qu’il introduit pour ces fonds des contraintes trop grandes – alors qu’elles semblent au contraire à de nombreux Etats ne constituer qu’un minimum.

Le seul point commun de l’ensemble des critiques adressées au projet de texte est le regret qu’il ait été visiblement élaboré dans la précipitation, ce qui est incontestable.

Interrogé par les rapporteurs, M. Jacques de Larosière a souligné que le texte proposé, s’il était adopté, constituerait tout de même un progrès notable puisqu’il soumettrait tous les gestionnaires de hedge funds, y compris les acteurs américains qui jusqu’à présent n’y sont pas soumis aux Etats-Unis, à l’obligation de s’enregistrer (dans l’Union européenne) en fournissant un certain nombre d’informations. M. de Larosière a tenu à relativiser devant les rapporteurs l’importance du risque systémique inhérent aux hedge funds, considérant que ceux-ci n’ont joué dans la crise actuelle qu’un rôle secondaire.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. de Larosière et présenté en février 2009 reconnaissait que ces fonds peuvent « causer des désordres importants », que les autorités de surveillance « devraient à tout le moins savoir quels fonds ont une importance systémique » et « pouvoir apprécier clairement et de manière continue les stratégies, la structure des risques et le levier de ces fonds d’importance systémique ». Les recommandations de ce rapport n’appelaient à soumettre à enregistrement que les gestionnaires de hedge funds ; la Commission européenne l’a donc parfaitement suivi sur ce point, puisqu’elle ne vise que les gestionnaires et pas les fonds eux-mêmes.

M. de Larosière a en revanche indiqué qu’il est difficile d’admettre que les fonds de « private equity », qui jouent un rôle économique bénéfique tout à fait essentiel, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises, soient soumis par la proposition de directive à des contraintes qui paraissent excessives. Sur ce point, les rapporteurs partagent l’opinion de M. de Larosière.

Les rapporteurs estiment qu’une réglementation des fonds alternatifs est nécessaire, et qu’à ce titre, la présentation d’une proposition de directive est un progrès, mais ils considèrent que le texte de cette proposition de directive présente trois failles fondamentales et dangereuses, qui justifient son rejet en l’état.

Tout d’abord, il est essentiel que le texte établisse bien plus nettement une différence de traitement entre les fonds de private equity et les hedge funds. Le biais spéculatif des hedge funds doit impérativement être la cible, tandis que le private equity doit être apprécié à sa juste valeur, même s’il convient de contrôler également son effet de levier.

Les fonds de capital-investissement investissent prioritairement dans les entreprises non cotées en Bourse, et jouent ainsi un rôle économique majeur et positif. Ils accompagnent le développement de PME dynamiques ou innovantes. Certes, certains de ces fonds, spécialisés dans le capital-transmission ont conclu avant l’éclatement de la crise financière des opérations hasardeuses de « reprise avec effet de levier » (« leveraged buyout » ou LBO), réalisant des opérations de transmission de PME avec des effets de levier excessifs. Aujourd’hui, les entreprises qui ont fait l’objet de ces opérations sont fragilisées parce que la dette contractée par les LBO est inscrite à leur bilan, et le surendettement qui en résulte peut les amener à disparaître.

Mais il paraît plus opportun, pour remédier à ce problème, d’agir au niveau des ratios qui limitent l’endettement des entreprises. D’autre part, le capital-investissement ne se limite pas au seul capital-transmission. Le
capital-risque et le capital-développement contribuent eux aussi positivement au financement des entreprises.

En revanche, s’agissant des hedge funds, pour reprendre les propos de M. Jean-Pierre Jouyet, « ne rien faire dans ce domaine n’est pas une option »(31). Il faut toutefois distinguer, parmi eux, les fonds européens, c’est-à-dire enregistrés et régulés dans un Etat membre, et les fonds domiciliés dans des centres financiers offshore, qui « bénéficient » d’une régulation dont le but est bien moins de limiter les risques qu’ils représentent que de favoriser l’attractivité de ces places financières. Les premiers sont, notamment en France, soumis à des restrictions d’investissement ou à d’autres types de contraintes, certes plus faibles que les fonds classiques mais qui s’accompagnent du moins d’un contrôle effectif des régulateurs nationaux européens. Les seconds peuvent, grâce à leur régulation encore plus faible, rester opaques, non seulement pour les régulateurs mais aussi pour leurs investisseurs.

Deuxième problème essentiel de ce texte : la commercialisation dans l’Union européenne, à terme, de fonds domiciliés dans des pays tiers, y compris – et, de facto, majoritairement – dans des centres financiers offshore. Octroyer à ces fonds, directement ou par l’intermédiaire de leurs gestionnaires, un passeport européen revient à cautionner les pratiques des centres financiers offshore.

Les conditions qui entourent la délivrance de ce passeport européen ne sont pas satisfaisantes. S’agissant des fonds de pays tiers commercialisés par un gestionnaire installé dans l’Union européenne, n’exiger que la signature d’un accord type « OCDE » est insuffisant, car il serait nécessaire de s’assurer que cet accord donne lieu à application effective. S’agissant des gestionnaires domiciliés dans les pays tiers, les cinq conditions qui doivent être réunies soulèvent la question de l’appréciation, par la Commission européenne – dont on peut douter qu’elle ait les moyens en personnel nécessaires – de l’équivalence réelle non seulement des législations mais aussi des pratiques entre les Etats européens et les pays tiers.

Troisième critique principale : le renvoi de mesures d’exécution très importantes à la procédure de comitologie. Conformément à la « procédure Lamfalussy » en vigueur en matière de réglementation européenne des services financiers (voir l’encadré page 111), la proposition de directive, mesure de « niveau 1 », est un texte-cadre qui fixe des principes, pour l’application desquels elle prévoit l’adoption de « mesures d’exécution », qui ne seront pas adoptées selon la procédure de codécision mais selon la procédure de comitologie fixée par la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission.

Il est frappant, à la lecture de la proposition de directive, de relever que pas moins de 25 des 56 articles de la proposition prévoient l’adoption par la Commission européenne de mesures d’exécution. S’il est bien compréhensible, par exemple, que le détail du contenu et de la forme du rapport annuel que devront présenter les gestionnaires pour chaque fonds qu’ils gèrent soit fixé par des mesures d’exécution élaborées en comitologie (article 19), ou bien la forme et le contenu d’un modèle standard de lettre de notification (article 33), il n’est pas acceptable que les dispositions suivantes relèvent de ce processus :

- le détail des obligations d’information auxquelles sont soumis les gestionnaires en ce qui concerne le levier utilisé par les fonds (article 24), et les limites du niveau de levier auquel les gestionnaires peuvent recourir (article 25),

- s’agissant des dispositions du Chapitre VII « Règles spécifiques applicables aux pays tiers », la définition des critères d’appréciation de l’équivalence de la réglementation, de la surveillance et des normes prudentielles de pays tiers où sont situés des fonds ou des gestionnaires (articles 37, 38 et 39).

Certes, la procédure de comitologie prévue laisse au Parlement européen la possibilité de juger qu’un projet de mesure d’exécution, dont l’adoption est envisagée par la Commission européenne, excède les compétences d’exécution prévues dans la directive-cadre. Dans ce cas, la Commission européenne est tenue de réexaminer le projet. Mais c’est le principe même de la fixation de ces règles par une procédure opaque et non démocratique qui est critiquable.

c) L’état des travaux européens sur les produits dérivés et sur la question des chambres de compensation pour les marchés de gré à gré

Face aux risques inhérents au développement considérable des produits dérivés, et tout particulièrement des dérivés négociés de gré à gré, qui ont été évoqués dans la Première partie du présent rapport, il apparaît désormais indispensable de faire valoir un impératif de transparence.

Dans la « Déclaration sur le renforcement du système financier » adoptée par le G20 de Londres, figure la décision d’encourager « la normalisation et la résistance des marchés des dérivés de crédit, notamment par la mise en place de chambres de compensation avec contrepartie centrale soumises à une régulation et à une supervision efficaces », le G20 demandant aux professionnels du secteur d’élaborer un plan d’action en ce sens.

Premier opérateur d’infrastructures de marché aux Etats-Unis, la DTCC (Depository Trust & Clearing Corporation) a mis en place en 2007 un « entrepôt » (« trade information warehouse ») pour recenser certaines opérations de CDS. En revanche, il n’existe pas à ce stade aux Etats-Unis de service de compensation par contrepartie centrale qui permettrait de mieux gérer le risque de contrepartie. Mais les réformes annoncées par le Trésor américain le 17 juin 2009 incluent le projet d’un cadre de régulation global pour les produits dérivés « over-the-counter », avec notamment l’obligation de compenser tous les contrats OTC normalisés sur des contreparties centrales et l’incitation à la négociation des produits dérivés OTC sur des bourses réglementées et par des systèmes électroniques d’exécution des transactions transparents et réglementés.

Une chambre de compensation, en se substituant à la contrepartie en cas de défaillance, procure la sécurité indispensable aux transactions. Elle n’influe pas sur la volatilité des prix, mais elle apporte sécurité et transparence (vis-à-vis des régulateurs, voire du public). La multiplicité des contrats crée des situations juridiques extrêmement complexes, dans lesquelles les contrats sont susceptibles de s’annuler partiellement les uns les autres mais en laissant subsister des risques difficiles à estimer. La compensation ne réduit pas le risque de contrepartie mais permet de le mutualiser et d’avoir une vision d’ensemble plutôt que morcelée du marché. Et en tout premier lieu, des chambres de compensation permettraient de recueillir des données, des informations, permettant d’avoir des estimations valables de l’ampleur des flux et des transactions sur ces marchés. Au final, l’intervention de ces chambres ferait des marchés de produits dérivés un secteur moins attractif pour les spéculateurs.

En juin 2008, à l’issue d’une réunion à laquelle avaient participé les principales banques américaines et européennes actives sur les dérivés ainsi que leurs superviseurs (notamment la Commission bancaire française), la Federal Reserve Bank of New York, alors présidée par M. Tim Geithner (aujourd’hui à la tête du Trésor américain), avait publié une déclaration fixant de nouveaux objectifs aux acteurs du marché des dérivés OTC, et notamment le développement d’une contrepartie centrale (CCP) pour la compensation des dérivés de crédit.

La déclaration finale du Sommet du G20 de Washington du 15 novembre 2008 a appelé les superviseurs, « en se fondant sur le lancement imminent des services de contrepartie centrale pour les CDS, [à] intensifier leurs efforts pour réduire les risques systémiques liés aux CDS et aux transactions de gré à gré sur produits dérivés ».

Si un consensus semble donc avoir pris corps autour de la nécessité d’assurer la compensation des produits dérivés négociés de gré à gré, ce sujet soulève deux questions principales, non tranchées à ce jour :

- les conditions pour qu’une chambre de compensation traitant des dérivés de crédit (CDS) contribuent efficacement à réduire le risque systémique

- la pertinence et la viabilité d’une solution européenne, dans un contexte de concurrence transatlantique entre les infrastructures.

Les principaux avantages espérés de la mise en place d’une chambre de compensation pour les dérivés de crédit sont : une limitation des risques de contagion sur les marchés, puisqu’une chambre de compensation se substituerait au défaillant, garantissant ainsi à ses contreparties l’exécution de ses obligations (sous réserve que la chambre bénéficie de garanties suffisantes) ; une valorisation quotidienne des instruments financiers ; une amélioration de la discipline et de la transparence du marché.

Les principales difficultés tiennent au faible degré de standardisation des produits dérivés (absence de définition standard des évènements qui entraînent leur activation, etc). C’est d’ailleurs la justification intrinsèque de ces produits, censés répondre à un besoin de produits de couverture « sur-mesure ». Comment opérer une compensation entre deux ou plusieurs produits qui ne sont pas identiques ?

Compte tenu de cet obstacle fondamental, il est bien évident que toutes les transactions sur les marchés de gré à gré ne pourront pas donner lieu à compensation, mais qu’il faut favoriser et encourager la compensation, et accroître les obligations de déclaration (reporting) de ces opérations par les banques à leurs superviseurs, pour aller vers plus de transparence. L’incitation des intermédiaires concernés à avoir recours à la compensation, sous forme d’une incitation au niveau des ratios prudentiels, serait préférable à une démarche législative contraignante trop aisée à contourner.

Quelques chambres de compensation existent, tant aux Etats-Unis qu’en Europe (LCH.Clearnet, Eurex…), mais aucune n’a un champ d’action suffisamment significatif. En Europe, la Commission européenne (17 octobre 2008) comme l’Eurosystème (3 novembre 2008) se sont publiquement exprimés en faveur de la création d’une ou plusieurs chambres de compensation.

Dans l’absolu, une solution globale unique, commune aux
Etats-Unis et à l’Europe, serait souhaitable
, plutôt qu’un processus limité aux produits libellés en euros et/ou émis dans l’Union européenne, car selon que les Etats-Unis ou l’Union européenne progresseront plus vite dans l’organisation de systèmes centralisés de compensation, les acteurs américains ou européens désireux de contourner les nouvelles exigences règlementaires pourront aisément déplacer leurs activités dans celle des deux zones la plus en retard en terme de réformes.

Il convient de souligner, avec franchise, la possibilité que l’avance technologique importante des Etats-Unis et de la City amène l’organisation de systèmes de compensation à progresser beaucoup plus vite à Londres ou aux Etats-Unis que dans les pays de la zone euro (d’autant que les autorités allemandes semblent réticentes à se joindre aux autorités françaises pour prôner une action décisive en la matière).

On peut noter que le Livre blanc du ministère des finances des
Etats-Unis qui expose les différents volets du Plan pour la stabilité financière du Président Obama, dans son chapitre relatif à la coopération internationale, appelle les différents pays à promouvoir la standardisation des dérivés et l’amélioration de la supervision des marchés de dérivés, « en particulier par le recours à des systèmes de contreparties centrales », conformément aux engagements du G20.

Les discussions sur la création d’une ou plusieurs chambres de compensation de taille critique en Europe ne semblent guère progresser pour l’instant au niveau politique, notamment parce que la localisation géographique de cette ou de ces chambres est un enjeu lucratif et stratégique susceptible d’exacerber la compétition entre pays de la zone euro d’une part, entre la place de Londres et l’Europe continentale d’autre part.

On peut toutefois noter avec satisfaction que les professionnels du secteur ont pris des initiatives qui vont, au moins au plan des principes, dans le bon sens : tout d’abord, fin février 2009, l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA), qui représente les intérêts des principaux acteurs sur les marchés des dérivés, et la Fédération bancaire européenne (FBE), se sont engagées à mettre en place d’ici fin juillet 2009 une chambre de compensation centrale pour le commerce des CDS.

D’autre part, neuf banques actives en Europe se sont engagées, le 11 mars 2009, à soumettre leurs CDS à une (ou des) chambre(s) de compensation européenne(s) à partir du 31 juillet. Ces banques ont adressé une lettre formalisant cet engagement à la Commission européenne ; les signataires de cette lettre sont Barclays Capital, Deutsche Bank, Crédit Suisse, UBS, Citigroup Global Markets, Goldman Sachs, HSBC, JP Morgan Chase et Morgan Stanley(32). La banque Nomura International a rejoint la liste des signataires au mois d’avril.

On peut également relever que la France a appelé en janvier 2009 le président de la Banque centrale européenne, M. Jean-Claude Trichet, à proposer la création d’un système de compensation au niveau de la zone euro, applicable non seulement aux CDS mais à l’ensemble des autres dérivés, standardisés ou en passe de l’être, compte tenu du fait que les discussions entre les acteurs du système financier eux-mêmes, et entre la Commission européenne et les représentants de la sphère financière, ne semblent pas réaliser de progrès suffisants dans cette direction. Elle a aussi appelé la Commission européenne et le Comité de Bâle à engager une réflexion pour que l’utilisation des chambres de compensation soit accompagnée d’un « bonus prudentiel » sous la forme d’une réduction de fonds propres.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. Jacques de Larosière recommandait « de simplifier et de normaliser les produits dérivés négociés de gré à gré » et « de créer dans l’UE au moins une chambre de compensation centrale bien capitalisée pour les contrats d’échange sur défaut [les CDS], et d’imposer son utilisation ».

La Commission européenne a présenté le 3 juillet 2009 une communication relative aux marchés de produits dérivés(33), comme elle s’était engagée à le faire dans son programme d’action sur les marchés financiers présenté le 4 mars dernier et approuvé par le Conseil européen des 19 et 20 mars.

Cette communication constate le rôle joué par les dérivés dans la crise financière, souligne la grande diversité des marchés de gré à gré de ces dérivés, et énumère quatre séries d’instruments, qui peuvent être combinés, susceptibles de réduire le risque qu’ils représentent pour la stabilité financière :

- la standardisation (ou normalisation) de ces contrats, pour réduire le risque juridique lié à leur très grande variété : elle exige des investissements conséquents en moyens informatiques afin d’assurer que ces contrats donnent lieu à enregistrement électronique et à paiements automatiques ; la Commission européenne relève qu’il pourrait donc être nécessaire d’encourager de tels investissements ;

- des référentiels centralisés de données (« central data repositories »), afin que soient collectées, notamment, des informations sur le nombre de transactions et la dimension des positions, afin d’accroître la transparence et l’efficacité opérationnelle ; la Commission européenne relève qu’il existe déjà un tel dispositif aux Etats-Unis pour les CDS (le « trade information warehouse » géré par la DTCC), et que ce dispositif est susceptible d’être étendu à d’autres catégories de dérivés. Au niveau européen, une étude de faisabilité est en cours dans le cadre du comité qui rassemble les régulateurs nationaux (le CESR), et la Commission européenne indique qu’elle présentera le cas échéant des propositions sur la base des conclusions de cette étude ;

- un système centralisé de compensation (chambre de compensation), ou « central counter-party clearing » (CCP) : la Commission européenne rappelle que l’industrie concernée a pris des engagements en vue de l’établissement d’un tel dispositif au 31 juillet 2009 en ce qui concerne les CDS. Elle indique que si l’industrie ne respecte pas ces engagements, elle « envisagera d’autres moyens pour inciter à l’utilisation de la compensation »(34). Elle souligne également que le recours aux chambres de compensation doit aussi être encouragé pour les autres catégories de produits dérivés.

Concernant l’état d’avancement des travaux de l’industrie, la Commission européenne a indiqué, lors de la présentation de sa communication, que deux chambres européennes de compensation pour les CDS devraient entrer en fonctionnement à l’échéance prévue, qu’une troisième chambre de compensation est annoncée pour le mois de décembre 2009 et que la création d’une quatrième chambre est prévue sans qu’une date soit pour l’instant fixée.

La première à entrer effectivement en fonctionnement pourrait être une filiale de Deutsche Börse, Eurex Clearing, qui mène actuellement des tests avec une vingtaine de participants ; le deuxième acteur susceptible d’intervenir est l’américain Intercontinental Exchange, qui travaille déjà avec des acteurs britanniques.

- des systèmes de négociation plus publics : à l’heure actuelle, les dispositions de la « directive MIF » (sur les marchés d’instruments financiers) relatives à la transparence ne couvrent pas les produits dérivés, l’obligation de déclaration des transactions ne s’appliquant qu’aux instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé. La Commission européenne pose l’objectif de parvenir à un processus de négociation plus transparent pour les produits dérivés OTC.

La communication de la Commission européenne marque le lancement d’une consultation publique, qui s’achèvera le 31 août 2009. Ce n’est qu’au vu des résultats de cette consultation que la Commission européenne jugera si elle doit présenter des propositions législatives sur ces sujets. Il n’est donc pas certain, à ce stade, qu’une véritable réglementation européenne émergera sur la question des chambres de compensation. Il convient d’appeler à ce que tous les instruments identifiés par la Commission européenne soient effectivement et rapidement mis en œuvre, le cas échéant par le biais d’une législation européenne pour compléter les initiatives de l’industrie elle-même… ou y suppléer.

