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mis en distribution

le 14 mars 2008


N° 526

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver les mineurs du tabagisme,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Yanick PATERNOTTE, Abdoulatifou ALY, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Roland BLUM, Claude BODIN, Yves BUR, Patrice CALMÉJANE, Éric CIOTTI, Georges COLOMBIER, Jean-Pierre DECOOL, Nicolas DHUICQ, Daniel FASQUELLE, Mmes Marie-Louise FORT, Arlette FRANCO, MM. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Guy GEOFFROY, Mme Annick GIRARDIN, MM. Didier GONZALÈS, Michel GRALL, Jacques GROSPERRIN, Michel HERBILLON, Mmes Françoise HOSTALIER, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Marguerite LAMOUR, MM. Pierre LASBORDES, Marc LE FUR, Mme Geneviève LEVY, MM. Michel LEZEAU, Lionnel LUCA, Guy MALHERBE, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Pierre NICOLAS, Bertrand PANCHER, Bernard PERRUT, Frédéric REISS, Rudy SALLES, Bruno SANDRAS, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Guy TEISSIER, François VANNSON, Patrice VERCHÈRE et Jean-Sébastien VIALATTE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous connaissons tous les méfaits du tabagisme. 60 000 fumeurs décèdent chaque année en France, et on estime à 3 000 personnes le nombre de décès dû au tabagisme passif. Le tabagisme est par ailleurs la première cause de cancer en France.

Ainsi, tout en étant légal, le tabac est un produit dangereux, qui rend dépendant, et il l’est d’autant plus que sa consommation commence tôt et que l’on en a consommé pendant longtemps.

Bien sûr, face à ce phénomène, les pouvoirs publics ne restent pas inertes.

– Ainsi, en 1991, la France a fait voter une loi dite loi Evin « relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ». Notre pays se dotait ainsi d’une législation innovante et équilibrée.

– En mai 2003, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté le premier traité international destiné à lutter contre le tabagisme. Il prévoit notamment des augmentations de prix et de taxes, l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, la mise en place d’avertissements aux fumeurs sur les paquets de cigarettes.

– En octobre 2003, le gouvernement français a augmenté très fortement les taxes liées au tabac, qui ont engendré une hausse du prix du paquet de cigarettes de quelque 40 %. Des campagnes d’information sont régulièrement diffusées à l’initiative du ministère de la santé.

– Le 8 octobre 2006, le Premier ministre a annoncé son souhait d’interdire de fumer dans les lieux publics, interdiction en deux temps qui a pris la forme du décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006.

Cela étant, et malgré ces mesures, force est de reconnaître que le nombre de fumeurs reste très important : 1,3 milliard de fumeurs à travers le monde, dont 14 millions en France, soit 30 % de la population environ. Nombre de ces fumeurs connaissent les risques associés à leur consommation, et font pourtant le choix de continuer à fumer.

Ce choix semble acceptable s’il a été fait en connaissance de cause, et en connaissance des risques encourus. Fumer ne devrait être ainsi qu’un choix clairement assumé par des personnes en âge de comprendre et d’avoir « toutes les cartes en mains » pour le faire, un choix d’adulte.

Les jeunes, les mineurs, répondent-ils vraiment à cette exigence ? Sont-ils aujourd’hui assez informés et protégés vis-à-vis des méfaits du tabac ? Nous ne le pensons pas. Et ceci est d’autant plus problématique que plus le tabac est commencé jeune, et plus l’on en est dépendant par la suite.

C’est un véritable plan de protection des mineurs que nous proposons. Nous nous devons d’empêcher tout mineur d’être aisément en contact avec des produits du tabac.

Nous suggérons ainsi d’adopter trois mesures fortes, fondations pour nous d’un véritable « plan visant à préserver les mineurs du tabagisme » :

A – L’accès aux produits du tabac.

Le choix de fumer doit être celui d’un adulte éclairé et informé des risques auxquels il s’expose. Nous souhaitons proposer une mesure forte : l’interdiction de la vente aux mineurs des produits du tabac.

Cette mesure a pour objet tout d’abord d’éviter, dans la mesure du possible, l’expérimentation même du tabac, à un âge où l’acquisition des dépendances s’effectue durablement, et ensuite de diminuer la consommation du tabac chez les jeunes.

