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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine

de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones

protégées ou d’intérêt patrimonial

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

1° Le problème de l’orpaillage clandestin, propre à la région frontalière Guyane/Brésil, est particulièrement préoccupant :

Le nombre d'opérateurs illégaux a très largement dépassé le nombre d’opérateurs légaux et les opérateurs illégaux utilisent du mercure pour amalgamer l’or. (Cette technique est interdite en France depuis le 1er janvier 2006).

On estime à 1 333 km les cours d’eau directement impactés (ONF 2006), et à 12 000 ha la surface de forêt guyanaise directement impactée (ONF 2006). 3 000 à 15 000 travailleurs clandestins « exercent » sur les camps d’orpaillage. Il existe plus de 500 chantiers illégaux.

3 tonnes d’or ont été produites et déclarées légalement en 2003, alors que plus de 9 tonnes ont été exportées de Guyane et déclarées aux douanes cette année-là. Environ 10 tonnes d’or seraient extraites annuellement par les clandestins et 5 tonnes de mercure rejetées chaque année dans le milieu naturel. Or la Guyane recèle encore un potentiel aurifère important : 120 tonnes en or primaire, et encore 15 à 20 ans de gisement alluvionnaire au rythme de son exploitation actuelle.

Sur le plan environnemental, le mercure est rejeté dans le milieu et provoque un phénomène de bioaccumulation dans les poissons qui sont ensuite consommés par les populations amérindiennes. L’orpaillage illégal provoque également une très forte augmentation des matières en suspension dans les cours d’eau, qui conduit à un phénomène d’asphyxie des criques avec des conséquences importantes sur la faune et la flore aquatiques. Contrairement aux opérateurs légaux, les clandestins ne réhabilitent pas les zones orpaillées, ce qui provoque un grave problème de déforestation, et de très importantes modifications du lit des cours d'eau.

Par ailleurs, les opérateurs illégaux se sont développés notamment au coeur du parc national, phénomène qui induit un problème pour la politique nationale des espaces protégés et met en doute la crédibilité de la France au niveau international.

Les conséquences en termes de santé publique sont inquiétantes : on décèle un taux d’imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS chez plus de 70 % des enfants amérindiens Wayanas du Haut-Maroni (Inserm, 1998).

2° Les réponses apportées au problème de l’orpaillage clandestin sont pour le moment insuffisantes.

Sur le plan juridique, les orpailleurs clandestins relèvent d’une part du droit commun (code pénal et de procédure pénale et infractions de droit commun), d’autre part d’un droit spécial (Code minier - article 141-1 modifié par loi n° 2009-594 pour le développement économique de l’Outre-mer, promulguée le 27 mai 2009). Dans les faits, il s’agit de contentieux très lourds qui impliquent des actions spécifiques (opérations ANACONDA puis HARPIE). Le contentieux de l’orpaillage est à l’origine de toute une délinquance « collatérale » de droit commun : immigration clandestine, meurtres, prostitution, trafic d’arme, trafic de stupéfiants. En outre, les faits constitutifs sont situés au cœur de la forêt amazonienne, entraînant des difficultés considérables pour les constatations et pour appréhender les auteurs. Enfin, les enquêteurs doivent faire face de la part des auteurs présumés à des réactions de violence systématiques, les orpailleurs clandestins n’hésitant pas à faire usage des armes. Les actions menées en réponse nécessitent de la part de la gendarmerie et de l’armée des mesures de vive force dans un contexte géographique très hostile (opération HARPIE).

Sur le plan des moyens, les difficultés sont liées à la nature du contentieux : la plupart des faits sont commis par des personnes en situation irrégulière et mal identifiées, ce qui est souvent lié au contexte géographique local. Au total, 149 opérations de lutte contre l’orpaillage illégal ont été menées entre les mois de février et de juin 2008, conduisant à l’interpellation de 156 personnes dont 140 sur les sites illégaux. Le bilan des saisies et destructions réalisées a atteint la somme de 19 millions d’euros (pour mémoire ce montant s’élevait à 23 millions sur l’année 2007). Le phénomène de l’orpaillage illicite induisant une activité délinquante multiforme, les contrôles renforcés liés à l’opération HARPIE ont généré 525 procédures concernant 941 personnes. Les qualifications les plus fréquemment relevées furent les suivantes : exploitation illégale d'un site aurifère, complicité d’exploitation aurifère illicite, entreprise dissimulée de piroguiers rémunérés sans déclaration, séjour irrégulier, contrebande de marchandise fortement taxée.

Au final, 676 personnes mises en cause ont fait l’objet d’un rappel à la loi, 74 personnes ont été poursuivies par convocation par officier de police judiciaire. 38 personnes ont été présentées au parquet (34 pour une comparution immédiate ou une convocation par procès-verbal, et 4 avant saisine du juge d’instruction). 7 réquisitoires introductifs contre X ont été ouverts. Il n’y a eu aucune mesure de composition pénale. 408 personnes ont été reconduites à la frontière. 53 personnes ont été interpellées sur commission rogatoire, 28 d’entre elles ayant été ensuite mises en examen. 49 personnes ont été écrouées parmi lesquelles 29 sont condamnées et 20 ont été placées en détention provisoire (12 contrôles judiciaires). Il y a actuellement en cours plusieurs informations judiciaires en lien direct ou indirect avec l’orpaillage dont les deux tiers comportent des qualifications criminelles.