Le Gouvernement français a appelé la Commission européenne à présenter une proposition de directive pour harmoniser les règles de fonctionnement des chambres de compensation afin de garantir leur robustesse et leur fiabilité sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

d) De nombreux autres chantiers législatifs vont être lancés au niveau communautaire dans le domaine des services financiers au cours des prochains mois

(1) Vers une révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers ?

La directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 sur les marchés d’instruments financiers (« directive MIF ») avait pour but d’harmoniser les exigences réglementaires imposées aux sociétés d’investissement, tout en garantissant un haut niveau de protection des investisseurs. Elle a créé un passeport unique par lequel ces sociétés peuvent offrir des produits d’investissement dans toute l’Union européenne sur la base de l’autorisation reçue dans leur Etat membre d’origine. Elle permet la négociation de valeurs mobilières hors du cadre des places règlementées, ouvrant le marché à la concurrence des banques et des sociétés d’investissement.

La principale innovation de la directive MIF et de ses mesures d’exécution a trait à l’architecture même des marchés financiers. La directive précédente, qui datait de 1993 (directive 93/22/CEE du 10 mai 1993 sur les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières) ne s’appliquait qu’aux marchés règlementés ; la directive de 2004 met en place un cadre règlementaire global s’appliquant aux différents modes d’exécution des ordres, et permet ainsi une concurrence entre marchés réglementés, plateformes multilatérales (systèmes multilatéraux de négociation ou SMN) et systèmes internes de négociation, la concurrence étant censée améliorer la qualité et diminuer les coûts de transaction.

Ce dispositif comportait dès l’origine plusieurs risques(35). Tout d’abord, la fragmentation des bassins de liquidités sur de multiples lieux de négociation risquait de détériorer le processus de formation des prix et l’accessibilité des investisseurs aux informations nécessaires à leurs décisions d’investissement. Ensuite, la comparaison par les investisseurs de la qualité d’exécution des ordres risquait d’être rendue plus difficile du fait de la multiplicité des lieux de négociation, offrant chacun leurs propres conditions, ce qui peut entraîner la disparition du rôle de référence que jouaient les cours établis sur les marchés réglementés. En outre, on pouvait craindre une hausse de conflits d’intérêt au sein des entités qui exécuteraient les ordres de leurs clients par voie d’internalisation. Enfin, cette directive complique considérablement la mission des autorités de régulation en matière de surveillance des marchés.

Le 2 juillet 2009, Mme Christine Lagarde, dans le cadre d’un forum organisé par Paris-Europlace, a dressé un bilan négatif de la directive « MIF », entrée en vigueur en novembre 2007 et dont l’application n’est pas, selon elle, satisfaisante, considérant qu’elle a favorisé la concentration des flux d’ordres auprès d’un nombre restreint d’intermédiaires et le développement des plateformes opaques (« dark pools ») qui font concurrence aux Bourses traditionnelles sans supporter les mêmes contraintes que celles-ci.

M. Jean-François Théodore, directeur général adjoint de
NYSE-Euronext, expliquait ainsi dans un entretien au journal Le Monde en date du 3 juillet 2009 que « les fonds arbitragistes, en particulier les « arbitragistes algorithmiques » représentent aujourd’hui l’essentiel des clients de la Bourse. Ces fonds spécialistes en mathématiques financières soldent leurs positions tous les jours, multipliant le nombre d’ordres, et entraînant ainsi une division par trois de la taille moyenne d’une négociation, à 7 500 euros aujourd’hui. Ces acteurs exercent une pression très forte pour réduire les tarifs d’un ordre de Bourse, desquels dépend la rentabilité de leur activité d’arbitrage. La directive Mifid [en français, « MIF »] n’est pas à l’origine de cette évolution, mais elle a offert les outils qui ont permis à ces fonds arbitragistes de se développer. Elle a favorisé l’émergence de plate-formes alternatives, concurrentes de la Bourse, qui offrent des tarifs très avantageux. Ces places de marché alternatives se livrent, et (…) livrent [aux Bourses traditionnelles comme Euronext] une concurrence intense. »

En 2010 la « directive MIF » fera l’objet d’une réévaluation. Il faudra impérativement saisir cette occasion pour réviser le texte. Comme le souligne M. Jean-François Théodore, « la concurrence est irréversible, mais (…) il faut s’assurer que cette concurrence s’exerce dans des conditions égales. » Il faudra alors une véritable coopération entre l’Union européenne et les Etats membres, en particulier le Royaume-Uni, car la City de Londres « offre aujourd’hui aux banques d’investissement concernées une véritable oasis pour développer [les] activités » des plateformes de négociation OTC, selon les termes de M. Jean-Pierre Jouyet (Le Figaro, 30 juin 2009). Mme Christine Lagarde a appelé à ce que la révision du texte soit conduite sur la base de deux impératifs : renforcer la transparence, avec des informations de marché plus fiables, et garantir à un plus grand nombre d’investisseurs l’accès au marché.

Le Conseil européen de juin 2009 s’est concentré sur les marchés OTC relatifs aux dérivés, mais il faut aller bien au-delà et établir la transparence la plus grande possible sur tous les marchés actuellement non régulés. Il n’est pas possible de se contenter de progresser sur cette question au niveau national, car imposer plus de transparence sur les plateformes de négociation seulement en France nuirait à l’attractivité de la place de Paris, sans doute au profit direct de celle de Londres. Laisser chaque pays face à ce défi obligerait chaque place financière, et ses autorités nationales, à un arbitrage impossible entre compétitivité et sécurité, tandis qu’une action ferme et concertée au niveau de l’Europe toute entière aurait plus de sens.

(2) Les autres initiatives annoncées par la Commission européenne

L’évaluation de l’application de la « directive MIF » en 2010, susceptible de déboucher sur sa révision, était prévu par le dispositif lui-même de cette directive. D’autres chantiers normatifs importants seront ouverts d’ici la fin de l’année 2009 et dans le courant de l’année 2010 au niveau communautaire, en application du programme présenté par la Commission européenne dans sa communication du 4 mars 2009 « L’Europe, moteur de la relance », qui a été approuvée par le Conseil européen des 18 et 19 mars.

Ce programme de travail de la Commission européenne annonçait notamment la présentation, à l’automne 2009, de propositions législatives sur la gestion du risque de liquidité et la limitation de l’endettement excessif, sur le renforcement de la protection des épargnants, des investisseurs et des preneurs d’assurance, sur la responsabilité des prêteurs et des emprunteurs, sur le contrôle prudentiel des régimes de rémunération dans les établissements financiers, et sur une révision de la réglementation européenne applicable aux abus de marché.

L’une des propositions législatives attendues les plus importantes portera sur le régime de responsabilité des dépositaires d’OPCVM pour mieux assurer la sécurité des épargnants. Sur ce sujet, la France a également demandé à la Commission européenne de présenter rapidement un projet de texte, dès le mois de janvier 2009, suite à la révélation de l’« affaire Madoff », en réaction aux différences préoccupantes qui existent d’un pays à l’autre en matière de responsabilité des dépositaires. Ce texte devrait prendre la forme d’une modification de la « directive OPCVM » précitée.

Les dépositaires sont les établissements en charge de la conservation des actifs des gérants. L’« affaire Madoff » a montré combien il était urgent d’encadrer le rôle de ces intermédiaires. La directive actuelle ne fixe en la matière que des principes, qui donnent lieu à des interprétations largement divergentes selon les pays de l’Union, le résultat étant qu’en Europe certains investisseurs sont moins bien protégés que d’autres. Il est indispensable de préciser les obligations du dépositaire en cas de disparition des actifs, par exemple à la suite d’une fraude.

Le rapport du groupe de travail sur la supervision présidé par M. Jacques de Larosière présenté en février 2009 avait également abordé ce problème, et recommandé une surveillance plus stricte des dépositaires et l’interdiction de la délégation des fonctions de dépositaire à des parties tierces.

D. Les faiblesses constitutives du troisième pilier

1. Les conventions internationales dressent le cadre général de la lutte contre le blanchiment et la délinquance financière

La lutte contre le blanchiment passe par la coopération judiciaire en matière pénale. De par sa nature, la lutte contre criminalité financière et le blanchiment exige une coopération exemplaire entre Etats. En l’état actuel du droit, les instruments juridiques sont nombreux et fournissent un cadre adapté. Néanmoins, toute la question est de déterminer dans quelle mesure ces instruments sont effectivement mis en œuvre.

Les principales conventions internationales en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption sont dorénavant bien établies. Il s’agit de :

- la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes dite convention de Vienne du 19 décembre 1988 sur les trafics de stupéfiants ;

- la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dite convention de Palerme de 2000 destinée à lutter contre les phénomènes de criminalité organisée transnationaux. Elle établit notamment des incriminations de blanchiment et de corruption et un cadre pour la mise en œuvre de la coopération policière et judiciaire internationale ;

- la convention des Nations unies contre la corruption, dite convention de Mérida, signée le 9 décembre 2003 ;

- la convention pénale du Conseil de l’Europe du 27 janvier 1999 sur la corruption ;

- la convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, révisée en 2005.

Il convient également de citer :

- la convention de l’Union européenne du 26 mai 1996 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l’Union;

- la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997 ;

- la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme du 16 mai 2005.

Ces instruments ont donné une définition internationalement reconnue de certains comportements criminels et de leurs éléments constitutifs, et obligent les Etats parties à les ériger en infractions pénales.

Les principaux textes relatifs à la coopération judiciaire pénale sont les suivants :

- la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (Conseil de l’Europe) et son protocole additionnel de 1978 ;

- la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne du 29 mai 2000 et son protocole du 16 octobre 2001.

S’ajoutent à ces conventions internationales des conventions bilatérales d’entraide judicaire pénale. La France a actuellement signé des conventions bilatérales avec 42 pays en matière d’entraide judiciaire pénale, avec 42 pays en matière d’extradition et avec 23 pays en matière de transfèrement.

La France a entamé des négociations avec plusieurs pays stratégiques : les Bahamas, Macao, le Vanuatu, Singapour, l’Ile Maurice et le Japon (avec lequel des négociations ont également été ouvertes au niveau européen par la Commission européenne).

Il est essentiel de disposer d’accords d’entraide judiciaire car, en leur absence, les réponses aux demandes d’entraide se font sur la base de l’appréciation de la réciprocité et comportent une large part d’incertitude.

Selon les informations transmises par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie : « Il convient de noter que certains pays montrés du doigt sont irréprochables, dès lors que les demandes d’entraide portent sur des revenus provenant de la criminalité organisée (notamment via le blanchiment). Cela est très net avec la Suisse, Jersey et Guernesey, qui coopèrent sans aucune obstruction, et notamment sans opposer le secret bancaire, dès lors qu’il s’agit de lutter contre le blanchiment, le financement du terrorisme ou la corruption. » Certains paradis fiscaux font preuve d’une réelle réactivité face aux demandes d’entraide pénale et peuvent faire valoir leur caractère irréprochable, notamment en matière de blanchiment. En revanche, les magistrats ont de grandes difficultés à obtenir des renseignements d’autres paradis fiscaux.

M. Renaud Van Ruymbeke a bien démontré aux rapporteurs la complexité des obstacles auxquels se heurtent les magistrats : il ne s’agit pas pour un magistrat d’adresser une demande d’entraide judiciaire tendant à savoir si telle personne possède un ou plusieurs comptes bancaires dans un pays. En l’absence de fichier national centralisé des comptes bancaires dans les autres pays (un tel fichier est une spécificité française), le magistrat doit demander si telle personne dispose d’un compte dans telle banque. Autrement dit, cela sous-entend que le problème soit déjà résolu et que la demande d’entraide judiciaire sert à obtenir une confirmation.

Même si le magistrat a pu identifier le compte bancaire, dans certains pays, avant toute perquisition bancaire, le titulaire du compte et sa banque doivent être informés et ont un mois pour contester la mesure.

A Singapour, le magistrat doit même obtenir l’accord de la personne sur le compte de laquelle il investigue !

Selon les informations transmises par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, « parmi les motifs pratiques de refus d’exécution opposés aux magistrats français dans les affaires financières, on observe :

– l’impossibilité d’identification précise des comptes bancaires et des titulaires, alléguée par l’Etat requis (Jersey, Bahamas) : il faut regretter l’absence d’un système centralisé de type FICOBA. [Le fichier des comptes bancaires (FICOBA) est un fichier central national qui recense toutes les informations liées à l’ouverture, la modification et la clôture de comptes. Il peut notamment être consulté par les autorités judiciaires, les agents des impôts et les agents de la banque de France. L’absence de fichier centralisé rend les demandes d’entraide bien plus difficiles dans la mesure où il faut avoir identifié au préalable la banque dans laquelle se trouve le compte sur lequel un magistrat souhaite faire des investigations.] ;

– la preuve insuffisamment rapportée de la commission de l’infraction (Iles Caïman, Ile de Man, Hong Kong), ce qui revient à remettre en cause le principe même de la coopération ;

– des exigences procédurales particulières (exemple de l’accord préalable du titulaire du compte sur lequel les investigations vont porter comme à Singapour) ;

– enfin, certaines demandes de précisions parfois refusées par la France et d’autres n’ont pas essuyé de refus motivé, mais sont simplement restées non exécutées (cas par exemple de Guernesey, Luxembourg, Gibraltar et également de la Suisse). »

Dernier élément, les conventions doivent bien entendu avoir été signées et ratifiées. Or, Andorre n’a pas signé la convention de Palerme. La convention de Mérida n’a pas été signée par Andorre et Monaco et n’a pas été ratifiée par le Liechtenstein et la Suisse. La France n’a pas signé le protocole additionnel à la convention de Palerme sur la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu.

Enfin, si les conventions internationales ou bilatérales sont indispensables, elles sont loin de constituer une condition suffisante à la coopération pénale. Les inconvénients bien connus des conventions internationales sont la nécessité de s’accorder à l’unanimité sur leur contenu, la lenteur des négociations et des processus de ratification ainsi que les exceptions que certains Etats font valoir dans leur application et les interprétations de ces exceptions. Contrairement au droit communautaire, les conventions ne sont pas pourvues d’effet direct et leur application n’est pas contrôlée par une instance telle que la Commission européenne et la Cour de Justice des Communautés européennes.

2. L’Union européenne a adopté en 2005 la troisième directive contre le blanchiment dont la transposition a pris beaucoup de retard

Deux directives anti blanchiment ont été adoptées par la Communauté européenne en 1991 et 2001. La troisième directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (n° 2005/60/CE) a été adoptée le 26 octobre 2005. Elle a permis d’intégrer les huit nouvelles recommandations du GAFI sur le financement du terrorisme et d’intégrer la révision des 40 recommandations effectuée en 2003. La directive a étendu le champ d’application des obligations à de nouvelles professions, a renforcé les obligations de surveillance de certaines professions ainsi que les obligations en matière d’identification du client. Le degré de risque de certaines opérations a été mieux pris en compte.

La troisième directive anti-blanchiment de 2005 vise à ce que l’Union européenne se conforme pleinement aux recommandations du GAFI, telles que révisées en 2003. Selon les informations transmises aux rapporteurs, cet objectif est très largement atteint. Sur quelques points ponctuels, le jeu des négociations entre les Etats a pu abaisser le niveau requis. Cette directive étant d’harmonisation minimale, chaque pays membre reste toutefois libre d’adopter pleinement les recommandations du GAFI.

Par exemple, a indiqué le ministère de l’économie en réponse au questionnaire des rapporteurs, s’agissant des personnes politiquement exposées (recommandation n°  6) ou encore des relations de correspondance bancaire (recommandation n° 7), la troisième directive anti blanchiment prévoit que la décision de nouer une relation d’affaires avec de tels clients (qui présentent un risque élevé en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) peut être donnée à « un niveau élevé de la hiérarchie », alors que le GAFI parle de « haute autorité » ce qui semble viser les organes dirigeants. Sur l’ensemble de ces points, les évaluations mutuelles en cours au sein du GAFI à l’égard de pays européens ayant transposé la directive (Autriche, Allemagne, et bientôt France et Pays-Bas) seront l’occasion de vérifier si certains domaines devront être renforcés.

Une des principales avancées de la troisième directive a été d’étendre les obligations de vigilance des professionnels et la définitions des infractions graves entrant dans le champ des déclarations de soupçon de blanchiment : sont désormais visées, outre le financement du terrorisme, toutes les infractions exposant à une peine de prison supérieure à un an, ce qui inclut notamment la fraude fiscale en France.

La transposition de la troisième directive a pris un retard certain. Le délai de transposition était fixé au 15 décembre 2007. Le coordinateur européen chargé de la lutte contre le terrorisme, M. Gilles de Kerchove, a annoncé que des procédures d’infraction allaient être lancées contre six Etats membres, dont la France (Belgique, Espagne, Portugal, France, Irlande, Pologne et Finlande) le 11 mai 2009, ces Etats n’ayant toujours pas transposé le texte.

La France a finalement transposé la directive avec l’ordonnance relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme n° 2009-104 du 30 janvier 2009. Elle a été ratifiée dans le cadre de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures du 12 mai 2009. Cette ordonnance renvoie à des décrets d’application le soin de préciser certaines de ses obligations législatives. Les autorités françaises préparent ainsi 6 décrets d’application non encore parus.

3. Mais, en l’état actuel des traités, la coopération judiciaire pénale au sein de l’Union demeure régie par l’unanimité et marquée par un caractère intergouvernemental, ce qui entrave les progrès

Le traité de Maastricht a introduit dans le cadre de l’Union européenne les questions de justice et d’affaires intérieures qui étaient jusqu’alors cantonnées à la coopération intergouvernementale. Le programme européen de Tampere sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice (pour la période 1999-2004) a donné une impulsion décisive à l’intégration européenne dans ces domaines suite à leur communautarisation partielle par le traité d’Amsterdam (contrôles aux frontières, politique des visas, asile, immigration clandestine). Le programme de La Haye a ensuite établi les objectifs pour la période 2004-2009.

Le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, selon lequel une décision rendue dans un Etat membre doit être appliquée dans tout autre Etat membre, érigé en pierre angulaire de la coopération judiciaire par le programme de Tampere, représente un grand pas en avant. Le texte le plus emblématique est la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen(36) ayant supprimé l’exigence de double incrimination pour une liste de trente-deux infractions graves. Il constitue l’un des plus grands succès de la coopération judiciaire pénale au sein de l’Union. Ont également été adoptées les décisions-cadres relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel des biens ou d’éléments de preuves(37), des sanctions pécuniaires(38) et des décisions de confiscation(39). Ont été adoptées plus récemment la décision-cadre concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté(40) et la décision-cadre concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation(41).

Cependant, plusieurs lacunes du droit européen ont des conséquences importantes en matière de criminalité économique et financière. Ainsi, le mandat européen d’obtention de preuves, qui doit permettre d’exécuter un mandat d’obtention de preuve dans un autre Etat membre, présente de nombreuses insuffisances. Le mandat européen d’obtention de preuves applique le principe de la reconnaissance mutuelle à l’obtention de certains types d’éléments de preuve en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales. L’idée fondamentale est que le mandat européen est une décision émise par une autorité judiciaire dans un État membre et directement reconnue et exécutée dans un autre État membre. Cependant, le champ d’application du mandat est limité aux preuves existantes et déjà disponibles. Le texte fixe la liste des 32 infractions pour lesquelles, s’il est nécessaire d’opérer une perquisition ou une saisie, la double incrimination ne pourra pas être invoquée mais il ajoute une condition restrictive car les infractions devront être punies dans l’Etat d’émission du mandat d’une peine privative de liberté d’un maximum d’au moins trois ans.

Des instruments plus classiques de coopération (conventions) ont également été élaborés. Ainsi, s’agissant de l’entraide judiciaire en matière pénale, l’instrument européen de référence est aujourd’hui la convention d’entraide de 2000(42). Cette convention a encouragé et actualisé l’entraide entre les autorités judiciaires, policières et douanières en complétant et facilitant l’application de la convention de 1959 du Conseil de l’Europe sur l’entraide judiciaire en matière pénale et son protocole de 1978 et de la convention d’application de l’Accord de Schengen de 1990.

