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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement des Emirats arabes unis relatif à la coopération

en matière de défense ainsi qu'un échange de lettres

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ÉTUDE D’IMPACT

L'accord de coopération en matière de défense signé à Abou Dabi le 18 janvier 1995 avec l’Etat des Emirats arabes unis (EAU) est insuffisant tant du point de vue du champ de coopération couvert que de la protection offerte à nos personnels respectifs.

En effet, la relation franco-émirienne de défense s’est récemment développée, tant par le biais de coopérations en matière opérationnelle, d’armement et de renseignement, que par l’implantation d’une base militaire française à Abou Dabi qui devrait à terme accueillir cinq cents militaires, dont deux cents affectés en séjour avec leur famille.

Le renforcement de ces relations doit nécessairement s’inscrire dans un cadre juridique durable, s’agissant notamment :

- de l’institution d'instances de dialogue pérennisées entre les autorités françaises et émiriennes telle qu'une commission mixte et des sous-comités sectoriels ou thématiques ;

- des règles applicables aux éventuels exercices et manœuvres conjoints sur le territoire émirien ou français ;

- de la protection juridique des personnels militaires et civils relevant des ministères en charge de la défense et de la sécurité, appelés à participer à des actions de coopération bilatérales.

L'accord de coopération signé le 26 mai 2009 vise en particulier à formaliser les domaines de coopération bilatérale ainsi que le statut des forces appelées à mettre en œuvre ces différentes formes de coopération, sur les territoires français ou émirien. L’échange de lettres signées le 15 décembre 2010 précise les modalités d’application des stipulations de l’article 11 de l’accord de coopération signé le 26 mai 2009 en apportant des garanties supplémentaires en particulier lorsque les peines encourues sont inapplicables dans l’un des Etats parties.

Impact en matière de sécurité et de défense

L’accord permettra de formaliser une coopération et une relation de défense étroites, d’établir un statut réciproque pour les personnels militaire et civil de chacune des parties ainsi que les personnes à charge de nature à permettre aux forces françaises et émiriennes de mener des activités dans les meilleures conditions.

Les coopérations envisagées tendent à la satisfaction de l’intérêt général : elles interviennent notamment dans les domaines du renseignement, de la formation, de l’entraînement du personnel et des exercices conjoints

Parmi ces actions de coopération, certaines revêtent une dimension majeure, notamment en matière de formation au combat de nos propres forces, de perspectives de débouchés pour nos industries de défense et de soutien à nos opérations extérieures.

Dans le premier de ces registres, il convient de mentionner les actions d’entraînement conjointes entre forces terrestres qui découleront naturellement de la présence d’un Groupement « Terre » au sein de l’implantation militaire française aux EAU (l’IMFEAU) et à travers lesquelles nos unités trouveront des conditions uniques d’aguerrissement et d’acclimatation au combat en zone désertique, essentielles à leur capacité opérationnelle étendue. De même, notre armée de l’air trouve aux EAU des conditions de vol exceptionnelles, qui font de notre composante aérienne sur place un outil en passe d’être totalement intégré au dispositif de formation et de progression opérationnelle de nos pilotes.

En termes de levier pour nos industries de défense, cette coopération « air », par son exemplarité et l’excellence des résultats obtenus, démontre de manière éclatante la qualité de nos équipements et contribue ainsi de matière déterminante à l’appui de notre prospect « Rafale ».

De même, le soutien apporté, dans le cadre du partenariat stratégique incarné par notre accord, à la conception et à création par les Emiriens d’un Centre national de combat en zone urbaine pourra déboucher sur un positionnement privilégié des industriels français spécialisés dans l’instrumentation de ce type de structure.

En outre, la dynamique renouvelée créée par cet accord permettra à nos opérations extérieures de continuer à bénéficier de manière accrue de la plateforme d’Abou Dabi comme pivot logistique majeur à destination du théâtre afghan, et d’optimiser ainsi nos flux logistiques tout en générant de très importantes économies financières. Ces dernières sont encore amplifiées par la mise à disposition gracieuse de la part des EAU de leurs capacités de transport aérien stratégique, dont le partenariat bilatéral renforcé constitue le fondement.