Selon une enquête, réalisée en 2002 par la Fédération française de cardiologie auprès de quatre cents adolescents, l’âge moyen auquel on fume la première cigarette se situerait, aujourd’hui, à onze ans et trois mois. Par ailleurs, plus d’un quart des jeunes « apprentis fumeurs » ont déclaré avoir fumé leur première cigarette dès l’âge de dix ans.

Nous pensons donc que l’interdiction de fournir du tabac aux mineurs paraît le moyen le plus efficace de les dissuader de commencer à fumer, puis d’en prendre l’habitude. C’est d’ailleurs une préconisation du rapport sur le livre vert « Vers une Europe sans fumée de tabac : les options stratégiques au niveau de l’Union européenne », adopté le 19 septembre 2007 par le Parlement européen.

B – L’interdiction des produits du tabac qui ciblent délibérément les mineurs.

Depuis quelques mois sont apparues sur le marché français ce qu’on appelle les « cigarettes bonbons ». Certaines ont le goût de la vanille, d'autres ont le goût sucré du chocolat, d’autres enfin ont le goût de la cerise : les cigarettes Black Devil, de couleur noire, et les Pink Elephant, rose bonbon, les Black Devil Cherry, remportent un succès problématique auprès des mineurs. Black Devil, Black Devil Cherry et Pink Elephant sont des marques produites par Heupink & Bloemen Tabak BV, le spécialiste hollandais du tabac à rouler, fabricant de cigarettes hollandais et qui ne possède d’ailleurs aucun bureau en France.

Tout est fait en effet pour attirer les plus jeunes, tous les leviers marketing couramment utilisés pour les séduire sont employés : noms attractifs (« Black Devil » ou « Pink Elephant »), goûts de sucreries (« chocolate flavour » ou « vanilla flavour »), présentation originale, puisque les cigarettes sont entièrement roses ou noires.

Nous considérons donc que cette pratique doit cesser immédiatement. Nous ne pouvons pas accepter, au nom de la santé publique et de la protection de nos jeunes, que des produits du tabac, grâce à ces artifices marketing, « ciblent » spécifiquement et uniquement les mineurs.

C – Limiter l’offre de tabac à rouler, réglementer le papier à rouler, fiscaliser le tabac à rouler.

La récente augmentation des prix des cigarettes sur le marché français semble avoir eu deux conséquences négatives.

– Elle a d’une part fait progresser les achats transfrontaliers de cigarettes,

– Elle a d’autre part renforcé l’attrait des jeunes pour les produits du tabac à rouler ou à tuber. Les jeunes, dont par définition les capacités financières sont généralement moindres que celles des adultes, sont bien entendu plus sensibles aux variations du prix des produits qu’ils consomment. Ces produits bénéficient d’un prix plus attractif que celui des cigarettes et tendent donc à être plus accessibles.

Par ailleurs, les produits du tabac à rouler ou à tuber ne peuvent trouver leur utilisation que dans leur combinaison avec les « accessoires » qui leur sont dédiés : feuilles de papier à rouler, filtres, tubes. Cependant, il existe une dichotomie importante entre les quantités de tabac à rouler en France et les volumes des « accessoires » vendus.

Ainsi, le marché du tabac à rouler et à tuber « pèse » quelque 7 200 tonnes.

On considère généralement qu’il faut utiliser 1 g de tabac à rouler ou à tuber pour réaliser une cigarette. Si l’on reprend les chiffres du marché, on obtient ainsi la quantité théorique d’un besoin de 61 millions de cahiers de 100 feuilles, de 11 millions de boites de 100 tubes et d’environ 61 millions de paquets de 100 filtres, soit un chiffre d’affaires théorique de 80 millions d’euros.

Or, les chiffres officiels de vente font état de 150 millions de cahiers de feuilles en France, soit près de deux fois et demi le nombre théoriquement nécessaire. Au total, le chiffre d’affaires avoisinerait plutôt les 170 millions d’euros.

Il convient donc de s’interroger sur l’utilisation finale des quelque 90 millions de cahiers de 100 feuilles restants.

Un récent rapport de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies) donne les estimations suivantes : « environ 850 000 personnes consommeraient du cannabis dix fois ou plus dans le mois (consommation régulière), dont 450 000 quotidiennement. Ce phénomène touche plutôt les jeunes adultes. En effet, 6,3 % des 18 à 25 ans sont concernés contre 1,3 % des 26-44 ».