Elle a notamment établi le principe d’une communication directe de juge à juge au sein de l’Union européenne, sans passage par les autorités judiciaires et diplomatiques centrales, ce qui accélère les communications et renforce l’efficacité des poursuites.

La coopération judiciaire pénale apparaît globalement de bonne qualité au sein de l’Union selon les personnes auditionnées bien que de réelles difficultés, en termes de délais notamment, continuent de faire obstacle au travail des magistrats spécialisés. Le rôle important des magistrats de liaison détachés dans d’autres pays européens a été souligné. Par ailleurs, à plusieurs reprises, les difficultés avec le Royaume-Uni ont été mises en avant. Le système juridique de common law pose de grandes difficultés car il est très différent du nôtre. La question de la définition stricte de la « probable cause » en droit anglais a été soulignée : une autorité mandante doit définir ce qu’elle cherche et où l’on peut le trouver pour obtenir une réponse.

Pour autant, ce bref état des lieux ne doit pas masquer les difficultés réelles rencontrées. La coopération judiciaire pénale, malgré les textes ayant pu être adoptés, souvent au prix de négociations longues et difficiles, demeure contrainte par le cadre des traités actuels. Plusieurs freins empêchent l’Union d’avancer vers une plus grande harmonisation :

- malgré les avancées de Maastricht et d’Amsterdam, la coopération judiciaire en matière pénale demeure régie par la règle de l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne ;

- le deuxième frein est l’absence d’instruments juridiques efficaces : en effet, les décisions et décisions-cadres sont dépourvues d’effet direct, contrairement aux directives et règlements communautaires. Les conventions mettent un temps incroyablement long à être ratifiées (avec un délai moyen de cinq ans) quand elles ne restent pas lettre morte faute de ratification. A titre d’exemple, la convention relative à l’entraide pénale de 2000 n’a pas été ratifiée par quatre Etats membres (Grèce, Italie, Irlande et Luxembourg) et l’Estonie a ratifié la convention mais pas son protocole de 2001 ;

la Commission européenne ne peut déposer de recours en manquement, ce qui l’empêche de veiller à la bonne application du droit européen ;

- le Parlement européen n’a qu’un rôle limité à une consultation sur les propositions de textes, ce qui porte atteinte à la légitimité démocratique des actes adoptés ;

- les compétences de la Cour de justice des Communautés européennes sont réduites : elle ne peut être saisie d’un recours en annulation que par les Etats membres ou la Commission européenne (et non par le Parlement européen ou des personnes morales ou physiques), le renvoi préjudiciel n’est ouvert qu’aux juridictions des Etats membres ayant fait une déclaration en ce sens ;

- le droit d’initiative est partagé entre la Commission européenne et les Etats membres (dans le premier pilier, la Commission européenne a le monopole).

Ces faiblesses institutionnelles ont considérablement retardé les progrès de l’Union. Le traité de Lisbonne comporte des avancées fondamentales pour la construction de l’espace judiciaire européen.

4. La lutte contre la criminalité financière en France présente encore des faiblesses

Sans dresser un état des lieux exhaustif de notre législation, il est apparu indispensable aux rapporteurs de faire part des convictions qu’ils ont acquises quant aux faiblesses de notre système de poursuite des infractions financières.

Il convient en premier lieu de présenter le rôle clé de Tracfin.

Tracfin (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Placé en amont de la phase judiciaire, ce service est placé sous la tutelle du ministre de l’économie et du ministre du budget. Il recueille des informations signalant des opérations financières douteuses. Les professions financières et non financières font parvenir à Tracfin une déclaration de soupçon. C’est ensuite l’analyse du service qui permet de compléter le dossier et de transmettre, le cas échéant, les éléments au Procureur de la République.

L’évolution du nombre de déclarations de soupçon est relativement modérée dans la mesure où le régime juridique est stabilisé. Une évolution est attendue pour l’année 2009 du fait de la transposition de la troisième directive anti blanchiment.

Source : Tracfin, rapport d’activité 2007, juin 2008.

Plus de 80 % des déclarations de soupçons (soit plus de 10.000) son effectuées par les banques. Les changeurs manuels représentent près de 8 % du total des déclarations. Viennent ensuite les compagnies d’assurance et les courtiers avec près de 5 % des déclarations. Le tableau suivant présente la répartition des déclarations parmi les professions financières.

(Lire de gauche à droite).

Source : Tracfin, rapport d’activité 2007, juin 2008.

Tracfin estime que les professions du chiffre et du droit participent de plus en plus. Toutefois, un certain nombre de personnes auditionnées estiment que la participation des notaires (313 déclarations en 2007) est encore insuffisante car ils sont amenés à jouer un rôle de premier plan.

La répartition des déclarations parmi les professions du chiffre et du droit est la suivante :

(Lire de gauche à droite).

Source : Tracfin, rapport d’activité 2007, juin 2008.

S’agissant des avocats, deux arrêts récents de la CJCE et du Conseil d’Etat ont précisé les obligations pouvant leur être imposées au regard du droit à un procès équitable et du secret professionnel. La CJCE, dans son arrêt du 26 juin 2007 (Affaire C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophones e.a. contre Conseil des ministres), a examiné la conformité des obligations des avocats en matière de participation à la lutte contre le blanchiment au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme garantissant un droit au procès équitable. Il ressort de l’arrêt que la directive anti blanchiment de 1991 telle que modifiée en 2001 prévoit que les obligations d’information et de coopération ne s’appliquent aux avocats que dans la mesure où ils assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de certaines transactions essentiellement d’ordre financier et immobilier, ou lorsqu’ils agissent au nom et pour le compte de leur client dans toute transaction financière ou immobilière. En règle générale, ces activités, en raison de leur nature même, se situent dans un contexte qui n’a pas de lien avec une procédure judiciaire et, partant, en dehors du champ d’application du droit à un procès équitable. En outre, dès le moment où l’assistance de l’avocat intervenu dans le cadre d’une transaction est sollicitée pour l’exercice d’une mission de défense ou de représentation en justice ou pour l’obtention de conseils sur la manière d’engager ou d’éviter une procédure judiciaire, ledit avocat est exonéré des obligations. Une telle exonération est de nature à préserver le droit du client à un procès équitable.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 10 avril 2008 (n° 296845) a interprété la directive au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a principalement annulé deux dispositions du décret de 2006 transposant les obligations de vigilance prévues par la deuxième directive anti-blanchiment. La première disposition annulée prévoyait une relation directe entre les avocats et Tracfin dans les cas où ils répondent à une demande de cette cellule alors qu’un système de filtre était prévu par la loi par le biais de l’ordre des avocats ou du bâtonnier en matière de déclaration de soupçon. La seconde disposition avait trait aux obligations de vigilance imposées aux avocats dans le cadre de leur activité non juridictionnelle sans mentionner la réserve prévue par la loi relative aux informations détenues ou reçues dans le cadre d’une consultation juridique.

L’ordonnance du 30 janvier 2009 transposant la directive anti blanchiment de 2005 prévoit, dans le respect de la jurisprudence du Conseil d’Etat, que, dans ses activités rattachées à une procédure juridictionnelle ou de consultation juridique, l’avocat n’est pas soumis aux obligations de vigilance et de déclaration de soupçon. Cette réserve est prévue par l’article 23 de la directive pour l’obligation de déclaration (exception faite des cas dans lesquels le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment ou de financement du terrorisme ou fournit un conseil à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme ou sait que son client le sollicite à de telles fins). Un décret d’application est en cours d’élaboration. Reste dorénavant à ce que ces obligations soient respectées. En 2007, les avocats représentaient 0,01 % des déclarations de soupçon adressées à Tracfin avec une seule déclaration.

On peut regretter les réticences de certains avocats qui ne sont pas cohérentes avec leur souhait d’intervenir davantage dans la rédaction des actes.

Le nombre de dossiers transmis à la justice par Tracfin est stable depuis 2005. Ces résultats témoignent d’un risque de dépénalisation de la délinquance financière, qui serait encore accru si le législateur s’orientait dans ce sens.

Source : Tracfin, rapport d’activité 2007, juin 2008.

En ce qui concerne les premiers résultats de l’année 2008, Tracfin a reçu 14 565 déclarations de soupçon (+ 17 % par rapport à 2007). S’agissant de la coopération internationale, 951 demandes de renseignement ont été adressées à Tracfin par ses homologues étrangers en 2008. La tendance observée les années précédentes se confirme : le nombre de requêtes qui émanent des cellules de renseignement financier des pays de l’UE continue d’augmenter et plus particulièrement celui des requêtes des cellules de renseignement financier des pays limitrophes. Enfin, le nombre de transmissions en justice effectuées par Tracfin a légèrement décru en 2008 pour se fixer à 359, la plupart de ces transmissions s’appuyant sur l’exploitation de plusieurs déclarations de soupçon, concomitantes ou non.

L’ensemble des dossiers de blanchiment ne parvient pas à la justice par le biais de Tracfin. Il est également très fréquent que les poursuites soient engagées suite à des poursuites portant sur l’infraction sous-jacente au blanchiment.

On doit souhaiter une vigilance beaucoup plus affirmée. Les résultats témoignent d’un risque de dépénalisation de la délinquance financière qui serait encore plus marqué si la législation elle-même évoluait dans ce sens.

Le tableau suivant présente les condamnations pénales comportant une incrimination de blanchiment ou de financement du terrorisme de 2005 à 2007.

 

2005

2006

2007

Art. 324-1 al. 1 du code pénal :

Blanchiment simple, aide à la justification mensongère

11

5

19

Art. 324-1 al. 2 du code pénal :

Blanchiment simple, concours à une opération de placement, etc.

23

56

61

Art. 324-2 du code pénal :
Blanchiment aggravé :

     

– commis de façon habituelle ou dans l’exercice d’une activité professionnelle

18

6

24

– commis en bande organisée

19

31

38

Art. 222-38 du code pénal :

Blanchiment de stupéfiants :

     

– aide à la justification mensongère

10

9

19

– concours à une opération de placement etc.


66


28


50

Art. 415 du code des douanes

5

7

4

Art. 421-2-2 :

Financement du terrorisme


4


2


0

Total

156

144

215

Source : Ministère de la justice.

Selon nombre d’observateurs se pose aussi la question cruciale des moyens alloués à la poursuite des infractions financières.

La création des pôles économiques financiers à partir de 1999 à Paris, Lyon, Marseille et Bastia a été une novation importante dans la lutte contre la délinquance financière et le traitement des affaires de grande complexité. Les magistrats spécialisés ont joué un grand rôle dans la poursuite des affaires de corruption et de blanchiment. A l’heure actuelle, les dossiers confiés aux juges d’instruction spécialisés en matière financière sont en diminution constante : au pôle financier de Paris, 21 informations judiciaires portant sur les délits financiers les plus complexes ont été ouvertes en 2008 contre 88 en 2007 (selon un article du Monde du 23 mai 2009).

Créées par la loi du 9 mars 2004 portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et mises en place en octobre 2004, les huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS)(43) sont également en première ligne. Elles traitent des dossiers de délinquance organisée au niveau interrégional. Elles sont chargées des gros dossiers de délinquance et de criminalité organisées aussi bien en matière générale qu’économique et financière. Les assistants spécialisés sont trop peu nombreux (une dizaine sur tout le territoire selon les informations transmises aux rapporteurs). Les critères de compétence des JIRS sont d’une part celui de la matière (criminalité organisée et délinquance financière) et d’autre part celui de la grande ou très grande complexité justifiant des investigations importantes. Les JIRS bénéficient de dispositifs novateurs en matière d’enquête (infiltrations, sonorisations, équipes communes d’enquête entre plusieurs pays).

La formation des officiers de police judiciaire est également un enjeu majeur et les témoignages indiquent un besoin spécifique d’un échelon intermédiaire de policiers spécialisés entre les officiers de police judiciaire et les policiers des groupes spécialisés en matière économique et financière des services régionaux de police judiciaires (SRPJ), saisis pour les affaires les plus importantes et les plus complexes.

Il convient de veiller à maintenir la lutte contre le blanchiment et la délinquance financière au premier rang des priorités.

Ceci est d’autant plus important qu’une évolution jurisprudentielle récente va accroître les possibilités de poursuites en matière de blanchiment. En effet, dans un arrêt du 20 février 2008, la Cour de Cassation a jugé que le délit de blanchiment est autonome du délit primaire. En effet, en l’espèce, l’absence de saisine préalable de la commission des infractions fiscales et de poursuites par l’administration fiscale n’empêche pas la poursuite pour blanchiment. Il s’agit d’une infraction générale, distincte et autonome qui n’est pas soumise à l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (rôle de la commission des infractions financières dans le processus de plainte tendant à l’application de sanctions pénales). L’article du code pénal relatif au délit de blanchiment n’impose pas que des poursuites aient été engagées préalablement ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes blanchies. Il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction ayant procuré les sommes litigieuses.

Elle a également jugé que l’on peut constater un délit de blanchiment en flagrant délit (en l’espèce, la personne avait été arrêtée au volant d’un véhicule de forte cylindrée qu’elle a dit appartenir à un ami, porteuse d’une somme en numéraire importante, dont elle a indiqué qu’elle provenait de gains de jeux clandestins, ceci à deux reprises dans un délai de cinq jours. Les policiers ont donc à raison agi dans le cadre de la procédure de flagrant délit).

Cette jurisprudence ouvre des perspectives importantes pour des poursuites judiciaires plus efficaces en matière de blanchiment.

TROISIÈME PARTIE :
LES MESURES ANNONCÉES SONT POSITIVES, MAIS ENCORE LARGEMENT PERFECTIBLES, ET LA QUESTION MAJEURE RESTE CELLE DE LA VOLONTÉ POLITIQUE

L’ensemble des réflexions et propositions qui ont suivi la crise financière permet certes d’espérer un renforcement des moyens mis en œuvre pour réduire l’influence des paradis fiscaux. Mais ces transformations ne remettent pas pleinement en question le système lui-même et elles manquent souvent d’une cohérence d’ensemble. Il paraît donc indispensable que le prochain G20 affirme une véritable unité d’objectif et de méthode. A ce stade, tout se jouera sur le terrain de la volonté politique.

I. IDENTIFIER CLAIREMENT LES PARADIS FISCAUX ET LES CENTRES FINANCIERS QUI LEUR SONT LIÉS, AINSI QUE LEURS PRATIQUES

Le premier objectif à atteindre est de désigner sans équivoque les Etats et juridictions que leurs pratiques doivent faire classer parmi les paradis fiscaux ou financiers, voire parmi les refuges de l’argent sale et de la délinquance.

A. Etablir pour chaque domaine – évasion fiscale, dérégulation financière, blanchiment d’argent – des listes régulièrement mises à jour et coordonnées

Dans la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives, il est impératif de disposer à la fois d’une vision d’ensemble et d’une perception suffisamment détaillée de chacun des domaines concernés : le fiscal, le bancaire et le pénal.

Dans ces conditions, il n’est pas envisageable d’établir une liste unique, mais il est indispensable, comme cela avait été décidé dans les années 1990, de tenir trois listes.

A ce jour, la seule publication intervenue, à la demande du G20, le 2 avril dernier, est la liste de l’OCDE sur les paradis fiscaux. Les deux autres listes, celle du GAFI sur le blanchiment et celle du FSF sur la supervision financière n’existent pas. Cette situation ne peut durer. Elle exige des initiatives fortes.

Selon les informations communiquées aux rapporteurs, le GAFI prévoit une liste pour l’automne 2009.

Il convient donc, en complément, que le rapport du progrès que le Conseil de stabilité financière (FSB) doit présenter au prochain G20 en application des décisions de la réunion de Londres présente également une liste de pays qui représentent un risque pour la stabilité financière, suivant le même schéma que celle de 2000 établie par le FSF.

Cette liste devrait reposer sur des critères non seulement de stabilité financière et de coopération internationale sur les risques bancaires et financiers, mais également sur des critères de coopération en matière de lutte contre les abus de marché.

Par ailleurs, pour que chacune des listes soit efficace, il est impératif qu’elle fasse l’objet d’une mise à jour régulière.

Le principe de l’évaluation mutuelle, du « jugement des pairs », qui donne des résultats présentant l’avantage d’être techniquement étayés et de ne pas faire l’objet de polémique, car reposant sur un certain consensus, mérite d’être repris. C’est d’ailleurs ce qui a été annoncé à la Conférence de Berlin le 23 juin dernier pour la liste fiscale de l’OCDE.

L’établissement et la publication de telles listes n’est pas qu’un objectif politique. Ils ont également un rôle technique. Ils sont très demandés par le secteur bancaire qui souhaite avoir des directives claires et éviter d’avoir à régler seul des questions aussi difficiles et délicates.

Tant la Fédération bancaire française que la Commission bancaire ont insisté sur ce point.

B. Veiller au caractère exhaustif des listes pour éviter le maintien de « trous noirs » ou « zones grises »

En matière de lutte contre les paradis fiscaux et les centres offshore, il est impératif de mener une action d’ensemble et tout à fait complète.

Toute démarche séquentielle, par exemple fondée sur l’élimination dans un premier temps des pratiques opaques en Europe ou aux Caraïbes et la remise à une phase ultérieure en ce qui concerne le Proche-Orient ou la zone Asie-Pacifique, s’avèrerait en définitive vaine.

En raison de la liberté de mouvement des capitaux, les pratiques resteront les mêmes mais seront localisées ailleurs.

C. Instituer des sanctions et les appliquer

Le plus grand risque serait de revivre l’expérience de la liste de 2000 et de voir certains Etats « s’évaporer » des listes sur de simples déclarations d’intention.

Trois exigences paraissent donc s’imposer :

1. Que la sortie d’une liste ou le changement de classement dans une liste ne puisse résulter que d’un respect strict des engagements pris, vérifié dans la durée et non d’une simple déclaration d’intention ;

2. Que les listes comportent une graduation, en fonction de la gravité des manquements constatés, et que le refus ou l’absence d’effort d’adaptation se traduise au terme d’un certain délai, par un classement plus défavorable que précédemment, pouvant aller jusqu’au glissement de la partie « grise » de la liste dans la partie « noire » ;

3. Que l’on ne se contente plus de prévoir ou d’envisager des sanctions sans dire clairement ce qu’elles seront.

Il paraît indispensable que les différentes instances internationales – G20, OCDE, GAFI – instituent des sanctions précises, applicables soit directement aux territoires ou juridictions non coopératives, soit aux établissements ou opérateurs qui continueraient à y exercer leur activité.

L’un des enjeux prioritaires du prochain sommet du G20 doit être de prévoir des sanctions en cas de manquements à la mise en œuvre des standards internationaux dans les domaines fiscal, prudentiel et du blanchiment.

Il faudra prendre des décisions en ce sens, non seulement sur l’aspect fiscal avec la définition de la « boîte à outils », notamment sur les modalités et le calendrier d’application de ces sanctions, mais également pour enrichir la boîte à outils dans le domaine prudentiel et dans le domaine du blanchiment.

Par la suite, naturellement, si la situation l’exige, ces sanctions devront être appliquées.

Il est indispensable de prévoir de telles sanctions et de les appliquer si l’inscription sur les listes grise et noire ne suffit pas.

L’Union européenne devrait faire aux Etats-Unis et à la Suisse la proposition suivante : en cas de non-respect des règles de transparence et d’échange automatique d’informations, demandé par les autorités publiques, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Suisse demanderont à leurs banques de cesser leurs opérations avec les territoires délinquants et se donneront les moyens de contrôler que cette interdiction soit respectée.

II. ETABLIR UNE TRANSPARENCE FISCALE SANS FRONTIÈRE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE COMME A L’ECHELLE INTERNATIONALE

En matière d’évasion fiscale, les obstacles à lever sont le secret bancaire et les structures opaques, et tout dépendra dans les relations d’Etat à Etat du degré de transparence obtenu et de la réactivité dans la communication des informations.

