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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du protocole n° 14 bis à la convention européenne

de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales,

amendant le système de contrôle de la convention

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ETUDE D’IMPACT

I - Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention :

La Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après « la Cour ») connaît depuis plusieurs années de grandes difficultés pour faire face au nombre toujours croissant de requêtes portées devant elle. Pour remédier à cette situation, une réflexion a été menée au niveau du Comité des ministres et du Comité directeur pour les droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, qui a abouti à l’élaboration d’un Protocole n° 14 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (« ci-après, « la Convention »).

Signé par la France le 13 mai 2004, et approuvé par la loi n° 2006-616 du 29 mai 2006, le Protocole n°14 n’a cependant pu entrer en vigueur depuis cette date, du fait du refus russe de le ratifier. Ce blocage a donc détérioré encore davantage la situation à laquelle la Cour est confrontée, compte tenu :

- de l’afflux accéléré de nouvelles requêtes et de l’augmentation constante du nombre d’affaires en attente : 108 350 affaires pendantes au 30 juin 2009, soit une augmentation de 11 % depuis le 1er janvier 2009, le nombre d’affaires en stock ayant déjà progressé de 23 % au cours de l’année 2008 ;

- du temps considérable de travail consacré au filtrage des requêtes dont pourtant une grande part est jugée comme irrecevable et une autre part comme répétitive c’est-à-dire pour laquelle la jurisprudence de la Cour est bien établie. Ainsi, dans le premier cas en 2008, sur 32 045 requêtes jugées, 30 164 ont fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité ou de radiation ; ces chiffres s’élevaient respectivement à 28 784 et 27 059 en 2007. Dans le deuxième cas, en 2008, 70% environ des arrêts de la Cour ont été identifiés comme étant de faible importance, essentiellement relevant d’affaires répétitives.

En attendant l’entrée en vigueur du Protocole n° 14, les Etats parties à la Convention sont convenus d’adopter, en tant que dispositif intérimaire et provisoire, un Protocole n° 14 bis limité aux mesures d’ordre procédural contenues dans le Protocole n° 14 :

- l’augmentation de la capacité de filtrage par l’octroi à un juge unique de la compétence de déclarer une requête individuelle irrecevable ou de la rayer du rôle. Les juges uniques seront assistés dans cette tâche de rapporteurs non judiciaires faisant partie du greffe ; au sein du greffe les fonctions nouvelles de rapporteur pouvant se cumuler avec celles préexistantes de juriste ;

- l’augmentation de la capacité de traitement des affaires répétitives par l’élargissement du champ de compétences des comités de trois juges. Ces derniers seront désormais habilités non seulement à décider de la recevabilité mais aussi du fond d’une requête lorsque la question à l’origine de l’affaire fait l’objet d’une jurisprudence bien établie par la Cour.

Dans la mesure où il ne nécessite que le consentement de trois Etats membres pour entrer en vigueur (à la différence du Protocole n°14, qui exigeait un consensus), le Protocole n°14 bis devrait rapidement commencer à s’appliquer, et permettre l’amélioration du contrôle juridictionnel opéré par la Cour, et, plus largement, de la protection des droits garantis par la Convention dans l’ensemble des Etats parties au Conseil de l’Europe.

II – Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention :

• Conséquences financières :

Le Protocole n°14 bis reprend les dispositions du Protocole n°14 prévoyant l’instauration d’une fonction de rapporteur pour assister les juges siégeant en formation de juge unique. Il résulte néanmoins des informations fournies par la Cour que ces nouvelles fonctions seront exercées par des membres du greffe déjà en poste, aucune augmentation du personnel induite par ces réformes procédurales n’étant prévue.

Les autres dispositions de ce protocole (formations de juge unique et champ de compétences des comités à trois juges) ne sont que des adaptations de procédure interne qui n’ont pas de conséquences financières.

• Conséquences juridiques :

Pour le requérant

Réformant les procédures de la Cour européenne des droits de l’Homme (nouvelles compétences des comités de trois juges et nouvelles formations à juge unique), les dispositions du protocole sont destinées à permettre à cette juridiction de faire face à l’afflux du contentieux, en renforçant sa capacité de filtrage des requêtes. Elles offrent, en effet, les moyens procéduraux et la flexibilité nécessaires pour réduire le temps consacré aux requêtes manifestement irrecevables et pour juger rapidement celles ne présentant aucune difficulté, permettant ainsi de meilleures conditions d’étude des autres affaires.

Pour l’heure, même si les gains de productivité peuvent être difficilement évalués préalablement avec une très grande précision, en raison du caractère nécessairement irrégulier et imprévisible du flux contentieux, ainsi que de l’importance et de l’hétérogénéité du stock d’affaires, le Conseil de l’Europe, dans ses travaux préparatoires repris dans le rapport explicatif du Protocole 14 bis estime que « la procédure du juge unique et du comité de trois juges pour les affaires répétitives, pourrait accroître l’efficacité de la Cour de 20 à 25% ».

En droit interne

Les innovations contenues dans le Protocole n°14 bis n’impliquent pas de modification du droit interne.

III - Historique des négociations

Alors que l’entrée en vigueur du Protocole n°14 était espérée avant la fin de l’année 2006 et que la Cour s’était préparée à s’organiser au plus vite selon les nouvelles procédures, la Douma d’Etat a refusé, le 20 décembre 2006, d’autoriser la ratification de ce texte (alors pourtant que la Russie l’avait préalablement signé). Au-delà des considérations politiques en jeu, les difficultés juridiques qui semblent avoir plus spécialement motivé le vote de la Douma tiennent à l’extension automatique du mandat des juges en place et au prétendu risque d’arbitraire dans l’interprétation du nouveau critère de recevabilité prévu par le Protocole n°14, intervenant lorsque le requérant n’a subi aucun préjudice important.

Le Protocole 14 bis a donc repris à l’identique les seules stipulations du Protocole 14 concernant les nouvelles formations à juge unique ainsi que les nouvelles compétences des comités de trois juges. Au cours de la négociation, la Russie n’a jamais manifesté d’hostilité à ce texte. Celui-ci a été adopté à l’unanimité par les Etats membres lors de la 119ème session ministérielle du Conseil de l’Europe, le 12 mai 2009, et ouvert à la signature à compter du 27 mai 2009.

IV - Etat des signatures et ratifications

A la date d’actualisation de cette fiche (4 septembre 2009), le Protocole a été :

- signé sans réserve de ratification par le Danemark, la Norvège, l’Irlande et l’Islande ;

- signé et ratifié par la Slovénie, Monaco et la Géorgie ;

- signé par la France (le 27 mai 2009), l’Espagne, le Luxembourg, Saint-Marin, l’Autriche.

Les conditions préalables à l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 bis (consentement de trois Etats) étant désormais remplies, celui-ci entrera en vigueur, selon les règles posées à son article 6.1, le 1er octobre 2009, pour les requêtes concernant le Danemark, la Norvège et l’Irlande (puis, le 1er novembre suivant, pour celles concernant l’Islande, Monaco et la Slovénie, et le 1er janvier 2010 pour celles concernant la Géorgie).

Pour les requêtes concernant la France, le texte pourra donc entrer en vigueur selon les règles posées à son article 6.2, soit le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date de l’expression du consentement à être lié par le Protocole.


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