Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2010

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2009.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération
établissant un partenariat entre les
Communautés européennes
et leurs
États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes
.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d’autoriser la ratification de l’accord de partenariat et de coopération (APC) signé le 25 mai 1998 à Bruxelles entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part.

Cet accord porte à la fois sur des matières relevant de la compétence communautaire, telles ses stipulations commerciales, et sur des matières relevant, au moins pour partie, de celles des États membres, telles ses stipulations en matière de dialogue politique et de coopération judiciaire en matière pénale. Il s’agit en conséquence d’un accord mixte qui doit, pour entrer en vigueur, être également approuvé ou ratifié par les États membres.

Conclu pour une durée de 10 ans renouvelable par tacite reconduction d’année en année, cet accord remplacera l’accord de commerce et de coopération signé avec l’ancienne Union soviétique le 18 décembre 1989 (entré en vigueur le 1er avril 1990) au titre duquel un comité joint se réunit notamment une fois par an (article 22).

L’APC fait référence, dans son article 2, au respect de la démocratie et des droits fondamentaux de l’homme, comme des éléments essentiels. Il contient également des clauses sur la lutte contre le terrorisme et les armes de destruction massive.

L’article 100 de l’accord précise que la date d’entrée en vigueur de cet accord sera le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle toutes les parties consentantes auront notifié au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne l’accomplissement de leurs procédures d’approbation.

Les dispositions relevant de la compétence communautaire auraient dû entrer en vigueur par anticipation, dans le cadre d’un accord intérimaire signé le 24 février 1998 à Bruxelles et destiné à couvrir la période précédant l’entrée en vigueur de l’APC. Cet accord concerne le commerce et les mesures connexes au commerce. La commission des affaires étrangères a adopté un avis sur l’accord intérimaire le 26 mai 2000 (mais la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, compétente au fond, a décidé de ne pas donner suite à son rapport, en raison de la situation des droits de l’homme). Cette décision a été confirmée par les résolutions adoptées en séance plénière en mars 2001 et octobre 2003.

Dans le même temps, le Parlement européen, dont l’accord est requis, pour procéder à la ratification de l’accord de partenariat et de coopération signé le 25 mai 1998, a approuvé un projet de résolution, à l’automne 2006, stipulant que la ratification de cet accord ne devait pas être examinée pour le moment.

Ceci étant, des changements internes significatifs sont intervenus suite à la mort du Président Niyazov, le 21 décembre 2006. Par ailleurs, l’Union européenne et les États membres mettent en œuvre la Stratégie de l’UE pour l’Asie centrale adoptée par le Conseil européen de juin 2007, qui vise à renforcer les liens entre l’UE et les cinq ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale. Ce nouveau contexte a conduit le Conseil, fin décembre 2008, à demander un rapport des chefs de mission sur la situation des droits de l’homme dans le pays, dont les conclusions seront transmises pour avis au Parlement européen, afin qu’il puisse se prononcer sur l’opportunité de l’entrée en vigueur de l’accord intérimaire.

Il ressort notamment de ce rapport que les réformes engagées par le Président G. Berdymouhamedov gardent un caractère erratique et inachevé, mais que, pour permettre la concrétisation des velléités de réformes turkmènes et contribuer concrètement à l’amélioration du respect des libertés individuelles et collectives dans le pays, l’Union européenne ne devrait pas mener une politique d’isolement. La qualité du dialogue instauré depuis la mise en œuvre de la Stratégie de l’UE, en particulier à travers les activités du Représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale, encourage à poursuivre sur la voie d’une coopération exigeante répondant à la nouvelle disponibilité des autorités turkmènes.

Le Parlement européen a finalement donné le 22 avril dernier un avis favorable à la conclusion de l’accord intérimaire avec le Turkménistan sur le commerce et les mesures d’accompagnement.

À cette date, douze des quinze États membres de l’UE signataires de l’accord ont procédé à sa ratification. Un simple protocole de ratification sera nécessaire pour les États membres ayant adhéré à l’UE après 2004. De son côté, le Turkménistan a ratifié cet accord le 11 février 2004.

1° Contenu de l’accord :

Le texte de l’accord est très proche des autres accords de partenariat et de coopération signés avec les États de la CEI.

