Laurent BONNEVAY

 

BONNEVAY (Laurent, Marie, Benoît)

Né le 28 juillet 1870 à Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône)

Décédé le 28 mai 1957 à Lyon (Rhône)

 

Député du Rhône de 1902 à 1924 et de 1928 à 1942

Sénateur du Rhône de 1924 à 1927

Ministre de la justice du 16 janvier 1921 au 15 janvier 1922

 

Laurent Bonnevay était le fils de Jacques Bonnevay avoué et conseiller général du Rhône qui fut l'un des chefs du parti républicain de la région, à la fondation de la Troisième République. Il obtint sa licence en droit et s'inscrivit comme avocat à la Cour d'appel de Lyon en 1893. Premier secrétaire de la conférence, il y acquit rapidement une certaine notoriété et, en 1896, reçut le prix Mathevon. Mêlé de bonne heure à la politique locale, il débuta dans la vie publique en 1900 comme conseiller municipal. II prit aussitôt la tête de l'opposition républicaine progressiste et devint l'adversaire irréductible du maire de l'époque, le docteur Augagneur.

Conseiller général du Rhône en 1904 il se vit confier la présidence de l'Assemblée départementale de 1934 à 1942 et de 1951 à 1957. Il put exercer au sein de cette sage Assemblée ses qualités d'administrateur. Il se fit, bien avant que l'État s'en préoccupât, l'avocat des vieux travailleurs et des mères délaissées.

Candidat pour la première fois aux élections législatives de 1902, dans la deuxième circonscription de Villefranche-sur-Saône, il fut élu au premier tour de scrutin, le 22 avril, par 11 094 voix contre 10 104 à M. Palix, député sortant.

Cette première élection marqua le début d'une carrière parlementaire qui devait se poursuivre pendant plus de quarante ans. Laurent Bonnevay fut réélu le 6 mai 1906 avec 11 915 voix sur 21 952 votants ; le 24 avril 1910 avec 12 210 voix sur 20 880 votants ; le 26 avril 1914 avec 10 203 voix sur 20 436 votants. En 1919, le scrutin de liste ayant été rétabli, c'est lui qui recueillit le plus grand nombre de voix sur la liste de l'Union des comités républicains, bien qu'il n'y figurât qu'en seconde position. Il fut réélu le 16 novembre avec 59 450 voix sur 156 075 votants.

Élu sénateur le 13 avril 1924, en remplacement de M. Ruffier décédé, par 389 voix sur 764 votants, il abandonna pendant quelques années le Palais-Bourbon pour le Palais du Luxembourg. Il ne se représenta pas aux élections sénatoriales de 1927 et après un bref repos, retrouva son siège de député aux élections générales du 22 avril 1928 par 10 107 voix sur 18 571 votants. Réélu le 1er mai 1932 avec 10 149 voix sur 16 953 votants, il le fut également le 26 avril 1936, avec 8 613 voix sur 16 833 votants. Le 10 juillet 1940, lors de la séance de l'Assemblée nationale de Vichy, il fut l'un des 80 députés qui refusèrent la délégation des pouvoirs constitutionnels au maréchal Pétain.

Délégué à l'Assemblée consultative provisoire au titre de la Chambre des députés, il ne brigua plus de mandat parlementaire après 1945 et se retira à Lyon où il continua d'exercer son mandat de conseiller général.

Laurent Bonnevay s'était inscrit, dès son arrivée à la Chambre des députés, au groupe Progressiste. Cette position l'amena à se prononcer contre la séparation des Eglises et de l'État en 1905. Il fit partie par la suite du groupe de l'Entente démocratique, du groupe des Républicains de gauche et enfin du groupe des Républicains de gauche et radicaux-indépendants. Au Sénat de 1924 à 1927, il s'inscrivit au groupe de l'Union républicaine.

Il fut en 1902, membre des Commissions de l'agriculture et des sociétés d'assurances ; en 1906, membre des commissions du travail, des assurances et de l'administration générale, en 1910 et 1914, président de la Commission d'assurance et de prévoyance sociales tout en continuant d'appartenir à ta Commission de l'administration générale. De 1920 à 1942, il appartint régulièrement à la Commission des finances. Il retrouva son siège dans cette Commission en 1944. Il siégea également au cours de la législature 1928-1932, aux commissions des affaires étrangères et de la législation civile et criminelle et présida avec son intégrité habituelle la Commission d'enquête chargée de rechercher les origines des événements du 6 février 1934.