De plus, le rapport ajoute que « selon des estimations récentes, il apparaît que près de onze millions de Français entre 12 et 75 ans (24 % de la tranche d’âge) l’ont déjà expérimenté et que 4,2 millions (18 %) en ont consommé dans l’année ».

Le chiffre d’affaires annuel issu de la vente de cannabis en France est estimé, à partir de données d’enquêtes déclaratives réalisées auprès de consommateurs, à 832 millions d’euros. La plus importante part des dépenses est attribuable aux personnes situées dans la tranche d’âge des 15-24 ans.

En conclusion, là où le marché du tabac à rouler nécessite un volume de 60 millions de cahiers de feuilles, le marché français du papier à cigarettes s’établit autour de 150 millions, le reste semble servir à alimenter la consommation d’un marché de produits stupéfiants.

1) Rationaliser l’offre de tabac à rouler.

La différence de prix entre cigarettes et tabac à rouler suscite un attrait croissant pour ce dernier de la part des fumeurs dont le pouvoir d’achat est le plus faible, et des jeunes.

Le conditionnement des cigarettes en paquets de 20, 25 ou 30 cigarettes a été rationalisé par une loi publiée le 27 juillet 2005 au Journal officiel. L’article L. 3511-2 du code de la santé prévoit que ne peuvent être autorisés désormais que les paquets de 20 cigarettes, et les paquets de plus de 20 qui sont composés d’un nombre de cigarettes multiple de 5.

Il n’en est pas de même pour le tabac à rouler : l’offre est si diverse qu’elle offre un pouvoir attractif important ! On trouve des conditionnements en 30 g, 33 g, 35 g, 40 g, 50 g, 65 g, 70 g, 75 g, 100 g… Nous considérons qu’il convient de rationaliser désormais le conditionnement du tabac à rouler, comme l’a été le conditionnement des cigarettes.

Nous proposons que le tabac à rouler ne soit plus conditionné qu’en blagues ou pots, à partir de 30 grammes (le minimum actuel), et composés d’un multiple de 10.

2) Taxer le papier à rouler comme un produit du tabac.

On sait que la fiscalité est l’arme la meilleure pour faire diminuer la consommation de tabac. Il convient d’en user, sans en abuser cependant, le différentiel de prix entre la France et les pays limitrophes encourageant, on le sait, les achats transfrontaliers.

Si « jouer » sur la fiscalité sur les cigarettes ne semble guère plus possible au regard de son niveau en France, il semble que l’on dispose encore de marges de manœuvre dans le domaine du tabac à rouler.

Nous considérons que nous devons désormais tenir compte de l’inscription des papiers et tubes au sein de la Loi Evin, et proposer une taxation adéquate au regard du marché grandissant des papiers à rouler.

Un exemple serait de taxer le papier à rouler à la même hauteur que le tabac à rouler, soit 58,57 %. Cela signifie que la vente d’un carnet de 100 feuilles au prix public d’un euro rapporterait soixante centimes d’euro sous forme de taxes à l’État.

Cette fiscalisation vise à améliorer la cohérence du dispositif législatif de lutte contre le tabagisme. Elle rapporterait quelque 100 millions d’euros à l’État. Elle permettrait en outre de responsabiliser les producteurs de papier à rouler, et bien sûr de protéger les jeunes consommateurs de l’accès à ce type de produit.

Tel est le sens de la proposition de loi que nous vous proposons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 3511-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3511-1-1.– Il est interdit de vendre ou d’offrir à titre gratuit à des mineurs de moins de dix-huit ans des produits du tabac. »

Article 2

Après l’article L. 3511-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3511-2-2.– La vente des cigarettes qui ont pour objectif délibéré d’être vendues uniquement aux mineurs est interdite en France.

« La vente des cigarettes dont le filtre a un goût volontairement sucré est interdite. »

Article 3

Dans le second alinéa de l’article L. 3511-2 du code de la santé publique, les mots : « , quel que soit leur conditionnement » sont remplacés par les mots : « et des contenants de plus de trente grammes dont le poids de tabac n’est pas un multiple de dix ».

Le papier à rouler est soumis au même droit de consommation que le tabac à rouler, en tant que produit annexe à la consommation.

Le taux normal est fixé à 58,57 %.

Le minimum de perception mentionné à l’article 575 du code général des impôts est fixé à 55 €.


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