Son article 1er en expose les objectifs :

– soutenir l’indépendance et la souveraineté du Turkménistan ;

– soutenir les efforts accomplis par la Turkménistan  pour consolider sa démocratie, développer son économie et son infrastructure sociale et mener à son terme son processus de transition vers une économie de marché ;

– fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties afin de permettre le développement de relations politiques étroites entre elles ;

– promouvoir les échanges et les investissements, en particulier dans le secteur énergétique, et les relations économiques harmonieuses entre les Parties afin de favoriser leur développement économique durable ;

– jeter les bases d’une coopération dans les domaines législatifs, économique, social, financier, scientifique civil, technologique et de la coopération culturelle.

2° Préambule et principes généraux :

– le préambule souligne « l’importance capitale de l’État de droit et du respect des droits de l’homme, notamment de ceux des personnes appartenant à des minorités » ; il reconnaît et soutient « la volonté du Turkménistan d’établir une coopération étroite avec les institutions européennes », la volonté des parties de promouvoir la paix et la sécurité internationale et le règlement pacifique des conflits, de renforcer les libertés politiques et économiques qui « constituent la base même du partenariat », d’encourager les processus de coopération régionale. Il reconnaît que « le soutien de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Turkménistan contribue à sauvegarder la paix et la stabilité en Asie centrale ». Il rappelle également que l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu le statut de neutralité permanente déclarée par le Turkménistan, et exprimé son soutien à ce statut ;

– il est établi un lien (titre Ier, article 2) entre le respect de la démocratie et des droits fondamentaux de l’homme, ainsi que des principes de l’économie de marché qui « constituent les éléments essentiels du partenariat » et la pleine mise en œuvre de l’accord. Dans l’hypothèse d’une violation desdits éléments, la Communauté pourra, en vertu des dispositions de l’article 94 et de la déclaration commune relative à cet article, prendre les mesures appropriées en cas d’urgence spéciale, pouvant aller jusqu’à la suspension de l’accord. L’accent est également mis (article 3) sur la nécessité de maintenir et développer la coopération régionale entre les États issus de l’ex-URSS ainsi que des relations de bon voisinage.

Dialogue politique (titre II)

Les objectifs du dialogue politique sont les suivants :

– renforcer les liens entre le Turkménistan et l’UE ;

– accroître la convergence de positions sur les problèmes internationaux, favorisant ainsi la sécurité et la stabilité dans la région ;

– coopérer dans les domaines concernant le respect des principes de la démocratie et le respect des droits de l’homme, notamment ceux des personnes appartenant à des minorités.

Les modalités d’exercice de ce dialogue politique sont prévues dans les dispositions institutionnelles, générales et finales (titre XI, articles 77 et suivants) :

– au niveau ministériel, le dialogue se déroulera dans le cadre d’un Conseil de coopération, assisté d’un comité de coopération au niveau des hauts fonctionnaires, qui se réuniront une fois par an ;

– une commission parlementaire de coopération se réunira également, associant membres du Parlement tadjik et membres du Parlement européen. L’article précise en outre que le dialogue politique peut se dérouler sur une base régionale.

Échanges de marchandises (titre III)

Il s’agit d’un accord non préférentiel, sans clause évolutive vers la création d’une zone de libre-échange. Les parties s’octroient mutuellement le statut de la nation la plus favorisée. Pendant un période transitoire de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, le Turkménistan pourra toutefois accorder un traitement plus avantageux aux autres États nés de la dissolution de l’URSS. L’accord prévoit également la liberté de transit et interdit toute restriction quantitative aux échanges. Le commerce des matières nucléaires est régi par les dispositions du traité Euratom, sans préjudice d’un éventuel accord spécifique à conclure en la matière entre la Communauté européenne de l’énergie atomique et le Turkménistan.

Une clause de sauvegarde analogue à celle du GATT permet aux parties de se consulter et de prendre des mesures appropriées lorsque les importations augmentent dans des conditions et des quantités telles qu’elles soient de nature à porter préjudice aux producteurs nationaux. Des mesures anti-dumping ou compensatoires peuvent également être prises.

Commerce et investissements (titre IV)

– emploi (chapitre Ier) : l’objectif de l’accord est d’éviter toute discrimination d’une des parties en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement à l’égard des ressortissants de l’autre partie légalement employés sur son territoire ;

– établissement et activité des sociétés (chapitre II) : le Turkménistan accorde le traitement national ou le statut de la nation la plus favorisée (selon le régime le plus favorable) ; la Communauté accorde le traitement de la nation la plus favorisée pour l’établissement des sociétés turkmènes et le traitement national pour leurs activités ;

– services (chapitre III) : l’accord encourage la libéralisation progressive des services transfrontaliers ; des dispositions particulières régissent les transports maritimes internationaux (article 29) ;

– paiement courant et capitaux (chapitre IV) : le transfert de paiements et de capitaux est libre, notamment s’il est lié à des opérations commerciales ou à des investissements directs.