L’IMFEAU procure également à l'Amiral commandant les forces maritimes françaises de l'océan Indien (ALINDIEN) un point d’ancrage régulier dans le Golfe qui permet de mieux prendre en compte les orientations novatrices du Livre blanc dans cette région.

Enfin, l’affermissement du socle de notre coopération avec les EAU permettra de créer des conditions politiques favorables à la rationalisation indispensable de nos exercices par le biais d’une multilatéralisation progressive, à l’instar de l’exercice majeur franco-émirien « Gulf Shield » qui, déjà ouvert au Qatar en 2012, pourrait voir lors de cette édition une première participation du Koweït.

Afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre de l’accord, un Haut comité mixte militaire, qui constituera une instance de dialogue privilégiée, est institué.

Sur le plan géostratégique, l’engagement consolidé de la France à travers cet accord témoignera avec une force accrue de sa volonté d’assumer, aux côtés des EAU, ses responsabilités de puissance globale dans une région névralgique du monde avec, pour les exercer, l’instrument privilégié que constituera l’IMFEAU au terme de sa montée en puissance.

En s’engageant ainsi avec les EAU, mais aussi indirectement auprès l’ensemble de ses partenaires au Moyen-Orient, la France pourra se poser en acteur essentiel des grands équilibres mondiaux et défendre les intérêts nationaux en renforçant sa crédibilité comme contributeur majeur de la stabilité du Golfe arabo-persique.

Les dispositions de l’accord (article 4) sont pleinement compatibles avec, d’une part, les engagements de la France dans le cadre des Nations Unies (articles 2 et 51 de la charte des Nations Unies), et d’autre part ses engagements dans le cadre de l’OTAN et de l’UE . Le Traité de Washington du 4 avril 1949 n’exclut pas la possibilité pour un Etat Partie au traité de Washington de conclure des accords avec des Etats tiers, pour autant qu’ils ne soient pas en contradiction avec ledit Traité (article 8). Le Traité sur l’Union européenne (article 42.7) renvoie aux engagements souscrits par les Etats- membres dans le cadre de l’OTAN.

Impact en matière financière

L’accord prévoit des demandes d’indemnités à l’encontre de la France en cas de dommages causés par des personnels français. Cette stipulation ne fait pas courir au budget de l’Etat un risque financier plus important que celui encouru en cas de demandes identiques relatives à des évènements survenus sur le territoire français du fait de nos personnels.

La répartition des coûts liés aux activités de coopération est conforme à notre pratique, les avantages octroyés étant réciproques : « Les membres du personnel ainsi que les personnes à charge ont accès aux services militaires de santé de l’Etat d’accueil. Les soins d’urgence assurés dans les services médicaux des armées de l’Etat d’accueil sont gratuits. Les évacuations sanitaires sur le territoire de l’Etat d’accueil sont assurées à titre gratuit ».

Impact en matière juridique

En vertu du premier alinéa de l’article 11 de l’accord, les Parties s’engagent à ce que la peine de mort, dans l’hypothèse où elle serait prononcée par l’une des Parties dans le cadre de l’exercice de sa compétence de juridiction, ne soit pas exécutée.

Une telle réserve, inspirée de réserves figurant dans des conventions d’extradition, permet de satisfaire aux exigences de l’ordre public français et aux dispositions de l’article 66-1 de la Constitution qui prohibe la peine de mort.

En vertu du second alinéa de l’article 11, «dans le cas d’une peine non applicable par l’une ou l’autre des Parties, cette peine, si elle devait être prononcée, aurait un substitut acceptable par l’autre partie ».