A. Généraliser la conclusion d’accords bilatéraux de transparence, même si cette solution ne constitue, pour l’heure, qu’un pis aller

1. Un nombre important de conventions ou d’avenants récents

Dans le cadre actuel de remise en question du secret bancaire et des paradis fiscaux, la France s’efforce de multiplier les conventions fiscales ou les avenants aux conventions fiscales existantes. Ces conventions sont conformes à la norme OCDE en matière d’échange d’informations sur demande, selon les informations communiquées. L’Etat requérant peut demander, sans que le secret bancaire soit opposable, à un autre Etat des informations qui lui sont nécessaires pour établir l’impôt.

Le tableau annexé au rapport de l’OCDE daté du 3 juillet dernier sur les progrès dans la lutte contre l’évasion fiscale (Overview of the OECD’s work on encountering international tax evasion) montre des progrès depuis mars dernier avec :

– un accord avec Jersey le 23 mars ;

– un accord avec Guernesey le 24 mars ;

– un accord avec l’Ile de Man le 26 mars ;

– un accord avec les Iles Vierges britanniques le 17 juin.

On observera que des accords ont également été annoncés par le ministère :

– la signature le 3 juin dernier d’un avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise de 1958, qui permettra à l’administration fiscale française d’obtenir, sur demande, des informations sur les comptes domiciliés au Grand Duché sans opposabilité du secret bancaire ;

– le paraphe, le 12 juin dernier, d’un avenant à la convention fiscale franco-suisse permettant la levée du secret bancaire dans les échanges d’informations entre administrations fiscales. Il a été indiqué par le ministère du budget que l’administration fiscale française pourra ainsi obtenir des autorités suisses des renseignements, y compris bancaires, sans restriction à compter du 1er janvier 2010 ;

– la signature, le 7 juillet dernier, d’un avenant à la convention franco-belge.

Des discussions sont en cours avec d’autres Etats ou juridictions, notamment l’Autriche, les Iles Caïmans, Gibraltar, les Bahamas, les Bermudes et le Liechtenstein, ainsi que Singapour et Hong Kong, selon les informations communiquées.

Si ces nouvelles conventions et ces avenants marquent des avancées, ils ne constituent cependant qu’un pis aller au regard des démarches beaucoup plus systématiques qu’exigerait une véritable transparence.

2. Une démarche de transparence d’autant plus indispensable que les contribuables disposent en parallèle de la faculté de s’adresser à une cellule de régularisation fiscale

La Direction générale des finances publiques a récemment mis en place une cellule administrative d’accueil pour les résidents français désireux de régulariser leur situation fiscale auprès de l’administration française, à raison des avoirs non déclarés détenus dans des paradis fiscaux.

Selon le ministère, il ne s’agit pas d’une amnistie fiscale, mais de la faculté pour les contribuables concernés de se mettre en conformité avec les règles fiscales et d’éviter ainsi d’éventuelles poursuites pénales.

La démarche concerne les résidents français détenant des avoirs (comptes bancaires, placements divers, titres ou actifs divers, …) dans les paradis fiscaux et non déclarés auprès de l’administration fiscale française.

Les régularisations sont prévues pour s’effectuer sur la base suivante :

– le paiement immédiat des impôts dus à raison de ces avoirs (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, droits de succession) dans la limite de la prescription légale ;

– l’application des intérêts de retard et de pénalités. A la différence du principal, les intérêts de retard et les pénalités peuvent faire l’objet de modulations pour tenir compte du caractère spontané de la démarche du contribuable.

Afin d’éviter tout blanchiment, il est précisé que les fonds doivent avoir une origine licite et ne doivent pas provenir d’activités illégales, criminelles, terroristes.

Ce type de démarche fait l’objet d’une appréciation positive de la part de l’OCDE, notamment en raison des recettes fiscales supplémentaires qu’elle permet de recouvrer.

On observe ainsi, comme l’indique le tableau suivant, établi par l’OCDE et qui récapitule les résultats d’opérations de régularisation similaires, que l’Irlande a recouvré 912 millions d’euros d’impôts. Or, le pays comptait, en 2006, 4,2 millions d’habitants ; le montant recouvré représente donc 217 euros par habitant de recettes fiscales supplémentaires.

Récapitulatif des opérations récentes de régularisAtion fiscale
des actifs offshore

PAYS

DESCRIPTION

Montants en euros (convertis au 22 septembre 2008)

VValeur : estimée ou réelle

Afrique du Sud

65 milliards de rands d’actifs à l’étranger révélés (amnistie fiscale en 2003)

5,6 milliards

Réelle

 

Augmentation de 400 millions de rands dans la collecte des impôts prélevés sur les actifs à l’étranger révélés

34 millions

Estimée

Allemagne

901 millions d’euros de recettes fiscales (amnistie fiscale en 2004)

901 millions

Réelle

Australie

300 millions de dollars australiens censés être collectés sous forme d’impôts et de pénalités (amnistie fiscale en 2007 – projet Wickenby)

172 millions

Estimée

Belgique

496 millions d’euros de recettes fiscales (amnistie fiscale en 2004)

496 millions

Estimée

Canada

318 millions de dollars canadiens de recettes fiscales (révélations volontaires en 2004-05)

209 millions

Réelle

Grèce

20 milliards d’euros d’actifs déclarés (amnistie fiscale en 2004)

20 milliards

Estimée

Irlande

912 millions d’euros d’impôts impayés récupérés dans le cadre de la révélation volontaire de comptes à l’étranger (2004)

912 millions

Réelle

Italie

78 milliards d’euros d’actifs rapatriés (bouclier fiscal en 2002-03)

78 milliards

Réelle

 

2,1 milliards d’euros d’impôts collectés (bouclier fiscal en 2002-03)

2,1 milliards

Réelle

Pays-Bas

Plus de 1 milliard d’euros de dépôts révélés sur des comptes bancaires à l’étranger appartenant à quelque 10 000 contribuables

> 1 milliard

Réelle

 

350 millions d’euros de recettes fiscales

350 millions

Réelle

Portugal

41 millions d’euros d’impôts récupérés (amnistie fiscale en 2005)

41 millions

Réelle

Royaume-Uni

400 millions de livres sterling récupérées (mécanisme de révélation volontaire en 2007)

504 millions

Réelle

Suède

300 milliards de couronnes suédoises (2007) en épargne non déclarée à l’étranger

31 milliards

Estimée

 

7,5 milliards de couronnes suédoises (2007) de manque à gagner fiscal en raison de l’épargne non déclarée placée à l’étranger

785 millions

Estimée

Source : OCDE.

3. La nécessité d’une réflexion sur l’articulation entre le droit pénal et le droit fiscal en France

Cette modification du paysage fiscal international doit conduire la France à opérer une réflexion sur l’articulation du droit fiscal et du droit pénal, sur le plan interne.

Actuellement, l’équilibre repose sur deux éléments : une conception large de la fraude fiscale ; un nombre de plaintes limité en raison du monopole de l’administration fiscale pour porter plainte. C’est une exception au principe suivant lequel c’est au parquet qu’il appartient, selon le principe de l’opportunité des poursuites, de décider s’il convient ou non d’entreprendre une action pénale.

En effet, le délit de fraude fiscale est défini à l’article 1741 du code général des impôts comme le fait de s’être frauduleusement soustrait ou d’avoir tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit en ayant volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit en ayant volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit en ayant organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manoeuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse.

Ce délit est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 37 500 euros et d’un emprisonnement de cinq ans.

L’article L. 227 du livre des procédures fiscales exige de l’administration qu’elle apporte la preuve du caractère intentionnel soit de la soustraction, soit de la tentative de se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts, conformément aux principes fondamentaux du droit pénal.

En contrepoint, l’article L. 228 du livre des procédures fiscales exige, ce qui est une spécificité française, l’avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF), composée, sous la présidence d’un conseiller d’Etat, de conseillers d’Etat et de conseillers maîtres à la Cour des comptes.

Il s’agit d’une procédure administrative. Le contribuable est donc simplement avisé de la saisine de la commission, qui l’invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu’elle jugerait nécessaires.

Ce contrepoids fait que le nombre de plaintes pour fraude fiscale déposé chaque année est stable, de l’ordre de 1 000.

En 2007, la Direction générale des impôts a saisi la CIF de 1 143 propositions de poursuites correctionnelles. Cette dernière a autorisé le dépôt de 972 plaintes pour fraude fiscale. D’autres comportements très frauduleux ont été dénoncés aux autorités judiciaires sur le fondement du délit d’escroquerie : 31 plaintes pour escroquerie à la TVA ou à un autre impôt ont été déposées, contre 8 en 2006.

Outre la modification de l’environnement international, deux éléments internes invitent à une réflexion sur la pénalisation de la fraude fiscale :

– d’abord, l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2008 (n° 07-82.977) a donné à l’infraction de blanchiment un caractère autonome. Il a ainsi jugé que les poursuites du chef de blanchiment de fraude fiscale ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L. 228 précité du livre des procédures fiscales et donc à l’existence d’une plainte préalable de l’administration fiscale, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales ;

– ensuite, l’hypothèse de la création d’une police judiciaire fiscale exige de conduire une démarche sur la distinction de la grande fraude fiscale.

En effet, dès lors que l’administration fiscale serait en mesure de démontrer qu’un tel instrument manque à son actuelle panoplie dans la lutte contre la fraude fiscale, sa mise en œuvre ne pourrait être prévue que pour les cas de fraude grave qui justifient les mesures exceptionnelles qui constituent les véritables enjeux d’une telle procédure, notamment la garde à vue.

B. A l’échelle de l’Union européenne, faire rapidement progresser les différentes propositions de directives portant sur la coopération fiscale

1. Affirmer pour l’Union européenne un rôle leader en matière de lutte contre les paradis fiscaux et s’appuyer sur le rôle moteur du couple franco-allemand

Le 28 avril dernier, la Commission européenne a présenté sa stratégie d’ensemble en matière de lutte contre les paradis fiscaux, dans le cadre d’une communication (COM (2009) 201 final) intitulée « Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal ».

Celle-ci a trois dimensions :

– un volet européen avec les trois propositions de directives « révision de la directive épargne », « coopération administrative » et « assistance mutuelle au recouvrement »;

– une dimension conventionnelle, avec la conclusion d’accords de l’Union européenne avec les pays tiers, pour obtenir l’application de règles similaires à celles applicables au sein de l’Union (cas des accords conclus avec la Suisse et dix autres Etats ou juridictions en matière de fiscalité de l’épargne) ou l’application des normes OCDE en matière de transparence et d’échange d’information ;

– une dimension internationale et multilatérale avec les actions de l’Union et des Etats membres dans les instances internationales, notamment le G20 et l’OCDE. L’enjeu le plus important est maintenant la fixation des mesures de rétorsion contre les juridictions qui resteraient non coopératives.

L’Union a eu un rôle essentiel :

– le document présenté au Conseil européen de décembre 2008 par l’Ecofin a appelé à poursuivre la lutte contre les risques financiers illicites issus de juridictions non coopératives ainsi que contre les paradis fiscaux ;

– dans la perspective de la réunion des ministres et des gouverneurs des banques centrales du G20 du 14 mars 2009, les ministres des finances des Etats membres ont souligné la « nécessité de protéger le système financier contre les pays ou territoires où la transparence fait défaut, qui ne coopèrent pas et ne sont que peu réglementés, notamment les centres bancaires extraterritoriaux (offshore) », ont appelé à un «arsenal de sanctions» et ont insisté sur le renforcement des pratiques de bonne gouvernance internationale dans le domaine fiscal : transparence, échange d’informations et concurrence fiscale loyale ;

– le Conseil européen des 19 et 20 mars a confirmé cette position dans la perspective du sommet du G20 de Londres (2 avril 2009).

Au sein de l’Union, le rôle moteur du couple franco-allemand apparaît clairement depuis l’origine, avec une forte implication des deux ministres concernés : M. Peer Steinbrück, ministre allemand des finances, et M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Une première rencontre internationale a été organisée, sur leur invitation, à Paris le 21 octobre 2008 sur la lutte contre les paradis fiscaux.

Le 23 juin dernier, une deuxième rencontre, avec 19 pays et le secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurria, a eu lieu à Berlin.

Adoptées à l’unanimité des pays représentés, dont la Suisse, le Luxembourg et l’Autriche, les conclusions de la Conférence de Berlin comprennent notamment trois éléments essentiels, au-delà du constat des progrès accomplis :

– le principe de la mise en œuvre au sein d’un Forum mondial élargi d’une évaluation du fonctionnement de l’activité d’échange de renseignements, selon le principe de l’évaluation par les pairs déjà en vigueur au sein du GAFI ;

– des mesures de rétorsion contre les Etats ou territoires ne respectant pas leurs engagements ;

– des travaux sur les entités écrans, trusts, sociétés offshore ou fondations de type Stiftung.

Les intentions manifestées par la Conférence de Berlin, comme par le G20 du 2 avril 2009, sont excellentes. Mais il reste à passer à l’acte et notamment à définir précisément les règles de transparence imposées aux sociétés écran ainsi que les sanctions applicables aux territoires ou entités juridiques non coopératifs et les moyens de contrôle.

2. Obtenir sur la révision de la directive « épargne » un accord politique sur un texte renforcé, prenant largement en compte l’avis du Parlement européen

La proposition de directive « fiscalité de l’épargne » modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (COM (2008) 727 final/E 4096) a été présentée le 13 novembre 2008.

Elle vise à apporter trois modifications au texte initial de 2003, qui impose aux agents payeurs soit de déclarer les intérêts perçus par les contribuables résidant dans d’autres Etats membres de l’Union européenne, éléments ensuite transmis aux administrations fiscales concernées dans le cadre d’une procédure d’échange automatique de renseignements, soit de prélever, et tel est le cas de l’Autriche, du Luxembourg et de la Belgique, une retenue à la source(44) sur les intérêts perçus(45).

Les aménagements proposés correspondent aux conclusions du rapport de septembre 2008 de la Commission européenne sur l’application de la directive, et ont pour objet :

– la neutralisation des structures intermédiaires (trusts, fondations) établies dans l’Union européenne ou établies hors de l’Union européenne, au profit de personnes physiques résidentes d’un Etat membre. Ces structures permettent actuellement aux personnes physiques qui les interposent d’éviter la retenue à la source dans les trois Etats membres qui ne prévoient pas l’échange automatique d’information en raison du secret bancaire (Autriche, Belgique et Luxembourg) et dans les pays ou territoires appliquant la même règle (Andorre, Liechtenstein, Monaco, Suisse, et Saint-Marin), ainsi que territoires dépendants ou du Royaume-Uni ou des Pays-Bas(46). L’importance de l’interposition des structures écrans a été mise en évidence de manière patente par la révélation en février 2008 de cas de fraude impliquant des fondations (« Stiftung ») au Liechtenstein ;

– l’établissement pour les structures intermédiaires établies hors de l’Union européenne ou dans des Etats ou territoires appliquant des mesures équivalentes à la directive « épargne », d’une liste des entités et constructions juridiques dont l’imposition n’est actuellement pas garantie, à l’annexe 1. Il s’agit donc d’appliquer la retenue à la source sur les sommes qui leur sont versées, comme s’il s’agissait de personnes physiques. La Commission européenne précise que les agents payeurs savent si les personnes physiques qui sont derrière de telles entités sont des résidents d’un Etat membre de l’Union européenne ou non, en application des règles anti-blanchiment ;

– l’extension du champ d’application de la directive aux revenus équivalents à des intérêts et provenant d’investissements effectués dans divers produits financiers innovants ainsi que dans certains produits d’assurance-vie. Il s’agit de répondre à l’innovation financière qui a diffusé des produits hors champ. Ce sont plus précisément les revenus provenant de titres équivalents à des créances (le capital est protégé et le rendement prédéfini) qui sont visés et ceux des contrats d’assurance-vie dont la performance est strictement liée à des revenus provenant de créances ou à des revenus équivalents et qui prévoient une couverture des risques biométriques inférieure à 5 % ;

– des améliorations et simplifications techniques, notamment sur l’identification du bénéficiaire effectif des revenus.

Ces modifications sont importantes, mais elles ne bouleversent pas l’économie actuelle du texte et sont insuffisantes.

D’une part, ne seraient toujours visées que les seules personnes physiques et les revenus des produits d’épargne dits de taux. Manquent toujours les personnes morales (sociétés) et les revenus d’autres produits financiers.

D’autre part, le dispositif relatif à la fin de la période dite transitoire durant laquelle l’Autriche, le Luxembourg et la Suisse peuvent éviter l’échange automatique de renseignements n’est pas affecté.

Le 24 avril dernier, le Parlement européen a adopté, dans le cadre de la mise en œuvre de ses pouvoirs simplement consultatifs en la matière, sur le rapport de M. Benoît Hamon (PSE, France), plusieurs propositions d’amendements.

Les principales sont les suivantes :

– une extension de la liste de l’annexe 1 sur les entités et constructions juridiques écrans dont l’imposition réelle des revenus n’est pas assurée, avec une extension non seulement des entités concernés, mais également des territoires visés (on observera l’adjonction de deux Etats américains, le Delaware et le Nevada, ainsi que de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française). L’enjeu est une extension du champ de la retenue à la source qui devra être appliquée pour les paiements à ces structures ;

– le « renversement de la charge de la preuve » pour cette liste modifiable par comitologie : la liste étant la plus large possible, ce serait aux pays et territoires concernés de demander l’exclusion des entités concernées, suivant certaines conditions ;

– une définition plus extensive des produits d’assurance-vie concernés ;

– l’achèvement en 2014 de la période de transition accordée depuis 2005 au Luxembourg, à la Belgique et à l’Autriche permettant d’appliquer la retenue à la source, en tout état de cause ;

– une modification du partage des recettes entre l’Etat de résidence fiscale du bénéficiaire des intérêts et l’Etat de localisation des placements, l’actuelle clef 75 %/25 % étant remplacée par une répartition 90 %/10 % plus proche du coût de la collecte ;

– une clause de révision renforcée, qui ouvre notamment la perspective d’examiner dans le cadre d’un rapport de la Commission européenne établi avant le 31 décembre 2010, la question de l’imposition de l’ensemble des revenus financiers (y compris dividendes et plus-values) et de celle des versements aux personnes morales autres que les structures écrans.

Les rapporteurs estiment que les amendements proposés par le Parlement européen sont pertinents dès lors qu’ils visent à étendre l’efficacité de la directive et à prendre rendez-vous pour une extension future aux produits financiers autres que les produits de taux.

Reste la question du terme précis de la période transitoire dans un contexte qui paraît évoluer.

Cet enjeu concerne le Luxembourg et l’Autriche. La Belgique a annoncé qu’elle opterait pour l’échange automatique d’informations dès 2010. Elle avait indiqué le faire en tout état de cause en 2011 lorsque le taux de la retenue à la source passerait à 35 %. Le Luxembourg et l’Autriche doivent comprendre qu’il n’y aura pas de nouveau délai.

Les conditions du passage à l’échange automatique d’informations prévu par l’article 10 du texte de 2003 semblent réalisables, dès lors que, depuis le sommet de Londres d’avril dernier, tous les pays, y compris les paradis fiscaux, sont conduits à conclure des accords prévoyant l’échange d’informations selon la convention modèle de l’OCDE de 2002 et que cette norme s’impose.

En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 10 dispose que « la période de transition s’achève à la fin du premier exercice fiscal complet qui suit la dernière des dates ci-après :

– « la date à laquelle entre en vigueur le dernier accord que la Communauté européenne, après décision du Conseil statuant à l’unanimité, aura conclu respectivement avec la Confédération suisse, la Principauté de Liechtenstein, la République de Saint-Marin, la Principauté de Monaco et la Principauté d’Andorre et qui prévoit l’échange d’informations sur demande, tel qu’il est défini dans le modèle de convention de l’OCDE sur l’échange de renseignements en matière fiscale publié le 18 avril 2002, en ce qui concerne les paiements d’intérêts », ainsi que l’application simultanée par ces pays d’une retenue à la source sur les paiements correspondants ;

– la date à laquelle le Conseil convient à l’unanimité que les Etats-Unis d’Amérique s’engagent à échanger des informations sur demande conformément au modèle de convention de l’OCDE en ce qui concerne les paiements d’intérêts, tels que définis dans la présente directive, effectués par des agents payeurs établis sur leur territoire à des bénéficiaires effectifs résidant sur le territoire auquel s’applique la présente directive ».