– propriété intellectuelle, industrielle et commerciale (chapitre VI) : le Turkménistan doit s’efforcer d’améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale et d’atteindre, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord, un niveau de protection similaire à celui de la Communauté, y compris les moyens prévus pour assurer le respect de ces droits.

Domaines de coopération (titre V à X)

– législative (titre V) : les parties conviennent d’œuvrer au rapprochement de leur législation, condition importante du renforcement de leurs liens économiques ; l’Union fournira une assistance technique à cette fin, notamment dans les secteurs suivants : douanes , services bancaires , comptabilité et fiscalité, protection des travailleurs, propriété intellectuelle, services financiers, environnement, marchés publics, vie des personnes, protection des animaux et végétaux, normes, transports et matières nucléaires ;

– économique (titre VI) : la coopération vise à favoriser la réforme économique, la reconstruction et le développement durable au Turkménistan ; elle concerne de nombreux secteurs : échanges de biens et services, promotion des investissements, coopérations industrielles, marchés publics, matières premières, sciences et technologie, éducation et formation, agriculture, énergie, environnement et santé, transports, services postaux et communications électroniques, services financiers, développement régional, secteur social, tourisme, petites et moyennes entreprises, information, protection des consommateurs, douanes (un protocole d’assistance mutuelle est joint à l’accord), statistiques et sciences économiques, restructuration et privatisation des entreprises ;

– démocratie et droits de l’homme (titre VII) : la coopération concerne toute question relative à l’établissement et au renforcement des institutions démocratiques, notamment celles requises pour renforcer l’État de droit et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– prévention des activités illégales et contrôle de l’immigration clandestine (titre VIII) : la coopération couvre le domaine économique, y compris la corruption et les transactions illégales portant sur les marchandises (déchets industriels ; armes), la contrefaçon. Elle porte également sur le blanchiment d’argent, la lutte contre la drogue, et l’immigration clandestine ;

– culturelle (titre IX) : les parties s’engagent à promouvoir la coopération culturelle ;

– financière en matière d’assistance technique (titre X) : le Turkménistan bénéficie d’une assistance technique de la Communauté (Tacis puis Instrument de coopération au développement à compter de 2007).

3° Portée de l’accord et intérêt pour la France

À travers la signature de cet accord, l’Union européenne entend renforcer sa présence en Asie centrale, région pour laquelle une Stratégie prévoyant un renforcement du dialogue politique et de la coopération a été adoptée en juin 2007 par le Conseil européen. Il est de l’intérêt de l’UE de contribuer à l’ouverture et à la démocratisation de ce pays, tout en s’efforçant de proposer un modèle de développement différent du modèle russe.

Il est tout aussi important que l’Union puisse développer ses relations commerciales et accéder aux ressources énergétiques de la région. À ce titre, les réserves d’hydrocarbures (gaz) du Turkménistan sont conséquentes et font d’Achgabat un partenaire important en matière de sécurité énergétique pour l’UE. D’après des audits récents, les réserves gazières du Turkménistan le classeraient au 3e ou 4e rang mondial. Actuellement, l’ensemble du gaz turkmène transite vers l’Europe par les gazoducs russes. La diversification des voies d’approvisionnement du gaz turkmène est directement liée au projet NABUCO.

Une déclaration unilatérale du gouvernement français concerne l’exclusion des PTOM du champ d’application de l’accord, en vertu du traité instituant la Communauté européenne.

Pour la France, cet accord permettra de renforcer notre coopération économique dans un pays qui s’ouvre aux investissements étrangers et qui accueille d’ores et déjà les activités de sociétés françaises importantes.

Il permettra de renforcer le dialogue politique avec un pays dont la situation géostratégique, à la frontière de l’Iran et de l’Afghanistan en particulier, en font un acteur incontournable de la stabilisation de la région.

Alors que le pays met en œuvre prudemment des réformes démocratiques, l’accord permettra de mieux l’accompagner dans ce processus difficile en coopérant au mieux autour de menaces et enjeux communs : trafic de stupéfiants, radicalisation religieuse, diversification énergétique, droits de l’homme.

L’accord permettra de coopérer, dans les mêmes conditions qu’avec les quatre autres pays d’Asie centrale, et de maintenir ainsi une approche équilibrée.

*

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan d’autre part qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part (ensemble cinq annexes, un protocole et un acte final), signé à Bruxelles le 25 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 4 novembre 2009.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et européennes


Signé :
Bernard KOUCHNER


© Assemblée nationale