Cette stipulation permet de garantir que les peines prononcées par l’Etat exerçant sa priorité de juridiction, mais non applicables par l’autre Etat cocontractant car contraires à son ordre public interne ou à ses obligations en vertu des conventions internationales auxquelles il est Partie, ne seront pas exécutées.

Dans l’hypothèse où une telle peine serait prononcée par la Partie exerçant sa priorité de juridiction, l’autre Partie serait fondée, en vertu de la convention, à opposer son ordre public, par les voies diplomatiques ou par le truchement du comité de suivi institué par l’accord, à charge pour l’autorité judiciaire de la Partie exerçant sa compétence juridictionnelle de substituer à la peine prononcée une peine applicable par l’autre Partie.

Ces stipulations ont été précisées par l’échange de lettres signées le 15 décembre 2010. Il détermine les modalités de priorité de juridiction pour l’application des alinéas 2,3 et 4 de l’article 11 de l’accord de coopération en matière de défense. En outre, l’accord par échange de lettres établit, aux fins d’application de l’article 11 alinéa 11 de l’accord de coopération en matière de défense, un mécanisme de proposition d’une peine de substitution en cas de peine inapplicable et détaille la procédure de détermination d’une peine de substitution au cas où la peine de mort ou de châtiments corporels serait prononcée.

Les termes de l’accord garantissent ainsi que des peines qui constitueraient des traitement prohibés par l’ordre public interne ou qui seraient regardés par la France comme constituant des traitements inhumains ou dégradants interdits par des conventions internationales auxquelles elle est partie, ne pourront être exécutées à l’encontre de nos ressortissants. L’accord par échange de lettres précise à cet égard que la partie qui exerce sa priorité de juridiction ne peut prononcer, si les deux parties ne se mettent pas d’accord sur une peine de substitution, qu’une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende.

Les peines prévues par le droit français ayant un équivalent en droit émirien, l’hypothèse d’une condamnation par les juridictions françaises d’un ressortissant émirien à une peine « non-applicable » en droit émirien paraît devoir être écartée. Il n’y a donc pas lieu de prévoir une voie spéciale en procédure pénale.

Par ailleurs, les garanties afférentes au droit au procès équitable et impartial au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont mentionnées dans le présent accord.

Historique des négociations de l'accord

Le projet d’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Emirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense a été examiné en réunion interministérielle le 22 janvier 2009 à Matignon.

La négociation de cet accord a donné lieu à plusieurs sessions de négociation interministérielles à Abou Dabi, de janvier à avril 2009.

Une seconde réunion interministérielle a été organisée le 6 mai 2009 à Matignon.

La finalisation des négociations a été conduite par itérations successives à partir du 12 mai 2009. D'ultimes évolutions du texte ont été agréées à Abou Dabi dans les derniers jours précédant la signature.

Cet accord a été signé à Abou Dabi le 26 mai 2009, en marge de la visite présidentielle.

Afin de renforcer la protection juridique des personnels militaires et civils relevant des ministères en charge de la défense et de la sécurité, appelés à participer à des actions de coopération bilatérales, il a été convenu de préciser les modalités d’application de l’article 11 de l’accord signé le 26 mai 2009. Tel a été l’objet des discussions ultérieures à la signature de l’accord, qui ont conduit à la conclusion le 15 décembre 2010 de l’accord sous forme d’échange de lettres relatif à l’interprétation de l’accord de coopération en matière de défense. Le signataire, côté français, est le Ministre d’Etat, ministre de la défense et des anciens combattants. Le ministre émirien des Affaires étrangères a signé, pour le Gouvernement des Emirats arabes unis, le même jour, à l’occasion de la visite à Paris du Prince héritier.

Un état des ratifications par la ou les autres Parties contractantes à l'accord en cause.

A ce jour, le texte n’a pas fait l’objet d’une ratification par la partie émirienne.

Le texte des déclarations ou réserves que le gouvernement français envisage de faire, le cas échéant.

Sans objet, s’agissant d’un accord bilatéral.


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