Ainsi, dès lors que des accords de coopération peuvent être conclus à relativement brève échéance par la Communauté et les cinq pays européens extérieurs à l’Union européenne (Andorre, Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin et Suisse) et que, selon les informations communiquées, le Conseil « Ecofin » a déjà considéré le 22 janvier 2003, sur la base d’un rapport de la Commission européenne du 3 décembre précédent, que la condition était déjà remplie dans le cas des Etats-Unis, cette condition peut être réalisée si la pression politique est suffisamment forte.

Les démarches vers la conclusion de tels accords anti-fraude élargis à l’échange d’informations fiscales pour une bonne évaluation des bases d’imposition sont en cours. D’une part, un projet d’accord avec le Liechtenstein, qui ferait précédent, est en cours d’examen. En outre, le 30 juin dernier, la Commission européenne a adressé au Conseil une recommandation visant à l’autoriser à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’accords avec Andorre, Monaco et Saint-Marin, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers et garantir la coopération administrative sous forme d’échange d’informations en matière fiscale, ainsi qu’à prévoir un accord de coopération fiscale en matière d’impôt direct avec la Suisse (il s’agit de compléter l’accord anti-fraude conclu à la fin de l’année 2008 et dont le rythme des évolutions récentes fait qu’il n’est déjà plus à jour). C’est le document E 4555 soumis à l’examen de la Commission des affaires européennes.

Par ailleurs, si l’adoption de la révision de la directive « épargne » ne pose pas de difficulté, il faudra néanmoins, comme pour le texte de 2003, obtenir une modification des accords conclus avec les pays ou territoires qui appliquent des mesures équivalentes. Comme précédemment indiqué, il s’agit des 5 Etats européens précités (la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, l’Andorre et Saint-Marin) et des dix territoires dépendants et associés soit du Royaume-Uni (les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans, Guernesey, l’Ile de Man, Jersey, Montserrat, ainsi que Turks et Caicos), soit des Pays-Bas (Anguilla, Aruba et les Antilles néerlandaises).

Enfin, les démarches ont été entreprises par la Commission européenne, qui y a été invitée en 2006 par le Conseil, en vue d’une extension du champ territorial de ces accords à des pays ou territoires non encore couverts, notamment avec des juridictions d’Asie : Singapour, Hong Kong et Macao. La Norvège est également concernée.

La révision de la directive « épargne » sur la base de l’avis du Parlement européen doit faire l’objet d’un accord politique en Conseil « Ecofin » au cours de l’automne prochain. C’est possible si la volonté politique est forte et si les Etats membres de l’Union, sous impulsion franco-allemande, font comprendre à l’Autriche et au Luxembourg que la fraude fiscale au sein de l’Union européenne ne sera plus tolérée.

3. Mettre rapidement fin au secret bancaire fiscal entre Etats membres et développer l’échange automatique de renseignements grâce à l’adoption de la proposition de directive « coopération administrative », et de la proposition « assistance mutuelle au recouvrement »

L’assistance mutuelle entre Etats membres en matière fiscale fait l’objet de textes communautaires depuis les années 1970.

Il s’agit pour l’essentiel de l’échange d’informations sur demande, qui permet à une administration fiscale d’un Etat membre de demander à celle d’une autre Etat membre de lui transmettre des données. L’échange automatique d’informations vise pour sa part à la transmission d’informations, effectuée en l’absence de demande.

La directive 77/799/CE du Conseil a prévu le cadre d’une coopération fiscale fondée sur différentes modalités d’échanges ou d’informations. Elle a complété les dispositions prévues par les conventions fiscales bilatérales conclues entre Etats membres. Applicable aux impôts sur le revenu et la fortune dès l’origine, elle a été étendue à la TVA à partir de 1981 (directive 79/1071/CEE du Conseil) et aux droits d’accises en 1993 (directive 92/12/CEE du Conseil). L’assistance mutuelle en matière de fiscalité directe a été modernisée par la directive 2004/56/CE du Conseil.

Lors de la création du marché intérieur, les modalités de coopération administrative en matière de TVA ont été établies par un texte spécifique, qui est actuellement, après révision du texte initial, le règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil. La coopération administrative en matière d’accises fait l’objet de textes spécifiques. Elle a été réformée par le règlement (CE) n° 2073/2004 également du Conseil et la directive 2004/106/CE du Conseil.

L’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales, de droits de douane et d’autres droits a été établie dans la Communauté en 1976, lors de l’adoption de la directive 76/308/CE. Cette directive a été étendue à la TVA par la directive 79/1071/CE, aux droits d’accises par la directive 92/108/CE et aux impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les primes d’assurance par la directive 2001/44/CE. Elle a été modernisée et étendue par la directive 2001/44/CE du Conseil et la directive 2002/94/CE de la Commission.

C’est dans cette continuité que s’inscrivent les deux directives présentées par la Commission européenne le 2 février dernier : la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (document E 4264) ; la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (E 4267).

Pour sa part, la première, qui concerne l’ensemble des taxes et impôts qui ne font pas déjà l’objet d’une réglementation communautaire spécifique (TVA et les droits d’accises) présente par rapport aux règles actuelles cinq améliorations principales, de nature à favoriser l’échange d’informations en matière de fiscalité directe.

En premier lieu, elle prévoit d’abolir le secret bancaire entre Etats membres pour des motifs fiscaux. Son article 17 prévoit ainsi qu’un Etat membre ne peut invoquer sa législation pour refuser de fournir des informations concernant une personne ayant sa résidence fiscale dans l’État membre demandeur au seul motif que ces informations sont détenues par une banque, une autre institution financière ou une personne désignée ou agissant en capacité d’agent ou de fiduciaire, ou qu’elles se rapportent à une participation au capital d’une personne. C’est donc la levée du secret bancaire pour les résidents de l’Etat requérant.

C’est pourquoi ce texte a aussi été appelée directive « secret bancaire ».

En deuxième lieu, elle prévoit la « clause de la Nation la plus favorisée », qui vise à obliger les États membres à accorder le même niveau de coopération à leurs partenaires européens que celui consenti à tout pays tiers, ce qui souligne sa dimension spécifiquement européenne (la dernière convention américano-belge de 2007, qui prévoit l’échange, sur demande, et pour un contribuable déterminé, de renseignements détenus par une banque ou une autre institution financière, très favorable aux Etats-Unis, sert de référence pour justifier cette insertion).

En troisième lieu, elle ouvre la voie au développement de l’échange automatique d’informations. Au-delà de la reprise des grandes catégories (échange sur demande, échange spontané, échange automatique), elle prévoit la possibilité de l’échange automatique d’informations pour un certain nombre de types de revenu à définir. Le texte initial a suggéré la procédure de comitologie. Il serait cependant préférable, car juridiquement plus conforme au Traité, de prévoir dans le corps de la directive, le champ d’application des trois procédures d’échange d’informations. Les travaux préparatoires au Conseil « Ecofin » s’orientent d’ailleurs en ce sens. Par ailleurs, la proposition reconnaît aux États membres la possibilité de conclure des accords supplémentaires.

En quatrième lieu, elle améliore considérablement le cadre pratique de la coopération fiscale. Non seulement, elle prévoit des règles plus claires mais elle fixe un cadre commun très précis, notamment des règles de procédure communes, ainsi que des formulaires, des formats informatiques et des canaux communs pour les échanges d’informations.

En cinquième lieu, enfin, elle permet aussi aux fonctionnaires de l’administration fiscale d’un Etat membre de se rendre sur le territoire d’un autre Etat membre et de participer activement – avec les mêmes pouvoirs d’inspection – aux enquêtes administratives qui y sont menées.

Cette disposition intéressante pourrait cependant exiger des précisions et précautions de la part des Etats membres d’accueil. La question par exemple de la participation d’un fonctionnaire d’une administration fiscale étrangère n’est pas évidente.

Sous cette réserve, la proposition mérite d’être adoptée à bref délai.

Il en est de même de la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (E 4267), qui vise à améliorer l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales. L’objectif est d’améliorer le taux de recouvrement, qui ne représente actuellement que 5 % environ des montants pour lesquels une assistance est demandée.

Il s’agit de :

– couvrir l’ensemble des taxes, impôts et droits perçus par les Etats membres et leurs subdivisions administratives, de même que les contributions sociales obligatoires;

– mettre en place un système obligatoire d’échange spontané d’informations concernant les remboursements de taxes et d’impôts effectués par les autorités fiscales nationales en faveur de non-résidents;

– permettre qu’une assistance puisse être demandée au début du processus de recouvrement si la probabilité de recouvrement s’en trouve améliorée;

– simplifier et rationaliser les procédures utilisées pour demander ou fournir une assistance mutuelle.

Lors des travaux du groupe des questions fiscales, deux éléments ont été actés : d’abord, une clause interdisant d’opposer le secret bancaire, clause demandée par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ; le retrait des cotisations sociales du champ d’application, et leur insertion dans un texte propre aux questions de sécurité sociale, qui devrait être adopté plus tôt.

Des accords politiques sur ces deux textes en Conseil « Ecofin » sont prévus pour l’automne prochain. Mais on doit relever que ces accords restent soumis à la règle de l’unanimité qui, dans le passé, a fait obstacle à des progrès qui étaient pourtant proposés.

C. Décider, au prochain G20, le principe de l’évaluation mutuelle sur l’application des conventions modèle OCDE d’échange de renseignements et se donner des échéances pour le renforcement de la norme de transparence

La norme fiscale actuelle de l’OCDE repose sur la conclusion de 12 conventions fiscales avec ses membres et sur un modèle de convention qui prévoit l’échange de renseignements uniquement sur demande. Il est clair que les étapes supplémentaires sont, d’une part, la mise en place d’un contrôle effectif des normes et l’évolution des critères de transparence.

1. Obtenir du prochain G20 le principe de l’évaluation mutuelle par les pairs, suivant l’exemple du GAFI

Pour s’assurer de la bonne application des conventions conclues actuellement sur le modèle de l’OCDE, la Conférence précitée de Berlin du 23 juin dernier a suggéré des évaluations mutuelles, dans le cadre des travaux du Forum mondial mis en place par l’OCDE sur la transparence et l’échange d’information.

Ce modèle d’une évaluation par les pairs a été mis en œuvre dans le cadre du GAFI et donne des résultats.

Il convient que le prochain G20 lui donne la base nécessaire pour être appliqué en matière fiscale.

Il convient également que la question des éventuelles sanctions soit précisée, de manière à donner à cette évaluation tout son sens.

2. Aller bien au-delà du nouveau critère des douze conventions fiscales

Le critère qui a été fixé pour ne pas figurer sur la liste noire ou grise de l’OCDE des juridictions qui n’ont pas pris d’engagement d’appliquer les normes fiscales internationales reconnues a été fondé sur la conclusion de douze conventions modèle OCDE.

Comme l’indique l’OCDE, ce critère de douze conventions conclues est apparu comme un bon indicateur des progrès par rapport à la situation antérieure. Tel est d’ailleurs le cas, car la liste des conventions recensées par l’organisation montre que ses membres en ont conclues depuis mars dernier un nombre significatif, sans même tenir compte de celles qui ont été annoncées entre la France et le Luxembourg et entre la France et la Suisse.

Néanmoins, ne serait-ce que parce que l’OCDE comprend actuellement 30 pays et que tout maintien de zones de non transparence permet d’organiser des montages d’évasion ou de fraude fiscale, il est clair que ce nombre devra être relevé. Il peut être atteint rapidement d’ailleurs.

Au cours de la rédaction du présent rapport, le Luxembourg a d’ailleurs annoncé avoir atteint le seuil requis, le 8 juillet, et remplir les conditions pour passer de la liste grise à la liste blanche.

3. Se donner des échéances précises pour aller au-delà de l’échange d’informations sur demande

En matière de transparence, la norme actuellement établie par l’OCDE, dans le cadre de l’article 26 de la convention modèle en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune de 2002, qui prévoit l’échange de renseignements sur demande.

Le principe de transparence est respecté. L’efficacité du dispositif est avérée : aucun détenteur de revenus ou d’actifs ne peut s’estimer à l’abri d’une demande de renseignements provenant de son administration fiscale.

La convention est ainsi un instrument de contrôle fiscal.

En outre, ce sont ces mêmes règles qui sont actuellement appliqués entre pays à fiscalité normale.

Néanmoins, on perçoit aussi les limites du dispositif.

D’une part, l’administration fiscale de l’Etat du contribuable vérifié doit faire la démarche : c’est la différence avec l’échange automatique de renseignements.

D’autre part, la demande est subsidiaire. Elle intervient après la mise en jeu des voies internes relatives à l’obtention du renseignement concerné.

Enfin, les renseignements demandés doivent être « vraisemblablement pertinents ». Ainsi que l’a indiqué aux rapporteurs M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l’OCDE, il faut une « amorce», un soupçon. Il a été clairement précisé aux rapporteurs qu’il n’est pas indispensable d’avoir un élément étayé de preuve.

Cette rédaction interdit clairement les demandes de renseignements massifs ou au hasard. En termes familiers, elle prohibe « la pêche » aux informations (le fishing des Anglo-saxons). C’est d’ailleurs ce qu’invoquent les paradis fiscaux qui signent actuellement des conventions de type OCDE. Toutefois, ce texte représente un progrès considérable par rapport au dispositif auparavant en vigueur dans la convention OCDE qui permettait de demander la seule information « nécessaire » et avait ainsi un rôle bloquant.

Il conviendra d’évaluer comment, en pratique, ce dispositif fonctionne avec des pays qui ont pour l’instant refusé toute coopération fiscale avec leurs principaux voisins et partenaires économiques. Si le dispositif donne satisfaction vis-à-vis des pays à fiscalité normale, c’est aussi parce que le nombre de résidents étrangers qui y détiennent des actifs est faible : quel intérêt à délocaliser tout ou partie de sa fortune s’il n’y a pas d’avantage fiscal ? Tel n’est pas le cas pour la Suisse ou le Luxembourg ou l’unité de comptage des comptes non résidents est la dizaine voire la centaine de milliers.

A cet égard, le dispositif précité d’évaluation par les pairs sera essentiel.

Pour leur part, les rapporteurs estiment d’ores et déjà que deux des règles de transparence prévues au niveau communautaire par la proposition de directive précitée doivent être promues au niveau international : l’échange spontané d’informations, notamment pour les cas de fraude les plus graves ; l’échange automatique de renseignements, de manière passer à terme au stade suivant de la coopération fiscale et à simplifier les opérations des administrations fiscales pour établir correctement l’assiette de l’impôt.

L’échange automatique d’informations est, en effet, la seule technique qui permette de disposer d’informations efficaces et rapides, aussi bien pour les administrations fiscales que pour les magistrats.

Même si les normes OCDE sont encore améliorées, la nécessité de disposer au préalable d’un minimum d’indices ou de soupçons et l’éventail trop fréquent des procédures dilatoires limitent considérablement la portée des efforts de transparence.

On pourra certes objecter que la quantité d’informations transmises serait considérable, ce qui peut rendre leur traitement difficile. Mais l’administration fiscale a déjà l’habitude d’exploiter de vastes quantités de données. Quant aux magistrats, leur souci majeur est d’accéder rapidement, sur des affaires précises, aux informations pertinentes.

D. Fixer une norme universelle fondée sur la centralisation dans chaque Etat des bénéficiaires des comptes bancaires comme des sociétés, fondations, fiducies ou trusts

Au niveau mondial, la règle de l’inopposabilité du secret bancaire devient peu à peu la norme. La réunion du G20 du 2 avril a permis d’ériger cette inopposabilité en véritable principe universel. Dans toutes les conventions bilatérales ou projets récents, la France introduit une clause d’inopposabilité du secret bancaire. Au sein de l’Union, le secret bancaire n’est pas un obstacle à l’exécution d’une demande d’entraide lorsque celle-ci porte sur une infraction pénale (article 7 du protocole à la convention d’entraide du 29 mai 2000, adopté le 16 octobre 2001).

Pourtant, même lorsqu’elle est reconnue comme principe et transcrite dans les règles de droit, la transparence n’est pas nécessairement assurée en raison des obstacles pratiques auxquels se heurtent les demandes d’échange de renseignements.

Ces difficultés relèvent de la capacité des Etats ou territoires à se doter des outils qui permettent des investigations bancaires efficaces, notamment de l’absence de registres centralisés permettant d’identifier rapidement l’ensemble des comptes détenus par une même personne.

Dans ce domaine, d’ailleurs commun aux questions fiscales et à la matière pénale, la plupart des interlocuteurs des rapporteurs, notamment les magistrats financiers, ont insisté sur les difficultés pratiques posées par la recherche de données bancaires ou commerciales. Dans les Etats qui n’acceptent pas l’échange automatique d’informations et ou n’envisagent pas de fichiers centralisés de comptes bancaires, les magistrats ne parviennent pas à identifier l’ensemble des comptes bancaires d’une personne soupçonnée de fraude, de blanchiment ou d’escroquerie. Il leur faut aussi par avance désigner avec précision ce qui est recherché.

Les rapporteurs estiment indispensable de promouvoir une telle centralisation des comptes bancaires, avec la constitution d’un fichier semblable au Fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) en vigueur en France.

Une même centralisation est souhaitable avec un fichier des bénéficiaires des entités actuellement utilisées comme écrans : les trusts, les fiducies, les fondations, sociétés, notamment de type Anstalt, Stiftung ou IBC. L’existence d’un registre du commerce à jour, clair et transparent fait partie des principes de base de l’organisation du monde des affaires.

Une seule des organisations rencontrées, qui souhaite ne pas être citée, a indiqué que l’on pouvait également prévoir des mesures équivalentes à de tels fichiers. Comme l’on ne voit en pratique pas quelles pourraient être ces mesures équivalentes, sauf à imposer aux autorités concernées d’interroger toutes les banques et tous les fiduciaires, ce qui serait immanquablement refusé car imprécis, ce sont bien ces fichiers centralisés qui doivent devenir la norme.

De ce point de vue, la France doit rapidement créer un registre centralisé des fiducies dès lors que la loi du 19 février 2007 a autorisé la création de fiducies en France, ce qui n’était auparavant pas le cas.

L’article 2020 du Code civil, inséré par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 créant la fiducie prévoit d’ailleurs « un Registre national des fiducies » selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, ce registre s’ajoutant à l’actuel enregistrement des fiducies par l’administration fiscale.

Les rapporteurs s’étonnent que plus de deux ans après le vote de la loi, ce texte d’application ne soit pas intervenu, alors que la loi de 2007 créant la fiducie a été modifiée deux fois. Notamment, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a donné aux personnes physiques la possibilité, ab initio réservée aux personnes morales, de constituer une fiducie, et a ouvert aux avocats la faculté d’être des fiduciaires, c’est-à-dire des gestionnaires de fiducie.

A défaut d’un tel acte de transparence à bref délai, les rapporteurs considèrent que la formule de la fiducie et des sociétés écrans devrait être supprimée en droit français pour revenir à la situation antérieure à la loi de 2007.

III. BÂTIR UNE SUPERVISION FORTE ET ÉTENDRE LE CHAMP DE LA REGULATION FINANCIERE AU NIVEAU EUROPÉEN ET MONDIAL

A. Mettre en place rapidement la nouvelle architecture européenne de supervision, et l’améliorer

1. Dans l’attente des propositions législatives nécessaires à la mise en place du nouveau système de surveillance macro- et micro-prudentielle

S’appuyant sur les recommandations du « rapport Larosière », la Commission européenne a proposé au Conseil européen d’approuver la création d’un organe européen chargé de la surveillance des risques au niveau macroprudentiel.

