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le 29 octobre 2007


N° 156

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale pour établir des règles de transparence concernant les groupes d’intérêt,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mme Arlette GROSSKOST, MM. Patrick BEAUDOUIN, Jean-Paul ANCIAUX, Mme Martine AURILLAC, M. Jacques Alain BÉNISTI, Mme Véronique BESSE, MM. Gabriel BIANCHERI, Jérôme BIGNON, Jean-Marie BINETRUY, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Philippe BOËNNEC, Marcel BONNOT, Jean-Yves BONY, Mme Chantal BOURRAGUÉ, MM. Loïc BOUVARD, Michel BOUVARD, Mmes Françoise BRANGET, Chantal BRUNEL, MM. Patrice CALMÉJANE, Pierre CARDO, Dino CINIERI, Mme Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, MM. Yves COCHET, René COUANAU, Jean-Yves COUSIN, Gilles D’ETTORE, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Richard DELL’AGNOLA, Mme Sophie DELONG, MM. Michel DIEFENBACHER, Jean DIONIS du SÉJOUR, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Renaud DUTREIL, Yannick FAVENNEC, Alain FERRY, Daniel FIDELIN, Marc FRANCINA, Mme Cécile GALLEZ, MM. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Gérard GAUDRON, Alain GEST, Franck GILARD, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GORGES, Didier GONZALÈS, Philippe GOSSELIN, Maxime GREMETZ, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Francis HILLMEYER, Michel HEINRICH, Antoine HERTH, Patrick LABAUNE, Mme Marguerite LAMOUR, MM. Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Jean-Marc LEFRANC, Jean-Louis LÉONARD, Michel LEZEAU, François LOOS, Gérard LORGEOUX, Daniel MACH, Alain MARC, Philippe Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Claude MATHIS, Jean-Philippe MAURER, Mme Marie-Anne MONTCHAMP, MM. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Georges MOTHRON, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Pierre NICOLAS, Philippe PEMEZEC, Bernard PERRUT, Mme Bérengère POLETTI, MM. Michel RAISON, Éric RAOULT, Jean-Luc REITZER, Francis SAINT-LÉGER, Rudy SALLES, Jean-Marie SERMIER, Jean-Pierre SOISSON, Michel SORDI, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Christian VANNESTE, Patrice VERCHÈRE, Philippe VIGIER et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La situation du lobbying en France est aujourd’hui paradoxale. Parfois assimilé à du trafic d’influence, voire à de la corruption, sa pratique n’est que difficilement admise. N’étant pas reconnu, il ne peut donc pas être encadré, ce qui alimente les soupçons. Certains excès survenus lors des législatures précédentes ont, du reste, pu alimenter la défiance publique. En décembre 2005, à l’occasion du projet de loi relatif aux droits d’auteurs et droits voisins dans la société d’information, une démonstration commerciale organisée par des sociétés de téléchargement musical à proximité immédiate de l’hémicycle (jurisprudence dite « Virgin ») a ainsi profondément choqué.

Omniprésent, le lobbying est une activité qu’il serait vain de chercher à interdire. Elle constitue d’ailleurs une forme d’expression de la société civile, utilisée par des entreprises, des syndicats, des groupements professionnels, des ONG, des associations. À ce titre, le lobbying peut aider l’Assemblée nationale à accompagner avec constance les évolutions économiques, sociales, scientifiques et culturelles, et être un aiguillon d’une politique démocratique, saine et efficace.

Mais, pour éviter des dérives, les activités de lobbying doivent être réglementées. M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, a ainsi fait part de sa volonté « d’élaborer des règles de transparence et d’éthique sur le lobbying »1. Il souhaite ainsi « mieux organiser la place et les méthodes du lobbying parlementaire ». Pour le président de l’Assemblée nationale, « le lobbying est utile, mais il doit être codifié, pour que la profession donne l’image de plus de transparence et de plus d’éthique »2.

La présente proposition instaure des règles d’accès à l’Assemblée nationale et de conduite pour les représentants de groupes d’intérêt.

De telles règles ont déjà été largement éprouvées dans de nombreuses démocraties occidentales. Ainsi, des systèmes d’enregistrement des groupes d’intérêt sont en vigueur au Congrès des États-Unis (Lobbying Disclosure Act), à l’Assemblée nationale du Québec (loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme), au Bundestag (annexe 2 du Règlement) et au Parlement européen (article 9, paragraphe 4, du Règlement et code de conduite en annexe IX, article 3).

Les parlementaires français, interrogés par questionnaire au mois de mars 2007, ont d’ailleurs majoritairement exprimé leur souhait de voir de telles règles être instaurées. Ils y gagneront des interlocuteurs identifiés, suivis et reconnus. Disposant ainsi d’une information plus étayée, plus fiable et plus claire, les députés conserveront et renforceront leur pleine et inaliénable capacité d’arbitrage in fine, et ce, dans l’unique souci du bien commun et de l’intérêt général.

Les lobbyistes français seraient favorables à un système d’enregistrement, comme l’a souligné le chercheur Emiliano Grossman dans l’ouvrage Lobbying et vie politique3. La proposition de résolution n° 3399 déposée le 30 octobre 2006, dont la présente proposition reprend les dispositions, a du reste reçu un accueil approbateur de la plupart des acteurs concernés, dont certains ont été auditionnés.