Cette énumération ne serait pas complète si l'on ne signalait que Laurent Bonnevay fut en outre membre du comité consultatif des assurances sur la vie (1902-1906), membre du Conseil supérieur des retraites ouvrières (1910-1914), secrétaire de la Chambre des députés de 1905 à 1906 ; il refusa de poser à nouveau sa candidature à ces fonctions en 1907.

Pendant les 40 ans de sa vie parlementaire, Laurent Bonnevay intervint sur tous les sujets tant en commission qu'en séance publique. Il est impossible de rapporter dans le détail une pareille activité, aussi semble-t-il préférable de signaler les principaux problèmes auxquels il s'intéressa.

Très préoccupé par les questions sociales et ouvrières, il a laissé son nom à la première loi sur les habitations à bon marché, la loi du 23 décembre 1912 dont il fut le rapporteur en séance publique. Il fut plus tard président de l'office des HLM du Rhône et dernièrement une stèle fut inaugurée à sa mémoire à l'occasion de la construction d'un vaste immeuble d'HLM à Bron-Parilly.

Il ne cessa après le vote de cette loi d'en réclamer l'application et intervint dans la plupart des discussions relatives aux loyers, au logement des familles nombreuses (1912), à l'élévation du prix des loyers (1913), aux baux et aux loyers pendant la guerre (1916).

Devenu Garde des Sceaux le 16 janvier 1921 dans le septième cabinet Briand, il soutint devant les Chambres son projet de loi sur le règlement définitif du problème des loyers qui devait s'appliquer jusqu'en 1948. Toujours dans le domaine social il s'intéressa aux retraites ouvrières et exposa à ce sujet son point de vue en 1906. Il prit la parole à propos de l'assistance aux vieillards (1903), l'assistance médicale gratuite (1908), les œuvres d'assistance maternelle, l'aide aux familles nombreuses. Mutualiste convaincu, il présida plusieurs sociétés de secours mutuels et donna dans le Sud-Est de nombreuses conférences en faveur de la mutualité. Il intervint à la tribune à ce sujet à plusieurs reprises. Il déposa également de nombreuses propositions de loi relatives aux assurances et intervint en séance publique à propos de l'interdiction de l'assurance-décès des mineurs de moins de 7 ans (1905), du contrôle et de la surveillance des sociétés d'assurances sur la vie (1905).

Dès le début de la guerre de 1914-1918, il déposa des propositions de loi pour faciliter le retour à la vie civile des soldats ou aider les veuves de guerre. Partisan d'une réforme du fonctionnement et de la composition des Assemblées parlementaires, il proposa à plusieurs reprises de diminuer le nombre des députés et des sénateurs, d'exiger le vote personnel, et de revenir à la représentation proportionnelle.

Il intervint dans toutes les discussions d'ordre fiscal notamment lors de la création de l'impôt cédulaire (1917). Il participa à tous les débats budgétaires et rapporta régulièrement le budget de la justice à partir de 1933.

Juriste, il intervint dans les discussions sur différents projets d'amnistie, présenta un rapport sur l'organisation judiciaire et déposa plusieurs propositions de loi sur l'insaisissabilité des salaires et des traitements.

Parallèlement à cette activité parlementaire intense, il collabora à L'Express républicain de Lyon, au Mutualiste lyonnais et à la Revue des questions ouvrières et d'économie sociales de Lyon. Il publia différentes études sociologiques, notamment : Le Tisseur en boutique de Saint-Nizier d'Azergues, Le Home-stead et Les ouvrières lyonnaises travaillant à domicile, ouvrage couronné par la société d'économie politique de Lyon. On lui doit également une Histoire politique et administrative du département du Rhône.

Il mourut à Lyon le 28 mai 1957 à 87 ans après avoir servi pendant un demi-siècle son pays et son département avec la même ferveur et la même fidélité. Sa disparition suivit de peu celle d'Edouard Herriot, son adversaire politique, mais aussi son collègue au Conseil général pendant de longues années. Les deux hommes, bien qu'ils fussent séparés par bien des divergences politiques, avaient de nombreux points communs. Tous deux étaient des bâtisseurs et avaient le souci du progrès moral et matériel de leurs concitoyens.

Pendant l'occupation, alors qu'Edouard Herriot était en résidence surveillée, Laurent Bonnevay continua de lui témoigner ouvertement sa sympathie.

Il a laissé le souvenir d'un homme intègre et d'un bon républicain. Il avait le génie des formules saisissantes et disait de lui : "Je suis un républicain modéré mais non modérément républicain".

Laurent Bonnevay était officier de la Légion d'honneur et titulaire de la Rosette de la Résistance.