Le Conseil européen a indiqué que ce « comité européen du risque systémique » sera chargé de surveiller et d’analyser les risques potentiels pour la stabilité financière et qu’il émettra, le cas échéant, des alertes sur les risques, formulera des recommandations quant aux mesures à prendre et en surveillera la mise en œuvre.

Toujours en s’inspirant directement des recommandations du groupe de travail, le Conseil européen a annoncé la mise en place d’un « système européen de surveillance financière », au niveau microprudentiel, composé de trois nouvelles Autorités européennes, devant disposer de pouvoirs de décision contraignants vis-à-vis des autorités de supervision nationales des Etats membres en cas de désaccord entre celles-ci, et d’un pouvoir direct de surveillance à l’égard des agences de notation.

Le « système européen de surveillance financière » pourrait également, en cas de crise, jouer un rôle important de coordination des autorités nationales de surveillance.

Les propositions de textes nécessaires à la concrétisation de cet accord politique au plus haut niveau sont annoncées pour l’automne 2009, avec pour objectif affiché d’aboutir à la mise en place effective et complète de cette nouvelle architecture « dans le courant de 2010 ». Anticipant les difficultés qui pourraient à nouveau apparaître dans les discussions entre les Etats membres sur ces futures propositions, le Conseil européen a indiqué qu’il « fera le point des progrès réalisés lors de sa réunion d’octobre 2009 et, si nécessaire, imprimera une nouvelle direction à ce processus ».

L’enjeu majeur des négociations qui se tiendront dans les prochains mois, sous Présidence suédoise et avec les membres nouvellement entrés en fonction du Parlement européen, sera celui des pouvoirs exacts des trois nouvelles entités qui se substitueront aux trois « comités de niveau 3 » actuels. Ces autorités ne constitueront un réel progrès par rapport à la situation actuelle que si elles sont effectivement dotées d’une part, d’un pouvoir de décision contraignant pour trancher les différends entre autorités nationales pour les problèmes de nature transfrontalière, et d’autre part, si elles sont dotées de moyens suffisants pour remplir leurs fonctions.

2. Lorsqu’il sera en place, ce nouveau système représentera un indiscutable progrès, mais il faut le considérer comme un étape et non comme un aboutissement

Les compétences du futur conseil ou comité européen du risque systémique n’en font pas un organe de nature « fédérale » ou « supranationale » car il n’aura qu’un rôle d’alerte et d’information, au demeurant indispensable car exercé par aucune autorité à l’heure actuelle. En revanche, le système des trois nouvelles Autorités remplaçant trois comités dépourvus de tout pouvoir décisionnel comporte clairement un élément de supranationalité qu’il faut saluer et dont il faut espérer qu’il sera renforcé.

Il faut rappeler que l’ultime recommandation du « rapport Larosière » en matière de réforme de la supervision européenne est que, trois ans après l’entrée en vigueur de la réforme, des réformes supplémentaires pourraient être envisagées : passer à un système qui s’appuierait seulement sur deux Autorités (l’une responsable des questions prudentielles pour la banque et l’assurance, et l’autre responsable des marchés) ; octroyer aux Autorités des pouvoirs règlementaires plus larges ; voire renforcer les compétences de surveillance à l’échelon de l’Union européenne.

Les rapporteurs considèrent que les décisions du Conseil européen de juin 2009 sont une étape importante, mais pas un aboutissement. Même si des résistances considérables sont à prévoir, il faut se fixer comme objectif d’aller plus loin dans le renforcement de la supervision européenne.

Cette réflexion doit également être menée au plan national, notamment en France, où il convient de s’interroger sur la pertinence du maintien d’une supervision distincte pour les banques et pour le secteur de l’assurance, et de promouvoir un renforcement des moyens des organes de supervision et de leurs capacités coercitives.

Enfin, il convient de souligner que même l’instauration, que les rapporteurs appellent de leurs vœux, d’un système européen fort de supervision ne saurait dispenser les établissements financiers de renforcer considérablement leurs dispositifs de contrôle interne, volet qui relève de la régulation.

B. Faire progresser avec détermination l’extension du champ de la régulation et l’amélioration du corpus législatif européen relatif aux marchés, produits et services financiers

La proposition de directive relative aux gestionnaires de fonds alternatifs, qui soulève de nombreuses et fortes critiques, sera, on peut l’espérer, profondément remaniée au cours de la négociation au sein du Conseil et entre le Conseil et le Parlement européen. Un texte régissant les fonds alternatifs est sans conteste indispensable, mais celui-ci a été élaboré dans la précipitation et néglige des préoccupations fondamentales de sécurité financière.

Posent problème en particulier : la réglementation par un seul et même texte de catégories de fonds hétérogènes artificiellement réunis dans la notion de « fonds alternatifs » qui ne se définit que négativement (ensemble des fonds actuellement non soumis à la « directive OPCVM ») ; la fixation de seuils en-dessous desquels les fonds échapperont au dispositif de la directive ; des dispositions insuffisantes sur la responsabilité et les obligations des dépositaires ; l’octroi, à l’issue d’une période transitoire, d’un passeport européen permettant la commercialisation dans toute l’Union européenne de fonds situés dans les pays tiers, ce qui revient à cautionner les pratiques des centres offshore ; les très larges compétences d’exécution confiées par le texte à la Commission européenne dans le cadre de la procédure de comitologie pour la fixation de modalités pourtant essentielles d’application.

La proposition de directive n’est pas acceptable en l’état. Les rapporteurs sont d’avis que l’Assemblée nationale doit exiger, sinon son retrait (car il est urgent d’adopter une réglementation et la présentation de cette proposition a déjà été bien tardive), du moins sa modification en profondeur.

D’autres textes communautaires, déjà en vigueur, vont être révisés dans les mois qui viennent, et de nouveaux textes seront présentés, en application du programme de travail législatif que la Commission européenne s’est engagée à mener et que le Conseil européen a approuvé. La « directive OPCVM » fera sans doute prochainement l’objet d’une nouvelle série de propositions de modifications, notamment sur la question du régime juridique applicable aux dépositaires. La « directive MIF » fera l’objet en 2010 d’une évaluation, et il faudra saisir cette occasion pour en corriger les visibles insuffisances.

La France et les autres Etats membres devront être animés, dans ces travaux, par une volonté sans faille d’introduire la plus grande transparence possible dans tous les marchés financiers et le plus haut degré de protection des investisseurs et des épargnants, afin de réinstaller durablement la confiance. L’objectif ultime doit être constamment réaffirmé : c’est la réduction des risques. Il y aura inévitablement d’autres crises financières à l’avenir, mais il est possible d’en limiter l’ampleur et les effets, et la transparence est la condition première de cette démarche. Ceci passe également par une extension du contrôle des produits financiers commercialisés, au niveau national comme au niveau européen. La création aux Etats-Unis d’une Agence fédérale de protection des consommateurs de produits et services financiers, si elle est approuvée par le Congrès, constituera une avancée dont les Etats européens, voire l’Union européenne, pourraient utilement s’inspirer.

La nécessité d’harmoniser au niveau européen un certain nombre de définitions essentielles devra être reconnue par tous, pour remédier aux divergences existantes dans l’interprétation et donc l’application des textes et pour parvenir, notamment, à une définition unique des « activités bancaires », des « obligations des dépositaires » et des « fonds propres ».

C. Ne pas mener toutes ces réformes au seul niveau européen, mais entretenir simultanément une coopération étroite avec les autres partenaires, notamment américain, afin d’opérer un indispensable rapprochement

La lutte contre l’éclatement de la régulation, éclatement qui est en grande partie à l’origine de la crise actuelle, doit être nationale, européenne et mondiale. L’Europe ne doit pas relâcher ses efforts en ce qui concerne les réformes à mener « chez elle », mais elle ne doit pas non plus se concentrer exclusivement sur ses propres travaux dans l’illusion que, si elle avance résolument, le reste du monde adoptera nécessairement les mêmes solutions qu’elle.

Une coordination et même une coopération véritables, qui font défaut aujourd’hui, doivent être instaurées dans la conduite des réformes financières entre, dans un premier temps, l’Union européenne et les
Etats-Unis, et les travaux doivent également se poursuivre dans l’enceinte du G20
qui permet d’associer activement à la refondation du système financier mondial les principaux pays en voie de développement, nouvelles ou futures puissances économiques.

En matière de supervision, les décisions du G20 de Londres doivent entrer en application de manière effective, tant en ce qui concerne les collèges de superviseurs à l’échelle mondiale pour la surveillance des grands groupes transnationaux que pour la coordination dans la gestion des crises transnationales.

En matière de réglementation financière, il est nécessaire de mettre fin à des incohérences telles que la multiplicité des organismes internationaux producteurs de normes comptables ou la non-application du dispositif « Bâle 2 » aux Etats-Unis alors que les conclusions du G20, adoptées par les Etats-Unis comme par les autres participants au sommet, prévoient que tous les pays du G20 doivent adopter progressivement le cadre de « Bâle 2 » sur les fonds propres.

IV. DÉVELOPPER LA COOPÉRATION PÉNALE EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE

A. La coopération judiciaire pénale au sein de l’Union européenne

1. Développer de nouveaux outils

Plusieurs outils créés depuis le Conseil européen de Tampere de 1999 méritent d’être développés car ils facilitent la coopération judiciaire au sein de l’Union. Les magistrats de liaison en poste dans les pays étrangers, dont le rôle a été salué par de nombreuses personnes auditionnées, facilitent les procédures d’entraide et constituent un point de contact pour un magistrat français souhaitant par exemple adresser à des magistrats d’un autre pays une commission rogatoire internationale.

La place d’Eurojust mérite une attention particulière. Il a semblé aux rapporteurs qu’Eurojust n’est pas suffisamment utilisée par les Etats membres. Son rôle n’est pas apparu central au cours des auditions alors que les affaires de blanchiment sont souvent transnationales et qu’Eurojust peut apporter une réelle plus-value dans les poursuites.

Instaurée par une décision du Conseil de l’Union européenne du 28 février 2002, révisée par une décision du Conseil du 16 décembre 2008, l’Unité d’Eurojust est un organe de l’Union européenne. Dotée de la personnalité juridique, elle agit en tant que collège ou par l’intermédiaire de ses représentants nationaux.

Sur un plan opérationnel, Eurojust a vocation à promouvoir et améliorer la coordination des enquêtes et poursuites engagées sur le territoire de plusieurs Etats membres. Elle a également pour objectifs d’améliorer la mise en œuvre des dispositions régissant l’entraide répressive internationale, et plus généralement d’apporter son soutien aux autorités compétentes des Etats membres afin de renforcer l’efficacité des procédures transnationales.

La révision de la décision Eurojust grâce à une initiative française adoptée le 16 décembre 2008 permet de :

- renforcer la fonction de coordination d’Eurojust (harmonisation relative des prérogatives des membres nationaux ; renforcement du rôle du collège en cas de conflit de compétence et de refus d’exécution des demandes d’entraide ; possibilité pour Eurojust, en cas d’urgence, d’autoriser de façon autonome une livraison surveillée) ;

- favoriser la transmission d’informations à Eurojust (en imposant notamment une transmission obligatoire lorsqu’une autorité nationale est saisie d’un dossier au moins trilatéral) ;

- augmenter les capacités opérationnelles d’Eurojust par la création d’une cellule de coordination d’urgence et l’obligation de nommer un adjoint au membre national.

Cette décision doit désormais être transposée dans notre droit interne. Cela doit être fait rapidement.

Le mandat européen d’obtention de preuves devra être révisé et trouver une ampleur nouvelle. Actuellement, le champ d’application du mandat (47) est limité aux preuves existantes et déjà disponibles (objets, documents et données). Le texte fixe la liste des 32 infractions pour lesquelles, s’il est nécessaire d’opérer une perquisition ou une saisie, la double incrimination ne pourra pas être invoquée en ajoutant une condition importante car les infractions devront être punies dans l’Etat d’émission du mandat d’une peine privative de liberté d’un maximum d’au moins trois ans. Le principe d’une « clause de territorialité » a été introduit, permettant à un Etat membre de refuser un mandat européen d’obtention des preuves lorsque les infractions ont été commises en tout ou en partie sur son territoire. Enfin, l’Allemagne bénéficie d’une clause « d’opt out ».

Les équipes communes d’enquêtes sont un outil très important sur le plan de la coopération policière et judiciaire. Elles sont prévues par l’article 13 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, signée à Bruxelles le 29 mai 2000 entre les Etats membres.

Elles permettent de développer entre les Etats des stratégies communes d’enquête et de partager des objectifs de lutte contre la criminalité organisée transfrontalière. Ces équipes associent des magistrats et des enquêteurs de deux pays au sein d’une même entité dans une affaire présentant un intérêt pénal commun aux deux Etats. La grande souplesse de ce mécanisme permet aux autorités judiciaires et aux services concernés d’échanger des renseignements, de mener des opérations d’investigations conjointes et de coordonner l’exercice des poursuites pénales dans les deux pays.

L’initiative de la création d’une équipe commune d’enquête peut être prise par le procureur de la République, par le juge d’instruction ou à la demande des autorités judiciaires d’un ou plusieurs Etats membres.

Vingt-et-une équipes ont été créées à ce jour entre la France et six Etats membres, dont l’Espagne, la Belgique ou encore l’Allemagne. Une circulaire du 23 mars 2009 de la ministre de la justice vise à développer l’utilisation de cet outil en France au vu des bons résultats obtenus depuis 2004.

2. Les avancées du traité de Lisbonne

Le traité de Lisbonne supprime la structure en piliers de l’Union au profit d’un cadre institutionnel unifié. La coopération judiciaire pénale conserverait des spécificités mais plusieurs évolutions ne manqueront pas de faciliter la construction de l’espace de liberté, de sécurité et de justice :

- les normes adoptées auraient un effet normatif direct et relèveraient des procédures habituelles d’adoption des actes de l’Union (directives, règlements, décisions) ;

- la Commission européenne devrait partager son droit d’initiative avec les Etats membres, ce qui est un tempérament important à la méthode communautaire ;

- le Parlement européen verrait son rôle renforcé par la procédure de codécision. En outre, les accords internationaux conclus par l’Union en matière pénale feraient l’objet d’une approbation par le Parlement, contrairement à aujourd’hui ;

- le rôle des parlements nationaux a été reconnu. Ils bénéficieraient d’un droit d’alerte précoce si une initiative parait contraire au principe de subsidiarité (avec un seuil d’avis motivés à atteindre pour que le texte soit revu égal à un quart des voix des parlements nationaux contre un tiers dans les autres domaines). Les parlements nationaux seraient associés à l’évaluation portant sur la mise en œuvre des politiques de l’Union relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, au contrôle d’Europol et à l’évaluation d’Eurojust ;

- la majorité qualifiée serait applicable avec, toutefois, une clause de frein permettant de faire appel au Conseil européen pour tout Etat qui estimerait qu’une proposition porte atteinte aux principes fondamentaux de son système judiciaire, le Conseil européen pouvant soit renvoyer le projet au Conseil, soit demander un nouveau texte. Si le texte est rejeté, une coopération renforcée pourrait être mise en œuvre de manière souple si un tiers des Etats membres le souhaitent ;

- la Charte des droits fondamentaux intégrée dans le traité aurait une valeur juridique contraignante ;

- le régime général de la CJCE serait applicable à la coopération pénale sous réserve que la Cour ne pourrait pas juger de la validité et de la proportionnalité d’opérations menées par la police ou en matière de maintien de l’ordre public ou de sécurité intérieure. La saisine par des particuliers serait également restreinte ;

- le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires serait inscrit dans le traité ;

- des actions communes en matière de formation des magistrats et des personnels de justice pourraient être entreprises afin de renforcer la confiance mutuelle ;

- un rapprochement du droit pénal matériel serait possible lorsque l’infraction est à la fois grave et transfrontalière (une liste d’infractions est établie parmi lesquelles figure le blanchiment) ou lorsque l’infraction porte atteinte à un intérêt commun faisant l’objet d’une politique commune ;

- un rapprochement du droit pénal procédural serait possible pour les matières pénales ayant une dimension transfrontalière (admissibilité mutuelle des preuves, droits des personnes dans la procédure, droits des victimes). Ces règles minimales devront tenir compte des traditions et des systèmes juridiques des Etats membres ;

- enfin, le rôle d’Eurojust pourrait être étendu au déclenchement d’enquêtes conduites par les autorités nationales et à la coordination de ces enquêtes et poursuites. Il est prévu que le Conseil, statuant à l’unanimité, puisse transformer Eurojust en parquet européen pour les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (avec une possibilité d’extension à l’unanimité). Il pourrait alors rechercher, poursuivre et renvoyer en justice les auteurs de crimes relevant de sa compétence et exercer l’action publique devant les juridictions des Etats membres.

Ces évolutions importantes marqueraient un grand pas en avant pour la coopération judiciaire pénale. Lorsque le traité sera ratifié, la Commission européenne et les ministres de la justice des Etats membres auront la responsabilité politique de le faire appliquer. Leur volonté politique devra être forte et le contrôle du Parlement européen sans faille.

3. S’impliquer fortement dans la définition du programme de Stockholm

Prenant la suite du programme de Tampere (1999-2004), le programme de La Haye a établi les objectifs de l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour la période 2004-2009. Il vient à échéance et doit être poursuivi par le futur programme de Stockholm qui devrait être adopté au Conseil européen de décembre 2009.

La Commission européenne a présenté le 15 juin une communication relative au programme de Stockholm.

En matière de lutte contre le blanchiment et la délinquance financière, la Commission européenne souhaite que la capacité d’investigation et d’analyse financière criminelle soit développée en mutualisant les ressources, notamment de formation.

Pour la Commission européenne, « en matière de blanchiment d’argent, les cellules de renseignements financiers doivent mieux coordonner leur travail. Leurs analyses pourront alimenter, dans le cadre du modèle européen d’information, une base de données sur les transactions suspectes par exemple au sein d’Europol. Par ailleurs, toutes les sources d’information disponibles doivent être mobilisées et coordonnées pour identifier les opérations suspectes de transit d’argent liquide.

Les fraudes fiscales et la corruption privée doivent être mieux réprimées. Sur les marchés financiers, la détection précoce des comportements frauduleux d’abus de marché (délits d’initié et manipulation des marchés) ainsi que celle des malversations financières doit être améliorée. Le cas échéant, des sanctions pénales doivent être prévues, notamment pour les personnes morales impliquées.

Le cadre juridique autorisant les confiscations et saisies étant établi, il conviendra de mettre en place dans les plus brefs délais le réseau européen des bureaux de recouvrement des avoirs criminels.

L’Union doit également se fixer des objectifs en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Sur la base d’une évaluation périodique des efforts menés par l’Union et par les États membres, il faudra favoriser l’échange de bonnes pratiques sur la prévention et la répression, notamment dans le cadre du réseau anti-corruption et développer, sur la base de systèmes existants et de critères communs, des indicateurs qui permettent de mesurer les efforts dans la lutte contre la corruption. Les mesures anti-corruption dans un certain nombre de domaines de l’acquis (marché publics, contrôle financier, etc) feront l’objet d’une attention accrue. »

Il convient d’ajouter que la lutte contre le blanchiment au niveau européen doit veiller à demeurer au plus près du respect des recommandations du GAFI. Il est nécessaire que des progrès soient encore faits à l’issue de la transposition de la troisième directive.

La stratégie antidrogue de l’Union (2005-2012) prône une approche globale et équilibrée, fondée sur la réduction simultanée de l’offre et de la demande. Cette stratégie viendra à échéance au cours du programme de Stockholm. Elle devra être renouvelée sur la base d’une évaluation approfondie du plan d’action drogue 2009-2012.

L’amélioration de la confiance mutuelle passerait par une implication plus grande d’Eurojust. Il est également essentiel de multiplier les occasions d’échanges entre les professionnels de la justice, notamment en matière de formation. Une formation européenne systématique devrait être offerte aux nouveaux juges et procureurs.

En outre, la confiance mutuelle devrait s’accompagner d’une évaluation renforcée des instruments et des obstacles au bon fonctionnement de l’espace judiciaire européen. Le rapprochement du droit pénal matériel concernant les infractions graves transfrontalières devrait se poursuivre.

