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le 28 janvier 2008


N° 618

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à simplifier la vente des biens en indivision,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean-Luc WARSMANN ET Sébastien HUYGHE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a permis d’améliorer et de simplifier le règlement des successions. Elle facilite notamment les opérations courantes concernant les biens indivis, en permettant à une majorité de deux tiers des indivisaires de pouvoir prendre des actes de gestion. Cependant, cette loi n’a pas permis d’améliorer les conditions de mise en vente de ces biens. Trop souvent, les opérations de partage sont retardées ou bloquées par la mauvaise volonté d’un ou de plusieurs indivisaires.

C’est pourquoi la présente proposition de loi propose de créer une nouvelle modalité de vente des biens indivis, à la demande des deux tiers des indivisaires, sur autorisation judiciaire.

– Elle ne remet pas en cause les dispositifs relatifs au partage qui demeure le seul mode de sortie de l’indivision. Le partage – amiable ou judiciaire – a d’ailleurs été considérablement facilité par la loi du 23 juin 2006, dont les dispositions ne sont en vigueur que depuis le 1er janvier 2007. Ces dispositifs demeurent les plus appropriés pour le cas où un indivisaire est protégé ou présumé absent.

– Elle concerne le cas de figure où tous les indivisaires sont connus et localisés et où le partage se heurte au refus ou à l’inertie d’un ou plusieurs indivisaires. Il s’agit également de situations où le partage partiel (article 824 du code civil) ne peut s’appliquer utilement.

I. – La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a réformé la gestion des biens indivis.

Si les mesures conservatoires (1), définies par l’article 815-2 du code civil (auquel la loi de 2006 n’a apporté aucune modification) peuvent être prises par tout indivisaire, l’article 815-3 du même code – dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 – imposait le consentement unanime des indivisaires pour les actes d’administration et de disposition. Les actes d’administration tendent à faire fructifier un bien ou à l’améliorer sans en compromettre la valeur en capital. Il s’agit d’actes, matériels ou juridiques, de gestion normale non justifiée par un péril imminent. À l’exception des mesures conservatoires, les actes de gestion des biens indivis devaient donc recueillir l’accord de tous les indivisaires. Cette règle, très protectrice du droit de chaque indivisaire, conduisait souvent à une mauvaise gestion des biens ou à un recours fréquent au juge pour surmonter la paralysie.

Dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, l’article 815-3 du code civil permet à une majorité des deux tiers des indivisaires :

– d’effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;

– de donner un mandat général d’administration à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers ;

– de vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision.

En revanche, la règle de l’unanimité est conservée pour tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis, pour conclure et renouveler les baux ainsi que pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente des meubles indivis, ce qui paraît pertinent compte tenu de leurs conséquences sur le patrimoine indivis. Ce principe a été atténué par un amendement de la commission des Lois qui permet la signature d’un bail d’habitation selon la majorité des deux tiers. Il a été observé qu’il s’agit en effet d’un « acte de gestion courante », qui « ne paraît pas comporter des risques tels qu’il imposerait de conserver l’unanimité (le bail est conclu pour une durée de trois ans, le bailleur peut donner un congé pour vente sans acquitter d’indemnité) » (2).

L’unanimité des indivisaires demeure requise pour tout acte de disposition. Il est probable que l’extension pure et simple aux actes de disposition de la capacité de décision de deux tiers des indivisaires porterait atteinte au droit de propriété des autres indivisaires. D’ailleurs, selon des informations fournies par l’Institut d’études juridiques du Conseil supérieur du notariat, dans tous les pays européens qui connaissent l’indivision, aucun ne permet à une majorité d’indivisaires de procéder à des actes de disposition. Les droits de ces pays ne semblent pas prévoir qu’une aliénation d’un bien indivis puisse s’effectuer sans qu’un partage ne soit intervenu.

II. – Il convient d’améliorer les possibilités d’aliénation de ces biens.

A. – L’article 815-5 du code civil n’offre la possibilité de vendre un bien indivis qu’en cas de mise en péril de l’intérêt commun

Un indivisaire peut être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un autre indivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut. La possibilité de passer outre la règle de la majorité n’est reconnue que dans la mesure où l’autorité du juge le permet, car seul celui-ci peut dire où est l’intérêt commun, en présence de thèses adverses. Les articles 815-5 à 815-7 du code civil régissent ce système, que l’on peut considérer comme destiné à apporter un « remède d’exception » (3) aux inconvénients de l’unanimité.

L’acte autorisé par le juge peut être une aliénation, puisque le texte ne fait pas de distinction entre actes d’administration et actes de disposition. Cependant, une telle aliénation ne constitue pas pour autant une opération de partage (4), même si elle le facilite. Le prix tiré de l’aliénation a vocation à revenir dans la masse indivise à la place du bien vendu.

B. – Le dispositif proposé : la création d’une nouvelle possibilité d’aliénation, autorisée en justice.

Le dispositif de la présente proposition de loi prévoit que deux tiers des indivisaires indiquent à un notaire leur souhait d’aliéner le bien. Celui-ci dispose alors d’un mois pour en informer les autres indivisaires. Ces derniers ont ensuite deux mois pour faire connaître leur position.

En cas de refus ou de défaillance d’un ou plusieurs indivisaires, le notaire dresse un constat par procès-verbal. Le président du tribunal de grande instance est alors saisi afin d’« autoriser » l’aliénation. Cette autorisation devra notamment permettre de vérifier que cette vente « ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ».

Cette aliénation prend la forme d’une adjudication pour préserver les droits de l’opposant – ou des opposants – à cette aliénation.

La somme tirée de l’aliénation a vocation à revenir dans la masse indivise à la place du bien vendu, mais la vente simplifiera grandement les opérations de partage.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 815-5 du code civil, il est inséré un article 815-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 815-5-1. – Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, exprimer devant un notaire leur intention de procéder à l’aliénation d’un bien indivis. Si ce bien est démembré, la vente de sa pleine propriété s'effectue dans les conditions prévues aux articles 817, 818 et 819.

« Le notaire signifie, dans le délai d’un mois, par un acte extrajudiciaire, cette intention aux autres indivisaires. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

« Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à cet acte ou ne se manifestent pas dans un délai de deux mois à compter de sa signification, sans qu’ils soient dans le cas prévu à l’article 836, le notaire le constate par procès-verbal. Dans ce cas, le président du tribunal de grande instance peut autoriser, sur la requête des indivisaires mentionnés au premier alinéa, l’aliénation d’un bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

« Cette aliénation ne peut s’effectuer que par adjudication, dans la forme des licitations. Les sommes retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi.

« L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa. »

1 () Elles doivent être nécessaires et urgentes, selon les précisions apportées par la jurisprudence. Elles doivent ainsi être justifiées par un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des indivisaires.

2 () Rapport n° 2850 de M. Sébastien Huyghe, 8 février 2006, page 196.

3 () J. Patarin, obs. RTD civ. 1985.756

4 () Cass. 1re civ. 30 juin 1992


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