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mis en distribution

le 9 juin 2008


N° 229

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à intégrer au code civil
le
caractère sensible de l’animal,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mmes Muriel MARLAND-MILITELLO, Martine AURILLAC, MM. Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Loïc BOUVARD, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Richard DELL’AGNOLA, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas FORISSIER, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Mme Arlette GROSSKOST, M. Christophe GUILLOTEAU, Mmes Françoise HOSTALIER, Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Patrice MARTIN-LALANDE, Mmes Henriette MARTINEZ, Bérengère POLETTI, MM. Éric RAOULT, Jacques REMILLER, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU et François VANNSON,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Suivant les termes des articles 524 et 528 du code civil, le régime juridique actuel de l’animal l’assimile à un bien meuble. Ce régime juridique fait l’objet de demandes de modifications maintes fois exprimées.

Le Gouvernement s’est montré conscient de la nécessité d’une réforme. Au cours d’une réunion en présence du Premier Ministre au mois de février 2004, cette question avait fait l’objet d’un débat à l’issue duquel le garde des sceaux a confié à Mme Antoine, magistrat, un rapport résumant les données du problème et contenant des propositions de modifications.

Déposé le 10 mai 2005, ce rapport met en particulier l’accent sur la nécessité de reconnaître, dans le code civil, la qualité d’être vivant, doué de sensibilité, à l’animal et de déduire de cette qualification de base, le régime juridique qu’il convient d’adopter à son égard.

Très récemment, le Président de la République a demandé au ministre de l’agriculture et de la pêche d’organiser une grande réflexion baptisée « Animal et société » dont l’un des trois groupes de travail est consacré au statut de l’animal. La mise en place de ce groupe « témoigne de la volonté de préciser les statuts juridiques de protection de tous les animaux qu’ils soient de compagnie, domestiques, sauvages ou utilisés en expérimentation. Ce premier thème doit permettre de rassembler l’ensemble des acteurs autour d’une réflexion commune visant à mieux prendre en compte que tout animal est un être sensible qui ne doit pas être utilisé par l’homme de façon abusive », selon les termes employés sur le site animaletsociete.com du ministère.

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Les articles actuels du code civil concernant les animaux répondaient, lors de leur rédaction en 1804, aux préoccupations utilitaires d’un pays à vocation essentiellement agricole. Ainsi, en ce début de XIXe siècle les animaux étaient des biens sur lesquels les hommes avaient un droit de propriété quasi absolu. Cela ne correspond plus à nos mentalités et à nos mœurs actuelles.

À la même époque, au plan juridique, l’esclavage était autorisé, les femmes n’étaient pas des citoyennes à part entière, ce qui ne correspond plus à notre législation actuelle sur la condition humaine et sociale.

Cependant, force est de constater que notre législation actuelle sur les animaux ne correspond plus à notre époque.

Car de nos jours, l’intérêt porté aux comportements animaux a considérablement transformé notre perception du monde animal, notamment par l’importance prise par les animaux familiers au sein des sociétés humaines.

D’autre part, les réflexions, les recherches scientifiques et philosophiques contemporaines mettent en avant l’unicité des êtres vivants.

Ces différents facteurs imposent la mise en place d’un régime juridique plus cohérent s’harmonisant avec les autres textes législatifs en vigueur dans notre pays.

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Il s’agit notamment de mettre en cohérence le code civil avec les dispositions :

– du code pénal, qui, dans son article 521-1, protège l’animal dans sa nature d’être sensible, condamnant lourdement les sévices graves commis envers les animaux placés sous responsabilité humaine (30 000 € d’amende et 2 ans d’emprisonnement).

– du code rural, qui reprend les dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1976 : «Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

En cohérence avec le droit européen, le législateur ne considère donc plus l’animal comme un bien traditionnel. En effet, le droit de propriété s’exerçant sur lui est limité en vue de la protection de son intérêt propre, et le maître d’un animal a l’obligation d’assurer son « bien-être », ce qui est incompatible avec la définition juridique de «bien-meuble» que l’on retrouve encore actuellement dans notre code civil.

On ne peut donc plus inscrire l’animal dans le droit traditionnel des biens car il n’est pas seulement une valeur marchande mais il possède une valeur intrinsèque à sa nature spécifique.

C’est pourquoi l’animal doit figurer dans un chapitre particulier du code civil, qui le sorte du droit des biens. Ceci n’aura évidemment pas pour résultat de conférer à l’animal une quelconque reconnaissance d’un statut de sujet de droit. Son régime d’appropriation n’en sera naturellement pas davantage modifié.

C’est la raison pour laquelle, Mesdames, Messieurs, il est urgent que le Parlement s’honore d’inscrire à son ordre du jour cette proposition de loi et de l’adopter. Car elle est en adé-quation avec les législations européennes, car elle est en adéquation avec l’esprit de notre siècle !

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans le livre II du code civil, il est inséré un titre Ier A ainsi rédigé :

« TITRE IER A

« DES ANIMAUX

« Art. 515-9. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité.

« Ils doivent être placés dans des conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et au respect de leur bien-être.

« Art. 515-10. – L’appropriation des animaux s’effectue conformément aux dispositions du code civil sur la vente et par les textes spécifiques du code rural. »

Article 2

L’article 522 du même code est abrogé.

Article 3

L’article 524 du même code est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sont immeubles par destination, quand ils sont placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds : » ;

2° Les troisième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas sont supprimés.

Article 4

L’article 528 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 528. – Sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent être transportés d’un lieu à un autre. »

Article 5

L’article 544 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La propriété des animaux est limitée par les dispositions légales qui leur sont propres. »


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