Les débats étant amenés à s’accélérer à l’automne, le Gouvernement devra s’impliquer fortement dans la définition des prochaines priorités en prenant appui, il faut l’espérer, sur les progrès que permettrait le traité de Lisbonne.

B. La coopération judiciaire pénale internationale

Selon les informations transmises aux rapporteurs par le ministère de l’économie interrogé sur la lutte contre le blanchiment, 550 demandes d’entraide relatives à des faits de blanchiment ont été adressées par les autorités françaises à un Etat étranger depuis 1996. Toutefois, ce chiffre est à prendre avec précaution puisque s’agissant d’un certain nombre d’États membres de l’Union européenne, il ne comprend pas toutes les demandes d’entraide qui sont adressées directement d’autorité judiciaire à autorité judiciaire en vertu de la Convention du 29 mai 2000. Sur le plan judiciaire, certains Etats ne font pas montre d’une bonne coopération. Il s’agit notamment de l’Angola, du Gabon, de la Géorgie et de la Syrie. Il convient d’ajouter que Singapour a souvent été cité par les magistrats spécialisés entendus, bien qu’il ne fasse pas partie de la liste fournie par le ministère de l’économie. L’Île Maurice a également été mentionnée.

La ratification des grands instruments internationaux de lutte contre la criminalité économique doit être accélérée, en premier lieu parmi les pays de l’Union européenne. Il convient de souligner que, parmi les grandes conventions, la France n’a pas signé le protocole additionnel à la convention de Palerme contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, ce pour des motifs politiques tenant au caractère jugé trop restreint du champ d’application du texte adopté. Elle n’a pas ratifié le deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l’Europe. Ce retard s’explique par la volonté de mettre dans un premier temps concrètement en œuvre la convention de l’Union du 29 mai 2000 et ses nouvelles modalités d’entraide judicaire pénale car le deuxième protocole additionnel s’en inspire. Cet instrument devrait être ratifié d’ici la fin de l’année. La France n’a pas signé la version révisée de la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment de 2005 mais devrait le faire d’ici la fin de l’année, la troisième directive anti blanchiment ayant été transposée.

En second lieu, la pratique des magistrats de liaison doit être encouragée car elle est, de l’avis des magistrats entendus, un appui précieux.

Enfin, au-delà de la seule formation européenne, la formation des magistrats aux problématiques internationales devrait être développée et des programmes d’échanges, organisés.

Il conviendrait également de renforcer une vision stratégique des besoins de l’Union européenne en matière de coopération judiciaire avec certains pays et de mettre en œuvre une dimension de relations extérieurs à l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

V. AFFIRMER AU NIVEAU DU G20 COMME AU NIVEAU EUROPÉEN UNE VOLONTÉ POLITIQUE SANS FAILLE

A. Le rôle clef du prochain G20 de Pittsburgh en septembre 2009

Lorsqu’ils ont évoqué la perspective d’ensemble, tous les interlocuteurs des rapporteurs ont conforté leur opinion sur le caractère stratégique du prochain sommet du G20, qui aura lieu aux Etats-Unis, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre prochains.

Il incombera à celui-ci une responsabilité immense, à deux titres.

D’une part, c’est la détermination dont il fera preuve qui permettra ou non de réaliser les objectifs d’une véritable régulation et de supervision financières, d’une transparence en matière fiscale et d’une coopération judiciaire internationale efficace permettant aux juges d’exercer la plénitude de leur mission sans obstacles aux frontières, dans la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière.

En cas de réussite, le spectre de crises à répétition de plus en plus graves comme celui d’une économie de plus en plus gangrenée par la fraude, le crime et l’argent sale s’éloignera.

En cas d’affaiblissement des actions annoncées, comme ce fut le cas au début de la décennie, les conditions de nouvelles crises systémiques, probablement incontrôlables car le niveau de l’endettement public sera si élevé que les Etats ne seront plus en mesure d’intervenir, seront réunies. Les conditions d’une économie dominée par les comportements voyous et prédateurs aussi.

D’autre part, et de manière liée, le prochain G20 doit aller au fond des choses et s’attacher à une véritable refondation du système monétaire international.

C’est une banalité de le dire, mais c’est faute d’avoir su s’atteler à cette tâche et aux déséquilibres dès leur origine, dans les années 1960, lorsque sont apparus les déficits commerciaux américains structurels et les marchés autonomes offshore des eurodollars, avec la tolérance de la Banque d’Angleterre, que les excès de la financiarisation ont pu, des décennies plus tard, atteindre l’ampleur que nous connaissons.

Il faut donc que les questions des changes soient évoquées, et notamment la question du cycle du dollar, lequel constitue actuellement les réserves des principaux pays excédentaires ou qui l’étaient jusqu’à une date récente.

Enfin, il conviendrait que la question des matières premières soit évoquée. Seule une réflexion sur le juste prix est de nature à mettre fin à l’instabilité actuelle préjudiciable tant aux Etats producteurs qu’aux pays importateurs nets.

C’est notamment le cas pour le pétrole dont le prix doit en outre avoir la stabilité nécessaire pour permettre une réalisation sans heurt du passage progressif aux sources d’énergie nouvelles et renouvelables, ainsi que la réalisation des programmes d’économie d’énergie.

B. La nécessité de mieux affirmer la détermination européenne à l’occasion du prochain renouvellement de la Commission européenne

Lors de la préparation du sommet du G20 de Londres, d’avril dernier, sont clairement apparus le rôle moteur de l’Union européenne, et en son sein, celui du couple franco-allemand.

Cette responsabilité particulière qui incombe à l’Europe, la Commission européenne, dont le rôle est unique, doit en assumer sa part.

Il convient que les questions précises évoquées dans le cadre de ce rapport, à savoir, la régulation et la supervision financières, ainsi que la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives, figurent sans ambiguïté à l’agenda politique du renouvellement de la Commission européenne.

Par conséquent, il appartient au Parlement européen et aux Etats membres d’y veiller lors de la désignation du prochain président de la Commission européenne.

A cet égard, le programme présenté par M. José Manuel Barroso le 19 juin dernier manque de précision sur ces questions, comme c’est d’ailleurs le cas d’une manière générale, ainsi que l’ont déjà indiqué la France et l’Allemagne.

Ensuite, dans une deuxième étape, il conviendra que les Commissions concernées du Parlement européen interrogent, lorsqu’elle procèderont à leurs auditions préalables au renouvellement de la Commission européenne, les personnalités proposées pour être commissaires européens, sur leurs points de vue sur ces questions : la lutte contre les paradis fiscaux, la régulation et la supervision financière, la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière.

Cette procédure concerne d’abord les futurs commissaires aux affaires économiques et monétaires, au marché intérieur, à la fiscalité et à l’Union douanière, ainsi qu’à l’espace de liberté de sécurité et de justice.

Toutefois, compte tenu du principe de collégialité de la Commission, celle devra également s’appliquer, à un moindre degré certes, aux personnalités pressenties pour les autres postes.

CONCLUSION

Les paradis fiscaux représentent à nos yeux un danger mortel pour l’économie et la finance mondiales. Si l’on veut éviter que ne se reproduise une crise systémique, il est indispensable que le G20 de Pittsburgh les 24 et 25 septembre prochains aille au-delà des déclarations de principe et prenne des décisions concrètes. En particulier, le G20 doit définir précisément les obligations imposées aux territoires non coopératifs concernant la transparence des comptes bancaires et des sociétés écrans, et décider des sanctions applicables en cas de non-respect de ces obligations.

L’Union européenne a un rôle moteur à jouer, avec les Etats-Unis, et doit donc se montrer exemplaire dans sa législation, comme dans les contrôles effectifs des pratiques de ses institutions financières et de ses ressortissants.

Si l’Union européenne se dote d’un arsenal législatif efficace, si ses dirigeants font preuve de volonté politique, il sera possible d’éliminer les graves anomalies qui subsistent dans certains territoires de l’Union européenne et d’imposer aux pays tiers d’Europe des pratiques comparables. Il sera ainsi plus difficile aux Etats-Unis de tolérer chez eux des législations et pratiques déviantes par rapport aux nouvelles normes. Dès lors l’effet d’entraînement serait fort sur les grands pays émergents, l’Union européenne et les Etats-Unis représentant la quasi-totalité des banques et institutions financières mondiales.

Pour que tout ne recommence pas comme avant, la volonté politique doit être sans faille, les législations doivent être cohérentes, les contrôles, stricts et réguliers, les sanctions, exemplaires. Il serait éminemment souhaitable que l’Union européenne et les Etats-Unis laissent planer une menace lourde sur les territoires non coopératifs, celle de la suspension des activités de leurs banques et institutions financières avec ces territoires s’ils ne respectent pas les nouvelles normes.

Ce qui est en jeu ne concerne pas seulement le système financier mondial. Comme le montre la crise actuelle, les dégâts économiques et sociaux sont et seront considérables. Cette crise devrait être l’occasion de remettre en cause la concurrence fiscale entre Etats en commençant par l’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne. La coopération fiscale, l’abandon du dumping fiscal, sont en effet la condition pour retrouver un équilibre plus équitable des rémunérations versées respectivement au capital et au travail.

Il reste quelques mois pour redresser durablement l’économie mondiale. Après Pittsburgh, il sera trop tard.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 15 juillet 2009, sous la présidence de M. Didier Quentin, Vice-président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Le Président Didier Quentin. Merci beaucoup pour ces remarques complémentaires fort utiles. Avant de laisser la parole à nos collègues, je souhaiterais évoquer moi-même quelques points. Si vous venez de préciser pourquoi vous souhaitez trois listes, pouvez-vous donner des éléments sur la situation d’Andorre et de Monaco, ainsi que sur le rôle de l’Union européenne.

M. Jérôme Lambert. Merci beaucoup à nos deux collègues pour ce tableau complet et très intéressant, sur des sujets sur lesquels la Commission s’est par ailleurs déjà exprimée. A propos du sommet du G20, je suis assez dubitatif face à la métamorphose subie par la liste des paradis fiscaux, puisque certains Etats ont pu, en 24 heures, passer de la zone grise à la zone blanche sur de simples bases déclaratives. Rien ne garantit, en l’état, que leur législation sera modifiée. En outre, lorsque les Etats modifient effectivement leur législation, celle qui en résulte est parfois si contraignante qu’elle en devient presque inutile, rendant les recherches presque impossibles. En matière judiciaire ainsi, les magistrats doivent apporter la preuve de leurs soupçons pour obtenir la levée du secret bancaire…

On aurait par ailleurs beaucoup à dire sur l’Etat du Delaware, aux Etats-Unis, qui est, je le précise, l’Etat d’origine du vice-président actuel. Ne méconnaissons pas la duplicité de certains Etats.

Concernant la crise que nous traversons, comment interpréter l’explosion actuelle des profits bancaires ? Celle-ci n’est sans doute pas due au fonctionnement de l’économie réelle. Je suis très inquiet à ce sujet : j’ai le sentiment que certains cherchent juste à faire le dos rond pendant la durée de la crise, sans volonté réelle de réforme du système. Qu’y aura-t-il au-delà des discours ?

M. Philippe Cochet. Le constat qui est le vôtre est-il partagé ? Existe-t-il des divergences d’analyse ? Par ailleurs, d’autres pays ont-ils accompli un travail identique au vôtre ? Enfin, contrairement à notre collègue Jérôme Lambert, je pense que le verbe doit précéder les actes, mais que va faire la France ?

M. Daniel Garrigue, co-rapporteur. La France a des relations privilégiées avec Andorre et Monaco. Pour ce dernier Etat, nous avons des conventions et ce sont plutôt les autres pays qui n’ont pas d’accès aux informations qui leur seraient nécessaires. S’agissant d’Andorre, il faut rappeler que le président de la République en est l’un des deux co-princes.

Je partage tout à fait les inquiétudes quant à l’évolution de la liste noire de l’OCDE. Outre ces sorties « éclair », il est évident que les listes de l’OCDE ne sont pas assez rigoureuses. D’une part, certains Etats aux pratiques contestées, tels que Singapour ou l’Ile Maurice, ne sont pas inscrits sur ces listes là où l’on s’y attend. D’autre part, comment établir la distinction entre les « paradis fiscaux » et les « autres centres financiers », telle que résultant de la nomenclature OCDE, alors même que les critères d’opacité et d’existence du secret bancaire sont remplis dans les deux sous-ensembles ?

Concernant l’Etat du Delaware, il est vrai que sa fiscalité favorable est à l’origine de l’établissement en son sein d’un grand nombre de sièges sociaux de grandes entreprises. Il s’agit toutefois plus d’un problème interne aux Etats-Unis, que le pouvoir fédéral n’a peut-être pas d’ailleurs les moyens de résoudre.

Je partage les craintes face au risque d’attentisme et d’immobilisme. C’est le moment d’agir. La France a très tôt défendu une position critique sur l’évolution de la finance internationale, dès les années 1960 et sous l’influence de Jacques Rueff. Elle s’est toutefois moins battue sur ce front depuis quelques années.

Il faut à présent être offensif et obtenir du G 20 qu’il mette en place un questionnement d’ensemble sur les phénomènes monétaires et de change. Ce constat n’est évidemment pas partagé par tous, mais un grand nombre de spécialistes des questions financières et de magistrats que nous avons rencontrés le dressent aussi.

M. Gérard Voisin. Je regrette que l’on ne dispose pas de plus d’informations sur la situation en Suisse, alors que celle-ci continue à appliquer le secret bancaire et maintient l’opacité de son système financier. Par ailleurs, la crise n’a malheureusement pas provoqué de prise de conscience, comme en témoignent les bénéfices extrêmement élevés annoncés hier par la banque d’affaires américaine Goldman Sachs.

Face à cette situation, les responsables politiques européens doivent réagir avec force. Bien qu’étant libéral, je n’accepte pas que la recherche effrénée de la rentabilité financière mette en danger les petits épargnants, les plus faibles.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Le rapport aborde clairement le cas de la Suisse et souligne sa prépondérance sur le plan mondial. A ce sujet, le contentieux qui oppose la banque suisse UBS et les Etats-Unis à propos du secret bancaire constitue une étape importante, dont il conviendra de suivre les développements.

Au sein même de l’Union européenne, il est regrettable que le Luxembourg et le Royaume-Uni freinent les avancées. Ainsi, le Royaume-Uni a obtenu une restriction importante dans les conclusions du conseil Ecofin du 9 juin 2009 consacrées aux recommandations du rapport de Larosière sur la surveillance financière.

Comme vous l’avez souligné, les bonus des dirigeants de la banque Goldman Sachs sont particulièrement choquants. Nous insistons dans la conclusion du rapport sur le fait que la concurrence fiscale entre les Etats favorise la recherche de l’évasion fiscale à travers l’élaboration de mécanismes financiers complexes et conduit à des disproportions considérables entre les rémunérations des dirigeants d’un secteur financier hypertrophié et la rémunération du travail.

Ce n’est pas un hasard si la crise a débuté aux Etats-Unis en raison du surendettement des ménages modestes. Comme l’a souligné M. Mario Monti lors des rencontres du cercle des économistes à Aix-en-Provence le 5 juillet dernier, l’origine de la crise réside dans les inégalités.

Je tiens à mettre l’accent sur la question des marchés de gré à gré, sur laquelle M. Jean-Pierre Jouyet, Président de l’Autorité des marchés financiers, a attiré notre attention. De grandes entreprises émettent des titres et des plateformes, les « dark pools », opèrent les transactions dans des délais très court. Aucune chambre de compensation n’intervient et ces marchés échappent à toute régulation. Ce type de fonctionnement explique les fluctuations parfois incompréhensibles de matières premières comme le pétrole. Le G20 a pris conscience de cette faille dans notre propre système.

M. Jérôme Lambert. Ces fluctuations importantes des cours concernent également les denrées alimentaires, ce qui est susceptible de fragiliser davantage les plus faibles.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Vous avez tout à fait raison. J’en viens à la proposition de résolution. Je tiens à souligner, parmi les points importants, la proposition d’une centralisation dans chaque Etat des bénéficiaires de comptes bancaires, de fondations, trusts, sociétés offshore ou autres entités similaires, pour identifier les bénéficiaires des sociétés écrans. Il convient ensuite de concrétiser les décisions prises par le Conseil européen en matière de régulation financière, afin de parvenir à un système européen de supervision. Il faut également créer des chambres de compensation pour les produits financiers dérivés actuellement négociés de gré à gré. La proposition de résolution rejette par ailleurs la proposition de directive sur les hedgefunds. Elle demande aussi la transposition sans retard de la troisième directive anti-blanchiment.

M. Daniel Garrigue, co-rapporteur. Enfin, il convient de veiller à ne pas dépénaliser la criminalité et la délinquance financières.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Les magistrats que nous avons auditionnés ont souligné que cette dépénalisation leur enlèverait concrètement leurs moyens d’action. Si les enquêtes étaient confiées au Parquet, et non plus aux juges d’instruction, cela ne serait pas neutre. »

A la suite à ce débat, la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (COM [2008] 727 final/n° E 4096],

Vu la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (COM [2009] 29 final/n° E4264],

Vu la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (COM [2009] 28 final/n° E4267],

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE
(COM [2009] 207 final/n° E4467],

Vu la recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’accords entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Principauté d’Andorre, la Principauté de Monaco et la République de Saint-Marin, d’autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers et garantir la coopération administrative sous forme d’échange d’informations en matière fiscale et visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’un accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, pour lutter contre la fraude et l’évasion dans le domaine de la fiscalité directe et garantir la coopération administrative sous forme d’échange d’informations en matière fiscale (SEC [2009] 899 final/n° E4555),

Vu la résolution législative du Parlement européen du 24 avril 2009 sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (COM(2008)0727 – C6-0464/2008 – 2008/0215(CNS)),

Vu la déclaration du Sommet du G20 de Washington du 15 novembre 2008, sur les marchés financiers et l’économie mondiale,

Vu les déclarations du Sommet du G20 de Londres du 2 avril 2009, notamment la déclaration des chefs d’Etat et de Gouvernement sur le Plan global de relance et de réforme, et la déclaration sur le renforcement du système financier,

Vu les recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière présidé par M. Jacques de Larosière, ancien directeur général du Fonds monétaire international,

Vu les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 mars 2009,

Vu les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009,

Vu les conclusions du Conseil « Ecofin » du 9 juin 2009,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 avril 2009 « Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal » (COM [2009] 201 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 27 mai 2009 sur la surveillance financière européenne
(COM [2009] 252 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 3 juillet 2007 « Rendre les marchés de produits dérivés plus efficaces, plus sûrs et plus solides » (COM [2009] 332 final),

Considérant que les sommets précités du G20 ont permis de jeter les bases de l’indispensable refondation du système financier international, en prévoyant non seulement un renforcement de la régulation et de la supervision financières, mais aussi l’élimination des pratiques dommageables des juridictions non coopératives, y compris les paradis fiscaux et les centres offshore ;

Estimant néanmoins que la crise financière, économique et sociale est loin d’être finie et, par conséquent, qu’une mise en
œuvre insuffisante de ces orientations serait désastreuse, notamment si elle cède aux pressions de certains milieux de la finance qui souhaitent que « tout puisse recommencer comme avant » ;

Considérant ainsi que le prochain sommet, qui aura lieu à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009 aura une responsabilité d’autant plus immense qu’il devrait aussi, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent, adopter une approche très large englobant également les questions monétaires, notamment de changes et de déficits des paiements, ainsi que celle d’un juste prix pour les échanges de matières premières ;

Considérant que l’Union européenne et ses Etats membres doivent avoir, comme lors des deux précédents sommets du G20, un rôle moteur d’initiative et de proposition, en liaison notamment avec leurs principaux partenaires non européens et avec les grandes organisations financières internationales, le FMI et aussi la Banque mondiale ;