Pouvoirs publics, groupes d’intérêt divers, organisations représentatives des lobbyistes professionnels, ont en effet exprimé leur souhait de voir s’instaurer une transparence accrue. L’attente de l’opinion publique étant, en ce domaine, majeure.

Dans son rapport 2006, récemment remis au Premier ministre et au garde des sceaux, le service central de prévention de la corruption (SCPC), service interministériel placé auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, consacre un chapitre au lobbying. Il y souligne l’intérêt de la proposition de résolution n° 3399. Pour le SCPC, l’initiative d’encadrement du lobbying « ne peut venir que des parlementaires eux-mêmes, parlementaires qui ont la volonté d’améliorer le fonctionnement de la démocratie et de revaloriser l’image du monde politique. Le lobbying pourra ainsi être reconnu comme l’expression de la société civile, et jouera son rôle en toute transparence. »4

Aujourd’hui, l’article 23 du Règlement de l’Assemblée nationale interdit la constitution, au sein de l’Assemblée nationale, de groupes de défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels entraînant pour leurs membres l’acceptation d’un mandat impératif, de même que la réunion, dans l’enceinte du Palais, de groupements permanents tendant à la défense des mêmes intérêts. Quant à l’article 79, il interdit à tout député d’adhérer à une association ou à un groupement de défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels ou de souscrire à l’égard de ceux-ci des engagements concernant sa propre activité parlementaire, lorsque cette adhésion ou ces engagements impliquent l’acceptation d’un mandat impératif.

Mais le Règlement de l’Assemblée nationale est lacunaire à l’endroit des représentants de groupes d’intérêt souhaitant exposer leur position et leur expertise aux parlementaires avant l’élaboration et la discussion de chaque loi. Il convient donc de mettre en place de véritables règles d’accès et de conduite qui permettront, notamment par le biais d’un registre, d’assurer l’identification et la transparence de la représentation de groupes d’intérêt désireux de rassembler et de fournir des informations pour les travaux de l’Assemblée, des parlementaires et des commissions.

Compte tenu de l’importance de ce sujet, il appartient à l’ensemble des députés de débattre et de se prononcer sur l’opportunité de telles mesures, à charge ensuite pour le Bureau de l’Assemblée nationale d’élaborer un code de conduite qui figurera dans son Instruction générale et de préciser le contenu et les modalités de la publicité du registre.

En complément de l’application de cette résolution, l’Assemblée nationale pourrait également saisir cette occasion pour :

– définir et encadrer l’organisation des groupes d’études, qui se verraient attribuer l’organisation des voyages d’études ;

– confier la gestion des colloques parlementaires aux commissions permanentes concernées ;

– créer une base de données où chaque groupe d’intérêts enregistrés pourrait déposer ses expertises et ses positions ;

– favoriser le pluralisme des groupes d’intérêts enregistrés ;

– valoriser le droit de pétition auprès de l’Assemblée nationale ;

– mettre en place un statut des collaborateurs parlementaires, en concertation avec ces derniers : à l’instar des règles en vigueur au Parlement européen, ce statut conférerait aux collaborateurs parlementaires une réelle reconnaissance et préciserait notamment que l’exercice d’une autre activité professionnelle n’est possible qu’en toute transparence et si cette dernière est sans rapport direct avec la pratique du lobbying.

Dans son livre vert sur l’initiative européenne en matière de transparence publié en mai 2006, la Commission européenne estime que « des normes élevées en matière de transparence participent de la légitimité de toute administration moderne ». La France a tout intérêt à faire sienne cette déclaration et à l’appliquer au fonctionnement de ses propres institutions, à commencer par l’Assemblée nationale.

L’instauration d’un enregistrement obligatoire pour les représentants de groupes d’intérêt demandant à accéder à l’Assemblée nationale contribuera à remplir cette exigence de transparence, principe essentiel de la pérennité et de la modernité démocratique. C’est un préalable indispensable pour une communication efficace, transparente et constructive entre les parlementaires et les forces vives de la Nation, et pour la confiance des citoyens envers leurs élus.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’article 23 du Règlement de l’Assemblée nationale est complété par un 3 ainsi rédigé :

« 3 Les questeurs sont responsables de la délivrance de laissez-passer nominatifs, d’une durée de validité maximale d’un an, aux personnes qui demandent à accéder fréquemment aux locaux de l’Assemblée nationale en vue de fournir des informations aux députés dans le cadre de leur mandat parlementaire, et ce pour leur propre compte ou celui de tiers.

« En contrepartie, ces personnes doivent :

« 1. s’inscrire dans un registre tenu par les questeurs et mis à la disposition du public ;

« 2. respecter le code de conduite figurant dans l’Instruction générale du Bureau de l’Assemblée nationale.

« Les questeurs se réservent le droit de suspendre la validité des laissez-passer nominatifs des personnes figurant au registre en cas de manquement au code de conduite. Cette suspension sera mentionnée au registre.

« Les dispositions d’application du présent paragraphe sont réglées par une instruction du Bureau. »

1  Dépêche AFP, 3 juin 2007.

2  Le Figaro, 26 juin 2007.

3  Grossman, Emiliano, « Lobbying et vie politique », Problèmes politiques et sociaux, novembre 2005, n° 918, La Documentation française, p. 10.

4  Service central de prévention de la corruption, Rapport 2006, La Documentation française, p. 109.


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