Le bilan judiciaire en 2009 est donc le suivant :

- 20 comparutions immédiates ;

- 45 déférés ;

- 17 convocations à audience par officiers de police judiciaire ;

- 6 réquisitoires introductifs aux fins d’information judiciaire.

Par ailleurs, la juridiction de Cayenne est en situation d’engorgement par rapport au contentieux généré. L’orpaillage génère une délinquance connexe (prostitution, trafic d’arme, trafic de stupéfiants, voire meurtres, étrangers en situation irrégulière). Elle connaît en outre une délinquance de droit commun tout à fait exceptionnelle liée à la situation géographique. On parle de « délinquance sud-américaine ».

Les accords de coopération signés entre la France et le Brésil en 1997, sur la coopération policière et la coopération en matière de sécurité publique, méritent d’être complétés par un accord spécifique sur ce fléau en particulier.

3° Le projet d’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial a pour objet de renforcer la coopération franco-brésilienne pour la prévention et la répression des activités de recherche et d’exploitation aurifère sans autorisation dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial. Il devrait donc améliorer les réponses apportées à ce phénomène préoccupant.

Cet accord développe plusieurs angles d’action :

- la soumission de l’activité d’exploitation aurifère à des autorisations dans les deux Etats ;

- l’amélioration du contrôle de l’activité de négoce de l’or et des entreprises commercialisant le matériel utilisé pour trouver de l’or ;

- le contrôle de l’activité de transporteur sur le fleuve ;

- l’adoption de mesures pénales.

Sur le terrain, des actions de coopérations renforcées pourraient déjà intervenir de façon « informelle » entre les autorités poursuivantes (police, gendarmerie, procureurs), à l’instar de ce qui est intervenu en matière de pêches illégales (tapouilles) et qui donne de bons résultats. Cependant, en pratique, le constat « terrain » montre que cette coopération « informelle » reste délicate et nécessite d’être officialisée en s’appuyant sur un accord entre les deux pays.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention

Conséquences économiques

En limitant l’exploitation clandestine des ressources fluviales et en contrôlant les échanges de matériel utilisé pour l’orpaillage, l’accord devrait encourager la valorisation légale des richesses naturelles propres à la région frontalière et augmenter les flux reconnus de part et d’autres du fleuve, ainsi qu’encourager l’embauche de main d’œuvre déclarée.

Conséquences sociales

En améliorant la lutte contre le phénomène, l’accord contribuera à diminuer l’impact négatif de l’orpaillage sur les conditions de vie sanitaires des populations locales. Il devrait en outre permettre de réduire le nombre d’orpailleurs en situation irrégulière et de favoriser leur réinsertion au sein du marché du travail « légal », ce qui devrait se traduire par une baisse de la criminalité dans la région.

Conséquences environnementales

L’accord vise à diminuer le phénomène de l’orpaillage. En cela, il contribuera à diminuer l’impact négatif de cette activité sur la qualité des eaux et sur la faune et la flore locales.

Conséquences juridiques

L’accord vise à introduire une réglementation globale et transversale et un suivi de toutes les phases de l’activité d’orpaillage. A ce titre, il contribue au maintien de l’Etat de droit dans les zones protégées en Guyane et dans l’Etat de l’Amapa au Brésil, notamment.

Cet accord devrait générer une coopération renforcée entre les autorités poursuivantes des Etats parties pour améliorer les contrôles de l’activité de négoce, afin que celle-ci se fasse de manière systématique, ainsi que la mise en œuvre des mesures de droit pénal de fond et de procédure pénale adoptées par les Etats.

Les dispositions du code pénal, du code de procédure pénale, du code minier citées en I - 2) sont suffisantes pour assurer une mise en œuvre des stipulations de l’accord en matière de prévention et de répression, et vont même au-delà avec notamment les nouvelles dispositions du code minier adoptées depuis la loi du 27 mai 2009 (répression accrue de l’infraction d’orpaillage, adaptation du code de procédure pénale en facilitant les modalités de la garde à vue et en permettant la délocalisation des affaires les plus importantes sur la juridiction inter-régionale spécialisée de Fort de France). Par ailleurs, le ministre de la justice a évoqué la création d’une cour d’appel à Cayenne.

Les dispositions juridiques internes actuelles, que ce soit en France ou au Brésil, contiennent déjà les régimes d’autorisation prévus par l’accord.

Conséquences administratives

L’accord vise à intensifier le dialogue franco-brésilien et faciliter la collaboration entre les autorités de part et d’autres du fleuve. Il devrait donc simplifier les procédures de travail conjoint entre les services brésiliens et français (services de police et de gendarmerie notamment) et accélérer la mise en œuvre des décisions impliquant les deux parties (préfecture de Guyane et Etat de l’Amapa).

III. - Historique des négociations

L’accord avait été annoncé au mois de février 2008 à l’occasion de la visite du Président de la République au Brésil. Cet accord devait être signé à l’occasion de la commission transfrontalière du mois de juin 2008. La signature n’a pas pu intervenir, la partie brésilienne souhaitant soumettre l’accord à des experts afin de s’assurer qu’il soit en adéquation avec la réalité du terrain.

IV. - Etat des signatures et ratifications

L’accord n’a pas encore été approuvé par la Partie brésilienne.


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