1. Considère que le prochain sommet du G20 :

a) doit prévoir une identification précise, exhaustive et complète des paradis fiscaux, centres offshore et juridictions non coopératives dans le cadre de trois listes, l’une fiscale établie par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations constitué par l’OCDE, l’autre financière et prudentielle, confiée au Conseil de stabilité financière et la troisième relative au blanchiment, établie par le GAFI ;

b) doit retenir, pour ces listes, une approche à la fois exhaustive, qui contrôle les pratiques, et pas seulement les intentions et les textes, et différenciée pour tenir compte sans amalgame de la situation de chaque pays ou territoire ;

c) doit également définir les conditions dans lesquelles ces listes devront être régulièrement mises à jour par des procédures d’évaluations mutuelles par les pairs ;


d) et surtout doit instituer des sanctions et les faire appliquer ;

2. Estime, s’agissant des questions fiscales :

a) que l’objectif doit être d’établir une transparence sans frontière la plus large possible et que l’Union européenne peut y apporter à très court terme une importante contribution en adoptant la proposition de révision de la directive « épargne », selon un dispositif renforcé suivant les orientations de la résolution précitée du Parlement européen du 24 avril dernier, ainsi que les propositions de directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal entre les Etats membres et sur l’assistance mutuelle au recouvrement ;

b) que, par conséquent, les règles actuellement prévues au sein de l’OCDE doivent être renforcées, d’une part, en relevant le nombre des conventions qui doivent être conclues, celui de douze risquant de s’avérer insuffisant à bref délai, et, d’autre part, en retenant à terme l’échange automatique d’informations comme norme internationale de transparence, plutôt que l’échange de renseignements sur demande prévu par la convention modèle OCDE de 2002 ;

c) et que la centralisation dans chaque Etat des bénéficiaires de comptes bancaires comme des bénéficiaires de fondations, trusts, sociétés offshore ou autres entités similaires doit à terme être promue comme norme universelle ;

3. Considère, s’agissant des questions prudentielles et financières :

a) que les décisions prises par le Conseil européen sur la nouvelle architecture européenne de supervision financière, directement inspirées des recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. de Larosière, constitue un indéniable progrès, à condition qu’elles soient rapidement concrétisées pour entrer en application, comme prévu, dès 2010 ;

b) que l’Union européenne doit faire valoir dans le cadre du prochain G20 cette réforme de l’architecture de la supervision financière européenne, mais que celle-ci, loin de constituer un aboutissement, doit être considérée comme une première étape en direction d’un véritable système européen de supervision unifié et intégré ;

c) que l’influence que l’Union européenne est susceptible d’exercer sur les décisions adoptées dans le cadre du G20 ne pourra continuer d’être significative que si l’Union européenne poursuit avec détermination son processus de réformes dans le sens de l’extension du champ de la régulation à l’ensemble des acteurs, marchés et produits susceptibles d’être impliqués dans des risques d’importance systémique ;

d) qu’à cet égard, il est très préoccupant de constater le retard pris en Europe sur la question de la création de chambres de compensation pour les produits financiers dérivés actuellement négociés de gré à gré ;

e) que le recours à de telles chambres doit impérativement devenir obligatoire pour tous les produits dérivés normalisés, notamment pour les produits de dérivés de crédits et de dérivés d’actions, et que l’effort préalable de normalisation de tous les produits dérivés doit être poussé le plus loin possible ;

f) que, pour ce qui concerne les fonds d’investissement alternatifs, le texte de la proposition précitée de directive relative aux gestionnaires de ces fonds n’est pas acceptable en l’état, au moins pour trois raisons : il ne distingue pas suffisamment le cas des fonds spéculatifs des autres fonds alternatifs, notamment des fonds de capital-risque dont le rôle pour le financement des entreprises est important ; il prévoit la possibilité, à l’issue d’un délai de trois ans, d’un « passeport européen » pour les fonds constitués dans les pays tiers, notamment dans les centres offshore ; et il renvoie de manière imprudente à l’adoption de mesures d’exécution selon la procédure complexe de comitologie ;

g) que les exigences de la protection de l’épargne comme des investisseurs professionnels doit amener l’Union européenne et ses Etats membres à ouvrir rapidement de nouveaux chantiers législatifs, notamment en ce qui concerne la responsabilité des dépositaires ;

4. Estime enfin que la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière exige :

a) que la transposition de la troisième « directive anti-blanchiment » intervienne sans retard supplémentaire et que la prochaine Commission européenne s’assure que son dispositif correspond bien au plus haut niveau des normes préconisées par les recommandations du GAFI ;

b) de tirer parti des possibilités offertes par le traité de Lisbonne pour aboutir à un véritable espace judiciaire pénal européen ;

c) que les autorités françaises jouent pleinement leur rôle d’initiative et de proposition dans la préparation du très prochain programme de Stockholm, notamment par la promotion de la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière comme priorité de ce programme, et donnent les moyens nécessaires au plan national comme au plan européen aux magistrats spécialisés, notamment aux juges d’instruction, et veillent à ne pas davantage dépénaliser la criminalité et la délinquance financières ;

5. Souhaite enfin que la prochaine Commission européenne soit plus réactive et prenne davantage d’initiatives sur l’ensemble de ces questions et demande ainsi :

a) au Parlement européen comme aux gouvernements des Etats membres d’y veiller lors de la désignation du prochain président comme des futurs commissaires ;

b) aux Commissions du Parlement européen d’interroger, lors des auditions préalables à leurs nominations, l’ensemble des personnalités proposées pour être commissaires, sur la lutte contre les paradis fiscaux, sur la régulation et la supervision financières, ainsi que sur la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
ET REMERCIEMENTS

Les rapporteurs tiennent à témoigner leur gratitude à l’ensemble des personnes qu’ils ont rencontrées, celles mentionnées sur la liste qui suit, comme celles auxquelles leurs obligations imposent de ne pas y figurer.

*

* *

Ø Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi :

– Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Ø Ministère de la justice :

– M. Frédéric Fèvre, directeur-adjoint du cabinet de la Garde des Sceaux (Mme Rachida Dati) ;

– Mme Delphine Dewailly, magistrat, sous-directeur de la justice pénale spécialisée à la direction des affaires criminelles et des grâces ;

– M. Stephen Almaseanu, magistrat à la direction des affaires criminelles et des grâces ;

– Mme Solène Dubois, magistrat à la direction des affaires criminelles et des grâces ;

– M. Eric Ruelle, magistrat, chargé de mission pour les négociations et la transposition des normes pénales international à la direction des affaires criminelles et des grâces.

Ø Commission européenne :

– M. Jacques Barrot, vice président, commissaire chargé des questions de justice, liberté et sécurité ;

– M. Joaquín Almunia, commissaire aux affaires économiques et monétaires ;

– M. László Kovács, commissaire à la fiscalité et à l’Union douanière ;

– M. Jean-Claude Thebault, chef de cabinet adjoint du président de la Commission européenne ;

– M. António José Cabral, conseiller spécial du président de la Commission européenne ;

– Mme Nathalie de Basaldua, chef adjoint de cabinet du commissaire au marché intérieur et services ;

– Mme Sabine Weyand, conseiller au cabinet du président de la Commission européenne ;

– M. Henning Klaus, membre du cabinet du président de la Commission européenne ;

– M. Robert Verrue, directeur général à la DG Fiscalité et Union douanière ;

– M. Michel Servoz, directeur au secrétariat généra de la Commission européenne ;

– M. Ugo Bassi, Direction générale des marchés intérieurs et des services, chef d’unité.

Ø Parlement européen :

– Mme Pervenche Berès, députée européenne ;

– M. Benoît Hamon, ancien député européen.

Ø Groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière dans l’Union européenne :

– M. Jacques de Larosière, ancien directeur général du FMI, président du groupe de travail.

Ø OCDE :

– M. Pascal Saint-Amans, chef de la division de la coopération internationale et de la concurrence fiscale.

Ø Conseil d’Etat :

– M. Pierre-François Racine, président de la section des finances.

Ø Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne :

– Mme Fanny Letier. conseillère au service des affaires financières et monétaires ;

– M. Olivier Palat, conseiller fiscal.

Ø Autorité des marchés financiers :

– M. Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre, président ;

– M. Thierry Francq, secrétaire général.

Ø Commission bancaire :

– Mme Danièle Nouy, secrétaire générale ;

– M. Henry de Ganay, directeur des services et du secrétariat juridiques de la Commission bancaire.

Ø Transparence France :

– M. Daniel Lebègue, président.

Ø Caisse des dépôts et consignations :

– M. Michel Darmedru, directeur des risques et du contrôle interne, membre du Comité de direction du Groupe Caisse des dépôts ;

– M. Richard Lanteri, adjoint du directeur juridique et fiscal du Groupe et responsable fiscal.

Ø Fédération bancaire française :

– Mme Ariane Obolensky, directrice générale.

Ø Association française de la gestion financière :

– M. Pierre Bollon, délégué général ;

– M. Stéphane Janin, directeur des affaires internationales.

Ø Paris Europlace :

– M. Arnaud de Bresson, directeur général ;

– M. Edouard-François de Lencquesaing, conseiller spécial.

Ø BNP Paribas :

– M. Henri Quintard, responsable de la sécurité financière.

Ø Autre personnalité :

– M. Renaud Van Ruymbeke, magistrat.

ANNEXE 2 :
EXEMPLES DE PUBLICITÉ SUR LES OPÉRATIONS BANCAIRES ET LES CREATIONS D’ENTITES OFFSHORE EXTRAITS D’UN MAGAZINE ECONOMIQUE BRITANNIQUE DE REFERENCE

Source : The Economist, 4 juillet 2009.

ANNEXE 3 :
ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

Rapports et documents officiels :

- Forum de stabilité financière (FSF) :

Rapport du Groupe de travail sur les centres offshore, 5 avril 2000.

- GAFI :

Rapport annuel 2007-2008, 30 juin 2008 ;

3e rapport d’évaluation mutuelle de la lutte anti-blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme :

- Belgique, juin 2005 ;

- Suisse, novembre 2005 ;

- Etats-Unis (version en anglais uniquement), juin 2006.

- OCDE :

Coopération fiscale, Vers l’établissement de règles du jeu équitables, évaluation par le Forum mondial sur la fiscalité, 2008.

- TRACFIN :

Rapport d’activité 2007, juin 2008.

- Union européenne :

Rapport du « groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière dans l’Union européenne » (présidé par M. Jacques de Larosière), publié le 25 février 2009 ;

Document de travail de la Commission européenne (DG TAXUD) présentant une évaluation économique des effets de la directive du Conseil 2003/48/CE sur la base des données disponibles (SEC(2008) 2420), accompagnant le rapport de la Commission européenne au Conseil établi en application de l’article 18 cette même directive (COM(2008) 552 final) ;

Documents de travail de la Commission européenne (DG Marché intérieur et services) accompagnant la proposition de directive relative aux gestionnaires de fonds alternatifs (COM(2009) 207 final) : étude d’impact (SEC (2009) 576) et synthèse de l’étude d’impact (SEC (2009) 577) ;

Documents de travail de la Commission européenne (DG Marché intérieur et services) accompagnant la communication du 3 juillet 2009 relative aux marchés de produits dérivés (COM(2009) 332 final) : document de consultation (SEC (2009) 905) et « staff working paper » (SEC (2009) 914).

- Royaume-Uni :

The Turner Review – A Regulatory Response to the Global Banking Crisis, Financial Services Authority (FSA), mars 2009.

- Etats-Unis :

Financial Regulatory Reform – A New Foundation : Rebuilding Financial Supervision and Regulation, Department of the Treasury, juin 2009.

- Norvège :

Tax havens and development, rapport de la commission sur la fuite des capitaux affectant les pays pauvres (président : Professeur Guttorm Schjelderup), remis à M. Erik Solheim, ministre de l’environnement et du développement international, 18 juin 2009.

Ouvrages et articles :

- Elisabeth Guigou, Je vous parle d’Europe, Seuil, 2004 ;

- Christian Chavagneux, Ronen Palan, Les paradis fiscaux, collection Repères, La Découverte, 2006 ;

- Bruno Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, Editions Francis Lefebvre, 7e édition, 2007 ;

- François Morin, Le nouveau mur de l’argent ; essai sur la finance globalisée, 2006

- Bernard Bertossa avec Agathe Duparc, La Justice, les affaires, la corruption, Fayard, 2009 ;

- Problèmes économiques, « A quoi servent les hedge funds ? », n° 2924, La Documentation française, mai 2007 ;

- Alternatives économiques, « La fin des paradis fiscaux », n° 279, avril 2009 ;

- Les Echos, 11 mai 2007, « La directive MIF transposée en droit français » ;

- La crise financière, Documents et débats n°2, Banque de France, février 2009 ;

- Libération, 30 avril 2009, entretien avec Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen ;

- Le Monde, 23 mai 2009, « La lutte contre la délinquance financière est en régression », par Nathalie Guibert et Alain Salles ;

- The Washington Post, « A New Financial Foundation », 15 juin 2009 ;

- Le Figaro, 30 juin 2009, entretien avec M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- Le Monde, 3 juillet 2009, entretien avec M. Jean-François Théodore, directeur général adjoint de NYSE-Euronext.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 ()Par exemple, au sein du vaste ensemble des marchés de gré à gré de produits dérivés, l’encours des montants pour les CDS représentait, en décembre 2008, environ 42 000 milliards de dollars, tandis que l’encours pour les dérivés de change représentait environ 50 000 milliards de dollars, et l’encours pour les dérivés de taux d’intérêt représentait plus de 418 000 milliards de dollars (source : BRI).

3 () Communication de la Commission européenne du 3 juillet 2009, « Rendre les marchés de produits dérivés plus efficaces, plus sûrs et plus solides », COM (2009) 332 final.

4 () In Revue mensuelle de l’AMF, n° 32, janvier 2007.

5 () Citée dans l’ouvrage collectif « Documents et débats : la crise financière », Banque de France, février 2009.

6 () François Morin, Le nouveau mur de l’argent ; essai sur la finance globalisée, 2006.

7 () Voir « L’Europe face à la crise financière », rapport présenté au nom de la Commission chargée des affaires européennes par M. Daniel Garrigue (rapport d’information n° 1291, 3 décembre 2008).

8 () Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, dite « directive MIF » ou, en anglais, « MiFID ».

9 () Interview de M. Jean-François Théodore, directeur général adjoint de NYSE-Euronext, Le Monde, 3 juillet 2009.

10 ()Rapport remis au ministre de l’environnement et du développement international de la Norvège en juin 2009.

11 () Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation.

12 () Le Carribean Net News.

13 () Les pays et territoires concernés sont : Bahamas, Bahreïn, Iles Caïmans, Gibraltar, Guernesey, Hong Kong, Irlande, Ile de Man, Jersey, Macao, Ile Maurice, Antilles néerlandaises, Panama, Singapour et Suisse.

14 () Ont été évalués dans ce cadre Andorre, Anguilla (territoire dépendant du Royaume-Uni), Aruba (Etat spécifique du Royaume des Pays-Bas), les Bahamas, le Belize, les Bermudes, les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans, les Iles Cook, Chypre, ainsi que Gibraltar, Guernesey, l’Ile de Man, et Jersey (territoires dépendant du Royaume-Uni), le Liechtenstein, Macao (région administrative spéciale de la Chine), la Malaisie, Monaco, Montserrat (territoire dépendant du Royaume-Uni), les Antilles néerlandaises (territoire dépendant des Pays-Bas), Palau, Panama, Samoa, les Seychelles, Turk-et-Caïcos et le Vanuatu.

15 () Sur le rôle de l’Union européenne et sur le G20 du 15 novembre 2008, voir le rapport d’information précité, présenté par M. Daniel Garrigue au nom de la commission des affaires européennes sur « L’Europe face à la crise financière ».

16 () Sauf régions administratives spéciales, qui ont simplement pris l’engagement d’appliquer les normes fiscales internationales.

17 () Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Danemark, Espagne, Etats-unis, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hong-Kong (Chine), Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume des Pays Bas, Portugal, Royaume-Uni, Singapour, Suède, Suisse, Turquie.

18 ()  Le Royaume des Pays-Bas (comprenant les Antilles néerlandaises, Aruba et les Pays-Bas) est membre du GAFI.

(5) Statut d’observateur actif.

19 () Statut d’observateur actif.

20 () Sur la composition et les travaux du FSF, voir l’encadré pp. 59-60 du rapport d’information précité de
M. Daniel Garrigue sur « L’Europe face à la crise financière ».

21 () La Federal National Mortgage Association (dite « Fannie Mae ») et la Federal Home Loan Mortgage Corporation (dite « Freddie Mac ») étaient deux organismes financiers créés par le gouvernement américain (« government-sponsored enterprises ») mais dotés jusqu’en 2008 d’un actionnariat privé et cotés en Bourse. Créés pour fournir des liquidités au marché des hypothèques résidentielles, ce qui abaissait les taux d’emprunt et favorisait l’accès à la propriété, elles ont effectué une grande part de la titrisation des créances hypothécaires du crédit « subprime », et ont, ce faisant, exercé un fort effet de levier. En septembre 2008, « Fannie Mae » et « Freddie Mac » ont dû être placés sous contrôle public.

22 () Article « A New Financial Foundation », in The Washington Post, 15 juin 2009.

23 () Le Livre blanc « Financial Regulatory Reform – A New Foundation : Rebuilding Financial Supervision and Regulation » peut être consulté sur le site Internet consacré à cette réforme créé par le Department of the Treasury (www.financialstability.gov).

24 () Lorsqu’un Etat rehausse le bénéfice imposable d’une entreprise en corrigeant les prix de transferts, l’opération symétrique doit en effet être effectuée dans l’autre Etat concerné. Si tel n’est pas le cas, le montant du redressement est imposé dans les deux pays (double taxation).

25 () Communication de la Commission européenne « Surveillance financière européenne », 27 mai 2009 (COM (2009) 252 final).

26 () Directive n° 85/611/CEE du Conseil portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), plusieurs fois modifiée.

27 () Voir plus haut (Première partie, pp.21 et suivantes )

28 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/…/CE (COM (2009) 207 final/E4467).

29 () Entretien publié dans Libération, 30 avril 2009.

30 () Chiffres donnés par « Les Echos », 3 juillet 2009.

31 () Intervention de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF, dans le cadre d’une conférence sur les hedge funds (Bruxelles, 26 février 2009).

32 () Le texte de ce courrier est publié par la Commission européenne sur le site de la DG Marché intérieur :

http://ec.europa.eu/internal_market/financial-markets/docs/derivatives/2009_02_17_isda_letter_en.pdf.

33 () Communication de la Commission européenne du 3 juillet 2009 « Rendre les marchés de produits dérivés plus efficaces, plus sûrs et plus solides » (COM (2009) 332 final).

34 () Le commissaire Charlie McCreevy a déclaré le 26 juin 2009 que « si l’industrie n’est pas capable de respecter sa promesse, nous devrons considérer d’autres manières d’inciter à l’utilisation d’une chambre de compensation centrale pour les contrats d’échange contre le risque de crédit ».

35 () Analyse de Me Stéphane Bénézant, « La directive MIF transposée en droit français », Les Echos, 11 mai 2007.

36 () Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres.

37 () Décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil, du 22 juillet 2003, relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.

38 () Décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires.

39 () Décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil, du 6 octobre 2006, relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation.

40 () Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne.

41 () Décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution.

42 () Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne, la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne.

43 () Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France.

44 () Le taux a été de 15 % jusqu’au 1er juillet 2008, est de 20 % depuis et sera de 35 % après le 1er juillet 2011.

45 () Toutefois, les citoyens percevant des intérêts dans les trois Etats membres concernés peuvent choisir, à titre individuel, l'échange d'informations, auquel cas aucune retenue à la source n'est alors prélevée.

46 () Anguilla, Aruba, les îles Vierges britanniques, les Iles Caïmans, Guernesey, l’Ile de Man, Jersey, Montserrat, les Antilles néerlandaises, ainsi que les Iles Turks-et-Caicos.

47 () Décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales.